Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 21 février 2017 à 16h20

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La vétusté des valeurs locatives conduit à des injustices entre contribuables mais également entre collectivités territoriales. La commission des finances du Sénat, qui a toujours porté une attention particulière à ce sujet, vous remercie, monsieur le ministre, de venir nous présenter les résultats de l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, menée en 2015 dans cinq départements.

Je souhaiterais tout d'abord vous rappeler que c'est en 2010 qu'a été initiée la révision des valeurs locatives. Cette réforme, reportée à trois reprises, a fait l'objet de nombreux ajustements en chemin, en fonction des résultats d'une expérimentation menée en 2011, puis au fur et à mesure des difficultés rencontrées. En particulier, afin de rendre la réforme soutenable, nous avons souhaité, collectivement, prévoir des dispositifs de lissage et d'atténuation. À l'automne prochain, pour la première fois, ce sont ces nouvelles valeurs locatives qui figureront sur les rôles d'imposition des locaux professionnels et commerciaux.

Il nous revient donc maintenant d'envisager la seconde phase de la réforme qui concerne les locaux d'habitation. En effet, pour éviter que la révision des valeurs locatives des seuls locaux professionnels conduise à un déséquilibre des impositions dues respectivement par les ménages et les entreprises, un dispositif de neutralisation a été mis en place. Mais il a pour effet de « figer » la répartition des valeurs locatives entre les ménages et les entreprises et doit donc impérativement être transitoire pour tenir compte de l'évolution du territoire.

C'est pourquoi, reprenant une initiative de François Marc, la loi de finances rectificative pour 2013 a prévu une nouvelle expérimentation, pour les locaux d'habitation cette fois-ci, dans cinq départements et la remise d'un rapport au Parlement le 30 septembre 2015. Une première partie du rapport, sur la phase de recueil des informations auprès des propriétaires bailleurs (loyers, surfaces, types de local, etc.) nous a été remise en 2016. C'est aujourd'hui la deuxième partie du rapport que vous venez nous présenter : il s'agit des simulations réalisées à partir des informations récoltées en Charente-Maritime, dans le Nord, l'Orne, Paris et le Val-de-Marne.

Nous avons vu lors de la publication des simulations de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels que les scénarios de l'administration pouvaient donner lieu à toutes sortes d'interprétations s'ils n'étaient pas accompagnés des commentaires adéquats. C'est pourquoi il est important de vous entendre aujourd'hui.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

Vous venez de rappeler la complexité, mais aussi l'importance, de ce dossier. Le rapport que vous avez mentionné avait été proposé par le Gouvernement lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013, afin de reprendre par amendement la proposition de loi de votre collègue François Marc.

L'article 74 de la loi de finances rectificative pour 2013, qui résulte de ces débats, est très précis sur le champ et la méthode de l'expérimentation. Le rapport qui vous est remis en reprend toutes les prescriptions, ni plus, ni moins. J'insiste sur ce point : ce travail est une expérimentation ; c'est une étude exploratoire et en aucune manière un projet de réforme clef en main du Gouvernement. Toute généralisation supposera une nouvelle décision du Parlement et interviendra lors de la prochaine législature.

Avant d'en venir aux valeurs locatives proprement dites et aux résultats de l'expérimentation, je voudrais rappeler brièvement les modalités de liquidation de la taxe foncière qui existent aujourd'hui, et notamment le calcul de sa base d'imposition. L'article 1388 du code général des impôts prévoit que la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale des propriétés, déterminée conformément aux principes définis par les articles 1494 à 1508 et 1516 à 1518 B et sous déduction de 50 % de son montant en considération des frais de gestion, d'assurances, d'amortissement, d'entretien et de réparation. Pour le calcul de la taxe foncière des locaux d'habitation, c'est l'article 1496 qui nous intéresse. Il faut distinguer six étapes.

Tout d'abord, la valeur locative est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux.

Ensuite, la valeur locative de ces locaux de référence est elle-même déterminée d'après un tarif fixé, par commune ou secteur de commune, pour chaque nature et catégorie de locaux, en fonction du loyer des locaux loués.

