Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission entend une communication de M. Gilbert Roger sur le contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Institut français pour la période 2011-2013.
Nous sommes saisis pour avis du projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Institut Français.
Je formulerai une première observation sur la procédure. Le document a été transmis en deux temps, le contrat d'abord, les indicateurs, ensuite, le 28 novembre, ce qui a limité le délai d'examen dont nous disposons, alors que la loi avait prévu six semaines, pour produire un avis au conseil d'administration convoqué le 15 décembre.
Ma deuxième observation porte sur l'esprit de la démarche et la méthodologie observée pour la préparation de la convention.
Le choix de donner à l'Institut français un statut d'établissement public industriel et commercial, plutôt que de confier l'exercice de ses missions à une direction du ministère des affaires étrangères, procède d'une logique de recherche d'efficacité, reposant sur la volonté de laisser une plus grande autonomie à l'opérateur dans l'exécution de ses missions, d'une part, et à lui permettre, notamment par la conclusion de partenariats, de compléter les ressources mobilisables, d'autre part.
En règle générale, les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens poursuivent un double objectif :
- moderniser les relations entre l'opérateur et l'État, notamment en matière budgétaire ;
- définir les orientations stratégiques des opérateurs en associant des objectifs à des indicateurs quantitatifs et qualitatifs de performance, d'activité ou de suivi. L'examen de ces indicateurs doit permettre aux administrations de tutelle et au Parlement d'évaluer la pertinence de l'utilisation des ressources publiques.
En contrepartie de leurs engagements sur des objectifs de résultat et de maîtrise de leurs moyens, les opérateurs bénéficient d'une visibilité quant à l'évolution pluriannuelle de leurs ressources.
Les contrats d'objectifs et de moyens entrent donc bien dans une logique de responsabilisation et d'engagement mutuels des parties.
En règle générale, le projet de contrat est préparé par l'opérateur qui le soumet aux autorités de tutelle. Après une phase de négociation, les parties s'accordent sur sa rédaction. La Convention de l'Institut français ne reprend qu'imparfaitement cette démarche :
1. Selon la procédure définie par le décret du 30 décembre 2010, la première rédaction émane du ministère des affaires étrangères, ce qui n'est pas dans l'esprit de l'exercice de responsabilisation de l'opérateur mais s'apparente plutôt à une relation administrative de nature hiérarchique entre une administration centrale et un service extérieur ou déconcentré. Cette impression est corroborée par la multiplication des formules qui figurent dans le texte lui-même, qui conditionnent les objectifs à des accords des autorités de tutelle. Cette situation est sans doute justifiée, par la nouveauté de l'établissement, l'expérience insatisfaisante de Cultures France, la définition encore incertaine de sa relation avec les postes diplomatiques et les acteurs du réseau culturel français à l'étranger et bien entendu le domaine de la diplomatie culturelle lui-même. Néanmoins, elle conduit à s'interroger sur la réelle marge d'autonomie attendue de l'opérateur et sur sa capacité à moderniser le management des missions qui lui sont confiées.
2. La lecture du document foisonnant de 18 pages laisse également perplexe sur le sens de la démarche. Si sa présentation sous quatre grands objectifs regroupant 14 sous-objectifs de nature stratégique est conforme à l'exercice, en revanche, le texte est en réalité un catalogue d'objectifs secondaires d'importances variables. Était-il opportun par exemple, d'indiquer à l'Institut français que pour animer et soutenir les médiathèques du réseau, il devait « créer des outils de gestion et d'analyse du réseau » ? Fallait-il dans les actions de promotion de la langue française préciser qu'il devra conduire des actions au salon Expolangues ou au salon de l'Éducation, accueillir des élèves, des étudiants et des enseignants dans le cadre des programmes de mobilité « Rencontres internationales de jeunes », « Allons en France » ou « Profs en France » qui ne concernent en réalité que quelques centaines de personnes chaque année ? Et ce ne sont que des exemples. Les objectifs sont hétérogènes, ils ne sont plus hiérarchisés. Le contrat perd sa vocation d'outil de pilotage et de management.
3. Dès lors la règle, « un objectif = un indicateur » ne peut pas, fort heureusement d'ailleurs, être respectée. Et c'est à l'énoncé des 12 indicateurs que je me suis efforcé d'entrevoir quelles pouvaient être les priorités réelles assignées à l'opérateur. Là encore, le contraste entre le « trop » du contrat et le « trop peu » des indicateurs laisse place au doute. D'abord parce que ces indicateurs ne sont que des indicateurs de performance au sens de la mise en oeuvre de la LOLF et qu'aucun indicateur d'activité ou de suivi n'est présenté au regard du contrat. Ensuite, parce que nombre d'entre eux ne sont guère pertinents par rapport aux objectifs qu'ils sont censés évaluer. En quoi, le nombre de villes desservies rapporté au nombre de projets culturels soutenus par l'Institut, indicateur pertinent pour mesurer sa capacité à faire tourner un spectacle ou une exposition dans le réseau, est-il pertinent pour évaluer sa capacité d'adaptation en fonction des zones géographiques et des publics ? Enfin, parce ce qu'un certain nombre d'entre eux ne sont reliés à aucun objectif explicite dans le contrat, même si l'on perçoit à travers la description de nombreuses actions un objectif implicite sous-jacent comme l'utilisation des outils numériques. A tout le moins, eut-il été important de l'affirmer comme un sous-objectif dans le soutien du réseau ou dans l'amélioration du pilotage et de l'efficience dans la gestion des ressources.
4. Enfin, les engagements financiers sont présentés avec un tel luxe de réserves qu'ils perdent toute signification. L'essence d'un contrat d'objectifs et de moyens, c'est qu'en contrepartie des engagements d'un opérateur, l'État lui garantit pour plusieurs années un niveau de ressources réalistes pour remplir les objectifs. Chacun comprendra que la loi de finances s'impose, mais chacun comprendra également que l'opérateur ne pourra à défaut des ressources annoncées tenir ses objectifs. Or, on lui demande d'accepter les réserves sur le financement et en contrepartie d'atteindre les objectifs définis dans le contrat ! Tout cela dans le contexte où les efforts imposés aux opérateurs en loi de finances pour 2012 vont amputer leurs ressources de 10 %. A la signature (et on comprend mieux les réserves), ce ne sont pas 37 millions d'euros mais 34 millions d'euros dont disposera l'Institut français au titre du programme 185 pour exécuter ses missions...toutes ses missions ?
J'en viens maintenant au contenu de la convention pour relever les points positifs et les points négatifs à mes yeux.
Au titre des points positifs, je relève tout d'abord l'effort engagé pour orienter l'action de l'Institut en fonction de zones géographiques définies par le ministre des affaires étrangères et de lister les types d'actions prioritaires en fonction de chaque zone. Cette cartographie sera actualisée chaque année en fonction de l'évolution de nos priorités. Il est dommage qu'un indicateur du type « part des dépenses de l'Institut français pour le financement d'actions dans les zones prioritaires » n'ait pas été mis en place. Il aurait constitué un instrument utile de pilotage et d'évaluation.
Autre point positif, la réaffirmation de la mission de soutien à l'enseignement de la langue française en développant une expertise pour la formation des enseignants des systèmes éducatifs et en encadrant l'activité de cours de langue au niveau du réseau. Cet objectif est assorti d'un indicateur de performance, le nombre de personnels ayant bénéficié d'actions de formation soutenues par l'Institut : indicateur un peu sommaire qui ne tient pas compte de la durée de formation.
J'ai été étonné de constater l'importance attachée à l'opération « Afrique et Caraïbes en création », qui fait l'objet à elle seule d'un indicateur, mais il s'agit de la plus importante (plus de 2 millions d'euros engagés) dans le cadre de l'objectif de renforcement de la dimension culturelle de notre politique de solidarité. L'indicateur me paraît pertinent en ce qu'il engage l'Institut à travailler davantage avec des opérateurs locaux.
L'importance consacrée au soutien et au développement du réseau culturel m'a paru conforme à la mission de l'opérateur qui est d'être au service et à l'écoute de celui-ci pour mieux en fédérer les initiatives et lui apporter des services.
La convention et les indicateurs mettent à juste titre l'accent sur l'affectation croissante des crédits d'intervention au réseau et sur les actions de formation particulièrement structurantes à mes yeux.
Je regrette toutefois qu'aucun objectif transversal n'ai été explicitement fixé pour ce qui concerne la mutualisation des actions au service du réseau et notamment la stratégie numérique qui font pourtant l'objet de deux indicateurs de performance, l'un sur les crédits consacrés et l'autre sur le nombre de visiteurs, ce qui n'a pas grande signification, certains outils étant réservés aux seuls acteurs du réseau, d'autres étant ouverts au public.
Je regrette également que n'ait pas été affichée de façon explicite la relation entre l'Institut et les Alliances françaises. L'un des enjeux pour l'Institut est d'acquérir une légitimité auprès des deux composantes, publique et associative, du réseau. C'est un objectif stratégique, il est dommage qu'il n'apparaisse pas de façon plus marquée et qu'il ne soit pas assorti d'indicateurs de performance ou d'activité.
N'ayant pu prendre connaissance ni du questionnaire, ni de la procédure de recueil, j'exprime également des doutes quant à la pertinence de l'indicateur « taux de satisfaction des postes à l'égard de l'Institut français ». L'appréciation ne risque-t-elle pas d'être très subjective ? En outre, il est indiqué que pour les postes en expérimentation, il reviendra à l'Institut français de collecter l'information, ne sera-t-il pas juge et partie ?
