La commission examine le rapport pour avis de M. André Vallini et Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 : mission Médias (programme 115 « Action audiovisuelle extérieure »).
Nous allons procéder à l'examen du rapport pour avis sur l'action audiovisuelle extérieur.
Le projet de loi de finances pour 2013 est marqué par la volonté d'assurer le redressement des finances publiques et de mettre à contribution, sauf exception, l'ensemble des opérateurs sollicités pour trouver, soit en développant leurs ressources propres, soit en réalisant des économies de gestion, les moyens de compenser la moindre attribution des ressources apportées par l'État.
Dans la mesure où ils font actuellement l'objet d'une profonde réorganisation, les opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure échappent partiellement à cette règle, qui s'applique à l'ensemble des sociétés nationales de programme comme France Télévisions, Radio France ou Arte.
Le gouvernement a souhaité maintenir à son niveau de 2012, soit 314,2 millions d'euros, le montant des crédits affectés à la société pour l'audiovisuel extérieur de la France (AEF). La seule diminution de crédits affecte la société radiophonique franco-marocaine Medi 1, qui voit sa subvention passer de 1,6 à 1 million d'euros.
Cette ressource provient pour 47,3 % du programme 115 qui est le support de la dotation du budget de l'État à l'AEF, et à travers cette société, de celle versée à TV5 Monde, et pour 52,7 % du programme 844 qui lui affecte une partie du produit de la contribution à l'audiovisuel public, autrement dit : la redevance.
Depuis 2012 le financement des opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure est majoritairement issu des ressources de la contribution à l'audiovisuel public alors que leurs programmes sont encore loin d'être accessibles aux personnes résidant sur le territoire national, ce qui est sans doute à revoir.
Dans cette période de transition, de redéfinition de la stratégie d'AEF et de réorganisation de ses structures, le maintien de la dotation à son niveau de 2012 apparaît comme une mesure conservatoire mais elle ne peut être considérée pour autant sans une réelle inquiétude.
Avant de revenir sur les dotations affectées à l'AEF et à travers elle à TV5 Monde, nous allons rapidement vous rappeler les grands axes de la réforme en cours.
Commençons par un petit rappel historique. Pour mettre fin à la dispersion des acteurs, il a été décidé, en 2008 :
· la création, sous forme de société holding, d'Audiovisuel extérieur de la France (AEF),
· le rattachement à cette société de RFI (avec sa filiale Monte Carlo Doualiya - MCD) et France 24,
· et de faire de cette société le principal actionnaire de la chaîne francophone TV5 Monde (49 %),
· dotant ainsi l'État d'un opérateur unique pour son action audiovisuelle extérieure.
La création du groupe s'appuyait sur un modèle économique dit «du retour sur investissement» qui consistait pour l'État à accompagner le développement des sociétés par une hausse des dotations annuelles jusqu'en 2011. Dans un second temps, à partir de 2012, le niveau atteint par les ressources propres devait permettre une réduction des dotations.
Le besoin de dégager des économies, en raison de l'échec de ce modèle, a amené les dirigeants à affirmer de plus en plus nettement la nécessité de fusionner les filiales avec la maison mère, mais aussi les rédactions entre elles.
Dans un contexte marqué à la fois par la mise en oeuvre de deux plans sociaux qui ont conduit à une baisse des effectifs de RFI et de MCD et par le développement de France 24, dont les émissions en anglais et en arabe sont passées au format 24/24 h avec une augmentation sensible des effectifs, le projet de fusion juridique et plus encore des rédactions a été mal perçu et a suscité l'opposition d'une partie des syndicats de RFI.
La fusion juridique d'AEF et de ses filiales a été approuvée par les organes sociaux des sociétés fusionnées le 13 février 2012. En conséquence, les sociétés France 24, RFI et MCD n'ont plus d'existence légale. Il n'existe qu'une seule entité : l'AEF.
En revanche, la fusion des rédactions n'a pu être mise en place.
L'opposition forte des personnels de RFI et de MCD, mais aussi de France 24, a rendu de facto impossible le déménagement des personnels de RFI et de MCD dans le nouvel immeuble aménagé pour les recevoir avec leurs collègues des autres entités de l'AEF à Issy-les-Moulineaux.
Force est de constater, en outre, que les relations entre ses dirigeants et les autorités de tutelle sont devenues plus que difficiles. L'absence de contrat d'objectifs et de moyens près de 4 ans après la création de la société en témoigne alors que ce document fonde la relation entre les opérateurs de l'État et leur tutelle.
Pour sortir de la crise, le gouvernement, en s'appuyant sur les conclusions d'un rapport confié à M. Jean-Paul Cluzel, a décidé de réformer cette société.
Dans un communiqué en date du 12 juillet 2012, les ministres concernés ont annoncé l'abandon du projet de fusion et le maintien de l'identité de RFI et de France 24 au sein de la société commune. Ils ont également exprimé le souhait que TV5 Monde soit adossée désormais à France Télévisions et non plus à l'AEF. Le renouvellement des équipes de direction est en cours. Mme Marie-Christine Saragosse a été nommée présidente-directrice générale de l'AEF au début du mois d'octobre.
C'est dans ce contexte qu'il convenait de rappeler qu'est présenté le projet de loi de finances pour 2013.
S'agissant de l'AEF, nous sommes devant une équation qui est la suivante : un projet en cours d'élaboration, des défis à relever, un budget en stagnation.
Lors de son audition par la commission de la culture du Sénat, Mme Saragosse a réaffirmé l'identité des antennes, fondant l'organisation de la société sur des « services supports » communs et sur trois chaînes distinctes : France 24, RFI et MCD (à l'image de l'organisation de Radio France).
Outre l'argumentation développée par M. Cluzel qui se plaçait essentiellement sous l'angle du traitement de l'information, Mme Saragosse a exprimé l'importance de l'identité des marques dans la construction d'une notoriété et d'une audience sur un marché international de plus en plus concurrentiel.
Pour autant, Mme Saragosse a présenté des synergies possibles entre les rédactions fondées sur une appréciation réaliste de l'évolution des modes de diffusion et de distribution et des modes de consommation, en veillant à leur adaptation dans le temps et selon les pays.
