Nous vous avons convié pour que vous nous présentiez le rôle de la direction du budget dans les décisions relatives à la mise en place de l'écotaxe. Nous souhaiterions savoir quand et par qui vous avez été sollicités pour rendre un avis d'experts et si vos recommandations ont été suivies d'effet. Enfin, vous nous exposerez les conséquences budgétaires du contrat conclu avec Écomouv' dans l'hypothèse de son exécution normale, en cas de suspension de l'écotaxe et en cas de résiliation du contrat.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Antoine Seillan prête serment.
Avant de répondre à vos demandes, je présenterai le bureau des transports de la direction du budget. Nous sommes en charge de la préparation et du suivi de l'exécution du budget de l'État pour les missions et programmes budgétaires relatifs aux transports, c'est-à-dire les programmes 203 « Infrastructures et services de transport » et 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs ». Nous traitons des questions de financement des politiques et des infrastructures de transports. À ce titre, je représente le ministère au conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Le bureau compte six agents. J'occupe les fonctions de chef de bureau depuis octobre 2010.
Vous m'avez interrogé sur la place qu'a tenue la direction du budget dans les décisions sur la mise en place de l'écotaxe. Depuis 2007 et le Grenelle de l'environnement, la direction du budget s'est toujours montrée favorable à la mise en place de cette écotaxe et à l'affectation de son produit à l'Afitf. Il s'agit d'une position constante, relayée par le cabinet de notre ministre à de nombreuses reprises.
L'écotaxe en effet traduit les objectifs du Grenelle, rétablir l'équilibre entre les différents modes de transports et mieux couvrir le coût des réseaux de transports routiers non concédés, de manière à dégager des recettes pérennes pour financer de nouvelles infrastructures. Il est légitime que cette taxe soit fléchée pour sa plus grande partie vers l'Afitf, même si cela constitue une dérogation au principe de non-affectation des recettes. L'agence ne perçoit plus les dividendes des sociétés d'autoroutes depuis leur privatisation en 2006 ; elle est restée très majoritairement financée par des ressources principalement routières, ponctuelles (des soultes) ou régulières (des taxes). Le remplacement d'une ressource rare, la subvention du budget général, par une ressource affectée est de nature à sécuriser son financement.
La direction du budget a participé aux premiers travaux administratifs sur la mise en place de l'écotaxe. Le 24 avril 2007, elle a saisi la direction de la législation fiscale (DLF) de questions ayant trait à la qualification de la taxe, à la répartition des compétences entre loi et règlement, à son mode de calcul, à la possibilité de ne taxer que les poids lourds, à l'externalisation de la déclaration et du paiement de cette taxe. Une réunion de travail s'est tenue avec la DLF le 4 juillet 2007 en présence de représentants de la direction des routes du ministère des transports. La DLF a formalisé ses réponses par une note en date du 16 juillet 2007 dont les analyses ont été confirmées par l'avis du Conseil d'État en date du 11 décembre 2007, précisant les conditions dans lesquelles le dispositif pouvait être confié à un partenaire privé. Le 12 février 2009, la mission d'appui aux partenariats public privé (Mappp) a rendu un avis favorable au choix du contrat de partenariat. À ma connaissance et en l'état de mes recherches, la direction du budget n'a pas émis d'avis ou de recommandation en son nom propre sur le choix du recours au modèle du PPP, cette compétence relevant selon nous de la Mappp.
Pendant la procédure de consultation, nous sommes intervenus à trois reprises, conformément aux textes organisant la passation du contrat. Tout d'abord, nous avons assisté aux trois réunions de sélection des candidats par la commission consultative, créée par le décret du 30 mars 2009 dont nous étions membres. Cette commission s'est réunie lors de l'admission des cinq candidats à participer au dialogue compétitif, pour l'examen de la recevabilité des offres finales, et enfin, pour le choix du titulaire pressenti. La direction n'a pas émis de réserves sur l'analyse des documents réalisée préalablement par le ministère des transports.
Ensuite, nous avons préparé avec la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) la convention de financement entre l'État et l'Afitf votée lors de la réunion du conseil d'administration (dont nous sommes membres) le 7 septembre 2011. Cette convention de financement établit les flux budgétaires permettant le paiement du loyer de ce PPP. Elle établit donc les engagements financiers de l'Afitf, affectataire du produit de l'écotaxe, vis-à-vis de l'Etat, signataire du contrat de partenariat.
Enfin, le dernier stade auquel nous avons eu à connaître de ce contrat est celui de l'accord donné par le ministre du budget à sa signature, conformément à l'article 3 du décret 2009-242 du 2 mars 2003. Cet accord a été donné par le ministre du budget le 12 octobre 2011, par le ministre de l'économie le 17 octobre 2001, avant la signature du contrat par le directeur général de la DGITM le 20 octobre 2011. Cet avis donné par le ministre du budget s'inscrit assez naturellement dans l'objectif de préserver la soutenabilité budgétaire. En effet, le versement de loyers sur de nombreuses années rend plus rigide le budget des porteurs de projet. La préoccupation principale de la direction du budget, en situation de PPP, est donc d'éviter qu'une utilisation inadéquate de ce modèle ne « crante » la dépense publique sur le long terme et rejette le poids de la décision sur l'avenir, au point de rendre la dépense du porteur de projet « insoutenable », dans un contexte de rareté relative des ressources budgétaires. Dans le cas du PPP relatif à l'écotaxe, cette problématique était traitée relativement sans difficulté dans la mesure où la caractéristique principale de ce montage était justement d'offrir à l'Afitf la recette pérenne qui lui manquait pour financer la politique d'investissement du Gouvernement dans le secteur des transports.
Comme vous le voyez, nous sommes intervenus à des moments précis de la procédure. Nous n'avons notamment pas participé à la préparation de l'appel public à la concurrence en mai 2009 ou du règlement de consultation en août 2009, aux phases d'échanges avec les candidats à l'automne 2009 et au printemps 2010, à l'élaboration du projet de contrat donné aux candidats en décembre 2009 ou à celle du dossier de consultation des offres finales en juillet 2010. Nous ne l'avons pas fait parce que tel n'est pas notre rôle.
Depuis la conclusion du contrat de partenariat avec Écomouv', la direction du budget n'a plus eu l'occasion d'intervenir de manière directe. Elle n'est notamment pas associée aux discussions actuellement conduites par les équipes du ministère des transports et des douanes. Nous suivons donc les développements actuels en position d'observateur, dans la perspective de traiter leurs conséquences sur l'équilibre de l'Afitf et donc sur le financement de la politique de transports, qui est notre coeur de métier.
Cela m'amène à répondre à vos questions sur les conséquences budgétaires du contrat écotaxe, en comparant l'hypothèse d'une exécution normale, à celle de la « suspension » du contrat et à celle de la résiliation
Incontestablement, la suspension de la taxe poids lourds coûte à l'Etat.
Le report d'un an impliquerait la perte de 800 millions d'euros de recettes brutes. En parallèle, comme le coût du loyer en cas de suspension sera diminué, probablement, la perte de recette nette des moindres coûts de loyers sera inférieure. On l'estime, à ce stade, entre 680 et 750 millions d'euros et je comprends que les efforts déployés par mes collègues dans le cadre des discussions qu'ils ont avec Écomouv' pour diminuer le coût de ce loyer pourraient permettre encore de réduire le montant de ce manque à gagner.
Pour 2014, l'ampleur du manque à gagner pour l'Afitf dépendra de la durée de la suspension. Pour assurer la soutenabilité de son budget, il faudra d'abord prévoir des économies au sein de ce budget. Cela ne sera probablement pas suffisant et une augmentation de la subvention de l'État sera prévue, dont le quantum, faisant jouer le principe d'auto-assurance au sein du budget du ministère des transports, est en discussion. Un point d'étape à mi- année sera fait pour tenir compte des conclusions sur l'avenir de la taxe et de la tension de l'exécution budgétaire de l'Afitf, du ministère des transports et du budget de l'État. Un abondement additionnel pourra alors, le cas échéant, être envisagé. Un travail précis est en cours entre services de l'État pour établir un budget 2014 de l'Afitf sur ces nouvelles bases, qui sera présenté à son conseil d'administration du 6 février. Des parlementaires sont membres de ce conseil et l'information du Parlement sur le contenu de ce budget sera donc complète.
Le scénario d'un abandon définitif de l'écotaxe créerait un manque à gagner pérenne de 800 millions d'euros par an par rapport aux trajectoires que nous pouvions envisager, auquel s'ajouterait un coût de la résiliation du contrat de 800 à 900 millions d'euros selon les estimations du ministère des transports.
Jusqu'à octobre 2013, la trajectoire budgétaire de la politique des transports reposait sur la mise en oeuvre de l'écotaxe au 1er janvier 2014. Un abandon définitif aurait donc un impact d'ampleur substantielle sur cette politique. Dans le contexte de redressement de nos comptes publics, cela amènerait sans doute à réinterroger les objectifs de cette politique publique.
Nous souhaiterions obtenir communication de la convention de financement entre l'État et l'Afitf ainsi que, ultérieurement, des décisions qui seront prises par le conseil d'administration le 6 février 2014.
Comment l'entorse au principe de non- affectation des recettes a-t-elle été techniquement réglée ?
Ce principe général du droit budgétaire que défend la direction du budget, vous le savez comme parlementaires, n'est pas appliqué de manière stricte à toutes les agences de l'État. Notre effort vise à plafonner le montant des ressources affectées, voire à écrêter celles-ci, l'État percevant la différence. L'affectation de la recette de l'écotaxe à l'Afitf n'a pas donné lieu à une demande d'arbitrage particulière. La dérogation, l'affectation de recettes à un établissement, est du domaine de la loi de finances. L'Afitf bénéficiait déjà de recettes affectées : une partie des amendes radars, la redevance domaniale et la taxe d'aménagement du territoire.
