Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne M. Jean-Pierre Duport, préfet, co-président du groupe d'élaboration de la Charte État, collectivités, associations.
Nous accueillons à présent le préfet honoraire Jean-Pierre Duport, en sa qualité de coprésident du groupe d'élaboration de la Charte État, collectivités, associations en cours de finalisation au plus près du terrain et auprès de l'ensemble des acteurs du monde associatif. J'en profite également pour vous rappeler que nous aurions aimé auditionner notre collègue Claude Dilain, qui assume également la coprésidence de ce groupe de travail, mais qui siège actuellement en séance publique pour l'examen du projet de loi pour l'accès au logement et à l'urbanisme rénové, dont il est un des rapporteurs.
préfet, co-président du groupe d'élaboration de la Charte État, collectivités, associations. - Je suis très heureux de me retrouver dans votre commission dont je connais déjà plusieurs membres.
J'ai sans doute été sollicité par la ministre Valérie Fourneyron pour conduire cette mission en raison de ma participation continue au monde associatif, menée concomitamment à mes fonctions professionnelles, y compris comme préfet. Je suis en effet convaincu de l'importance de la vitalité de la vie associative et de la démarche citoyenne dans notre société. J'avais d'ailleurs eu l'occasion de contribuer, en tant que militant associatif, à l'élaboration de la première charte des engagements réciproques entre État, collectivités territoriales et associations de 2001 qui fut signée par Lionel Jospin à l'occasion du centenaire de la loi relative au contrat d'association.
Lors d'une intervention en mars 2012 devant la Conférence permanente des coordinations associatives, le Président de la République, alors candidat, avait exprimé son souhait de renouveler cette charte en déclarant, je le cite : « Nous reprendrons la charte élaborée sous Lionel Jospin, nous l'améliorerons et elle constituera la base à partir de laquelle nous travaillerons ensemble. » C'est sur cette base que la ministre nous a demandé, à Claude Dilain et moi-même, d'animer un groupe de travail, auquel votre présidente a participé, pour faire des propositions au Gouvernement sur ce que pourrait être une nouvelle charte des engagements réciproques entre l'État, les collectivités territoriales et les associations.
Quel était l'esprit dans lequel nous avons travaillé au sein de ce groupe, dans lequel l'ensemble des associations était représenté par la CPCA et d'autres groupements du monde associatif, de même que les associations d'élus des collectivités territoriales ? Nous sommes partis d'un premier constat : la charte de 2001 était un document de qualité qui répondait à une réelle attente des acteurs du monde associatif et s'inspirait des pratiques en vigueur dans d'autres pays d'Europe, comme au Royaume-Uni et la convention signée en novembre 1998 par le National Council for Voluntary Organisations et le Gouvernement britannique. Mais la charte de 2001 avait également permis d'amorcer une réelle évolution - je pense notamment à l'encouragement du mécénat par la loi du 4 août 2003 ainsi qu'à la création, en 2001, du Haut conseil de la vie associative comme instance d'expertise placée auprès du Premier ministre.
Subsistait cependant un point sur lequel la charte de 2001 avait quelque peu failli : ses déclinaisons sectorielles et territoriales qui avaient pourtant été inscrites comme principe dans son texte. En effet, les déclinaisons territoriales se sont avérées peu nombreuses : seul le préfet de Picardie a décliné la charte dans sa région. Je n'ai pu moi-même décliner la charte dans la région Ile-de-France faute de temps, puisqu'il m'a fallu quitter mes fonctions dès juillet 2002. On dénombre cependant désormais neuf déclinaisons territoriales en régions (Bretagne, Rhône-Alpes, Picardie, Midi-Pyrénées, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Pays de la Loire et Champagne-Ardennes) et six signées par des villes (Rennes, Roubaix, Lorient, Lille, Angers et Calais). À Roubaix, cette charte fait d'ailleurs partie intégrante des conventions de financement avec les associations. Aucun département n'a, en revanche, décliné la charte. S'il y a bel et bien eu l'ébauche d'une déclinaison territoriale, le mouvement ne s'est pas pour autant généralisé.
Assez rapidement, au gré des discussions que nous avons eues avec la ministre, il nous est apparu que l'un des enjeux n'était pas tant de réécrire une nouvelle charte, mais de contribuer à son appropriation par les collectivités territoriales. Il importe que la charte devienne un élément du pacte républicain. Il m'apparaissait d'ailleurs, à titre personnel, extrêmement important que le co-président du groupe de travail soit un élu. Le fait que Claude Dilain soit sénateur du département de la Seine-Saint-Denis, a indéniablement contribué à la réussite de notre groupe de travail. La place des collectivités territoriales est cruciale et nous y avons consacré - la présidente ne nous démentira pas - l'essentiel de nos travaux.
Je ne reviendrai pas sur les procédures internes au groupe de travail : le rapport remis à la ministre en juillet dernier, et ses différentes annexes, en précisent la méthode de travail. Mais je souhaite évoquer les principales propositions que le sénateur Claude Dilain et moi-même en avons tirées, avant d'exposer ce qui, à ma connaissance, devrait être la suite réservée à nos travaux.
