Daniel Raoul est désigné rapporteur sur la proposition de loi n° 595 (2011-2012), visant à abroger la loi n° 2012-376, du 20 mars 2012, relative à la majoration des droits à construire.
Le délai limite pour le dépôt des amendements de commission sur ce texte est fixé au lundi 2 juillet à 15 heures.
La commission procède à l'examen du rapport de M. Retailleau sur la proposition de résolution européenne relative à la réforme de la politique commune de la pêche, et du rapport de M. Serge Larcher sur la proposition de résolution visant à obtenir la prise en compte par l'Union européenne des réalités de la pêche des régions ultrapériphériques françaises.
Le processus de réforme de la politique commune de la pêche a été lancé par la Commission européenne en 2009 avec la publication du Livre vert. Le Sénat avait alors adopté une première résolution, critique, dont il n'a malheureusement pas été tenu compte dans le paquet législatif présenté par la Commission en juillet et décembre 2011. Cette situation a amené la commission des affaires économiques, la commission du développement durable et la commission des affaires européennes à réagir, en constituant un groupe de travail destiné à préparer la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd'hui. Je salue le travail de Mme Odette Herviaux, de MM. Gérard Le Cam, Joël Guerriau et Charles Revet, membres avec moi du groupe de travail, qui se sont saisis du dossier. Nos nombreuses auditions ont permis d'aboutir à la rédaction d'une proposition de résolution, adoptée à l'unanimité par la commission des affaires européennes il y a deux semaines.
Venons-en maintenant à la réforme de la politique commune de la pêche. La Commission européenne se fonde sur le constat d'une dégradation de la ressource halieutique en Europe, attribuée à la surpêche. Comment, cependant, définir la surpêche ? Si l'on se fonde, comme le fait la Commission, sur la notion de rendement maximum durable (RMD), qui vise à préserver le stock pour optimiser la capture, ce sont 75 % des stocks qui sont en situation de surpêche. Si, en revanche, c'est le critère de mise en danger biologique, soit le risque d'épuisement et de disparition, que l'on retient, seuls 32 % des stocks sont concernés. J'ajoute que l'on ne saurait dresser un constat global, valable pour toutes les mers er tous les océans. Ainsi, si, en Méditerranée, les stocks sont très sollicités, comme on l'a vu avec l'emblématique thon rouge, tel n'est pas le cas, par exemple, pour la sole en mer Celtique, le merlan bleu ou le hareng en mer du Nord, dont les stocks, au contraire, s'améliorent.
Nos discussions avec les scientifiques nous ont montré que les connaissances restent très fragiles. Outre que seuls 50 % des stocks ont fait l'objet d'une évaluation scientifique, la pêche n'est pas seule responsable des variations des stocks de poisson : le réchauffement climatique joue aussi un rôle, mal connu, dans leur dégradation.
Autre présupposé sur lequel la Commission fonde son raisonnement : s'il y a surpêche, c'est qu'il y a trop de bateaux et de marins. Or, la pêche européenne, et la pêche française en particulier, ne cessent de se réduire. L'Europe, qui ne représente au reste que 5 % des prises mondiales, couvrait, en 1995, les deux tiers de sa consommation, quand elle n'en assure plus aujourd'hui que 40 %, tandis que la taille de sa flotte se réduit de 2 % par an.
En France, la situation économique du secteur est préoccupante. Le nombre des navires a été ramené de 6 500 à 4 675 en quelques années. La France hexagonale ne compte plus que 20 000 pêcheurs. Au point que beaucoup de ports considèrent que le seuil critique est atteint : désintérêt des jeunes générations, embauche croissante de pêcheurs étrangers. On importe aujourd'hui plus de 70 % de notre consommation. La vétusté des bateaux, dont l'ancienneté moyenne est supérieure à vingt-cinq ans, trahit la souffrance économique du secteur, et pose un vrai problème de sécurité. Pourtant, nous sommes riches de 5 000 kilomètres de côtes : comment pourrait-on se passer d'une réelle ambition pour la pêche ?
La réforme de la politique commune de la pêche est certainement nécessaire mais il serait injuste de penser que celle qui est actuellement en vigueur serait un échec : les plans pluriannuels sur la sole dans le Golfe de Gascogne ou le merlu en mer du Nord n'ont-ils pas été des succès ?