Vous avez évoqué l'avis du Conseil d'État qui précisait les conditions de délégation d'une mission régalienne à un opérateur privé. En l'espèce, était-ce selon vous la meilleure solution ? La délégation de la collecte d'une taxe à une société privée n'est-elle pas source de complexité ?
Je n'ai pas d'avis d'expert en la matière.
Au stade de l'évaluation préalable du projet, une comparaison entre le coût du PPP et celui d'un marché public classique a été effectuée pour chaque solution technique possible. En ce qui concerne la technologie satellitaire, le coût du PPP était estimé à 230 millions d'euros. Il s'élève aujourd'hui à 650 millions d'euros. Comment peut-on expliquer ou justifier cette dérive ? Quand a-t-elle été validée au cours du dialogue compétitif ? Je rappelle que le coût de la technologie concurrente était estimé à environ 500 millions d'euros.
Je ne dispose pas d'éléments de réponse. Nous nous sommes nous-mêmes posé la question du coût du projet. Mais nous ne sommes ni ingénieurs ni spécialistes des montages complexes. Je peux vous donner des indications sur les coûts de perception à l'étranger. Ils varient de 40 centimes le kilomètre et un ratio de 7 % de la recette brute, en Suisse, à 13,5 centimes et un ratio d'intervention à 25 % au démarrage, en Allemagne. Le système français devrait se situer dans la fourchette basse si l'on observe le coût rapporté au trafic, c'est-à-dire si l'on raisonne en centimes d'euros par véhicule au kilomètre. On arrive, en Europe, à des fourchettes de 2 à 3 centimes ; la France se situerait à 2,3 centimes.
Les comparaisons internationales sont peu pertinentes, car les conditions et les coûts de circulation ne sont pas identiques. Ma question porte sur l'écart entre l'estimation initiale du coût en valeur absolue et le coût final.
Je n'ai pas de réponse. Une des caractéristiques du dialogue compétitif est de faire émerger progressivement les spécifications de la commande.
Alors le cahier des charges initial n'était pas sincère, ce qui a biaisé le choix entre les deux solutions envisagées ! Je vous remercie de creuser cette question de manière à nous apporter des éléments de réponse. Vous évoquez la soutenabilité du projet. Comment le loyer a-t-il été déterminé ? Écomouv' nous a indiqué en audition publique que, sur onze ans et demi, sa rémunération annuelle était fixée à 96 millions d'euros auxquels s'ajoutent 47 millions d'euros au titre des frais de maintenance, 8 millions d'euros de gros entretien et 64 millions d'euros de rémunération variable, soit un total de 1,8 milliard d'euros, pour un investissement de 650 millions d'euros, initialement évalué à 231 millions d'euros. Cela me paraît cher payé. Qu'en pensez-vous ?
Je vous donne les chiffres dont je dispose qui figurent dans la convention de financement entre l'État et l'Afitf. Les autorisations d'engagements s'établissent à 3,410 milliards d'euros TTC en euros courants. Après la fixation des taux, à la signature du contrat, le montant total est de 3,246 milliards d'euros dont plus de 700 millions d'euros d'investissements, plus de 500 millions d'euros de coûts de financement et moins de 2 milliards de coûts de fonctionnement.
Que se passera-t-il pour les poids lourds étrangers en fraude ou qui refusent d'acquitter la taxe ? Existe-t-il des accords spécifiques au sein de l'Union européenne ? Pour les entreprises françaises, le non-paiement de la taxe ou de l'amende entraînera-t-il automatiquement des poursuites judiciaires ? Des négociations avec le ministère des finances seront-elles possibles ?
La réponse relève de la direction des douanes.
A-t-il été envisagé de scinder en deux parts l'impôt économique local, ancienne taxe professionnelle, auquel sera soumisE Écomouv', puisqu'une partie de son activité relèvera d'une activité régalienne ?
Je n'ai pas connaissance de demande d'Écomouv' en ce sens.
Votre service n'a pas émis de remarque particulière sur la passation du contrat et sur les équilibres économiques du projet. Est-ce bien exact ?
C'est exact.
Vous avez évoqué une perte annuelle de 680 à 700 millions d'euros. Pouvez-vous confirmer qu'en cas de résiliation, il s'y ajouterait un coût supplémentaire de 800 à 900 millions d'euros ? Vous avez indiqué que la résiliation amènerait à « réinterroger les objectifs de la politique publique des transports ». Pouvez-vous développer ? La suspension placerait l'Afitf dans une situation dramatique, il me semble ?
Qui paie le loyer d'Écomouv', l'État ou l'Afitf ? Qui supportera le coût de la résiliation ?
Les circuits budgétaires sont déterminés par les termes de la convention de financement.
En année pleine, tous réseaux confondus, le rendement brut attendu de l'écotaxe, avec un barème de 13 centimes par kilomètre, est de 1,15 milliard d'euros. Les douanes reverseront 150 millions d'euros aux collectivités territoriales au titre des recettes tirées de la circulation sur leurs 5 000 kilomètres de routes. L'Afitf bénéficiera du solde de la recette de la taxe. Elle versera par voie de fonds de concours au programme 203 les sommes nécessaires au paiement des loyers, soit 280 millions d'euros TTC. Le contrat de la taxe poids lourds est signé par l'État, dès lors seul l'État, et non l'Afitf, peut payer cette dépense. La recette nette disponible pour l'Afitf s'élèvera au moins à 700 millions d'euros.
La convention de financement a donc conduit l'État à inscrire par voie de fonds de concours 3,410 milliards d'euros TTC en autorisations d'engagement dans la comptabilité du ministère des transports. Ce montant repose sur une estimation du coût du contrat de 3 326 millions d'euros, initialement majorée de 84 millions de provision pour couvrir une éventuelle variation des taux. Cette provision n'ayant pas été utilisée puisque les taux avaient baissé au moment où le contrat a été « closé », la somme des loyers ressort in fine à 3 246 millions d'euros TTC.
Vous voulez dire clos, ou clôturé ? Je proteste contre l'utilisation de mots étrangers alors qu'existent des termes français. En tant que représentant du ministère du budget, vous pourriez vous gendarmer !
Je prends bonne note de la remarque.
Qui va vérifier les factures ? L'Afitf ne dispose pas de la structure idoine.
Le loyer est payé par le ministère des transports. Il lui appartient de faire les vérifications. La dépense est soumise au contrôle budgétaire classique.
J'en viens à la question d'une éventuelle résiliation. Des discussions sont en cours entre l'État et Écomouv' afin de préserver les intérêts de toutes les parties au contrat et d'éviter que les banques actionnent les clauses d'exigibilité. Les estimations du coût de la résiliation varient selon que l'on ajoute ou non la perte de recette pour l'Afitf, selon qu'elle serait prononcée pour faute ou pour motif d'intérêt général et qu'elle interviendrait avant ou après la mise à disposition. Après celle-ci se déclenche le mécanisme de la créance Dailly, créance cédée qui met l'Etat dans l'obligation de payer cette dette, soit en une fois, soit de manière lissée, ce qui serait plus cher, mais sur ce point je m'en remettrai à mes collègues du ministère des transports. Dans la situation de référence, la recette brute attendue pour l'Afitf est de 800 millions d'euros, ce qui correspond, après versement du loyer, à une recette nette en 2014 de 530 millions d'euros. Le montant n'est pas celui que j'ai donné précédemment car, la première année, les recettes sont perçues sur dix mois.
Cela signifie-t-il qu'Écomouv' bénéficie d'une ligne de trésorerie de deux mois financée par l'État ?
Le transporteur dispose d'un mois pour verser la taxe. La recette est ensuite constatée avec un décalage. Mais ce décalage joue seulement au démarrage, les années suivantes il y aura douze mois de recettes et douze mois d'écotaxe.
Dans le cas d'un report d'un an, il n'y aura pas de recette pour l'Afitf en 2014, ce qui entraînera une perte nette de 530 millions d'euros. Le loyer pourrait être réduit par rapport au montant normal de 270 millions d'euros, car certaines charges liées à l'exploitation ne seront pas dues en totalité ; le loyer pourrait être de 150 millions d'euros à 220 millions d'euros. Par rapport à la situation de référence, les pertes totales seraient comprises entre 680 et 750 millions d'euros.
Dans le scénario de l'abandon définitif, le coût pourrait aller jusqu'à 900 millions d'euros. Cela inclut l'indemnité et le remboursement de la dette « Dailly ». Il faut y ajouter la perte de recette de l'Afitf.
Sur quel programme budgétaire s'imputerait le coût de la résiliation ? Cela n'apparaît pas sur le budget des transports terrestres.
Je n'ai pas de réponse à cette question. Pour le programme 203, l'ensemble des crédits budgétaires représente 3,6 milliards d'euros en 2014. Vous comprenez que les indemnités de résiliation ne sont pas absorbables par ce seul programme.
Il faudra tenir compte, dans les calculs, de la TVA qui revient à l'État et réduit le coût global. Cela fait quand même 50 millions d'euros.
Monsieur le directeur, j'ai été très surpris que vous ne puissiez apporter de réponse à la question de Mme le rapporteur sur l'écart entre l'estimation initiale du coût du projet et son coût réel. Un représentant de la direction du budget ne sait pas expliquer les raisons d'une inflation de 520 millions d'euros ? Soit l'évaluation de départ est nulle, soit il y a eu une dérive. Nous faisons confiance à la direction du budget mais il est impossible d'entendre que l'on est passé d'un coût estimé de 231 millions à un coût de 650 millions sans davantage d'explication. Je vous interroge donc à nouveau. Pensez-vous que l'évaluation de départ est nulle ? Si elle est crédible, qu'elles sont les raisons de l'évolution ?
