Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 15 novembre 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission procède à l'audition de Mme Véronique Cayla, présidente d'Arte, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2012-2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous sommes heureux d'accueillir Mme Véronique Cayla, présidente d'Arte, pour évoquer l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la chaîne pour la période 2012-2016.

Debut de section - Permalien
Véronique Cayla, présidente d'Arte

J'ai l'honneur de vous présenter le premier bilan du contrat d'objectifs et de moyens (COM), presque un an après en avoir défendu devant vous les principales orientations. Il poursuit deux objectifs prioritaires : la relance éditoriale d'une part, rendue nécessaire par la concurrence que les chaînes de la TNT ont ranimée sur les audiences et les images de marque ; la poursuite du développement numérique de la chaîne d'autre part.

La relance éditoriale d'Arte a été engagée par le déploiement, à compter du 1er janvier 2012, de sa nouvelle grille de programmes. Les fondamentaux de la chaîne sont préservés : culture, Europe, relations franco-allemandes, recherche de qualité des contenus. La grille est simplifiée par la création de soirées thématiques : cinéma le lundi, investigation le mardi, Europe le mercredi, culture le jeudi... Arte se tourne désormais vers l'avenir, après avoir rempli avec succès, vingt ans durant, sa mission de constitution d'une mémoire commune avec l'Allemagne. Le ton de la chaîne a été rendu moins docte et plus moderne par l'ajout d'une dose d'humour et de doute dans ses programmes, afin de rassembler tous les publics.

Dix mois ont suffi pour que cette nouvelle grille fasse ses preuves. L'étude d'image que nous réalisons régulièrement nous l'a confirmé dès le premier trimestre 2012. Les téléspectateurs ont manifesté leur satisfaction, et perçoivent désormais Arte comme une chaîne européenne davantage que franco-allemande, bien que ses deux actionnaires exclusifs restent la France et l'Allemagne. Après le frémissement des premiers mois dû notamment à la concurrence des Jeux olympiques sur France Télévisions, les audiences se sont consolidées en Allemagne - elles étaient fortes depuis deux ans - et ont bondi en France. Un certain nombre de programmes remarqués ont achevé de fidéliser le public : notre festival du cinéma d'abord, qui a permis de diffuser en première partie de soirée le film turc Miel avant-hier, puis Mammuth le lendemain ; notre sélection documentaire ensuite, résolument ancrée dans le présent, avec la série De l'Orient à l'Occident et nos enquêtes sur Goldman Sachs et la finance folle ; nos fictions enfin, grâce au franc succès rencontré par les cinq séminaristes d'Ainsi soient-ils, miroir de la diversité de la société française, et à la série danoise Borgen dont nous programmons bientôt la seconde saison. La progression de notre part d'audience atteste du succès de cette nouvelle grille : en passant de 1,5 % à 1,8 %, elle a en effet bondi de 20 % en un an.

Notre stratégie de développement numérique a été mise en oeuvre de manière satisfaisante. C'est un atout historique de la chaîne, puisque Arte a été la première à créer un système de télévision de rattrapage, baptisé « Arte+7 ». La hausse de fréquentation de 30 % qu'a connue l'ensemble de nos sites en 2012 et la croissance de 60 % de la seule plateforme « Arte+7 » nous encouragent à poursuivre dans cette voie. Cette croissance, tirée à ses débuts par l'enrichissement en programmes du site, est désormais imputable à sa dynamique propre, puisque 90 % des programmes y sont aujourd'hui accessibles. Certains d'entre eux, tels les reportages sur Goldman Sachs et la finance folle, ont enregistré une fréquentation comparable à l'antenne et sur le web, respectivement de 900 000 et de 700 000 téléspectateurs. Ce phénomène est largement le fait des plus jeunes téléspectateurs, qui ont massivement déserté la télévision classique.

Nous avons mis un point d'honneur à définir un projet de groupe ambitieux. Baptisé « Galaxie Arte », il prend acte de l'avènement inéluctable de la télévision connectée. En effet, un simple bouton de la télécommande permettra bientôt de passer imperceptiblement de l'antenne au web. Mieux articuler les deux canaux pour élargir la base de notre public, et toucher en particulier les plus jeunes constitue le coeur de la stratégie validée par Arte Deutschland, Arte-France, et notre centre de diffusion à Strasbourg. Nous finalisons dans ce cadre la réforme des organigrammes autour d'un principe original : au contraire des autres chaînes dans lesquelles les services web et antenne sont séparés, les équipes d'Arte sont organisées par grands programmes thématiques (fiction, documentaire, etc.) au sein desquels elles développent simultanément l'offre numérique et télévisuelle classique. Par conséquent, la priorité est donnée aux contenus, des économies de personnel sont rendues possibles, et la concurrence éventuelle entre les services est réduite à néant. Cette réforme, qui permet une conduite du changement plus rapide, donne à ce stade entière satisfaction.

Quelques mots sur nos projets pour l'année prochaine. Année anniversaire du traité de l'Élysée, 2013 sera l'année franco-allemande. Le phénomène n'a lieu que tous les cinquante ans... Nous entendons donner l'écho le plus large aux manifestations qui seront organisées à cette occasion. En janvier, l'anniversaire de l'accord proprement dit sera célébré à Berlin. Les 20, 21, et 22 janvier 2013, nous consacrerons l'ensemble de nos programmes aux relations franco-allemandes, ainsi qu'au cinquantenaire de la création de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj). Une place particulière sera donnée aux programmes développés par la chaîne elle-même : Arte a notamment réalisé, conjointement avec Radio France, une enquête sur l'avenir de la relation franco-allemande, dont les résultats seront rendus publics au début du mois de janvier, et organisé avec Libération un forum sur l'avenir de l'Europe et de la relation franco-allemande, qui se tiendra à Strasbourg les 5 et 6 avril 2013. Nous pensons que l'Europe ne se résume pas à la crise économique qu'elle traverse, et qu'il faut soutenir les utopies qu'elle continue de susciter.