Quelles sont les propositions de la Commission européenne ? En premier lieu, fixer un rendement maximum durable en 2015. Interdire, en deuxième lieu, au plus tard le 31 décembre 2015, les rejets, qui sont une réalité dans beaucoup de pêcheries. Créer, en troisième lieu, un système de concession de pêche permettant à chaque titulaire de faire commerce des droits à pêcher qu'il détient. Généraliser, en quatrième lieu, les plans pluriannuels, par grande région maritime, et régionaliser la gouvernance des pêches, respectant ainsi le principe de subsidiarité. Renforcer, en cinquième lieu, l'organisation commune des marchés, les organisations de producteurs devant continuer jouer un rôle de régulation tant dans la gestion de la ressource que dans la mise en marché des produits. En revanche les instruments publics d'intervention seraient restreints. Moderniser, en sixième lieu, le Fonds européen pour la pêche, qui serait élargi aux affaires maritimes et doté de 6,5 milliards, en le réorientant sur l'aide à la sélectivité et à la réorientation des pêcheurs vers d'autres secteurs, ce qui signifie du même coup la disparition des aides à l'installation, aux plans de sortie de flotte ou à la modernisation des bateaux. Transposer, en dernier lieu, les règles de la politique commune dans le cadre des accords de pêche avec les pays-tiers, dans le cadre du volet externe de la politique commune de la pêche. La flotte européenne réalise en effet 14 % de ses prises dans les eaux d'États tiers.
J'en viens à notre proposition de résolution, sur laquelle le Parlement européen et les États pourraient parvenir à un équilibre, sachant que la réunion des ministres du 12 juin a montré qu'il y avait convergence sur le socle de nos préconisations. Le fait est que les propositions de la Commission ont fait l'objet de vives critiques, et du Parlement européen, et des États membres. Ainsi, la mise en place du rendement maximum durable à 2015, en France, obligerait à fermer dès à présent 50 % de nos pêcheries. Nous ne contestons pas le principe, mais la date retenue : on peut tendre vers l'objectif, mais à l'horizon 2020. Notre deuxième objection porte sur l'interdiction totale des rejets. Certes, ils sont importants, mais les prises rendues à la mer entrent après tout, même mortes, dans le cycle de vie. Obliger à les ramener au port ne fera que favoriser la filière minotière pour la fabrication de farines animales, loin du but recherché. L'interdiction des rejets pose d'immenses problèmes. Mieux vaut, à notre sens, travailler à améliorer la sélectivité pour tendre vers le zéro rejet.
Sur les concessions de pêche transférables, le consensus est total entre les associations environnementales, les pêcheurs, les scientifiques : ce mécanisme reviendrait à imposer la dérégulation sur une ressource collective, autant dire à privatiser un bien public. Aucun État n'y souscrira, pas plus que le Parlement européen. L'Islande, où un tel système avait été mis en oeuvre, revient en arrière. Comme toute marchandisation, il favorise les gros armateurs, qui capitalisent les droits, et rien ne reste à la pêche artisanale.
Nous insistons, également, sur le volet social. La réforme doit être l'occasion d'harmoniser par le haut les conditions de travail, difficiles, dans un secteur où le recrutement de marins étrangers ne cesse d'augmenter. Les partenaires sociaux européens viennent de signer un accord qui pourrait servir de base à une future directive. Nous voulons encourager ce processus.
En ce qui concerne l'organisation commune de marché, nous souhaitons une meilleure information du consommateur grâce, notamment, à un écolabel précisant la provenance et les conditions de pêche. Les productions importées doivent suivre les mêmes règles que celles applicables à nos pêcheurs.
Quant au Fonds européen, enfin, si nous sommes favorable à son orientation en faveur d'une meilleure sélectivité des engins, il nous semble indispensable qu'il puisse à l'avenir soutenir l'installation des jeunes et la modernisation de la flotte, ceci non seulement pour des raisons environnementales liées à la consommation de gazole, mais pour assurer plus de sécurité dans une profession qui paye à la mer, chaque année, un lourd tribut de morts.
Je crois que, sur toutes ces propositions, nous pouvons aboutir à un consensus entre le Parlement européen et les États.