Vous dites avoir reçu les documents de la Mappp. Je vous remercie de les produire et de les analyser. Je sais d'expérience que la Mappp oeuvre en faveur des PPP et fait des évaluations sujettes à caution. Ses rapports sont à mon sens discutables. Vous êtes sans doute conscient de ces difficultés et je voudrais entendre votre appréciation sur les documents qui vous ont été transmis.
Vous avez participé au dialogue compétitif. Les cinq candidats ont pu proposer des modifications du projet : les propositions retenues ont-elles été transmises aux autres candidats ? L'État a-t-il statué à chaque étape sur ces propositions ou seulement à la fin du processus ? Des échos contradictoires nous sont parvenus. Le principe d'égalité des candidats a-t-il été respecté à chaque étape ?
Je ne suis pas en mesure de vous répondre aujourd'hui sur l'écart entre les estimations et le coût réel.
Il s'agit d'argent public, la dépense est multipliée par trois et vous ne pouvez l'expliquer ! Vous n'avez aucune idée des raisons pour lesquelles le budget est monté de 231 à 650 millions d'euros ?
Dans son deuxième rapport, celui du 13 octobre 2011, la Mappp formule des remarques, assez désagréables, qui n'ont pas été prises en compte. Savez-vous pourquoi ? Savez-vous aussi pour quelle raison il a été demandé à la Mappp de rendre un avis dans des délais aussi brefs ?
Il ne m'appartient pas de porter une appréciation sur le travail de la Mappp. J'ai eu connaissance de sa note, qui est confidentielle, dans les jours précédant la signature du contrat. De mémoire, des réunions de travail ont été organisées avec les douanes et l'équipe compétente du ministère des transports. Il en est ressorti que les observations de la Mappp n'étaient pas de nature à empêcher la signature du contrat. D'ailleurs, elle a in fine donné un avis favorable à l'opération.
Elle a formulé des réserves importantes, notamment sur le suivi du contrat, mais n'a eu aucun retour. Je souhaite vraiment que vous nous donniez des éléments de réponse sur ces sujets.
Lors de son audition, M. François Bergère a déploré qu'il n'ait pas été tenu compte des réserves de la Mappp.
Je ne suis pas en mesure de vous donner des informations sur le délai qui a été laissé à la Mappp pour se prononcer. Sur le dialogue compétitif, j'ai participé à trois réunions de la commission consultative des offres, celle-ci a examiné des dossiers précis et charpentés ; je n'ai aucun élément qui me conduirait à douter de la transparence de la procédure.
Disposez-vous de documents qui rendent compte de ce dialogue compétitif ?
Non.
Madame la présidente, j'ai déjà posé la question à trois reprises et personne ne peut fournir de document ! Comment savoir si les propositions de modification technique retenues par la puissance publique ont bien été transmises aux autres ?
Nous tenons le plus grand compte de votre demande, monsieur le président. Le secrétariat de la commission prépare une chronologie précise. Je vous suggère de venir à l'audition de M. Daniel Bursaux. Il sera le mieux placé pour répondre à votre question.
Dans nos archives, en tant que membre de la commission consultative, nous conservons les dossiers de la mission de la tarification, les présentations des candidats devant la commission et les relevés de conclusions de ces trois réunions.
Je souhaiterais clarifier les calculs aboutissant au montant du préjudice à réparer, en considérant à la fois le préjudice subi par Écomouv' et le manque à gagner pour l'Afitf et pour les départements, dans le cas d'une suspension d'un an de l'écotaxe et dans le cas d'une résiliation. Les 800 ou 900 millions d'euros correspondent au coût du préjudice à réparer sans aucune perte d'exploitation en cas d'abandon définitif, n'est-ce pas?
C'est la situation dans laquelle le contrat est résilié et où il est nécessaire d'indemniser le titulaire et de rembourser la dette.
Quelle est la part des investissements et celle de l'indemnisation due à la rémunération dont Écomouv' serait privée ? Comment se calcule l'indemnisation du manque à gagner ?
Cela dépend des clauses du contrat, qui relèvent du secret commercial. Des négociations sont en cours...
Je me place dans la situation actuelle où Écomouv' discute avec les équipes du ministère des transports et des douanes. Je ne peux dévoiler ces éléments.
Il existe deux cas de résiliation, pour faute et pour motif d'intérêt général.
J'allais y venir. Ce qui nous intéresse pour l'instant, ce n'est pas la cause de la résiliation, mais le montant que l'État et l'Afitf ne recevront pas, et le montant du préjudice établi. J'aimerais savoir quels sont les investissements qu'Écomouv' a faits pour rien, quelle rémunération l'entreprise aurait pu avoir globalement et quelle marge elle aurait pu dégager, une fois les coûts de fonctionnement soustraits de la rémunération.
Comment une éventuelle faute est-elle appréciée ? Une décision du Gouvernement est-elle d'intérêt général par nature ou bien le juge peut-il refuser de considérer comme d'intérêt général la non-application de la loi sur l'écotaxe ? Peut-il y voir une faute de l'État ? Si la décision gouvernementale peut juridiquement être considérée comme une faute, cela modifie-t-il le montant de l'indemnisation ?
Dès lors que les investissements ont été faits, ils sont acquis. J'aimerais toutefois en connaître les montants réels, car Écomouv' affirme avoir investi 500 millions d'euros, quand l'État n'a rien déboursé. Juridiquement et techniquement, ces investissements sont-ils transférables, peuvent-ils être exploités directement ?
Normalement oui, puisque le contrat mentionne qu'au bout de dix ans, toute la technologie est transférée à l'État.
Restons sur la première question qui est au coeur de notre enquête. M. Seillan, souhaitez-vous répondre à cette question en audition à huis-clos ? Ou bien n'avez-vous aucun élément à nous transmettre ?
Je dispose de chiffrages. Sur la mécanique fine contractuelle, je ne suis pas le meilleur spécialiste. Je ne voudrais pas anticiper sur des arguments qui pourraient être avancés dans les discussions.
Dans le débat public, il y a eu un certain nombre de critiques contre les PPP et la passation de ce contrat, postérieurement à l'annonce par le Premier ministre de la suspension de l'écotaxe. Avez-vous eu connaissance dans votre administration de demandes d'éclaircissements émanant de l'exécutif ? Y a-t-il eu un questionnement sur ce PPP, dans l'année, les semaines, les jours voire les heures qui ont précédé la suspension ?
Il y a eu, en un an, plusieurs réunions interministérielles, comme il est naturel sur un sujet sensible. Sous l'égide du cabinet du Premier ministre, elles ont consisté à prendre note de la progression de la procédure, à faire le point sur son déroulement et à évaluer la date possible d'entrée en vigueur du dispositif.
Ce n'était pas ma question. Je voulais savoir s'il y avait eu des demandes d'éclaircissement sur des points contestables, concernant le PPP ou la conclusion du contrat.
Pas à ma connaissance, mais peut-être des questions ont-elles été posées à d'autres administrations qu'à la direction du budget.
A posteriori, comment trouvez-vous ce contrat ? Est-il trop cher ? Quels sont vos critères pour l'évaluer ? On entend beaucoup dire qu'il est très cher.
C'est la question autour de laquelle nous tournons, collectivement...
Il y a le loyer, mais il y a aussi le tarif de l'écotaxe. Nous ne nous sommes pas encore intéressés à la question : comment ce tarif a-t-il été fixé ? Il est capital de savoir comment le produit final a été déterminé : quand on parle de 20 % en disant que c'est cher, c'est par rapport à l'assiette de l'écotaxe. Comment l'écotaxe a-t-elle été déterminée ? Enfin, quelle est la position de la direction du budget sur la participation d'entreprises publiques au consortium ?
J'ai essayé de répondre tout à l'heure sous l'angle de la comparaison internationale, en montrant que notre situation n'était pas aberrante par rapport à d'autres pays. La comparaison a cependant ses limites, j'en conviens, car nous n'avons pas les mêmes réseaux, ni le même usage de ceux-ci.
On peut se demander si le contrat était cher par rapport à ceux que proposaient d'autres candidats, mais le coût global de l'offre n'était que l'un des six critères fixés. Le candidat choisi in fine présentait la meilleure combinaison des critères, parmi lesquels le coût. Par rapport à d'autres PPP, la comparaison reste difficile, car les technologies sont différentes. Entre un PPP de Voies Navigables de France qui consiste à substituer des barrages automatiques à des barrages manuels ou un PPP portant sur des lignes à grande vitesse, il est difficile de dire, en termes absolus ou relatifs, lequel est cher ou non.
On peut apprécier la question du coût par le taux de rendement interne pour l'actionnaire, mais dans ce cas il faut prendre en compte le profil de risque de l'affaire. Or le risque lié au caractère innovant de la technologie employée peut être considéré comme supérieur à celui que représente le déploiement d'une technologie connue, de type LGV par exemple. Sur la question de la cherté du contrat, je ne peux répondre autrement qu'en posant ces pièces de puzzle.
Il n'est pas illégitime que des entreprises publiques comme la SNCF ou Thales participent à ce consortium. Ce ne sont pas des entreprises conduites de manière administrée, au sens ancien du terme, leur management est responsabilisé sur la rentabilité des opérations qu'ils choisissent, sous le contrôle du conseil d'administration. Je n'ai pas de souvenir qu'il y ait eu au conseil d'administration de la SNCF une quelconque réserve sur la participation de l'entreprise.
Je souhaiterais avoir les délibérations des conseils d'administration de ces entreprises concernant ce point. Quels étaient alors les représentants de l'État ?
Jusqu'à quand pensez-vous que la suspension soit tenable, budgétairement ?
