Lors de l'examen de la proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation, en séance publique, j'ai dénoncé à la tribune l'avalanche de courriels dont nous avons été victimes avant l'examen du texte. Mon propos a eu un certain effet : la source s'est tarie. Ceux qui ont voté contre le texte ont reçu le lendemain un seul courriel, mais dont la teneur dépassait l'imaginable. Je propose d'inviter cette personne devant notre commission pour qu'elle s'explique.
Certains sénateurs, comme M. de Legge, ont prétendu que j'étais à l'initiative de cette pétition qui a envahi nos boîtes électroniques - dont la mienne - alors que je recherchais un consensus. J'ai été publiquement pris à parti : cela est malhonnête et je répondrai.
Aucun membre de notre commission ne vous a mis en cause, mon cher collègue.
En revanche, justifier ce genre d'initiative, comme certains sont tentés de le faire, par l'évolution d'une démocratie citoyenne me dérange. Ces manoeuvres, quoi qu'il en soit, vont à l'encontre du but recherché. Tant le nombre de courriels que leur contenu ont modifié l'opinion d'un certain nombre de sénateurs.
C'est la liberté d'expression, il faut l'accepter ! Ces manoeuvres ne concernent pas uniquement ce texte de loi, souvenez-vous du mariage pour tous. Nos collaborateurs, du reste, trient notre courrier. Ce n'est pas un grand dommage...
À la tribune, j'ai été agréablement surpris d'être applaudi sur tous les bancs.
Je comprends votre réaction, mais, monsieur le président, faut-il recevoir une personne qui nous insulte ? Ne serait-ce pas donner beaucoup d'importance et d'audience à quelqu'un qui ne les mérite pas ? Nous nous faisons insulter régulièrement sur les réseaux sociaux.
Joël Labbé n'a rien à voir avec ces courriels, je connais sa droiture. Le lobbying que nous subissons chaque semaine est insupportable, et il coûte très cher aux entreprises, qui déclarent pourtant avoir des problèmes de financement ! J'ai retrouvé sur ce texte de loi une pratique que nous avions subie lors de l'examen de la loi sur le mariage pour tous. N'ayons pas une indignation sélective.
Recevoir quelqu'un qui nous insulte lui donnerait beaucoup d'importance. La liberté d'expression exige la responsabilité. On ne peut tout dire, et ces attaques contre les institutions de la République sont intolérables, d'où qu'elles viennent. S'il y a faute, des procédures et des instances de contrôle existent. La course aux médias au nom d'une prétendue liberté d'expression, ça suffit ! Nous sommes des responsables politiques, mandatés par nos concitoyens pour un temps donné.
Pourquoi s'indigner de ce harcèlement ? Nos assistants parlementaires sont chargés d'ouvrir nos boîtes électroniques et font le tri. Nous utilisons tous Twitter et Facebook, ne nous étonnons pas ! En tant que rapporteur pour le Grenelle de l'environnement, j'ai été assailli de milliers de spams sur le purin d'ortie. Après les avoir classés comme indésirables, je n'en recevais plus.
C'est surtout le contenu des messages qui me scandalise : nous sommes traités de criminels !
Nous vivons dans une société de communication, où le beau parleur du café du commerce a la même audience qu'un prix Nobel d'économie. Cette difficulté doit être gérée avec retenue et bon sens. Au Parlement européen, ces messages d'insultes étaient constants : nous aurions pu passer notre temps à ester en justice !
Gardons-nous d'une indignation à géométrie variable. Si l'insulte est publique, la loi prévoit des réparations. Ne donnons pas trop d'importance à telle ou telle personne : d'autres mériteraient davantage l'honneur d'être invités devant notre commission. Je soutiens Joël Labbé, qui a montré sa constance et a toujours recherché un compromis.
Lors de notre dernière commission, nous avions fait état des 1 300 courriels scandaleux reçus en moins de 24 heures, et nous avions précisé qu'un mail unique serait acceptable, non cette avalanche. Comment expliquer que le lendemain du vote, à 9 h 30, ceux qui avaient voté contre le texte aient reçu... un seul message, remarquablement bien écrit, avec des détails d'une grande précision sur la séance, mais comportant des termes insultants comme « vous nous avez craché à la gueule », ou « incendiaires » ? Est-ce possible sans qu'il y ait eu un relais ? Même si le président l'invitait, cette personne, qui a écrit ce texte remarquable en une nuit, ne viendra pas, et on ne la trouvera pas, je vous l'assure !