C'est à nos collègues Maurice Antiste et Charles Revet que nous devons le texte, déposé le 31 mai, sur lequel je vais vous faire rapport, non sans vous avoir remercié de m'avoir désigné : fils de marin pêcheur je suis particulièrement sensible aux problématiques de la pêche ultramarine et me réjouis de rapporter le premier texte issu des travaux de la jeune délégation sénatoriale à l'outre-mer, voulue par le président Jean-Pierre Bel, texte qui illustre, s'il en était besoin, tout l'intérêt de cette délégation.
Nos outre-mer contribuent au statut de puissance maritime de la France, qui dispose grâce à elles, avec plus de onze millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, de la deuxième surface maritime mondiale. Le poids de la pêche ultramarine au sein de la pêche nationale est loin d'être négligeable : les départements d'outre-mer représentent ainsi près de 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins pêcheurs au niveau national, la Martinique constituant le premier département de France en matière de pêche artisanale.
En matière de pêche comme en bien d'autres domaines, il n'y a pas un, mais des outre-mer. Chaque DOM a ses spécificités. C'est ainsi que la pêche des DOM antillais est quasi-exclusivement artisanale et très majoritairement côtière. En Martinique, la flotte est composée en quasi-totalité de yoles, embarcations ouvertes, à faible tirant d'eau, équipées de moteurs hors bord. Dans ces deux départements, la production est très loin de couvrir la consommation.
Trois flottilles sont présentes en Guyane : la pêche industrielle crevettière, qui traverse une grave crise illustrée par l'effondrement de la production ; la pêche artisanale ciblant le poisson blanc; la pêche au vivaneau effectuée sous licences communautaires par des navires vénézuéliens, qui constitue la clé de voûte de la filière. La très grande majorité de la production de crevettes et de vivaneaux est exportée, notamment vers les Antilles. La pêche guyanaise se caractérise enfin par des équipages composés à plus de 80 % de ressortissants de pays tiers.
La pêche réunionnaise compte également trois composantes : la pêche artisanale côtière ; la pêche palangrière exercée dans les ZEE de La Réunion, des îles Éparses mais également de Madagascar ; la pêche hauturière, dans les zones maritimes des terres australes et antarctiques françaises, ciblant la langouste et la légine. Cette dernière pêche assure l'essentiel du chiffre d'affaires de la filière et travaille essentiellement à l'exportation.
A Mayotte enfin, le plus jeune des départements français, une flotte thonière cohabite avec une flottille artisanale d'environ 800 pirogues et 250 barques.
Il est cependant une constante : la pêche ultramarine joue un rôle économique et social vital dans les outre-mer. En 2008, on comptait 2 880 marins pêcheurs embarqués dans les DOM. C'est un chiffre significatif, notamment dans des collectivités qui connaissent un taux de chômage très important. La pêche constitue surtout le troisième secteur économique en Guyane et, en Guadeloupe, son poids en chiffre d'affaires est proche de celui des filières de la banane ou de la canne à sucre. En raison de son caractère essentiellement vivrier, le secteur entretient enfin un véritable lien social.
La pêche ultramarine, enfin, dispose d'un véritable potentiel de développement reconnu par l'ensemble des acteurs. Certes, l'éloignement, je ne dirai pas de la métropole, car le temps des colonies est derrière nous, mais de l'Europe continentale, le coût du carburant, les difficultés de financement des entreprises, la pollution des côtes, aux Antilles, par la chlordécone, ou encore, en Guyane, la pêche illégale pratiquée par des pêcheurs brésiliens et surinamais constituent autant de freins. Autre handicap, l'insuffisance des structures de transformation et de commercialisation. C'est là, à mon sens, un défi majeur pour le développement de la pêche, notamment dans les Antilles. Ce défaut d'organisation de la filière explique, par exemple, que les produits locaux de la mer n'ont accès ni aux cantines scolaires, ni à celles des hôpitaux. Comment accepter, sachant combien est sensible le problème de la vie chère outre-mer, que les enfants martiniquais ne mangent à la cantine que des poissons importés, venant le plus souvent de l'Hexagone ? Il est, à mes yeux, indispensable que les acteurs locaux se mobilisent sur cette question.
A côté de ces handicaps, le secteur de la pêche dispose d'atouts considérables. Le premier d'entre eux est la présence de ressources halieutiques relativement abondantes et bien souvent sous-exploitées, ainsi que la Commission européenne l'a elle-même reconnu dans une communication d'octobre 2008.
