La réunion

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La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 103 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ce rapport pour avis est d'une grande importance, compte tenu du poids financier et des enjeux attachés aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Quel est l'état des lieux ? Le déficit cumulé des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui avait atteint le niveau historique de 29,6 milliards d'euros en 2010, a été ramené à 22,6 milliards d'euros en 2011. Le solde prévisionnel pour 2012 établi par la Commission des comptes de la sécurité sociale tient compte des effets de la loi de finances rectificative (LFR) adoptée en juillet dernier ; le solde tendanciel pour 2013 simule ses effets en année pleine. Dans les deux cas, ils traduisent une situation encore très dégradée, puisque le déficit avoisinera les 20 milliards d'euros - 19,3 milliards d'euros en 2012 et 22,3 milliards d'euros en 2013.

Les régimes autres que le régime général, qui relèvent également du champ des LFSS, sont dans une situation tout aussi détériorée. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), d'une part, voit son déficit, apparu en 2010, augmenter de 767 millions d'euros en 2012 à 1,25 milliard d'euros en 2013 ; d'autre part, le déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), également apparu en 2010, doublera presque pour atteindre 220 millions d'euros l'année prochaine. Hors champ des LFSS, le déficit des régimes complémentaires obligatoires de retraite (AGIRC et ARRCO), avant prélèvement sur leurs réserves, augmentera pour se situer dans une fourchette comprise entre 3,5 et 4 milliards d'euros. Quant au déficit de l'Unédic, il devrait se dégrader fortement pour atteindre 3 milliards d'euros en 2012.

Le déficit cumulé depuis dix ans du régime général et du FSV s'élève à 160 milliards d'euros : 70 milliards entre 2002 et 2008, puis 90 milliards sur la période 2009-2012. Le décrochage semble dû à la crise : en réalité, même avant celle-ci, la situation financière des régimes de sécurité sociale était préoccupante puisque leur déficit moyen avoisinait les 10 milliards d'euros par an.

Les mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août dernier représentent 1,6 milliard d'euros. Destinées à corriger le dérapage de 2 milliards d'euros signalé par la Commission des comptes de la sécurité sociale par rapport au solde prévisionnel de la LFSS pour 2012, elles comprenaient notamment une hausse du forfait social et le relèvement de 2 points du prélèvement social sur les revenus du patrimoine. S'y ajoutaient 200 millions d'euros de hausse des cotisations patronales et salariales par voie réglementaire, destinés à financer l'élargissement du dispositif « carrière longue ». En année pleine, les dispositions législatives devraient rapporter un peu plus de 4 milliards d'euros en 2013, et la hausse des cotisations légèrement moins d'un milliard. Grâce à ces mesures nouvelles, l'objectif de solde fixé par la loi de financement pour 2012 sera respecté.

Le PLFSS pour 2013 prévoit 3,4 milliards d'euros d'efforts en recettes et 2,2 milliards d'euros en dépenses. Le solde prévisionnel du régime général et du FSV serait ainsi ramené de 19,7 milliards d'euros, son tendanciel, à 14 milliards d'euros. Un effort considérable est en particulier fourni par les travailleurs indépendants. Le déplafonnement de leurs cotisations maladie s'accompagnant d'une « ristourne » pour les revenus les plus faibles, 850 000 indépendants paieront davantage et 450 000 paieront moins qu'actuellement, pour un rendement de près d'un milliard d'euros. En outre, l'assiette de la taxe sur les salaires est élargie et une nouvelle tranche créée pour toucher davantage le secteur financier ; une contribution additionnelle de solidarité sur les pensions de retraite est introduite, que l'Assemblée nationale a amendée pour n'y assujettir que les retraités imposés au taux maximum de CSG de 6,6 % ; la fiscalité comportementale sur le tabac et l'alcool est renforcée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Cinq centimes sur le demi... De plus, l'Assemblée nationale a exonéré les petits brasseurs, dont la production n'excède pas 200 000 hectolitres par an. En outre, s'agissant de la CNRACL et de la CNAVPL, il est prévu d'augmenter le taux des cotisations patronales par voie réglementaire.

Les efforts en dépenses portent essentiellement sur la branche maladie. 2,4 milliards d'euros d'économies sont réalisées sur l'ensemble des régimes obligatoires de base, dont 2 milliards sur le seul régime général. L'évolution de l'ONDAM, tendanciellement de 4,1 %, est ramenée à 2,7 % grâce à une série de mesures portant sur les soins de ville ainsi que sur le secteur hospitalier. Dans la première catégorie, les mesures d'efficience (baisse des tarifs de certaines spécialités médicales, mesures relatives au transport des patients), les mesures sur les produits de santé et le renforcement de la lutte contre la fraude rapporteront ensemble 1,7 milliard d'euros ; dans le secteur hospitalier, 657 millions d'euros seront dégagés grâce au renforcement de l'efficience interne des établissements (rationalisation de leur politique d'achat et des pharmacies hospitalières), aux mesures relatives aux produits de santé et à l'amélioration de la prise en charge.

Qu'en sera-t-il après 2013 ? La trajectoire de redressement que le Gouvernement s'est imposée, suppose remplies certaines hypothèses, identiques à celles qui ont servi à l'élaboration du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 : sur la base d'une croissance du PIB de 0,8 % en 2013 puis de 2 % les années suivantes, et d'une croissance de la masse salariale de 2,3 % en 2013 puis de 4 %, les dépenses des régimes obligatoires de base devraient passer de 454 milliards d'euros en 2012 à 530 milliards d'euros environ en 2017, et leur solde être alors ramené à quelque 9 milliards d'euros contre 15,2 milliards en 2012.

Nous avons reconstitué l'évolution tendancielle du solde des régimes obligatoires de base. Si l'on prend pour hypothèse une croissance des dépenses en volume de 1,8 % et une élasticité des recettes à la croissance du PIB de 0,9 % en valeur, le déficit évoluerait spontanément vers 30 milliards d'euros à l'horizon 2017. Deux éléments rendent crédible la trajectoire retenue par le Gouvernement : d'une part, le respect de l'ONDAM de 2,6 % l'année prochaine puis de 2,5 % ensuite permettrait une dizaine de milliards d'euros d'économies à l'échéance 2017 ; d'autre part, l'évolution tendancielle des mesures en recettes adoptées dans le cadre de la LFR de juillet 2012 et de celles prévues dans la présente loi de financement laisse entrevoir un rendement de près de 9 milliards d'euros en 2017. Additionnées, ces mesures en recettes et en dépenses correspondent bien à la différence entre l'objectif de solde retenu dans la programmation pluriannuelle et le solde tendanciel des régimes obligatoires de base à l'horizon 2017, soit près de 19 milliards d'euros.

Que se passerait-il si les hypothèses de croissance n'étaient pas réalisées ? Nous avons simulé un scenario gris de persistance de la crise économique dans lequel la croissance n'est que de 1,5 % par an à partir de 2014, et un scenario plutôt rose de rattrapage rapide caractérisé par une croissance de 2,5 % par an. L'écart entre les soldes obtenus s'élève à 9 milliards d'euros : c'est le montant de l'effort supplémentaire nécessaire pour atteindre les objectifs fixés pour 2017 si le scenario pessimiste se réalise, ou, dans l'autre cas, le signe que l'effort à consentir pour atteindre ces objectifs sera allégé d'autant. Par ailleurs, en cas de croissance favorable, les mesures de recettes prévues pour 2013 permettront un retour à l'équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale en 2017.

Comment financer les nouvelles reprises de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ? Le schéma de reprise de dette décidée en 2010 prévoyait, d'une part, la reprise des déficits 2009 et 2010 du régime général et du FSV et 2011 des branches « Maladie » et « Famille » dans la limite de 68 milliards d'euros et, d'autre part, la reprise des déficits à venir (2011 à 2018) de la branche « Vieillesse » dans la limite de 62 milliards d'euros sur la période et de 10 milliards d'euros par an. En revanche, la question du déficit des autres branches « Maladie » et « Famille » 2012 à 2017 n'est pas tranchée. Je rappelle que tout transfert de dette nouvelle à la CADES doit s'accompagner de ressources complémentaires.

Ensuite, quel mode de financement choisir pour notre système de protection sociale ? La réflexion sur ce sujet a été amorcée par le Haut conseil du financement de la protection sociale. J'ignore ce que le rapport de Louis Gallois proposera à cet égard.

Enfin, quelles réformes apporter à chacun des risques de la sécurité sociale ? Un certain nombre d'organismes doivent se réunir prochainement et formuler des propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Quand aurons-nous le détail des mesures concernant les régimes autres que le régime général, notamment le régime agricole ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'ensemble des régimes obligatoires de base, dont le régime agricole, relève du champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je ne résisterai pas à la tentation de vous demander si les annonces de ce matin modifient substantiellement les chiffres que vous avez présentés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous en sommes tous au même point, mis à part les journalistes d'un excellent quotidien du soir...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

J'ai cru comprendre que ces annonces concernaient davantage la fiscalité des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous entendrons demain M. Gallois. Nous pourrons alors nous faire une idée à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Mes compliments au rapporteur pour avis de la qualité de sa présentation, même si beaucoup des prévisions qu'il analyse sont trop optimistes. L'ONDAM est porté à 2,7 % : avez-vous des exemples des mesures d'économies ainsi réalisées ? Tant pour les soins de ville que dans le secteur hospitalier, public et privé confondus, en quoi consistent les mesures d'efficience annoncées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Prévoir une croissance de 2,5 % par an pendant cinq ans, c'est croire au Père Noël. La situation ne va pas s'arranger.