La fiction est un chantier majeur de l'année à venir. C'est l'un des thèmes les plus délicats à manier, car bien qu'il s'agisse d'un pilier de la télévision contemporaine parfois créateur d'un imaginaire commun, les critères d'un bon programme varient fortement d'un pays à un autre. Nous travaillons avec le ministère de la culture allemand à l'élaboration d'une politique volontariste, à l'instar de celle qui a été menée dans le cinéma, susceptible de forger une vision commune du continent européen.

Les objectifs du contrat d'objectifs et de moyens seront poursuivis, et la relance éditoriale confortée, en dépit d'un contexte rendu plus difficile par la concurrence accrue dans le secteur audiovisuel d'une part, et par les difficultés budgétaires d'autre part. En effet, le rachat par Canal Plus de la chaîne D8, dont la programmation cinématographique est proche de la nôtre, aura pour conséquence de faire grimper les prix ; le même effet est attendu de l'apparition de six nouvelles chaînes numériques au 6 décembre 2012, dont une est spécialisée dans les documentaires - créneau occupé par 45 % des programmes d'Arte. L'effet inflationniste de cette nouvelle demande de programmes intervient dans un contexte budgétaire plus contraint. Nous savons gré au Gouvernement d'avoir pris en compte la spécificité d'Arte, qui ne dépense que 10 millions d'euros en frais de structure, 20 millions d'euros en masse salariale, et consacre les deux tiers de son budget à investir dans la création. Avec une diminution de notre budget de 0,3 %, soit 800 000 euros, nous avons conscience du traitement privilégié qui nous est réservé, relativement à France Télévisions par exemple.

Les programmes diffusés en journée ont fait l'objet d'investissements importants. Le passage à la télévision numérique terrestre (TNT) a en effet conduit la chaîne à rediffuser le jour ce qui était auparavant ses uniques programmes de soirée. Cette faiblesse originelle demeure. Idéalement, nous souhaiterions enrichir la grille de jour d'une nouvelle émission quotidienne, mais les contraintes budgétaires nous en empêchent. Nos moyens financiers seront par conséquent entièrement consacrés à l'approfondissement des réformes engagées en 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Merci de votre exposé très complet, qui répond en grande partie aux questions que j'avais préparées.

La stratégie de la ministre de la culture a consisté à faire supporter par France Télévisions les efforts les plus importants. Par conséquent, votre budget ne diminue que de 0,3 %, comme sont épargnés l'INA ou Radio France.

Bien que le monde politique ignore souvent tout de la place d'Arte dans le paysage audiovisuel français, cette commission l'a toujours défendue. Vous avez fait le pari de la qualité et de l'originalité, et la croissance de vos audiences vous en récompense aujourd'hui. Tandis que les grands groupes comme TF1 déclinent, on ne peut que se réjouir de la bonne santé du service public audiovisuel français, à plus forte raison lorsque leurs efforts pour proposer une programmation de qualité ont fait l'objet de moqueries.

La trajectoire financière du groupe pour 2013 est-elle soutenable, notamment en termes de maîtrise de la masse salariale ?

Le contrat d'objectifs et de moyens ambitionne de rajeunir l'audience de la chaîne. Avez-vous des études par classes d'âge qui vont dans ce sens ?

Quelle part du budget consacrez-vous aux productions originales ?

Enfin, les chaînes publiques allemandes fournissent de nombreux programmes à Arte Deutschland, ce qui accroît ses capacités de production et rend plus confortable sa situation financière. Arte-France, elle, reste dans son coin avec son petit budget ! Est-il souhaitable qu'Arte-France développe des synergies avec les chaînes publiques françaises, et dans l'affirmative, que faites-vous pour concrétiser de tels partenariats ?

Debut de section - Permalien
Véronique Cayla, présidente d'Arte

Nous nous réjouissons également de la bonne santé du service public français de l'audiovisuel. L'exemple de France Inter et de France Culture montre que les stratégies fondées sur une certaine exigence peuvent se révéler payantes en termes d'audience, à tout le moins en France.

Nous n'avons pas d'inquiétudes quant à notre situation financière pour 2013 : les résultats époustouflants d'hier soir nous confortent dans l'idée que la stratégie que nous avons engagée continuera à porter ses fruits. Les effets des restrictions budgétaires et de l'inflation des prix des programmes ne seront source d'inquiétude qu'à partir de 2014-2015.

Nous avons refusé d'inclure dans le contrat d'objectifs et de moyens un objectif explicite de rajeunissement de nos audiences, car le ciblage exclusif des jeunes fait généralement fuir les plus âgés. Nous comptons davantage sur le développement numérique de la chaîne pour gagner la confiance du jeune public. Le succès rencontré par les documentaires sur Goldman Sachs nous donne jusqu'à présent raison : les jeunes sont allés voir l'émission sur Internet.

Le service public allemand est assez différent du nôtre. Selon le ministre allemand, Arte serait même la seule chaîne publique allemande... Les chaînes publiques ARD (Arbeitsgemeinschaft der öffentlich-rechtlichen Rundfunkanstalten der Bundesrepublik Deutschland) et ZDF (Zweites Deutsches Fernsehen) y sont en effet plus grand public, et plus proches des chaînes privées : ce sont elles qui ont inventé la scripted reality qui inspire désormais la fiction française.