EXAMEN DU RAPPORT
La proposition de loi du Sénat en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire nous revient en deuxième lecture après avoir été rejetée par une motion préalable des députés le 4 février dernier. Cela a empêché toute amélioration ou enrichissement de ce texte, alors qu'il aborde des questions importantes pour l'avenir de nos filières agricoles et alimentaires. Depuis notre premier examen en décembre, la situation pour les agriculteurs, et en particulier pour les éleveurs, ne s'est pas améliorée. Une fois passé le salon de l'agriculture, caisse de résonnance médiatique d'un cri de désespoir, n'oublions pas l'appel du monde paysan.
La production porcine est trop importante en Europe alors que certains débouchés importants, comme le marché russe, ont été fermés. Les cours du porc n'ont cessé de chuter, loin de l'objectif de 1,40 euro le kilo affiché l'été dernier. En janvier, le journal Les Échos faisait cette prédiction : « une année terrible s'annonce pour les éleveurs de porcs ». En 2015, les prix du lait prix s'établissaient tout juste au-dessus des 300 euros la tonne. La fin des quotas laitiers a poussé les pays producteurs en Europe, en particulier en Europe du Nord, à développer leur production, pour tirer profit d'une demande mondiale... qui n'a pas été au rendez-vous. L'année 2016 s'annonce difficile. Dans le secteur de la viande bovine, l'atonie de la consommation, combinée à des relations commerciales parfois difficiles au sein de la filière, n'offre pas de perspectives très positives. Le marché est aussi tiré vers le bas par la décapitalisation du troupeau laitier. À cela s'ajoute la crise sanitaire dans le secteur du foie gras dans le Sud-Ouest, à cause d'un épisode de grippe aviaire ayant conduit à des mesures drastiques de vide sanitaire.
La gravité de la crise a conduit les pouvoirs publics à mettre en oeuvre des mesures conjoncturelles : plus de 60 millions d'euros au Fonds d'allègement des charges, prise en charge de 50 millions d'euros de cotisations par les fonds d'action sociale de la MSA, ou encore, reports d'échéances bancaires à travers le dispositif de l'année blanche - très difficile cependant à appliquer.
Nécessaires, ces mesures sont néanmoins un peu tardives, et ne changent pas fondamentalement la donne pour l'agriculture française. Nous payons dans cette crise l'incapacité de l'Europe à s'organiser pour en prévenir ou en réparer les effets. La politique agricole commune (PAC) est orientée vers les marchés depuis 1992 et sa dernière réforme a réduit encore les instruments de régulation : fin confirmée des quotas laitiers, fin programmée des quotas de sucre, limitation à des niveaux très réduits des instruments d'intervention sur les marchés - stockage public et aide au stockage privé.
Lundi dernier, le Conseil des ministres de l'agriculture s'est soldé par quelques avancées, tardives et timides : les Européens vont pouvoir activer la clause de déséquilibres graves autorisant les organisations de producteurs de lait à passer des accords, en dérogation au droit de la concurrence, pour stabiliser les marchés. Mais l'efficacité du dispositif dépend de la bonne volonté de l'ensemble des États membres à le mettre en oeuvre : tout le monde doit adopter la même stratégie, sinon ceux qui réduiront volontairement leur production seront les dindons de la farce. Les plafonds d'intervention pour la poudre de lait et le beurre ont été doublés, avec un effet potentiel de retrait du marché des quantités excédentaires. Des mesures d'aide au stockage privé vont être rétablies dans le secteur porcin. Enfin, la Commission européenne a accepté l'expérimentation en France d'un étiquetage des produits carnés et laitiers transformés. Je réécris l'article 3 pour transposer cette décision.