La CADES est un fourre-tout. Les déficits accumulés sont de plus en plus colossaux, et il est illusoire de croire qu'on les remboursera. Les 35 heures ne permettent pas seulement de travailler moins, elles coûtent aussi à l'État 21 milliards d'euros. Quel est votre avis sur la CADES ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Les évolutions tendancielles prennent-elles en compte un éventuel changement d'âge de la retraite ? En outre, il est sans doute trop tôt pour s'interroger sur les conséquences du rapport Gallois, même si vous l'avez mentionné.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Enfin, où en est la réflexion sur l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA), en partie financée par les départements ? L'échéance de 2014 est-elle maintenue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Pouvez-nous donner des précisions sur le régime social des travailleurs indépendants ? Le nombre de personnes dont les cotisations augmenteront égalerait quasiment le nombre de bénéficiaires de la mesure...

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L'augmentation de cotisation ne profitera-t-elle qu'au régime des travailleurs indépendants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Qu'implique le relèvement des bornes législatives de la contribution tarifaire d'acheminement ? S'agit-il d'une contribution destinée à financer le régime spécial des anciens agents des industries électriques et gazières ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Cela signifie que l'ensemble des salariés vont payer pour financer les retraites des électriciens et des gaziers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Oui, le dispositif avait été créé par la loi 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Il représente 160 millions d'euros, de mémoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je félicite le rapporteur pour avis pour la clarté de son exposé. La crédibilité des mesures d'économies repose sur un ONDAM à 2,7 %. Où trouve-t-on les 314 millions de mesures de renforcement de l'efficience interne des établissements hospitaliers ? Tous sont en très grande difficulté et doivent faire face à un effet de ciseau dramatique entre la hausse de leur masse salariale et la baisse de leurs dotations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Puisque le rapporteur nous apporte la lumière, voici un quatrième élément de réflexion : la durée du temps de travail dans le secteur sanitaire et social.

J'attire votre attention sur l'adéquation entre l'offre et la demande de compétences. En effet, je constate dans mon département un développement significatif de prestations de services internationales, qui se traduit par l'emploi d'un nombre croissant d'agents étrangers et par la substitution d'entreprises européennes aux agents français. Cette situation n'est pas neutre pour le budget de la sécurité sociale. Des réformes structurelles de compétitivité doivent enrayer une évolution préoccupante, repérable dans la location à l'année de gîtes ruraux par des sociétés, notamment polonaises et d'Europe centrale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

grâce à des sites Internet opportunément localisés...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ne tardons pas à mettre en oeuvre le choc de compétitivité préconisé par Louis Gallois.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Les mesures que vous avez exposées ne sont pas à la hauteur des problèmes que nous rencontrons. Pourquoi n'y a-t-il rien sur les régimes spéciaux de retraite ? On fait contribuer les travailleurs indépendants, les employeurs particuliers, le secteur financier, les élus locaux et les collectivités locales - la cotisation à la CNRACL ne me semble d'ailleurs pas du tout justifiée. Pendant ce temps, les régimes spéciaux sont occultés. On nous dit que le problème sera abordé en 2013, j'espère que ce sera le cas. Ces régimes nous coûtent très cher, pourquoi subsistent-ils ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le déficit cumulé ces dernières années a suivi trois grandes étapes. Entre 1999 et 2001, la situation est plutôt satisfaisante ; entre 2002 et 2008, le déficit cumulé atteint 70 milliards d'euros ; ces quatre dernières années enfin, son augmentation est importante. Quels sont les déterminants de ces évolutions ? La dégradation observée en 2009 est certainement liée à la crise. Y a-t-il une corrélation certaine avec la croissance économique et quels sont les autres déterminants ? Le taux de croissance n'était pas significativement différent de 2001 à 2008 et sur la période 2009-2012. Dès lors, pourquoi ne pas avoir anticipé la situation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Entre 2002 et 2008, la croissance n'était certes pas considérable, mais elle s'est maintenue. Et pourtant, le déficit s'est élevé à 10 milliards d'euros par an en moyenne. Le solde des régimes de sécurité sociale est donc sensible à la croissance, à l'emploi, à l'évolution de la masse salariale, mais aussi à des déterminants structurels. Ceux-ci proviennent principalement du fonctionnement de l'assurance maladie, l'ONDAM ayant été dépassé pendant de nombreuses années, avant d'être mieux maîtrisé depuis 2010. Cet effort très récent, doit être maintenu, sous peine de nous exposer à des surprises désagréables.

La CADES a repris une dette dont le montant cumulé depuis 1996 atteindra 217 milliards d'euros l'année prochaine. Heureusement, 84 milliards d'euros ont déjà été amortis. Il reste 132 milliards d'euros. Sa durée de vie a été bornée par le législateur à l'année 2024, ce qui est peu raisonnable. Nous savons qu'il faudra lui transférer les déficits de la période 2012-2018 hors branche vieillesse et FSV, pour lesquels la loi ne dit pas quand ni comment ils seront repris par la CADES. Des ressources supplémentaires pour amortir cette dette nouvelle seront nécessaires.

Les projections que j'ai exposées sont faites à législation constante. Cela dit, le conseil d'orientation des retraites (COR) se réunira bientôt et publiera ses observations au mois de janvier. Nous savons déjà que les hypothèses macroéconomiques retenues par la dernière réforme des retraites étaient trop optimistes. Le COR reviendra sur celles-ci.

Du rapport Gallois, je n'ai entendu que des commentaires de presse. J'ignore par conséquent l'impact qu'il pourrait avoir sur la loi de financement.

La réforme de l'APA reste à venir. J'ignore si l'échéance de 2014 sera maintenue. Certaines mesures ont déjà été prises : j'ai entendu que le Gouvernement allait débloquer 170 millions d'euros pour les départements en difficulté ; le PLFSS créé une contribution à laquelle seront assujettis les retraités qui supportent le taux de CSG le plus élevé. Cette contribution sera affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Le PLFSS ne prévoit ni déremboursements, ni franchises. Les 400 millions d'euros qui résultent de la fixation de l'évolution de l'ONDAM à 2,7 % au lieu de 2,5 %, iront à l'investissement hospitalier ainsi qu'à la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et au plan Alzheimer. Le détail des économies donne souvent lieu, de la part du ministère de la santé, à l'utilisation d'un jargon abscons. On comprend toutefois qu'en matière de soins de ville, les mesures d'économies sur les produits de santé représentent 876 millions d'euros, dont 600 millions d'euros de baisses de prix de médicaments et de dispositifs médicaux ; dans le secteur hospitalier, les mesures annoncées prévoient la réorganisation de la politique d'achat des établissements et la rationalisation de leurs pharmacies à hauteur, respectivement, de 250 millions d'euros et 60 millions d'euros.

La question soulevée par Jean Arthuis pourrait être traitée à l'occasion des travaux qui seront menés par le Haut conseil pour l'assurance maladie, par exemple.

M. Delahaye le sait bien, la réforme des régimes spéciaux est délicate. Le débat relève davantage de la mission budgétaire « Régimes sociaux et de retraite » de notre collègue Francis Delattre, qui retrace les subventions d'équilibre versées par l'Etat à ces régimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'expérience montre que c'est prudent. Quel est votre avis sur le texte ?

La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, par 21 voix pour, 19 voix contre et 2 abstentions, après prise en compte des délégations de vote.

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Avant d'en venir à l'examen du projet lui-même, je voudrais faire deux remarques liminaires. La première est que je suis assez embarrassé par ce projet de budget, parce qu'il est examiné alors que de fortes incertitudes existent sur l'évolution de l'asile et des naturalisations notamment. Beaucoup d'annonces sont faites, mais qui n'ont pas de traduction budgétaire immédiate dans le budget qui nous est proposé.

La seconde remarque liminaire a trait au maintien d'une mission spécifique, dédiée à l'immigration, l'asile et l'intégration, ce dont nous devons tous nous féliciter. Cela permet en effet un suivi unique, global et pluriannuel, de cette politique. Mieux encore, est conservé le pilotage unique de la mission par le Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration, désormais placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur.

J'en viens maintenant au projet de budget lui-même. Tout d'abord, le projet de loi de finances pour 2013 est marqué par une forte hausse des crédits de la mission « Immigration ». En effet, ces dotations augmentent globalement de 13 % par rapport à 2012, et atteignent 670 millions d'euros en crédits de paiement, contre 593,5 millions d'euros en 2012. Pourtant, l'année 2012 avait elle-même vu une forte augmentation des dotations initiales : sur deux ans, la hausse s'établit, à périmètre constant, à plus de 30 % ! Cette augmentation est prise en compte dans le plafond de la loi de programmation triennale pour 2013-2015.

En réalité, l'augmentation des crédits est portée par une seule action : les dépenses liées à l'asile, c'est-à-dire le traitement des demandes et le soutien aux demandeurs d'asile. Ces dépenses représentent désormais 75 % des dépenses totales de la mission.

Je l'avais dit lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, l'an passé : les crédits étaient insuffisants sur cette action. En particulier, il semblait nécessaire d'avoir davantage de places en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) et d'améliorer les délais de traitement des demandes d'asile, qui s'étaient considérablement allongés, auprès de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). De même, les crédits proposés pour l'hébergement d'urgence et l'allocation temporaire d'attente (ATA) étaient insuffisants pour faire face à la demande croissante.