Le potentiel de développement de la pêche dans les DOM est incontestablement important, comme celui de l'aquaculture, à condition qu'elle se structure. Il faut donc regretter que les réalités de la pêche ultramarine ne soient pas prises en compte aujourd'hui par l'Union européenne. Les dernières réformes de la politique commune de la pêche ont conduit à des restrictions importantes, que la Commission justifie, ainsi que l'a rappelé notre collègue Bruno Retailleau, par la surcapacité des flottes européennes eu égard à la raréfaction de certaines ressources halieutiques. Or, ce constat, on l'a vu, ne correspond en rien à la réalité ultramarine. Pourquoi, dans ces conditions, appliquer les mêmes règles outre-mer et en Europe continentale ? Les règles de gestion de la ressource sont eurocentrées, c'est-à-dire pensées par et pour l'Europe continentale.
Plusieurs règles de la politique commune sont ainsi clairement inadaptées aux réalités de la pêche dans les DOM, quand elles ne nuisent pas au développement du secteur, alors même que nous bénéficions, au niveau européen, du statut de régions ultrapériphériques (RUP). Je pense notamment à l'interdiction des aides à la construction, à l'interdiction du financement des dispositifs de concentration de poisson, ancrés ou collectifs, outils au service d'une pêche sélective et durable, ou encore de l'interdiction des aides au fonctionnement.
L'interdiction des aides à la construction constitue, à mes yeux, comme à ceux des professionnels, la meilleure illustration de l'inadaptation des règles de la politique commune aux réalités ultramarines. Elle n'est pas sans effets pervers, contraires aux objectifs de la politique commune, en empêchant la mise en service de bateaux plus écologiques, donc moins consommateurs de carburants, plus sûrs et moins destructeurs des lagons.
Toutes ces restrictions sont d'autant plus aberrantes que, dans le même temps, dans le cadre du volet externe, l'Union européenne conclut avec certains pays de notre environnement régional des accords de partenariat de pêche, subventionnant le développement du secteur dans ces pays potentiellement concurrents. Madagascar et l'Union européenne viennent ainsi de signer un accord qui prévoit le versement de 550 000 euros par an pour le développement de la pêche malgache. En toute incohérence, puisque cette aide attisera la concurrence avec La Réunion. Et pourquoi refuser aux DOM ce que l'UE octroie à Madagascar ?
Au-delà, c'est la politique commerciale de l'Union européenne dans son ensemble qui constitue une menace pour l'économie des outre-mer. C'est ainsi que sont conclus des accords de libre-échange avec certains pays d'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique, où les coûts de production sont très inférieurs et non soumis aux normes européennes. Quelle cohérence, une fois encore, avec la politique définie pour les RUP, qui vise à « valoriser les atouts de l'ultrapériphérie » ? Quelle cohérence avec les politiques sectorielles, comme la politique commune de la pêche ou la politique de cohésion ?
La délégation sénatoriale à l'outre-mer a estimé que la réforme de la politique commune de la pêche, dont les principaux volets ne trouvent pas à s'appliquer aujourd'hui, était l'occasion de faire valoir les réalités ultramarines. Ses deux rapporteurs, MM. Maurice Antiste et Charles Revet, ont donc déposé cette proposition de résolution, qui formule deux séries de recommandations. La mise en place, tout d'abord, de règles spécifiques aux régions ultrapériphériques, sur le fondement de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne Cet article, très insuffisamment utilisé, permet en effet l'édiction de règles spécifiques aux RUP afin de tenir compte de leurs handicaps. Parmi ces dispositifs spécifiques, nous recommandons notamment le rétablissement des aides à la construction de navires. Nous appelons à la création d'un comité consultatif régional spécifique aux RUP, afin de nouer enfin le dialogue avec les instances européennes. Une autre série de recommandations porte sur la politique commerciale de l'Union européenne, que nous invitons à mieux articuler sa politique commerciale avec les politiques sectorielles, mise en cohérence qui doit passer notamment par une évaluation systématique et préventive des effets sur les RUP des accords commerciaux négociés par l'Union européenne. Sur cette question, le texte reprend fidèlement les positions exprimées par notre Haute assemblée en 2011, dans le cadre d'une proposition de résolution européenne tendant à obtenir compensation des effets, sur l'agriculture des départements d'outre-mer, des accords commerciaux conclus par l'Union européenne.
