Mes chers collègues, il y a un an de cela, quasiment jour pour jour, nous tenions des auditions sur les répercussions de la politique commerciale de l'Union européenne sur les productions agricoles de nos régions ultrapériphériques, en particulier la banane et la canne. Il s'agissait de répondre à une demande de la commission des affaires étrangères saisie d'un projet de loi de ratification sur un accord de libre-échange avec l'Amérique centrale.
Aujourd'hui, nos auditions seront centrées sur la question de la commercialisation du sucre et doivent permettre d'instruire l'élaboration d'une proposition de résolution européenne. Un nouvel accord devrait en effet être prochainement signé avec le Vietnam, qui menace la production sucrière des régions ultrapériphériques françaises, en particulier la production de sucres dits spéciaux, et, par ricochet, les filières canne.
Cela est très préoccupant et nous avons été saisis par EURODOM et le Syndicat du sucre de La Réunion dont nous entendrons les représentants tout à l'heure. Je précise que la ministre des outre-mer, avec qui j'ai pu échanger directement, accueille favorablement notre initiative de proposition de résolution européenne (PPRE). Dans d'autres dossiers sensibles - je pense à la politique commune de la pêche et surtout à la fiscalité du rhum - le Gouvernement avait déjà pu s'appuyer, dans les négociations avec Bruxelles, sur des travaux analogues de la délégation.
Pour instruire ce nouveau dossier, nous avons nommé Madame Gisèle Jourda comme rapporteure : elle sera notre ambassadrice à la commission des affaires européennes dont elle est membre, qui aura à connaître de notre PPRE. Notre collègue Michel Fontaine m'ayant finalement informé de son indisponibilité, j'assumerai par subsidiarité la fonction de co-rapporteur comme nous en étions convenus lors de notre dernière réunion.
Notre objectif est de vous soumettre un rapport et un projet de texte le jeudi 10 décembre.
Dernière précision concernant nos auditions d'aujourd'hui : devant honorer une invitation à l'Élysée à l'occasion du sommet France-Océanie, je devrai m'absenter avant la fin de nos auditions de ce matin et je remercie notre collègue Éric Doligé d'avoir accepté de présider notre séance de travail pendant la visioconférence avec La Réunion.
À moins que Gisèle Jourda ou l'un d'entre vous ne souhaite intervenir, je cède la parole à nos interlocuteurs représentant les trois ministères en charge des intérêts de nos régions ultrapériphériques sur les questions de politique commerciale européenne. Nous accueillons ainsi Monsieur Guilhem Brun, sous-directeur Europe à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture, Monsieur Arnaud Martrenchar, chef du bureau des politiques agricoles, rurales et maritimes à la direction générale des outre-mer, et Monsieur Jonathan Gindt, chef du secteur RELEX au secrétariat général des affaires européennes, accompagné de son adjoint Monsieur Sébastien Ditleblanc.
Messieurs, vous avez la parole sur la base de la trame qui vous a été communiquée afin que chacun traite des questions plus spécifiquement de sa compétence. Comme à l'accoutumée, votre propos liminaire sera suivi de questions des membres de la délégation.
La filière canne-sucre-rhum est un pilier des économies des départements d'outre-mer, à l'exception de Mayotte qui n'en produit pas. S'il n'y a pas de production de sucre en Guyane depuis plusieurs années, il y a cependant une distillerie de rhum dont le volume de production reste modeste. Cependant, les départements les plus concernés sont ceux de la Guadeloupe, de la Martinique et surtout de La Réunion, où la surface agricole utile (SAU) se réduit chaque année, en particulier la surface dévolue à la culture de la canne à sucre. En 2014, 660 000 tonnes de canne ont été produites en Guadeloupe, 10 000 tonnes en Guyane, 166 000 tonnes en Martinique et 1 763 000 tonnes à La Réunion, département de loin le plus gros producteur. Il reste deux sucreries en Guadeloupe, Gardel située au Moule et SRMG à Marie-Galante, la sucrerie du Galion à La Trinité en Martinique et deux sucreries à La Réunion, celle de Bois Rouge à Saint-André et celle du Gol à Saint-Louis. La production de sucre est surtout importante à La Réunion, environ 200 000 tonnes par an, contre 60 000 tonnes pour la Guadeloupe et environ 2 500 tonnes pour la Martinique. La canne récoltée est acheminée vers les sucreries ou les distilleries agricoles ; c'est en Martinique où prévaut la production de rhum agricole que son prix est le plus élevé. Alors qu'en Guadeloupe 587 000 tonnes de canne ont débouché sur la production de sucre et 79 000 tonnes sur la production de rhum, l'essentiel de la canne produite, 127 000 tonnes, a été dédié à la distillerie du rhum en Martinique et 39 000 tonnes à la production de sucre en 2014. À La Réunion, l'intégralité de la canne est livrée aux sucreries, le rhum réunionnais étant fabriqué à partir de la mélasse. La filière canne représente de nombreux emplois : 40 000 en comptabilisant les emplois indirects et induits, dont 23 000 emplois directs. Eu égard aux taux de chômage élevés de ces départements, l'enjeu est colossal.
Les régions ultrapériphériques sont les seules à produire du sucre de canne, à hauteur de 260 000 tonnes, les 18 millions de tonnes produites en Europe provenant de la betterave. Le marché européen ne pouvant absorber actuellement que la moitié de la production de sucre de canne sous la forme de sucre roux, l'autre moitié doit être raffinée pour être écoulée. Les sucres roux, encore dénommés « sucres spéciaux » dont le prix est le double de celui du sucre blanc constituent un marché de niche essentiel pour les économies de La Réunion et de la Guadeloupe. Les accords commerciaux abaissant les barrières douanières protectrices constituent une menace qui suscite une grande inquiétude dans ces territoires, notamment chez les planteurs, du fait des différentiels de compétitivité. Les surcoûts liés à l'ultra-périphéricité font l'objet de compensations financières : la filière perçoit 75 millions d'euros par an de fonds communautaires du POSEI, complétés par 90 millions d'euros de fonds nationaux. Cependant, les professionnels estiment qu'une protection efficace ne peut se limiter à un dispositif financier et doit être complété par des quotas.
Ne faudrait-il pas inciter La Réunion à réorienter sa production vers le rhum agricole, mieux valorisé sur les marchés que le sucre ?
Du fait de l'avantage fiscal dont bénéficie le rhum, sa production est contingentée et les plafonds de production autorisés sont aujourd'hui atteints. Une partie du rhum de sucrerie pourrait être convertie en rhum agricole mais ce serait se priver de la valeur ajoutée liée à la production corrélative de sucre. La Martinique est dans une situation différente car le rhum agricole, à forte notoriété, appartient à son patrimoine culturel.
La problématique du régime fiscal du rhum alimente de perpétuelles négociations avec l'Union européenne. Si une économie étayée par de constantes subventions ne peut être considérée comme durable, les productions de nos régions ultrapériphériques semblent y être contraintes du fait des différentiels de compétitivité. La Martinique a su valoriser son rhum et ce produit est très prisé sur le marché mondial qui est dynamique. Pour en revenir au sujet d'aujourd'hui, notre crainte est l'ouverture du marché européen à des pays comme le Vietnam qui disposent d'une importante capacité de production de sucre et d'un réel savoir-faire, y compris en matière de production de sucres roux qui ont, selon moi, un bel avenir sur le marché mondial.