Troisièmement, le tarif est appliqué à la surface pondérée du local de référence.

Quatrièmement, la surface pondérée du local à évaluer est déterminée avec différents coefficients de pondération destinés à tenir compte de la situation du local, de son entretien et de l'importance de ses pièces, puis en ajoutant à cette surface des « équivalences superficielles ».

Cinquièmement, le tarif associé au local de référence est appliqué à la surface du local à évaluer.

Enfin, le taux voté par la collectivité est appliqué à l'assiette ainsi déterminée.

Pourquoi faut-il réexaminer ce système ? Chacun sait que les valeurs locatives utilisées dans les évaluations pour le calcul de la taxe foncière datent de 1970. Elles ont été régulièrement revalorisées chaque année par un coefficient forfaitaire, éventuellement adaptées ou modifiées au gré de la volonté des commissions communales des impôts. Comme je le disais lors des débats de 2013, chacun connaît les différences assez injustes qui peuvent exister en la matière, suivant l'évolution des quartiers ou les années de construction. Ma commune, où j'ai été maire pendant longtemps - trop au goût de certains - en est un bon exemple, car la juxtaposition d'anciennes cités minières et de constructions plus récentes est à l'origine de disparités que plus personne ne comprend et qui conduisent à des transferts assez préjudiciables à l'égalité des citoyens devant l'impôt, en l'occurrence local. Chacun pourra trouver d'autres exemples, notamment dans l'agglomération parisienne.

La révision des valeurs locatives est donc avant tout une question de justice fiscale, qui conditionne bien évidemment le consentement à l'impôt, clef de voûte de notre pacte républicain.

Quels sont les grands principes retenus pour la méthode ? D'abord, il s'agit d'une expérimentation « à blanc », donc sans impact sur l'impôt réellement payé par les contribuables, mais permettant de mener le processus de révision pratiquement de A à Z, de la collecte des informations à l'évaluation individuelle de chaque local d'habitation dans cinq départements. Ces cinq départements sont, d'une certaine manière, représentatifs de la diversité de nos territoires : ainsi, la Charente-Maritime, département qui combine ruralité et caractéristiques touristiques ; le Nord, département mixte, à la fois urbain et rural ; l'Orne, département fortement rural ; Paris, présentant une très forte densité de locaux, essentiellement des appartements ; enfin, le Val-de-Marne, département périurbain.

Ensuite, la méthode d'évaluation s'inspire très largement de ce qui a été fait pour les locaux professionnels et qui est désormais pleinement en vigueur depuis le 1er janvier 2017 : ainsi, les territoires sont découpés en secteurs d'évaluation représentant un marché locatif homogène. Ensuite, un tarif au mètre carré est fixé pour chaque catégorie de locaux (maison, appartement, etc.), à partir des loyers constatés dans chaque secteur d'évaluation, par tranche de surface totale du logement.

Si les grands principes de détermination des valeurs locatives sont donc globalement similaires à ceux retenus pour les locaux professionnels, il existe des particularités liées aux locaux d'habitation : d'abord, une volumétrie très importante (46 millions de locaux) au regard de celles des locaux professionnels, qui nécessite d'adapter la méthode de collecte des informations auprès des propriétaires. Ensuite, une occupation qui est majoritairement le fait des propriétaires, ce qui rend plus complexe encore la collecte des éléments de loyer (nombre ou représentativité insuffisants). Par définition, les propriétaires ne payent pas de loyers, sauf à suivre les élucubrations de quelques économistes qui reviennent comme des marronniers. Je me suis déjà longuement exprimé sur le sujet et il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de mettre en oeuvre de telles propositions. Enfin, une spécificité des logements sociaux, dont les loyers ne reflètent pas la réalité du marché locatif.

Avant de décrire plus en détail les résultats, je voudrais tout de suite attirer votre attention sur un point important : les résultats présentés dans le rapport correspondent à une application purement mathématique de la méthodologie prévue par la loi. Il paraît évident que certaines corrections seraient opportunes, sur lesquelles je reviendrai en conclusion, mais que je peux déjà commencer à dessiner. D'une part, il faudrait apporter une souplesse suffisante pour prendre en compte la réalité du tissu local, le cas échéant dans le cadre d'une comitologie à mettre en oeuvre. D'autre part, il faudrait prévoir les modalités de la transition pour éviter les ressauts d'imposition. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait pour les locaux professionnels.

