La commission entend une communication de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis, en vue de l'examen en séance publique des articles 4 à 8 ter du texte de la commission n° 329 (2013-2014) sur la proposition de loi n° 7 (2013-2014) visant à reconquérir l'économie réelle.
Nous avons adopté, la semaine dernière, les amendements que notre collègue Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis, nous a proposés sur la proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle. Pouvez-vous rendre compte de vos échanges avec la commission des affaires sociales et avec la commission des lois ?
La commission des affaires sociales a adopté les neuf amendements que nous avions présentés. Elle n'a pas adopté les amendements de la commission des lois tendant à supprimer les articles 5, relatif à la généralisation des droits de vote double, et 8, supprimant le principe de neutralité.
L'article 5 a été modifié à l'initiative de la commission des lois afin que les statuts puissent prévoir une durée supérieure à deux ans pour l'obtention des droits de vote double et, sur proposition de sa rapporteure, la commission des affaires sociales a décidé qu'en cas de refus du droit de vote double, cette question serait inscrite d'office à l'ordre du jour des assemblées générales au moins une fois tous les deux ans.
Nous avions décidé de laisser le champ libre à la rapporteure de la commission des affaires sociales sur l'article 6, relatif à l'information-consultation du comité d'entreprise. Celle-ci a présenté six amendements, qui ont tous été adoptés. L'un restreint la nouvelle procédure aux seules offres qui ont pour objet d'acquérir le contrôle de l'entreprise : une procédure aussi lourde n'est en effet pas pertinente pour les OPA dites « techniques ». Un autre précise les délais de convocation du comité d'entreprise. Lorsque des documents ne lui ont pas été communiqués, le délai dont celui-ci dispose pour rendre son avis est prolongé de cinq jours à compter de la communication des informations manquantes. Le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, pourra également demander à l'Autorité des marchés financiers de présenter des conclusions. Celle-ci a en effet demandé à être associée à la procédure car, disposant de nombreuses données sur l'offre publique d'acquisition (OPA), elle peut déterminer si les demandes d'informations formulées par le comité d'entreprise et l'expert-comptable sont justifiées. Les trois derniers amendements apportent des clarifications juridiques.
L'article 7 autorise à porter jusqu'à 30 % du capital social le nombre d'actions attribuées gratuitement à l'ensemble du personnel. La rapporteure des affaires sociales a proposé d'aligner le régime applicable aux PME sur celui des sociétés cotées. La commission des affaires sociales a, enfin, restreint le champ d'une demande de rapport au Gouvernement formulée à l'article 8 bis afin d'exclure toutes les informations confidentielles ou couvertes par le secret des affaires.
Certaines dispositions de cette proposition de loi ne me semblent pas coordonnées avec le projet de loi, déjà examiné par le Sénat, relatif à l'économie sociale et solidaire. Celui-ci comprend en effet des mesures, qui dépassent le cadre des coopératives, sur la reprise de l'activité par les salariés. N'y a-t-il pas télescopage entre les deux textes ?
Les dispositions dont la commission des finances est saisie sont de pur droit boursier : législation sur les OPA, seuils, rythme d'acquisition, dispositions statutaires relatives aux votes doubles ou capacité de défendre une société contre une OPA...
Le texte que vous évoquez n'a pas encore été examiné, en première lecture, à l'Assemblée nationale.
Il a fait l'objet d'un avis de notre commission, dont le rapporteur était Jean Germain. Il ne comportait pas de disposition susceptible d'interférer avec celles qu'a étudiées Jean-Marc Todeschini. S'il est de bonne méthode de s'interroger sur la cohérence de la législation, je ne pense pas que la commission des finances se mette en contradiction avec elle-même.
En vue de la séance publique, 67 amendements ont été déposés, dont 7 sur le titre III. Le Gouvernement devrait proposer un amendement rédactionnel à l'article 4 ter A. Je vais vous présenter les amendements aux articles dont nous sommes saisis et dont nous débattrons en séance publique.
L'amendement n° 9 du président Marini, portant article additionnel après l'article 4 ter, reprend des dispositions qui figuraient dans sa proposition de loi sur les franchissements de seuil. Quels instruments doivent être pris en compte pour déterminer si une personne a dépassé le seuil de 30 % du capital ou des droits de vote dont le franchissement oblige à lancer une OPA ? Dans le droit actuel, il s'agit des actions mais aussi des titres permettant d'obtenir des actions de sa seule initiative, comme certaines options ou bons de souscriptions d'actions, mais on ne compte pas les titres financiers permettant d'obtenir le rendement d'une action sans la posséder. C'est ainsi que LVMH avait pu monter au capital d'Hermès sans appliquer les règles relatives au franchissement de seuils.
Depuis la loi votée à votre initiative, ces titres sont pris en compte dans le régime des « franchissements de seuils ». Vous souhaitez qu'ils le soient également pour les seuils relatifs aux OPA. En 2011, le Gouvernement et la rapporteure de votre texte, Nicole Bricq, n'avaient pas retenu ce principe, considérant que le régime des franchissements de seuils et celui des OPA obéissaient à des logiques bien distinctes. Le premier, indiquait la rapporteure, vise un objectif de transparence, ce qui nécessite « d'identifier, le plus en amont possible, le maximum de personnes pouvant acquérir le contrôle de la société », qu'elles possèdent ou non des actions, quand le second s'inscrit dans une logique de contrôle : pour Nicole Bricq, « si l'on maintient l'identité du mode de calcul, le fait de posséder une exposition économique à un émetteur pourrait conduire à l'obligation de déclencher une OPA, quand bien même l'investisseur n'exercerait aucun contrôle, ou un contrôle restreint, sur la société », ce qui n'est ni conforme à l'esprit de la législation sur les OPA, ni nécessaire : « par le simple fait d'élargir la transparence, un investisseur détenant une forte exposition économique sera repéré et ni le marché, ni la société ne seront pris au dépourvu s'il venait à accroître ses participations et à monter au capital ». Pour les raisons évoquées il y a deux ans, je ne pourrai pas soutenir votre amendement.