Elle a également annoncé, et mis en oeuvre depuis, des groupes «projet» associant les salariés de l'entreprise, avec des problématiques précises et, d'après les informations recueillies, ils sont plusieurs centaines à s'être inscrits aux trois samedis de réflexion proposés, en dehors de leur temps de travail, ce qui montre qu'il y avait une attente.
Pour réussir, elle devra toutefois relever un certain nombre de défis.
Premier défi, les rédactions. La mise en oeuvre partielle du projet de fusion et les nominations de l'encadrement correspondant au nouvel organigramme de la société se sont accompagnées de promotions individuelles. Et il est peu probable, compte tenu du climat social, que le dénouement de cette situation se traduise sans négociation de départs et versement d'indemnités.
En outre, depuis 2009, la direction du pôle arabophone est commune à France 24 et MCD, et on voit mal pourquoi la spécificité des métiers (qui justifie la décision de ne plus fusionner les rédactions de RFI et de France 24) s'arrêterait aux portes de la rédaction arabophone.
MCD, dont l'audience a fortement progressé, et France 24, dont la diffusion 24h/24 a assis la notoriété au cours des printemps arabes, sont devenues des médias de référence. Ces rédactions ont besoin d'être confortées. Dans un monde arabe en profonde évolution, la présence d'un média indépendant, susceptible de travailler de façon objective, est un élément important de l'influence française.
Deuxième défi, la reconstruction du dialogue social. C'est sans doute l'enjeu le plus immédiat et le plus important, tant la dernière période marquée par deux plans sociaux a contribué à la dégradation profonde du climat social. Des clivages profonds entre syndicats et au sein du personnel sont apparus entre ceux qui soutenaient ou acceptaient le projet de fusion et ceux qui résistaient et y faisaient obstacle.
Un clivage existe aussi entre les rédactions de RFI et de France 24 : la première a vu ses effectifs diminuer quand la seconde les voyait croître.
Dès lors, la reconstruction d'un dialogue autour de projets communs s'avère difficile et la nouvelle direction en est consciente et recherche les voies de l'apaisement.
Ceci est d'autant plus important qu'en parallèle la négociation d'accords collectifs est d'ores et déjà inscrite à l'agenda social de la société du fait notamment de la fusion juridique effective au 13 février 2012.
Il est probable que ses conséquences ne seront pas neutres sur l'évolution de la masse salariale.
Troisième défi : la mise en oeuvre effective de la fusion. Si la fusion juridique est effective, sur le plan pratique, le temps de la transition n'est pas achevé. Sous la houlette de la holding, certaines fonctions ont pu être gérées en commun, voire centralisées. Mais la fusion des fonctions supports qui ont perdu un nombre conséquent d'emplois (dans le cadre des deux plans sociaux) reste souvent limitée à la juxtaposition de personnels en provenance des différentes entités, sans référentiels ni systèmes d'information communs. Tout reste à bâtir mais cela suppose aussi un effort conséquent de mise au point de procédures et d'outils communs.
Quatrième défi : le déménagement de RFI sur le site d'Issy-les-Moulineaux. En raison de l'opposition d'une partie du personnel et de demande d'expertise du CHSCT, le déménagement des équipes de RFI dans l'immeuble situé à proximité de France 24 n'est toujours pas effectif. Il pourrait commencer au début du mois de décembre. La direction de l'AEF table sur fin janvier.
Cinquième défi : la consolidation de l'audience. En dépit de la crise qui a affecté la société et d'une vive concurrence, le professionnalisme des équipes a permis au cours de cette période agitée de développer l'audience des différentes chaînes. Elle reflète à la fois une extension mécanique de leur diffusion et de leur distribution sur les vecteurs traditionnels comme sur les nouveaux médias, mais aussi une meilleure pénétration sur les marchés grâce à des programmes en adéquation avec les attentes des publics visés. Les objectifs pour 2013 sont de consolider ces acquis et de développer la diffusion sur les nouveaux supports.
Vous trouverez dans le rapport écrit des indications sur la diffusion et l'audience des différentes chaînes, qui montrent que, dans un paysage extrêmement mouvant et concurrentiel, un effort substantiel devra être fourni pour accroître la diffusion des différentes chaînes. Il n'est pas interdit non plus d'envisager une extension de la diffusion de RFI et du programme arabophone sur le territoire national.
Ces défis sont donc nombreux et seront d'autant plus difficiles à relever que l'équation budgétaire est insolvable. Le Projet annuel de performances nous présente un compte de résultat prévisionnel en équilibre. Cette présentation souffre néanmoins de quelques zones d'incertitudes déjà mises en évidence en octobre 2011 par l'inspection générale des finances, puis en juin 2012 par le rapport Cluzel et qui n'ont pas été levées.
Des ressources complémentaires sont d'ores et déjà surestimées. L'AEF a confié à France Télévisions Publicité la commercialisation des espaces publicitaires de France 24 pour une durée de 5 ans (2011-2015) avec des chiffres d'affaires minimum garantis sur les deux premières années du contrat (3,9 millions d'euros en 2012). Or, les recettes publicitaires effectivement réalisées ne devraient pas dépasser 2,1 millions d'euros en 2012. On peut donc douter que l'objectif de 3 millions d'euros retenu pour établir le budget puisse être atteint. La prudence eût commandé qu'on se calât plutôt sur la réalisation attendue pour 2012.
Concernant RFI et MCD, l'AEF a conservé l'activité de régie publicitaire en interne. Les objectifs prévus en 2012 pour RFI devraient quasiment être tenus (1,6 million d'euros projeté en fin d'année pour un objectif initial de 1,8 million d'euros), on voit donc mal comment aller au-delà de l'objectif initial 2012 dans la réalisation 2013, ce qui représenterait déjà un effort considérable de progression (+ 12,5 %).
Enfin, il est prévu une augmentation de 77,3 % des recettes attendues de la diversification et des produits dérivés (+ 1,7 million d'euros) et de 23,8 % des autres produits d'exploitation (+1,6 million d'euros) à laquelle nous n'avons pas trouvé de justification particulière autre que celle de faire apparaître une légère progression de ressources propres et des produits d'exploitation de l'entreprise au sein de ressources constituées pour l'essentiel par les dotations publiques (92,1 %).