Dans l'immédiat, nous nous concentrons sur le budget 2014 à présenter au conseil d'administration de l'Afitf le 6 février prochain, auquel s'ajoutera une clause de revoyure en fonction de l'évolution des dépenses de l'agence. Les travaux sont en cours. Il y aura une auto-assurance de la part du ministère des transports, un effort sur les dépenses. Un scénario de report durable ou d'abandon constitue une remise en cause majeure de la trajectoire financière sur laquelle repose la politique des transports. Cette trajectoire est issue des travaux conduits par M. Philippe Duron dans le cadre de la Commission « mobilité 21 », qui a effectué un important travail de hiérarchisation entre tous les projets du schéma national des infrastructures de transport (Snit). Deux scénarios ont été proposés au Gouvernement, qui a choisi le deuxième, c'est-à-dire le plus ambitieux. S'il manque à l'Afitf 800 millions d'euros, c'est une remise en cause de la trajectoire, d'autant que les plus hautes autorités de l'État ont décidé 50 milliards d'économies sur le prochain budget triennal. Les dépenses de l'Afitf varient selon les années entre 1,9 milliard et 2,1 milliards d'euros.
16 milliards d'euros de reste à payer. Ce n'est pas complètement étranger aux PPP.
L'Afitf devra payer en 2017, lors de la livraison de ces PPP : le contournement de Nîmes-Montpellier, la LGV Bretagne-Pays de Loire. Aujourd'hui cela ne pèse pas sur sa dépense. Les dépenses de l'Afitf se répartissent entre environ 700 millions d'euros pour le réseau routier, 300 à 400 millions pour les grands projets de lignes à grande vitesse, 145 millions en 2012 et 190 millions en 2013 pour les appels à projets de transports en commun en site propre, 400 millions d'euros pour les CPER hors projets routiers, le fluvial, le ferroviaire, les transports en Ile-de-France, et 100 millions d'euros pour d'autres dépenses sur le domaine maritime et les transports combinés.
En outre, le Gouvernement a décidé de financer par tranches de 100 millions d'euros par an le renouvellement du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET) à partir de 2014. Nous devons nous demander quelle hiérarchie établir entre régénération du réseau existant et développement de lignes nouvelles, entre flux de paiement au titre des engagements passés et engagements nouveaux.
Je vous interromps en sortant un peu du rôle de cette commission, mais l'Afitf aujourd'hui apparaît comme un engin mystérieux. Il me semble que tout est fait pour occulter les choses. Si la taxe était affectée directement au budget de l'État, la situation serait plus claire et nous pourrions éviter ces contorsions : on tente de nous faire croire que tout va s'arranger, mais ce n'est pas le cas. Je sens beaucoup d'inquiétudes.
Vous abordez la question de la transparence des flux de financement de la politique des transports. Vous connaissez l'appréciation de la Cour des comptes sur l'Afitf : une source de complexité des flux financiers, mais aussi un moyen de flécher des recettes sur une politique publique.
Si l'on regarde les autres recettes fiscales dont bénéficie l'Afitf, les perspectives d'augmentation sont faibles pour les radars, la taxe d'aménagement du territoire est encadrée par la directive Eurovignette, la redevance domaniale a déjà augmenté l'an dernier de 100 millions d'euros... Et c'est à peu près tout.
Y aura-t-il compensation pour les collectivités territoriales en 2014 ? Dans les départements, on s'en inquiète !
Je l'ignore.
Certains ont souligné que taxer le trafic sur une partie du réseau routier aujourd'hui gratuit allait entraîner un report vers les autoroutes concédées. Qu'en pensez-vous et comment cela affectera-t-il le budget de l'Afitf ? Y aura-t-il une augmentation de la recette prévue pour l'État ?
Je ne sais pas mesurer le report modal, car je ne suis pas économiste. Le report du trafic du réseau routier non concédé vers le réseau concédé est une éventualité.
Il peut y avoir un effet d'aubaine - tant qu'à devoir payer, les camions préfèreront prendre l'autoroute.
Nous avons examiné en commission une proposition de loi communiste pour nationaliser les autoroutes : cela règlerait le problème ! Plus sérieusement, le manque à gagner net pour l'État est de 530 millions d'euros en 2014. Quel est-il pour les collectivités ? Celles-ci sont partie prenante à deux niveaux : elles profitent du système et fournissent les terrains pour construire les portiques. Y a-t-il un risque qu'elles puissent un jour être appelées en responsabilité ?
Je n'ai pas d'éléments sur la responsabilité éventuelle des collectivités. Quant à la perte financière pour les collectivités locales, elle devrait représenter, la première année, approximativement, dix douzièmes de 150 millions d'euros.
Y a-t-il un système de compensation pour les départements ? Ils attendaient une recette : l'État n'est-il pas tenu de compenser son absence ?
Cela ne fait pas partie des scénarios que nous examinons. Je n'ai pas connaissance d'une telle disposition.
Une chose est sûre : il n'y a rien dans la loi de finances ! Nous vous avons interrogé longuement. Merci, monsieur Seillan, de vos réponses.
Nous souhaiterions qu'au cours de cette audition ouverte à la presse, vous nous présentiez le rôle qu'a tenu la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) lors de la mise en place de l'écotaxe. Vos observations ont-elles été prises en compte ? Contredisaient-elles celles la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ? Pourquoi l'État a-t-il intégré dans le contrat de partenariat à la charge du prestataire les missions d'exploitation qui relèvent plutôt de missions de souveraineté, notamment le recouvrement de la taxe ? Quels moyens les douanes ont-elles mis en oeuvre dans le cadre de l'exécution du contrat ? Enfin, pourriez-vous nous dire où en est l'exécution des engagements de l'État et de la société prestataire ?
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Hélène Crocquevieille, M. Dariusz Kaczynski, Mme Anny Corail, M. Jérôme Fournel et M. Henri Havard prêtent successivement serment.
Le projet de taxe poids lourds a vu le jour en Alsace du fait de l'entrée en vigueur en Allemagne le 1er janvier 2005 de la Lkw Maut, taxe qui a entraîné un report de trafic sur le réseau routier français. Initialement, la douane n'a pas participé à l'instauration en Alsace de la taxe expérimentale, créée dans le code des douanes par un amendement d'origine parlementaire à la loi du 5 janvier 2006 qui avait été adopté contre l'avis du Gouvernement. Depuis, notre avis a été sollicité sur les principes de la taxe, la mise en oeuvre des dispositions fiscales de collecte et de contrôle, les modalités et les outils de contrôle et le contrôle du prestataire commissionné.
La douane a été associée aux travaux préparatoires pour mettre en place la taxe en mai 2006. Elle a participé aux travaux législatifs sur la modification de l'expérimentation alsacienne, qui ont abouti dans la loi de finances rectificative pour 2006. Les différents travaux, au cours de l'année 2006, portaient sur le choix de l'externalisation. Des discussions ont eu lieu pour étendre l'expérimentation alsacienne à l'ensemble du territoire : s'agissait-il d'une taxe ou d'une redevance en droit français, alors qu'au sens communautaire, il s'agit dans tous les cas d'un péage ? La direction de la législation fiscale et la direction des affaires juridiques de Bercy ont rapidement conclu qu'il ne pouvait s'agir que d'une taxe, car seuls les véhicules de transports de marchandises y sont assujettis et le produit de la perception n'est pas affecté exclusivement à l'entretien des routes.
Dès lors qu'il s'agissait d'une taxe, pouvait-on confier sa collecte à un prestataire externe ? Pour le faire en interne, il aurait fallu des moyens et des effectifs que la douane ne possédait pas. Cette difficulté a été signalée dès 2006 au ministre du budget lors de l'expérimentation en Alsace. Elle était décuplée pour une application nationale.
L'interopérabilité des systèmes de télépéage routiers communautaires adoptée en 2004 et applicable à partir de 2007 pour tout nouveau dispositif de péage s'imposait à nous, alors que les Allemands y avaient échappé. Avoir un dispositif interopérable imposait de fortes contraintes juridiques et techniques. Ainsi, un contrat doit être signé entre le percepteur de péage (la douane) et chaque prestataire de service européen de télépéage (SET) - en France, nous parlons de sociétés habilitées fournissant un service de télépéage (SHT). La nature du contrat entre la douane et des sociétés privées installées dans les divers pays européens posait également de grandes interrogations et difficultés. Quel droit et quelle juridiction devaient être retenus ? Comment contrôler la bonne exécution des contrats dans un autre État membre ? La multiplicité des contrats entraînait une dispersion des garanties de paiements. Le contrôle sur la perception de la taxe n'était pas non plus assuré. En effet, en application de la directive interopérabilité, il appartient à la SHT, ou à la SET, d'établir la liquidation de la taxe. Or les SHT ne sont pas nécessairement établies en France et la douane n'a aucun pouvoir de contrôle en dehors des frontières nationales.
Pour la douane, il était indispensable de désigner un interlocuteur unique faisant l'interface avec tous les sous-traitants afin d'éviter les dissolutions et les reports de responsabilité entre les prestataires - c'est un point fondamental du dispositif avec le prestataire.
Le périmètre de ces missions restait à définir. Il fallait donc s'assurer au préalable que l'externalisation était juridiquement possible. Par une lettre que j'ai signée en avril 2007, la direction du budget a demandé l'avis de la direction des affaires juridiques et de la direction de la législation fiscale. Suite à leur réponse favorable émise en juillet 2007, mais sous certaines conditions, le Conseil d'État a ensuite été saisi pour avis sur l'externalisation en novembre 2007. La section des finances a rendu un avis fondamental et fondateur sur le dispositif le 11 décembre 2007 : aucun principe de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce que le législateur confie à un prestataire privé les missions de collecte et de recouvrement, sous réserve que cet organisme soit placé sous le contrôle de l'État, que soient constituées des garanties de reversement des sommes facturées et que l'exécution du service public soit assurée dans le respect des règles comptables ; en revanche, les missions purement régaliennes (recouvrement forcé, contrôle physique, sanctions) relèvent exclusivement de l'État.