S'agissant d'ailleurs de l'expérimentation du rattachement direct des instituts français locaux à l'Institut conduite dans 12 pays, il est satisfaisant qu'elle figure au titre des objectifs, mais je suis réservé quant à la décision de ne retenir pour seul indicateur que la capacité des bureaux locaux rattachés à mieux autofinancer leurs actions qu'un panel de postes non expérimentateurs d'un niveau d'activité comparable.
Je note enfin que le contrat prévoit la consultation de l'Institut pour la nomination et l'évaluation des agents du réseau, les créations et suppressions de postes, la répartition des crédits de coopération et d'actions culturelles attribués à chaque poste diplomatique ainsi que sur leur répartition et leur utilisation, l'évolution de la carte et du format des implantations. Il est dommage qu'un indicateur de suivi ne soit pas prévu à ce titre.
J'en viens maintenant aux insuffisances et aux aspects négatifs.
Ma première observation concerne l'absence d'indicateurs de performance, d'activité ou de suivi pour mesurer la réalisation de l'objectif d'« action au service de l'influence et du rayonnement de la France dans le monde ». J'ai relevé à ce titre pas moins de 35 catégories d'actions et aucun indicateur. Je comprends qu'il soit difficile de mesurer de façon synthétique l'action culturelle extérieure et son impact sur les populations auxquelles elle est destinée, mais au moins aurait-on pu sélectionner quelques objectifs prioritaires, à la réalisation desquels on attend de l'Institut un investissement important en moyens et en ressources et prévoir quelques indicateurs d'activité. Je pense en particulier à la promotion de l'image scientifique et technologique de la France, qui me paraît être le parent pauvre de notre diplomatie culturelle. Compte tenu du niveau de détail, de l'absence de hiérarchie et d'indicateurs, le contrat risque d'être un carcan administratif contraignant ou au contraire un catalogue d'exemples au sein desquels l'Institut agira selon ses appétences et plus probablement selon ses moyens.
Ma deuxième observation porte sur l'objectif 3 : « Développer des partenariats au profit d'une action plus cohérente et efficace ». Nul n'ignore que le financement de l'action culturelle extérieure repose largement et de façon croissante sur des financements extérieurs. Il s'agit donc d'un objectif stratégique. Il comporte à juste titre deux indicateurs, le premier concerne le nombre d'actions mises en oeuvre dans le cadre des conventions de partenariats signées, le second, qui est attaché à l'objectif 4, est le taux de réalisation des cofinancements et du mécénat « hors saisons » prévu au budget prévisionnel. S'agissant du premier, je regrette que les conventions passées avec les collectivités territoriales en soient exclues sauf à disposer d'un indicateur équivalent. Vous avez été nombreux à l'occasion de l'audition de M. Darcos, président de l'Institut français, à faire valoir l'action des collectivités territoriales et exprimer le souhait qu'elles travaillent de façon plus intense avec l'Institut.
Enfin, le quatrième objectif relatif à l'amélioration du pilotage et de l'efficience dans la gestion des ressources met l'accent sur la réduction des dépenses de fonctionnement en incitant l'Institut, par un indicateur de performance, à consacrer davantage de moyens aux activités. Il suppose toutefois pour sa réalisation que les ressources de l'Institut soient à la hauteur des prévisions, ce qui est loin d'être le cas pour 2012. En effet, certains coûts de fonctionnement et de personnel sont aussi fonction du niveau d'activité et indispensables à la modernisation de la gestion surtout en phase de mise en place d'un établissement public. L'Institut est une petite structure, qui sans doute peut participer à l'effort collectif, mais qui doit aussi, s'il veut être efficace, s'entourer de personnels qualifiés. Figurent également la modernisation de la gestion des ressources humaines, l'amélioration du dialogue de gestion, comme le développement d'une stratégie de communication, fonctions importantes qui ne sont assorties d'aucun indicateur.
En conclusion, tout en mesurant la difficulté de construire un contrat d'objectifs et de moyens pour un établissement récemment constitué, dont le positionnement au sein de l'ensemble diplomatique (administration centrale et postes), d'une part, et l'articulation avec le réseau culturel dans ces deux composantes, publique et associative (Alliances françaises), d'autre part, sont nouveaux, et dont les ressources publiques sont incertaines, il me semble que, pour les raisons que je viens de développer, notre commission pourrait transmettre au conseil d'administration un avis demandant certaines adaptations :
1. Assortir l'objectif « 1.1. adapter nos actions en fonction des zones géographiques et des publics » d'un indicateur pertinent ;
2. Alléger la rédaction, hiérarchiser les sous-objectifs du « 1.2.1 promouvoir la création, les idées, l'ingénierie et les industries culturelles françaises à l'étranger » et « 1.4 favoriser le dialogue des cultures et encourager la diversité culturelle » et les assortir d'indicateurs de performance ou d'activité ;
3. Alléger la rédaction et améliorer les indicateurs de l'objectif « 1.2.2. promouvoir, diffuser et soutenir la langue française et son enseignement à l'étranger »
4. Au sein de l'objectif « 2. soutenir et développer l'action du réseau culturel dans le monde » :
- définir de façon plus explicite les axes de la stratégie de mutualisation des actions au service des différentes composantes du réseau et notamment la stratégie numérique, en améliorer les indicateurs,
- définir un indicateur d'activité et de suivi de l'action de renforcement du partenariat avec l'Alliance française,
- préciser les indicateurs relatifs à la formation des personnels et à l'appréciation de l'action de l'Institut par les postes,
- renvoyer les éléments d'appréciation de l'expérimentation du rattachement du réseau à l'Institut, aux rapports d'évaluation et mettre en place un indicateur de suivi,
- mettre en place un indicateur de suivi de la consultation de l'Institut au titre du dernier alinéa de l'article 3 du décret du 30 novembre 2010.
5. Mettre en place un indicateur pour les partenariats avec les collectivités territoriales.
6. Mettre en place des indicateurs de performance et/ou de suivi pour la modernisation de gestion des ressources humaines, l'amélioration du dialogue de gestion et la stratégie de communication.
Je profite de l'occasion pour indiquer qu'en matière de promotion de la recherche scientifique et technologique, l'Institut français aurait intérêt à se rapprocher de l'Institut de recherche pour le développement, qu'il serait utile d'engager une réflexion pour savoir comment accompagner les grands évènements mondiaux et qu'au titre de sa stratégie de communication, l'Institut se déploie sur les réseaux sociaux. Enfin, je souligne l'importance de l'effort d'apprentissage du français comme langue professionnelle, car il y a un lien fort entre la formation et l'ouverture des marchés économiques.
Le contrat d'objectifs et de moyens dégage-t-il des orientations sur la relation entre l'Institut et les Alliances françaises ? Donne-t-il également des éléments sur la relation entre l'Institut et les ambassadeurs sur place ?
L'Institut n'exerce pas de tutelle sur les alliances, il est un apporteur de moyens et un fédérateur d'initiatives. Il est au service des postes diplomatiques, et donc des ambassadeurs, il ne se substitue pas à eux.
Il est regrettable que pour l'élaboration d'un outil aussi important, on ne prenne pas suffisamment le temps de la concertation. Certains membres du comité stratégique ont regretté que lorsque le texte leur a été présenté en septembre dernier, la réunion n'ait duré qu'une heure et qu'il n'y ait pas eu de véritable débat.
Le contrat d'objectifs et de moyens précise-t-il la façon dont les personnels locaux vont être intégrés au sein du nouvel établissement dans le cadre de l'expérimentation ? Comment seront effectués les recrutements ? S'agira-t-il de contrats de droits locaux ou de contrat de droit français ?
Il y aura un déplacement sur des sites d'expérimentation du rattachement des instituts locaux à l'Institut français et cette expérimentation fera l'objet de rapports d'évaluation qui nous seront transmis.
S'agissant des personnels concernés par l'expérimentation, le contrat d'objectifs et de moyens ne traite pas de cette question, mais le décret du 30 décembre 2010 et le cahier des charges de l'expérimentation précisent les modalités de transfert.
L'organisation de l'action culturelle extérieure a toujours eu tendance à ressembler à une usine à gaz. La restructuration du réseau est sans doute insuffisante. Il convient d'être vigilant dans la politique de recrutement : le choix de personnels locaux bien intégrés sur le terrain est souvent plus efficace que certains reclassements administratifs ou de faveur. Est-ce que le contrat prévoit de resserrer les organigrammes et de leur donner un peu plus de pertinence ?
Le rayonnement de la France commence par le rayonnement de la culture et de la langue. L'utilisation du français dans les organisations internationales doit être défendue. Le personnel des Alliances est souvent de grande qualité et de grande motivation. Quelle relation avec les lycées français qui sont des points d'influence fondamentaux ?
La communication critique le trop de détails, mais certaines actions sont importantes. N'est-on pas un peu sévère ? Mais n'est-ce pas d'abord une question de moyens (37 millions d'euros), comparés aux dotations publiques de l'Institut Goethe (215 millions d'euros) ou du British Council (220 millions d'euros) ? N'y a t'il pas des risques de concurrence ou de doublon avec les Alliances françaises ? Dans le cadre de l'expérimentation, comment se passe le rattachement lorsqu'il y a une Alliance française sur place? Quelles sont les conséquences pour l'Institut en termes de gestion de projet et de gestion de personnel ?