N'oublions pas que la menace sur la production de sucre des régions ultrapériphériques est d'autant plus forte que la fin des quotas sucriers désormais proche, 2017, cumulera ses effets avec l'ouverture du marché européen résultant de la conclusion d'accords commerciaux bilatéraux. Comment peut-on éviter que le risque ne se réalise ?
Le marché européen des sucres spéciaux est aujourd'hui mature avec un segment d'environ 250 000 tonnes dont la moitié provient des régions ultrapériphériques. Les sucres roux sont à haute valeur ajoutée pour des acteurs compétitifs, chacun disposant d'avantages comparatifs. À cet égard, une différence entre la Martinique et La Réunion est la taille des unités de production : elles sont petites en Martinique et adaptées à la production de rhum alors le modèle de production réunionnais répond à une logique industrielle.
Y a-t-il une stratégie d'orientation de la production sucrière vers les sucres roux à forte valeur ajoutée ?
C'est en effet un marché identifié depuis déjà plusieurs années à La Réunion comme un marché d'avenir.
Concernant les accords commerciaux de l'Union européenne conclus ou dont la négociation a abouti, on en compte quatre à ce jour : l'accord avec l'Amérique centrale, appliqué depuis 2013 et dont le contingent tarifaire s'élève à 166 860 tonnes ; l'accord avec la Colombie, le Pérou et l'Équateur, comprenant un contingent d'un peu plus de 18 000 tonnes de sucre pour la Colombie, de plus de 22 000 tonnes pour le Pérou, l'Équateur étant quant à lui producteur de bananes ; l'accord avec l'Afrique du sud qui comprend un contingent à droits nuls de 150 000 tonnes mais également une clause d'exclusion pour les sucres spéciaux englobant trois des quatre lignes tarifaires les concernant ; l'accord avec le Vietnam non encore signé mais dont les négociations sont achevées qui inclut un contingent de 20 000 tonnes pour le sucre, sans mention particulière pour les sucres roux.
On compte par ailleurs cinq accords en cours de négociation susceptibles d'avoir un impact sur la filière canne des régions ultrapériphériques : un accord avec les États-Unis pour lesquels la production sucrière répond également à un intérêt défensif ; un accord avec la Thaïlande, producteur de sucre très important ; un accord avec le Mercosur dont les négociations sont en cours de réactivation ; une modernisation de l'accord existant avec le Mexique ; un accord, non encore initié, avec l'Australie.
L'accord avec le Vietnam, conclu à l'été 2015 avec de brèves négociations qui n'ont duré que deux ans et demi, est ambitieux puisqu'il ouvre 99 % des lignes tarifaires. C'est un bon accord comportant de nombreuses avancées avec notamment la reconnaissance des indications géographiques ou l'accès aux marchés publics. Cependant, le contingent de 20 000 tonnes accordé pour le sucre n'a pas distingué le cas des sucres spéciaux malgré les démarches effectuées par le Gouvernement français auprès de la Commission européenne. Le dernier courrier des trois ministres de l'outre-mer, de l'agriculture et du commerce extérieur en date du mois de novembre n'a pas encore reçu de réponse de la Commission ; il sera difficile d'obtenir des Vietnamiens qu'ils acceptent de revenir sur un point substantiel de la négociation considérée comme close pour prévoir un sous-contingent relatif aux sucres spéciaux. La Commission estime que, tout en maîtrisant le savoir-faire de production des sucres roux, transféré d'ailleurs par une entreprise réunionnaise, le Vietnam n'est pas exportateur de ce type de sucre qu'il ne produit actuellement que pour son marché intérieur.
Ce pays dispose cependant d'un véritable potentiel d'exportation en la matière et a déjà effectué quelques tentatives en direction de la Chine.
Il faudrait tenter d'évaluer le risque potentiel pour nos régions ultrapériphériques.
La production vietnamienne de sucres roux est aujourd'hui tout à fait marginale mais les producteurs français s'inquiètent de l'encouragement que pourra constituer la suppression des barrières douanières dès lors que le montant par tonne à acquitter s'élève aujourd'hui à 419 €. Par hypothèse, l'absence de clause d'exclusion permettrait au Vietnam d'exploiter l'intégralité du contingent obtenu avec des sucres roux, soit 20 000 tonnes, à mettre en rapport avec les 120 000 tonnes de la production française. Niant le risque, la Commission européenne a opposé un refus à la demande de clause d'exclusion et proposé des clauses de sauvegarde dont on connaît l'inefficacité. Le Gouvernement français a alors suggéré comme solution de repli la création d'un sous-contingent spécifique applicable aux sucres spéciaux, de l'ordre de 300 tonnes. Un mécanisme de sauvegarde n'aurait de réelle portée que s'il permettait une observation fine de l'évolution des marchés et une riposte immédiate en cas de déstabilisation. Concernant la clause d'exclusion, son champ ne peut être que global et porter sur les quatre lignes tarifaires concernées pour constituer une véritable protection.
Rien ne sert d'insérer dans les accords des clauses de sauvegarde dépourvues d'efficience ; il faut rechercher un moyen efficace de protection.
Je déplore que les outre-mer à Bruxelles soient constamment tenus pour quantité marginale mais je m'interroge aussi sur l'efficacité de l'intervention française dans les négociations, notre pays oubliant trop souvent qu'elle ne se résume pas à l'Hexagone.
Je tiens à affirmer que la France porte bien les intérêts des outre-mer dans les négociations commerciales ; ainsi en témoigne l'accord conclu avec l'Afrique du sud qui comporte une clause d'exclusion pour les sucres spéciaux sur trois lignes tarifaires, fruit d'une âpre négociation. La difficulté résulte du fait qu'il s'agit d'une compétence exclusive de l'Union européenne et que les États membres font l'objet de simples consultations à l'initiative de la Commission. Sur l'accord avec le Vietnam, nous avons été mis devant le fait accompli et revenir sur ce qui a été convenu est compliqué malgré la pression exercée par la France, encore dernièrement le 16 novembre lors d'un conseil des ministres de l'agriculture. L'économie globale de cet accord est très satisfaisante pour l'économie et l'emploi en France, à l'exception de ce qui est prévu pour les sucres spéciaux.
Le risque est moindre avec le Vietnam qu'avec des pays comme l'Afrique du sud ou la Thaïlande ; en outre, les coûts de production vietnamiens sont aujourd'hui supérieurs à ceux des départements d'outre-mer français.
Nous savons que le Gouvernement est vigilant et que les services travaillent à défendre les intérêts de nos outre-mer mais nous sous-estimons la nécessité de faire du lobbying à Bruxelles. Il nous faut, nous-mêmes parlementaires, aller à la rencontre des commissaires européens.
j'admets que la situation de nos outre-mer soit parfois difficile à défendre du fait des différentiels de compétitivité.
Seuls les représentants de la Commission européenne sont des acteurs de la négociation, pas ceux des États membres. Il y a cependant très régulièrement des réunions d'experts ainsi que le comité hebdomadaire de politique commerciale où nous sommes actifs pour défendre les intérêts français. Des concessions importantes ont été obtenues de la part des Vietnamiens qu'il ne faudrait pas remettre en cause. Les parlementaires européens se sont également mobilisés. Demain aura lieu un conseil des ministres du commerce au cours duquel la France interviendra à nouveau sur la problématique des sucres spéciaux.
Nous ne nous satisfaisons pas de la première réponse de la Commission sur les clauses de sauvegarde et le dialogue se poursuit. S'agissant des subventions aux agricultures ultramarines, rapportées à l'emploi elles ne sont pas plus élevées que celles accordées à l'agriculture hexagonale. L'agriculture en Europe ne peut plus fonctionner sans subvention.