Je n'aurai bien sûr pas le temps de vous présenter l'intégralité du travail statistique qui a été réalisé par mes services, que je veux ici remercier, puisque le rapport qui vous a été transmis compte plus de 400 pages. Je crois cependant que ce travail, toujours perfectible, permet de dégager un certain nombre d'enseignements qui permettront de poursuivre cette démarche jusqu'à sa généralisation.

Le premier enseignement de cette expérimentation est que la méthode permet d'évaluer efficacement tous les locaux d'habitation, quand bien même une large fraction d'entre eux ne donne pas lieu au versement d'un loyer. En effet, l'expérimentation prouve que la collecte des loyers s'avère suffisante quantitativement et qualitativement pour ne pas fragiliser la méthodologie déjà utilisée lors de la généralisation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, moyennant quelques adaptations, notamment pour les logements sociaux. Dans un pays où 58 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale et où 10 % du parc est constitué de résidences secondaires, il n'était pas évident qu'on arrive à ce résultat. Certains préconisent de recourir à la valeur vénale plutôt qu'à la valeur locative, ce qui pose d'autres questions, notamment lorsque les prix sont affectés par des comportements spéculatifs. Nous savons aujourd'hui que la révision des valeurs locatives est techniquement possible à partir des loyers de marché.

Le second enseignement est que la direction générale des finances publiques (DGFiP) a une bonne connaissance du parc de logements, tant de la nature des locaux (appartement, maison, dépendance, local exceptionnel) que de leur consistance (surfaces), bien meilleure d'ailleurs que celle qui avait été observée pour les locaux professionnels dans le cadre de la révision de leur valeur locative : près de 80 % des informations relatives aux surfaces des maisons et des appartements sont exactes ou marginalement différentes de plus ou moins 10 %, tandis que la nature de ces locaux est fiable pour 95 % d'entre eux. Cet enseignement est particulièrement important pour affiner les modalités pratiques de collecte de l'information qui pourraient être envisagées dans le cadre d'une généralisation ; j'y reviendrai.

Troisième enseignement, les valeurs locatives des locaux d'habitation appartenant au parc privé augmenteraient de 151,5 %, avant rebasage des taux - en effet, les taux seraient diminués pour assurer aux collectivités un produit fiscal constant. À titre de comparaison, dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, les valeurs locatives des locaux professionnels au sein de ces cinq départements augmentent de 165,5 %, c'est-à-dire un ordre de grandeur comparable en pourcentage, ce qui pourrait faciliter la mise en oeuvre d'un mécanisme de rebasage des taux, et donc la sortie du dispositif de neutralisation des bases applicables aux locaux professionnels prévu dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Ce chiffre de 151,5 % masque toutefois une forte hétérogénéité entre les départements, de + 131,2 % à Paris à + 239,8 % dans le Nord.

Quatrième enseignement, qui n'est pas une découverte, mais qu'on peut aujourd'hui quantifier, la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation engendrerait des transferts de charge entre différents contribuables, transferts qui ne sont que le reflet de l'injustice fiscale qui s'est progressivement installée au fil des ans. Ces transferts dépendront in fine des paramètres précis qui seront retenus par le législateur, et en particulier des modalités de transition. Par exemple, on observe assez systématiquement qu'au sein des sous-groupes « maisons » et « appartements » les tarifs des locaux de petites surfaces sont plus élevés que ceux des locaux de grandes surfaces. C'est déjà le cas aujourd'hui, mais cet effet tend à être renforcé pour les appartements tandis qu'il serait atténué pour les maisons.