Au-delà des mesures conjoncturelles, cette proposition de loi promeut des mesures structurelles orientées vers des gains de compétitivité de la ferme France, afin de redonner de la solidité à nos filières. La compétitivité est la condition indispensable du succès de notre agriculture, que cela plaise ou non. Il ne s'agit pas seulement de compétitivité-prix. La compétitivité hors-prix, par la qualité, les labels, la montée en gamme, a aussi un rôle à jouer. Mais n'oublions pas la nécessaire maîtrise des coûts de production.
Cette proposition de loi a également servi d'aiguillon. Le Gouvernement a annoncé une évolution des dispositions sur les relations commerciales de la loi de modernisation de l'économie (LME) : cela se fera dans le projet de loi pour la transparence de la vie économique, dite loi Sapin II. Le même texte devrait imposer l'incessibilité des contrats laitiers à titre onéreux, inscrite à l'article 1er bis de la présente proposition de loi à mon initiative. Avant l'avancée européenne de lundi dernier, le Gouvernement avait annoncé un décret imposant aux transformateurs et aux distributeurs l'indication de l'origine de la viande et du lait en tant qu'ingrédients dans les produits transformés, répondant à la préoccupation exprimée à l'article 3. La déduction pour aléas (DPA) a été assouplie à l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2015 dans le même sens que celui proposé à l'article 6 de la proposition de loi, même si le texte adopté par le Parlement va beaucoup moins loin. Un dispositif exceptionnel d'amortissement accéléré de l'investissement dans les bâtiments d'élevage et les installations et matériels de stockage des effluents a été prévu à l'article 31 du même texte, créant un article 39 quinquies FB du code général des impôts, comme ce que nous avions prévu à l'article 7 : je proposerai de supprimer l'article, désormais satisfait. Un assouplissement du régime des installations classées pour la protection de l'environnement concernant les bovins a été annoncé mi-février par le Premier ministre. Le seuil d'autorisation passerait à 800 animaux pour l'élevage bovin allaitant et 400 pour les vaches laitières, tandis que le régime de déclaration avec contrôle périodique disparaîtrait : ces annonces vont dans le sens de l'article 8 qui allège les normes applicables aux agriculteurs. À la veille du salon de l'agriculture, le président de la République a également annoncé une baisse de 7 points des charges sociales supportées par les agriculteurs, répondant en partie à la demande exprimée à l'article 9, qui concernait plutôt les salariés agricoles.
Plusieurs de nos propositions ont donc prospéré, d'autres peuvent encore être défendues : celle d'allonger de cinq à six ans la durée des exonérations de charges d'un jeune qui s'installe, par exemple, n'a pas été reprise. Nous devrons aussi débattre de l'obligation d'assurance pour les jeunes entrant dans le parcours d'installation, que j'avais fait ajouter dans notre proposition de loi. Enfin, exigeons du Gouvernement qu'il propose rapidement aux jeunes des solutions de financement innovantes, comme les prêts de carrière.
Notre proposition de loi a été singulièrement enrichie sur les normes, en particulier grâce aux amendements de Daniel Dubois : outre l'exigence de simplification du droit applicable aux études d'impact, outre la feuille de route annuelle sur la simplification en agriculture négociée avec les professionnels, nous avons adopté le principe très symbolique de suppression d'une norme existante pour toute création de norme nouvelle.
Continuons à défendre la modulation des échéances d'emprunts, même si la rédaction de l'article 4 peut encore être améliorée par un amendement que je vous présenterai. Le crédit d'impôt en faveur de l'assurance des exploitations agricoles que nous avions ajouté à l'article 6 ter, quoique vertueux, n'a pas non plus été repris. Pour alléger les charges générales, nous avions adopté à l'article 11 bis le principe d'une exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties. Nous regrettons aussi que ni la loi de finances, ni la loi de finances rectificative n'aient permis aux agriculteurs de révoquer l'option de calcul de l'impôt à la moyenne triennale, proposée par l'article 11 pour les revenus de l'année 2015.