Depuis un peu moins d'un an, nous cherchons à développer les passerelles entre Arte et l'ensemble des chaînes publiques françaises. J'ai écrit à M. Pflimlin à ce sujet. Nous avons créé un groupe de travail dédié. Nous devons toutefois, sous peine de diluer l'originalité et de saper la raison d'être d'Arte, cultiver une certaine distance à l'égard des grands groupes. Certains domaines, comme la fiction, se heurtent en outre aux différences de ligne éditoriale qui peuvent nous séparer : si nous sommes là, c'est pour proposer autre chose que France Télévisions. Le mariage de la carpe et de l'alouette donne rarement de beaux enfants ! Nous avons en revanche tissé des liens étroits avec TV5, qui diffuse avec un décalage de 30 minutes le journal de la chaîne. Celui-ci - qui n'a rien à voir avec ceux des autres chaînes puisqu'il est dépourvu de faits divers et traite en profondeur de l'actualité internationale - connaît une croissance de son audience de 30 à 40 % depuis un an. Nous travaillons à rendre sa diffusion sur TV5 plus large. En matière de documentaires, nous avons de nombreux projets en cours de développement avec France Télévisions. Vous le voyez : nous réfléchissons à la conception d'un noyau dur de programmes qu'Arte pourrait faire rayonner sur les autres chaînes, en complément des deux autres outils de rayonnement que sont Internet et la vente de nos programmes à l'étranger. Sur ce dernier point, je souligne qu'Arte est sans doute le dernier producteur de documentaires d'auteur à travers le monde. Enfin, notre relation avec Radio France fonctionne à merveille. La proximité qu'elle entretient avec la radio publique allemande ouvre de surcroît des perspectives de travail tout à fait intéressantes.

Debut de section - Permalien
Anne Durupty, directrice générale d'Arte-France

Les projets de relance éditoriale et de développement des programmes en journée retenus par le contrat d'objectifs et de moyens ont nécessité des ressources supplémentaires estimées alors à 18 millions d'euros, puis ramenées à 16 millions d'euros pour 2012, ainsi que 12 millions d'euros au titre de 2013. En définitive, si la diminution de notre budget atteint 0,3 % par rapport à la précédente dotation en loi de finances, nous enregistrons donc une perte de 5 % par rapport à ce qui était escompté dans le COM pour atteindre nos objectifs, eux-mêmes en deçà de nos premières espérances ! La date tardive à laquelle nous avons eu connaissance des données de la loi de finances initiale nous a contraints à nous adapter, c'est-à-dire à limiter la baisse du budget de programmes et à préserver le budget de la création.

Debut de section - Permalien
Anne Durupty, directrice générale d'Arte-France

Au sens patrimonial, celui des oeuvres, la création mobilise plus de la moitié de notre budget. En valeur absolue, il s'agit de 77 millions d'euros, qu'il faut rapporter aux 130 millions d'euros de notre budget de programmes. L'objectif est de préserver cette enveloppe en 2013, sachant que le budget de programmes suit une tendance à la baisse d'environ 8 millions d'euros.

Nous travaillons sur trois fronts pour limiter au maximum la diminution de cette enveloppe. D'abord, par le transfert d'un certain nombre de charges liées au développement numérique d'Arte-France vers Arte GEIE à Strasbourg. Nous avons en outre écrit à l'ensemble de nos producteurs de magazines pour leur demander des propositions d'économies à hauteur de 5 % du budget sans nuire à la qualité des programmes. Enfin, nous passons en revue l'ensemble des dépenses dans l'espoir de réaliser des économies de l'ordre de 2 % à 10 %. Pour 2013, nos ressources sont donc orientées efficacement vers le soutien à nos priorités. Si leur baisse devait se poursuivre en 2014 et 2015, nous serions dans une situation préoccupante.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je félicite Arte pour la bonne gestion et la bonne exécution de son contrat d'objectifs et de moyens. Notre collègue Claude Belot de la commission des finances a d'ailleurs rendu un rapport positif sur le travail que vous avez accompli.

Lors de votre audition en juillet 2011, vous aviez répondu de manière satisfaisante à nos questions relatives à l'évolution des personnels, à votre stratégie numérique ainsi qu'à l'élargissement des publics. Les célébrations du traité franco-allemand suscitent toutefois des demandes de précision : avez-vous des pistes de développement d'Arte au niveau européen et de coopération avec les chaînes d'autres pays disposant d'un service public audiovisuel ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je salue le travail réalisé ces dernières années sous la présidence de Mme Cayla. Les défis que doit relever une chaîne franco-allemande ne sont pas simples.

La branche allemande d'Arte était au départ directement liée à ARD et ZDF, ce qui favorisait les synergies entre les chaînes. Aujourd'hui, 90 % des programmes d'Arte y sont diffusés. Ils pourraient l'être également sur les chaînes publiques françaises, qui voient leurs moyens se réduire de manière significative. Arte doit conserver sa capacité propre de conception et de production de programmes, car elle apporte beaucoup à l'offre audiovisuelle publique, mais pourrait partager davantage ses compétences.

L'Allemagne produit plus de deux mille heures de fiction par an, contre à peine sept cent heures pour la France : ce déficit est dramatique. Comment Arte pourrait-elle être pilote dans la synergie européenne de la fiction ?

Le développement des programmes en journée est effectivement une gageure, car Arte n'est pas connu par les téléspectateurs comme producteur de programmes en journée. Des moyens importants doivent y être consacrés afin d'éviter la rediffusion de programmes conçus pour le soir.