J'en suis bien triste. Nous ne pouvons pas être toujours du même avis, hélas !
Catherine Procaccia et le groupe UMP souhaitent supprimer l'article 5, qui favorisera la construction de blocs stables d'actionnaires de long terme, tout en laissant l'assemblée générale libre de refuser les droits de vote double par modification des statuts.
Le Gouvernement compte déposer quatre amendements à l'article 6. À l'article 7, l'amendement n° 28 du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) supprime la possibilité d'attribuer gratuitement un plus grand nombre d'actions, au motif que les salariés préfèrent des augmentations de salaires à des actions gratuites. L'un n'empêche pas l'autre : les partenaires sociaux restent libres de négocier, et l'article 7 propose un instrument supplémentaire. Cet amendement ne me paraît donc pas opportun.
L'amendement n° 29, également du groupe CRC, limite, dans le même esprit, les attributions gratuites d'actions aux entreprises dans lesquelles les négociations annuelles sur les salaires ont abouti à un accord. Cela paraît de bon sens, mais la conséquence serait qu'en l'absence d'accord, il n'y aurait pas d'attribution gratuite d'actions. Voulons-nous priver les dirigeants de proposer ce mécanisme d'intéressement ? La commission des affaires sociales pourra utilement nous éclairer, puisqu'il s'agit de négociations salariales.
L'amendement n° 4 de notre collègue Jean Desessard et du groupe écologiste interdit que le rapport entre le nombre d'actions distribuées à chaque salarié soit supérieur à cinq. Là encore, la position de la commission des affaires sociales nous sera utile.
Je suis défavorable à la suppression de l'article 8 que demandent notre collègue Catherine Procaccia et le groupe UMP. La suppression du principe de neutralité nous fera sortir d'une situation que le président Marini a qualifiée d'hypocrite, où les organes sociaux ne sont pas censés réagir en cas d'OPA hostile.
La commission des lois a considéré que les dirigeants sont toujours en conflit d'intérêts. Cependant, l'assemblée générale peut, soit dans les statuts, soit dans les délégations qu'elle accorde aux organes dirigeants, prévoir qu'ils doivent respecter le principe de neutralité. La législation proposée n'obère donc pas excessivement les droits des actionnaires lors d'une OPA.
Catherine Procaccia et le groupe UMP proposent de supprimer l'article 8 bis, au motif que le contenu du rapport sera de portée limitée. Si les mécanismes protégés par le secret des affaires, et en particulier les pactes d'actionnaires, sont exclus du champ du rapport, l'utilisation par l'État des actions spécifiques suscite toujours la méfiance de Bruxelles. Dès lors, le rapport n'apparaît pas inutile.
Le rapporteur nous a éclairés sur les termes du débat qui nous attend. Chacun prendra en séance la position de son choix.
Ce texte comporte quelques mesures intéressantes, mais nous sommes bien loin du choc de simplification ! Reconquérir l'économie réelle, ce serait réorienter l'épargne vers le financement de l'économie, pas réaliser quelques accommodements boursiers. Au-delà de cette sémantique, le titre de la proposition de loi est trompeur. Certaines mesures censées apporter aux salariés des protections supplémentaires ne servent pas véritablement leurs intérêts. Il en va ainsi de l'obligation de chercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'établissement. Nous le savons bien, la préoccupation principale des salariés en pareil cas est leur indemnisation, car les groupes ont mille moyens de faire en sorte que la reprise soit impossible, en utilisant les fournisseurs, les brevets, les commandes. Une coopérative bretonne, la Cecab, a récemment licencié mille personnes, alors qu'elle aurait pu sauver 250 emplois en confiant son outil industriel à un groupe... Ce texte n'est qu'un leurre mais il ajoute de la complexité au système. Les banques françaises assurent 80 % du financement des entreprises. Il faudrait orienter l'épargne vers l'investissement d'entreprise. Je suis totalement défavorable à une proposition de loi qui trompe l'opinion.
Il est vrai que les gouvernements ont du mal à résister à la tentation d'utiliser l'annonce d'une loi comme outil de communication. D'où des intitulés qui créent des espoirs disproportionnés par rapport au contenu. Nous en avons hélas connu beaucoup !
Voilà un texte qui va à l'encontre de l'objectif de simplification affiché par la majorité ! Il complexifie le code du travail, rend plus difficile pour les entreprises de trouver des repreneurs, puisque tout immédiatement sera public... Ce texte ne répondra pas aux bonnes intentions de ses auteurs.
Je regrette que cette proposition crée des effets de seuil supplémentaires. Certaines de ses dispositions ne sont applicables qu'à partir d'un effectif de 50 salariés. Nous savons pourtant que les effets de seuils sont un frein à l'embauche, certaines entreprises n'osant pas franchir le seuil de 49 salariés.
La commission donne acte de sa communication au rapporteur pour avis.