Cinquième enseignement, la question du logement social devra faire l'objet d'une attention particulière. Conformément à ce que prévoit la loi, deux scénarii ont été systématiquement simulés. Un scénario où les loyers des bailleurs sociaux sont exclus de la détermination des valeurs par secteurs et tarifs. Dans ce scénario, la valeur locative des logements sociaux est établie à partir des logements comparables du parc privé. Un deuxième scénario où ceux-ci participent à l'élaboration d'une sectorisation et d'une grille tarifaire spécifiques, différentes de celles établies sur la base des informations collectées auprès des seuls propriétaires. Le deuxième scénario est bien plus favorable pour les logements sociaux, puisque les valeurs locatives sont établies sur la base des loyers constatés pour cette seule typologie de locaux. Les valeurs locatives des logements sociaux augmenteraient ainsi beaucoup moins que celles des logements du parc privé, puisqu'elles augmenteraient à hauteur de 18,7 % au lieu de 128,5 % en scénario 1. Toutefois, il apparaît que cette deuxième méthode pose davantage de problèmes opérationnels - les grilles sont « trouées » du fait de l'absence de logements sociaux dans certains secteurs - et pose plus généralement la question de la juste contribution foncière pour les propriétaires du parc social, qui devra s'articuler avec la préservation des équilibres économiques du logement social. Il s'agira d'une décision politique importante.

J'en viens maintenant aux résultats de l'expérimentation, s'agissant des recettes fiscales des collectivités locales. Je peux vous rassurer immédiatement : la réforme peut être sans impact sur les ressources des collectivités. Ce résultat est bien entendu la conséquence directe de la manière dont l'expérimentation a été conçue : nous en avons déjà parlé, celle-ci n'avait pas pour objet de préparer une refonte des ressources des collectivités locales, mais bien d'améliorer l'équité fiscale au regard de la situation réelle des différents contribuables. L'article 74 de la loi de finances rectificative pour 2013 a donc prévu la neutralité de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation sur le produit fiscal des collectivités locales. Cette neutralité doit être assurée en combinant deux leviers : d'une part, il est nécessaire d'ajuster les taux d'imposition, sur le périmètre de chaque collectivité, afin de ne pas renchérir le montant global des cotisations. À titre informatif, en l'absence de révision des taux d'imposition, les ressources de l'ensemble des collectivités des cinq départements expérimentateurs (départements, communes, établissements publics de coopération intercommunale) augmenteraient de 154 %, soit 4,6 milliards d'euros. D'autre part, il faudrait neutraliser l'effet sur les ressources des collectivités de cet ajustement des taux d'imposition pour les locaux non concernés par la révision des valeurs locatives (locaux industriels ou soumis au barème). Ceux-ci pourraient bénéficier du rebasage des taux sans que leur assiette ne soit révisée.

Il s'agit là d'ajustements pragmatiques, qui s'inscrivent dans l'esprit de la réforme envisagée, et qui permettent d'assurer que les différentes options en vue de la généralisation de la réforme ne seront examinées qu'au regard de leur bien-fondé, compte tenu de la situation de chaque contribuable.

Ainsi, la prise en compte de mesures d'atténuation que j'ai rapidement évoquées tout à l'heure, telles que les modalités spécifiques de révision des valeurs locatives pour les logements sociaux, ou la minoration des tarifs en fonction de la localisation de certains quartiers ou de la réalité particulière du tissu local, n'aurait pas d'impact sur les ressources de chaque collectivité.

La vraie conséquence pour les collectivités, c'est celle de la méthode. Afin d'envisager une généralisation, une appropriation des objectifs de la réforme par les élus locaux est nécessaire. Celle-ci nécessitera, avant d'être mise en place, une réflexion sur l'ensemble du territoire portant sur le calendrier, les modalités, les mécanismes d'atténuation, ou encore l'information des particuliers.

Enfin, je voudrais dessiner les perspectives pour l'avenir, avec comme objectif la généralisation de la révision des valeurs locatives, dont j'ai rappelé tout à l'heure les enjeux et que je considère impérative à moyen terme.