Arte était d'abord une chaîne de production, plus qu'une chaîne de réception. Son évaluation se faisait d'ailleurs à l'aune des critères professionnels, et non en passant par les téléspectateurs : je me rappelle des débats qu'avait suscité l'introduction des versions françaises... Il y a eu une évolution, et l'on se préoccupe davantage de l'accessibilité des programmes. Comptez-vous la conforter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je vous félicite de la reprise du développement de la chaîne et de son audience. Pour qu'elle continue, toutefois, nous devrons rester vigilants sur la trajectoire budgétaire au cours des prochaines années. S'accompagne-t-elle d'une évolution de la composition du public ?

Vous êtes, comme moi, au coeur de l'actualité européenne. Les visions qu'en ont les différents pays d'Europe divergent. Au-delà de la célébration, l'an prochain, du cinquantième anniversaire du traité de l'Élysée, cette tension croissante vous pose-t-elle des problèmes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

J'ai toujours autant de plaisir à regarder Arte. Vos émissions historiques, toutefois, me semblent conçues davantage pour un public allemand que pour des Français. Quelle est votre politique en ce domaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

La fiction semble poser des problèmes. Comment est-elle fabriquée ? L'Allemagne et la France travaillent-elles séparément, ou conjointement ?

Debut de section - Permalien
Véronique Cayla, présidente d'Arte

Toutes les émissions d'Arte ont un volet historique, afin que l'histoire soit vue à travers le prisme du présent, et qu'elle apparaisse non pas en tant qu'objet d'émissions spécialisées mais comme le terreau dans lequel nous nous inscrivons, même si nous avons encore quelques émissions historiques de facture plus classique. La coopération franco-allemande se passe très bien dans ce domaine, et je ne pense pas qu'on puisse y constater un tropisme allemand.

La fiction, en revanche, est l'un des domaines où il y a le moins de coproductions entre la France et l'Allemagne, ou avec d'autres pays. La solution : créer, comme je suis en train de le faire en profitant de l'année franco-allemande, un fonds de coproduction entre la France et l'Allemagne, afin que les auteurs et les producteurs apprennent à travailler ensemble, ce qui ne semble pas naturel dans la fiction. Mais si la France est centralisée, avec un seul ministre de la culture et de la communication, en Allemagne il faut faire le tour des Länder, tâche démesurée... Pour que tous se mobilisent, il faut qu'une volonté politique s'exprime : quel avenir pour l'Europe si l'on n'est pas capable de développer, par l'imaginaire qui s'exprime à travers les fictions, une vision partagée de nos sociétés et de leur devenir ?

La tendance au repli sur soi provoquée par la crise économique nous inquiète tous, même si les mesures prises pour contrer la crise consolident l'Europe. Dans ce contexte, Arte est plus indispensable que jamais pour lutter contre les tentations de protectionnisme culturel, tout en reconnaissant bien sûr que l'Europe est une succession de cultures diverses qu'il faut respecter. A cet égard, la structure binationale d'Arte est exemplaire, mais il serait illusoire de vouloir y associer un troisième pays, tant le travail franco-allemand qui s'y effectue quotidiennement est déjà, tout passionnant qu'il soit, complexe.

Il faut pourtant bien qu'Arte s'européanise, cela se fera probablement grâce au numérique, dès que les services publics audiovisuels auront retrouvé un peu de lustre. Notre galaxie Arte comprend notamment, depuis quelques années, des plateformes thématiques numériques : l'une, Arte Live Web, porte sur le spectacle vivant, l'autre, Arte Creative, présente les avant-gardes européennes en matière d'arts plastiques, et bientôt une troisième sera consacrée à l'environnement, thème cher aux Français comme aux Allemands et porteur aussi bien à l'antenne que sur le Web. Nous pourrons envisager de créer des partenariats fondés sur ces plateformes, avec les services publics italiens ou espagnols par exemple, et débouchant sur la création d'un petit « Arte Italia », ou d'un petit « Arte España » qui, sur un tronc venant d'Arte, développeront les spécificités de chaque pays européen. Au lieu d'avoir une chaîne culturelle européenne hégémonique, nous aurions une chaîne franco-allemande capable de diffuser par Internet une série de petites chaînes culturelles reflétant la diversité culturelle européenne. Le problème de l'européanisation me semble plus facile à résoudre aujourd'hui qu'il y a dix ans, lorsque la seule solution était de procéder à l'ouverture du capital d'Arte à d'autres chaînes.

Nous espérons pouvoir mettre en oeuvre rapidement tous ces projets, et nous souhaitons que l'amendement du rapporteur soit adopté d'ici la fin de la session.

Debut de section - Permalien
Véronique Cayla, présidente d'Arte

J'espère bien que non ! Je n'ai pas parlé du groupe de travail que nous avons mis en place avec France Télévisions pour créer davantage de passerelles.

Debut de section - Permalien
Anne Durupty, directrice générale d'Arte-France

Les séries sont très identitaires, donc il est difficile de les coproduire, et Arte ne fait guère plus que cinq ou six unitaires par an. C'est dans le documentaire, surtout, qu'on pourrait développer la coproduction. Nous y travaillons. Mais la puissance de France Télévisions est sans commune mesure avec celle de l'ARD ou de la ZDF, qui produisent eux-mêmes des milliers d'heures de programme, et en achètent donc peu, alors que les coproductions qui peuvent se faire entre Arte et France Télévisions sont bien moins nombreuses. A chaque fois que nous diffusons un programme coproduit avec un producteur privé en France, il faut le payer. Cela augmente l'exposition des programmes de la télévision publique, mais n'est pas une source d'économies...

Bien souvent, le rachat d'une oeuvre de France Télévisions est plus coûteux que celui de documentaires de la BBC par exemple. Nous arriverons à développer une bonne complémentarité entre nos plateformes numériques dans le domaine de la culture et du spectacle.