Le premier point, qui préoccupe beaucoup le monde associatif et rend malaisées leurs relations avec les collectivités publiques, réside dans l'application du droit communautaire. Nous avons eu le sentiment que l'État n'utilisait pas toutes les marges de manoeuvre offertes par le droit communautaire quant aux règles de financement des associations. Il ne faut ainsi pas systématiquement considérer que tout financement octroyé à une association, nonobstant la règle de minimis - soit 500 000 euros sur trois ans, ce qui ne représente un montant somme toute assez limité pour nombre d'associations qui ont des activités de gestion coûteuses - doit systématiquement conduire à une mise en concurrence. À cet égard, nous avons préconisé de reconsidérer la circulaire de 2010 du Premier ministre, qui apparaît trop réductrice. Au risque de choquer, si cette obligation de mise en concurrence est présentée comme une protection, sur le plan juridique, contre d'éventuelles accusations de complaisance ou de favoritisme, sa systématisation nous paraît inopportune. Ainsi, dans certains domaines, comme l'aide à la petite enfance, où elles innovent dans la prestation de services, les associations peuvent légitimement se sentir dépossédées de leurs initiatives par une mise en concurrence qui vient saper leur démarche novatrice.
Le dispositif du projet de loi pour une économie sociale et solidaire, actuellement en cours d'examen, peut nous permettre de maximiser les possibilités offertes par le droit communautaire. La définition de la subvention qu'il propose va dans le bon sens puisqu'il y est clairement affirmé qu'accorder des subventions à une association ne relève pas de pratiques condamnables, mais s'inscrit plutôt dans le sens de l'intérêt général.
Le deuxième point relatif au rôle de l'État réside dans la préservation du régime fiscal des dons et du mécénat. Nous avons d'ailleurs repris le contenu d'un rapport commandé, il y a peu, par la ministre au Haut Conseil de la vie associative. Aussi, ne faudrait-il pas que le monde associatif soit soumis à une sorte de double peine sous la forme, d'une part, d'une réduction prévisible des subventions publiques, qui représentent environ 11 % de ses ressources d'après les travaux de Mme Viviane Tchernonog, et d'autre part, d'une éventuelle réduction des avantages fiscaux qui participent de la dynamique du mécénat. Les dons aux associations, qu'ils proviennent des particuliers ou des entreprises, ne constituent pas, à mon sens, une niche fiscale, mais plutôt une modalité particulière de paiement de l'impôt.
Le groupe de travail a également insisté sur la nécessité d'associer les habitants et les associations au fonctionnement des instances de concertation. En outre, la communication des travaux des instances de concertation et la lisibilité accrue des critères d'octroi de subventions sont susceptibles de contribuer à la transparence du monde associatif.
Le développement de l'emploi associatif constitue une autre priorité : les dispositifs publics d'aide à l'emploi doivent non seulement concerner les entreprises, mais également les associations, qui emploient près d'un million de personnes.
Enfin, l'action de l'État dans le monde associatif doit être relayée par l'ensemble des ministères, dont certains, les ministères sociaux notamment, ont décliné la charte de 2001. La désignation d'un délégué interministériel, placé auprès du Premier ministre et rattaché au ministre chargé de la vie associative, permettrait de veiller à la bonne déclinaison de la charte et, de manière plus globale, aux bonnes relations entre les organes de l'État et le monde associatif. La réalisation d'un tel projet peut s'avérer néanmoins compromise par l'existence d'une direction ministérielle de l'éducation populaire, de la jeunesse et de la vie associative, et par la toute récente nomination, conformément aux engagements du Président de la République, d'un délégué interministériel à la jeunesse qui disposera, lui aussi, de compétences interministérielles renforcées. S'agissant du rôle de l'État, la nouvelle version de la charte ne devrait donc pas apporter de changement substantiel par rapport au texte de 2001.
S'agissant des collectivités territoriales, le groupe de travail a identifié certaines problématiques conjointes à celles de l'État, notamment en matière de transparence des critères d'octroi de subventions. Trois points ont retenu notre attention :
- la reconnaissance du rôle des structures fédératives. En effet, certaines collectivités locales souhaitent subventionner les associations au niveau local, mais elles rechignent à subventionner les structures d'un échelon plus élevé. Or, les associations locales ne peuvent exister sans les unions dont elles dépendent et qui constituent leurs interfaces obligées avec les échelons administratifs de niveau supérieur, soit départemental, régional ou national. Je suis moi-même vice-président de l'Union nationale pour l'habitat des jeunes, plus connue dans le passé sous le nom de l'Union nationale des foyers des jeunes travailleurs, dont la convention négociée au niveau national avec l'État et la Caisse des dépôts est renouvelée périodiquement, ce qui a permis aux foyers locaux de se développer, en complémentarité avec le travail fourni par les unions régionales soutenues par les régions. Cet exemple illustre la nécessité à la fois d'un relai et d'un support de l'action locale par des structures fédératives ;
- la simplification des formalités administratives et la possibilité d'accorder des subventions, sans mise en concurrence préalable ;
- enfin, à l'instar des dispositions figurant dans les chartes signées depuis 2001 par les communes ou les régions, la création de lieux d'accueil, de conseil et d'accompagnement des associations, qui constituent un élément particulièrement fructueux du dialogue avec le monde associatif.