La douane a ensuite participé aux discussions sur le choix d'un contrat de PPP, ainsi qu'au benchmark dans les différents pays, et les équipes ont poursuivi leurs travaux en Allemagne, en Autriche, en République Tchèque et en Suisse, pays qui avaient déjà mis en place des dispositifs de télépéage. La douane a contribué à l'évaluation préalable de différents montages contractuels. La maîtrise d'ouvrage publique dans le cadre d'un marché public global était la seule alternative possible puisque le marché alloti a été écarté compte tenu de la multiplicité des interlocuteurs qu'il aurait fallu mobiliser. La délégation de service public a été également rapidement mise de côté, le critère de rémunération lié aux résultats d'exploitation n'étant pas cohérent avec le dispositif. Le contrat de partenariat reposant sur l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 a donc été choisi, car ces contrats ne peuvent être conclus que si, au regard de l'évaluation, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet. Compte tenu de la complexité du projet, il apparaissait difficile de déterminer a priori et de manière définitive les besoins. Le critère de complexité technique pouvait être assez légitimement invoqué, en raison de la nature, de l'envergure du projet et de son caractère novateur. En outre, le réseau taxable était important et très hétérogène, et l'État ne disposait pas de réelle base de comparaison par rapport à d'autres dispositifs installés en France. Le réseau allemand étant composé presque exclusivement d'autoroutes, l'identification du linéaire est un peu plus simple. Enfin, le projet se devait de rester technologiquement neutre lors de l'appel à candidature, il était donc ouvert tant aux solutions satellitaires qu'aux ondes de courte portée, dites DSRC.
Une complexité également juridique, puisque le montage juridique et financier pouvait être fortement influencé par la solution technologique proposée par les candidats. En outre, les relations juridiques entre le prestataire et les SHT n'étant pas encore définies précisément, elles devaient être précisées lors du dialogue compétitif, préalable indispensable à la définition plus fine des besoins de l'État d'un point de vue technique et juridique.
Les ministères du budget et de l'environnement ont ainsi saisi la mission d'appui aux PPP (Mappp) qui a émis un avis favorable le 12 février 2009, conformément à l'article premier de l'ordonnance de 2004.
Les douanes ont également participé à la rédaction de l'article 153 de la loi de finances initiale pour 2009 qui a instauré le dispositif de taxe poids lourds en France. Le vice-président du Conseil d'État, conscient de l'importance de la décision d'externalisation, a demandé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, au Conseil d'État, un vote solennel de son assemblée générale. Les débats ont été serrés, mais le vote a été positif.
Une réunion interministérielle du 13 février 2009 avait décidé de confier la procédure de dévolution du contrat au ministère de l'écologie représenté par la DGITM, mais elle avait précisé que la DGDDI devait être étroitement associée à toutes les phases de la procédure dans la mesure où il lui appartiendrait de mettre en oeuvre la collecte et le contrôle de la taxe. Le pilotage de la procédure a été confié à un directeur de projet choisi par les deux directeurs généraux : M. Antoine Maucorps est rattaché formellement au ministère des transports ; il est également le chef de la mission de la tarification au sein de la DGITM. Il est assisté de deux adjoints, M. Olivier Quoy représentant la DGITM, et Mme Anny Corail, responsable de la mission taxe poids lourds de la douane (MTPL) à la DGDDI. Cette mission relève du sous-directeur chargé des droits indirects et elle est exclusivement dédiée au projet. Chargée du pilotage et de la coordination de tous les travaux menés pour la mise en oeuvre de la taxe poids lourds, elle s'appuie sur l'expertise ponctuelle des services juridiques et informatiques de la douane. Il s'agit bien d'un projet transversal. Un comité directeur « taxe poids lourds », interne à la direction générale, réunit les services de la douane en tant que de besoin.
Des cabinets de conseil ont assisté l'équipe projet (sur des sujets techniques, financiers et juridiques) avant la signature, depuis lors, elle est assistée par Cap Gemini. Les échanges dématérialisés entre ces différentes entités ont été cryptés jusqu'à la signature du contrat. Au-delà du secret professionnel prévu à l'article 59 bis du code des douanes, tous les agents ayant participé à la procédure ont signé un engagement de confidentialité.
La douane a participé à chacune des phases de la procédure. Lors de la rédaction de l'avis d'appel public à concurrence, lancé en mai 2009, elle a été entendue sur la modulation des critères, notamment pour obtenir une pondération plus importante du coût global de l'offre. Elle s'est également prononcée lors de la rédaction des spécifications de l'État, de l'élaboration du programme fonctionnel et d'une partie du contrat de partenariat, en particulier sur les aspects relatifs à la collecte de la taxe. Durant le dialogue compétitif, elle a répondu aux questions des candidats sur la collecte et sur le contrôle et participé à toutes les auditions des candidats ainsi qu'à l'évaluation des offres des candidats sur les éléments impactant directement la collecte ou le contrôle de la taxe. Elle a examiné les critères relatifs à la qualité technique du projet et s'est penchée sur la partie garantie fiscale du critère de solidité financière. Enfin, un représentant de la douane a siégé à la commission consultative instituée pour suivre les étapes importantes de la procédure. Cette commission était présidée par un membre du Conseil d'État, M. Roland Peylet, président adjoint de la section des travaux publics : la DGITM y était représentée par des adjoints du directeur général, la DGDDI par l'adjoint du directeur général de la douane. Des représentants de la DGCCRF, du Budget et de la MAPPP participaient également à cette commission.
La douane voulait s'assurer que les conditions fixées par le Conseil d'État pour l'externalisation des missions de collecte étaient pleinement respectées. Nos demandes de modification ont été prises en compte, parfois après des échanges un peu longs. La rédaction à laquelle nous avons abouti a été globalement satisfaisante. Ainsi en a-t-il été des modalités de délégation des missions de collecte et de contrôle qui constituent la spécificité de ce contrat.
Dès le départ, la douane a voulu concilier deux enjeux différents : ce contrat de partenariat public-privé (CPPP), signé pour le compte du ministre de l'écologie, implique une responsabilité importante pour le titulaire du contrat qui est à la fois maître d'ouvrage et maître d'oeuvre. Ce CPPP suppose également un montage financier spécifique : la société contractante est une SPV (special purpose vehicle), société ad hoc sans aucune responsabilité financière et sans effectifs. Ses missions sont toutes déléguées à des sous-traitants qui supportent les responsabilités correspondantes. Enfin, ce CPPP était signé avec une administration autre que celle chargée de la collecte de la taxe et du contrôle du prestataire chargé de ces missions. L'autre enjeu de ce contrat était de mettre en place une commission, décision unilatérale du ministre du budget, délivrée pour couvrir les missions de collecte et de contrôle déléguées afin de garantir la sécurité du dispositif de délégation.
Il était indispensable d'encadrer le dispositif et de fixer des règles de fonctionnement qui pouvaient même aller à l'encontre des principes habituels d'un CPPP. Aussi, après de nombreux échanges avec la DGITM, avec les candidats, après les avis juridiques de la DLF et de la DAJ de Bercy, des discussions avec le pré-rapporteur spécialement désigné par le Conseil d'État pour établir le décret relatif au commissionnement du prestataire privé, après différentes réunions interministérielles, notamment un arbitrage rendu le 4 mai 2010, des précisions importantes ont été apportées aux spécifications de l'État. Il ne s'agit pas à proprement parler de modifications, car cela correspond bien au schéma initial de la douane. En revanche, face aux questions et aux multiples difficultés des candidats, l'État, après avoir tenté d'assouplir ses exigences, ce qui n'a pas été possible compte tenu de l'avis du Conseil d'État, a dû préciser ses spécifications. Ainsi, le périmètre des missions commissionnées a été défini de manière aussi précise que possible. De même, toutes les missions commissionnées devront être réalisées directement et personnellement par la SPV, elles ne pourront pas être renvoyées à d'autres prestataires, les missions confiées ne pourront pas être déléguées, les sites d'exploitation devront être localisés en France, toute personne susceptible de traiter des données personnelles collectées par le dispositif sera comprise dans le personnel agréé par la douane. Ces précisions se sont traduites par la modification du programme fonctionnel : les spécifications relatives aux missions commissionnées ont été remplacées par des instructions précises, intégrées en annexe du contrat.
La loi a été modifiée à plusieurs reprises, et les dispositions concernant la collecte et le contrôle ont été intégrées dans quatre décrets et dix arrêtés. La douane a révisé ou diminué un certain nombre de ses exigences : les échanges avec les candidats ayant démontré que la garantie attendue du prestataire s'agissant de la collecte de recettes, initialement fixée à trois mois, impactait trop fortement le financement du dispositif, partant son coût, elle a été ramenée à un mois.
Le contrat a été signé le 20 octobre 2011 : le cadre juridique a été rédigé en commun par les deux missions (16 décrets publiés, 2 en cours ; 20 arrêtés publiés, 4 en cours). Les travaux menés avec Écomouv' ont été pilotés en fonction des compétences des deux administrations. La MTPL, en liaison avec les autres bureaux, a assuré le pilotage des ateliers de travail avec Écomouv' pour mettre en oeuvre les dispositifs de collecte et de contrôle de la taxe, la définition des outils mis à disposition des agents chargés du contrôle, la détermination des flux échangés entre la douane et Écomouv' (définition des interfaces, des données, du format...).
La MTPL a également participé à l'analyse des documents techniques du dispositif en reprenant les spécifications fonctionnelles générales et détaillées et les procédures opérationnelles. Elle a validé les documents échangés avec les redevables en collaboration avec la mission de la tarification de la DGITN. Elle a participé aux tests de vérification d'aptitude au bon fonctionnement (VABF) et à l'analyse des résultats des tests de vérification de service régulier (VSR).