Cette expérimentation permet de montrer que les valeurs locatives des locaux professionnels et des locaux d'habitation augmentent dans des proportions comparables, ce qui rend plus aisés l'entrée en vigueur de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation et le « rebasage » des taux d'imposition à cette échéance. Bien évidemment, au-delà de cette approche macroscopique, l'examen des variations au niveau individuel laisse apparaître de fortes évolutions, et notamment de fortes augmentations de cotisations. II sera donc nécessaire de prévoir des mécanismes atténuateurs pour étaler dans le temps les transferts de charge et de rendre ainsi la réforme soutenable pour les locaux d'habitation et professionnels qui enregistrent les plus fortes révisions de valeurs locatives.

Se posera en particulier la question du maintien ou de la sortie progressive du mécanisme de « planchonnement » pour les locaux professionnels et de la mise en place d'autres mécanismes complémentaires, qui pourraient prendre la forme d'un dispositif de lissage des variations (hausses et baisses) de cotisation dont les modalités et la durée resteraient à définir et d'un système de minoration ou majoration des tarifs catégoriels par des coefficients de localisation, afin de tenir compte de la situation générale de certains quartiers d'habitation comme l'éloignement des transports en commun, la nuisance ponctuelle liée à de grands travaux, le développement particulièrement attractif de certaines infrastructures ou de moyens de transport, etc.

Enfin, cette expérimentation permet de dessiner les contours des modalités pratiques de mise en oeuvre de la généralisation de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Compte tenu des résultats des simulations et de l'expérience acquise dans le cadre de la généralisation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, la révision des locaux d'habitation pourrait s'articuler autour de quatre grands axes.

D'abord, des modalités simplifiées de collecte des informations nécessaires au calcul des valeurs locatives révisées car il apparaît qu'on peut largement s'affranchir, dans un grand nombre de cas, des données individuelles sur les catégories et les surfaces. En revanche, une collecte des loyers resterait nécessaire, qui pourrait, en ce qui concerne les propriétaires personnes physiques, privilégier au maximum les solutions permettant de collecter les loyers à moindre coût à travers le support d'une déclaration existante, à savoir la déclaration des revenus et ses annexes, et s'agissant des personnes morales, de créer une déclaration spécifique sur la base des échanges de fichiers déjà testés dans le cadre de l'expérimentation conduite dans les cinq départements.

Le deuxième axe verrait la participation des élus et des représentants des propriétaires des locaux d'habitation dans le cadre d'une comitologie « allégée » pour prendre en compte les spécificités du tissu local.

Le troisième axe prévoirait la mise en place d'un dispositif de mise à jour permanente, qui mobiliserait les particuliers, tant occupants que propriétaires.

Le dernier axe aurait trait à la gestion des annexes aux appartements et aux maisons et des dépendances isolées qui, bien que peu nombreuses, ont fait apparaître des difficultés particulières.

Ce rapport contient de nombreux enseignements. Le travail doit à présent se poursuivre avec les parlementaires, afin que des réponses soient apportées à l'ensemble des questions qui demeurent encore en suspens aujourd'hui.

Voilà les éléments précis que je pouvais vous apporter sur un sujet complexe et important.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Tous mes collègues sont particulièrement attentifs à votre présentation. Le rapport va nous parvenir et nous devrons l'expliciter pour éviter de fausses interprétations.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Ce rapport est très complet et il traite d'un sujet que connaît bien la commission des finances. Nous avons déjà débattu de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels.

Dans les cinq départements expérimentateurs, des questionnaires ont été adressés aux contribuables. Quel a été le taux de retour ? L'échantillon est-il représentatif ? Les retours ont-ils été équivalents d'un département à l'autre ?

Vous avez parlé de gagnants et de perdants : en moyenne les grandes maisons gagneraient à cette réforme tandis que les petits appartements y perdraient. Envisagez-vous un lissage ou des correctifs ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Tout d'abord, il s'agit d'un travail collectif et je veux rendre hommage aux services et à mon cabinet qui ont beaucoup travaillé.

Le taux de retour de ces questionnaires a été de l'ordre de 70 %, ce qui est plutôt satisfaisant.