Deux points sensibles, enfin, sur lesquels nous pourrons encore travailler d'ici l'examen en séance publique : en première lecture, nous avions adopté des dispositions pour améliorer la transparence des relations commerciales, en sanctionnant les opérateurs refusant de répondre aux enquêtes de l'Observatoire des prix et des marges. Nous avions aussi instauré une incessibilité à titre onéreux des contrats laitiers : les rachats de contrats pèsent négativement sur les résultats des producteurs, alors qu'ils sont déjà fragiles. Conservons une approche très pragmatique, afin de renforcer les capacités de régulation des organisations de producteurs. Le récent rapport du Conseil général de l'agriculture (CGAAER) sur l'application de la contractualisation dans le secteur laitier nous invite à mieux encadrer la deuxième génération de contrats qui va être prochainement négociée : renforcer le contrat-cadre rééquilibrerait les relations commerciales. À ce stade, nous avons conservé le principe d'incessibilité des contrats laitiers, afin d'éviter une restructuration laitière inorganisée qui pénaliserait les seuls producteurs.
En cas de défaillance, les agriculteurs, exploitants individuels, sont le plus souvent responsables de leurs dettes professionnelles sur leur patrimoine personnel. Les outils juridiques existants pour les protéger sont peu utilisés. Poursuivons la réflexion sur leur sécurisation économique. Mon amendement à l'article 4 oblige les établissements financiers à proposer un cautionnement mutuel plutôt que des garanties personnelles. D'autres propositions pourront être faites d'ici la séance.
Selon vous, les avancées obtenues par Stéphane Le Foll lundi dernier sont timides. On peut toujours surenchérir, mais ces avancées sont indéniables et cohérentes, alors que vous défendez dans cette proposition de loi une réduction des outils de régulation. Le ministre chargé de l'agriculture a sensibilisé ses collègues européens sur l'ampleur européenne de la crise, qui nécessite de déclencher l'article 222 autorisant à déroger au droit de la concurrence pour limiter la production temporairement, afin de relancer les prix. Le commissaire à l'agriculture, Phil Hogan, a approuvé l'expérimentation d'un étiquetage de l'origine en France. J'espère qu'il sera ensuite étendu à toute l'Europe.
Le Gouvernement a tenu sa promesse de débloquer 3 milliards d'euros sur trois ans pour que les agriculteurs et notamment les éleveurs puissent investir, notamment par une baisse des charges. En février, l'allègement de dix points supplémentaires de cotisations sociales des agriculteurs a été salué par le président de la FNSEA lors du salon de l'agriculture. Ce sont des efforts importants.
Dès à présent, réfléchissons à l'organisation de la future PAC, au regard de ce qui se fait à l'échelle mondiale. Certains agriculteurs me faisaient remarquer que la politique agricole commune n'a plus rien d'une politique, et n'a plus rien de « commune ». Une véritable politique doit être menée à l'échelle européenne contre les concurrents des pays tiers et pour se préserver des crises. Quant à l'assurance contre les aléas, les avancées sont réelles sur les risques climatiques mais pour l'étendue des surfaces assurées, il reste des progrès à faire. C'est maintenant que nous devons réfléchir aux orientations pour 2020.
Merci au rapporteur pour sa présentation. Une DPA améliorée et une assurance récolte ne suffiront pas à améliorer la situation, il faut prendre en charge une partie des cotisations sociales. J'attire votre attention sur la situation très difficile des éleveurs avicoles du Sud-Ouest touchés par la crise aviaire et concernés par le vide sanitaire instauré par le ministère de l'agriculture : ils auront six mois sans revenu. Comment les aider ?
Ce texte répond à une logique de compétitivité dans un marché mondial, sans prendre en compte véritablement le marché national. C'est encore et toujours la pensée dominante de l'agrandissement, de la modernisation et de l'endettement, avec pour conséquence des sacrifiés, dans l'agriculture paysanne, familiale et ancrée sur le territoire. Il est facile de créer un seuil de 800 animaux pour les autorisations... N'opposez pas les diverses agricultures en comprimant l'une d'elles dans une simple niche alors qu'elle a de l'avenir.
Je salue le travail du ministre chargé de l'agriculture : enfin de la régulation ! C'était donc possible ? Bien sûr, je regrette la limitation dans le temps. Il faudrait réaliser une étude sur la consommation de viande à horizon 2030, car celle-ci stagne actuellement. Le ministre de l'agriculture attend l'étude sur les externalités négatives des exploitations agricoles, afin de cibler des mesures sur celles qui sont le plus respectueuses de l'environnement. Il existe une forte demande de conversion. Il faut, au-delà de la gestion de l'urgence, tracer des perspectives.