Un moyen de développer des ressources de publicité et de parrainage ou d'amortir les coûts de fabrication de certains programmes serait d'assurer une visibilité des productions d'AEF sur les réseaux nationaux. Cela suppose toutefois un investissement en moyens de diffusion (de l'ordre de 0,3 à 1,2 million d'euros) pour une extension de la diffusion en FM de RFI ou la diffusion de MCD dans certaines agglomérations, de l'ordre de 8 millions d'euros pour France 24 qui pourrait s'orienter vers la diffusion sur des chaînes hôtes dans certains créneaux horaires.
Il serait à cet égard utile que le président de France télévisions se décide à répondre favorablement à la demande de Mme Saragosse de diffusion matinale de France 24 sur l'antenne de France 4.
A l'inverse des recettes surestimées, des charges d'exploitation sont probablement sous-estimées.
Le déménagement de RFI devrait être totalement effectif au plus tard à la mi-février. Ce retard pris dans cette opération représentera un coût pour AEF de l'ordre de 1,15 à 2,3 millions d'euros sur l'exercice 2013.
La fusion juridique des sociétés conduira probablement à l'harmonisation des statuts, et en se fondant sur l'estimation de l'IGF et en considérant une application au terme du délai imparti pour la négociation, un montant de 0,9 million d'euros (1,8 million d'euros en année pleine) devrait être prévu à ce titre. Une chose est certaine : tout cela aura un coût, sauf à accepter de vivre en conflit social permanent.
L'abandon de la fusion pose la question de la remise à l'antenne des journalistes qui occupent aujourd'hui des fonctions managériales, souvent en doublon. Dans le cadre d'une convention collective protectrice, cela peut se traduire en dizaines voire en centaines de milliers d'euros selon l'ancienneté et le niveau de rémunération.
Il n'est pas certain non plus que le nouveau mode de fonctionnement soit par coïncidence moins coûteux que celui abandonné. On sait d'ores et déjà que la remise à l'antenne de grilles complètes aurait un effet mécanique de 2,3 millions d'euros selon les estimations du rapport Cluzel. Il n'est pas certain que les rédactions arabophones, si elles échappent à la fusion, ne doivent pas être renforcées.
Des économies de gestion seront donc difficiles à mettre en oeuvre.
Deux plans sociaux à RFI et dans les structures communes ont en grande partie épuisé la capacité de l'entreprise à trouver dans une réduction des emplois permanents une nouvelle source d'économies sauf à impacter ses programmes. Et le principal gisement de réduction des coûts de diffusion a été exploité en 2012 avec la renégociation du contrat TDF pour la diffusion de RFI en ondes courtes.
Nous sommes donc devant un redoutable effet de ciseaux. Sauf à desserrer la contrainte budgétaire, il y a peu de marges de manoeuvre pour AEF et les entités qui la composent et le risque de déficit évoqué tant par l'inspection générale des finances que par le rapport Cluzel pourrait devenir effectif dès l'exercice 2013.
Lors de son audition devant notre commission le 7 novembre 2012, Mme Laurence Franceschini, directeur général des médias et des industries culturelles, a estimé que la « zone d'incertitude budgétaire » tournait autour de 5 millions d'euros pour le court terme.
On doit donc s'interroger sur la cohérence et le contenu des programmes à l'aune de la contrainte budgétaire. S'il est tentant de réduire l'ambition des programmes pour obtenir des économies immédiates, une telle politique serait une politique de Gribouille qui certes satisferait l'équation budgétaire mais conduirait à maintenir un outil pour ne pas s'en servir et à l'inexorable déclin de l'action audiovisuelle extérieure de la France.
C'est, semble-t-il, ce que le gouvernement a voulu éviter en abandonnant le projet de fusion des rédactions de RFI et de France 24, mais il n'a pas pu en tirer les conséquences financières dès l'exercice 2013 en l'absence de définition des nouvelles orientations stratégiques.
Cette situation rend difficile la définition d'une nouvelle stratégie et la négociation d'un contrat d'objectifs et de moyens qui s'ensuivra. Cette phase constituera donc une épreuve de vérité sur la véritable ambition de notre action audiovisuelle extérieure et donc de notre diplomatie d'influence.
La réforme institutionnelle de l'AEF décidée par le gouvernement a pour conséquence l'intention exprimée d'adosser désormais la chaîne francophone à France Télévisions. En outre la nomination de sa directrice générale, Mme Saragosse, à la tête de l'AEF a ouvert la procédure de son remplacement.
Outre cette évolution, l'exercice 2013 sera marqué par l'aboutissement du processus de négociation entre les représentants des gouvernements bailleurs de fonds sur le plan stratégique 2013-2016, ce qui aura peut-être des conséquences financières sur l'évolution de sa dotation. A ce stade et à titre conservatoire, au sein d'une dotation affectée à l'AEF à son niveau de 2012, la dotation réservée pour TV5 Monde suit la même règle et reste fixée à 75 millions d'euros. Cette décision place la chaîne dans une situation difficile.
L'idée de faire entrer l'AEF à hauteur de 49 % dans le capital de TV5 Monde, partait de l'idée d'avoir une vision d'ensemble de tous les acteurs bénéficiant d'un soutien budgétaire de l'État français et de favoriser les synergies. Cette stratégie s'est avérée décevante.
L'arrivée de l'AEF a eu plusieurs conséquences négatives :
· les partenaires francophones ont eu le sentiment que l'État français voulait prendre une place dominante face aux opérateurs : il en est résulté une longue crise diplomatique,
· la concurrence, bien réelle, des deux sociétés pour l'accès aux réseaux des câblodistributeurs et aux hôtels, s'est traduite souvent par la perte de la gratuité dont TV5 Monde bénéficiait en tant que seule chaîne de langue française.
Les effets de synergie ont été des plus limités, et appliqués en fait au seul domaine des études d'audience.
En conséquence, le rapport Cluzel préconise et le gouvernement propose une substitution de France Télévisions à l'AEF dans le capital et au sein du conseil d'administration de TV5 Monde.