La valeur du prix au mètre carré des petites surfaces est plus importante que la valeur au mètre carré des grandes surfaces d'habitation. Mais les locaux sont classés par catégorie de taille : pour chaque catégorie, il y aura un prix au mètre carré. C'est ainsi que l'on procède généralement. Un local de 500 mètres carrés n'a pas le même prix au mètre carré qu'un local de 20 mètres carrés. Il appartiendra ensuite au législateur et aux commissions communales des impôts directs de se prononcer sur une éventuelle harmonisation. Il serait curieux de fixer un prix au mètre carré qui soit le même quelle que soit la taille du logement. La loi pourra fixer l'amplitude maximale des écarts à retenir et les commissions communales se détermineront ensuite.

Pour les appartements, les valeurs locatives issues du travail mené dans les cinq départements augmentent de 125 %, alors que pour les maisons d'habitation, elles augmentent de 185 %. Pour les petits appartements, l'augmentation serait de 223 %. Les écarts sont donc importants et il en va de même pour les maisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

D'après vous, l'administration a une assez bonne connaissance du parc locatif. A-t-elle procédé à un rapprochement individuel des échantillons pour comparer les chiffres donnés par les contribuables de ses propres données ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Ce rapprochement a été effectué de façon individuelle. Les écarts entre la connaissance du parc et la réalité sont moins importants que pour les locaux professionnels. La classification entre maison, dépendance et appartement s'est révélée juste à 95 %. Près de 80 % des informations relatives aux surfaces des appartements et des maisons sont exactes ou marginalement différentes (plus ou moins 10 %). En revanche, dans 20 % des cas, les surfaces réelles diffèrent de plus de 10 % de celles que nous avons dans nos bases. Pour les locaux professionnels, la connaissance du parc était bien moins bonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Merci, monsieur le ministre, de nous avoir présenté ce rapport : le sujet est complexe et politiquement sensible. Il nous faudra un peu de temps pour examiner le document. La méthode expérimentale est bonne, et cela fait d'ailleurs un certain temps que nous travaillons sur le sujet. Les différents Gouvernements ont pris leur temps.

Je m'interroge sur une réforme globale car, comme il risque d'y avoir autant de perdants que de gagnants, beaucoup de nos concitoyens vont protester. Si un Gouvernement a le courage de mener une réforme globale, il faudra prévoir un délai suffisant. En ce qui concerne les communes nouvelles, le délai de douze ans pour l'harmonisation fiscale est trop court : il faudrait trente ou quarante ans. Pour les valeurs locatives, il faudra des délais très longs. Par amendement, j'avais proposé de réviser les valeurs locatives à chaque mutation ou à chaque cession d'un bien. On m'a dit qu'une telle disposition ne respectait pas l'égalité des citoyens devant l'impôt et qu'elle serait donc déclarée inconstitutionnelle. Mais le système actuel ne l'est-il pas, puisque nos concitoyens ne sont pas égaux du fait de valeurs locatives différentes ? Les modifications des valeurs locatives à chaque mutation seraient assez indolores pour les contribuables et permettraient de dégager des ressources pour les collectivités que nous représentons.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Depuis longtemps, nous souhaitons introduire plus d'égalité et de clarté dans ce système. Je me félicite de la détermination et du courage dont ce Gouvernement a fait preuve avec la réforme des valeurs locatives professionnelles. Je tiens à rendre hommage à notre ministre qui a fait preuve d'une grande persévérance en dépit des réticences qui se sont exprimées ici ou là, avec des tentatives pour reporter la réforme.

Les pistes que vous avez présentées sont intéressantes.

Plusieurs journaux ont insisté sur les augmentations d'impôts locaux, sans expliquer que tout se ferait à ressources constantes pour les collectivités territoriales. On entend des plaintes mais cette réforme n'a d'autre but que la justice. Aussi ne faut-il pas trop l'étaler. Voilà des années que certains profitent du système en payant moins qu'ils ne le devraient. Certes, un lissage sur dix ou douze ans est acceptable. Mais pendant trente ou quarante ans, d'autres ont payé trop, et il est grand temps de rectifier leur situation.