Les députés ont eu tort de dédaigner cette proposition de loi : si elle ne résout pas tout, elle comporte des avancées. Ce qui pèse vraiment sur la compétitivité, ce sont les charges, les normes et le poids des procédures administratives - toutes les entreprises, dans tous les secteurs, s'en plaignent. Les récentes négociations commerciales entre les industriels et les distributeurs ont été houleuses - quant aux producteurs, ils en étaient absents. Les négociations ne devraient-elles pas être tripartites ? Si la guerre des prix prévaut, je vois mal comment les meilleures mesures pourraient produire le moindre résultat. La LME a apporté beaucoup, je songe à la suppression des marges arrière, mais les distributeurs sont très forts en stratégies de contournement. Modifier la LME, pourquoi pas, mais accordons-nous d'abord sur les moyens et les finalités. Et si aucune sanction n'est prévue, les textes ne seront pas respectés.
Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. Je voterai avec plaisir ce texte car il y a urgence à soutenir une agriculture raisonnée et raisonnable, dans l'intérêt du pays et des agriculteurs. Une rencontre annuelle de l'ensemble des partenaires pour fixer la stratégie agricole serait très utile. Le rééchelonnement des emprunts des jeunes agriculteurs est une mesure importante.
Arrêtons la surenchère, lorsque nous transposons les normes européennes. Pourquoi un tel zèle, exemplaire et unique ? Tenons enfin compte des intérêts du pays et des conditions de la mondialisation !
La simplification exige de supprimer, réexaminer, diagnostiquer. Ce n'est pas spectaculaire ni porteur, mais cela ne coûte rien et redonne de l'oxygène à notre économie. Le corset a été tissé durant des années, parfois par nous-mêmes. Le desserrer est une question de volonté. Cette action doit être massive, cohérente et assumée dans la durée.
La lettre d'information Blé contact appelle à la vigilance : dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, votée il y a un an, nous avions prévu que les cultures intermédiaires, pièges à azote, puissent être intégralement utilisées dans des méthaniseurs - le Gouvernement en a prévu mille dans les fermes. Or le ministère de l'écologie prépare un arrêté écartant du bénéfice de la nouvelle tarification de rachat d'électricité biogaz les installations utilisant plus de 15% de cultures intermédiaires. En totale contradiction avec la loi portée par le même ministère ! Ce n'est qu'un exemple, mais je crois que nous serions surpris par le nombre de décrets ou d'arrêtés en contradiction avec nos ambitions de législateurs. Soyons cohérents ! Les agriculteurs sont en difficulté et on leur impose certaines cultures, sur certains territoires, bien sûr sans la moindre indemnisation ; l'article 40 nous a empêchés d'agir. Il faudrait faire chaque année le bilan de ce que le Gouvernement a simplifié et quels en sont les effets.
Je partage la conviction de Franck Montaugé que l'Europe doit bâtir un nouveau projet, sans être trop tatillonne ni trop administrative. Je suis pour une Europe rétrécie sur quelques sujets, comme l'agriculture, l'énergie et l'industrie. Ce matin, devant le groupe d'étude Économie agricole alimentaire, l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (Ilec) a montré comment la difficulté des négociations avec les distributeurs conduirait probablement à une déflation nouvelle de deux points, et jusqu'à sept ou huit points pour certains fournisseurs.
M. Richard Panquiault, le directeur général de l'Ilec, ne nous demande pas de nouvelles lois, seulement de vérifier que les dispositions existantes sont appliquées. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l'Autorité de la concurrence n'en font pas assez.
Vous avez supprimé tant de postes de fonctionnaires dans cette direction !
Cette proposition de loi ne va pas seulement dans le sens de la productivité, elle protège l'étiquetage des labels et les indications géographiques. Elle ne promeut pas une agriculture assassine pour la santé publique. La passion de notre collègue M. Dubois est louable. Si nous votons, la fleur au fusil, la loi biodiversité, nous ajouterons des normes, mères de difficultés multiples. Le Gouvernement a bien raison d'hésiter. Ne nous laissons pas emporter par l'opinion publique qui nous enjoint de sans cesse légiférer.