Si nos ambitions étaient à la mesure du budget, elles ne seraient pas très élevées. Le rapport a la vertu de soutenir et de réorganiser les objectifs sans les dénaturer, ni les contester. Il conforte dès lors la démarche et ne se place pas dans une attitude négative.
J'ai constaté dans mes fonctions antérieures une certaine cacophonie et une grande hétérogénéité des actions conduites. Je ne suis pas certain que nous aurons un jour les moyens dont nous rêvons. Je suis en phase globalement avec les observations du rapporteur. L'Institut Goethe dispose de moyens importants, mais le retour sur investissement est-il si exemplaire ? Ce faisant, la diversité des situations est une réalité de terrain, faut-il tout réguler ou unifier. La dynamique locale et la motivation des personnels sont déterminantes notamment pour réunir les moyens de financer des actions. Il faut rester pragmatique et accepter la géométrie variable dans l'organisation. Il est important de rendre l'apprentissage du français à la mode. En revanche, en matière d'audiovisuel extérieur, auquel on consacre beaucoup de moyens, il y aurait beaucoup à dire.
Essayons de recruter localement, formons, prenons dans les exemples étrangers, comme l'Institut Goethe, ce qu'il y a de bon et peut être appliqué dans un rapport budget-performance, faisons en sorte que l'Institut français progresse.
La moindre performance relative de l'Institut Goethe est sans doute liée au fait que l'allemand n'est pas une langue mondiale.
La qualité des recrutés locaux, leur capacité à parler la langue et à tisser des réseaux devraient être mieux reconnus. Nous ne sommes pas à la hauteur de notre ambition. Les trois derniers lycées français construits (Dubaï, Tbilissi, Bakou) ont été financés en totalité par des mécènes. Nous avons « une francophonie du coup de menton » et n'avons pas les moyens de notre ambition.
L'avis proposé par le rapporteur est adopté à l'unanimité.
La commission examine le rapport de M. Christian Poncelet sur le projet de loi n° 4 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.
Mes chers collègues, M. Christian Poncelet, retenu dans son département par un débat budgétaire, m'a demandé de le remplacer, ce que je fais bien volontiers.
La France a conclu avec le Vietnam, et à sa demande, le 12 novembre 2009, un accord de coopération en matière de sécurité intérieure.
Les qualités spécifiques reconnues à l'expertise française dans ce domaine conduisent à ce qu'elle soit sollicitée par les pays les plus divers pour la mise en oeuvre d'une telle coopération.
Le texte de référence dans le domaine de la coopération de sécurité intérieure, établi en 2007 et servant de base au présent accord, a été adapté, sur quelques points, à la spécificité du Vietnam. Relevons que ce pays a déjà effectué ses procédures de ratification.
La demande vietnamienne résulte de la pression croissante qu'exerce la criminalité transnationale sur ce pays, en dépit des atouts que constitue, en la matière, son système de gouvernance ferme et centralisé.
L'environnement géographique du Vietnam en fait un pays de transit de nombreux produits contrefaits en provenance de Chine, ainsi que de stupéfiants « naturels » ou synthétiques. L'émergence de trafics d'êtres humains renforce les menaces sur sa situation sécuritaire, car ils sont souvent le fait de réseaux criminels déjà constitués, qui diversifient ainsi leurs activités, comme leurs revenus.
C'est dans ce contexte que le Vietnam a souhaité renforcer l'implication de la France dans le domaine de la coopération en matière de sécurité.
Malgré la nécessité de sa rapide mise en oeuvre, il faut relever que son entrée en vigueur a été différée, au Vietnam, du fait de la lenteur mise par les autorités compétentes pour accréditer les experts techniques français, qu'ils soient douaniers ou policiers.
Le ministre français de l'intérieur considère que « notre coopération technique est de bon niveau, et centrée sur nos priorités ».
Les objectifs majeurs des autorités vietnamiennes portent sur un appui en matière de lutte anti-terroriste et de maintien de l'ordre.
La France s'attache à répondre à ces demandes, mais s'est fixé quatre buts traduisant les préoccupations spécifiques de notre pays :
- la lutte contre l'immigration irrégulière d'origine vietnamienne, domaine de coopération ouvert en 2003, en coordination avec le Royaume-Uni. En effet, la pression migratoire de ressortissants vietnamiens vers les pays de l'Union européenne est croissante, la France constituant un pays de transit (4 614 interpellations en 2009, soit un triplement en deux ans) ;
- la lutte contre les contrefaçons portant atteinte à la santé publique : ce thème, objet d'une coopération ancienne, sera amplifié grâce au projet régional FSP (Fonds de solidarité prioritaire) « Mékong » ;
- la promotion de notre organisation policière et de nos techniques d'enquête avec l'attribution de bourses d'étude au profit de cadres policiers vietnamiens à l'Ecole nationale supérieure de la Police de Saint-Cyr au Mont d'Or, et la signature d'un mémorandum de coopération en 2008 entre l'INHES (Institut national des hautes études de la sécurité) et l'Institut national de la Police populaire vietnamien ;
- le renforcement du cadre juridique de notre coopération est nécessaire en raison du formalisme des autorités vietnamiennes. Si la coopération technique et le partage d'informations seront facilités par l'entrée en vigueur du présent accord, la coopération opérationnelle, tant policière que judiciaire, requiert la négociation complémentaire d'un accord d'entraide judiciaire en matière pénale.
Le ministère vietnamien de la sécurité publique (MSP) pratique une coopération internationale assez encadrée qui ne facilite, ni la coopération opérationnelle, ni les contacts personnalisés. En revanche, la stabilité de ses structures et de ses cadres permet un suivi sérieux des projets élaborés en commun, malgré une lenteur administrative liée au contrôle hiérarchique, exercé à de nombreux niveaux.
Ministère-clé dans l'organisation politique vietnamienne, la Sécurité publique oriente prioritairement sa coopération vers les pays limitrophes comme le Laos, le Cambodge et la Chine ainsi que l'Australie, mais la France occupe une place privilégiée grâce à la fréquence des contacts et des actions de coopération que permet la présence d'un Service français de Sécurité Intérieure implanté au sein de notre ambassade à Hanoi depuis 1999.
Comme la France, le Royaume-Uni, la République tchèque, le Japon, les Etats-Unis et l'Australie possèdent un attaché de sécurité intérieure au Vietnam.
Dans ce contexte, l'entrée en vigueur du présent accord, vivement souhaitée par notre partenaire, doit permettre de renforcer une coopération technique de bon niveau, et de développer une coopération opérationnelle plus importante.
Ce développement constitue, en effet, la priorité française dans sa coopération avec le ministère vietnamien de la sécurité publique, en sachant qu'elle sera limitée par le fait que le Vietnam ne présente pas de normes de protection des données individuelles équivalentes aux nôtres.
En conclusion, je vous recommande d'adopter, comme l'a déjà fait l'Assemblée nationale, cet accord, et vous propose de prévoir son examen en séance publique sous forme simplifiée.
Il est ironique de constater que nous établissons une coopération de cet ordre avec un pays dont nous avons combattu, sans succès, la volonté d'indépendance.
Qui nous assure que l'accord sera rapidement mis en oeuvre par le Vietnam ?
La commission adopte ce projet de loi sans modification et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.
La commission nomme rapporteurs :
Jean Besson sur le projet de loi n° 3954 (AN - 13è législature) autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République populaire de Chine.
Jacques Berthou sur le projet de loi n° 4021 (AN - 13è législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.
La commission entend une communication de M. Jean-Pierre Chevènement et de Mme Nathalie Goulet sur l'évolution du contexte stratégique depuis 2008 : conséquences des crises économiques et financières (ce groupe est composé de MM. Jean-Pierre Chevènement, Raymond Couderc, Mme Nathalie Goulet et de M. Rachel Mazuir).
Ce groupe visait à mesurer les conséquences de la crise économique et financière sur l'effort de défense. Pour la France, nous avons examiné le déroulement de la LPM en cours (2009-2014) et de la suivante, qui devrait s'achever en 2020. De 2009 à 2020, un total de 377 milliards d'euros devrait être affecté à la défense. Notre entretien avec le directeur du budget a confirmé qu'à un milliard près, la LPM en cours est correctement exécutée jusqu'à présent. Une somme importante de REB (recettes extra budgétaires) sera affectée en 2013 au MINDEF (ministère de la défense) ; ces recettes proviendraient, pour l'essentiel, des cessions d'immeubles, notamment à Paris, et cessions de fréquences hertziennes.
Ces REB sont retracées dans deux comptes d'affectation spéciale, l'un pour l'immobilier, l'autre sur les cessions de fréquences. Ce dernier a été activé cette année pour 850 millions d'euros.
De 2009 à 2012, la LPM aura donc été respectée, ce qui est une nouveauté par rapport aux précédentes, et les REB correctement perçues, bien que plus tardivement que prévu.
A ces financements s'est ajouté le plan de relance, qui a consacré 1,4 milliard d'euros à la Défense, plus 500 millions de crédits initialement reportés. Cette enveloppe était totalement consommée à la fin de l'année 2010.
Le débat sur l'exécution de la LPM est brouillé par la pratique consistant à la présenter en euros constants, alors qu'elle est traduite dans les lois de finances annuelles en euros courants, intégrant l'inflation.
Ainsi, il a fallu tenir compte dans la budgétisation du PLF 2010 du fait que l'inflation constatée en 2009 a finalement été sensiblement plus faible que celle prévue au moment de la construction du PLF 2009.