L'expérimentation est encourageante, et je félicite vos services pour l'énorme travail qu'ils ont accompli. Le rapport, s'il arrive avec quelques mois de retard, est plein d'enseignements, et pourra servir de base lors de la prochaine législature. Vous parlez de 46 millions de locaux. Les estimations tournaient plutôt autour de 40 millions. En tous cas, je me félicite du succès de votre méthode. C'est rassurant : nous savons faire, nous saurons faire, sur tout le territoire et simultanément. La nécessaire participation des élus et des citoyens a été fructueuse. La mise à jour permanente est indispensable, en effet. Quant à la collecte des informations, l'ingéniosité des services de Bercy saura trouver une manière performante de la réaliser. Je me félicite que nous disposions désormais d'une base de travail solide, et souhaite que nous mettions un terme rapidement aux injustices qui perdurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Les chiffres que vous donnez sont très instructifs, et parfois surprenants. J'aurais imaginé, par exemple, que la proportion de surfaces exactes soit inférieure à 80 %. Les bases augmentent de 151 %, ce qui me rappelle le mot de Michel Rocard qui évoquait une réforme qui avait de quoi faire sauter plusieurs gouvernements. Il faudra une harmonisation, mais sur quel périmètre ? Dans ma communauté d'agglomération, nous avions corrigé le potentiel fiscal des communes dans le cadre de la dotation de solidarité communautaire. Cela avait montré que ce ne sont pas toujours celles qui se prétendent les plus pauvres qui sont les plus démunies.

La révision des bases déterminera un potentiel fiscal, qui devra être pris en compte. Dès lors, quand réformer la dotation globale de fonctionnement (DGF) ? Avant cette révision, ou après ? Les dotations de péréquation - et leurs disparités réelles ou supposées - sont aussi concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

C'est un sujet sensible. Nous devons donc saisir l'opportunité des mutations pour réajuster les valeurs locatives, et étaler la réforme dans le temps pour ne pas déclencher une bronca qui déstabiliserait les autorités locales et nationales. Mieux vaudrait privilégier une approche intercommunale, puisque l'intercommunalité prélève déjà une bonne partie de la fiscalité locale. Elle a aussi une certaine distance par rapport au terrain. Évitons donc une segmentation par commune, quitte à passer par une expérimentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

La situation de chaque collectivité varie en fonction du travail effectué par les commissions communales. Là où les mises à jour ont été faites par les services fiscaux, les écarts doivent être moindres. Le sont-ils ? Vous avez évoqué des mécanismes atténuateurs, prenant en compte l'éloignement des transports ou certaines nuisances. L'égalité devant l'impôt va compliquer leur mise en oeuvre, et chaque commune dispose de services différents. Pouvez-vous être plus précis ? Actuellement, la valeur locative est appréciée à partir du montant des loyers. La proportion de logements sociaux dans une commune a-t-elle un effet sur l'importance des écarts ? Dans les années 1990, la question a été très débattue.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Certains d'entre nous s'en souviennent. Les travaux de l'époque ont-ils été utilisés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Une fois n'est pas coutume, je félicite le Gouvernement pour sa contribution à ce long fleuve tranquille. J'ai toutefois un peu de mal à comprendre les termes de gagnant ou de perdant. Il n'y a, me semble-t-il, que des situations qui se sont éloignées de l'application des critères et qui devront y revenir. Quant au rythme de la réforme, après trente ans de préliminaires, il peut être rapide ! Quelle durée de lissage les écarts autorisent-ils ? Dans tous les cas, il faut aller vite. Il faut harmoniser tout cela à l'échelle nationale, notamment pour l'application des dispositifs de péréquation.

Comment expliquez-vous que l'augmentation soit de 240 % dans le Nord, et uniquement de 131 % à Paris ? Je m'attendais plutôt à l'inverse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le calendrier et la concertation locale sont deux sujets communs de préoccupation.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Je vous répondrai avec modestie et humilité. Nous sommes à la veille d'un renouvellement électoral. Et la réponse à la plupart de vos questions sera entre les mains du législateur : déclenchement, choix de la durée de lissage... Pour les locaux professionnels, nous avions imaginé cinq ans au début, et finalement le Parlement a fixé la durée de lissage à dix ans - sans que le Gouvernement ne s'y oppose. Après tout, en dix ans, une majorité pourra décider d'asseoir l'impôt local sur d'autres critères que la valeur locative, par exemple en prenant en compte le revenu.