Au-delà des engagements demandés à l'État et aux collectivités territoriales, il importe que le monde associatif améliore sa gouvernance entendue au sens large. D'abord par un effort en faveur de la parité : le monde associatif est majoritairement masculin. Il nous semble important de lutter contre la discrimination, en privilégiant l'arrivée de personnes venant d'horizons sociaux, culturels et économiques différents. Rappelons qu'il a fallu attendre 1981 et l'abrogation d'un décret de 1939 pour que la participation des étrangers à des associations soit de nouveau autorisée. D'autre part, la question de la vie démocratique au sein des associations ne concerne pas tant le cumul des mandats en lui-même, qui demeure la conséquence logique de la liberté d'association, que le cumul dans le temps qui peut s'avérer néfaste, comme j'ai pu le constater en collaborant au comité de la charte du don en confiance créé après l'affaire de l'ARC. Ne faut-il pas demander aux associations de fixer des limites dans le temps aux mandats de leurs dirigeants, de façon à favoriser le renouvellement de leurs instances ?
En outre, il faut inciter les associations à être claires quant à leur projet associatif et évaluer périodiquement la conformité de leurs objectifs à l'aune de ce projet.
L'organisation des parcours des formations des bénévoles est aussi importante. Elle constitue l'un des aspects de la validation des acquis de l'expérience (VAE). Nous avons également insisté sur la nécessité de développer un emploi de qualité au sein des associations.
Le groupe a par ailleurs recommandé d'accorder une plus grande place aux usagers dans le fonctionnement des associations gestionnaires. Même si la CPCA devrait être l'unique signataire de la charte, puisque le choix d'autres cosignataires peut s'avérer difficile, il faut cependant demeurer à l'écoute des habitants et des formes associatives non fédérées.
Pour terminer mon propos, j'aborderai une orientation laissée de côté par notre groupe de travail : la rédaction de chartes pluriannuelles entre les collectivités publiques et les associations. Dans le contexte économique qui est le nôtre, un engagement pluriannuel financier peut s'avérer difficile à respecter et ce même si la pluri-annualité est sous-jacente aux propositions que nous avons formulées.
Les travaux du groupe de travail ont débouché sur un projet de nouvelle charte entre l'État, les collectivités territoriales et le monde associatif qui reste, pour l'heure, soumis à discussions. Ce projet pourrait être prochainement finalisé et officialisé par le Premier ministre et les représentants des associations de collectivités territoriales, à l'occasion de la Journée nationale du bénévolat, le 5 décembre prochain.
Je vous remercie monsieur le préfet pour votre exposé et je passe d'abord la parole à notre collègue Jacques-Bernard Magner qui préside le groupe d'études consacré à l'éducation populaire.
J'interviens effectivement au titre du groupe d'études, mais également comme membre du Haut Conseil de la vie associative où je représente le Sénat. Le Haut Conseil a été saisi par la ministre pour rendre un avis sur l'amélioration du financement des associations. L'avant-projet rédigé par le Haut Conseil retrace ainsi l'évolution du modèle économique des associations dont le financement a connu, contrairement à certaines idées reçues, une sensible augmentation de la part du secteur privé, non pas due au mécénat, mais plutôt à la création de richesses et aux recettes dont les associations sont elles-mêmes à l'origine. Cet avant-projet définit trois axes de développement. D'une part, le développement des ressources privées, qu'il s'agit de sécuriser, tout comme le mécénat des entreprises et des personnes privées au regard du droit en vigueur. En tant que président d'association, j'ai pu prendre la mesure de l'apport du mécénat à la vie associative et des difficultés rencontrées par les entreprises dans leur souhait d'y contribuer. À cet égard, le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire devrait permettre de sécuriser les donations et subventions au regard du droit européen. La consolidation des structures associatives et la formation des bénévoles sont d'autres points sur lesquels il faut accompagner les associations. Le Haut Conseil s'est emparé de ces questions et a proposé des évolutions réglementaires et législatives.
Je crois que quelles que soient les études portant sur le monde associatif, celles-ci ne peuvent qu'achopper sur l'importante question du bénévolat. Lorsque vous évoquez les éventuelles incitations à la mise en place de la parité et du non-cumul, avez-vous tenu compte du poids du bénévolat qui est une denrée de plus en plus rare aujourd'hui ? Dans quelle mesure peut-on encourager et soutenir le bénévolat ? Je pensais, certainement comme d'autres, à des incitations fiscales, car certaines personnes consacrent leur vie entière au bénévolat sans rien obtenir en retour. On pourrait me rétorquer que de telles mesures de compensation, si elles étaient prises, sonneraient quelque peu la fin du principe du bénévolat, mais du fait de sa rareté, n'y a-t-il pas quelque chose à faire ? Ma ville, par exemple, compte 104 bénévoles, qui sont autant de passionnés, et je ne peux me permettre de les perdre. C'est pourquoi je souhaiterais proposer à notre commission de réfléchir de près à cette question.