Debut de section - Permalien
Véronique Cayla, présidente d'Arte

Tous les programmes allemands qui sont coproduits entre Arte et la ZDF ou l'ARD passent toujours sur Arte en première diffusion. Il n'en va pas de même, je crois, chez France Télévisions...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Merci pour la clarté de votre explication, et bravo pour vos résultats. Vos propos nous confortent dans le soutien que nous apportons tous à Arte. Notre commission va mettre en place un groupe de travail sur la question épineuse des droits. J'apprécie particulièrement le traitement que vous faites des sujets de science et de société, admirable d'objectivité, de richesse, et d'accessibilité.

Puis, la commission entend M. Jean-Luc Hees, président de Radio-France, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2010-2014.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Hees, président de Radio France

Il me paraît toujours difficile de commenter l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de l'année précédente, car nous vivons surtout dans le présent et le futur.

Nos premiers résultats d'audience sont tombés hier. Ils ne diffèrent pas fondamentalement des chiffres de 2011, même s'ils sont meilleurs. Je suis assez satisfait des performances de Radio France en termes de contenus, et de la confiance que nous font les Français : cela signifie qu'un service public peut allier qualité et résultats. Nous avons gagné quatre cent mille auditeurs en un an, ce qui est très encourageant.

Lorsque je suis arrivé à Radio France, au début de la période couverte par ce COM, mon ambition était de renforcer notre rôle dans trois activités : informer, éduquer, distraire, le tout avec un haut niveau d'exigence. C'est dans ce sens qu'ont travaillé nos antennes, guidées aussi par la réaction de leur audience.

France Culture a battu hier son record historique en ralliant 2,1 % d'audience. Au-delà de la satisfaction qu'il nous apporte en validant le travail de nos équipes, ce chiffre signifie qu'en France, les auditeurs ne sont plus rebutés par la complexité, l'exigence, la qualité, qui sont les axes que nous avions choisis pour toutes nos chaînes. Je suis fier que la radio puisse apporter cela à nos concitoyens. La stratégie que nous avions retenue il y a deux ans a donc montré tout son sens.

France Inter, notre navire amiral, se porte très bien. Elle a gagné des auditeurs, et est revenue à ses fondamentaux, qui sont exigeants : informer les Français en décryptant une actualité qui a été très chargée cette année. Les Français nous font confiance. Je demande aux dirigeants de prendre des risques : proposer un coup d'oeil sur Montaigne en plein été, par exemple. Nos auditeurs semblent adhérer. L'arrivée de Frédéric Lopez, entre 11 h et 12 h 30, n'allait pas non plus de soi. Nous avons diversifié le profil des intervenants, et cela apporte en richesse à nos débats. Le pari d'élever le niveau du divertissement semble réussi. Un programme ambitieux comme Sur les épaules de Darwin, qui a été soutenu par Philippe Val, montre bien qu'on n'a pas besoin de tirer toujours le public vers le bas pour avoir des résultats.

France Info, qui est l'une des chaînes essentielles de notre groupe, est sur un marché plus difficile. La concurrence menée par les chaînes d'information, notamment télévisuelles, est extrêmement rude. Certains avaient fait le pari que dans une année chargée en actualités les Français se détourneraient de l'information, nous avons fait le pari inverse, et cela a été très positif pour France Info. Après une perte d'audience il y a deux ou trois ans, liée à l'introduction de nouveaux modes de consommation de l'information, France Info a retrouvé ses positions, malgré une légère baisse d'audience, de 0,2 %, par rapport à l'an dernier.

J'accorde une attention particulière au réseau de France Bleu, qui représente un tiers du budget et du personnel de Radio France, pour quarante-trois stations. Les résultats de cette période de rentrée sont excellents : une part de marché de 7,3 %, soit presque quatre millions d'auditeurs, et une durée d'écoute en augmentation, ce qui signifie que France Bleu n'est plus écoutée pour des actualités locales, mais que son auditoire est fidélisé. Malheureusement, France Bleu ne couvre pas encore toute l'étendue de notre territoire, ce qui est anormal : tous les citoyens paient des impôts et devraient donc bénéficier du même service. Dans les territoires desservis par France Bleu je sens une véritable adhésion du public. C'est l'un de nos principaux axes de développement d'audience, mais l'augmentation de la couverture du territoire représente un investissement important. Nous avons déjà ouvert deux stations, au Mans, et à Toulouse, et nous allons en ouvrir une à Saint-Étienne, où la discussion avec les élus locaux se déroule dans un très bon climat. Nous tâchons d'obtenir davantage de fréquences, mais la ressource est limitée.

France Musique a une audience stable, ce qui ne me satisfait guère. Cette station doit s'ouvrir davantage : il faut aimer la musique, mais aussi la radio. On ne saurait la comparer à Radio Classique, dont la nature et les contraintes sont différentes, mais on doit pouvoir mieux faire.

FIP se porte vraiment très bien. Elle dispose de dix fréquences, ce qui est peu. Elle a célébré l'an dernier ses quarante ans, et a revu sa programmation pour revenir vers ses fondamentaux : non seulement de la musique de la variété mais aussi du jazz et de la musique classique. C'est plus un enjeu de prestige pour Radio France que d'audience : à cet égard, la mission est remplie.