J'approuve la position de M. Labbé pour l'émergence d'une nouvelle agriculture de qualité, avec des circuits courts - qui diffèrent d'une région à l'autre, d'un secteur à l'autre. Ils sont la meilleure façon de contourner la grande distribution par d'autres réseaux, pour une partie de la production. Mais cela exigera des capitaux et des compétences professionnelles, et ce ne sont pas les agriculteurs les plus pauvres qui seront les mieux placés pour lancer cette dynamique. Je ne promeus ni le retour à l'agriculture de papa, ni les mille vaches, je veux seulement souligner cette réalité. Il faut énormément de capitaux - et de formation, alors que les écoles d'agriculture ne fournissent plus un enseignement spécialisé sur les petites cultures : on devient analphabète ! C'est tout à l'honneur de notre commission que de lancer ce débat prenant une tournure nouvelle, avec des agricultures diverses.
Félicitations au rapporteur pour son travail remarquable, ses connaissances et sa compétence. Je rejoins les propos de M. Dubois et de Mme Primas. La grande distribution pèse sur l'amont - industrie et agriculture : quatre groupes concentrent 92 % du chiffre d'affaires. Nous sommes le seul pays dans ce cas ! Normalement, en cas de rachat, on oblige à un éclatement pour éviter une position dominante. Je m'étonne de l'absence d'intervention en cas de contrats entre deux distributeurs. Juridiquement, ne pourrait-on mener une action, pour aboutir à plus de souplesse ? L'Association nationale des industries alimentaires (Ania) m'a indiqué la semaine dernière qu'en moyenne 7% de remises supplémentaires de fin d'année avaient été accordées en 2015, versées soit en argent, soit en « gratuits » ! Dans le même temps, des publicités vantant des prix bas sont diffusées presque en boucle à la radio ou à la télévision. La DGCCRF ne fait pas correctement son travail. Arrêtons avec cette loi des cartels !
Certains agriculteurs sont très en colère. La Direction départementale des territoires (DDT) a mandaté, pour la révision des surfaces, une société indienne ! Cette dernière confond les platanes qui bordent le canal du Midi avec des haies ! Après avoir donné aux communes la responsabilité des opérations sur les permis de construire, la DDT ne fait plus son travail et a recours à une sous-traitance absurde.
Je m'associe à Daniel Dubois pour dénoncer l'excès normatif. Les hauts fonctionnaires des ministères de l'agriculture et de l'environnement que nous avons entendus ont reconnu, en off, que si l'on se contentait d'appliquer les normes européennes, le volume total de ces normes serait réduit d'un tiers. Nous le savons, et nous ne faisons rien.
Je ne mets pas en cause le groupe de travail sur la simplification des normes en agriculture dont Daniel Dubois est le rapporteur, mais il nous appartient de formuler des propositions plus concrètes. Dimanche dernier, des éleveurs de poulets et de pigeons de mon département, la Charente-Maritime, m'ont montré la paperasse qu'on leur demande de remplir. C'est affolant ! Les exploitants cèdent au découragement ; le propriétaire que j'ai rencontré, à 62 ans, veut vendre mais ne trouve pas de repreneur.
Comme le rapporteur l'a souligné, le Gouvernement a récemment pris des mesures répondant à certains objectifs de la proposition de loi. La France n'a jamais autant aidé son agriculture : 4,5 milliards d'euros sous diverses formes, c'est considérable même si cela reste insuffisant.
Le libre marché, dans l'agriculture, ne fonctionne qu'au bénéfice de l'aval, et au détriment des producteurs. L'enjeu est par conséquent de réguler ce marché de manière à préserver la diversité de notre agriculture. Pour des raisons d'efficacité, la question doit être posée au niveau européen. Comme un universitaire américain nous l'a confirmé hier, les États-Unis, pays de la libre concurrence débridée, sont le pays qui apporte le plus d'aides directes à son agriculture ! C'est du reste aussi vrai pour l'industrie. Portons la question à l'agenda de la PAC : si nous manquons l'enjeu de la régulation des prix et des normes, c'en sera fini d'une certaine forme d'agriculture dans notre pays.