Il y a d'autres secteurs, comme celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, où des avancées ont permis d'asseoir le volontariat. La loi récente sur l'enseignement supérieur et la recherche a ainsi reconnu l'engagement volontaire des étudiants dans la vie associative, en le distinguant de l'emploi étudiant et en permettant une validation de cette démarche dans le cursus d'études. J'ai en mémoire l'exemple d'un étudiant en Master 2, qui a pris une année blanche pour assumer volontairement la présidence de son association, et dont les acquis seront validés pour l'obtention de son diplôme. Je crois qu'il est important d'essayer de diffuser des expériences analogues à celles de ce jeune étudiant pour irriguer le vivier de bénévoles potentiels. Une telle démarche, d'ailleurs, rejoint le service civique, désormais très institutionnalisé, lui-même victime de son succès, faute des moyens pour financer le nombre croissant d'engagements. Mais de tels engagements demeurent, sur le long terme, autant de facteurs d'insertion dans la vie sociale et de gages d'une réussite personnelle et professionnelle.
J'ai omis de mentionner la nécessité d'obtenir la meilleure connaissance possible du monde associatif. Au titre de mes différentes fonctions para-administratives, je préside le Conseil national de l'information statistique et nous avons commandé un rapport à Mme Édith Archambaud, spécialiste universitaire du monde associatif, et nous allons faire en sorte que la charte ou son préambule stipule la nécessité pour l'INSEE de conduire périodiquement une étude statistique du paysage associatif. La première enquête, qui pourrait être quinquennale, devrait normalement être lancée en 2014.
Nous allons demander aux associations de souscrire des engagements pour aller dans le sens de la parité, de la non-discrimination et du renouvellement de leurs instances ainsi que favoriser l'évaluation de leur fonctionnement. L'archétype actuel du président d'association devrait par ailleurs progressivement évoluer. La définition de sanctions ne s'inscrit pas dans l'esprit de la charte. L'évolution de la Fonda, association qui a vocation à développer la valeur de l'engagement associatif dans le corps social, illustre parfaitement ces orientations. Cette association a réalisé la parfaite parité, autant au sein de son conseil d'administration que dans son bureau, et assuré le changement de générations aux postes de responsabilité. Une telle démarche est oeuvre de volonté. Certes, dans un contexte plus local, elle peut s'avérer difficile à mettre en oeuvre. Mais convenons que les présidents à vie, ou désignés de manière héréditaire, ne sont pas une bonne chose pour les associations.
S'agissant des compensations, la loi prévoit déjà l'indemnisation d'un responsable bénévole dans les limites du SMIC afin de compenser les pertes de revenus occasionnées par son engagement associatif.
Je trouve que l'engagement étudiant va tout à fait dans le bon sens et que l'attribution de crédits est emblématique, en ce qu'elle valorise à la fois l'engagement citoyen et le parcours professionnel de celui qui en fait la démarche. Ainsi, à l'Institut Paul Delouvrier, association fondée en souvenir du premier préfet de la région Ile-de-France, nous souhaitons organiser un colloque, en partenariat avec l'Institut d'études politiques de Paris et l'École nationale d'administration, sur ces hauts fonctionnaires, formés notamment par la Résistance et continuateurs de son esprit, comme François Bloch-Lainé et Claude Alphandéry, qui ont été à la fois de grands commis de l'État et des citoyens engagés. Dans notre société, la réussite peut être pleine et entière, à l'instar de celle de Paul Delouvrier créateur du FIAP, le centre international de séjour des étudiants étrangers situé dans le XIVe arrondissement ou de celle de François Bloch-Laîné, à l'origine de la Fonda. Que des compensations soient accordées aux étudiants qui s'engagent dans la vie associative et, d'ailleurs, dans le service civique, me semble aller de soi.
On ne peut qu'adhérer à votre remarque sur le profil sociologique du responsable associatif, comme j'ai pu m'en rendre compte lorsque j'ai rencontré les associations de mon département. Hormis les associations de jeunesse, la quasi-totalité des responsables associatifs était des hommes retraités, de plus de soixante ans et assumant leur mandat depuis de nombreuses années. Permettez-moi une remarque : il y a heureusement une forte porosité entre le monde associatif et les élus mais de plus en plus d'associations se voient privées de leurs présidentes appelées à exercer des mandats électifs.
J'observe par ailleurs que les associations, lorsqu'elles sont employeurs, ne bénéficient pas nécessairement de climats de travail plus sereins que celui des entreprises. Comment peut-on les accompagner, quelle que soit leur taille, dans leur rôle d'employeur de salariés qui sont aussi militants, sachant que les relations entre les uns et les autres, lorsqu'elles deviennent difficiles, peuvent mettre en péril jusqu'à l'existence des associations elles-mêmes ?