L'exécution correcte de l'actuelle LPM est largement redevable au passage à une budgétisation triennale, dont la première application a couvert les années 2009/2011 et la deuxième couvre les années 2011/2013.
La première annuité de la LPM, en 2009, s'est montée à 30,2 milliards d'euros.
Le deuxième budget triennal 2011-2013 a prévu, en 2010, que l'effort en faveur de la défense se poursuivrait, avec 0,9 milliard d'euros supplémentaires, hors contributions au CAS (compte d'affectation spéciale) « pensions », à l'horizon 2013, auxquels s'ajouteront les REB. Cet effort est d'autant plus remarquable que le budget de l'Etat, dans son ensemble, a été construit sous une contrainte de stabilisation en valeur. Il faut avoir à l'esprit que, pour la période 2010-2013, l'ensemble des ressources de la défense (y compris les REB, mais hors pensions) croissent de plus de 6 %, alors que celles des autres ministères diminuent de plus de 1 %.
Le MINDEF a donc été préservé, dans un cadre budgétaire très contraint, en considération de deux éléments : un vaste effort de réforme interne, avec l'application de la RGPP visant à la réduction de 54 000 postes, la création des bases de défense induisant une interarmisation sans précédent, l'ensemble constituant une réorganisation avec peu d'équivalents au sein des ministères civils. Le recyclage des crédits ainsi dégagés bénéficiera aux programmes d'équipement.
Les cessions de fréquences devaient intervenir fin 2009, début 2010, mais la complexité du processus, faisant notamment appel à l'ARCEP et aux opérateurs, a retardé le programme par rapport aux prévisions initiales.
Il reste à vendre les fréquences de 800 MHz, de très grande valeur, et à réaliser des cessions immobilières importantes, notamment à Paris. Pour ces dernières, il a été choisi de vendre au cas par cas, par emprise, et non en bloc, pour optimiser les ressources. C'est ainsi que vont être mises sur le marché d'importantes emprises parisiennes, notamment l'îlot St Germain.
Ces cessions constituent des ressources futures pour le MINDEF, qui est le seul ministère à bénéficier de ressources exceptionnelles comme les cessions de fréquences.
En application des annonces du Premier ministre des 24 août et 7 novembre 2011, les dépenses du PLF 2012, présenté par le Gouvernement en septembre, ont été réduites, au cours du débat parlementaire, de 1,5 milliard d'euros, dont une part a porté sur le MINDEF. Pour tenir l'objectif de retour à l'équilibre des finances publiques en 2016, les dépenses de l'Etat vont devoir être réduites de 1 Md€ par an, chaque année, à partir de 2013, après une baisse de 1,5 milliard d'euros en 2012, ce qui suppose des économies brutes de près de 6 milliards d'euros chaque année. Même si le budget triennal 2011-2013 prévoit une grande part de ces économies jusqu'en 2013, d'importantes réformes vont devoir être mises en oeuvre durant les cinq prochaines années au moins, auxquelles on ne peut imaginer que le ministère de la défense ne participe pas.
Dans ce contexte, on ne peut donc assurer que la part du MINDEF continuera de croître, après 2013, au sein d'un budget de l'Etat en baisse.
En 2011, on peut estimer le budget de la défense, hors pensions et gendarmerie, à environ 1,5 % du PIB français, sachant que ces comparaisons internationales en ce domaine sont à interpréter avec précaution.
Ce constat m'inspire quelques commentaires : l'effort de défense mesuré selon les critères de l'OTAN, incluant les pensions, est, au Royaume-Uni, estimé à 53 milliards d'euros en 2011, supérieur à celui de la France, évalué à 38,4 milliards d'euros, et à celui de l'Allemagne, à 36,7 milliards d'euros. Le contexte économique général pèse déjà sur le budget de défense américain, qui doit faire l'objet de coupes automatiques, faute d'accord entre les démocrates et les républicains sur les nécessaires réductions budgétaires.
Je rappelle que le budget militaire des Etats-Unis d'Amérique s'élevait, selon les normes précédentes, à 642 milliards d'euros en 2011, à comparer aux 287 milliards d'euros de 2001.
Ces réductions conduiront les Etats-Unis d'Amérique à réfléchir sur leur présence dans le monde ; il est probable qu'ils resteront présents dans le Golfe persique comme au Sud-est asiatique.
Je me félicite que la LPM soit exécutée conformément à ses objectifs, grâce notamment aux REB dont je relève qu'une faible part concourt au désendettement de l'Etat. En effet, la contribution au désendettement de l'Etat ne s'applique pas, contrairement aux autres ministères, aux produits de cession des immeubles domaniaux occupés par le MINDEF, et ce jusqu'au 31 décembre 2014, en application de l'article 47 de la LFI 2006. Pour les cessions de fréquences, 15 % au minimum, à partir de 2015, sera consacré au désendettement de l'Etat, la part restante au MINDEF.
La baisse des budgets militaires aux Etats-Unis comme en Europe, conséquence inéluctable de l'actuelle crise financière, soulève bien des problèmes dans un monde difficilement prévisible, marqué par le renforcement militaire de la Chine, du Pakistan, de l'Inde, qui contraste avec l'affaiblissement des grands pays occidentaux.
Cette chute des crédits militaires américains va conduire à une concurrence accrue entre pays occidentaux sur les marchés de défense. J'estime, à cet égard, que ceci doit nous conduire à renforcer notre partenariat avec le Royaume-Uni fondé sur l'accord de Lancaster House.
Je relève que l'agence européenne de défense (AED) a récemment élaboré 11 projets concrets de coopération entre pays européens volontaires : c'est une bonne initiative, mais ces projets ont une faible consistance. En conclusion, je me félicite que le retrait prévu des troupes américaines d'Irak et d'Afghanistan réduise les risques de dérives expéditionnaires de certains pays européens. Cependant, la volonté budgétaire de compacité accrue du format de notre armée, comme des implantations militaires sur le territoire français, ne doit pas conduire à réduire encore notre effort de défense qui s'élève aujourd'hui à 1,5 % du PIB. Les incertitudes du monde actuel doivent nous amener à maintenir cet effort à ce niveau minimal.
Le Parlement français a accueilli hier une réunion du groupe parlementaire franco-britannique chargé de suivre l'application des accords de Lancaster House. Ce groupe est marqué, tant du côté britannique que du côté français, par une convergence de vues entre groupes politiques opposés. Je relève cependant des nuances entre les travaillistes britanniques, qui souhaiteraient étendre le contenu de Lancaster House, et les conservateurs, qui s'en tiennent strictement à l'accord. La prochaine réunion se tiendra au mois de juillet en Grande-Bretagne, et sera consacrée aux industries d'armement.
Je retiens de l'exposé de M. Chevènement que l'incertitude du monde actuel renforce notre besoin d'une défense robuste.
On affiche une bonne exécution de la LPM dans le cadre des lois de finances annuelles. Mais il se dit qu'existerait, entre les autorisations d'engagement contenues dans la LPM 2003-2008 et dans les trois premières années de celle de 2009-2014, un écart de près de 60 milliards d'euros avec les crédits de paiement. Si ces chiffres étaient exacts, cette différence de 60 milliards d'euros devra être financée par le ministère de la défense dans les années à venir, ce qui constituera une forte contrainte.
Je souhaiterais avoir des précisions sur l'origine et les fondements de ce chiffre de 60 milliards d'euros.
Ce chiffre me semble probablement découler d'annonces qui ne se sont pas concrétisées, comme celles de la construction d'un deuxième porte-avions. Je doute qu'une distorsion aussi élevée existe entre AE et CP. Je dirais même que si une distorsion entre ces deux éléments n'existait pas, c'est cette situation qui devrait être considérée comme anormale.
Je m'associe au jugement de M. Chevènement, considérant l'effort de défense de 1,5 % du PIB comme un plancher.
Le récent accord conclu à Bruxelles entre 26 membres de l'Union européenne, dans une assez forte opacité, prévoit un désendettement de la France durant les vingt prochaines années, prévoyant la réduction de cette dette de 87 % à 60 % du PIB. Cela conduira à consacrer un point de PIB chaque année : il s'agit là d'une perspective intenable. Je m'interroge donc sur la compatibilité entre ces engagements et la réalité.
Peut-être existe-t-il des options plus ou moins coûteuses au sein des équipements militaires commandés par la France ; ainsi notre effort pourrait être maintenu à un coût inférieur aux prévisions ?
Vous avez évoqué les perspectives du budget militaire américain ; j'aimerais avoir des précisions sur celles du budget militaire chinois.
On estime que le budget militaire chinois est compris entre 70 et 120 milliards de dollars, ce qui est probablement sous-évalué. Je précise que l'armée chinoise compte de 4 à 6 millions de personnels, mais que son degré de formation est très inégal.
A l'issue de ce débat, la commission a donné acte aux membres des groupes de réflexion de leurs communications et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne M. Francis Delon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2008, sur lequel s'est fondée la loi de programmation militaire, avait prévu sa propre réactualisation à mi-parcours, soit avant la fin de l'année 2012. Mais des évènements importants sont intervenus depuis trois ans, évènements que la plupart d'entre nous n'avaient pas prévus et qui, sans en bouleverser totalement l'analyse, appellent effectivement une évolution du contenu de ce Livre blanc.
C'est dans ce cadre qu'en qualité de secrétaire général de la sécurité et de la défense nationale, vous avez été chargé par le Président de la République de procéder à une première étude sur les évolutions du contexte stratégique dont vous venez nous présenter aujourd'hui les conclusions.