Le suivi des travaux d'Écomouv' a été réalisé en commun avec un comité d'avancement qui s'est réuni toutes les deux semaines puis à un rythme hebdomadaire au moment des VABF. Régulièrement, des revues de projets ont été dirigées par les deux directeurs généraux et le président d'Autostrade. Pendant ce temps, les travaux menés avec les autres administrations ont également été pilotés par la MTPL : définition des modalités communes de constatation des infractions, notamment pour les autorités de contrôle ; création et informatisation d'un procès-verbal commun ; travaux avec la chancellerie pour la définition des modalités de traitement des poursuites judiciaires par voie d'ordonnance pénale ; définition avec la DGFIP des circuits particuliers d'attribution du produit de la taxe aux collectivités territoriales et de remboursement aux redevables. Ces travaux ont été complétés par ceux qui se sont poursuivis à la DGDDI pour déterminer les besoins en effectifs et moyens, mais aussi les procédures métiers internes à la douane, la création et la mise en place d'un service spécialisé à Metz, des développements informatiques divers, la formation de tous les agents concernés.
Le suivi de la procédure de dévolution et de la construction du dispositif a mobilisé depuis 2009 la MTPL, qui est composée de sept agents, et qui a été soutenue, en fonction des besoins, par des représentants d'autres bureaux en interne à la douane mais aussi par des formateurs de l'Ecole nationale des douanes (dix agents pendant un an). En outre, des équipes, dans les centres informatiques douaniers, ont élaboré en 2013 six télé-services et deux modules.
Lorsque la taxe sera en place, les effectifs de la douane assureront l'exercice des missions régaliennes (recouvrement de la taxe, traitement du contentieux, recouvrement forcé, contrôle du prestataire commissionné, contrôles manuels). La douane a souhaité créer un service centralisé pour le suivi de la taxe. Elle a rapidement admis qu'il était difficile d'en rester à sa structure régionale (quarante chefs de services comptables et quarante directeurs régionaux) alors que le prestataire de service assurerait une gestion centralisée. La liquidation est réalisée par position tarifaire et les constats peuvent être établis sur les dispositifs de contrôle fixes ou déplaçables répartis sur tout le territoire. Le service unique et centralisé est constitué d'environ 130 agents. Des vacations dédiées dans les brigades de surveillance seront réparties sur les brigades les mieux situées pour réaliser les contrôles dans les zones de stationnement appropriées pour ne pas gêner la circulation et assurer la sécurité des agents. Les contrôles prévus sont évalués à 1 % du trafic : 170 agents ont été attribués à ces brigades.
Les différentes phases du contrat ont fait l'objet d'un suivi régulier en revue de projet : la VABF a été effectuée dans un délai raisonnable eu égard à la complexité du dispositif : environ 1 300 tests ont été réalisés lors des trois VABF.
Oui. La constatation de défauts majeurs a obligé à refaire la même batterie de tests et à reporter les dates.
La VABF initiale a eu lieu du 8 avril au 14 juin 2013 pour une mise en place de l'écotaxe le 20 juillet 2013. Cette VABF ayant révélé la persistance de défauts majeurs, la mise en oeuvre de la taxe a été reportée au 1er octobre et une VABF complémentaire est intervenue du 24 juin au 22 août 2013. Des défauts majeurs persistant, l'entrée en vigueur a été reportée au 1er janvier 2014. La VABF finale, réalisée du 16 septembre au 8 novembre 2013, a constaté qu'il ne restait plus qu'un seul défaut majeur, l'absence d'homologation du système Écomouv' : le prestataire en a été informé le 22 novembre 2013. L'État considère en effet que l'homologation est indispensable pour prononcer la VABF - c'est un point de débat avec Écomouv'.
L'homologation des premières chaînes de collecte et de contrôle a été obtenue par Écomouv' fin décembre 2013 et la VABF a pu être prononcée le 16 janvier 2014. Depuis le 8 octobre 2013, Écomouv' réalisait des tests que l'État a acceptés au titre de la VSR. L'État a prononcé la fin des tests le 17 janvier 2014. Écomouv' a produit le même jour un rapport que l'État a reçu formellement le 20 janvier 2014 et qu'il est en train d'analyser pour vérifier l'absence de défaut majeur et établir, le cas échéant, la liste finale des défauts mineurs subsistants, sachant que cette liste sera transmise à Écomouv'. L'État dispose de deux mois maximum pour établir cette liste. L'absence de défaut majeur permettra de prononcer la mise à disposition.
Il s'agit de défauts apparus pendant les tests de VSR réalisés par Écomouv' et que l'État n'aurait pas vus lors de la VABF.
Peut-on savoir quelle était la nature de ces défauts majeurs ? Écomouv' n'était pas prête en juillet, ni en octobre 2013 ni même au 1er janvier 2014. C'est important pour l'analyse des responsabilités des uns et des autres.
Un défaut majeur empêche la mise en service du dispositif. Il peut s'agir de défauts techniques ou informatiques non encore résolus et pour la correction desquels le prestataire doit intervenir de manière lourde sur le système d'information.
Nous avons classé en défauts majeurs tous ceux qui avaient un impact direct sur les dispositifs de collecte, de contrôle et d'enregistrement. Ainsi, l'enregistrement peut être effectué grâce à des bornes automatiques : si celles-ci ne comprenaient pas tout le déroulé de l'enregistrement, elles ne répondaient pas aux conditions fixées dans les arrêtés, c'était un défaut majeur. Même chose pour la liquidation qui doit aboutir à un avis de paiement et à une facture détaillée : si toutes les données requises n'étaient pas correctement remplies, nous considérions qu'il s'agissait d'un défaut majeur.
L'analyse des tests a fait l'objet d'appréciations contradictoires avec Écomouv'. L'État qualifiait les défauts et suite aux discussions avec Écomouv', certains ont été reclassifiés. Lors de la dernière VABF, Écomouv' a contesté la qualification en défaut majeur de la non-homologation du dispositif.
Ces batteries de tests avaient essentiellement une origine technologique.
Les défauts portaient sur des difficultés technologiques au moment de la collecte des données ou lors de la liquidation. Des anomalies pouvaient être résolues par une meilleure spécification sur un bordereau.
Les systèmes sont assez complexes et dialoguent entre eux : les tests portent, par exemple, sur l'enregistrement et la liquidation. Un défaut dans la conception se traduit par l'absence de telle ou telle donnée sur la facture ou par l'impossibilité de revenir en arrière sans reprendre la procédure au début. Nous avons considéré que le redevable devait disposer d'un outil facile à utiliser : le fait de ne pas pouvoir effectuer certaines opérations constituait un défaut majeur.
Il y a donc à la fois les logiciels et le matériel lui-même. Vous avez sans doute procédé par échantillonnage. Avez-vous testé les dispositifs embarqués fournis par les SHT ?
Nous avons regardé si le dispositif fonctionnait. Nous avons effectué des tests avec des équipements embarqués du prestataire commissionné et des équipements embarqués fournis par les SHT. Ensuite, c'est lors de l'homologation que l'on constate si l'outil fonctionne correctement.
C'est forcément décroissant dans le temps : à la première VABF, il y avait plusieurs dizaines de défauts majeurs. Nous avions par exemple mis des équipements embarqués à bord de camions de nos collègues de la direction interrégionale des routes de l'Est et nous sommes passés sous les portiques pour voir si tout était bien enregistré. Une partie des défauts majeurs tenait parfois moins à la technologie qu'au système informatique, parce qu'une information avait été omise ou ne remontait pas sur les documents comme prévu.
1 300 tests différents à chaque VABF. Pour l'enregistrement, nous avons testé tous les cas possibles, par exemple un redevable propriétaire, un redevable utilisateur, un conducteur immatriculé en France ou à l'étranger, abonné ou non... Une soixantaine de tests ont porté sur la seule procédure d'enregistrement.
Par exemple, j'ai testé le scénario de l'immatriculation d'un redevable étranger qui n'avait que le liquide comme moyen de paiement. C'est ainsi que nous sommes parvenus aux 1 300 tests que nous avons regroupés par catégories.
Avec le recul, Écomouv' était-elle prête ou le prototype s'est-il amélioré avec le temps ?
Un peu les deux : le dispositif a été construit progressivement et l'appréciation conjointe que nous portions a conduit le prestataire commissionné à adapter son offre et à livrer des corrections de plus en plus proches de la version finale. Il s'agissait bien de livrer à l'État un dispositif en bon état de fonctionnement.
Pouvez-vous revenir sur l'environnement administratif ? Pour que la mise à disposition soit effective, divers textes devaient être publiés. Cela a-t-il été le cas ?
Il reste deux décrets et quatre arrêtés à publier : depuis l'annonce du Premier ministre, les travaux ont été en partie suspendus, notamment en ce qui concerne l'ordonnance pénale pour laquelle un article devait être inséré en loi de finances rectificative pour 2013, ce qui n'a pas été fait compte tenu du contexte. Les textes règlementaires non encore pris ne sont pas indispensables à la mise en oeuvre de l'écotaxe.
Il s'agit notamment d'un texte sur les modalités d'archivage et d'un autre sur l'ordonnance pénale mais pour laquelle il faut prévoir une modification en loi de finances rectificative.
Pour publier ces textes, le système devait être entièrement opérationnel, afin que nous puissions définir juridiquement les obligations des redevables et des prestataires. Pour ces derniers, les travaux avaient déjà été réalisés avec l'aide d'un pré-rapporteur du Conseil d'État afin de bien fixer les missions. Nous avons aussi écrit les spécifications d'abord et l'avancée des travaux nous a montré les précisions qu'il fallait apporter aux redevables.
Avez-vous cessé tout travail normatif depuis la suspension de l'écotaxe ? L'État ne court-il pas un risque par rapport à cette fameuse mise à disposition ?
Depuis les annonces du Premier ministre, les travaux pour la finalisation du dispositif se sont poursuivis, dans la mesure où il ne s'agit que d'un report de la mise en oeuvre de l'écotaxe. La rédaction des deux décrets restant se poursuit. Nous nous mettons en position de les publier dès que possible, sauf si des choix politiques nécessitent une évolution législative et la modification de textes déjà publiés. De toute façon, la mise en oeuvre effective de la taxe nécessitera un rétro-planning pour réactiver un certain nombre de travaux, comme ceux prévus avec la Commission nationale informatique et libertés (Cnil).