Le Mouv' m'intéresse infiniment. Cette station existait depuis douze ans à mon arrivée. Elle était basée à Toulouse. Mais elle n'avait pas rencontré son audience : son taux de notoriété ne dépassait pas 60 % à Toulouse même. Or je considère que c'est une mission fondamentale du service public que de s'occuper des populations jeunes, en leur proposant le niveau de qualité qui est celui que nous cherchons à développer. Fallait-il arrêter Le Mouv' ? Je ne me suis posé la question qu'une nanoseconde ! Il faut continuer, même s'il est très difficile de faire renaître une station existante qui a peu de succès. Nous y travaillons, toutefois : nous avons reconstruit Le Mouv', en installant son siège à Paris, en restructurant l'équipe. L'audience a d'abord baissé, passant de 1 % à 0,4 %, soit deux cent mille auditeurs, ce qui n'est certes pas satisfaisant, mais elle vient de remonter à 0,5 %, soit une hausse de 20 %, ce qui est encourageant. Je souhaite que Le Mouv' soit la vitrine numérique de Radio France.

Les formations musicales : orchestre national, orchestre symphonique, orchestre philharmonique, choeur de Radio France et nos maîtrises, vivent un moment difficile, car la Maison de la Radio est en travaux, imposés par les impératifs de sécurité incendie. Nos formations sont donc nomades. Nous attendons avec impatience la réouverture de nos locaux.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Hees, président de Radio France

J'avais un rêve : inaugurer l'auditorium le 20 décembre 2013 à 20 heures, cinquante ans exactement après l'inauguration de la Maison de la Radio par le général de Gaulle, qui avait prononcé à cette occasion un discours magnifique. Malheureusement, les travaux ont pris au moins quatre mois de retard, dont deux sont dus à des intempéries, et deux à la nécessité de revoir nos relations avec l'architecte. La meilleure perspective pour l'instant est donc une livraison à la fin du mois de mars ou en avril 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce panorama est encourageant : l'audiovisuel public a une bonne audience, tout en étant l'avant-garde de la qualité. La panoplie de vos chaînes est hétérogène, mais pour la principale, France Inter, on ne voit pas pourquoi les résultats ne continueraient pas de s'améliorer. On sait bien, en effet, pourquoi elle gagne de l'audience et pourquoi les concurrents en perdent : ils n'ont pas fait, comme vous, le pari de l'exigence. Je ne pense pas que Le Mouv' soit condamné à stagner dans une part d'audience aussi basse : nous ne devons pas nous satisfaire de la légère augmentation récemment enregistrée. C'est un défi qu'a aussi France Télévisions. La qualité et l'exigence du service public doivent être mises à la disposition des jeunes. La fidélisation commence avec la jeunesse. Il faut trouver ce qu'ils attendent, et avoir l'audace de faire émerger de nouvelles générations d'animateurs et d'artistes pour lancer des modes.

Je vous pose deux questions de la part de M. Maurice Vincent, qui m'a succédé il y a peu à votre conseil d'administration. Quels sont les projets de nouvelles implantations, après Saint-Étienne ? Des recettes publicitaires complémentaires liées au développement sur internet sont-elles prévues ? J'ajoute pour ma part deux questions. Où en est-on des négociations sur la convention collective, et quel est le calendrier d'adoption d'un accord d'entreprise ? Le chantier a connu cet été un changement de prestataire : quand la maison pourra-t-elle enfin travailler dans ses murs ?

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Hees, président de Radio France

Le Mouv' dispose de 31 fréquences. Nous nous battons pour en obtenir de nouvelles, à chaque fois que l'opportunité en est donnée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), mais c'est difficile. Cette station est très importante pour moi, car nous devons nous préoccuper du renouvellement de notre public, et donc capter en permanence l'attention des jeunes générations, en leur apportant le niveau de qualité et d'exigence qui est le nôtre, ce qui n'empêche nullement la fantaisie, le rire, la détente. L'arrivée de notre nouvelle directrice générale déléguée, Mme Catherine Sueur, me permet de dégager du temps pour m'occuper de ce dossier, avec M. Patrice Blanc-Francard et son équipe. Le numérique va beaucoup nous aider à redresser la situation.

Nous vivons un temps contraint sur le plan budgétaire. J'aimerais ouvrir deux stations en 2014 dans le Midi-Pyrénées, mais la situation de nos finances publiques ne me le permet pas.

En ce qui concerne les recettes publicitaires, j'ai été le premier surpris de lire ce matin dans Libération que j'aurais demandé leur augmentation pour compenser les économies que nous impose l'État. Nous n'en sommes pas là ! Ce qui est vrai en revanche, c'est que nos recettes publicitaires sur le web augmentent, et que nous cherchons à développer ce qui marche le mieux, la vidéo. De manière générale, nous essayons d'éviter au maximum la « pollution » sur les antennes. Les publicités y sont discrètes, c'est ce qui a fait notre succès : ne tuons pas la poule aux oeufs d'or.

Lorsque j'ai pris mes fonctions le 12 mai 2009, j'ai aussi dû composer avec deux héritages : le projet de convention collective et le chantier de l'auditorium, qui a démarré le 8 juin 2009. Cela n'a pas été simple. Pour la convention, les négociations ont duré trois ans avant d'aboutir, en février 2011, à un accord avec les journalistes. De nombreux paramètres sont à prendre en compte, notamment l'évolution des métiers et de l'environnement économique. Les deux principaux syndicats, le Syndicat national des journalistes (SNJ) et Force ouvrière, ont signé l'accord mais trois autres syndicats manquent à l'appel. Les salariés vivent donc encore sous un régime de mesures unilatérales, ce qui n'est pas sain pour une entreprise de cette taille. La négociation se poursuit, notamment avec les personnels techniques et administratifs, mais nous nous heurtons à une difficulté supplémentaire, l'organisation des élections professionnelles qui doivent avoir lieu dans les semaines à venir. Leur date n'a pas encore été choisie, mais j'espère qu'elles auront lieu dans les deux ou trois mois à venir. Malgré ma hâte d'aboutir, il m'a semblé difficile de négocier la convention au moment où les syndicats sont en compétition, aussi ai-je accédé à leur demande de report de la date butoir du 8 octobre à la fin du premier semestre 2013.