Il a été indiqué que le coût de production du sucre au Vietnam serait supérieur au coût de production dans les départements d'outre-mer. Cette comparaison inclut-elle les subventions ?
La comparaison intègre les subventions : on compte 700 € la tonne hors subventions et environ 430 € la tonne en les intégrant ; les vietnamiens se situent autour de 450 € la tonne et les Thaïlandais à 400 €. Ces coûts de production sont donc proches mais le risque réside dans leur potentiel de développement de leur production.
L'important n'est pas d'approuver ou non un fonctionnement qui a recours aux subventions mais de défendre à tout prix la filière canne, essentielle pour nos territoires ultramarins et, par voie de conséquence, pour la France.
Les subventions sont certes indispensables au maintien de l'emploi mais engendrent la nécessité de négocier en permanence avec Bruxelles, rien n'étant jamais tenu pour acquis. Je m'inquiète d'une mention inscrite dans la réponse de la Commissaire européenne au commerce aux députés européens, indiquant que l'accord avec le Vietnam pourrait servir de référence pour d'autres accords avec l'Asie du Sud-Est.
Les autorités françaises ont clairement affirmé qu'en l'absence de clause d'exclusion l'accord avec le Vietnam ne pourrait en aucun cas servir de précédent.
Il faut prendre conscience de la difficulté d'obtenir une clause d'exclusion couvrant plusieurs lignes tarifaires car chaque ligne englobe de nombreux produits ; il y a une véritable complexité liée à la spécification de la nomenclature douanière.
Je veux être ici le porte-parole des planteurs légitimement inquiets. La canne à sucre a façonné la vie économique de la Guadeloupe et de la Martinique depuis le XVIIe siècle. Sur la quinzaine de sucreries implantées en Guadeloupe il en reste seulement deux, l'une au Moule et l'autre à Marie-Galante dont toute la production est exportée grâce notamment au port en eau profonde. Je regrette que les parlementaires ne soient pas associés aux négociations menées à Bruxelles. Il y a une vraie souffrance des planteurs et de leurs familles, qu'il faut entendre. Nous avons par ailleurs une centrale thermique multi-biomasse de co-génération pour la production d'électricité qu'il faut pouvoir alimenter.
Je veux dire mon incompréhension face à l'attitude de l'Europe : elle persiste à ignorer une question vitale pour nos économies ultramarines. De gros efforts ont été réalisés en matière de culture de la canne, avec des investissements lourds effectués grâce à des fonds européens pour gagner en productivité. Or, aujourd'hui, la politique commerciale de l'Europe risque de saborder la filière canne réunionnaise en refusant de reconnaître les spécificités des régions ultrapériphériques pourtant inscrites à l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, alors même que les pays tiers concurrents auxquels on ouvre le marché européen ne respectent pas les mêmes normes sociales et environnementales. Je suis venu dire ma colère. Sur la douzaine d'unités sucrières il en reste aujourd'hui deux au fonctionnement exemplaire, avec une valorisation de la bagasse ; on ne peut se résigner à leur disparition.
Je souscris à cette plaidoirie et la PPRE que nous instruisons, comme les précédentes, sera sans doute utile au Gouvernement dans les négociations.
Nous accueillons maintenant Madame Claire Cheremetinski, sous-directrice de la politique commerciale et de l'investissement à la Direction générale du Trésor, accompagnée de Madame Valérie Liang-Champrenault, cheffe du bureau de la politique agricole extérieure, commerce et développement, et de sa collaboratrice Madame Alexandra Marie.
Chère Madame, une demi-heure nous est impartie pour vous entendre et vous interroger. Une trame vous a été adressée sur la base de laquelle je vous remercie de nous adresser une réponse écrite, ce qui nous permettra aujourd'hui de nous concentrer sur ce dont vous êtes en charge, le processus des négociations.
Notre sous-direction, au sein de la direction générale du Trésor, est en charge de la politique commerciale et de l'investissement ; elle assure le suivi des négociations commerciales entre l'Union européenne et les États tiers ainsi qu'à l'OMC en étant rattachée au ministère des affaires étrangères, compétent en matière de commerce extérieur, et au ministère de l'économie. Dans les négociations à Bruxelles, nous préparons et portons la position française.
La négociation de l'accord de libre-échange avec le Vietnam a été lancée en octobre 2012 et conclu après seulement quatorze cycles. Un accord de principe est intervenu au cours de l'été, nécessitant encore un affinage de la rédaction. Globalement, cet accord est très satisfaisant pour les intérêts français car l'ouverture des marchés y est traitée de façon symétrique alors même que le Vietnam est classé dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire inférieur. Or, la France a de nombreux intérêts offensifs dans cette négociation, dans les secteurs industriel, agricole et des services mais aussi en matière de marchés publics. L'offre tarifaire vietnamienne ne nous a pas encore été communiquée mais nous savons que le projet d'accord prévoit une ouverture très large et symétrique, avec des périodes de libéralisation qui pourront s'étaler sur une durée maximale de sept années, sauf pour onze produits agricoles sensibles français traités sous forme de contingents à droits nuls dont le sucre, l'éthanol, les produits amylacés, le riz, le maïs doux, les champignons, l'ail, le thon en conserve, le surimi, les produits à base d'oeuf. La Commission européenne a présenté, le 30 juillet 2015, le résultat de sa négociation sur le sucre et les produits à haute teneur en sucre, dans lesquels sont inclus les sucres spéciaux : a ainsi été octroyé au Vietnam un contingent de 20 000 tonnes. Nous avons fait part de notre déception puisque nous avions demandé l'exclusion des sucres spéciaux de l'accord ou, a minima, un contingent ciblé réduit. Une lettre signée de trois ministres, le secrétaire d'État au commerce extérieur, le ministre de l'agriculture et la ministre de l'outre-mer, a été adressée à la mi-septembre à la commissaire européenne au commerce réitérant la demande d'exclusion des sucres spéciaux, mais la Commission européenne a opposé un refus, expliquant qu'il n'y avait pas de danger d'exportation massive vietnamienne vers l'Union européenne et que l'accord comprenait une clause de sauvegarde permettant de suspendre les préférences tarifaires en cas d'afflux déstabilisateur du marché. Nous continuons cependant de plaider en faveur d'une exclusion ou, à défaut, d'un contingent réduit et espérons une solution en ce sens ; si aujourd'hui la Commission campe sur une fin de non-recevoir, le Gouvernement français est déterminé à faire valoir sa position.
Dans l'accord de libre-échange conclu avec l'Afrique du Sud, nous avions obtenu une exclusion couvrant trois des quatre lignes tarifaires mentionnant des sucres spéciaux ; la ligne non prise en compte est une ligne fourre-tout pour les produits qui n'entrent pas dans les trois autres rubriques.
La Commission nous objecte que dans les préférences accordées aux pays les moins avancés produisant des sucres spéciaux ou en ayant la capacité la France n'a exigé aucune protection et que, de facto, aucun afflux n'a été enregistré. Elle réfute le danger et une mise en perspective dynamique tenant compte des potentialités des pays producteurs ; or, le Vietnam, qui a d'ores et déjà la capacité de produire des sucres roux, pourrait saisir l'opportunité offerte par le contingent accordé pour réorienter sa production vers les sucres spéciaux à plus haute valeur ajoutée et investir le marché européen. La Commission a l'intention de conclure définitivement cet accord avant la fin de l'année.