Puisqu'il faut faire oeuvre de transparence en matière d'octroi de subventions, comment évaluer la mise à disposition de locaux au profit des associations ? S'agissant de leurs dirigeants, je constate, dans ma ville, que si certains règlements d'associations peuvent être stricts sur ce point, il s'agit d'associations dynamiques de taille importante. Ce type d'associations ne représente que 10 % environ de l'ensemble du monde associatif et les jeunes ne sont pas toujours candidats au bureau d'associations plus modestes dont les instances ne sont pas en mesure de se renouveler.
La question du bénévolat est essentielle et il est difficile d'allier le renouvellement des responsables associatifs avec la recherche de nouveaux bénévoles. Mon interrogation portera sur un autre point, le mécénat - qui représente une source de financement utile et importante. Je suis d'ailleurs tout à fait d'accord pour considérer le mécénat non comme une niche fiscale, mais comme un geste social fort. Quelle serait la méthode pour l'encourager davantage au bénéfice de l'ensemble du monde associatif et, au niveau local, au profit des plus petites associations ?
La nouvelle charte ne devrait pas demander aux seules collectivités publiques de consentir à des efforts et le monde associatif n'est pas toujours exemplaire, notamment en sa qualité d'employeur. Les rapports entre le monde associatif et politique, au niveau local, ont toujours été, d'une certaine manière, relativement ambigus, comme j'ai pu le constater, en 1977, avec l'ancienne Association pour la démocratie, l'éducation locale et sociale dont l'objectif était de former et d'accompagner les futurs élus. Une fois parvenus aux responsabilités, les responsables locaux issus du monde associatif ont très vite changé de regard sur les associations. Le fait que l'apprentissage de la gestion collective puisse être assuré par l'engagement associatif me paraît tout de même une bonne chose.
Comment peut-on aider les associations dans leur rôle d'employeur ? L'existence de structures fédératives, qui viennent en soutien aux associations gestionnaires, me paraît, à cet égard, une bonne chose. Dans certains cas, on peut faire appel à des cabinets de conseil en management, comme pour les entreprises privées, mais une connaissance approfondie du milieu associatif permet de résoudre, au cas par cas, la grande diversité des problèmes rencontrés, que ce soit entre les bénévoles et les salariés, ou encore entre les conseils d'administration et les instances dirigeantes.
S'agissant de la transparence, il est important de prendre en compte, sans excès, l'ensemble des moyens mis à disposition des associations, y compris les locaux que les règles européennes nous obligent à comptabiliser. Le monde associatif doit être conscient de la nécessité du renouvellement de ses instances dirigeantes dont la volonté est cruciale pour conduire une telle démarche.
Le dispositif en vigueur en faveur du mécénat me paraît suffisant, compte tenu du contexte économique actuel et des déductions fiscales existantes pour l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune.
Monsieur le préfet, je vous remercie de votre intervention. Sachez, par ailleurs, que le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire sera examiné par le Sénat les 6 et 7 novembre prochains. Notre commission y sera particulièrement attentive, notamment s'agissant des mécanismes de subvention.
Enfin, la commission entend M. Henri Nallet, président de l'Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA) sur la concertation, relative à l'enseignement agricole, préparatoire à la loi d'avenir sur l'agriculture.
Nous avons le plaisir d'accueillir M. Henri Nallet, président de l'Observatoire national de l'enseignement agricole, dans la perspective de la prochaine loi sur l'avenir de l'agriculture, qui contiendra des dispositions destinées à sécuriser et à promouvoir l'enseignement agricole.
L'enseignement agricole sera effectivement traité dans la prochaine loi, qui sera portée par M. Stéphane Le Foll.
L'enseignement agricole devant former les agriculteurs de demain, il convient de l'adapter aux évolutions de l'agriculture attendues dans les années à venir. Deux tendances lourdes semblent s'annoncer.
D'une part la nécessité de répondre à une forte croissance démographique, assortie d'une augmentation des exigences alimentaires, qui nécessitera de produire des quantités toujours plus importantes, sur des surfaces identiques voire amoindries.
D'autre part la nécessité - vitale - de parvenir à ces niveaux de production dans des conditions respectant et préservant l'écosystème. Cette exigence est maintenant prise en compte par la politique agricole commune (PAC), qui conditionne certaines aides et subventions aux conditions de production.
De ces deux tendances, découlent plusieurs conséquences, dont la première est la nécessaire promotion de l'agronomie, qui accroîtra l'efficacité des agriculteurs en leur permettant de mieux comprendre leur environnement. L'émergence de la génération des « paysans-chercheurs », que certains appellent de leurs voeux, sera favorisée par une meilleure communication et une coopération continue entre les exploitations, l'enseignement et la recherche.
Cette volonté est présente dans l'avant-projet de loi, par exemple dans le renforcement des liens entre l'enseignement technique et l'enseignement supérieur, mais de façon pas encore assez affirmée.
La deuxième conséquence est l'ouverture plus grande de l'exploitation à l'enseignement : l'exploitation ne doit plus être seulement le lieu où l'on applique des connaissances acquises auparavant et ailleurs, mais un réceptacle de formation et d'information continues et permanentes.
Troisième conséquence, le renforcement de la présence de professionnels de l'agriculture et des industries agro-alimentaires dans les instances de l'enseignement agricole. Cette présence constitue déjà un atout majeur de l'enseignement agricole, par rapport aux autres types d'enseignement professionnel.