La mise à jour des valeurs locatives devrait être permanente une fois la réforme entrée en vigueur. C'est bien le rôle des commissions des impôts. En effet, les biens sont vendus en moyenne tous les vingt ans. C'est long ! Je sais bien que les communes réunissent plus ou moins fréquemment leurs commissions des impôts, et que les délais de réponse de nos services sont parfois variables.

La révision de la valeur locative des locaux professionnels était un travail de bénédictin. Celle de la valeur locative des locaux d'habitation est le travail d'une nuée de bénédictins ! Il y en a en effet 46 millions : 18,9 millions de maisons individuelles, 16,2 millions d'appartements et 10,9 millions de dépendances isolées.

Les décisions reviendront aux parlementaires, mais devront tenir compte des capacités de nos services. Il serait illusoire de vouloir tout faire en six mois. En tous cas, il faudra procéder à la révision en même temps sur tout le territoire, pour des raisons constitutionnelles.

Lors de la réforme de la DGF, certains avaient déjà indiqué qu'il fallait d'abord réévaluer les valeurs locatives. Lequel de ces deux chantiers est prioritaire ? À mon sens, celui de la DGF, mais il n'a pas été décidé de faire ainsi. Nous avons maintenant devant nous deux difficultés au lieu d'une. Tant pis !

Oui, il y a des disparités. Pour les prendre en compte, des abattements sont aujourd'hui possibles dans certaines zones couvertes par des plans de prévention. Inversement, il peut y avoir la prise en compte d'une nouvelle infrastructure de transport qui accroît la valeur des biens immobiliers. Même si le renchérissement des loyers dans ces secteurs conduira à une augmentation des valeurs locatives, peut-être faut-il prévoir une adaptation systématique dans de telles situations. Sur les logements sociaux, la réponse reviendra au législateur. Pour ma part, après trois ans dans ces fonctions éprouvantes - et que je n'exercerai plus - je pense qu'il convient d'abord d'examiner la question de la contribution des organismes de logements sociaux à la charge foncière. Les dispositifs d'exonération ou de réduction de la taxe foncière dont ils bénéficient sont parfois contestés, car rarement compensés pour les collectivités territoriales. La question se pose à la fois du point de vue des bailleurs sociaux qui paient, mais aussi des collectivités, qui perçoivent le produit de cette imposition. La question est pendante et éminemment politique.

L'approche intercommunale est nécessaire, peut-être, mais des travaux sont déjà menés à l'échelle départementale. Il faudra voir comment harmoniser l'ensemble.

Des gagnants ? Depuis trois ans, on m'explique pour chaque réforme qu'elle fera des perdants. Mais une réforme qui ne ferait que des gagnants coûterait cher à l'État, ou aux collectivités territoriales ! En période de forte croissance, pourquoi pas ? Mais nous n'en sommes pas là. Ce sujet est de plus en plus évoqué par nos concitoyens. Peut-être parce que le poids des impôts locaux est ressenti plus fortement. Souvent, les maisons récentes sont correctement évaluées, ce qui n'est pas toujours le cas de maisons anciennes. Et les différences sont mal vécues.

François Marc, dont la proposition de loi a ouvert ce débat, s'est réjoui de la capacité à agir. Nous avons révisé la valeur locative des locaux professionnels, mené les travaux préparatoires au prélèvement à la source et lancé la révision de la valeur locative des locaux d'habitation. Nous ne nous serons pas tourné les pouces !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Merci. Secrétaire d'État au budget, vous serez venu régulièrement devant nous, nous apportant toujours des explications précises et objectives. Je salue aussi le travail minutieux et permanent de vos services. Au nom de tous mes collègues, merci pour votre franchise, votre humour, votre pédagogie - et merci à votre cabinet pour sa disponibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Nous avons eu des désaccords - parfois, le Sénat a eu raison trop tôt - mais vous avez toujours répondu à nos invitations, et vous nous avez toujours apporté des réponses précises. Nous avons même parfois regretté votre absence ! Merci aussi à vos collaborateurs.

La réunion est close à 17 h 35.