Cette reconfiguration peut conduire :
· soit à un transfert des parts d'AEF sur le chef de France Télévisions qui en deviendrait, avec 61,58 %, l'actionnaire majoritaire. Dans cette hypothèse, TV5 Monde deviendrait une filiale majoritaire de France Télévisions,
· soit à une répartition proche de la situation antérieure, de manière à ce que France Télévisions reste en dessous du seuil de 50 %.
Nous exprimons des doutes sur l'intérêt d'une filialisation de TV5 Monde au sein du groupe France Télévisions. D'une part, cette demande inquiéterait une nouvelle fois nos partenaires singulièrement échaudés par nos revirements successifs et qui ont consenti au cours des dernières années à voir leur contribution augmenter plus rapidement que celle de la France. D'autre part, elle n'a pas d'effets déterminants sur le renforcement des synergies entre partenaires, il peut même s'avérer judicieux de maintenir l'AEF parmi les actionnaires pour montrer l'intérêt de poursuivre l'effort de coopération entre les deux entreprises.
Lors de son audition devant notre commission, Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles, a considéré que ce scenario était celui vers lequel on s'acheminait et qu'il avait des chances raisonnables d'aboutir.
La politique de diffusion de TV5 Monde s'appuie sur 9 chaînes régionalisées et répond à plusieurs objectifs, pour la plupart inscrits dans sa charte fondatrice, ainsi que dans les plans stratégiques de la chaîne, négociés tous les quatre ans avec les États partenaires
Vous trouverez dans le rapport écrit des éléments sur la diffusion et la distribution de TV5 Monde qui utilisent de multiples canaux, et sur son audience en progression. Je m'attarderai ici sur quelques aspects concernant les programmes.
Les grilles de programmes de TV5 Monde sont le produit de synergies avec les chaînes partenaires. La valeur de sa grille qui reprend un choix des productions des chaînes nationales généralistes de service public des pays membres est sans commune mesure avec le coût de grille affiché dans son budget (58,43 millions d'euros en 2012). Elle permet donc de démultiplier sur une plus large base les investissements réalisés en grande partie au moyen des dotations en ressources publiques.
La barrière linguistique est le principal obstacle à la transformation du public potentiel en audience réelle. Le sous-titrage est donc un accélérateur des performances tant en matière de distribution, d'audience que de ressources propres. Globalement, entre 2009 et 2012, le volume horaire de sous-titres produits a plus que doublé.
TV5 Monde développe depuis plusieurs années une offre numérique d'appui à l'enseignement du français, langue étrangère ou langue seconde, baptisée apprendre et enseigner avec TV5 Monde, afin d'élargir son audience, en s'appuyant sur le public particulièrement prescripteur des enseignants (800 000 à travers le monde) et d'optimiser les contenus de l'antenne et ceux mis en ligne pour le public des apprenants.
J'en viens maintenant aux perspectives budgétaires pour 2013. Compte tenu de la décision de stabiliser une fois encore le montant de la dotation à son niveau 2011, soit 73,5 millions d'euros (hors taxe sur les salaires), l'exercice 2013 risque d'être extrêmement tendu.
Le processus de rééquilibrage des financements des partenaires non français s'achève en 2012. Leurs contributions aux frais communs atteint désormais 22,9 millions d'euros, ce qui représente une augmentation totale de leurs contributions de 60 % depuis 2008 alors que la progression de la contribution française a été inférieure à 5 % au cours de la même période.
Sauf nouvel accord dans le cadre de la négociation d'un nouveau plan stratégique, il est peu probable que les partenaires acceptent de poursuivre l'augmentation de leurs contributions au-delà de 2012. Néanmoins, le Canada a annoncé, en marge du sommet de la Francophonie de Kinshasa, qu'il pourrait accroître sa contribution de 2,5 %. Le Québec et la Suisse pourraient suivre cette initiative. Cependant, compte tenu du niveau des contributions, cela ne représenterait qu'un accroissement en volume de 0,38 million d'euros.
Le dispositif de minimum garanti (4,2 millions d'euros) par la régie publicitaire s'achève en fin d'année 2012. Le chiffre d'affaires réel réalisé sera inférieur à 3 millions d'euros en 2012. Dans un marché publicitaire atone, il serait donc imprudent pour TV5 Monde d'inscrire à son budget des recettes supérieures.
Il est loin d'être certain, bien au contraire, compte tenu de la concurrence des nouveaux entrants, que TV5 Monde puisse compenser cette perte de recettes par de nouvelles ressources de distribution, lesquelles représentent déjà 62 % des recettes commerciales.
TV5 Monde doit renouveler son dispositif technique de production, post-production et diffusion en répondant aux exigences de production de ses programmes, en définition standard (SD) comme en haute définition (HD), sur l'ensemble des supports.
La chaîne va devoir procéder à des investissements de plus de 15 millions d'euros en recourant à du crédit-bail qui va générer des frais financiers estimés à 0,33 million d'euros par an.
Enfin, du fait de la période de double exploitation et de formation du personnel, un surcoût transitoire estimé à un montant de l'ordre de 3 millions d'euro est inéluctable.
Les dirigeants de TV5 Monde évaluent à 2 millions d'euros l'effet du glissement mécanique des charges à activité constante.
La reconstitution de l'enveloppe d'acquisitions d'oeuvres françaises risque d'être une nouvelle fois compromise. La faible augmentation de la dotation française a créé mécaniquement un ajustement à la baisse des achats de programmes français estimé à 2 millions d'euros depuis 2007. La reconstitution du budget de programme est importante pour la poursuite de l'activité de la chaîne. Il conditionne pour une large part son attractivité, son audience et donc sa capacité à être distribuée et à générer des ressources propres. Cette situation est également préoccupante pour la production audiovisuelle française.
Au total le besoin de financement de la chaîne a été évalué à 6 millions d'euros sans compter les 2 millions d'euros nécessaires à la reconstitution de l'enveloppe d'acquisitions d'oeuvres françaises. Sauf desserrement de cette contrainte par l'apport de nouvelles ressources, ce sont les programmes qui risquent de servir de variables d'ajustement, ce qui est périlleux pour son développement.