La quatrième conséquence est le nécessaire maintien de la tutelle du ministère de l'agriculture sur la formation des professeurs de l'enseignement agricole. Ce point a été très discuté lors de la concertation, les représentants de l'Education nationale souhaitant remettre en cause cette responsabilité.
La dernière conséquence concerne l'ouverture du monde agricole sur l'extérieur. Sous peine de manquer de bras, l'agriculture devra employer des jeunes issus d'autres milieux, ruraux ou même urbains. À cet égard, nous plaidons pour que l'orientation scolaire relève de l'interministériel et non plus seulement de l'Éducation nationale et pour que les trois familles de l'enseignement agricole - secteur public, secteur privé et maisons familiales - soient désormais rattachées à un schéma national.
Ce n'est pas dans notre commission que sera débattu le modèle de production agricole de demain, mais c'est bien nous qui débattrons de sa transposition dans la formation des jeunes.
Je salue monsieur le président, la finesse de vos analyses. Comme vous, j'aimerais insister sur la complémentarité des trois familles de l'enseignement agricole, qui ne sont pas en concurrence. De quels professionnels avons-nous besoin pour assurer la transformation de nos modes de production et garantir la qualité de notre alimentation ? C'est la question. Vous proposez plusieurs scénarios d'évolution de l'enseignement agricole dans votre rapport. Malheureusement, je n'en retrouve pas trace dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture. Je regrette d'ailleurs que la concertation préalable ait été aussi courte.
Je suis personnellement favorable à l'implication des régions dans l'enseignement agricole. Cependant, nous ne pouvons que constater d'importantes disparités entre territoires. Dès lors, quel cadre national, quel mode de gouvernance devrions-nous retenir pour assurer un traitement équitable de toutes les régions ?
La question de l'orientation me paraît cruciale. Jamais on ne propose aux élèves de les orienter vers l'enseignement agricole à la sortie du collège. Les responsables des centres d'information et d'orientation (CIO) l'admettent eux-mêmes. Comment mieux faire connaître et rayonner l'enseignement agricole ?
Autre point qui me laisse dans l'expectative : la formation des enseignants. Le projet de loi initial prévoyait la création d'une école supérieure du professorat et de l'éducation agricole (ÉSPÉA). Cela ne semble plus à l'ordre du jour. Pourtant, pour produire autrement nous devons enseigner autrement. Comment pourrons-nous assurer la cohérence de la formation des enseignants de l'enseignement agricole avec celle des enseignants de l'éducation nationale ?
Je suis persuadé que les exploitations agricoles annexées aux établissements doivent jouer un rôle moteur dans le développement de l'agroécologie et de modes alternatifs de production. En avons-nous les moyens ? Le statut, le personnel et le financement sont-ils suffisants ? Comment associer équitablement les établissements publics et privés à cette politique ?
Enfin, quelle évolution des diplômes vous semble souhaitable afin d'assurer la liaison bac-3/bac+3 dans l'enseignement agricole ?
La question du rôle des conseils régionaux est très importante. C'est un vrai sujet de débat. Tout le monde conviendra que les régions ont parfaitement rempli la compétence qui leur a été dévolue en matière de lycées. Faut-il aller encore plus loin dès lors qu'à bien des égards, le conseil régional est plus proche du terrain que la rue de Varenne ? Certaines régions se sont équipées et disposent de personnels compétents qui leur permettraient certainement de mener une politique propre de formation agricole. Néanmoins, sans contester le rôle éminent des régions, nous ne pouvons faire l'impasse sur une coordination nationale. Il nous faut un véritable plan stratégique pour garantir la cohérence des différentes politiques régionales. L'État ne doit pas entièrement laisser la main.
En matière d'orientation, il est important de rappeler que l'enseignement agricole forme à d'autres métiers qu'à ceux de la production. Par exemple, le lycée agricole de Mirande forme des spécialistes de la couture du cuir de haute qualité, qui sont recrutés chaque année par Hermès.
Je dois vous avouer que je ne connais pas précisément l'état actuel du projet de loi, en cours d'examen par le Conseil d'État. Mais je crois savoir qu'il a un peu reculé par rapport à la version initiale. Je partage votre souci quant aux exploitations des établissements. Il faut associer les collectivités à leur gestion et assurer une égalité de traitement entre les différents ordres d'enseignement sur ce point.
Je vous confirme que les collectivités interviennent pour soutenir les exploitations. Ainsi, à Arras, l'exploitation du lycée agricole s'est orientée vers des cultures biologiques. Cette exigence nouvelle s'est traduite par une moindre rentabilité. C'est le conseil régional qui comble le déficit. Mais si nous voulons soutenir les modes alternatifs de production en utilisant les exploitations des lycées comme modèles, il faut aussi que l'État contribue à les soutenir.