Je souligne le caractère paradoxal de l'attitude de la Commission européenne qui, par sa politique commerciale, fait peser un risque vital sur l'économie sucrière de nos régions ultrapériphériques alors qu'elle a encouragé financièrement son développement et sa modernisation. Il y a là une grave incohérence à faire valoir dans le cadre des négociations en cours.
Je me réjouis de l'engagement et de la ténacité des négociateurs français mais je suis inquiet lorsque je lis dans la correspondance de la Commission qu'elle entend faire de l'accord avec le Vietnam un modèle pour les négociations futures avec d'autres pays tiers. Il est regrettable qu'elle réfute le danger résultant de la capacité actuelle avérée du Vietnam à produire des sucres roux. Nous espérons que la résolution du Sénat dont nous prenons l'initiative contribuera à faire admettre à la Commission le risque économique pour nos régions ultrapériphériques et à lui faire prendre en considération l'inquiétude légitime qu'il suscite. Il est regrettable que nous n'ayons été alertés que très tardivement. Il faut anticiper sur tous les accords en perspective.
Ces territoires sont l'âme de la France et l'enjeu est vital, notamment pour l'emploi local. Cette situation est révoltante et appelle une mobilisation. Nous ne pouvons pas céder !
Depuis 1998, des sommes colossales en provenance de l'Europe ont été investies dans le secteur de la canne. Il s'agit d'un secteur vital pour La Réunion et la mise en danger résultant actuellement des négociations avec le Vietnam m'inspire la colère. Il faut abandonner la posture défensive pour, au contraire, adopter une attitude offensive.
Je m'interroge sur la capacité de notre délégation à agir face à de telles incohérences européennes qui menacent de destruction les économies de nos régions ultrapériphériques.
L'accord avec le Vietnam est globalement favorable à l'économie européenne mais aussi à la France, et la menace concerne les seuls territoires ultramarins français qui pèsent faiblement dans la balance. C'est à la France d'exercer une pression suffisante. Quant à notre délégation, elle agit dans la mesure de son champ de compétence et a décidé d'élaborer une proposition de résolution européenne pour permettre au Sénat de faire entendre sa voix et d'épauler les démarches gouvernementales, notamment en vue des négociations futures.
Ne faudrait-il pas adopter une motion d'urgence car la tension est vive, voire explosive, sur nos territoires.
La proposition de résolution européenne correspond à la démarche pertinente dont la portée ne doit pas être sous-estimée. Nous pouvons sensibiliser la commission des affaires européennes qui aura à en connaître de l'urgence caractérisant la situation.
Il y a en effet une incohérence des politiques communautaires qui entrent en contradiction. Cependant, la Commission européenne, dans les négociations commerciales, traite le sucre comme un produit sensible en prévoyant des contingents. Dans la négociation avec le Vietnam, nous avons été surpris de l'absence de perception dynamique de la Commission concernant les sucres spéciaux ; elle a écarté toute possibilité d'exclusion dès lors que le Vietnam lui-même n'avançait pas ce type d'exigence. Pour la France, il n'est pas question que cet accord soit considéré comme un précédent dans sa partie relative aux sucres spéciaux. La France négocie âprement ; il n'est pas fréquent que trois ministres adressent un courrier commun à la Commission européenne. La notion de précédent avancée par celle-ci vise le caractère symétrique de l'accord. En outre, les parlementaires français au Parlement européen ont également adressé un courrier à la Commission.
On ne peut pas admettre le sacrifice de secteurs entiers de production au credo du libre-échange !
Il faut tenir compte des caractéristiques propres de chaque accord et, au cas par cas, des capacités de production du pays tiers ; la vigilance sera de mise dans les négociations avec les Philippines et la Thaïlande.
La vigilance est de mise mais que peut-on faire si la Commission européenne persiste à refuser par principe toute exclusion ? Comme annoncé au début de notre réunion, je cède la présidence à notre collègue Éric Doligé.
- Présidence de Éric Doligé, vice-président -
La situation est inquiétante et l'issue des négociations incertaine concernant la commercialisation du sucre ; comment pourrions-nous convaincre la Commission européenne d'infléchir sa position ? Eu égard au nombre d'emplois concernés et au caractère vital de la culture de la canne dans les économies ultramarines considérées, il est impensable de les mettre ainsi en danger.
Je vous confirme que la Commission européenne a l'intention de conclure définitivement l'accord avec le Vietnam avant la fin de l'année et que le temps utile pour négocier est désormais restreint. La solution de repli que nous préconisons en l'absence de clause d'exclusion est un contingent spécifique pour les sucres spéciaux.
Peut-être y aurait-il un intérêt à effectuer un déplacement à Bruxelles pour rencontrer la commissaire en charge du commerce.
Gouvernement et parlementaires doivent être solidaires dans les démarches à effectuer. Nos régions ultrapériphériques ne doivent pas servir de variable d'ajustement.
Il paraît nécessaire d'exprimer notre inquiétude auprès du secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, M. Matthias Fekl, et d'envoyer une délégation à Bruxelles.
Ces démarches peuvent être complémentaires de l'élaboration de la proposition de résolution européenne que nous allons élaborer et pour laquelle nous bénéficierons de l'appui de notre commission des affaires européennes.
La Commission européenne n'a pas dû mesurer la gravité du risque pour nos économies ultramarines et nous devons l'éclairer.
Mesdames, messieurs, nous avons le plaisir de vous souhaiter la bienvenue.
Nous vous remercions de nous avoir alertés sur les aspects dommageables de cet accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Vietnam. Nous sommes saisis tardivement et les délais sont extrêmement courts pour inverser la situation. Il nous faut trouver très rapidement une méthode pour que notre délégation, la commission des affaires européennes du Sénat et le Gouvernement puissent peser suffisamment afin d'être entendus par la Commission européenne.
À la suite des auditions précédentes, nous avons conscience de nous retrouver devant un problème majeur. Si la filière sucrière est déstabilisée à La Réunion, comme en Guadeloupe ou en Martinique, toutes les économies de ces territoires seront mises à mal.
Les représentants de l'administration nous disent que cet accord de libre-échange est globalement très favorable aux entreprises françaises mais l'économie sucrière ultramarine ne doit pas être laissée pour compte.
Monsieur le président de la chambre d'agriculture, pourriez-vous nous dire comment vous ressentez la situation et quels sont les points sur lesquels il nous faut insister pour faire bouger les lignes ?
Au niveau mondial, la canne à sucre est considérée comme une grande culture mais, vu des outre-mer, c'est une culture familiale. 80 % de notre production est assurée par la petite et la moyenne agriculture. Elle représente, pour la filière réunionnaise, 18 300 emplois directs et indirects.
À La Réunion, la filière canne est un facteur d'équilibre structurant. Ainsi, pour 2013, nous sommes en autoconsommation en produits frais à hauteur de plus de 80 %. Mais la canne reste le pivot de l'agriculture réunionnaise. En termes d'emplois, la disparition de cette culture serait une catastrophe. Il faut à tout prix trouver un moyen de la maintenir sur notre sol. Le président de la chambre d'agriculture de Guadeloupe me disait hier que la situation est comparable dans son département.
Nous sommes à la veille de la COP21. Je rappelle qu'en termes de valorisation la canne recycle 100 % du CO2 produit à La Réunion. Elle permet également de produire de l'énergie grâce à la bagasse. C'est une filière qu'il faut à tout prix maintenir dans les départements d'outre-mer pour assurer un équilibre des territoires.