C'est pourquoi le projet de budget propose une augmentation des crédits sur l'ensemble de ces actions. On augmente de mille places le parc en CADA, qui atteint ainsi 22 410 unités, ce qui est une bonne chose. On accroît également, en parallèle, les crédits de l'hébergement d'urgence, qui augmentent de 37 % ; pour l'ATA, l'augmentation est de 56 % par rapport à 2012.

Pour autant, en considération du nombre de demandeurs d'asile, il n'est pas dit que cette majoration des crédits soit suffisante. Il faut prendre en compte la légère hausse, de l'ordre de 2 % en 2012, par rapport aux 58 000 demandes en 2011 - par définition, la hausse en 2013 est inconnue. En tout état de cause, face à cette progression des demandes d'asile, je pense qu'il conviendrait, au-delà des clivages politiques, d'opérer une redéfinition de ce qu'est la demande d'asile, car certains requérants proviennent de pays dont la situation politique ne justifie pas nécessairement l'octroi du statut de réfugié.

Il convient par ailleurs de prendre en compte deux éléments. D'une part, le retrait de deux pays de la liste des pays d'origine sûrs, l'Albanie et le Kosovo, pourrait allonger les délais de traitements. D'autre part, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, en date du 27 septembre 2012, oblige la France à verser l'ATA aux demandeurs d'asile dit « Dublinés », c'est-à-dire ceux qui sont renvoyés par la France à un autre État membre. Cela représente une dépense supplémentaire estimée à 4 millions d'euros.

A coté de cette hausse conséquente des dépenses d'asile, toutes les autres actions de la mission sont en baisse.

Tout d'abord, la lutte contre l'immigration irrégulière, qui ne disposait certes pas de crédits très importants, connaît une baisse de 11 % par rapport à 2012. Cette contraction est portée principalement par les frais des centres de rétention administrative, dont le taux d'occupation est, en effet, très faible : plus de 80 % en Ile de France, mais beaucoup moins partout ailleurs. La baisse concerne aussi les frais d'éloignement des migrants, ce qui n'est pas cohérent avec les déclarations du ministre selon lesquelles le Gouvernement compte poursuivre la politique de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière.

Deuxième et principale source de préoccupation : les crédits destinés aux actions d'intégration sont en baisse significative, de 7,5 % soit 5 millions d'euros. J'ai présenté, il y a quelques jours, un rapport de contrôle sur l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Tous les sénateurs présents étaient d'accord avec la conclusion selon laquelle il est nécessaire de renforcer le format et d'accroître les moyens des actions d'intégration menées par l'OFII. C'est notamment le cas pour la formation linguistique, où le niveau visé par les cours de langue - mais non exigé, puisqu'il n'existe pas une obligation d'obtenir le niveau en question - est le niveau A1.1 du cadre européen de référence, soit un niveau de fin de maternelle. Le rapport préconisait de relever progressivement ce niveau à A2 ou B1, comme c'est le cas chez nos principaux partenaires, notamment en Allemagne. De même la formation civique, qui s'effectue sur une seule journée, est insuffisante. Il y a donc un constat partagé d'une nécessité d'allouer des moyens supplémentaires pour permettre une vraie intégration des étrangers.

Pourtant, ce budget prévoit la diminution non seulement de la subvention de l'État, de l'ordre de 1,7 millions d'euros, mais aussi de son plafond d'emplois (-15 ETPT) et du plafond des taxes affectées pour 10 millions d'euros supplémentaires dans le cadre de l'article 26 de la première partie. Ce n'est pas un bon signal pour la politique d'intégration française. C'est pourquoi je propose un amendement à cet article pour limiter la baisse du plafond des taxes affectée à l'OFII.

Dernier sujet : les naturalisations. Le ministre de l'intérieur a annoncé une révision de la politique d'accès à la nationalité française, afin de revenir au nombre de 100 000 naturalisations par an, contre 66 000 en 2011 mais environ 90 000 les années précédentes. L'objectif en lui-même n'est pas en cause, mais il pose deux questions. Tout d'abord, la sous-direction des naturalisations, dont les crédits sont en baisse, saura-t-elle y faire face ? Je reste en effet sceptique quant à l'idée selon laquelle l'augmentation du nombre de naturalisations n'impacterait pas les charges de fonctionnement de l'administration en question. Par ailleurs, il y a un manque de cohérence à vouloir à la fois une augmentation du nombre de naturalisations et une réduction des crédits destinés à l'intégration des étrangers, qui en est le préalable.

Sous le bénéfice de ces observations, et à condition que mon amendement à l'article 26 soit adopté, je vous propose de voter les crédits de la mission. Si, en revanche, la baisse des crédits d'intégration est maintenue, je ne voterai pas, personnellement, ces crédits, car c'est une erreur de faire un effort sur l'asile mais non sur l'intégration.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'amendement que vous proposez est à l'article 26, c'est-à-dire en première partie du projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

En effet. Il s'agit de limiter la baisse du plafond de taxes affectées à l'OFII. Au-delà des clivages politiques, on ne peut pas découpler le soutien aux demandes d'asile et le traitement des naturalisations d'un côté, et les moyens donnés à l'opérateur en charge de l'intégration, de l'autre côté. Sans les moyens, l'OFII fera encore moins de formation linguistique, encore moins de formation civique, à tel point que l'utilité même de ce parcours d'intégration sera remise en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'amendement du rapporteur spécial représenterait une perte de recettes pour l'État entre 2 et 3 millions d'euros. Dans le contexte budgétaire actuel, ce n'est pas rien. Nous l'étudierons donc attentivement dans le cadre de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, mais je ne peux pas m'engager aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Au cours des auditions effectuées, j'ai été particulièrement frappée par les coûts induits par les refus de naturalisation et de régularisation. En effet, cela augmente le nombre de dossiers devant les tribunaux administratifs, qui font face à un problème général de surcharge. Il faudrait également prendre en compte les dépenses en matière d'escorte policière. Ce sont là des dépenses réelles, qui ne sont pas visibles dans le bleu budgétaire. Il convient donc de tenir compte de l'ensemble de ces coûts liés à une politique restrictive d'accès aux titres de séjour. Comme l'indique le rapporteur spécial, c'est un budget qui s'inscrit dans une politique en mal d'orientation, alors que les annonces n'ont pas encore permis d'engager les réformes, notamment celle du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Je souhaiterais que soient redéfinis les objectifs en matière d'immigration : qu'est-ce que le droit d'asile ? qu'est-ce qu'un migrant en situation irrégulière ? quelle politique doit-on avoir s'agissant des populations Roms ? Dans le contexte budgétaire actuel, nous n'avons plus les moyens d'accueillir les personnes concernées dans les mêmes proportions, sauf lorsqu'il s'agit, bien sûr, de techniciens ou de main d'oeuvre qualifiée. Je ne dis pas qu'il faille réduire ce budget, mais il faut réfléchir à la politique d'immigration que nous voulons et pouvons avoir avec nos moyens budgétaires limités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ma question porte sur la situation des étrangers mineurs isolés. Ces derniers, qui sont de plus en plus nombreux, sont confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) des conseils généraux. L'une des difficultés est de déterminer l'âge véritable de ces personnes, qui affirment généralement avoir 17 ans ; les radiologies parfois pratiquées semblent indiquer qu'ils sont, souvent, plus âgés que ce qu'ils prétendent, mais, au bénéfice du doute, ils sont confiés à l'ASE et placés dans des foyers pour mineurs, dans des conditions contestables et préjudiciables. J'aimerais que l'on dépose un amendement, au moins d'appel, pour aborder la question de la prise en charge et de l'orientation des étrangers mineurs isolés.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Dans le cadre du programme n° 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », je constate qu'une partie des crédits est réservée au traitement de la demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il semble que l'augmentation des crédits et des effectifs ces dernières années ait permis de réduire les délais de traitement, qui sont passés d'environ 15 mois en 2010 à environ 7 mois en 2011. Selon les magistrats administratifs, le goulot d'étranglement se situe au niveau des avocats, qui, en nombre trop restreint, ne peuvent assister à toutes les audiences. Avec un million d'euros supplémentaire sur les UV des avocats, on estime que l'on pourrait gagner un mois de délai de traitement, soit une économie globale de 15 millions d'euros. On le voit, trois budgets sont concernés par cette problématique (Justice, Conseil d'État et Immigration), et il serait utile de croiser nos analyses.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Lors de l'examen du rapport de contrôle budgétaire du rapporteur spécial, nous avions en effet posé la question des missions de l'OFII. S'agissant de votre amendement, je pense qu'il serait utile d'attendre le résultat de ces réflexions et de redéfinir le champ de compétences de l'OFII, avant d'envisager une modification de ses ressources.

S'agissant des naturalisations, nous sommes saisis dans nos circonscriptions de cas de refus de dossiers qui posent question, par exemple de personnes nées en Algérie dont toute la famille a obtenu la nationalité française. Je pense que ces dossiers, avec les recours engagés devant les tribunaux, pèsent sur les coûts de la mission. Par ailleurs, comme le rapporteur spécial l'a souligné, l'accueil des demandeurs d'asile avait besoin de crédits supplémentaires, et il n'est pas utile d'accompagner cette discussion d'amalgames sur la situation des immigrés. S'agissant des mineurs isolés, c'est un sujet qui est présent depuis près de dix ans, et qui s'est peut-être récemment amplifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je partage la position de Michèle André sur la nécessité d'avoir une politique d'asile. Sans rappeler la tradition française de l'asile, il est normal qu'un pays comme la France accueille des demandeurs d'asile dans une telle situation. Il ne s'agit pas d'une quelconque « invasion ».