Pour l'informatique, tout sera finalisé. Certes, nous avons desserré les contraintes sur les équipes puisqu'il paraît peu probable que la taxe puisse être réactivée avant la fin de l'année.
Il s'agit d'un avis. À partir du moment où des évolutions législatives seront sans doute nécessaires si l'on devait modifier l'assiette ou le taux de la taxe, il faudra des délais supplémentaires pour réactiver l'écotaxe. Les ministres en ont été informés.
Entre quatre et six mois.
Si nous reprenions la taxe en l'état, il nous suffirait de publier les derniers textes et nous pourrions démarrer. En revanche, en fonction des modifications apportées par la mission parlementaire, il y aura une loi à voter, des décrets et des arrêtés à modifier et vraisemblablement des systèmes informatiques à revoir, tant chez le prestataire commissionné que chez nous. Tout dépendra de l'importance des modifications.
Si l'on réactive l'écotaxe telle qu'elle est aujourd'hui, vous êtes prêts. En revanche, si l'on modifie les choses, il faudra entre quatre et six mois. C'est cela ?
Tout dépend de la nature et de l'importance des modifications. Nous devrons en tout état de cause réexaminer l'ensemble du dispositif.
Hier, à Metz, on a tenté de m'expliquer la différence entre collecteur et percepteur, en prenant l'exemple de la TVA. Si les commerçants collectent la TVA, ils ne la contrôlent pas, ils ne cherchent pas les dysfonctionnements ni les manquements et, surtout, ils ne sont pas rémunérés pour le faire. Le contexte n'est pas le même. J'aimerais comprendre quelle est la différence entre un collecteur et un percepteur et où se situe Écomouv'. Le Conseil d'État estime qu'il est possible à certaines conditions de confier la collecte à un prestataire privé ; il n'a pas dit pour autant que c'était la solution ni la plus simple. Le recours au PPP est justifié par la complexité... que nous avons créée. À Écomouv', il existe deux niveaux de contrôle pour relever les dysfonctionnements et un troisième au niveau des douanes. Quelle est l'articulation entre tous ces contrôles ? On nous a également dit que les douanes n'avaient pas d'effectifs suffisants - la RGPP est passée par là ! Une nouvelle taxe suppose des investissements matériels et humains. N'est-il pas plus cher de les réaliser dans le privé avec ce système d'agrément compliqué et sujet à caution ? Les douanes s'inquiètent de l'interopérabilité et des contraintes européennes. Pourquoi faut-il un contrat entre le percepteur et chaque SHT, pourquoi Écomouv' n'est-elle pas simplement l'interface, l'État reprenant à sa charge la collecte de la taxe ?
Nous avons voté un mécanisme censé rapporter 1,2 milliard d'euros. Depuis, tout le monde joue au chat et à la souris ; on multiplie les tests en juin, en août, en septembre, avec à chaque fois des délais de réponse. Cela peut durer longtemps ! Peut-être est-ce la faute d'Écomouv'. Il faudrait lister les derniers défauts majeurs. Si quelques portiques ne fonctionnent pas, ce n'est pas grave, le système pourrait marcher. Les tests ont-ils duré à dessein ? Sont-ils essentiels ? Pourquoi ne pas avoir commencé à faire fonctionner le système avec un premier test qui aurait rapporté quelques centaines de millions d'euros ? Il est toujours possible de corriger une erreur de facturation. Quel est le degré de fiabilité attendu ? Aurait-on pu lancer le dispositif en dépit de petites imperfections, quitte à les corriger en cours de route ?
A la fin de votre exposé, j'étais plus inquiet. Le jeu politique est entré dans le dossier, d'où un report au 1er janvier 2014, puis une suspension. Sommes-nous prêts, à quelle date le dispositif fonctionnera-t-il ? Le cahier des charges a été revu, Écomouv' a remis une étude, vous avez deux mois pour répondre. Or des responsabilités sont susceptibles d'être engagées, celle d'Écomouv' ou celle de l'État qui demandera peut-être un autre mécanisme, avec un délai de 4 à 6 mois, voire de 11 mois. Chaque mois de retard coûte 100 millions d'euros. Ce n'est neutre ni pour le budget de l'État ni pour celui des collectivités territoriales. L'État a la clef du déblocage des fonds. J'ai l'intention de me retourner contre lui, car les sommes en jeu sont significatives. Nous attendons sa décision. Combien de temps allons-nous encore tourner en rond ? On peut toujours demander d'autres éléments techniques à Écomouv'. Peut-être demandera-t-on aux collectivités territoriales d'imposer un certain niveau de taxe. Est-ce insoluble ? Les collectivités territoriales n'ont-elles plus que leurs yeux pour pleurer ? Quand Écomouv' sera-t-elle prête ?
Quand l'État, qui a deux mois pour vérifier, sera-t-il prêt ? Il manque des décrets et des arrêtés. Il risque d'y avoir une procédure judiciaire. Écomouv' mettra en avant que tous les décrets ne sont pas parus. Ces dates sont essentielles. Écomouv' est-elle responsable ? Quand l'État respectera-t-il le cahier des charges ? L'avenir est politique...
Et budgétaire ! N'oublions pas la soutenabilité budgétaire. La recette de l'écotaxe est prévue dans le projet de loi de finances pour 2014. Pour changer la règle, il faut renégocier un avenant avec Écomouv', situation inédite. Je suis inquiète quand vous annoncez que vous ne serez pas prêts avant la fin de l'année et que j'entends qu'aucune compensation n'est prévue pour les collectivités territoriales.
Le manque à gagner pour mon département a été de 6 millions d'euros l'an dernier et de dix cette année. J'ai dû refaire mon budget. Cela met les collectivités en déficit. Je poursuivrai l'État.
Les erreurs se corrigent dit M. Doligé. Encore faut-il que le dispositif soit suffisamment robuste. Or les tests ont révélé des difficultés majeures de fonctionnalité et il ne nous était pas possible de réceptionner en l'état le dispositif. L'État a aussi le souci de l'égalité des contribuables devant les charges publiques. Comment prélever la taxe dans certaines régions et non dans d'autres ? De plus, le contexte laissant anticiper un « comité d'accueil » critique du côté des transporteurs, un haut niveau de qualité était nécessaire, comme prévu par le contrat. En outre, vu les difficultés des transporteurs terrestres, il aurait été inopportun de prélever indûment cette taxe. Pour prononcer la VABF, nous n'avons été guidés que par une approche technique ; nous n'avons procédé à aucune sur-spécification mais avons discuté dans le cadre des procédures et qualifications prévues par le contrat.
D'un point de vue budgétaire, l'absence de mise en oeuvre de cette taxe pèsera sur le budget de l'État et sur celui de l'Afitf en particulier dont il obère la capacité à lancer des travaux...
M. Bernard Cazeneuve a indiqué que le budget 2014 de l'Afitf serait réexaminé pour faire face aux impondérables. Tous les projets ne pourront sans doute pas être menés dans les mêmes conditions. Les conséquences financières se font aussi sentir pour les collectivités territoriales. N'oublions pas non plus les sous-traitants, parfois français, les banques qui ont porté des emprunts, ou les SHT qui ont lancé des investissements. Enfin il y a un coût caché mais réel pour l'administration qui travaille depuis des années à la mise en place du dispositif.
Quand serons-nous prêts ? Si le dispositif n'est pas changé par rapport aux conditions actuelles, hypothèse peu probable, l'État est formellement prêt, quitte à ne pas disposer dans l'immédiat d'une procédure automatisée de gestion des contentieux. En revanche, si à l'issue des travaux de la mission de l'Assemblée nationale, le Gouvernement décide d'évolutions importantes, sur l'identification des contribuables ou du réseau taxable ou sur les conditions d'allègement de la taxe, des modifications législatives seront nécessaires et le contrat avec Écomouv' devra être modifié, ce qui implique de nouveaux délais. Il nous faudrait 4 à 6 mois pour y faire face. Tout relève d'un choix politique, je n'ai pas toutes les réponses.
Le processus qui a conduit à l'élaboration de l'écotaxe a été marqué par le souci de parvenir à un haut niveau de qualité, préoccupation d'autant plus essentielle qu'il s'agit de fiscalité innovante. Des erreurs de facturation lors de la mise en service auraient mécontenté les contribuables et mis en péril le dispositif.
Le Gouvernement a opéré le choix de l'externalisation en raison de la complexité du dispositif et des contraintes budgétaires. Le Conseil d'État dans son avis initial puis lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009 a fixé des limites à ne pas franchir. Sur le coup, réflexe de fonctionnaire, je m'interrogeais. Mais avec le recul il m'apparaît que la complexité, inhérente au dispositif, rendait l'externalisation nécessaire.
Le partage des compétences entre Écomouv' et l'État n'est pas simple, parce que le processus est intégré depuis l'enregistrement par des sociétés de télépéage jusqu'à la collecte de la taxe. Nous avons cherché à respecter les garde-fous posés par le Conseil d'État tout en développant l'externalisation. Par exemple, la détection des manquements dépend des outils de détection du prestataire, mais la notification de l'infraction est liée aux procédures de sanction et de recouvrement forcé. Les chaînes de traitement de l'information d'Écomouv' et de l'État sont imbriquées dans un processus intégré et automatisé, ce qui diminue les risques liés à l'existence de deux acteurs. Alors que l'externalisation n'était pas ma tendance naturelle, je crois qu'il n'était pas possible d'internaliser le dispositif.