Merci pour ces précisions. Nous avons bien noté l'importance de la filière pour l'emploi, l'économie locale et l'amélioration de la qualité environnementale de La Réunion.
Madame Le Maire, puisque vous exercez d'importantes responsabilités dans ce secteur, pourriez-vous nous apporter des éléments sur l'importance de la filière ?
La culture de la canne est une filière sociale à La Réunion. Nos exploitations ont une superficie d'environ 7,5 hectares contre 120 hectares en Europe continentale.
Le choix a été de maintenir une filière agricole familiale car nous vivons sur un territoire qui connaît un fort taux de chômage (30 %). L'agriculture est un pilier de l'économie locale.
La Réunion a cherché à valoriser l'ensemble des composants de la canne. Celle-ci est utilisée pour la fabrication :
- du sucre ;
- de la bagasse qui permet de produire 10 % de l'électricité de l'île. Elle constitue ainsi la deuxième source d'énergie renouvelable, soit un tiers de l'énergie renouvelable produite ;
- de la mélasse, utilisée pour fabriquer principalement du rhum mais aussi de l'alimentation pour le bétail ;
- enfin, même si cela n'est pas valorisé financièrement, nous récupérons les résidus organiques, après purification du jus et avant fabrication du sucre, pour fabriquer des amendements organiques que nous restituons aux planteurs pour leurs champs.
C'est un modèle d'économie circulaire.
Si nous sommes en difficulté, c'est aussi sans doute parce que cette filière est l'un des seuls fleurons à l'exportation du territoire. Les deux tiers des exportations de La Réunion proviennent de la canne : le sucre pour 50 %, le rhum pour 15 %. À cela s'ajoute principalement le poisson. Le reste est constitué par quelques produits agroalimentaires (fruits, confitures...).
Nous sommes la seule filière à La Réunion pour laquelle 97 % de ses débouchés se trouvent en Europe continentale. Le reste de la production agricole, les fruits et les légumes, est destinée au marché local. Le président de la chambre d'agriculture l'a dit, nous sommes autonomes à 80 % pour les produits frais.
Le volet environnemental est important. Avec 24 200 hectares cette année, le parc vert représente 60 % de la surface agricole utile. Il joue un rôle d'interface entre la zone urbaine et le parc national qui représente 42 % de notre territoire.
La canne à sucre contribue certes au recyclage du CO2, mais elle contribue également au maintien des sols.
Merci Madame de cette présentation très complète et très intéressante.
Madame de La Maisonneuve, Monsieur Detter, pourriez-vous faire le point sur les accords commerciaux de l'Union européenne conclus ou en cours de négociation et sur l'accord de libre-échange avec le Vietnam ?
Un certain nombre d'accords ont été conclus ou sont en cours de négociation :
- en ce qui concerne l'Afrique du sud, l'accord est en cours d'application. En fin de négociation, la France a obtenu l'exclusion de trois codes douaniers correspondant aux sucres spéciaux produits à La Réunion ;
- pour les négociations en cours avec le Vietnam, un accord de principe a été adopté début août entre les parties pour une harmonisation douanière applicable fin 2017. Le problème particulier des sucres spéciaux a été soulevé à la demande des professionnels. Le prochain Conseil des affaires étrangères délibératif, fixé au 27 novembre, devrait nous donner des éléments plus ou moins définitifs sur leur sort. S'il paraît difficile d'obtenir, à ce stade des négociations, l'exclusion des sucres spéciaux, les professionnels demandent, au minimum, de proportionner le contingent de sucres spéciaux en provenance du Vietnam. Mais leur souhait serait d'obtenir l'exclusion de quatre codes douaniers ;
- des négociations sont en cours avec les USA, dans le cadre de négociations démarrées en 2013 et qui devront se terminer avec la mandature Obama ; un deuxième échange d'offres a eu lieu avec l'objectif de libéraliser 97 % des lignes tarifaires. Se pose ici tout à la fois le problème du rhum, du sucre - classés produits sensibles -, et de la banane. La France, qui a demandé une position commune avec l'Espagne et le Portugal, souhaite l'exclusion des sucres spéciaux et du rhum ;
- des négociations vont commencer avec le Mercosur (Brésil, Uruguay, Paraguay, Venezuela) : des premières négociations ont été menées de 2000 à 2004 et relancées en 2015. Un échange d'offres devrait avoir lieu avant la fin de l'année. La France exige une plus grande transparence avant de se prononcer sur l'opportunité d'un tel accord. Pour nous, cet accord est à « haut risque » puisque le Brésil est le premier producteur mondial de sucre de canne (il produit 27 millions de tonnes de sucre et fixe à lui seul le cours du sucre mondial) et le sixième producteur de bananes (essentiellement en consommation locale, avec un potentiel de développement très important). Il faut aussi noter la production importante de cachaça, à base de canne (et désignée par le même code tarifaire que le rhum, c'est-à-dire le 220840). La France demande actuellement l'exclusion de la banane, des sucres spéciaux et du rhum, mais les autres États membres sont d'un faible soutien car ils ont des intérêts offensifs dans cet accord. Nous nous trouvons un peu seuls ;
- des négociations sont lancées avec le Mexique : un accord initial, excluant les produits agricoles, a été signé en 2000, et sa modernisation a débuté en 2013. Une étude d'impact a été lancée dans le cadre de laquelle une consultation des professionnels de la filière canne a été organisée et les producteurs de sucre, comme ceux de rhum, ont souhaité le maintien de l'exclusion de ces produits ;
- en ce qui concerne les négociations avec les Philippines, des contacts ont été lancés en 2012, et une étude d'impact est en cours. Il est à noter que, dans le cadre de cet accord, la France se trouve en position offensive sur tous ses produits agricoles sauf la banane, le sucre et le rhum dont elle demande l'exclusion. Les Philippines sont exportatrices de sucre pour deux millions de tonnes et gros producteur de rhum, sous la marque Don Papa.
On a aussi les prémices de négociations avec l'Inde, premier producteur mondial de bananes, second producteur de sucre et producteur de rhum. La France demande, là encore, l'exclusion du sucre, du rhum et de la banane.
Avec la Thaïlande, les négociations sont actuellement bloquées en raison du climat d'instabilité politique, mais ce pays est un gros producteur de sucre.
Avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, des études d'impact seraient lancées en novembre.
Enfin, avec Cuba, un accord de partenariat est envisagé afin de faciliter les échanges : aucune baisse de droits de douane n'est actuellement envisagée. Ce pays est évidemment producteur de sucre et de rhum.
Avec chacun de ces pays, à production en zone tropicale, nous sommes pleinement en concurrence sur les mêmes secteurs.
Merci pour cette présentation très complète.
Les outre-mer se retrouvent confrontés à de nombreux concurrents compétitifs qui disposent de fortes capacités de production et défendent leurs intérêts commerciaux.
Monsieur le président, il me revient d'évoquer les clauses de sauvegarde et les mécanismes de stabilisation.
Tout d'abord, nous avons conscience que tout se joue au niveau du mandat de négocier.
En matière commerciale, dès lors qu'elle en a le mandat, les compétences de la Commission s'exercent de façon exclusive. Seuls le Parlement européen et le Conseil sont en mesure de s'opposer à un accord. Mais il y a aussi des compétences mixtes, notamment sur des volets politiques pour lesquels les assemblées des États membres, en France l'Assemblée nationale et le Sénat, sont consultées. Vous avez ici un rôle important.