Il est dans notre intérêt à tous d'avancer sur ce dossier : notre maison doit se moderniser, donner un avenir à son personnel. Cela suppose un changement de méthode. La révolution numérique nous offre des perspectives inouïes en termes de création, mais nous ne pouvons nous contenter d'en engranger les bénéfices en termes d'audience. Elles doivent avoir leur traduction dans la convention collective, en particulier dans ce contexte de contrainte budgétaire. J'ai bon espoir d'aboutir rapidement ; une convention collective n'est pas un luxe dans une maison comme la nôtre.

Le chantier de l'auditorium ? Il a pris quatre mois de retard. Depuis l'élaboration du projet en 2005 pour des raisons de sécurité, les relations sont houleuses entre le maître d'ouvrage, Radio France, et le maître d'oeuvre, qui assure la conduite du chantier. Pour assainir la situation, j'ai décidé de résilier notre contrat à la fin de la phase 2 des travaux en 2014. A cette date, l'auditorium sera livré ; les phases 3 et 4 du chantier sont beaucoup moins compliquées. Du point de vue budgétaire, il n'y pas eu de dérive sur ce chantier : en euros constants, il a augmenté de 2,4 %, pour un montant global qui atteint près d'un demi-milliard d'euros. Nous ne sommes pas de mauvais élèves, d'autant que nous avons négocié un avenant définitif avec le maître d'oeuvre. Nous avons beaucoup négocié, cela n'a pas été facile mais je suis fier de pouvoir dire que l'argent du contribuable a été préservé. Les journaux nous annoncent souvent des dérives dans les chantiers publics...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Je tiens à vous féliciter pour le bon accomplissement de votre mission.

Je suis très satisfait de la création d'une antenne de France Bleu à Saint-Étienne, ville de 200 000 habitants dans un département de 750 000 habitants. Quand cette antenne sera-t-elle opérationnelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous avons pris connaissance hier des chiffres de Médiamétrie et je tiens à vous féliciter. La mutation numérique, la multiplication des nouveaux supports et la nouvelle façon dont les jeunes abordent la radio, en associant le texte et l'image, expliquent-elles à elles seules l'accroissement et l'élargissement du public ? C'est en tout cas l'analyse de Mme Cayla, la présidente d'Arte, que nous venons d'auditionner.

Vous avez en filigrane évoqué l'évolution des métiers à travers la convention collective. Cette déclinaison multi-support est-elle bien intégrée par les journalistes ?

Où en sont les expérimentations par Radio France de la radio numérique terrestre (RNT) ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je vous félicite également au nom du groupe écologiste pour cette hausse globale de l'audience des chaînes de Radio France. Vous avez évoqué les programmes et l'audience, moins les questions de management et d'organisation. Arte a créé depuis 2010 un observatoire des risques psycho-sociaux. Des initiatives de ce type existent-elles à Radio France dont les personnels sont très dispersés ?

Radio France se repose beaucoup, notamment à France Culture, sur des producteurs extérieurs. Les conditions de rémunération ne sont pas les mêmes qu'à la télévision, mais avec de petits moyens, on réussit cependant des émissions de grande qualité.

Pour France Info, vous avez évoqué la concurrence de plus en plus pressante des chaînes télévisées d'information continue. Il existe des synergies entre les milieux journalistiques des différentes stations de Radio France ; une collaboration horizontale serait-elle envisageable ? Pour relever le défi de l'information continue, France Info ne doit-elle pas étoffer ses effectifs, qui sont trois à quatre fois inférieurs à ceux d'une chaîne de télévision ? J'apprécie le travail qu'effectue Le Mouv' pour informer les jeunes : les partenariats d'antenne, comme ceux opérés lors de « Radio Cannes », contribuent, là où les stations jeunes font l'impasse sur l'information, à donner une plus-value particulière à cette station.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Hees, président de Radio France

Je vous remercie, au nom de mes équipes, pour ces félicitations qui sont aussi des encouragements.

France Culture accueille 1,2 million d'auditeurs tous les jours. La réussite de cette radio unique au monde ne doit rien au hasard : elle est le fruit d'une stratégie et d'investissements qui lui ont donné d'importantes ressources en matière d'information et à l'étranger. Nous avons atteint la masse critique d'audience à partir de laquelle il est possible d'établir une sociographie, de savoir qui nous écoute et pourquoi. France Culture est beaucoup plus accessible, elle n'est plus un ghetto d'intellectuels et d'universitaires et touche maintenant les étudiants, de plus en plus nombreux. Objectifs et résultats sont donc en adéquation. Réjouissons-nous en, mais ne nous focalisons pas sur les sondages qui peuvent varier. L'important, c'est que cette station inouïe est ouïe.

En ce qui concerne l'installation de Radio Bleu à Saint-Étienne, je dois dire que j'ai beaucoup apprécié les échanges que j'ai eus avec les élus de tous bords qui se préoccupent avant tout de l'intérêt général. Les travaux ont démarré ; nous avons pléthore de candidats pour le poste de directeur qui sera pourvu en janvier 2013, en attendant l'ouverture de l'antenne au deuxième semestre.