Cette proposition de résolution, très consensuelle, a été approuvée à l'unanimité par la délégation sénatoriale à l'outre-mer, puis par la commission des affaires européennes. Tous ceux que j'ai auditionnés y ont vu une initiative bienvenue, qui sera un soutien précieux aux initiatives lancées par le Gouvernement français au niveau européen, comme me l'a indiqué hier M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux transports, à la mer et à la pêche.
L'article 349 du traité est un véritable « Graal » pour les RUP. Qu'il soit si peu utilisé témoigne de la méconnaissance de la Commission quant aux problématiques ultramarines, mais aussi de la difficulté à faire entendre la voix des outre-mer dans une Union européenne à 27, comme me l'a indiqué le conseiller pêche et outre-mer de la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne lors de mon déplacement à Bruxelles. Brûlante aussi est la question de la cohérence des politiques communautaires, et notamment de la déconnexion de la politique commerciale, qui pénalise non seulement l'outre-mer mais l'ensemble des régions françaises.
Je me réjouis que les deux propositions de résolution européenne que nous examinons aujourd'hui se rejoignent : la proposition de résolution « globale » présentée par notre collègue Bruno Retailleau appelle ainsi à ce qu' « une conditionnalité environnementale et sociale s'applique aux produits de la pêche ou de l'aquaculture provenant de pays tiers ». Je forme le voeu que cette résolution soit adoptée à l'unanimité.
Nous avons travaillé, et je m'en réjouis, en bonne intelligence. L'un et l'autre texte sont le fruit d'un consensus. Si la notion de rendement maximum durable part d'un bon principe, faut-il rappeler que ce principe fut évoqué dès 2002 et que, dix ans durant, la Commission n'a rien fait pour le mettre en place. C'est la bonne volonté de la profession qui a fait avancer les choses, notamment sur la sélectivité des engins. Et voilà que l'on annonce tout à coup une date butoir économiquement insupportable. Le volet social entre, lui aussi, dans nos préoccupations. Quant à l'organisation commune de marché, elle ne compte que bien peu de représentants des pêcheurs. Il en faut pourtant, et pas seulement des armateurs et des mareyeurs, si l'on veut qu'elle joue son rôle.
Pour les RUP, il est une urgence : que l'article 349 du traité soit appliqué. La spécificité des territoires ultramarins doit être prise en compte, comme d'ailleurs les particularismes régionaux dans l'Hexagone. Je souhaite également un peu de cohérence dans les politiques européennes, politique commerciale et politique de la pêche, notamment. Nous devons inviter l'Europe à ne pas favoriser des pays tiers au détriment de nos propres territoires.
Je partage les observations de nos rapporteurs. Le travail mené en commun va dans le bon sens. Bon sens humain, économique, environnemental président à cette résolution. Les amendements que nous présentons vont dans le même sens : sur la pêche côtière, sur la vision très restrictive de la commission, sur l'organisation commune de marchés, sur l'organisation de la pêche, enfin, en fonction de ce qui rapporte le plus. Car tel est le paradoxe qu'« aller à la pêche » ne peut plus signifier que l'on ne sait pas ce que l'on va trouver : aujourd'hui, on sait très bien trouver ce que l'on veut vendre, et cela est préoccupant. Comme l'est le gâchis énorme en criée, qui mériterait des solutions : stockage, redistribution humanitaire. Sur le volet social, nous partageons totalement les préoccupations exprimées. De même sur les RUP, au sujet desquelles j'ai consulté Paul Vergès. Nous nous associons donc à cette résolution.
La perception trop souvent négative que l'on a de la politique de la pêche est peut-être due, pour beaucoup, à l'absence d'identité de vues quant au diagnostic. L'actualité, en Méditerranée ou dans l'Atlantique, en porte chaque jour témoignage : les informations qui nous viennent des pêcheurs ne correspondent jamais au diagnostic européen. Voir la contestation persistante sur le thon rouge. Quand trouvera-t-on moyen de porter un diagnostic indiscutable sur la pérennité d'une espèce, qui détermine la fixation des quotas ? Autre exemple, celui de la disparition des poissons bleus - sardines, anchois - en Méditerranée, dont les pêcheurs indiquent qu'elle est davantage liée à la capture pour la transformation en farines que pour la consommation. Même distorsion, donc, entre leur point de vue et celui de l'Union européenne. Sans parler de la différence de traitement entre pêcheurs espagnols et ceux d'Hendaye ou de Bayonne.