Quant à notre commission, elle s'est, depuis les récentes élections sénatoriales, efforcée d'apporter sa contribution à ce débat important et passionnant.
Plusieurs de nos commissaires ont ainsi suivi les travaux de vos quatre groupes de travail, sans avoir l'ambition de couvrir tout le champ des sujets que vous aviez identifiés. Il n'est donc pas exclu qu'ils puissent, à l'occasion des questions qu'ils vous poseront, vous livrer d'ores et déjà les pistes de réflexions issues de ces travaux, ces derniers étant aujourd'hui achevés et la synthèse devant vous parvenir demain ou après-demain, afin que vous puissiez éventuellement en tenir compte avant de finaliser votre rapport.
J'ai cru comprendre que cela serait d'autant plus possible que la remise de vos propres conclusions ne serait plus attendue pour la fin de cette année, mais plutôt pour le tout début de 2012.
L'ensemble des membres de la commission considère que la défense et la sécurité nationale ne sauraient être regardées comme des variables d'ajustement, et que ceci nécessite que nous soyons, vis-à-vis de nos concitoyens, très précis dans la définition des objectifs et des moyens assignés à ces politiques. L'exercice qui vous a été confié et votre venue devant notre commission revêtent donc pour nous une importance toute particulière au regard de cette exigence démocratique.
Je commencerai par vous présenter la méthode suivie pour cette étude, tout en vous indiquant que le contenu de celle-ci n'est pas encore arrêté et que cette audition pourra sans doute nous aider à le préciser davantage.
S'agissant de la méthode, je vous rappelle que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 avait prévu une révision régulière tous les quatre ans, la première devant donc intervenir en 2012. Etant entendu qu'il ne serait pas raisonnable de procéder à cette révision avant les élections présidentielle et législatives, il y sera procédé au cours du deuxième semestre de l'année.
Il convient de garder à l'esprit que ce deuxième semestre devrait aussi donner lieu à l'élaboration d'un nouveau budget triennal pour la période 2013-2015, ainsi que d'une nouvelle loi de programmation militaire applicable de 2013 à 2018, puisque, bien que couvrant une période de six années, ces lois sont élaborées tous les quatre ans, afin de permettre une programmation dite « glissante » de notre effort de défense.
Nous savons donc d'ores et déjà que nous serons confrontés à une difficulté : devoir mener ces différents exercices de façon séquentielle, la révision du Livre blanc devant par définition intervenir avant l'élaboration de la loi de programmation.
Aussi, afin d'alléger ce calendrier particulièrement tendu, le parti a été pris de réfléchir dès maintenant sur les évolutions du contexte stratégique depuis 2008, dans un travail qui sera rendu, non pas en décembre 2011 comme initialement prévu, mais en janvier 2012.
Le président de la République m'a donné pour mandat de mener cette réflexion au sein de l'administration et dans un cadre interministériel, c'est-à-dire sans la participation de membres du Parlement ou de personnalités de la société civile, cette approche, différente de celle adoptée pour le cadre de la commission du Livre blanc, se justifiant, d'une part, par la moindre ambition du présent exercice et, d'autre part, par des contraintes de calendrier.
En revanche, la méthode de travail appliquée au sein de la commission du Livre blanc de 2008 devrait être appliquée pour la révision de celui-ci au cours du second semestre 2012.
Je précise que, si les travaux ont effectivement été conduits entre les représentants des Affaires étrangères, de la Défense, de l'Intérieur et de Bercy, des experts extérieurs, français et étrangers, y ont toutefois été associés, non seulement au sein des groupes de travail, mais aussi dans le cadre d'un séminaire organisé à Paris à la fin du mois d'octobre, qui a permis d'avoir un regard extérieur sur nos réflexions.
Nous avons également consulté nos partenaires européens les plus proches, à savoir les Allemands et les Britanniques, sur la base d'un questionnaire et de rencontres qui nous ont permis d'échanger nos visions respectives du contexte stratégique, et de réaliser qu'elles sont en fait très voisines.
Nous avons procédé à l'analyse des événements intervenus depuis 2008 dans les domaines de la défense et de la sécurité, ou ayant eu un impact significatif sur ceux-ci et, d'autre part, essayé d'identifier les enjeux structurants de notre politique de défense et de sécurité nationale d'ici 2020, horizon fixé par le Livre blanc de 2008.
Il ne s'agit donc pas, à quelques mois de l'élection présidentielle, de formuler des recommandations ou d'influencer des décisions stratégiques, mais simplement de définir l'environnement dans lequel s'inscrira la révision proprement dite.
Cette réflexion a, dans un premier temps, été conduite au sein de quatre groupes de travail présidés par des personnalités de cultures et d'horizons différents, traitant respectivement des recompositions géostratégiques en cours, des architectures de sécurité collective et des outils de gestion de crise, des risques et des menaces auxquels sont confrontées nos sociétés, et enfin des enjeux économiques et sociétaux pour le quatrième.
Ce dernier groupe est une innovation liée à la crise économique et financière, qui a des incidences en matière de défense et de sécurité, mais aussi sur l'évolution de l'équilibre des puissances.
Sur la base des travaux de ces groupes de travail, nous avons engagé un travail de rédaction pour produire un document de synthèse d'une cinquantaine à une centaine de pages, destiné à être rendu public comme l'avait été le Livre blanc de 2008, ce qui rend la tâche encore plus délicate ; nous devons veiller à ce que rien ne soit écrit qui puisse mettre la France dans l'embarras vis-à-vis de ses grands partenaires.
Ce document de synthèse devra enfin être approuvé par un conseil de défense et de sécurité nationale, qui se tiendra vraisemblablement en janvier prochain.
En dépit du caractère interministériel de cet exercice, le président de la République m'a demandé d'y associer le Parlement au travers d'auditions réalisées par les commissions compétentes, ce qui m'a déjà donné l'occasion d'être entendu par la commission de la défense et celle des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.
S'agissant du contenu de nos travaux, il est parti d'une première constatation selon laquelle l'analyse stratégique effectuée en 2008 était largement confirmée.
La mondialisation, présentée en 2008 comme le thème nouveau et central du Livre blanc, demeure un paramètre essentiel de la situation stratégique mondiale, et ses revers - car ils existent - constituent des sources d'incertitudes stratégiques et d'inquiétudes pour nos intérêts.
Le Livre blanc avait identifié quatre zones critiques pour la France constituant un « arc de crise » allant de l'Afrique de l'Ouest à l'Océan indien, une zone aujourd'hui toujours en proie à nombre d'incertitudes. L'analyse demeure donc pertinente, en particulier pour la zone sahélienne, le Pakistan, l'Afghanistan et le Maghreb, où se font sentir de fortes tensions,
Les vulnérabilités que nous présentions en 2008 comme nouvelles telles que le terrorisme, la menace balistique, la menace électronique dite cyber, les grands trafics criminels et les risques naturels, technologiques ou sanitaires, demeurent d'actualité, ce Livre blanc ayant été le premier consacré aux enjeux non seulement de la défense, mais aussi de la sécurité nationale.
L'idée d'une continuité entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure, et de l'interconnexion croissante des menaces et des risques est également tout à fait pertinente aujourd'hui.
L'intérêt du concept de stratégie de sécurité nationale est confirmé, en particulier quant à ses finalités que sont la défense de la population et du territoire, la contribution à la sécurité internationale, et la défense des valeurs du pacte républicain.
Si l'analyse stratégique de 2008 demeure donc fondamentalement valable, encore faut-il y intégrer les événements importants intervenus depuis.
Il s'agit premièrement des évolutions politiques et stratégiques majeures du monde arabe, compte tenu des liens de la France avec les pays concernés. Facteur d'espoir, cette recomposition constitue aussi aujourd'hui une source d'incertitudes quant à la façon dont les équilibres régionaux de cette partie du monde vont se redéfinir : la nature des relations que les nouveaux régimes entendront entretenir avec les pays occidentaux, et la façon dont celles-ci évolueront. Toute analyse définitive est d'autant plus difficile que ces évolutions sont encore en cours, ne serait-ce qu'en Syrie, mais aussi ailleurs.
Le deuxième élément que nous avons identifié comme important est la modification accélérée de l'équilibre des puissances sous l'effet de la crise économique.
La dynamique chinoise, déjà mise en évidence très nettement par le Livre blanc de 2008, s'est renforcée, ainsi que d'autres puissances comme l'Inde ou le Brésil, qui ont su profiter du nouveau contexte pour améliorer leurs positions par rapport aux pays occidentaux, notamment européens.
Quant à l'Afrique à laquelle beaucoup ne prédisaient pas d'avenir, elle bénéficie en fait d'une réelle croissance économique, plusieurs signes encourageants laissant penser que ce continent sous-peuplé commence à se sortir de certaines de ses difficultés. La démographie, qui pose un problème dans certaines grandes villes africaines, est en passe de devenir un atout pour ce continent en réalité sous-peuplé ; en outre certaines difficultés, comme celles liées à l'épidémie du sida, méritent aujourd'hui d'être relativisées.
Ainsi, la place de ce continent dans les grands déséquilibres stratégiques doit-elle être désormais observée avec davantage d'attention.