En conclusion, nous considérons que les opérateurs, dans leur configuration nouvelle et compte tenu de la stagnation de leurs ressources publiques, ne seront pas en mesure d'exécuter les missions qui leur sont confiées.
A défaut d'une trajectoire financière plus favorable, c'est à une limitation des ambitions de notre action audiovisuelle extérieure à laquelle il faudra procéder.
Il en va du rayonnement de notre pays, et cela mérite une réflexion stratégique qui dépasse le cadre de l'examen d'une loi de finances et à laquelle les assemblées parlementaires doivent être associées.
Sans doute, la lecture de l'introduction de la présentation du compte de résultat prévisionnel 2013 dans le projet annuel de performances peut-elle laisser un certain espoir de voir les ressources abondées en exécution. Je cite : «le compte de résultat prévisionnel 2013 présenté ci-dessous n'est qu'indicatif. Il pourrait être sensiblement revu en fonction de la stratégie de l'AEF et des orientations convenues entre l'État et la nouvelle présidence de l'entreprise, et des orientations pour TV5 Monde qui seront fixées lors de la conférence qui se tient à Québec les 22 et 23 novembre». Mais qui a été repoussée à février 2013.
Alors, pour ne pas compromettre l'avenir et compte tenu de l'annonce faite par le gouvernement d'accepter une augmentation de 2 € de la contribution à l'audiovisuel public, ce qui permettra d'abonder les ressources de quelque 50 millions d'euros, nous proposons qu'une partie de ce complément de ressources soit affectée aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure au prorata de leurs dotations au sein de l'audiovisuel public. Ceci permettrait d'apporter 4,2 millions d'euros et ce serait un signe fort pour les personnels de ces entreprises ; ce complément pourrait être affecté à l'AEF et à TV5 Monde pour leur permettre de conforter leurs grilles de programmes.
Nous présenterons un amendement en ce sens lors de l'examen par le Sénat du programme 844 à condition que l'amendement prévoyant une augmentation de la redevance soit voté dans la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2013.
Pour votre information, la commission de la culture a adopté hier un amendement de M. David Assouline pour augmenter de 2 € le taux de la redevance.
Sous cette réserve et pour ce qui concerne le programme 115, je vous recommande de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, Livres et Industries culturelles » et pour ce qui concerne le programme 844 « Contribution à l'action audiovisuelle extérieure » à l'adoption des crédits de la mission « Avances à l'audiovisuel public ».
Nous avons travaillé en parfaite intelligence, nous partageons les mêmes analyses et je cosignerai l'amendement qui prévoira l'attribution d'une fraction du supplément du produit de la redevance au profit de l'AEF. En revanche, je vous propose de vous abstenir sur le vote des crédits.
Je suis très sensible à la portée de cet amendement. Je souhaite que la commission puisse en disposer très rapidement pour se prononcer.
J'ajoute que cela constituera un signe fort pour les personnels de l'AEF qui traversent des turbulences depuis quelques années.
L'ensemble de l'AEF ne semble pas aller vers la simplification. Je m'interroge toujours dans ces domaines sur l'efficacité des dépenses publiques et son évaluation, notamment quand on mesure l'importance des sommes qui ont été consacrées aux plans sociaux ces dernières années. S'agissant des rédactions arabophones, quel est votre souhait ?
Quelle est l'articulation entre l'amendement voté hier par la commission de la culture et le vôtre ?
L'amendement de la commission de la culture prévoit une augmentation de 2 euros du montant de la redevance, ce qui devrait en accroître le produit de 50 millions d'euros environ. Nous prévoyons d'en affecter un peu plus de 4 millions à l'AEF.
Notre intention est de renforcer les rédactions arabophones qui font un bon travail, notamment pour la couverture des « printemps arabes » et qui ont développé et leur audience et leur notoriété. Elles sont aujourd'hui sous-dimensionnées pour produire un programme 24 h sur 24, alors qu'elles produisaient auparavant un programme 15 h sur 24. Nous avons aussi le souhait que RFI puisse être diffusée en FM dans les grandes agglomérations sur notre territoire.
Avez-vous eu connaissance d'interventions de pays étrangers pour contester, voire empêcher, le travail de nos rédactions ?
Nous n'avons pas été saisis de ces cas. Ce que nous avons, en revanche, constaté, c'est que dans certains pays, la diffusion des chaînes pouvait être réduite de manière insidieuse, mais cela n'est pas forcément le fait de gouvernements, c'est plus fréquemment celui d'opérateurs privés comme les chaînes hôtelières qui préfèrent leur substituer des chaînes anglo-saxonnes.
Nous allons procéder au vote.
Par 11 voix pour, zéro voix contre, et 5 abstentions, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission Médias.
La commission examine le rapport de M. Christian Namy et du texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 73 (AN - 14e législature), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire.
Avant de donner la parole à M. Christian Namy, je vous rappelle que l'Algérie tiendra une place importante dans nos travaux en 2013 ; ces réflexions porteront sur les relations entre notre pays et le Maghreb, ainsi que, plus spécifiquement, sur la relation bilatérale franco-algérienne. Par ailleurs, j'ai rencontré à la récente réunion de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, à Prague, les présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense de chacune des deux assemblées algériennes. Nous avons projeté de travailler en commun sur un ordre du jour qui reste à préciser, mais qui devrait notamment porter, à leur demande, sur les investissements français en Algérie, et à la mienne, sur la situation au Sahel et au Nord Mali.
Monsieur le Président, mes chers collègues, la France et l'Algérie ont conclu, le 21 juin 2008, un accord de coopération dans le domaine de la défense.
Ce texte succède à l'accord de coopération technique militaire du 6 décembre 1967, dont les dispositions étaient dépassées. Il fournit ainsi un cadre juridique adapté à cette coopération, déjà active et appelée à se développer, à la demande même de l'Algérie.
Ce texte, élaboré sous la présidence de Nicolas Sarkozy, est l'aboutissement de négociations lancées en 2002, sous la présidence de Jacques Chirac. Il s'inscrit donc dans une politique française de long terme, que le président François Hollande souhaite poursuivre avec « un nouvel élan donné à la relation bilatérale », selon les termes du courrier adressé à son homologue algérien à l'occasion de la fête nationale du 5 juillet 2012.