25 postes sont créés dans le réseau consulaire pour la délivrance des visas. A-t-on chiffré l'impact de ces créations en termes de produit des taxes pour l'OFII et l'État ?

Par ailleurs, les prestations fournies par les associations dans les centres de rétention administratives (CRA) font l'objet depuis peu d'une mise en concurrence. Quel est l'impact de cette évolution pour les finances publiques ?

Enfin, s'agissant des taxes affectées à l'OFII, j'ai déjà eu l'occasion de dire que je suis opposé, pour des raisons de principe, à leur augmentation, d'autant plus que certaines sont déjà très élevées, de l'ordre de plusieurs centaines d'euros, alors qu'elles s'appliquent à un public plutôt démuni. Dans votre amendement, vous visez deux taxes : la taxe de primo-délivrance, à l'augmentation de laquelle je suis opposé, et la taxe acquittée par les employeurs, pour laquelle on peut en effet réfléchir à une hausse, puisqu'elle n'est pas payée par ce public défavorisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour la clarté du débat, j'attire l'attention sur le fait que l'amendement du rapporteur spécial à l'article 26 ne consiste pas en une augmentation des taxes, mais en une modification de l'affectation de leur produit. Il s'agit de réserver leur produit à l'OFII.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je voudrais revenir sur le problème des mineurs étrangers isolés. On constate une réelle augmentation du nombre de cas : dans le département du Loiret, ils étaient 30 en 2011, mais 170 aujourd'hui, soit un coût de près de 7 millions d'euros pour l'ASE. En matière d'assurance maladie, ils sont certes couverts par la CMU, mais ce sont le plus souvent les départements qui assurent le financement durant les premiers mois. Je rappelle que Claude Bartolone, alors président de conseil général, avait indiqué à Michel Mercier, alors ministre de la Justice, que la prise en charge de ces mineurs relevait de sa responsabilité. De plus, leur âge exact n'étant pas connu, ces mineurs restent souvent dans le dispositif ASE au-delà de leur majorité. Enfin, certains départements, n'ayant pas la possibilité matérielle de les accueillir, placent des mineurs isolés auprès des structures des départements voisins, ce qui représente non seulement une charge supplémentaire, mais aussi une responsabilité pour ces derniers. Il s'agit de sommes considérables pour certains conseils généraux : il convient donc de définir des systèmes de répartition ou de péréquation entre les départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Lors d'une rencontre des présidents de conseils généraux avec l'État, il a été reconnu que la prise en charge des mineurs étrangers isolés était une mission nationale. Elle devrait donc être rattachée à la mission « Immigration ». En conséquence, je demande au rapporteur spécial d'évoquer cette question en séance, et me rallie à la proposition de Jean Arthuis que soit déposé un amendement d'appel à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

La question des mineurs étrangers n'est pas un sujet nouveau. Par exemple, en Indre-et-Loire, il existe un site de la mairie de Paris pour accueillir les mineurs étrangers, qui, souvent, sont ensuite recueillis par le département à la majorité et au-delà. Peut-être le phénomène a-t-il cependant pris de l'ampleur récemment, avec des mineurs qui viennent de pays en guerre, notamment du Sud de la Méditerranée, mais aussi d'Europe, d'Espagne, de Grèce ou du Portugal, en raison de la situation économique.

S'agissant des recours, je constate que leur nombre, pour les décisions d'asile et de régularisation, augmente : il convient de veiller à ce que la réduction des délais de traitement ne se fasse pas au prix de la qualité et du soin apporté aux décisions en première instance. Il convient donc que les personnels chargés du suivi de ces dossiers soient correctement formés pour les instruire au mieux ; cela nous permettrait d'accélérer la résolution de situations difficiles, et d'économiser sur certaines dépenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

En réponse à Hélène Lipietz et à Charles Guené, je voudrais souligner qu'il y a, en effet, beaucoup de dépenses réalisées dans le cadre de la politique d'immigration et non retracées par la présente mission : les forces de police dédiées, les magistrats, etc. S'agissant des délais, en effet, toute réduction d'un mois en moyenne du délai de traitement permet d'économiser globalement 15 millions d'euros sur les dispositifs de soutien aux demandeurs d'asile. Pour l'OFPRA, le délai est encore, en moyenne, de 179 jours à la mi-2012. Il y a un effort indéniable à faire sur ce poste, et nous pourrons en mesurer l'efficacité à long terme, en fonction de l'évolution de la demande d'asile.

S'agissant des mineurs isolés, je suis prêt à évoquer la question en séance, voire à déposer un amendement d'appel, par exemple pour demander un système de péréquation entre les départements. C'est un sujet qui est évoqué depuis plusieurs années mais qui n'a pas été traité, expliquant les disparités de situations entre les départements.

S'agissant de l'OFII, Michèle André conseille d'attendre la redéfinition des missions de l'opérateur. Il ne s'agit pas pour nous d'augmenter les taxes, mais de faire en sorte qu'une plus grande partie de leur produit aille vers l'intégration. Je considère que ce serait un mauvais signal si, en attendant une redéfinition des missions et du niveau des prestations de l'opérateur, on réduisait son budget et ses moyens d'intervention.

Enfin, concernant les recours formés contre les décisions d'asile ou de titres de séjour, il n'y aura réduction des coûts que s'il y a diminution du nombre de demandes d'asile, mais il y a sans doute des efforts à faire en matière de présence des avocats.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si vous en êtes d'accord, et avec l'accord du rapporteur général, je propose donc de réserver l'avis de la commission sur les crédits de la mission, dans l'attente de l'examen des amendements à l'article 26 du projet de loi.

A l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Présidence de Mme Frédérique Espagnac, vice-présidente -

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » (AGTE) bénéficiera, en 2013, d'une enveloppe de 2,546 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours). Ce budget se situe en retrait de 7,9 % par rapport à 2012. Cette baisse trouve son explication dans l'évolution du programme « Vie politique, cultuelle et associative ». En effet, la mission « AGTE » présente la particularité d'être sensible au cycle électoral. Or, comme vous le savez mes chers collègues, celui-ci sera beaucoup moins chargé en 2013 qu'en 2012.

Hors compte d'affectation spéciale « Pensions », la mission respecte quasiment les plafonds alloués par l'article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Le budget du programme « Administration territoriale » comprend 1,713 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,4 %. Les dépenses de fonctionnement baissent de 6,3 %, en conformité avec l'objectif de réduction fixé par le Gouvernement.

Entre 2009 et 2012, 2 582 emplois équivalent temps plein (ETP) ont été supprimés sur ce programme dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Pour 2013, le « mandat RGPP » fixait comme objectif une nouvelle réduction à hauteur de 475 ETP. Les suppressions prévues par le nouveau Gouvernement en 2013 se situent en deçà de cette cible (450 ETP). Il faut en prendre note. Mais on peut penser que les préfectures et les sous-préfectures auront quand même du mal à tenir cet engagement.

L'avenir même de la représentation territoriale de l'Etat pose question. Quel rôle les sous-préfectures, confrontées à la réduction de leurs personnels de catégorie A, peuvent-elles désormais jouer ? Le débat sera éclairé par les conclusions, attendues pour le printemps 2013, de la mission de réflexion lancée par le ministre de l'intérieur, le 1er octobre dernier.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, il était apparu un fond de roulement pléthorique pour l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Tel n'est plus le cas en cette fin d'année : ce fond de roulement se situera à 57 millions d'euros au 31 décembre 2012 et à 28,84 millions d'euros à la fin de l'année prochaine.

Les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » enregistrent un recul de 65,9 % en 2013, et s'établissent à 143 millions d'euros.

Au sein de ce programme, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) occupe une place essentielle dans le processus électoral. En 2011 cette commission a déménagé et il faut saluer le bilan financier positif de cette opération : une économie de loyer d'environ 150 000 euros par an a pu être réalisée.

Le projet annuel de performances de ce programme permet de mesurer le coût moyen, de chaque élection, par électeur inscrit : 4,54 euros pour les élections présidentielles et 3,90 euros pour les élections législatives. Pour mémoire, l'élection sénatoriale présente le coût le plus réduit : 0,13 euro.

Le budget du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » s'appuie sur 690,2 millions d'euros en crédits de paiement.

Pour 2012, les dépenses liées au contentieux devraient atteindre 120 millions d'euros. Or, l'enveloppe prévue pour couvrir ces frais en 2013 ne s'élève qu'à 82 millions d'euros. On peut donc s'inquiéter de la sous-évaluation de ce poste pour l'année prochaine.

Ce problème, malheureusement récurrent, pourrait toutefois trouver une solution dans les mois à venir. En effet, à la demande du Premier ministre, Jean Marc Ayrault, une mission conjointe de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale des finances (IGF) est menée afin de poursuivre l'effort de rationalisation de ces dépenses. Cette mission devrait rendre ses conclusions au premier semestre de l'année 2013.