Pour avoir passé plusieurs années dans une école agronomique publique, je considère que l'enseignement agricole est bien plus innovant que l'éducation nationale. L'internat y est très développé, ce qui permet un travail beaucoup plus approfondi et exemplaire en matière de vie de l'élève et de gestion non violente des conflits. L'enseignement agricole, outre ses qualités pédagogiques, offre le modèle d'une éducation proche de l'élève et attentive à ses besoins. Nous devons trouver le moyen de diffuser cette culture au sein de l'éducation nationale. Ne pourrions-nous pas identifier des moments dans la formation des enseignants de l'éducation nationale, au sein des nouvelles ÉSPÉ, pour leur faire connaître l'enseignement agricole ? Cela contribuerait aussi à résoudre le problème de l'orientation vers cet enseignement encore délaissé.
J'aimerais aussi vous faire part d'expérimentations menées dans le Maine-et-Loire qui s'appellent « une école, un jardin » et « un collège, un jardin ». Elles permettent de diffuser une culture de la production biologique dans de petites parcelles auprès des enfants. Elles ouvrent des coopérations entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole au niveau local pour un budget très modeste. Je pense qu'elles mériteraient d'être diffusées et imitées.
L'agriculture raisonnée, que l'on pourrait aussi appeler raisonnable, n'est pas celle de la course à la productivité. Pour soutenir notre filière agricole, nous devons privilégier la création de valeur ajoutée plutôt que la hausse des volumes. Je partage tout à fait les orientations de votre rapport.
La spécificité de l'enseignement agricole exige qu'il soit maintenu sous la tutelle du ministre de l'agriculture, malgré les velléités périodiques de le rattacher à l'éducation nationale. La concertation avec les professionnels est une des clefs du succès incontestable de l'enseignement agricole. C'est une excellente chose que la présidence du conseil d'administration des établissements puisse être confiée à un représentant du monde économique. Dans la loi Fillon de 2005 dont j'étais rapporteur, nous avions ouvert la même possibilité dans les lycées de l'éducation nationale à titre expérimental. Devant les résistances internes au ministère cette expérimentation a malheureusement fait long feu.
Pour garantir le développement de l'enseignement agricole, il convient de ne pas se disperser mais au contraire de se concentrer sur l'agronomie. Je partage totalement votre avis sur ce point. Je considère que c'est la région qui constitue le meilleur échelon de planification pour l'enseignement agricole. Il faut regretter à cet égard que les directeurs régionaux de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) ne soient pas autant impliqués que les recteurs dans l'élaboration des contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP).
Vous avez émis une critique à peine voilée de l'agriculture telle que nous la vivons encore aujourd'hui. Si j'en juge par ce que j'observe dans mon département, en moyenne montagne, l'heure reste à la concentration des exploitations laitières sur les fermes de 1 000 vaches, qui, loin de produire de manière plus raisonnée, voire en bio, servent à la fois lait et biomasse.
La place des céréaliers et de l'agriculture intensive au sein de la formation reste dominante par rapport aux nouveaux systèmes de production. Il faut rompre avec ce modèle obsolète.
Je partage votre conviction : la formation des agriculteurs doit rester confiée aux établissements, placés sous la responsabilité du ministère de l'agriculture. En revanche, la formation des enseignants ne relève pas seulement d'une formation spécifique. Elle doit donc être assurée au sein des ÉSPÉ. Enfin, je me félicite que les crédits de l'enseignement agricole progressent de 1,5 % au sein du projet de loi de finances pour 2014, ce qui devrait satisfaire votre rapporteure que je sais très attentive sur ce point.
Évoqué il y a quelques années, l'institut des sciences et techniques du vivant n'a pu voir le jour.
Il pourrait être utile de remettre ce sujet sur la table. J'ai d'ailleurs posé une question orale au ministre de l'agriculture sur l'avenir de l'École nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA) et du centre d'application de Champignolles, dans l'Yonne le 11 septembre dernier.
L'agriculture est aujourd'hui confrontée à des défis majeurs, notamment alimentaire, démographique ou encore environnemental. Mais il y a aussi, à mon sens, un enjeu démocratique avec la participation des citoyens aux débats relatifs à l'exploitation agricole. Dans ce cadre, je considère d'ailleurs que l'enseignement agricole a un rôle important à jouer puisqu'il peut faire le lien entre la recherche, l'expérimentation et les apprentissages. Comme M. Magner, je suis aussi sensible au sujet de la formation des enseignants pour laquelle la question se pose de la mise en place d'un lieu spécifique.
En outre, dans le cadre d'une réflexion sur les enjeux industriels français, nous ne pourrons pas, évidemment, nous passer de traiter le cas de l'agriculture. Sur le plan de la politique agricole, quelle sera l'articulation avec le pouvoir régional ? À cet égard, je considère qu'il faut une véritable stratégie, à l'échelle nationale voire européenne, et non une simple coordination entre les différents acteurs.
Enfin en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, je considère qu'il est aussi intéressant d'étudier la question de la place des femmes, encore trop minorée dans l'agriculture.
Monsieur Magner, vous avez senti dans ma présentation une forme de critique à l'égard de l'agriculture actuelle. Je tiens à souligner que le travail d'intensification de la production agricole a été remarquable. Les agriculteurs de cette génération ont mené à bien une formidable modernisation.