Avant de vous présenter le contenu de l'accord, je souhaite le placer dans l'ensemble de la relation bilatérale.
Vous savez que l'élection à la présidence de la République algérienne d'Abdelaziz Bouteflika en avril 1999, sur un programme de réconciliation nationale, a permis à la France de reprendre contact avec Alger, après la tourmente de la guerre civile qui a marqué ce pays durant la décennie 1990.
Le présent texte est le fruit de ce rapprochement. Souhaité par l'Algérie, conclu après la visite d'Etat du président Sarkozy de décembre 2007, il a déjà été ratifié, côté algérien, par décret présidentiel en 2009.
Je précise que le délai qui a séparé la signature de l'accord, le 21 juin 2008, par les deux ministres de la défense de l'époque, MM. Hervé Morin et Abdelmalek Guenaizia, et son adoption par le conseil des ministres du 4 juillet 2012, est dû à des remarques formulées par le Conseil d'Etat.
En effet, l'accord contient, comme la plupart des textes de ce type, des règles de partage de juridiction. Or, le code pénal algérien prévoit, dans certains cas, l'application de la peine de mort, à l'encontre de laquelle nos personnels et nos ressortissants doivent être protégés. Mais les négociateurs algériens ont considéré que la mention de cette précision dans l'accord constituait une forme d'atteinte à la souveraineté de leur pays. La solution de compromis à laquelle les délégations de chacun des pays ont abouti, figurant à l'article 16, et disposant que « chacun des Etats appliquent les engagements pris dans le cadre de l'accord conformément à leur ordre juridique interne », n'a pas satisfait le Conseil d'Etat.
Ce dernier a suggéré qu'un échange de lettres interprétatives confirme le caractère inapplicable de la peine de mort dans le cadre du présent texte. C'est cette solution qui a été retenue, dissipant toute ambiguïté, mais sans modifier le contenu de l'accord, puisque les lettres lui sont annexées.
Tel est le motif du délai de quatre ans séparant la conclusion du texte de son adoption formelle par le gouvernement français.
J'en viens maintenant à la coopération de défense entre la France et l'Algérie. Elle s'est longtemps limitée à l'envoi en France de stagiaires algériens, au nombre d'une trentaine par an.
L'Algérie est intéressée par notre enseignement militaire supérieur, comme celui dispensé par l'Ecole de guerre, ou les écoles du commissariat, et par des spécialités dont la maîtrise par ses forces est insuffisante, comme la plongée ou la cynophilie.
Cet intérêt la conduit à prendre financièrement en charge la scolarité de certains de ses militaires. Parallèlement, la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), qui relève du ministère des affaires étrangères, propose également, mais sur le budget français, des formations en France visant à l'enseignement et à la maîtrise du français, ou permettant à des élèves officiers de suivre les cours du service de santé des armées, ou des écoles militaires de l'armée de terre, de l'air et de la marine.
Vous trouverez le détail des actions de la DCSD depuis 2010 dans mon rapport écrit.
Le texte soumis à notre examen, qui reprend les dispositions classiques des accords de ce type, va permettre de donner un cadre juridique clair à une coopération qui s'est étoffée depuis la rencontre des deux chefs d'État-major, qui a suivi la visite du président Sarkozy de décembre 2007.
En effet, certains aspects de l'accord sont déjà mis en oeuvre, comme le fonctionnement de l'instance de concertation, la commission mixte franco-algérienne, co-présidée par un représentant de chacun des ministères de la défense, et qui se réunit au moins une fois par an, alternativement en France et en Algérie. Cette commission établit le contenu de la coopération, l'organise et la coordonne. Elle est organisée en quatre sous-commissions.
Ces organes se réunissant depuis 2008. La 4e commission mixte s'est tenue à Marseille début 2012, alors que les 4 sous-commissions, « stratégie », « militaire », « armement » et « santé militaire » s'y sont tenues fin 2011.
Qu'apporte ce texte de nouveau ?
Ses deux points forts sont le renforcement de la concertation entre les autorités militaires des deux pays, et l'établissement d'un cadre juridique approprié à l'échange de troupes.
La convention de 1967 traitait des conditions de séjour en Algérie des coopérants français qui y étaient affectés. Cette partie de la convention est devenue sans objet. Elle ne permettait pas de couvrir d'éventuels exercices et manoeuvres sur le territoire algérien, comme le fait le présent texte, à l'image d'accords similaires récemment signés avec d'autres pays, et n'établissait pas d'instances de dialogue entre les autorités algériennes et françaises sous forme de commission mixte. Enfin, elle ne couvrait pas le personnel civil qui ne disposait d'aucune protection juridique dans le cadre de la coopération technique.
La promulgation du présent accord, dont vous trouverez l'analyse détaillée dans mon rapport écrit, rendra caduque, ipso facto, la convention de 1967, sans que soit exclue, par le Gouvernement français, l'éventualité d'une dénonciation de cette convention, comme le prévoit son article 28.
Ce texte reprend l'ensemble des éléments traditionnels d'un accord de coopération dans le domaine de la défense. Il ne saurait néanmoins être assimilé à un accord dit « de défense » dans la mesure où il ne comporte pas de clause d'assistance en cas de menace ou d'agression extérieure ou encore de crise interne.
La France a conclu de nombreux accords de ce type avec un grand nombre d'Etats. Elle dispose d'accords similaires avec certains Etats voisins de l'Algérie, dont le Maroc, et avec plusieurs États africains.
Il m'apparaît donc que cet accord de coopération de défense avec l'Algérie est indispensable au renforcement de la relation bilatérale encore très limitée dans ce domaine.
Elaboré à la demande de l'Algérie, il est mutuellement bénéfique : il renforce le statut de puissance régionale de ce pays, répond à son désir de se familiariser avec le modèle occidental d'organisation militaire, et de faire bénéficier ses personnels de l'exemple des atouts spécifiques de nos forces.