Je veux attirer l'attention sur les effets de la pollution, qui peut, elle aussi, avoir une incidence négative sur les stocks de pêche. Je pense en particulier aux pollutions émergentes, soit aux rejets de résidus médicamenteux -antibiotiques, anticholestérol, anticancéreux - que les stations d'épuration ne savent pas, dans 99 % des cas, traiter. C'est ainsi que ces molécules, dont les scientifiques considèrent qu'elles sont reprotoxiques, c'est-à-dire ont une incidence sur la reproduction de l'espèce, vont aux rivières, de là aux fleuves puis à la mer. Autre exemple d'une vraie bombe à retardement, celui des sacs plastiques, dont les débris microscopiques, qui fixent les pollutions, sont confondus par les espèces vivantes avec le plancton dont elles se nourrissent. Troisième exemple, celui des pollutions héritées du passé. Si les PCB et le DDT sont interdits depuis des décennies, il n'en reste pas moins qu'il en demeure, enfouis dans les sédiments, que chaque crue envoie à la mer. Dernier exemple enfin, qui laisse tout le monde insensible, les dégazages « voyous », estimés à 20 000 tonnes en Méditerranée. M. Mirassou a évoqué la disparition du poisson bleu. Une autre cause l'explique : la mort des alevins quelques jours après la naissance, mort qui serait, pour les scientifiques, due à la pollution. Si l'on ne fait rien, on va au devant de graves surprises.
Une simple question sur les incidents relatifs aux zones de pêche entre Terre-Neuve et Saint-Pierre-et-Miquelon. Est-on parvenu à un accord entre l'Union européenne et le Canada, ou le problème perdure-t-il ?
Je suis sensible aux arguments de Serge Larcher, mais il reste à prouver que la ressource dans les départements d'outre-mer, qui n'en portent pas moins des spécificités socio-économiques, soit vraiment importante en qualité et en quantité. C'est bien sur l'ensemble des zones de pêche qu'il faut mener la recherche. Oui, un diagnostic indiscutable nous serait bien nécessaire, un véritable état des lieux. Les clignotants sont au rouge dans les océans, qui couvrent les trois quarts de la planète, et que Rio + 20 va enfin prendre en compte. Les pollutions héritées du passé, Roland Courteau ? Oui, mais j'ajoute qu'il est de telles molécules encore en usage qui ont des incidences sur le plancton.
Notre groupe juge cette résolution équilibrée, bien argumentée et y souscrit, moyennant quelques amendements à la marge. Oui, on doit mieux faire en matière de sélectivité ; ramener les rejets au port pour en faire, in fine, de la farine de poisson, n'est pas une solution, et pourrait au contraire alimenter des marchés parallèles poussant à continuer à capturer sans distinction.
Je ne sais si la question a été évoquée, mais il y aurait beaucoup de progrès à faire en matière d'application de la réglementation communautaire par l'ensemble des pays européens. Etant proche du port de Saint-Jean-de-Luz, je constate avec quelle facilité nos voisins espagnols s'affranchissent des contraintes techniques, réglementaires et juridiques.
Des progrès pourraient aussi être faits dans le sens d'une structuration de la filière, notamment lorsqu'on la compare avec le secteur agroalimentaire. Par exemple, alors qu'auparavant la criée était un prolongement naturel de la pêche, elle est devenue un monde uniquement commerçant qui s'alimente de moins en moins de la ressource locale, entrainant des antagonismes préjudiciables à la gestion de nos ports. Or, les criées devraient au contraire constituer un outil de la politique de la pêche que nous appelons de nos voeux.
Suite aux propos entendus sur le rôle des stations d'épuration, je ne puis, en tant que membre du bureau de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, que vous inviter à regarder de près quels budgets seront consacrés par les agences à ces sujets dans le cadre du 10e plan 2013-2017. La baisse des moyens risque de se faire sentir. Cela dit, sans sous-estimer le problème, il convient aussi de garder à l'esprit les volumes concernés. Je ne sais si cela relève de notre commission, mais il serait utile d'auditionner les directeurs des agences sur les questions liées à la pêche en eau douce, et notamment sur les découvertes récentes de présence de PCB non expliquée par l'existence d'industries.