Il n'y a pas de modèle économique pour le numérique et nous manquons de visibilité. Pour un chef d'entreprise, la difficulté est d'établir le niveau des investissements. Bien sûr, nous ne risquons pas de nous tromper en investissant des millions dans le numérique, mais nos contraintes budgétaires et financières m'incitent à être prudent et à attendre que se manifeste une vraie synergie entre l'antenne et nos sites web. La situation évolue très vite. En même temps, il y aura toujours des irréductibles, ne fréquentant que les antennes radio. En attendant, nos applications mobiles et nos sites web ont tous été rénovés : le dernier en date, celui de France Bleu, sera opérationnel à la fin du mois. Du point de vue des investissements, c'est l'ensemble de ce conglomérat qui est à prendre en compte, pour viser au plus juste.

Le personnel n'est pas en reste : plus de cent personnes sont dédiées au numérique. Le numérique est une aventure fascinante qui suscite beaucoup d'attentes et d'interrogations. Jusqu'où va-t-on aller ? L'aventure a-t-elle une fin ? Quels sont les produits et les contenus de demain ? Une sorte de frénésie du numérique s'est emparée de la maison et les gens sont véritablement assoiffés. Mais je ne peux pas décider de créer des postes du jour au lendemain, je suis contraint par le périmètre d'emplois défini par le COM. Nous procédons à des redéploiements, les choix ne sont pas faciles. Un départ en retraite doit-il être remplacé alors que nous avons de nouveaux besoins ? Le personnel s'interroge aussi, je le comprends. J'encourage la mobilité, toujours sur la base du volontariat. De nombreuses personnes voient leur avenir dans le numérique et aimeraient rejoindre la direction des nouveaux médias. Beaucoup de nos 700 techniciens baignent dans le numérique et souhaitent s'orienter vers les nouveaux médias. A nous d'apprécier les besoins avec prudence. Si certaines stations du réseau France Bleu sont mieux dotées en personnel que d'autres, c'est que les besoins des 50 000 habitants de Guéret ne sont pas ceux du million de Lillois. Poste par poste, nous négocions, au risque de grèves, comme celui d'octobre dernier, pour le redéploiement d'un poste et demi de technicien de Nancy à Metz. A nous d'être adroits et persuasifs : l'anxiété n'est jamais loin quand il s'agit d'emploi. Cela étant dit, nous sommes en fin de parcours concernant le multimédia, dans un périmètre d'emplois que je suis contraint de respecter. Les années que nous vivons ne sont pas faciles, mais l'aventure est excitante, même pour le personnel : il y a un monde à explorer ! À nous de placer le curseur au bon endroit en matière de finances publiques.

Nous avons signé en 2010 un accord sur la prévention des risques psycho-sociaux. Dans une entreprise de 5 000 personnes, c'était d'autant plus indispensable que dans un environnement assez actif, il est facile de minorer ces problèmes. Les ressources humaines sont en alerte permanente. L'impression d'être vertueux n'est souvent qu'une manifestation d'inconscience ! Nous avons aussi demandé le label diversité, que nous devrions obtenir au début de l'année prochaine. Il ne s'agit pas simplement d'une opération de communication : il est très important que l'entreprise soit amenée à codifier certaines choses. Il en va de même pour les risques psycho-sociaux.

Je suis très favorable à la RNT. Je suis un homme de radio et j'ai effectué la quasi-totalité de ma carrière dans le service public. La RNT nous garantit la gratuité, l'anonymat, la sécurité, l'indépendance vis-à-vis des opérateurs téléphoniques : en un mot, la liberté. Cependant, le bon élève que je suis ne méconnaît pas les difficultés financières de son actionnaire. En outre, nous devrons affronter l'hostilité manifeste des autres opérateurs de radio qui craignent la concurrence. Il est probable que dans les mois à venir, la France n'aura pas les quelques millions d'euros nécessaires au financement d'une double diffusion. Ce que j'ai demandé à ma tutelle, et je crois avoir été entendu, c'est de ne pas enterrer l'idée. Nos voisins vivent avec la RNT, l'Angleterre en est à un tiers de diffusion numérique sur le DAB (Digital audio broadcasting). Le processus est lent, mais tout le pays est couvert, un nouvel investissement doit permettre d'achever le maillage RNT pour les stations locales. Nous ne pourrons pas vivre isolés entre la Suisse, l'Allemagne, qui s'est lancée l'année dernière, et la Belgique, qui s'y prépare. L'idée sera d'autant moins enterrée que je ne lui connais pas d'ennemis théoriques. D'ailleurs, les voitures fabriquées en Angleterre et en Allemagne sont désormais équipées RNT. Pour aller de Londres à Berlin, il faudra traverser un pays non équipé : la France. Pourrons-nous éternellement faire bande à part ?

Quant à France Info, je rends d'abord hommage à ses équipes qui renouvellent chaque jour la radio et ouvrent quotidiennement une page blanche dans un univers où il faut se battre pour apporter tous les jours une valeur ajoutée journalistique. C'est cela le journalisme, dans une maison qui n'est faite que de journalistes : ils sont un peu plus de cent, ce qui n'est pas considérable compte tenu du débit. Son directeur, Pierre-Marie Christin, est lui-même un excellent journaliste, et nous nous entretenons régulièrement autour du thème : qu'offrir de plus que les autres ? C'est un travail passionnant mais il faut repenser la stratégie tous les jours, en fonction de ce qu'offrent nos concurrents. L'offre en matière d'information est, je retiens un « hélas », gigantesque, et nous voulons faire de France Info la référence en la matière. J'avais un slogan, « Informer, c'est un métier », c'est «L'information, c'est une vocation » qui a été choisi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Vous partez avec les compliments, la bienveillance et la vigilance de cette commission qui s'engage à vous accompagner dans vos différents chantiers.