Pour la France, la stabilité de l'Algérie commande largement celle de la Méditerranée occidentale. De plus, le rôle que peut jouer ce pays en faveur du règlement de la question malienne renforce encore l'importance d'une relation aussi confiante que possible.
Vous savez que ce texte, adopté sans débat par l'Assemblée nationale le 19 novembre dernier, et qui sera examiné en séance publique au Sénat vendredi 23 novembre, vise à préparer, dans les meilleures conditions possibles, la visite que le Président de la République doit effectuer en Algérie d'ici la fin de l'année 2012. Ce pays attache à l'adoption de ce texte par la France une importance que nous ne mesurons peut-être pas.
Il considère en effet que, outre sa portée pratique, ce texte a une valeur symbolique forte de la qualité de notre relation bilatérale.
Cette relation s'est déjà approfondie sur le plan économique depuis 2010, notamment grâce à l'action de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, nommé en septembre 2011 comme représentant spécial du gouvernement français, et confirmé à ce poste le 28 août dernier, pour faire avancer plusieurs dossiers d'investissement français.
J'estime que c'est en progressant dans des réalisations concrètes que la France et l'Algérie pourront trouver une forme d'apaisement, et peut-être de réconciliation, à l'image de celle intervenue entre la France et l'Allemagne dans les années 1960.
Je vous suggère donc d'adopter cet accord.
Ce texte est un élément appréciable de notre rapprochement avec l'Algérie. Mais je souhaiterais amorcer une réflexion sur l'ensemble des nouvelles relations qui ne manqueront pas de s'ouvrir avec ce pays. Le prochain voyage du président de la République à Alger participera, sans aucun doute, aux efforts d'apaisement de la relation bilatérale déjà entrepris sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Le modèle de la réconciliation franco-allemande, suggéré par le rapporteur, me semble tout à fait pertinent. Je me réjouis que des projets de formation en France d'officiers algériens et qu'il ait été prévu des cours leur permettant une pleine maîtrise de notre langue. J'estime également opportun que des jumelages se concluent entre des collectivités territoriales françaises et algériennes.
Cet accord aura des effets positifs. Cependant, il est souhaitable que nous restions vigilants vis-à-vis de l'Algérie. Ce pays se plaint du faible nombre d'entreprises françaises présentes sur son sol, mais celles-ci se heurtent à de nombreuses tracasseries. Il est également très difficile d'ouvrir des écoles françaises. Par ailleurs, je déplore que, lors des nombreux déplacements que les membres du Gouvernement en place depuis mai dernier ont effectués en Algérie, les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger n'aient été ni informés, ni associés.
Cet accord s'inscrit dans le développement souhaitable d'un véritable axe franco-algérien dont l'importance est vitale pour la Méditerranée.
Je suis particulièrement attentif à l'évolution de ce pays, et vous précise que je préside l'association France-Algérie, créée en 1963 par le général de Gaulle, et dont le premier président a été Edmond Michelet. L'adoption de cet accord est tout à fait opportune, notamment du fait de l'indéniable influence que peut avoir l'Algérie sur la future résolution de la crise malienne. On ne peut gagner la guerre contre le terrorisme sans dissocier ces organisations de la population et sans les diviser. L'Algérie pays a une grande expérience de la lutte anti-djihadiste. Le président de la République française abordera, lors de son prochain déplacement à Alger, les principaux contentieux bilatéraux, dont les relations économiques. Les éléments évoqués par Mme Garriaud-Maylam méritent réflexion, car la disposition obligeant toute joint-venture à être dirigée par un Algérien résidant en Algérie soulève de nombreuses difficultés pour ceux de nos compatriotes souhaitant créer ou développer une entreprise dans ce pays.
Ainsi que l'a évoqué notre rapporteur, j'ai constaté que nombre d'officiers algériens formés en Russie souhaitaient se familiariser avec l'organisation de l'armée française.
Le Sénat, après avoir adopté la proposition de loi sur le 19 mars 1962 comme date officielle de la fin des hostilités en Algérie, contribue encore, avec l'examen de ce texte, à préparer la prochaine visite du président de la République en Algérie. A cette occasion, il serait souhaitable que le président Hollande incite ce pays à s'impliquer plus avant dans l'affaire du Sahel ; cette implication me semble indispensable à l'émergence d'une future solution. Par ailleurs, il serait souhaitable que l'Algérie prenne des initiatives pour résoudre son différend avec le Maroc, ce qui pourrait conduire à une ouverture de la frontière commune. Je rappelle que 160 000 soldats marocains sont affectés à la garde de cette frontière, alors qu'ils seraient plus utilement employés à lutter contre les mouvements terroristes sévissant dans la région. Par ailleurs, les quelque 150 000 réfugiés regroupés dans le camp de Tindouf subsistent dans des conditions lamentables.
Je souhaiterais donc, Monsieur le président, que vous transmettiez ces messages au président de la République. Notre relation bilatérale doit solder les dossiers du passé pour mieux résoudre les difficultés actuelles et regarder vers l'avenir.
Cette convention est opportune et nous devons l'adopter. Mais j'attire votre attention sur les tensions croissantes qui se font jour en Algérie dans la perspective de la future succession du président Bouteflika.
Pour une parfaite transparence des réflexions qui viennent d'être formulées, le compte rendu de notre discussion sera annexé au rapport de M. Namy.
Puis le rapport est adopté à l'unanimité.
La commission examine le rapport de M. Gilbert Roger et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 299 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice sur la cogestion économique, scientifique et environnementale relative à l'île de Tromelin et à ses espaces maritimes environnants.
remplaçant M. Gilbert Roger, rapporteur. - Mes chers collègues, je vais vous présenter l'intervention de notre collègue Gilbert Roger, empêché d'être présent à notre réunion.
La France et l'île Maurice ont conclu, le 7 juin 2010, un accord-cadre relatif à une cogestion de l'île de Tromelin et de ses espaces maritimes.
L'île de Tromelin, d'une superficie d'un kilomètre carré et inhabitée, est située dans l'océan Indien à 450 km à l'est de Madagascar, et à 500 km au nord de Maurice et de la Réunion.