Il reste qu'il existe un mouvement et une demande dans notre société, au demeurant assez contradictoires : se nourrir pas cher avec des aliments guérissant de toutes les maladies ! Il faut en tenir compte en encourageant une production efficace présentant des coûts peu élevés et offrant une nourriture de qualité. Ce qui est en train de s'effondrer en Bretagne est à cet égard un modèle artificiel, importé des États-Unis. Il faut développer aujourd'hui une agriculture plus ménagère, notamment en retrouvant des vieilles traditions agronomiques. On redécouvre ainsi la polyculture élevage, car c'est efficace et écologiquement sûr. Il faut ainsi réfléchir aux risques de la concentration notamment dans l'élevage, car ces formes de production ont des effets écologiques non maîtrisables.
La formation des enseignants doit être ouverte sur l'éducation mais en y associant des professionnels de l'agronomie.
En réponse à M. Carle sur la spécificité de l'enseignement agricole et le rôle positif joué par ses structures de gouvernance sur son succès, je tiens à souligner que la loi du 9 juillet 1984 constitue un instrument formidable, que j'ai obtenu de haute lutte au prix de deux dispositifs, l'un consacré à l'enseignement agricole public et l'autre à l'enseignement agricole privé, et qui est désormais apprécié de tous les professionnels.
Pour autant, la concertation avec les professionnels mériterait d'être rajeunie et redynamisée. Les professionnels, qui sont nombreux et assument bien souvent plusieurs responsabilités, semblent effectivement un peu moins présents dans la gouvernance des établissements.
Je souscris pleinement à la piste excellente évoquée par Mme Bouchoux qui consisterait à renforcer les liens entre les établissements d'enseignement agricole et les établissements situés en zone urbaine, afin de favoriser les échanges entre les enseignants et les classes, notamment dans le cadre de parcours de découverte des exploitations.
À M. Bordier qui m'interrogeait sur les innovations apportées par le projet de loi en matière d'enseignement supérieur et d'enseignement vétérinaire, je répondrai qu'un certain nombre de reculs peuvent être relevés dans la dernière version du texte par rapport aux propositions qui avaient été formulées au départ. Le projet de loi envisageait initialement la création d'un Institut vétérinaire de France qui aurait rassemblé les quatre écoles vétérinaires de notre pays. C'est peu dire que les quatre établissements concernés ont mal accueilli cette proposition, parfois avec une certaine virulence.
Le même type de recul a été observé en ce qui concerne la mise en place de regroupements, proposition qui a également fait l'objet de réactions négatives de la part des établissements. Pourtant, et je ne suis pas le seul à partager cette idée, les regroupements s'imposent pour permettre l'émergence de quatre à cinq grands établissements qui accueilleraient en moyenne 15 000 étudiants chacun. C'est une des conditions pour garantir leur rayonnement à l'international.
La résistance opposée par certaines réactions corporatistes explique en partie les reculs que je viens de décrire. Cette situation n'est pas sans rappeler l'échec, que je considère comme le plus important de ma carrière, du projet de création au début des années 1990 de l'Institut des sciences et techniques du vivant (ISTV), fermement combattu par l'École nationale vétérinaire d'Alfort. Les élus, tant de la Marne que de la région, étaient pourtant prêts à s'engager pour financer le projet.
La question du défi démocratique et de la maîtrise par les citoyens de l'avenir de notre agriculture, posée par Mme Gonthier-Maurin, est à la fois essentielle et complexe dans ses éléments de réponse. Au lendemain de la guerre, quand l'heure était à l'intensification de la production et à l'ouverture de notre agriculture à d'autres formes de culture, nos concitoyens semblaient globalement en phase avec les ambitions agricoles du pays. Le même accord a prévalu par la suite, non sans quelques difficultés, pour la mise en place du marché commun.
À l'heure actuelle, cet accord n'existe plus. Après la crise de confiance provoquée par le scandale de la « vache folle », les choses se sont certes améliorées depuis le Grenelle de l'environnement. Il est clair que le projet de loi est une occasion à ne pas manquer pour tenter de reconstituer une forme de consensus de la communauté nationale sur l'avenir de son agriculture, afin de se mettre d'accord sur les meilleurs moyens de relever le principal défi contemporain : parvenir à nourrir les populations sans abîmer notre environnement.
Quel avenir envisagez-vous pour les écoles nationales d'industrie laitière (ÉNIL), qui offrent d'excellentes formations mais qui sont aujourd'hui confrontées à de lourds problèmes de recrutement ?
Les ÉNIL constituent un modèle de formation professionnelle tout à fait exceptionnel : on y forme les étudiants aux toutes dernières innovations du secteur, en s'inspirant de ce qui se fait de mieux dans les écoles nationales professionnelles. Ce n'est pas un hasard si les diplômés de ces écoles trouvent un emploi dans les 48 heures ! Les facteurs de succès des ÉNIL méritent d'être étudiés de près afin que d'autres établissements puissent s'en inspirer, et nous sommes prêts, au sein de l'Observatoire, à nous pencher sur leur modèle.