Je voulais aussi souligner que, sur la question des accords commerciaux, la compétence exclusive dépasse la question des droits de douane pour concerner également la définition des clauses d'équivalence, pour reconnaître un produit bio par exemple. Nous avons là une source d'inégalités de traitement sur le plan de la concurrence puisque des productions de pays tiers qui sont vendues en France avec un label bio ne pourront jamais l'obtenir en tant que production française pour deux raisons : le fait de contenir des molécules qui sont interdites d'utilisation par l'Union européenne mais qui sont autorisées en bio dans ces pays ; la seconde, parce que vous avez des molécules autorisées par l'Union européenne qui ne le sont pas en France parce que, dans le cadre de la procédure d'autorisation de mises sur la marché (AMM), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) nous déclare qu'elle ne détient pas suffisamment d'éléments scientifiques pour approuver ces autorisations de produits. Donc, au-delà des accords commerciaux qui ont une incidence fondamentale sur la compétitivité à travers les droits de douane, vous avez aussi les conditions d'équilibre des accords sur la partie phytosanitaire qui peuvent poser des problèmes. Le Gouvernement nous a demandé récemment, sur le sucre, pourquoi nous ne faisions pas de production biologique. Comment pourrions-nous le faire et avec quels produits ? C'est la vraie question, étant donné les écarts de normes phytosanitaires de production avec les pays tiers.
Comment la Commission peut-elle préserver les intérêts des outre-mer dans le cadre des accords qu'elle négocie ? La réponse la plus simple est de dire qu'il s'agit d'une question de volonté politique.
Elle peut, comme elle s'y est engagée à de nombreuses reprises, réaliser des études d'impact pour prendre en compte les réalités des outre-mer et de leurs productions. Aujourd'hui, force est de constater que malgré des engagements répétés, par écrit dans le cadre d'engagements ou devant les Parlementaires européens, la Commission n'a jamais mis en place d'études d'impact sérieuses sur les conséquences, pour les productions ultramarines, des accords commerciaux qu'elle envisage de passer.
Je dois toutefois relever qu'à la suite de la mobilisation du Gouvernement au cours des deux derniers mois, avec notamment deux lettres des trois ministres et un courrier des eurodéputés à Bruxelles, j'ai l'impression que la question est aujourd'hui sur la table de la commissaire et qu'un appui politique fort serait probablement de nature à peser sur la réponse apportée par Bruxelles.
Dans les mécanismes de droit qui pourraient nous permettre de défendre les productions ultramarines, vous avez également les fameuses clauses de sauvegarde. Elles ont été autorisées par les accords du GATT de 1947 et précisément encadrées par l'accord de l'OMC sur les sauvegardes, adopté en 1994. Elles sont définies comme des mesures « d'urgence » visant à protéger une branche de production nationale donnée contre un accroissement des importations d'un produit qui cause ou menace de causer un dommage grave à ladite branche de production de l'État importateur. Elles peuvent concerner toutes les productions. Elles revêtent globalement la forme de suspension de concessions ou d'obligations et peuvent consister à appliquer des restrictions quantitatives à l'importation ou à relever les droits au-delà des taux consolidés.
Dans la majorité des accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux qu'elle négocie, la Commission européenne prévoit une clause de sauvegarde bilatérale. Toutefois, ces clauses de sauvegarde ont fait la preuve qu'elles étaient largement inefficaces pour protéger les productions des régions ultrapériphériques, notamment dans le cadre des accords avec la Colombie et le Pérou ou avec l'Amérique centrale. Elles ne sont que très rarement actionnées par la Commission européenne. Pour arriver à administrer la preuve que nous enregistrons un impact grave, sur le marché du sucre qui représente 18 millions de tonnes, il aurait fallu atteindre à peu près le taux de 30 %. Bien évidemment, la totalité de la production des régions ultrapériphériques mise en danger n'atteindra jamais ce niveau de constat de gravité pour la production sucrière en Europe.
Si on va plus dans le détail et que la Commission reconnaissait la différence de marché entre les sucres spéciaux et les sucres destinés au raffinage, peut-être aurions-nous là, la capacité de procéder à des analyses plus fines. Aujourd'hui, elle ne le fait pas de manière systématique, et la question de la proportionnalité de traitement entre le marché des sucres spéciaux qui fait 250 000 tonnes et celui des sucres destinés au raffinage qui représentent 18 millions de tonnes se pose. Ce type de clause ne pourra fonctionner qu'à partir du moment où nous faisons la distinction dès le mandat de l'accord.
Les conditions de déclenchement sont très contraignantes. Elles répondent à des règles très précises, notamment de procédure, et sont excessivement longues à mettre en oeuvre. Dans les conditions d'exploitation de nos régions ultrapériphériques, les producteurs seront bien morts avant que nous puissions avoir le début d'un commencement de solution à Bruxelles.
Il existe un autre mécanisme que l'on appelle mécanisme de stabilisation.
Il s'agit d'un instrument sui generis, que la Commission négocie directement avec les pays tiers concernés. C'est donc une clause reconnue par les deux parties dès le début et qui est complètement détaché des clauses de sauvegarde bilatérales et des clauses de sauvegarde spéciales pour les produits agricoles dont les règles sont fixées par l'OMC.
La Commission peut, dès lors qu'elle obtient le consentement du pays tiers, inclure ce type d'instrument dans un accord, et l'adapter au besoin, sans avoir à satisfaire une définition précise des règles de l'OMC. La permanence et l'automaticité du mécanisme sont donc théoriquement possibles, avec l'accord du pays tiers concerné.
Force est de constater que lorsque nous avons obtenu l'introduction de ce mécanisme de stabilisation pour la banane, par exemple dans l'accord UE-Colombie-Pérou, la Commission a choisi de ne pas respecter sa mise en oeuvre lorsque les seuils ont été dépassés. Ils l'ont été dans le cas des exportations de bananes du Pérou vers l'Union européenne qui ont considérablement augmenté entre 2010 (51 598 tonnes) et 2013 (143 489 tonnes).
Dès 2012, alors que l'accord n'était pas encore appliqué, le seuil de déclenchement du mécanisme de stabilisation prévu pour cette année était déjà dépassé de 1 949 tonnes. En 2013, année d'entrée en vigueur de l'accord, le seuil a été dépassé de 64 739 tonnes (soit 77 %), puis à nouveau de 13 637 tonnes en 2014.
Toutefois, et puisque le déclenchement du mécanisme n'est pas automatique, contrairement à la demande formulée par le Parlement européen en 2012, la décision de suspendre les droits préférentiels octroyés à un pays tiers relève de la seule Commission. Cette dernière n'a, à ce jour, jamais actionné le mécanisme, en dépit du dépassement des seuils, ce qui est révélateur de l'utilisation qu'elle envisage d'en faire à l'avenir.
Par ailleurs, l'ajout de ce mécanisme de stabilisation pour les bananes dans l'accord tend à prouver l'inopérabilité des clauses de sauvegarde bilatérales. En effet, bien que présenté comme un complément à la clause de sauvegarde bilatérale, le mécanisme ne peut s'appliquer simultanément puisqu'il prévoit, lui aussi, la possibilité de rétablir les droits de douanes NPF (Nation la plus favorisée) sur une production en cas de « risque de préjudice grave aux producteurs nationaux ». Pourquoi donc ajouter à un accord un instrument ayant la même vocation si le premier pouvait garantir la protection de la production européenne ?