En conclusion, je propose à la commission d'adopter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » et de chacun de ses programmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je voudrais revenir sur la continuité dans la réduction des effectifs de la mission. A maintes reprises, et notamment à l'occasion des états généraux de la démocratie territoriale, les communes ont exprimé une attente de conseil, d'ingénierie technique et de sécurité juridique. C'est notamment vrai pour les petites communes. Il est donc dommage que 450 ETP disparaissent à nouveau de la mission. Cette mesure va à contre-sens des inquiétudes des communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Qu'en est-il des crédits d'entretien du patrimoine du ministère de l'intérieur ? Il semblerait qu'il y a une très forte diminution de ces crédits, avec parfois des conséquences sur les implantations de l'Etat sur le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Pour 2013, des crédits sont prévus en vue de l'organisation d'élections. De quelles élections s'agit-il ?

J'aimerais également savoir quel est le bon niveau du fonds de roulement pour l'ANTS. Le montant de 29 millions d'euros me parait encore très important pour une agence.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Nous sommes soucieux de la baisse des effectifs. Elle va finir par remettre en cause la présence de l'Etat sur les territoires, alors qu'un minimum de service de proximité est requis. On voit bien le recentrage progressif des services d'abord sur les départements, puis sur les préfectures de régions. Mais cette tendance est incompatible avec un souci de bon aménagement du territoire. Dans les secteurs ruraux, la présence de l'Etat doit être maintenue et il faut veiller à un maillage territorial. Cela concerne les territoires les plus en difficulté et qui ont le plus besoin de l'accompagnement de l'Etat.

Quel est le coût réel de la délivrance d'un passeport ? Des études ont été menées, montrant l'inadéquation de la dotation de l'Etat avec la charge réelle pour les communes. A-t-on progressé sur ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Concernant l'évolution de l'emploi dans les préfectures et la perte de soutien en matière d'ingénierie technique, je rappelle que le programme « Administration territoriale » renvoie certes à du conseil, mais à du conseil de légalité. Il n'est donc pas question d'une ingénierie technique dans le cadre de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

L'inquiétude pour certaines sous-préfectures porte sur le fait qu'on n'y trouve plus qu'un seul fonctionnaire de catégorie A. On se tourne donc vers la préfecture pour obtenir des conseils. Le contrôle de légalité se resserre sur certains domaines prioritaires : les marchés publics, l'urbanisme et parfois les finances de telle ou telle collectivité territoriale.

Sur l'avenir des préfectures, j'ai pris acte que des décisions seraient prises après que la mission d'audit actuellement en cours aura rendu ses conclusions. Le problème n'est pas nouveau. Il renvoie au bon niveau d'administration des territoires. Parfois les nouveaux ministres s'engagent avec plein d'enthousiasme dans cette question, ils connaissent par la suite quelques déceptions. Les inspecteurs menant cet audit ont demandé à me rencontrer, ce que je ferai bien volontiers. Ma préoccupation consiste à éviter un découpage « à la hache » du territoire, comme ce fut le cas par exemple lors de la réforme de la carte judiciaire.

En 2013, les frais de fonctionnement des préfectures baisseront de 6,3 % conformément aux engagements du Gouvernement dans ce domaine. Si la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) a débouché sur des économies, elle a aussi suscité de nouvelles dépenses (notamment immobilières).

Les dépenses électorales pour 2013 permettront de couvrir les élections en Polynésie française, ainsi que des élections partielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Il y a quand même 60 millions d'euros, c'est beaucoup...

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Concernant l'ANTS, on avait découvert l'année dernière que le fonds de roulement de cette agence était disproportionné. Il avait donc été décidé de le ramener à un plus juste niveau. A l'époque, la carte nationale d'identité électronique était encore à l'ordre du jour, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Il convient donc d'être attentif au bon niveau du fonds de roulement désormais.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'espère pouvoir vous le donner dans l'année. L'ANTS a trouvé sa place et a démontré son savoir-faire depuis sa création. Elle est parvenue à mener à bien le projet de réforme des cartes grises, alors qu'elle n'était pas associée dès l'origine à ce chantier. Le délai de délivrance des passeports est aujourd'hui convenable. La seule exception réside dans la situation des grandes villes, où il est nécessaire de prendre rendez-vous. Cette prise de rendez-vous représente un délai supplémentaire, dont les statistiques ne tiennent pas compte.

A la demande de la commission des finances, la Cour des comptes a travaillé sur le coût réel du passeport, en comparaison avec le montant du timbre fiscal. De ce point de vue, aucune modification n'est intervenue depuis et on peut supposer que rien ne bougera avant plusieurs années. Seule la mise en application de la future carte nationale d'identité pourrait en effet faire évoluer les choses.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Puis la commission procède à l'examen du rapport de MM. Marc Massion et Jean Arthuis, rapporteurs spéciaux, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 44).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Massion

C'est avec un grand plaisir que je rapporte devant vous, avec Jean Arthuis, et pour la seconde année, la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances pour 2013, contribution qui prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Vos rapporteurs spéciaux ont en commun certaines analyses qui figurent dans le rapport, mais les appréciations spécifiques de l'un ou de l'autre sont explicitement mentionnées, j'en veux pour exemple le Pacte pour la croissance et l'emploi.

L'article 44 du projet de loi de finances pour 2013 évalue ainsi ce prélèvement, voté chaque année en loi de finances, à 19,6 milliards d'euros, soit une augmentation assez marquée par rapport à celui voté pour 2012, avec une hausse de 720 millions d'euros, soit 3,8 %. Je voudrais commencer cette présentation en évoquant la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2013, qui est toujours en cours et, hasard du calendrier, je note qu'un comité de conciliation se tiendra à la fin de cette semaine, ce vendredi 9 novembre.

L'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne le 25 avril 2012. Cette dernière a proposé une augmentation de 2 % des crédits d'engagement par rapport à 2012, soit 150,9 milliards d'euros. Les majorations concernent surtout la rubrique 1a « Compétitivité » (+ 5 %). Les crédits de paiement (CP) affichent quant à eux une hausse de 6,8 % pour atteindre 137,9 milliards d'euros.

Le projet de budget adopté par le Conseil en juillet 2012 se veut plus rigoureux, ce qui prend tout son sens dans le contexte des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques nationales et de stratégies de retour à l'équilibre budgétaire. Ainsi, des coupes importantes sont réalisées en crédits d'engagement, 1,2 milliard d'euros, ce qui conduirait tout de même à une augmentation de 2,8 % par rapport à 2012, et, surtout, en crédits de paiement, 5,2 milliards d'euros, ramenant la hausse pour 2013 à 2,8 % également. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation exprimée par de nombreux Etats membres, dont la France, d'une discipline budgétaire renforcée. Le Conseil de juillet dernier a en effet été l'occasion pour huit Etats membres dont la France de rendre publique une déclaration demandant l'absence toute hausse supplémentaire dans le budget 2013.

Enfin, je souligne que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2012, un budget assez éloigné du projet du Conseil mais très proche des propositions initiales de la Commission. Il propose ainsi, pour 2013, une hausse de 2,2 % des crédits d'engagement et de 6,8 % des crédits de paiement.

Il va sans dire que la proposition d'augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rendra difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire, lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne et qui devrait aboutir prochainement. Ces difficultés quant au budget 2013 sont aggravées par les négociations qui se poursuivent depuis plus d'un an sur la future programmation 2014-2020. C'est à ce sujet que les tensions entre les Etats membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus grandes et que des compromis devront rapidement être trouvés. A défaut, une grave crise politique pourrait paralyser l'UE. Jean Arthuis parlera de manière plus détaillée de la future programmation mais je tiens à souligner que je déplore, dans ce futur cadre qui couvre la période 2014-2020, l'absence de base juridique pour le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD). J'observe que pour 2012 et 2013, les crédits de ce dernier sont reconduits mais en diminution.

Avant d'en arriver à ma conclusion, je voudrais formuler quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat ainsi que sur l'évolution de notre solde net.

Le projet de loi de finances pour 2013 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l'Union européenne à 19,6 milliards d'euros, soit une hausse de 3,8 % en un an. En vingt ans ce montant a été multiplié par cinq. Au terme de l'exécution 2013, des ouvertures nouvelles en CP seront intervenues, créant des écarts, favorables ou défavorables au demeurant, entre le montant du prélèvement affiché dans le projet de loi de finances (PLF) et la somme effectivement appelée. Ces dernières années, des écarts importants ont été constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement :

- en 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait ainsi été surestimé de plus de 1,5 milliard d'euros ;

- en 2008, est apparue au contraire une sous-estimation de 300 millions d'euros ;

- pour 2009, la sous-estimation à nouveau du prélèvement est nettement plus importante : plus d'un milliard d'euros, 20 milliards d'euros en exécution alors que le vote du Parlement portait sur 18,9 milliards ;

- en 2010, le prélèvement a été à l'inverse surestimé de 556 millions d'euros ;

- en 2011, on a assisté à une exécution plus conforme aux prévisions, avec une légère sur-estimation, de l'ordre de 5 millions d'euros ;

- en 2012, la sous-estimation du prélèvement devrait être assez élevée. L'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au PLF 2013 l'estime à 170 millions d'euros mais nous avons appris lors d'un déplacement récent à Bruxelles, de la part du directeur du budget de la Commission européenne, qu'un budget rectificatif pour 2012 devrait demander l'ouverture de près de 10 milliards d'euros de CP supplémentaires, ce qui pourrait conduire pour la France à un écart en exécution de 1,5 milliard d'euros par rapport à la prévision votée en loi de finances pour 2012. L'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable. J'en viens à quelques remarques sur l'évolution de notre solde net.