Il est indispensable que les diagnostics fassent l'objet d'évaluations contradictoires, faute de quoi l'on assiste systématiquement à des contestations, et le système ne fonctionne pas.
Il faudrait aussi mieux informer les consommateurs du fait que 70% du poisson consommé est importé.
Au plan social, où en est-on de l'harmonisation par le haut des conditions de travail dont on parle depuis des années ? Dans le domaine de la pêche, les travailleurs étrangers sont-ils soumis au SMIC, ou plutôt à la convention collective comme cela devrait être le cas ?
Enfin, les concessions de pêches transférables ne me semblent pas admissibles, car elles aboutiraient soit à la mort de la pêche artisanale et côtière, soit à une privatisation d'un bien public.
Tout d'abord, tous mes remerciements à Odette Herviaux et Gérard Lecam pour leur implication dans notre groupe de travail.
Les diagnostics doivent être améliorés, à peine 50% des stocks répertoriés faisant aujourd'hui l'objet d'une évaluation sérieuse. Les établissements publics comme l'IFREMER manquant de moyens, il faut que le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) puisse en dégager. Les co-expertises doivent aussi être développées, l'exemple de la sole démontrant tout l'intérêt d'aboutir à un diagnostic partagé.
Quant à l'idée qui flotte dans l'esprit de certains fonctionnaires de la Commission, selon laquelle moins il y aura de pêcheurs, plus il y aura de poissons, elle est évidemment simpliste et malthusienne. Il y a beaucoup d'autres facteurs qu'il nous reviendra d'approfondir.
Sur la sélectivité, je considère en effet qu'elle constitue un bon moyen d'organiser la pêche des différentes espèces. Elle est d'ailleurs prévue par le FEAMP.
Par ailleurs, si le Sommet de Rio n'a, dans l'ensemble, pas été une réussite, je me réjouis qu'il est au moins permis de donner un statut aux océans, alors que jusqu'alors ils étaient considérés comme des zones de non-droit comme en témoigne le long réquisitoire de l'avocat général lors du procès de l'Erika, qui a estimé qu'un rejet en pleine mer ne pouvait être considéré comme une pollution ...
A propos des pêcheurs espagnols, nous sommes nous aussi payés pour savoir que l'harmonisation n'existe pas. Le FEAMP renvoie à des mesures de contrôle nationales, et les Français sont de bons élèves ; mais tel n'est pas le cas de leurs voisins. C'est ainsi que l'on assiste au rachat de vieux bateaux qui restent au port mais permettent d'acquérir des quotas de pêches exploités sous l'égide d'armateurs espagnols. Mais force est de constater que la pêche a souvent été une variable d'ajustement par rapport à un secteur agricole très soutenu par les différents gouvernements.
En matière d'organisation de la filière, l'on peut penser que France Filière Pêche constitue un outil précurseur de la structuration des liens entre l'amont et l'aval, les acteurs du secteur devant, à l'instar des agriculteurs il y a plusieurs décennies, comprendre qu'il ne suffit pas de produire pour vivre de son produit.
Enfin, j'estime que les écolabels devraient informer non seulement sur l'origine géographique des produits, mais aussi sur les engins de pêche employés.
Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, un accord commercial est en cours de négociation avec le Canada ; il n'a pas abouti pour l'heure, et les risques pour l'économie locale demeurent.
Rappelons par ailleurs qu'en outre-mer, la pêche est sélective. On n'y trouve pas de chalutiers ni de gros filet, et on y utilise des mailles de 31.
Il y a aussi le problème du chlordécone sur les côtes antillaises qui y interdit la pêche et nous conduit à aller plus loin, à pratiquer une pêche pélagique. Ceci exige de mettre en place des DCP (dispositifs de concentration des poissons) pour y faire venir le poisson mais l'Union européenne en interdit le financement.
En matière de connaissance de la ressource, tout le travail d'évaluation reste à faire. On sait par exemple que le plateau guyanais est très poissonneux. Il faudrait que l'IFREMER procède à une évaluation précise, faute de quoi nous resterons soumis à ce type de limitations européennes.
En matière sociale, je précise qu'il n'y a pas de convention collective mais que les partenaires sociaux sont très impliqués le processus d'harmonisation.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Alinéas 11, 18, 20 et 22
L'amendement n°COM-12 d'ordre rédactionnel est adopté.