Ce mécanisme a, dans les faits, été créé pour cibler précisément une production dont on savait qu'elle ne pourrait pas être protégée par la clause de sauvegarde, beaucoup trop générale.
Passé la date du 1er décembre 2020, le mécanisme de sauvegarde pour la banane ne sera dans tous les cas plus applicable. La clause de sauvegarde bilatérale prendra le relai pour les quelques années restant avant que la période transitoire d'application ne prenne fin, laissant ainsi les productions des régions ultrapériphériques sans plus aucune protection.
Nous voyons que la négociation d'un mécanisme de stabilisation est possible, serait plus opérationnel si nous arrivions à obtenir que la Commission négocie la permanence de ce mécanisme et non sa limitation dans le temps, que le seuil de déclenchement du mécanisme soit fixé à l'avance et que le déclenchement soit rendu automatique.
La conclusion de cette présentation est que la décision doit être politique. C'est à la Commission de faire ce qu'elle dit, c'est-à-dire de prendre en compte, dans ses négociations, le fait que la production tropicale, notamment agricole, sert aujourd'hui de monnaie d'échange avec des pays très demandeurs de droits d'entrée sur le marché continental. La Commission n'a jamais pris la mesure des dégâts qu'elle pouvait causer. Je vous rappelle le cas de la Martinique - l'île aux fleurs -, confrontée à l'accord avec la Colombie. En quelques mois, elle n'a plus exporté une seule fleur sur le territoire européen. Nous pourrions citer beaucoup d'autres cas, les avocats, les aubergines, qui étaient des productions des régions ultrapériphériques et qui par la faute, soit des normes phytosanitaires, soit des accords commerciaux, ont progressivement disparu. Aujourd'hui, nous nous attaquons aux principales productions, avec le sucre qui est le coeur de l'activité agricole dans les régions ultrapériphériques, notamment à La Réunion et en Guadeloupe, ou avec le rhum et la banane en Martinique. N'oublions pas qu'en 2019 nous allons renégocier les accords multilatéraux pris en 2009. Là encore, nous ne sommes pas à l'abri de nouvelles concessions complétement inexpliquées. En 2009, on nous avait dit qu'il fallait des accords sur la banane pour assurer la réussite du cycle de Doha. Le cycle a échoué et nous avons eu malgré tout des accords qui ont porté gravement préjudice à la production de bananes, de sucre, et notamment des sucres spéciaux. Nous voyons aujourd'hui les effets de l'accord Pérou-Colombie et de l'accord avec l'Amérique centrale pour les sucres spéciaux et le rhum. Je n'oublie pas la pêche qui peut être aussi, éventuellement, impactée.
Nous vous remercions pour cette intervention.
Comme vous l'avez dit, tout se joue au niveau du mandat donné à Bruxelles, mais les assemblées peuvent peser sur les décisions.
Je me suis exprimée sur les enjeux économiques sans parler de la mise en difficulté de l'ensemble de nos débouchés en Europe. À La Réunion comme aux Antilles, la production sucrière est décomposée en deux parties. La première concerne le sucre blanc. 17,5 millions de tonnes de sucre consommés en Europe sont des sucres blancs et nous contribuons à cette production. La seconde, sur laquelle nous sommes leader, concerne le petit marché des sucres spéciaux, et particulièrement le sucre roux de canne que l'on peut directement consommer. En Europe, il n'y a que les territoires d'outre-mer qui en produisent et seuls deux d'entre eux en exportent : La Réunion et la Guadeloupe.
Notre défi est double : nous devons nous battre dans un environnement qui tend à la suppression des quotas en 2017 et va nous mettre en difficulté et en écart de compétitivité avec les sucres européens de betterave ; nos débouchés sur les sucres spéciaux subissent déjà la concurrence des pays ACP et des Pays les moins avancés (PMA) parmi lesquels Maurice, le Swaziland et le Malawi qui rentrent sans droits de douane depuis 2006. Nous sommes déjà sur un marché fortement ouvert à la concurrence. Depuis quelques temps, l'Europe négocie des accords de libre-échange avec des pays producteurs de sucre de canne. Si l'Europe ne peut pas nous concurrencer sur les sucres spéciaux, un seul de ces pays tiers pourrait supprimer quasiment 100 % de nos débouchés. L'enjeu pour nous est considérable. Nous ne demandons pas de compensations. Nous voulons simplement que l'on ne nous impose pas de nouveaux acteurs qui produisent bien souvent dans des conditions économiques, sociales et environnementales sans commune mesure avec nos règles européennes et françaises. Nous ne pourrons pas faire face sur un marché tout petit de 150 000 tonnes et qui est déjà très ouvert.
En ce qui concerne l'accord avec le Vietnam, nous souhaitons que nos débouchés soient protégés. Ce serait le premier accord sur lequel nos demandes ne seraient pas entendues, avec un traitement à notre égard très différent de celui des producteurs continentaux. L'Europe concède 1/1000 du marché aux sucres vietnamiens, c'est-à-dire 20 000 tonnes sur un marché de 17,5 millions de tonnes. Mais, n'ayant pas précisé les codes douaniers, le Vietnam se trouve en capacité de produire 20 000 tonnes de sucres spéciaux, ce qui représenterait 10 % du marché européen des sucres spéciaux et 20 % de nos débouchés. C'est cela qui nous inquiète car nous ne pourrions pas le supporter.
Même si notre demande est très soutenue par la France, je constate que la Commission, dès lors qu'il s'agit d'accords commerciaux, a beaucoup de mal à entendre les régions ultrapériphériques et accorde plus d'importance aux enjeux considérables au niveau européen. Ce sont nos débouchés qui sont en jeu.
Dans l'accord avec l'Afrique du sud, nous avions pu obtenir l'exclusion de trois codes douaniers. On nous dit que cela n'était pas possible avec le Vietnam car l'accord politique ne prévoyait pas l'exclusion de lignes tarifaires. À défaut, si cette exclusion n'était pas possible, nous souhaitions alors que l'accord soit au minimum équitable et qu'il y ait un sous-contingent sur les lignes tarifaires des sucres spéciaux, avec un plafond maximal de 1/1000, ce qui représenterait 278 tonnes.
C'est le point en discussion aujourd'hui. L'aspect positif est qu'à la suite de nombreuses interventions les lignes sont peut-être en train de bouger. Le sujet est sur la table et nous attendons une réponse. Nous souhaitons au moins que la proportionnalité s'applique.
La fin de votre intervention est très importante. La discussion n'est pas close. Nous devons chercher à obtenir l'exclusion des codes douaniers ou, au pire, le contingentement à 1/1000 en faveur des sucres spéciaux. Nous devons réfléchir sur la meilleure manière d'y parvenir dans un délai très court.
Je remercie Madame Le Maire pour la clarté de ses propos. Elle nous trace des pistes de sorties.
Par rapport à ce que j'ai entendu ce matin de la part du Trésor, je répète qu'il n'est pas agréable d'entendre l'administration de l'État nous dire que l'accord est globalement satisfaisant pour la France. Je suis profondément français, mais en tant que citoyen d'un petit territoire, je me sens agressé, abandonné. Et comme ce n'est pas la première fois, je me dis qu'il faut tirer la sonnette d'alarme. J'admire votre capacité à avancer à petits pas, à négocier, mais je considère que nous sommes trop gentils !
Si, dans l'accord avec l'Afrique du sud, l'exclusion des sucres spéciaux a été possible, une petite fenêtre s'ouvre pour nos territoires.