L'externalisation n'est-elle pas responsable de l'évolution du coût du projet entre l'estimation de 231 millions d'euros de l'étude préalable et les 650 millions d'euros d'investissements annoncés par Écomouv' ? Quid d'une taxe constatée par Écomouv' mais non versée par le redevable ? Qui la garantit, Écomouv' ou l'État par le biais du recouvrement forcé ? Écomouv' constate les infractions, identifie le véhicule et le redevable. Peut-on engager des poursuites pénales sur ces bases juridiques ?
Écomouv' constate les manquements, sans les qualifier : ses agents se bornent à détecter les anomalies, de l'ordre du fait.
Pourtant l'absence de dispositif embarqué dans un camion ne relève plus de l'ordre du fait.
C'est une anomalie. Dans le partage défini par le Conseil d'État, dès lors qu'une force de coercition est requise, on entre dans le champ des compétences de l'État non déléguables.
Y compris en termes de qualité et de fiabilité. Les appareils enregistreurs appartiennent au prestataire. Si la constatation du manquement relevait de la responsabilité de l'État, il ne serait plus en mesure de mettre le prestataire sous pression pour assurer la qualité et la fiabilité des données qu'il lui transmet. Le prestataire doit être responsable de la constatation du manquement.
Il ne constate pas tous les manquements : la police, la gendarmerie ou les douanes continuent à contrôler dans certains cas.
Nous sommes allés à la limite des recommandations du Conseil d'État qui a souligné que les contrôles physiques relèvent des prérogatives de puissance publique. Dans ce cas, l'État assure la constatation du manquement et la qualification. Nous avons eu des discussions nourries avec le prestataire pour assurer la qualité des équipements qu'il fournissait. Les premiers dispositifs embarqués ne pouvaient être détectés lorsque le pare-brise était trop incliné. Il incombe au prestataire de livrer des appareils fiables.
C'est parce que l'option retenue a été celle d'externaliser autant que possible. Ce n'était peut-être pas la solution la plus simple ni la moins onéreuse.
L'externalisation poussée apparaissait comme la seule manière d'assurer la mise sous tension du prestataire et de parvenir à un système cohérent de responsabilités. Cela aurait été impossible si la délégation avait été incomplète. Sur la base des contrôles automatiques, le prestataire constate des manquements. S'ils correspondent à des infractions, il les notifie aux douanes...
qui dressent le procès-verbal et sont compétentes pour recouvrer les amendes ou les pénalités. Le prestataire notifie aux redevables le montant de la taxe. Si un camion n'a pas de dispositif embarqué, Écomouv' envoie l'information aux services de contrôle douaniers qui consultent le fichier des immatriculations.
Si l'information était envoyée directement aux douanes, le prestataire ne serait pas obligé d'employer un contrôleur et un valideur.
J'ai confiance dans notre administration qui dispose de grandes compétences. On a créé une fusée à plusieurs étages.
Comment expliquer que le mécanisme, initialement estimé à 231 millions d'euros, dans l'étude préalable, soit désormais estimé à 650 millions d'euros ? Je lis l'étude du ministère de l'écologie de décembre 2008, Tarification de l'usage du réseau routier national non concédé par les poids lourds. Evaluation préalable au contrat de partenariat, p. 38, « synthèse des coûts du dispositif ». Est-ce dû aux exigences du Conseil d'État ? D'où vient cette dérive ? En outre, quelle est l'étendue de la garantie financière d'Écomouv' ? Est-elle limitée aux créances constatées mais non recouvrées ? En l'absence de sanctions financières, comment responsabiliser le prestataire ?
Dans le cadre du commissionnement du prestataire, l'État s'assure que la taxe due par les contribuables est intégralement reversée. Toutes les garanties prévues sont dues à cette nécessité. Sur l'évolution des coûts, il faudrait interroger la DGITM. Différents chiffres ont pu circuler. Il arrive que l'on obtienne des évaluations différentes selon que l'on utilise des calculs hors taxes ou taxes incluses, en euros courants ou constants, etc.
Je ne suis pas capable d'expliquer le passage de 230 millions à 650 millions. En tout état de cause, le dispositif étant nouveau, c'est l'appel d'offres et le dialogue compétitif qui ont révélé la vérité des prix.
Nous en avons tenu compte dans la discussion même s'il n'y a pas eu de chiffrage mesure par mesure. Certains éléments dans le dialogue compétitif comme le passage de trois mois à un mois en matière de garantie financière ont contribué à diminuer les coûts. Avant l'appel d'offres, nous ne disposions que d'évaluations fondées sur l'exemple allemand, le plus proche par la taille. Les coûts de perception apparaissaient de l'ordre de 25 %. Les évaluations actuelles du coût d'intervention sont inférieures.
Il a bien fallu procéder à une évaluation au départ. A-t-on acheté une Rolls-Royce alors que nous voulions initialement une 4 L ? Les modifications demandées n'ont pas été chiffrées, sinon lors de la remise des offres...
Il faudrait demander à la DGITM de préciser le périmètre des différentes données, notamment sur le du coût de déploiement et de mise en service.
Que se passe-t-il si un camionneur étranger traverse la France sans dispositif embarqué ? A-t-on les moyens d'obtenir le paiement de la taxe due et de l'amende ?
On exige d'Écomouv' une garantie pour la taxe facturée, qui concerne les redevables enregistrés et qui utilisent les appareils embarqués. Dès lors que la liquidation est réalisée, Écomouv' doit payer la taxe, qu'elle la récupère ou non. Si le redevable commet un manquement, c'est-à-dire une irrégularité destinée à éluder la taxe, Écomouv' transmet le dossier à la douane, qui la requalifie en infraction, prononce une amende puis procède, le cas échéant, au recouvrement forcé. Un redevable non déclaré, immatriculé en France, peut être retrouvé grâce au fichier des immatriculations des véhicules. Comme ce n'est pas possible pour les véhicules étrangers, nous avons mis en place des contrôles manuels ciblés : nous avons demandé à Écomouv' de nous signaler immédiatement les véhicules étrangers en infraction ; les agents consultent une base qui les recense, contrôlent et ont la possibilité d'immobiliser ces véhicules. Nous cherchons aussi à renforcer l'assistance administrative internationale.
Quand c'est amiable.
Il y a eu une époque où les droits indirects n'étaient pas à la douane... Plusieurs éléments plaidaient en ce sens. L'écotaxe est liée aux moyens de transports. De plus la douane collecte déjà la plupart de la fiscalité environnementale et écologique, par exemple la taxe générale sur les activités polluantes. Elle collecte en outre la taxe à l'essieu. Traditionnellement ce rôle de police des marchandises assure un contrôle des flux en mouvement, et nos modes opératoires semblaient adaptés. C'est naturellement que le ministre des transports, puis les parlementaires, se sont tournés vers nous. Lors des travaux de pilotage avec les autres administrations il est apparu que certaines dispositions du droit douanier s'appliquaient facilement, comme la transaction ou l'immobilisation forcée des véhicules.
La force de la douane est d'établir à la fois l'assiette fiscale et de réprimer les infractions. Grâce à la transaction, on peut faire payer un camionneur étranger en infraction avant de le laisser repartir.
Comment la garantie financière s'applique-t-elle si une entreprise française ne paie pas la taxe. Qui est responsable ?
Selon le Conseil d'État, le prestataire doit les sommes facturées, qu'elles aient été recouvrées ou non. Nous avons demandé ce verrou, inspiré de la garantie de ressources dont bénéficient les collectivités territoriales dès lors qu'un impôt est inscrit sur leur rôle. Cela a été un point de discussion majeur du contrat car en rupture avec la tradition fiscale, le risque de non-recouvrement a ainsi été transféré au prestataire privé.
Est-il vrai qu'Écomouv' s'est vu demander d'installer des points d'enregistrement et de paiement tous les trente kilomètres ? C'est très coûteux.
En effet. Le droit communautaire interdit les entraves à la circulation et les détours de plus de trente minutes par rapport au trajet. Il faut des points de régularisation nombreux pour les camionneurs.
Les autres pays européens appliquent-ils le droit avec la même rigueur, ou bien est-ce une coûteuse spécificité française ?
La spécificité française est due à son réseau. En Allemagne le dispositif concerne essentiellement les autoroutes ; outre le dispositif de l'équipement embarqué, l'Allemagne possède une procédure déclarative et il est possible de s'enregistrer sur les zones de repos des autoroutes. Le réseau français concerné comporte surtout des routes à double sens, ce qui rend difficile l'installation de zones d'arrêt pour récupérer l'équipement embarqué.
La France a fait le choix du tout équipement embarqué, sans système de déclaration manuelle. Cela diminue les coûts qui auraient été liés à un double système de collecte.
Pour éviter les incertitudes juridiques, la Mappp avait préconisé dans son avis du 13 octobre 2011 d'ajouter un paragraphe à l'article 22 du contrat précisant qu'en acceptant la mise à disposition du dispositif à la suite de la vérification de service régulier, l'État reconnaît que les installations ont été réalisées conformément au contrat, ce qui vaut acceptation de la cession Dailly. Les sommes en jeu se chiffrent en millions d'euros. Pourquoi l'avis de la Mappp n'a-t-il pas été suivi ? On en voit les conséquences... Alors que tous les problèmes n'ont pas été réglés, pourquoi l'État a-t-il délivré le 16 janvier 2014 un document qu'il avait refusé à plusieurs reprises? C'est inquiétant.
Nous avons tenu compte de plusieurs remarques de la Mappp dans le contrat. En effet, et je l'assume, la douane a été pleinement associée au processus et nous avons travaillé en harmonie avec la DGITM. Par ailleurs, le contrat prévoyait, par exemple, un délai d'un mois entre la VABF et la VSR ; en 2012 surtout, dans la volonté de tenir les délais, les administrations ont conjointement accepté d'aller aussi vite que possible pour que le prestataire tienne ses engagements.
Personne en effet n'imaginait que le pouvoir politique suspendrait l'écotaxe ! Je vous remercie de vous être prêtés à cette audition.