La France devrait demeurer en 2013 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne et devant l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne, la part de sa contribution représentant 16,7 % du total des ressources de l'UE, part qui semble, enfin, se stabiliser. La France reste premier pays bénéficiaire en recevant 12 % des dépenses de l'UE, mais cette situation qui se dégrade est très fragile puisqu'elle ne résulte que du poids de la Politique agricole commune (PAC). 75 % des crédits européens dépensés en France sont en effet des dépenses agricoles. Si l'on rapporte notre contribution aux dépenses, l'évolution de la situation est préoccupante. Mes chers collègues, notre solde net ne cesse de se dégrader et a été multiplié par 16 en dix ans. Notre solde net dépasse la barre des 6 milliards d'euros par an, faisant de notre pays le vingtième bénéficiaire des dépenses de l'UE en retours par habitant.

En conclusion, et sous réserve de ces différentes observations, je recommande à la commission de proposer l'adoption sans modification de l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Notre pays n'a pas besoin d'ajouter à la confusion dans les négociations difficiles qui sont en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercie Marc Massion de nous avoir fourni ces éléments riches d'enseignements sur la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2013, sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat aujourd'hui ainsi que sur l'évolution de notre solde net. J'indique que je partage nombre de ses analyses et que dans le rapport qui vous a été distribué, en cas de divergences d'appréciation, la position spécifique de l'un ou de l'autre de nous deux est explicitement mentionnée. Je n'en arriverai pas à la même conclusion que lui, mais je veux tenter de vous en donner les raisons :

D'abord une remarque sur la structure du budget communautaire. Il s'agit pour caricaturer et comme nous l'a indiqué, lors d'un récent déplacement à Bruxelles, le président de la commission des budgets du Parlement européen, Alain Lamassoure, de la même structure d'ensemble depuis trente ans, en recettes comme en dépenses. Et le pire est que l'on compte pour la programmation 2014-2020 continuer cette « partie de poker », avec la PAC, les fonds structurels, les rabais et les corrections, chaque Etat membre défendant ses positions habituelles en fonction de ses intérêts financiers bien compris. Au moment où la dépense publique doit plus que jamais répondre de son efficacité, une telle inertie est contestable et c'est de mon point de vue une folie. Le budget européen est devenu une cagnotte mais distribuer de l'argent ne suffit pas à faire une politique. Se rend-on bien compte que les subventions versées au titre de la PAC tendent à transformer certains de nos agriculteurs en « rentiers de la terre », au détriment de la cohérence entre les différentes filières de nos productions agricoles ? Se rend-on bien compte que les fonds structurels sont des « activateurs de dépense publique » en raison de leur fonctionnement par cofinancement des Etats membres ? La politique de cohésion a contribué au surendettement de nombreux Etats-membres, dont la Grèce et l'Espagne, ce qui est une démarche absurde. Se rend-on bien compte que le système actuel des ressources propres n'est pas que complexe, il est opaque et injuste, avec le rabais britannique, les rabais sur ce rabais, les corrections sur la ressource propre TVA et, enfin, les chèques forfaitaires annuels ? Ce système perpétue des logiques nationales au détriment de toute démarche d'intégration politique.

S'agissant ensuite de la future programmation 2014-2020, je rappelle qu'elle est encore en débat et que le Conseil européen des 22 et 23 novembre prochains sera, à cet égard, décisif puisqu'il a pour objectif d'aboutir à un accord. J'indique que les propositions de la Commission européenne sont d'après moi inacceptables. Elles étaient, il y a un an, de 972 milliards d'euros de CP sur sept ans. Une actualisation en date du 6 juillet 2012 visant notamment à tenir compte de l'adhésion de la Croatie porte ce montant à 988 milliards d'euros en CP et 1 025 milliards d'euros en en crédits d'engagement. Mais ces propositions ne sont pas sincères : par un premier artifice dans sa présentation, la Commission minore les crédits qui seront mobilisés. Sa communication est en effet réalisée en euros constants, alors que seule une présentation en euros courants permettrait d'apprécier l'impact réel des propositions sur les contributions nationales : la réalité de l'augmentation de la dépense qui devra être réévaluée chaque année de l'inflation est masquée. J'ajoute que par un second artifice, la Commission dissimule les tensions que sa programmation exercera sur les finances des Etats membres, en multipliant les débudgétisations qui dégonflent artificiellement son projet : non seulement sont maintenus, hors budget et hors cadre financier, le fonds européen de développement (FED) et les mécanismes de stabilisation financière, mais surtout passeraient hors budget des politiques pourtant communautaires et financées sous plafond dans le cadre actuel. En euros courants, avec le périmètre classique de financement de l'UE auquel on ajouterait le FED et d'autres politiques débudgétisées, le total de dépense serait de 1 191 milliards d'euros en CP et 1 231 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit environ 200 milliards d'euros de plus que le projet initial de la Commission.

Au total, par ces artifices de présentation et ces débudgétisations inacceptables, la Commission européenne formule un projet de programmation pour 2014-2020 qui représente une entorse au principe de sincérité budgétaire. En outre, le niveau de dépenses proposé est tout simplement insoutenable et contredit notre stratégie de retour à l'équilibre. Contrairement à ce que laisse penser le travail de la Commission, l'Europe ne peut pas se placer en-dehors des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques. Elle doit plus que jamais dépenser mieux. Et à cet égard, je recommande un renforcement de la mise en oeuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l'Union européenne.

Pour finir de vous convaincre, je souhaite élargir mon propos en parlant de la gouvernance de la zone euro. Dire que le pire est passé, c'est crier victoire un peu trop vite ! Le mécanisme européen de stabilité (MES) n'est pas un dispositif suffisant, il appelle une gouvernance appropriée, qui jusqu'aujourd'hui fait défaut. Je pense comme Marc Massion que l'union bancaire représente un progrès. Mais au moment où la Banque centrale européenne (BCE) se comporte de plus en plus comme une banque fédérale, elle attend son interlocuteur politique.

J'ai remis le 6 mars 2012 un rapport au Premier ministre, intitulé « Avenir de la zone Euro : l'intégration politique ou le chaos », dans lequel j'ai formulé quelques propositions que j'avais eu l'honneur de présenter alors devant vous, mes chers collègues. J'y préconisais notamment la création d'un ministre de l'économie et des finances de la zone euro appuyé sur un véritable Trésor public européen, ainsi que la mise en place d'une capacité budgétaire idoine. Nous ne pouvons plus nous contenter d'habillage de fenêtre ou « window dressing », à l'image du plan de 120 milliards d'euros du Pacte pour la croissance et l'emploi annoncé par le Conseil européen le 29 juin 2012, qui n'apporte rien de nouveau puisqu'il s'agit de dispositions déjà adoptées. L'euro a été jusqu'aujourd'hui un anesthésiant, mais une monnaie ne suffit pas à faire un projet politique. Jusqu'à quand allons-nous continuer à entretenir une illusion d'Europe ? Nous devons sérieusement reprendre en main le projet politique européen.

Pour conclure mon intervention je plaide en faveur du rôle des parlements nationaux. Dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sans en discuter ni le montant, ni l'usage qui en sera fait à travers les dépenses de l'Union européenne. Une telle situation n'est pas satisfaisante. Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont la plupart des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l'impôt, essentiel dans une démocratie. Une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux parait donc nécessaire. Nous devons prendre toute notre place dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire et dans la coordination des finances publiques des Etats membres. Je propose par exemple que nous votions en loi de finances initiale non seulement notre contribution au budget communautaire mais aussi la totalité de nos engagements à l'égard de la zone euro, à l'instar de notre contribution au MES. Et je suggère, enfin, une représentation des parlementaires nationaux de la zone euro, qui serait l'amorce d'une seconde chambre dans l'UE et jouerait le rôle d'une commission de surveillance exerçant des prérogatives de contrôle.

Il vient un moment où il faut savoir dire non et interpeller les gouvernements, et bien, mes chers collègues, je crois que ce moment est venu et je vous recommande, donc, de voter contre l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Au moment où l'Europe reçoit le prix Nobel de la Paix, elle devient le maillon faible de la croissance mondiale. Son budget et sa gouvernance doivent lui permettre d'assurer un rôle stratégique dans la guerre économique et d'assurer la protection de tous les Européens. Puis-je rappeler, citant Sénèque, que la crainte de la guerre est encore pire que la guerre elle-même ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Je relève la constance des analyses de Jean Arthuis qui a repris certaines de ses argumentations étayées et déjà présentées devant nous. Il propose une refondation de l'Union européenne, voire du processus même de construction du projet communautaire, notamment sur le plan monétaire. C'est un sujet sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Son analyse de la structure du budget communautaire que je partage en partie m'amène à formuler deux remarques :

- la stabilité de la structure de ce budget pourrait nous inciter à penser que les critiques émises valaient pour les années, voire les décennies précédentes ;

- la PAC est appliquée au niveau des Etats membres et je reprends son expression de « rentiers de la terre ». Nous avons en France privilégié les cultures céréalières et, plus largement, les productions végétales, et ce au détriment des filières animales. Cela relève de notre responsabilité. Il nous appartient de revisiter nos politiques agricoles.