Il faut cesser d'être naïfs et en appeler à la cohérence des politiques menées. Pendant quinze ans, notre pays a bénéficié de toutes les forces de l'Europe, notamment financières, pour moderniser son agriculture : plan de modernisation de la canne, mise en valeur des terres, épierrage, irrigation des sols... On a adopté des postures offensives.
Je comprends que la situation soit difficile. La France est le seul pays européen à cultiver de la canne à sucre. Il ne nous faut pas espérer recevoir d'aide de l'Allemagne, de la Suède !
Le mécanisme de stabilisation peut nous apporter des pistes de sortie, à condition d'être vigilant. Nous avons quinze jours pour agir.
J'invite mes collègues hexagonaux à se mobiliser à nos côtés. Il faut dire notre colère et, au-delà de nos appartenances politiques, nous mobiliser tous ensemble. Aujourd'hui, c'est la canne qui est menacée. Demain, ce sera la pêche alors même que la France dispose de la deuxième ZEE mondiale. On va vers une humiliation des départements d'outre-mer.
Comment admettre que ces 20 000 tonnes puissent entrer aujourd'hui alors que nous avons réussi, dans l'accord avec l'Afrique du sud, à l'éviter ?
Laisser, de façon déloyale, le Vietnam nous concurrencer avec des normes qui ne sont pas les nôtres, n'a rien à voir avec le libéralisme. C'est du libéralisme sauvage. C'est sur notre tête que l'on négocie des choses dont on ne connaît pas toutes les conséquences. Ce n'est pas là de la concurrence saine et loyale.
Essayons de sauver ce qui est possible.
Nous devons affirmer notre volonté de jouer un territoire unique. Hexagone et départements et territoires d'outre-mer constituent une seule entité.
On porte atteinte à une économie que nous avons eu la volonté de développer avec l'Union européenne. Il nous faut être efficace dans notre réaction.
Madame Le Maire, lors d'une audition précédente, vous nous aviez déjà alertés et exprimé alors l'espérance que l'exclusion des sucres spéciaux soit réitérée. Cet accord avec le Vietnam ouvre une brèche et produit un sentiment d'humiliation dans les territoires ultramarins. Nous devons être soudés pour le dire.
Notre démarche est contrainte par le temps. Nous sommes assiégés. Seule une mobilisation forte pour faire entendre notre colère pourra faire encore bouger les lignes. Nous disposons de plusieurs outils. Nous pourrions intervenir lors des questions d'actualité au Gouvernement. Avec le soutien de la commission des affaires européennes à laquelle j'appartiens, nous présenterons une proposition de résolution européenne (PPRE). Ce type de texte est différent d'une motion et nécessite tout un travail d'élaboration technique.
Vous avez ouvert une piste. J'espère que nous obtiendrons l'exclusion des sucres spéciaux. Nous donnerons toute la force possible à la PPRE pour faire entendre la voix des outre-mer.
Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, est également membre de notre délégation. Nous prendrons contact rapidement avec lui.
Je partage tout à fait les propos de Madame Jourda.
Mesdames, messieurs, je vous remercie de nous avoir alertés sur un problème urgent et crucial. À l'avenir, nous devrons anticiper. Il nous faudra prendre à bras le corps les futures négociations et regarder très attentivement dans quelle mesure elles sont susceptibles d'impacter nos territoires, et particulièrement les territoires ultramarins. Nous devrons être prévenus plus tôt.
La proposition de résolution européenne est nécessaire.
Il serait souhaitable qu'une délégation de sénateurs puisse se rendre à Bruxelles très vite et, en concertation avec les collègues européens qui ont travaillé sur le sujet, rencontrer la direction générale du commerce (DG Trade) et la commissaire européenne, Madame Cecilia Malmström. À Bruxelles, nos interlocuteurs sont relativement sensibles aux contacts humains directs.
Si le président de la chambre d'agriculture de La Réunion et Madame Le Maire sont présents aujourd'hui, je rappelle que la problématique concerne également les Antilles.
Je remercie les intervenants pour toutes les informations qu'ils nous ont données.
Je partage les propos et la colère de mes collègues. C'est un sujet politique important.
Sur le contingent limité de sucres spéciaux, la France s'est vu opposer une fin de non-recevoir de la Commission européenne au détriment de La Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe.
Des pistes sont ouvertes. Dans les quinze jours, en concertation avec le Gouvernement, notre délégation devra interpeler la Commission européenne et rédiger une proposition de résolution européenne pour nous faire entendre et éviter l'asphyxie de nos territoires.
La canne a façonné la vie économique de nos îles depuis le XVIIe siècle. Nos parents ont souffert pour travailler la canne. Ils ont fait beaucoup de sacrifices. On connaît le prix d'une tonne de sucre. Leurs revenus issus de la culture de la canne ne leur permettaient pas de payer nos études. On ne peut pas accepter ce qui se passe aujourd'hui. Nous devons agir tous ensemble pour défendre ce dossier.
Madame Le Maire, vous voyez que nous sommes tous solidaires et que nous allons chercher très rapidement des solutions au problème que vous venez d'exposer.
Les représentants de l'administration ont en effet jeté un froid quand ils nous ont dit que tout était bloqué. Nous allons essayer d'emprunter les ouvertures que vous nous avez signalées.
Nous vous remercions pour votre écoute et votre soutien.
C'est l'avenir de nos filières qui est en jeu. Nous constatons une accélération du processus des négociations internationales avec des pays qui produisent dans un environnement tropical avec des conditions de production qui ne sont pas les nôtres.
(Mme Le Maire présente une carte du globe avec les pays à cultures tropicales concernés par les accords conclus et à venir avec l'Union Européenne.)
Nous ne résisterons pas à de nouvelles concurrences. Nous vivons un moment important. Il nous faut définir une règle pour que les réalités de nos territoires soient prises en compte avant toute négociation.
Merci beaucoup à vous tous. Vous nous avez beaucoup aidés dans nos réflexions. Sur le rhum, notre délégation et la commission des finances avions bien travaillé et n'avions pas été mauvais pour défendre les intérêts des collectivités ultramarines. Nous gardons espoir pour le sucre.
Nous représentons les socio-professionnels de ces territoires maltraités et nous sommes heureux d'entendre les politiques prendre en compte notre situation. Nous avons vraiment besoin de vous.
Je suis rassuré d'entendre nos sénateurs appuyer notre démarche et je compte sur vous.
Il y a urgence et j'apporte mon soutien à l'idée d'une rencontre de parlementaires avec la Commission et avec les présidents des partis qui siègent à Bruxelles. Le poids du Parlement européen auprès de la Commission est essentiel. Dans l'urgence, ce type d'action aura un impact. Un courrier de votre part sera également utile.
La résolution est également un acte important. Si Bruxelles comprend notre colère, les lignes peuvent encore bouger. Il n'est pas trop tard. Il n'est jamais trop tard.
Au sein d'EURODOM, avez-vous un organisme chargé de la veille, très en amont des décisions ?
Les négociations sont relativement secrètes. C'est la base de la diplomatie. Quand nous autres professionnels sommes mis au courant, il est déjà un peu tard. Il faut surtout demander des informations au Gouvernement.
Pour les prochains accords, la veille devra s'exercer au moment de la négociation du mandat. Une fois ce dernier validé, il est trop tard. Après, on court après l'information et la machine est déjà lancée.
Il faut que l'on mette en place une stratégie dans les quinze jours, en concertation avec le président Michel Magras, nos collègues de la délégation, la commission des affaires européennes du Sénat et le Gouvernement.