La question des normes comporte elle aussi un volet européen. Nous nous rendons demain, avec Daniel Dubois, à Bruxelles - auprès des producteurs de normes... - pour que la simplification soit portée à l'agenda européen. Construisons un rapport de force politique avec l'Europe, et d'abord avec les autres États ; je salue les avancées récemment obtenues par Stéphane Le Foll dans ce domaine.
Enfin, quid des organisations professionnelles à l'échelle européenne ? Le moment est venu de les constituer pour peser sur la future PAC. Sinon, l'agriculture française sera laminée.
Ces organisations existent déjà : j'ai moi-même appartenu pendant dix ans à un organisme européen dans l'agro-alimentaire. Le problème est que les dossiers, dans chaque pays, sont préparés par les fonctionnaires des ministères de tutelle ; mais comme les nôtres ne veulent pas travailler avec l'industrie, nos collègues allemands, italiens ou belges ont trois ans d'avance sur nous.
Ne pointons pas du doigt les fonctionnaires : c'est aussi une question de moyens. Je faisais d'abord référence au secteur agricole proprement dit. Il appartient aux politiques de construire le rapport de forces, mais les organisations représentatives de la profession ont elles aussi un rôle à jouer.
Les États-Unis ont une stratégie de l'agro-alimentaire à l'horizon 2030-2050, non seulement à leur échelle, mais à celle de toute la planète.
Le commissaire européen a - enfin - reconnu la situation de crise agricole, qu'il avait assez sèchement contestée lorsque nous l'avions entendu. En revanche, si Bruxelles autorise la mise en place de leviers à travers des régulations et des diminutions de volume, l'application doit être la même dans tous les États.
Contre la grippe aviaire, des mesures ont bien été prises en faveur des producteurs à hauteur de 130 millions d'euros, mais rien n'est prévu pour les entreprises qui se retrouvent sans approvisionnement. Elles aussi ont besoin d'être aidées pour passer ce cap parfois fatal.
La compétitivité, monsieur Labbé, n'est pas un gros mot et elle s'impose même aux agricultures bio et de label.
L'application de la loi de modernisation de l'économie est un sujet d'importance ; j'entends vos demandes et je m'efforcerai de proposer un amendement sous huit jours. Il convient de rouvrir le débat.
Je conviens avec vous, monsieur Navarro, qu'il faut suivre l'action de la Commission en matière de simplification : les résultats sont maigres pour le moment. L'amendement adopté en première lecture prévoyant de compenser la création d'une norme par une suppression a été particulièrement apprécié sur le terrain.
Cette proposition de loi est une avancée considérable. Elle a pour but d'intervenir d'ores et déjà au plan structurel et de nous positionner sur la prochaine réforme de la PAC.
Le traitement de la question des surfaces non agricoles, évoqué par M. Chatillon, a été particulièrement mal vécu sur le terrain. Je me félicite de la volonté, exprimée dans ce texte, de simplifier les normes, d'apporter de la visibilité à l'agriculture française et de la placer dans les mêmes conditions que ses concurrents européens.
EXAMEN DES ARTICLES
L'Assemblée nationale ayant rejeté la proposition de loi par l'adoption d'une question préalable, nous avons à examiner notre texte de première lecture. Le rapporteur y a apporté quelques améliorations.
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 1er bis (nouveau)
L'amendement rédactionnel n° 4 est adopté.
L'article 1er bis (nouveau) est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 2, 2 bis (nouveau) et 2 ter (nouveau)
L'article 2 est adopté sans modification.
L'article 2 bis (nouveau) est adopté sans modification.
L'article 2 ter (nouveau) est adopté sans modification.
Article 3
Mon amendement n° 1 met en place, à titre expérimental, un étiquetage obligatoire des produits carnés et laitiers. C'est la traduction de la concession obtenue à Bruxelles.
Pourquoi préciser « à titre expérimental » ? Cela introduit un doute quant à l'importance de la mesure.