Par ailleurs, je partage l'idée selon laquelle le budget communautaire a pu faciliter l'endettement de certains Etats membres, ce qui est un problème, notamment dans le cas de la Grèce et de l'Espagne. De même, le chèque britannique constitue un héritage historique contestable.

Pour ce qui concerne l'intervention de Marc Massion, je le rejoins sur le PEAD. C'est un point sur lequel nous sommes régulièrement interpelés en tant qu'élus locaux. Le désengagement de l'Europe à ce sujet alors qu'il s'agit d'enjeux financiers modestes est une chose désastreuse, pour les publics concernés comme pour les associations qui assurent l'aide sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je dois avouer que je suis déchiré entre les recommandations des deux rapporteurs spéciaux. Les critiques du budget communautaire sont toujours possibles, mais dans le contexte de crise que nous traversons, nous avons besoin de plus d'Europe. Si nous n'avions pas l'euro aujourd'hui, des pertes encore plus importantes de pouvoir d'achat seraient constatées. Dans les années 1930, on a tenté de surmonter la crise avec des dévaluations, ce qui a conduit à des pertes de pouvoir d'achat. Ensuite, sur le montant du prélèvement versé par la France, il convient d'observer qu'il est relativement stable depuis dix ans. Certes, nous sommes contributeurs nets, mais nous bénéficions de retours non négligeables pour notre agriculture, surtout dans certains territoires. Enfin, s'agissant des rabais, je souligne que je me suis toujours opposé au chèque britannique. En son temps, le général de Gaulle avait constamment plaidé pour un maintien du Royaume-Uni hors du projet communautaire. Au total, pour ne pas déplaire aux deux rapporteurs spéciaux, ma position personnelle sera de m'abstenir lors du vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Sans esprit polémique, je m'interroge sur les propos de Jean Arthuis. Celui-ci semble estimer que l'Europe ne fournit pas suffisamment d'efforts dans le sens du rétablissement de l'équilibre des finances publiques, je voudrais qu'il confirme ce point. Pourtant, nous avons récemment examiné trois textes qui vont dans ce sens : le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques et, enfin, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Sur votre proposition de création d'une commission de surveillance permettant d'améliorer la gouvernance de la zone euro, le Haut Conseil des finances publiques ne répond-il pas déjà partiellement à votre demande ? Quant au PEAD, il n'est effectivement garanti que jusqu'à l'année prochaine et c'est une question importante à laquelle il faudra apporter une réponse. Cette aide est en effet devenue indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Massion

A propos du PEAD, j'indique que les négociations sont en cours sur les perspectives financières 2014-2020, il conviendra donc d'interpeller le ministre pour qu'il pèse dans ces négociations afin de ne pas abandonner ce dispositif. La question qui se pose quant à l'article 44 du présent PLF est de savoir si voter contre cet article est un signe pour avancer. Je ne le crois pas. Mieux vaut, comme chaque année, voter la participation de la France au budget communautaire. Imaginez que la France ne vote pas ce prélèvement...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En réponse à Yannick Botrel, je confirme que j'exprimais déjà les mêmes analyses précédemment. Il n'y avait, d'ailleurs, dans le rapport que j'ai rendu au Premier ministre, aucune aménité de ma part à l'égard de ceux qui pilotaient la zone euro : on a fait n'importe quoi ! Ainsi, on a admis la Grèce alors qu'elle n'en avait pas la capacité et, ensuite, au lieu de la surveiller comme le lait sur le feu, on l'a laissée tricher, trop contents de lui vendre des équipements et des armes, notamment contre d'hypothétiques attaques de la Turquie. Les agences de notation ne nous ont pas tout de suite sanctionné parce qu'elles ont cru que la zone euro était un espace fédéral. Du jour au lendemain, grâce à leur intégration dans la zone euro, les titres de la dette grecque se sont retrouvés quasiment au même taux que les obligations allemandes. Les spreads n'ont pris corps qu'à la fin de l'année 2009, c'est dire dans quel égarement collectif nous étions. A Jean-Paul Emorine, je précise que je crois à l'euro et à ses vertus, mais l'adoption d'une monnaie unique doit conduire à une gouvernance appropriée puisqu'il s'agit de partager une partie de notre souveraineté. La solidarité financière s'exerce à 17, pas à 27, il faut en tirer les conséquences en termes de gouvernance. Un exemple, Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg, est-il le plus légitime pour animer l'Eurogroupe ? Je ne le crois pas, le matin il nous rappelle nos obligations d'équilibre des finances publiques et l'après-midi il nous « fait les poches » grâce au régime luxembourgeois sur la fiscalité et le secret bancaire. Nous devons mettre un terme à ces incohérences.

Sur la PAC, oui je suis critique. Dans le contexte de la flambée du prix des céréales, on ne change rien au fonctionnement des règles d'allocation des aides, cela montre qu'il y a quelque chose qui ne marche pas bien, alors que nous importons 40 % de notre consommation de viande de volaille. Cela souligne l'étendue du problème.

Pourtant, nous nous apprêtons sans réflexion à reconduire pour 2014-2020 le même système. Chaque Etat membre va mettre un tas d'argent sur la table et ensuite chercher à en récupérer le plus possible. Et la Commission européenne, tel un croupier, va en récupérer une partie pour faire vivre l'administration. Or, moi, j'attends de l'Europe qu'elle offre des régulations plus que des interventions financières. C'est cela que je veux dire. La taxe sur les transactions financières ira dans le bon sens, mais à condition que sa mise en place se fasse au niveau de l'ensemble de la zone euro.

Rejeter l'article 44 du PLF aura peu d'effet puisque c'est une obligation qui découle des traités, mais il faut savoir manifester son désaccord quand il le faut, de manière à changer les choses et à mettre un terme à un certain nombre d'incohérences.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

J'ai relevé vos propos sur les incohérences de la gouvernance de l'Europe entre 2002 et 2012. Chacun en cherchera les responsabilités, moi je ne tiens pas à le faire maintenant. Maintenant, nous avons besoin d'instruments de régulation. Je voudrais prendre le cas de l'agriculture et du secteur agroalimentaire : ils ne se portent pas si mal que cela, surtout en comparaison d'autres filières. Ils nous apportent des emplois et des devises. C'est vrai que les prix des céréales flambent en ce moment, mais on assiste à un phénomène de volatilité des cours : les céréaliers ont connu des situations difficiles où les prix en France étaient inférieurs aux cours mondiaux. Il faut donc maintenir les dispositifs existants et le niveau de la PAC. Cette dernière peut toutefois être orientée davantage vers les régions intermédiaires ou en difficulté ainsi que vers le soutien au développement rural. Il ne faut pas utiliser des arguments qui auraient pour conséquence de réduire les crédits de la PAC, ce qui serait gravement préjudiciable à l'activité économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ce dont je rêve, c'est que la PAC permette de mieux réguler, que les aides ne soient pas versées automatiquement, indépendamment même de la conjoncture. Et pour répondre à François Patriat, je précise que notre balance commerciale dans l'agroalimentaire n'est excédentaire qu'à la faveur de nos exportations de vins et de boissons. C'est un vrai sujet. Nous avons besoin d'un débat européen pour ajuster nos politiques. Ce que je crains, c'est que pour arranger tout le monde, on ne finisse par poursuivre avec le même système sans rien changer, avec une Europe qui ne peut que décevoir nos concitoyens.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013.

Présidence de Mme Michèle André, vice-présidente -

La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Claude Belot, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

Le budget des médias et de l'audiovisuel disposera en 2013 de 4,65 milliards d'euros, montant en légère hausse par rapport à l'année dernière.

La mission « Médias, livre et industries culturelles » sera dotée de 1,2 milliard d'euros. A périmètre constant, les crédits diminuent de 5,4 %, mais cette évolution est contrastée selon les programmes.

De plus, dans le cadre de la nouvelle programmation triennale 2013-2015, les crédits de la mission accuseront une baisse de 20,7 %, objectif qui me paraît louable mais peut-être un peu ambitieux. Cette évolution est conforme aux voeux de ceux d'entre nous, dont je fais partie, qui souhaitent redresser les comptes publics de notre pays.

Dans le détail, le programme 180 « Presse », doté de 516 millions d'euros, bénéficie d'une hausse apparente, s'expliquant par une mesure de périmètre, avec le transfert de 143 millions d'euros de crédits dédiés au transport postal, en provenance du programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Economie ». Ce rapatriement me paraît positif, car il renforcera la clarté et garantira un meilleur suivi de la politique publique de soutien à la presse, en favorisant sa lisibilité. Une fois neutralisée cette mesure de périmètre, les crédits du programme baissent de 5 % par rapport à 2012. Là encore, les évolutions sont contrastées selon les actions : alors que la dotation de l'Agence France Presse progresse de près de 2 %, celle des aides directes à la presse régresse de 4,4 %. Sur l'AFP, je voudrais insister sur la réforme du statut, en suspens depuis bien trop longtemps. Cette entreprise, qui est en fait dépourvue de statut clair, est finalement administrée par ses clients et ses journalistes. Elle vit avec les aides publiques et les bénéfices qu'elle peut engranger. En tout cas, elle honore notre pays par la qualité de son travail sur le terrain.

Sur les aides à la presse, je mentionnerai l'efficacité de l'aide au portage, dont la dotation est stabilisée.