Le troisième élément d'évolution concerne les États-Unis où une nouvelle séquence stratégique américaine semble se dessiner, au moment où s'achève une décennie d'interventions militaires contre-insurrectionnelles. D'une part, l'Amérique se tourne vers le Pacifique ; d'autre part, elle s'apprête, du fait de la crise, à diminuer son budget de défense de plusieurs centaines de milliards de dollars. Cette baisse doit toutefois être relativisée dans la mesure où elle ne fait que ramener les dépenses militaires à leur niveau des années 2000, au moment même où les coûts liés à l'engagement en Afghanistan et en Iraq vont disparaître. Elle ne sera toutefois pas sans incidence pour l'Europe. Notons enfin qu'en raison d'une sorte de lassitude liée à l'engagement militaire en Irak et en Afghanistan la classe politique américaine éprouve une certaine répugnance à l'égard de ce type d'interventions extérieures, comme ce fut le cas, de façon cyclique, après la guerre du Viêtnam ou d'autres conflits.
La guerre contre le terrorisme, quatrième élément de ce contexte, a été théorisée par l'administration américaine sous la présidence de Georges W. Bush ; elle connait une nouvelle phase caractérisée par l'affaiblissement de la structure centrale d'Al-Qaïda, lié à la mort de son chef Oussama Ben Laden qui incarnait le djihad global et la guerre des civilisations et qui avait été capable d'organiser les attentats du 11 septembre 2001. La menace terroriste n'a toutefois pas disparu, surtout pour notre pays, notamment dans la région du Sahel avec la présence Al-Qaïda au Maghreb islamique. Ces observations doivent nous amener sans doute à remettre en perspective la centralité stratégique du terrorisme qui avait été mise en évidence à la fois par les Livres blanc sur le terrorisme de 2006 et de 2008.
Le cinquième et dernier élément marquant depuis 2008, c'est la catastrophe de Fukushima dont les conséquences sont d'ores et déjà visibles en matière d'énergie nucléaire dans le domaine civil, puisqu'elle a commencé à orienter les décisions des États en la matière ainsi que le débat public, que ce soit en Allemagne, en Autriche ou encore en France, étant entendu qu'il faudra également s'interroger sur son impact dans le domaine du nucléaire militaire. Ces conséquences doivent toutefois être relativisées car, malgré les débats et les incertitudes, la politique des grands États nucléarisés n'a pas été modifiée, que ce soit en Chine, aux États-Unis ou encore au Royaume-Uni. La situation extraordinaire à laquelle le Japon a dû faire face en déployant des moyens considérables - la mobilisation de 100 000 hommes des forces de défense japonaises - doit nous permettre de tirer des enseignements quant à la gestion de crise - aspect essentiel de la sécurité nationale que nous avions identifié dans le Livre blanc - et nous amener à réfléchir sur la notion de protection du territoire et des populations.
Dans ce contexte global, les enjeux structurants pour notre politique de défense dans les années à venir s'articulent autour de plusieurs axes. La ligne directrice majeure de cette politique est le maintien de notre autonomie stratégique qui se décline à plusieurs niveaux.
Au niveau militaire d'abord : alors que l'effort de défense de la plupart des pays européens diminue en valeur, absolue et relative, nous avons fait le choix, comme le Royaume-Uni, de maintenir notre effort, au point d'arriver à une situation dans laquelle la capacité d'intervention européenne repose pour l'essentiel sur les forces françaises et britanniques.
Au niveau économique ensuite, l'internationalisation croissante des marchés faisant peser sur nous de nouvelles vulnérabilités. Nous devons veiller à l'équilibre entre la nécessaire attractivité à l'égard des capitaux étrangers qui peuvent soutenir notre croissance économique et l'impératif de préserver notre autonomie dans les domaines de souveraineté, en protégeant notamment notre patrimoine scientifique et technique. Sur ce point les dépenses de défense et de sécurité peuvent agir comme un outil de politique industrielle sélective et ciblée en soutien aux secteurs où l'autonomie stratégique revêt un caractère essentiel. A cet égard, les secteurs de la défense, de l'aéronautique et du spatial, ces deux derniers secteurs ayant une dimension duale évidente, représentent 4 000 entreprises fortement exportatrices, qui emploient 165 000 personnes et portent aujourd'hui l'industrie de notre pays, alors même que beaucoup d'autres secteurs sont en recul.
Notre politique devra ensuite s'exprimer en cohérence avec un cadre multilatéral qui se transforme en raison de la modification de l'équilibre des puissances. Ainsi en est-il des nouvelles revendications des pays en développement au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, qui aspirent au statut de membre permanent, mais dont le rôle, pour certains d'entre eux, ne sont pas sans susciter des interrogations comme nous le voyons aujourd'hui, notamment dans le cas syrien. Toutefois, l'ONU et plus spécifiquement le Conseil de sécurité doivent rester l'instance de production de légitimité capable de prendre les décisions nécessaires. Nous avons également pu constater une montée en puissance d'autres organisations régionales, notamment la Ligue arabe ou encore l'Union africaine, dont le rôle peut être important dans les crises actuelles.
Un autre enjeu structurant pour concevoir notre politique de défense et de sécurité est de prendre en compte les risques et les menaces qui affectent les territoires et les populations. Il s'agit de la montée en puissance évidente, depuis 2008, de la « cyber menace » ; de la menace terroriste qui, malgré la mise en perspective de sa centralité stratégique dont j'ai parlé, doit nous conduire à maintenir notre effort de renseignement ; de la menace balistique aujourd'hui essentiellement iranienne ; des trafics illicites et de la criminalité organisé, phénomènes en expansion très déstabilisants pour des États d'Amérique centrale ou d'Afrique occidentale, qui ont été parfois transformés en véritable narco-États et qui sont devenus des zones de non droit pesant sur la sécurité de leur région ; des risques naturels et technologiques, enfin.
La prévention des conflits et l'action en faveur de la sécurité internationale seront également un enjeu structurant de notre politique. Sur ce point, je voudrais rappeler en premier lieu que le dispositif militaire français déployé à l'étranger a été substantiellement réaménagé depuis 2008, en particulier en Afrique. La prévention des conflits c'est aussi une action résolue contre la prolifération et l'approfondissement d'une approche conjuguant la sécurité et le développement pour laquelle l'Union européenne dispose d'atouts indéniables, notamment au Sahel.
Enfin, la construction de la politique de défense et de sécurité européenne est le dernier élément structurant de notre politique. En la matière, force est de constater que les avancées obtenues à l'issue de la présidence française fin 2008 n'ont pas permis d'enclencher la dynamique attendue, notamment en raison des réserves de certains pays, mais également du contexte budgétaire et financier actuel. Sans doute, sommes-nous entrés dans une phase de pause, mais notre volonté de poursuivre la construction de la défense européenne reste intacte. Les partenariats binationaux ou multinationaux constituent un volet important de la défense européenne, comme en témoigne l'action engagée avec les Britanniques dans le cadre du traité de Lancaster House, qui doit nous permettre de rapprocher nos politiques de défense, notamment dans le domaine capacitaire, mais également dans le cadre du triangle de Weimar, qui nous permet de maintenir un lien avec les Allemands et les Polonais à l'Est de l'Europe. L'Alliance atlantique constitue le dernier volet de cette politique, notre retour dans la structure intégrée pouvant être considéré comme un succès, comme l'a démontré le récent engagement de nos forces en Libye sous l'égide de l'OTAN. Nos positions sont désormais mieux comprises dans cette enceinte sans que nous ayons dû concéder pour autant des abandons de souveraineté pour l'emploi de nos forces. Nous sommes d'ores et déjà rentrés dans une nouvelle phase de modernisation de cette organisation, très marquée par la guerre froide, dans laquelle la France prend toute sa part sans abandon de sa souveraineté et fait valoir ses positions avec une plus grande capacité d'influence qu'auparavant.
Tel est l'état de nos réflexions.
Bien que partageant l'essentiel de vos analyses, je souhaiterais toutefois exprimer une différence d'appréciation avec la présentation que vous nous avez faite du fameux « arc de crise ». En effet, ayant participé avec mes collègues Josette Durrieu, Michelle Demessine et Yves Pozzo di Borgo, au groupe de travail de notre commission consacré aux printemps arabes, il me semble que les pays concernés devraient davantage être considérés comme constituant une zone de développement ou une zone d'évolution, alors qu'en revanche il conviendrait d'accorder une attention plus soutenue aux risques rencontrés dans le Sahel, qui tend à devenir une véritable zone de non-droit.
Tout en constatant que votre exposé a évoqué l'ensemble des questions que nous avons nous-mêmes évoquées à l'occasion de nos auditions, je prends acte de votre optimisme quant à la défense européenne. Vous parlez de « pause ». Force est toutefois de constater l'absence d'avancée en la matière, alors qu'elle avait pourtant été présentée par le président de la République comme l'une des conditions du retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.
Quant à la répartition de l'effort de défense en Europe, qui repose effectivement sur la France et sur le Royaume-Uni, rappelons que, pour notre part, le niveau de dépense de 1,5 à 1,6 % du PIB apparaît comme un minimum au-dessous duquel nous ne pourrions descendre sans risquer de perdre en crédibilité, surtout au moment où les Etats-Unis sont moins enclins à s'engager sur le vieux continent, mais plutôt à regarder vers l'Asie.
Je souhaiterais enfin apporter une nuance quant à la réalité de la menace balistique iranienne, qui fait aujourd'hui figure de tropisme franco-français, alors que, comme cela ressort notamment de la dernière réunion du Forum transatlantique parlementaire auquel j'ai participé, nos alliés américains considèrent davantage la menace nord-coréenne ou pakistanaise.