Alinéa 11
Ne serait-il pas plus élégant de remplacer les mots « ses outre-mer » par « son domaine ultra-marin » ?
Les outre-mer figurent désormais tels quels dans le nom du ministère.
L'amendement n°COM-11 est adopté.
Alinéa 19
L'amendement n° COM-5 étant satisfait par la rédaction de l'alinéa 19 de la proposition, je souhaite son retrait.
L'amendement n° COM-5 est retiré.
Alinéa 21
Je souhaite le retrait de l'amendement n° COM-6 dans la mesure où la question des comités de pilotage régionaux et la question des conseils consultatifs régionaux sont deux questions distinctes.
L'amendement n° COM-6 est retiré.
Alinéa 22
L'alinéa 16 de la proposition s'oppose déjà à la privatisation des ressources en mer qui constituent un bien public. Je souhaite donc le retrait de cet amendement qui est redondant avec le texte de la proposition de résolution.
L'amendement n° COM-7 est retiré.
Alinéa 23
L'amendement n° COM-8 pourrait recueillir un avis favorable dés lors que le début de l'alinéa serait ainsi rédigé : S'inquiète du phénomène des rejets en mer, mais estime que l'interdiction pure et simple de ceux-ci n'améliore en rien l'état des stocks halieutiques, n'est pas réaliste, et recèle même de graves dangers pour les marins ».
L'amendement ayant une portée trop large, je partage l'avis du rapporteur.
L'amendement n°COM-8 ainsi rectifié est adopté.
Avant l'alinéa 24
Les amendements n°s COM-1 et COM-4 identique sont adoptés.
Alinéa 24
Avis favorable à l'amendement n° COM-3 qui propose une harmonisation sociale par le haut.
Cela fait effectivement longtemps que nous la demandons et je propose d'enrichir le texte en prenant en compte l'embauche de travailleurs des pays du Sud.
Cela dénaturerait l'amendement et poserait des difficultés d'applications énormes, alors que nous sommes aujourd'hui engagés dans la bonne direction en matière d'harmonisation, avec un accord des partenaires sociaux.
Et ce d'autant plus que la question des pavillons n'est pas réglée, mais devrait avancer sur la base d'une proposition de loi que nous avons déposée et à laquelle le ministre s'est dit très favorable.
président. - La modification proposée serait inapplicable en l'état, et pourrait engendrer des effets contraires à ceux recherchés.
Après l'alinéa 26
Je suis favorable à l'amendement n° COM-9 sous réserve d'une rectification consistant à réécrire ainsi le texte proposé : Insiste pour que la répartition des possibilités de pêche individuelles puisse prendre en compte des critères environnementaux et sociaux, de façon à le rendre plus conforme à la lettre et à l'esprit de notre résolution.
L'amendement n°COM-9 ainsi rectifié est adopté et l'amendement n°COM-10 est retiré.
Après l'alinéa 27
Je suis favorable à l'amendement n° COM-2 sous réserve d'une rectification consistant à régler ainsi le texte proposé : « Demande que l'organisation commune des marchés permette de mieux réguler les prix au débarquement en criée, et facilite les débouchés pour l'ensemble des produits pêchés ».
Oui, car l'amendement était rédigé comme une incitation à produire pour l'intervention en assurant un débouché. C'est une voie dangereuse.
Dire de façon péremptoire que l'OCM va offrir un débouché, c'est écrire une lettre au Père Noël !
On ne peut pas garantir un prix pour tout ce qui a été pêché et vouloir lutter contre les rejets!
L'amendement n°COM-2 ainsi rectifié est adopté.
La résolution n° 588, ainsi modifiée, est adoptée à l'unanimité ainsi que la résolution n°589.
Renée Nicoux, MM. Gérard César et Gérard Le Cam sont désignés rapporteurs pour avis de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Roland Courteau est désigné rapporteur pour avis de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » (programme « Énergie »).
Élisabeth Lamure, MM. Martial Bourquin et Pierre Hérisson sont désignés rapporteurs pour avis de la mission « Économie ».
Serge Larcher est désigné rapporteur pour avis de la mission « Outre-mer ».
Valérie Létard est désignée rapporteur pour avis de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Marie-Noëlle Lienemann et M. Claude Dilain sont désignés rapporteurs pour avis de la mission « Ville et logement ».
Alain Chatillon est désigné rapporteur pour avis du compte spécial « Participations financières de l'État ».