J'en viens maintenant au programme 334 « Livre et industries culturelles », dont les crédits sont stables, à hauteur de 268 millions d'euros, avec des disparités entre les deux actions : - 3 % pour la politique du livre et + 7% pour les industries culturelles.

Je souhaite attirer votre attention sur la rénovation du site de la Bibliothèque nationale de France, des éléments récents pouvant laisser craindre un retard dans les travaux, et donc des risques de dépassement du budget, pour le moment fixé à 212,8 millions d'euros.

Le Centre national du livre a fait l'objet de plusieurs contrôles en 2012, qui ont notamment critiqué le manque d'efficience de ses dispositifs de soutien.

En ce qui concerne les industries culturelles, je voudrais insister sur un sujet qui fait débat, celui de la HADOPI et de la politique de lutte contre le téléchargement illégal. Le dispositif de réponse graduée s'avère réellement pédagogique, et a permis de réduire le nombre d'infractions constatées. Toutefois, la HADOPI ne peut agir que sur un périmètre très restreint, celui du peer-to-peer, qui est loin de couvrir l'intégralité des pratiques de téléchargement illégal. A l'heure où d'autres pays, tels les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, parviennent à ériger des systèmes qui leur permettent de poursuivre des internautes français pour avoir téléchargé des oeuvres américaines ou anglaises, je me demande s'il est réellement opportun de diminuer la dotation de la HADOPI de près de 30 %. Dans tous les cas, ce choix me paraît peu judicieux : soit on assume son existence et, dans ce cas, on lui donne les moyens de fonctionner, soit on supprime ses crédits parce qu'on ne veut pas qu'elle existe. Il me semble important en tout cas de ne pas adopter une vision franco-française dans ce domaine.

Le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel public et à la diversité radiophonique » regroupe les crédits dédiés au soutien des radios associatives, celles qui ne font pas de publicité, les autres n'étant pas éligibles à ces aides. Ce programme reste constant à hauteur de 29 millions d'euros. Il regroupe également les crédits destinés à France Télévisions au titre de la compensation de la perte de recettes liée à la suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures depuis le 1er janvier 2009.

J'en viens donc maintenant à France Télévisions, dont l'aide publique globale atteindra 2,5 milliards d'euros en 2013, en baisse de 3,8 % par rapport à 2012. Cette régression est imputable aux crédits budgétaires précités, qui diminuent de 39,5 %, tandis que la dotation au titre de la contribution à l'audiovisuel public, portée par le programme 841 du compte de concours financiers, progresse de 5,2 %.

Cette évolution contraste avec la tendance observée les années précédentes et intervient après une année 2012 difficile pour l'entreprise, marquée par des moyens inférieurs aux prévisions, qu'il s'agisse des ressources publiques ou des ressources publicitaires. A cet égard, d'après les chiffres dont je dispose, le marché publicitaire s'est effondré de 50 % en septembre, ce qui suscite une grande inquiétude dans l'univers des médias, qu'il s'agisse de la presse écrite ou de l'audiovisuel public.

Des progrès demeurent à faire dans la mise en oeuvre de l'entreprise unique et des mutualisations. La réforme s'avère difficile et achoppe notamment sur la question de France 3 et, dans une moindre mesure, de Réseau France Outre-mer (RFO). Je citerai à cet égard un exemple concret. J'ai reçu la semaine dernière le président de l'INA, organisme qui fonctionne bien et qui représente l'un des grands archivistes du monde. L'INA dispose d'une technique qui lui permettrait de basculer immédiatement dans ses archives les images de France Télévisions. Or, cette dernière ne veut pas en entendre parler, car elle est propriétaire de ses images pendant un an. Cette situation aboutit à des doublons, puisque nous avons donc, dans chaque région, un archiviste de l'INA et un archiviste de France Télévisions...

Je voudrais également faire part de ma surprise concernant la contribution à l'audiovisuel public. En effet, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une progression de 4 euros du montant de celle-ci par rapport à 2012, du fait d'un ajustement sur la prévision d'inflation 2013 et d'une hausse supplémentaire de deux euros. Or, j'ai lu dans la presse que certains parlementaires comptaient déposer un amendement visant à accroître encore le montant de la redevance audiovisuelle, et que la ministre avait d'ores et déjà manifesté son approbation. Je m'étonne de ce procédé qui rend notre débat parlementaire inutile, si les choses sont décidées à l'avance ! J'estime par ailleurs que cela entache d'une certaine insincérité les chiffres qui nous sont présentés dans le projet annuel de performances.

J'en viens maintenant à l'audiovisuel extérieur de la France (AEF). Sa dotation est globalement stable par rapport à 2012, à hauteur de 317,6 millions d'euros. Je fais partie de ceux qui ont soutenu la création de la holding et le regroupement des différents fleurons de l'audiovisuel français, qui n'avaient aucun contact entre eux. J'avoue que France 24 m'a beaucoup déçu et j'estime qu'il faut impérativement mettre fin à des pratiques nuisibles consistant à faire de la surenchère auprès des opérateurs de bouquets satellitaires pour déjouer la concurrence. Cela aboutit à ce que nous nous retrouvions finalement sans chaîne française dans certains pays, et cela n'est pas souhaitable. Pour finir sur ce point, je souhaite bonne chance à Marie-Christine Saragosse, la nouvelle présidente de l'AEF.

J'en termine avec le reste du compte de concours financiers. Les dotations des différents organismes audiovisuels publics diminueront toutes d'un montant certes symbolique : - 0,3 % pour Arte, dont j'ai rencontré la présidente, qui m'a paru très responsable, en indiquant qu'elle s'efforcerait de mener à bien ses différentes missions malgré la baisse des crédits. L'audience d'Arte est en progrès, et l'année 2013 pourrait être difficile avec les conséquences de l'arrivée de six nouvelles chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT) à partir de décembre.

La dotation de Radio France régressera de 0,5 % par rapport à 2012. Il faudra surveiller la poursuite du chantier de la maison de la Radio, véritable « arlésienne » qui constitue un point noir du programme 842. Je ne reviens pas sur l'INA, dont j'ai parlé tout à l'heure. Ses crédits baisseront également de 0,5 %.

Pour conclure, je précise que l'Assemblée nationale a examiné et adopté sans modification, le 31 octobre dernier, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Les aides à la presse sont-elles bien vues par l'Europe ? De plus, je m'interroge sur l'avenir des bibliothèques et leur nécessité, à partir du moment où la consultation en ligne des livres est de plus en plus importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

A ma connaissance, les aides à la presse ne posent pas de problème au niveau européen. En revanche, l'AFP est considérée attentivement par la Commission européenne, qui a déposé une plainte contre les abonnements de l'Etat à l'agence, qu'elle considère comme des subventions déguisées. Les discussions sont en cours.

Sur la numérisation, je peux témoigner que, dans mon département, le développement de l'offre numérique n'a pas porté atteinte à la fréquentation des bibliothèques, bien au contraire. C'est une bonne nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je vais être un peu provocateur : rend-on véritablement service à France Télévisions en augmentant la redevance ? Ne faudrait-il pas, au contraire, réduire drastiquement ses ressources publiques afin de la forcer à mener à bien sa réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

La France est le pays d'Europe où la redevance audiovisuelle est la moins élevée, mais les chaînes des autres pays ne disposent pas de la publicité. Notre système est donc « bâtard ». L'entreprise doit être réformée, à commencer par France 3. La proximité constitue sa raison d'être, mais elle est de plus en plus concurrencée, notamment par les chaînes qui se développement sur internet. J'en viens à me demander si France 3 a encore une justification d'intérêt général...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Comment peut-on se retrouver dans une situation où l'on déplore les difficultés financières de France Télévisions, tout en refusant de remettre de la publicité après 20 heures ? C'est quelque chose que je ne comprends pas. S'il faut augmenter la redevance, augmentons-la, mais il existe certainement aussi d'autres pistes. Je pense qu'il y a un réel problème de lisibilité dans l'identité des chaînes de France Télévisions. Les journaux télévisés de France 2 et de France 3 ne sont pas très différents de ceux de TF 1 ou M6, alors que France 3 a vocation à être une chaîne régionale forte. Le téléspectateur ne s'y retrouve pas. Tout cela coûte cher, et je ne suis pas sûr que l'on puisse encore se le permettre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

M6 coûte dix fois moins cher que France 3, et elle est pourtant passée devant la chaîne publique en termes d'audience. De plus, elle effectue des décrochages locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

Je confirme la position de M. Belot sur la « concurrence » nuisible entre les différents outils de notre audiovisuel extérieur. En effet j'ai pu constater avec regret, lors de missions réalisées dans le cadre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, que France 24 et TV5 Monde sont absentes dans certains pays européens. De fait, les chaînes se font tellement concurrence sur les tarifs qu'elles finissent par disparaître des offres proposées à l'étranger !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

A l'occasion d'un récent déplacement à Bruxelles, j'ai été sensibilisé aux discussions en cours avec la Commission européenne sur l'AFP. En ce qui concerne le livre numérique, il faut faire très attention à se positionner, sous peine de perdre totalement le marché au profit de pays comme le Luxembourg. Enfin, je trouve quelque peu hypocrite la présence de messages pour du mécénat sur France 2 et France 3. N'est-ce pas finalement de la publicité déguisée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Passons au vote. Je relève douze voix pour, quatre absentions et trois voix contre, après prise en compte des délégations de vote.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».