Je crains que nous ne soyons quelque peu isolés sur ce sujet et que, faute d'une meilleure concertation avec nos partenaires, nous ne prenions le risque d'être identifiés comme les principaux partisans de la prise en compte d'un risque iranien.
Que pensez-vous des menaces éventuelles représentées, d'une part, par les régimes islamistes qui succèdent à certaines dictatures du monde arabe et, d'autre part, par la prolifération des armes au Sahel ?
Ne pensez-vous pas que le traité de non-prolifération des armes nucléaires ne soit lui-même un facteur de déséquilibre, dans la mesure où il traite les différents pays en appliquant deux poids et deux mesures ? Ceci ne doit-il pas conduire à reconsidérer l'économie générale de ce traité ?
A propos des cyber-menaces, il convient aussi d'insister sur l'importance d'Internet rappelée par la coupure de toutes les connexions survenue dimanche dernier en Russie, alors que le président Medvedev se présente par ailleurs comme un promoteur des nouvelles technologies. A-t-on réfléchi à la menace que représente ce type d'actions et aux moyens d'y faire face ?
S'agissant des évolutions institutionnelles en cours, ne pensez-vous pas que l'on assiste à l'émergence de nouveaux modèles, comme par exemple l'islam soi-disant modéré dont se réclame le gouvernement turc, susceptible d'être pris comme référence par les régimes issus du printemps arabe ?
Si tel était le cas, ne devrait-on pas, en conséquence, réviser la façon dont nous considérons ce pays, y compris eu égard à sa candidature à l'Union européenne ?
Enfin, il me semble que l'on a tendance à sous-estimer la puissance ré-émergente que constitue la Russie. Pourtant, elle est bien là, dangereuse, comme on peut le voir en Géorgie, en Ossétie du Sud, et en Transnistrie, son influence se faisant sentir jusqu'au Moyen-Orient par le soutien apporté à des pays tels que l'Iran ou la Syrie. Quelle analyse faites-vous de la position de la Russie ?
Je n'ai jamais été véritablement convaincu par les analyses du Livre blanc. Le terrorisme demeure un concept aux contours particulièrement mal définis, auquel on ne peut, bien entendu, que s'opposer sans vraiment savoir ce qu'il recouvre.
Quant à l'arc de crise, quelle est sa pertinence au moment où les Etats-Unis se désengagent d'Irak et d'Afghanistan ?
En revanche, le Livre blanc sous-estime la montée de la Chine et la constitution d'une nouvelle bipolarité, qui a notamment pour conséquence un déplacement de plus en plus net du centre de gravité des préoccupations américaines vers l'Asie de l'Est et du Sud-Est.
En outre, des évènements majeurs sont intervenus depuis le Livre blanc, à commencer par la crise économique, qui se traduit par la réduction des moyens aux Etats-Unis et dans les pays européens, alors même que de nouvelles inconnues apparaissent. Ces dernières portent par exemple sur la montée de l'influence de la Chine en Afrique, en Amérique latine, ou même en Europe.
Par ailleurs, force est de constater qu'un an après la conférence de New York, les menaces liées à la prolifération nucléaire n'ont pas disparu, puisqu'il semble qu'il n'y ait plus de majorité au Sénat américain pour ratifier l'accord sur l'interdiction des essais nucléaires, et que la perspective de la signature d'un traité relatif aux matières fissiles à usage militaire s'éloigne, alors que se renforcent les arsenaux nucléaires en Asie.
J'entends aussi que l'on parle beaucoup de l'Iran, le président de la République française ayant même fait état, il y a cinq ans, de l'existence d'un dilemme entre la bombe iranienne et le bombardement de l'Iran. Or, rien ne dit que nos moyens de dissuasion qui nous ont protégés de l'Union soviétique ne constituent pas aussi des moyens efficaces face à un pays dont les armes seraient de toute façon moins sophistiquées.
D'une façon plus générale, j'estime que le discours actuel prend insuffisamment la mesure du véritable déplacement du centre de gravité vers l'Asie du Sud et du Sud-Est auquel nous assistons.
Les révolutions arabes ont fait naître de nouvelles inconnues, comme en témoigne l'exemple de l'Egypte, où, moins d'un an après les évènements de la place Tahrir, que nous avions trop tendance à considérer à l'aune de nos propres valeurs, les partis islamistes ont emporté plus de 70 % des suffrages, les élections tunisiennes et marocaines traduisant globalement le même mouvement.
Quant à la révolution libyenne vantée par M. Bernard-Henri Lévy, elle n'a, pour le moins, pas encore porté tous ses fruits...
Nous devons donc réévaluer nos analyses pour prendre en compte la réalité des bouleversements qui affectent l'ensemble du bassin méditerranéen.
Il faut partir de ce que sont véritablement ces sociétés au sein desquelles une fracture sépare la partie moderne, qui regarde vers l'Occident, d'une partie plus traditionnelle. Face à ces évolutions, une politique de coopération en matière de logement, d'urbanisation, de diversification économique de notre part, constituerait sans doute une réponse plus adaptée en tout cas que le développement de systèmes de lutte contre les « engins explosifs improvisés ». La dimension militaire est bien loin de résumer l'approche que nous devons avoir de sociétés qui connaissent des mutations aussi globales.
Enfin, ayant animé le groupe de travail de la commission sur les perspectives budgétaires, je tenais à souligner qu'il sera difficile de concilier la poursuite de l'effort financier prévu par la loi de programmation militaire, et les engagements qui sont contractés aujourd'hui sans doute de façon un peu rapide. Je vois mal comment il serait possible d'aller plus loin dans le sens de la diminution de l'effort que nous avons déjà connue.
Nous avons, au cours de nos travaux, eu le débat évoqué par M. André Dulait sur la dénomination de l'arc allant de l'Atlantique au Moyen-Orient, d'ailleurs sans l'avoir véritablement tranché. Mais quel que soit le nom qu'on lui donne, l'ensemble de cette zone appelle toute notre attention, et c'est à juste titre que le Livre blanc l'a identifiée comme telle.
Quant à la menace iranienne, Monsieur Boulaud, si elle est passée au second plan de l'attention des médias pendant le printemps arabe, force est de constater qu'elle est bien réelle, comme le confirme un très récent rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique sur l'accélération, au cours de cette période, du programme iranien de la fabrication d'armes nucléaires.
La lassitude qu'a pu susciter la lenteur du processus ne doit pas nous conduire à sous-estimer le risque de voir l'Iran effectivement s'équiper d'armes nucléaires, dans la mesure surtout où cela conduirait ses voisins à ne pas vouloir être en reste.
Tel pourrait être le cas de l'Arabie saoudite, comme cela ressort des récents propos du prince Turki al-Fayçal, ou de la Turquie. On peut craindre un phénomène de boule de neige aggravé par l'opposition séculaire des chiites et des sunnites. Le gouvernement et le public israéliens suivent cette affaire avec une très grande anxiété. D'où un risque fort d'intervention militaire. C'est pourquoi nous agissons depuis longtemps avec les Américains, les Britanniques, les Allemands, les Russes et les Chinois pour appliquer des sanctions économiques de façon concertée. Nous travaillons à leur durcissement, car il n'y a pas d'autre solution, sauf à se résigner à une action militaire qui pourrait déstabiliser toute la région. Monsieur Boulaud, je crois les dirigeants américains très préoccupés par ce sujet.
Mme Durrieu m'a posé beaucoup de questions. L'islam est-il un danger ? Non. Evitons tout amalgame. En revanche, il importe de distinguer les différents courants islamistes. Ainsi, le salafisme connait une dérive dangereuse. Après avoir été longtemps persécutés, les Frères musulmans prennent le pouvoir en Égypte, en Tunisie.
Les décisions prises par ces peuples sont souveraines.
J'en viens aux armes libyennes, dont la prolifération est inquiétante. Leur panoplie est vaste, en commençant par celles de petit calibre qui feront le bonheur des petits trafiquants, mais aussi d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Des explosifs militaires aussi ont disparu. Nous n'avons pas de vision claire du volume d'armes disséminées. En outre, des armements plus sophistiqués, comme des missiles sol-air, se sont volatilisés. Il y en a sans doute bien moins d'une dizaine de milliers, mais certains sont tombés aux mains d'Aqmi. Sont-ils utilisables ? Les modèles anciens comme les SAM 7 soviétiques ne sont peut-être plus en état de fonctionner ; les plus récents devaient être en bon état, mais leurs conditions d'emploi et d'entretien exigeantes les rendent peu adaptés à leur emploi par des groupes terroristes, notamment au Sahel. Je note en particulier qu'en Afghanistan, aucune arme de ce type n'a jamais, sauf erreur de ma part, été utilisée par les taliban, peut-être pour les raisons que je viens de mentionner. Les nouvelles autorités libyennes oeuvrent de concert avec nous, avec les Britanniques et les Américains.
Monsieur Chevènement, le traité de non-prolifération (TNP) est imparfait, mais nous n'avons rien d'autre. De nombreux pays n'en retiennent que les dispositions relatives aux armes nucléaires. L'Iran est signataire ; la Corée du Nord, Israël, l'Inde et le Pakistan ne le sont plus ou pas. Rappelez-vous : la maîtrise de l'armement nucléaire par l'Inde a provoqué une réplique immédiate du Pakistan. Je crains un enchaînement semblable si l'Iran accédait à l'arme nucléaire.