Le poids des normes est pour une large part une conséquence du verdissement de la PAC. Certains agriculteurs reçoivent jusqu'à 500, voire un millier de remarques, pour des détails aussi triviaux que la prise en compte de l'herbe sous un arbre !
Certes, les pouvoirs publics aident l'agriculture ; mais ce sont avant tout les consommateurs qui en bénéficient à travers la baisse des prix.
Dans sa rédaction initialement adoptée par le Sénat, l'article 3 contournait l'accord européen pour mettre en place l'étiquetage obligatoire ; maintenant que nous l'avons obtenu au niveau européen, il faut modifier le texte en conséquence. Nous n'avons pas d'autre choix que d'introduire la disposition à titre expérimental.
Les produits carnés et laitiers sont les seuls pour lesquels l'étiquetage obligatoire était impossible.
Je soutiens cet amendement. C'est un premier pas dans le sens de la responsabilisation des consommateurs, à laquelle je crois beaucoup.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
Mon amendement n° 2 tient compte des remarques formulées sur le report du paiement des échéances. Le dispositif est conforté et amélioré ; il semble faire l'objet d'un consensus, y compris auprès des banques.
Mon amendement n° 6 oblige les banques à proposer aux agriculteurs emprunteurs le recours au cautionnement mutuel. Ce système évite d'engager son patrimoine personnel.
Non. Il s'agit d'une garantie supplémentaire qui couvre, pour environ 2 % du montant total de l'emprunt, 60 % du capital. C'est le seul moyen de protéger les biens privés.
Oui. La banque est obligée de proposer, l'agriculteur n'est pas obligé de souscrire.
Le libellé de l'objet laisse croire qu'il s'agit d'une obligation. Or l'un des avantages du métier d'agriculteur, c'est la liberté ! Être comme un bovin à l'étable ne m'intéresse pas. De plus, ce dispositif n'est pas le seul existant : dans le cadre d'une société - et il y a de nombreuses sociétés agricoles - les biens privés ne sont pas emportés par une faillite.
L'amendement institue simplement une obligation d'informer l'agriculteur de la possibilité de se protéger. Très peu d'emprunteurs connaissent l'existence des sociétés de cautionnement, qui sont beaucoup plus répandues dans l'artisanat.
Elles ont évité de nombreuses faillites dans le secteur de la construction. C'est une voie d'avenir.
L'amendement n° 6 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 5, 5 bis (nouveau), 6, 6 bis (nouveau) et 6 ter (nouveau)
L'article 5 est adopté sans modification.
L'article 5 bis (nouveau) est adopté sans modification.
L'article 6 est adopté sans modification.
L'article 6 bis (nouveau) est adopté sans modification.
L'article 6 ter (nouveau) est adopté sans modification.
Article 7
Mon amendement n° 3 est un amendement de coordination. Des dispositions sur le suramortissement ayant été adoptées dans la loi de finances et la loi de finances rectificative, l'article 7 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 3 est adopté.
L'article 7 est en conséquence supprimé.
Articles 8, 8 bis A (nouveau), 8 bis (nouveau), 9 , 9 bis (nouveau) et 10
L'article 8 est adopté sans modification.
L'article 8 bis A (nouveau) est adopté sans modification.
L'article 8 bis (nouveau) est adopté sans modification.
L'article 9 est adopté sans modification.
L'article 9 bis (nouveau) est adopté sans modification.
L'article 10 est adopté sans modification.
Article 11
L'amendement n°5 vise à retenir une date plus réaliste.
L'amendement n° 5 est adopté.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 11 bis (nouveau), 12 et 13
L'article 11 bis (nouveau) est adopté sans modification.
L'article 12 est adopté sans modification.
L'article 13 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Je remercie le rapporteur pour ce travail.
Les sorts des amendements sont repris dans le tableau ci-après.
La façade atlantique ayant été oubliée dans la réflexion sur le développement des grands ports maritimes, nous avons réclamé et obtenu du Premier ministre que deux parlementaires soient missionnés sur le sujet. Pour Nantes, Saint-Nazaire, La Rochelle et Bordeaux, Gérard César et moi-même avons été désignés. Nous rendrons notre rapport au mois d'août.
La réunion est close à 11 h 05.