On pourrait légitimement s'étonner qu'un territoire aussi restreint puisse faire l'objet de négociations entre deux Etats. Le premier motif de celles-ci est que la nationalité de l'île est contestée : la France la considère comme l'une de ses « îles Eparses », alors que Maurice en revendique la souveraineté, depuis 1976. Cette revendication est fondée sur le fait que Maurice estime que le Traité de Paris, du 30 mai 1814, par lequel la France cédait à la Grande-Bretagne l'Ile Maurice et ses dépendances, incluait Tromelin. Elle aurait donc dû entrer en possession de Tromelin lors de son accession à l'indépendance en 1968.
Ce différend est suscité par la richesse de la zone économique exclusive (ZEE) attachée à l'île Tromelin.
Par note verbale en date du 17 mai 2011, publiée sur le site des Nations unies (Division des océans et du droit de la mer), Maurice avait revendiqué sa souveraineté sur Tromelin et réaffirmé ses droits sur la ZEE adjacente. Cette note se référait à la publication par la France, sur le même site, d'une liste de coordonnées géographiques de points définissant les limites extérieures de la zone économique exclusive de Tromelin et de La Réunion ; Maurice a rappelé à ce sujet qu'elle avait « une pleine et entière souveraineté sur l'île de Tromelin, y compris ses zones maritimes », qu'elle a elle-même déposé une liste de coordonnées géographiques de points et une carte concernant Tromelin en 2008, et qu'elle avait déjà protesté en 1978 contre la « prétention française » à instaurer une zone économique au large des côtes de Tromelin.
Je précise que les principales ressources halieutiques présentes autour de l'île de Tromelin sont constituées de thonidés (du thon germon en particulier) susceptibles d'exploitation, et de certaines espèces protégées (requins, mammifères marins), menacées par la pêche illégale.
Le présent accord vise à organiser la protection de l'île de Tromelin et de sa ZEE par une cogestion des deux Etats revendiquant sa souveraineté, sans se prononcer sur cette dernière. Dans cette perspective, il instaure des coopérations sectorielles dans les domaines économique, environnemental et archéologique régies par des conventions d'application annexées à l'accord. Des conventions additionnelles pourront, si nécessaire, être ultérieurement conclues dans d'autres domaines. Ces coopérations seront mises en oeuvre par un comité de cogestion, composé de deux délégations d'un nombre égal de membres, et qui se prononcera par consensus.
Quels sont les principaux avantages procurés à notre pays par cet accord ?
Il permet d'apaiser le seul contentieux existant dans la relation franco-mauricienne, par ailleurs excellente.
Il fournit, au sein de la commission de l'océan Indien (COI), un modèle de règlement des différends, notamment pour les quatre des cinq membres de la commission de l'océan Indien qui ont des conflits de souveraineté sur la délimitation et le contrôle de leurs ZEE. La COI, basée à Maurice, et créée en 1984, comprend, outre la France et Maurice, Madagascar, les Seychelles et les Comores.
Il manifeste la volonté française de rechercher des solutions bilatérales, l'accord prévoyant des démarches conjointes franco-mauriciennes auprès de plusieurs organisations régionales et internationales comme la COI, et la commission thonière de l'océan Indien.
Il permet l'établissement d'une liste conjointe des navires autorisés à pêcher dans la ZEE de Tromelin. Cette liste préserve les droits de pêche gratuits des armements français, mais ouvre à parité des droits équivalents aux armements mauriciens. Le comité de cogestion est chargé de déterminer la répartition de ces recettes entre la France et Maurice, et des garanties sont prises pour éviter la surpêche, avec l'évaluation des stocks et la détermination d'un plan de gestion.
Cet accord procure également des avantages à Maurice, car il permet de faire valoir une approche pragmatique et constructive dans un dépassement du contentieux sur la souveraineté. Le comité de cogestion, pivot de l'accord, devrait pouvoir être institué dans les mois qui suivent l'approbation de ce texte. L'accord permettra de coordonner les moyens dont disposent la France et Maurice en matière de répression de la pêche illicite, même si ce phénomène est encore limité dans cette zone.
La marine nationale dispose, à partir de la Réunion, de plusieurs bâtiments consacrés à des missions anti-piraterie, et aux patrouilles dans les TAAF (terres australes et antarctiques françaises) : deux frégates de surveillance, « Nivôse » et « Floréal », dotées chacune d'un hélicoptère Panther, deux patrouilleurs, l'« Albatros » et le «Malin », un bâtiment de transport léger, le « Lagrandière » et une vedette côtière de surveillance maritime le « Verdon ».
Maurice possède un corps de garde-côtes, qui disposent de huit patrouilleurs hauturiers et de deux avions de patrouille maritime.
Au vu des nombreux avantages mutuels apportés par le présent accord, je vous engage donc à l'adopter, et à prévoir son examen en séance publique sous forme simplifiée.
Cet accord doit être adopté, mais subsiste le problème de fond portant sur la propriété de cet îlot. Une sous-commission, créée dans le cadre de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, travaille sur ce sujet. Le directeur juridique du secrétariat général à la mer a accompli, dans ce cadre, un gros travail de fond. Ce texte doit donc être considéré comme une étape vers la clarification de la souveraineté sur Tromelin.
Je souhaiterais savoir ce qui permet à Maurice de se fonder sur le traité de 1814 pour réclamer la souveraineté sur Tromelin.
Maurice se fonde sur une revendication dérivée des coordonnées géographiques bornant sa ZEE, qui inclut partiellement celle entourant Tromelin. Dans cette perspective, Maurice considère que le traité de 1814 attribue à la Grande-Bretagne non seulement son propre territoire, mais celui de Tromelin, qui aurait donc dû lui revenir lors de son accession à l'indépendance en 1968. Il faut souligner que la Grande-Bretagne s'est abstenue de prendre position dans ce contentieux, qui devrait être réglé dans le cadre des Nations unies.
Ce sujet conduit à une réflexion plus générale touchant à nos moyens de défense : l'ampleur et la diversité des ZEE relevant de la France requièrent, pour leur surveillance, une marine française puissante et bien équipée. Cette réflexion doit être intégrée dans le Livre blanc sur lequel nous travaillons actuellement.
La commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.