Monsieur Chevènement, je souscris à ce que vous avez dit au sujet du traité interdisant les essais nucléaires, qu'il s'agisse du cut-off ou du traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Les États-Unis ont dit qu'ils s'engageraient dans la ratification, mais ne l'ont pas fait en raison du blocage au Congrès. Je ne vois guère de perspectives encourageantes pour le cut-off : voyez ce qui s'est passé à Genève. Les Chinois veulent augmenter leur arsenal, tout comme les Pakistanais. L'optimisme n'est donc pas de mise sur ce front.
Ne serait-il pas souhaitable que la France, les États-Unis et d'autres grands pays prennent l'initiative de rappeler les orientations prises il y a deux ans par la conférence d'examen ? Le désarmement du Proche-Orient a été mis de côté, mais un premier bilan permettrait d'exercer une pression sur le Pakistan. Où son arsenal entraînera-t-il l'Inde et la Chine ? Comment maîtriser l'arsenal nucléaire en Asie sans initiative de grands pays affirmant que la conférence d'examen doit servir à quelque chose ?
Je partage votre souhait, mais où sont les espaces politiques permettant de le concrétiser ? La situation préélectorale aux Etats-Unis ne s'y prête guère. Je ne peux augurer d'initiative immédiate en perspective, malgré l'importance majeure du sujet.
Je partage votre analyse.
J'en viens à la cybermenace. La France défend la libre utilisation d'Internet et des réseaux sociaux, dont on connaît le rôle dans les révoltes arabes, mais les discussions politiques sur la cyberdéfense - au sein du groupe de travail mis en place par les Nations unies ou dans celui réuni à Londres à l'initiative de M. Haig - conduisent à l'affrontement de deux conceptions : les Occidentaux veulent limiter les cyberattaques et avancent l'idée d'un code de bonne conduite, les Russes et les Chinois, notamment, mettent en avant les dangers d'internet et veulent s'intéresser à son contenu en imaginant de le réglementer. Aujourd'hui, les attaques informatiques sont utilisées à des fins d'espionnage, mais elles pourraient demain permettre des opérations de sabotage.
La Turquie est un pays important. Nous avons avec elle une divergence quant à son ambition de rejoindre l'Union européenne, mais nous avons des intérêts communs objectifs. Il faut discuter avec ce pays qui regagne en influence dans l'espace de l'ancien Empire ottoman, et coopérer dans certains cas. La Turquie est-elle pour autant une référence ? Elle semble en tout cas aujourd'hui prise pour modèle par certains pays arabes.
Vous avez qualifié la Russie de pays « ré-émergent ». Après être tombée assez bas, elle se redresse sur le plan économique, mais ce redressement est fragile. Sa démographie n'augure pas un avenir brillant, mais elle conserve sa taille, son histoire et sa capacité nucléaire. Il reste que ce pays apparait moins au centre des préoccupations dans le contexte stratégique actuel, en tout cas moins que la Chine. La France approfondit en tout cas ses relations avec la Russie. C'est indispensable. La vente de bateaux de projection et de commandement (BPC), à cet égard, était un geste politique fort. La France est le premier pays européen à conclure une telle vente. Il est indispensable d'arrimer au maximum ce pays à l'Europe.
J'en viens au Livre blanc. Vous pouvez ne pas approuver certaines de ses analyses, Monsieur Chevènement, mais celui de 2008 a mentionné la Chine, dont il a évoqué la montée en puissance.
S'agissant du terrorisme, il faut s'interroger avec un regard neuf sur sa centralité stratégique.
Je voudrais poser une question de méthode. Vous avez dit que le Livre blanc, dont j'estime qu'il ne doit pas devenir un rituel, était d'abord un exercice administratif. Il y a là un écueil, celui de devenir un ouvrage sous influence, alors que seule une analyse libre permet un choix éclairé. Nous avons souhaité des conclusions partagées, car la nation doit connaître les motifs des efforts demandés.
Vous avez jugé nécessaire de préserver l'outil de défense, notamment sa base industrielle, qui protège notre souveraineté nationale. Nous en sommes tous d'accord. Cela commande notre position sur la défense antimissile balistique. Il nous semble qu'après avoir pris des engagements écrits envers l'OTAN, certains reculent en s'interrogeant sur la compatibilité de cette défense avec notre doctrine de dissuasion. D'éminents responsables ont répété ici ce que l'on ne disait plus depuis deux ans. Nous avons mesuré le risque pour notre industrie d'une défense antimissile balistique principalement américaine, qui ne souhaite pas vraiment associer les capacités européennes. Cette affaire n'est plus guère évoquée aujourd'hui, alors qu'il serait dommage de perdre nos compétences en la matière.
J'en viens à la prévision mathématique, ordinairement appliquée aux risques naturels, mais dont l'usage pourrait être étendu. Nous en avons les capacités intellectuelles.
La desquamation de certains États fait courir un risque majeur, avec une pauvreté source d'émigration, une criminalité qui vide de leur substance des pays comme le Mexique ou la Guinée-Bissau, des formes claniques centrifuges en Afghanistan, en Afrique, les frontières artificielles héritées de la conférence de Berlin en 1883 et qui expliquent nombre de guerres, comme celle du Katanga.
Oui. Pourrions-nous orienter notre politique de coopération pour rétablir des cadres étatiques ?
Vous avez insisté sur l'accident nucléaire au Japon, que j'analyse d'abord comme la conséquence d'un tremblement de terre et d'un tsunami. En trois jours, ce pays a réussi à mobiliser 100 000 hommes de ses forces d'autodéfense. Quelles sont les perspectives en France ? Cela me conduit au mot « résilience », qui apparaît dans le Livre blanc, mais qui n'a aucune transcription dans la France d'aujourd'hui.
De quelles armes nucléaires est-il question ? Où en sont les pays concernés en matière de miniaturisation ?
Vous avez évoqué les sanctions économiques contre l'Iran. Mais connaissez-vous un exemple récent montrant que de telles mesures peuvent être efficaces ? Il me semble que ce n'est jamais le cas.
Je pense nécessaire d'intégrer au maximum la Turquie dans l'Europe ; sinon, elle passera sous l'influence d'autres grandes puissances. Ce serait une perte majeure pour l'Europe occidentale.
Intégrez-vous la piraterie dans le terrorisme ?
Non, la piraterie ne relève pas du terrorisme.
Monsieur Reiner, s'agissant de la méthode retenue pour conduire notre exercice, il existe un risque de « langue de bois », mais nous nous efforcerons de l'éviter. Vous jugerez sur pièces. Travailler en cercle restreint présente des inconvénients, mais nous essayons de faire pour le mieux. Le Livre blanc qui sera élaboré en 2012 sera sans doute issu d'un travail plus ouvert dans lequel le Parlement apportera sa contribution.
En matière de défense antimissile, la position de la France est inchangée. Il n'y a là aucune contradiction avec notre dissuasion nucléaire. Nous sommes entrés dans une phase de discussions sur les modalités du command control dans la perspective du sommet de Chicago. A cet égard, nous ne voulons pas d'un système aux mains des Américains et nous leurs disons s'agissant des enjeux industriels que nous voulons que les intérêts industriels de la France soient pris en compte. L'Europe et la France doivent avoir une place dans ce système.
Nous souhaitons qu'elle soit un partenaire de l'OTAN dans cette affaire aussi bien pour des raisons politiques que pour des considérations géographiques. Mais vous connaissez les difficultés de cette discussion dues à la perception de l'OTAN par les Russes.
Singapour, Monsieur Reiner, conduit des travaux de prévisions mathématiques sur des sujets stratégiques dits de « horizon scanning ». Nous sommes partenaires de cette réflexion, conduite, il est vrai, en tout petit cercle.
Monsieur Lorgeoux, la faiblesse de certains États est assurément dangereuse. Comment y faire face de l'extérieur ? Vaste sujet...
Monsieur Gautier, il est exact que le drame de Fukushima est d'origine naturelle, mais la catastrophe résulte d'une connexion de facteurs. Il faudra probablement examiner notre doctrine de protection du territoire et des populations à l'aune de ce qui s'est passé en début d'année au Japon.
Je crois beaucoup à la résilience, à laquelle nous travaillons ardemment. En Californie, on apprend dès l'école aux enfants qu'ils seront confrontés à un tremblement de terre.
Monsieur Peyronnet, nous avons des incertitudes sur les capacités exactes de la Corée du Nord, mais aucune quant à la capacité de l'Inde et du Pakistan à placer des armes nucléaires sur des missiles. Les sanctions économiques ont un effet sur la conjoncture économique iranienne, bien qu'elles n'aient pas conduit à l'arrêt du programme nucléaire. Nous n'avons pas renoncé à atteindre nos objectifs grâce à des sanctions.
Je ne commente pas votre opinion sur la Turquie.
Je le note. La piraterie s'est développée...
mais le phénomène reste ponctuel. Conduite par l'Union européenne, l'opération Atalante porte ses fruits.
La révolution démographique en cours dans certaines parties du monde risque de provoquer des désordres et des vagues migratoires. Classez-vous ce phénomène parmi les catastrophes naturelles ? Comment y répondre ?
Il n'y a pas là de catastrophe, mais un fait à prendre en considération. On ne peut négliger le rôle de la démographie pour l'avenir de la Russie ou de l'Afrique. La démographie joue un grand rôle dans les relations entre la Chine, dont la population vieillit avec la politique de l'enfant unique, et l'Inde, où elle s'accroît.
Je vous remercie pour la qualité de ce dialogue. Nos ateliers vont se remettre au travail, sans doute en utilisant vos communications. Pour partager les résultats de nos travaux, nous vous auditionnons peut-être début juin.