Nous poursuivons ce matin nos travaux sur l'audiovisuel extérieur.
Après avoir auditionné, il y a trois semaines, le directeur général de la Deutsche Welle, nous accueillons le secrétaire général du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, M. Maurice Gourdault-Montagne qui a été chargé de piloter un groupe de travail sur l'avenir de l'audiovisuel public extérieur.
Je rappellerai que la réforme de l'audiovisuel, qui pourrait intervenir au second semestre de cette année, devrait aussi concerner l'audiovisuel extérieur, ne serait-ce que dans ses modalités de gouvernance et de nomination de ses dirigeants.
Les questions du niveau et des modalités du financement de l'audiovisuel extérieur demeurent également des sujets de réflexion. Une véritable course à la maîtrise de l'information a été lancée par des pays comme la Chine et la Russie, qui déploient des moyens considérables.
Face à ce défi géopolitique, notre modèle est questionné. Faut-il renforcer la dimension officielle de l'audiovisuel extérieur ou, au contraire, consacrer son indépendance ? Le choix qui sera fait aura évidemment des conséquences sur les modalités d'exercice de la tutelle et les liens avec le reste de l'audiovisuel public.
Nous vous laissons, monsieur le secrétaire général, nous présenter les réflexions et les propositions de votre groupe de travail. Je donnerai ensuite la parole à mes collègues afin d'approfondir le débat.
Vous avez bien résumé les enjeux, madame la présidente. Votre commission a beaucoup travaillé sur ce sujet. J'ai lu le rapport sur les moyens de réenchanter l'audiovisuel public à l'heure du numérique. Je vais revenir à la fois sur le contexte, les enjeux et les arbitrages à venir, sachant que nous faisons face à la nécessité de faire mieux avec moins de moyens.
La compétition est devenue très forte pour conserver une part d'influence dans le monde. France Médias Monde et TV5 Monde diffusent des programmes dans une quinzaine de langues. Peu de pays font aussi bien dans le monde, si on laisse de côté la Chine, la Russie et la Grande-Bretagne. L'audiovisuel extérieur constitue un relai d'influence politique, culturel et éducatif dans un monde en déconstruction. La France est aujourd'hui encore regardée comme un pays leader. France 24 a été créée pour nous permettre de conserver une place face à CNN, à la BBC et à Deutsche Welle. L'audiovisuel est un maillon essentiel d'un continuum. On ne peut affaiblir un des maillons sans porter atteinte aux autres (Institut français, alliances françaises, lycées français, coopérations scientifiques et universitaires). Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères entretient des relations étroites avec les opérateurs de l'audiovisuel extérieur en siégeant au conseil d'administration de France Médias Monde ou en participant à la délégation des hauts fonctionnaires de TV5 Monde. Il y a 32 attachés audiovisuels dans les ambassades dont l'une des missions est d'appuyer le développement de ces médias à l'étranger.
Les missions de l'audiovisuel extérieur font écho aux priorités de la politique étrangère définies par le Président de la République. L'Afrique est la première priorité. La diffusion de programmes en haoussa, en swahili et en mandingue représente un enjeu stratégique, de même que le projet de diffusion de programmes en peul, ces deux dernières langues étant pratiquées au Sahel, territoire travaillé par la menace terroriste. TV5 Monde bénéficie de 5 millions de vues par mois pour ses contenus numériques en Afrique.
La deuxième priorité est la stabilisation des zones de tensions. Elle demeure particulièrement d'actualité au Moyen-Orient. Par ailleurs, le Président de la République a donné un caractère prioritaire aux thématiques du développement durable et de l'égalité homme/femme. La francophonie aussi reste un enjeu important comme l'a rappelé le chef de l'État lors du sommet d'Erevan. Enfin, le développement numérique est une nécessité afin de mieux s'adresser à la jeunesse. TV5 Monde consacre 12 % de son budget au numérique et France Médias Monde 6 %. 42,7 % des utilisateurs de France Médias Monde accèdent à ses programmes sur un support numérique.
Parmi les priorités de notre diplomatie, il convient également de mentionner la lutte contre les modes de pensées radicalisées, la manipulation de l'information ainsi que l'accompagnement du projet européen. À cet égard, le renforcement de la coopération entre acteurs audiovisuels européens doit être encouragé. C'est le sens des initiatives récentes d'Arte, mais aussi de France Médias Monde et de la Deutsche Welle qui ont été auditionnés par cette commission le 30 janvier dernier.
Nous connaissons aujourd'hui un contexte d'attente renouvelées à l'égard de l'audiovisuel extérieur avant la réforme de l'audiovisuel public qui devrait aussi avoir des conséquences budgétaires. Des économies importantes ont été demandées. Les crédits de France Médias Monde ont baissé de 1,6 million d'euros en 2019 et une baisse supplémentaire de 1,9 million d'euros est attendue sur la période 2020/2022. Les crédits de TV5 Monde sont en baisse de 1,2 million d'euros en 2019. Pour atteindre l'équilibre budgétaire, France Médias Monde a dû renoncer à la diffusion de France 24 sur la TNT en Outre-mer tandis que TV5 Monde prévoit d'arrêter son partenariat avec le Conseil International des Radios Télévisions d'Expression française (CIRTEF) avec l'accord des partenaires, ainsi que la diffusion sur le câble en Grande-Bretagne et en Irlande.
Ce contexte géostratégique a servi de cadre au groupe de travail que j'anime et qui réunit France Médias Monde, TV5 Monde, Arte, l'Institut français et des personnalités comme Catherine Smadja et François Guilbeau, ainsi que Joëlle Garriaud-Maylam pour le Sénat et Pierre-Alain Raphan pour l'Assemblée nationale. L'ensemble de ces acteurs a fait part de ses réflexions afin de mieux cibler les priorités de notre audiovisuel extérieur. Le Premier ministre a par ailleurs confié une mission de réflexion complémentaire à Olivier Courson dont le rapport est attendu pour la fin mars.
Concernant l'idée de rapprocher France Médias Monde et l'Agence française de développement pour permettre au groupe audiovisuel de bénéficier d'un financement complémentaire, des possibilités existent mais elles ne permettront pas de tout résoudre. Un financement au titre de l'aide au développement peut être justifié, pour autant qu'il satisfasse les critères arrêtés lors du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018 et les modalités d'intervention spécifiques de l'AFD. RFI a ainsi créé une émission consacrée au développement durable pouvant répondre à ces critères. 19 pays ont été reconnus comme prioritaires pour bénéficier de l'aide française au développement. En tout état de cause, ce financement n'apportera pas de réponse aux difficultés structurelles de France Médias Monde.
Le groupe de travail a examiné le projet de transformation numérique de Monte Carlo Doualiya (MCD), qui dispose de 28 relais FM, le basculement sur le numérique pouvant être envisagé dès lors que l'accès à internet est garanti. Toutefois il n'est pas exclus de devoir conserver une diffusion hertzienne, l'essentiel étant de pouvoir atteindre notre public. Des synergies sont également envisagées avec la rédaction arabe de France 24 dans le cadre de ce projet de transformation. Une telle décision nécessite en tout état de cause un endossement politique fort.
L'ensemble de ces réflexions sur les priorités de notre audiovisuel extérieur doit aboutir au printemps. Quelques grands principes doivent guider notre action. Nous ne devons pas désarmer face à une concurrence exacerbée de la part de la Chine mais également de la Russie de retour en Afrique. Si nos ambitions sont universelles, nous devons définir les objectifs et différencier nos actions sachant que nous ne pouvons être présents partout avec la même intensité. Il faut donc calibrer l'action en fonction des zones ; universalité n'est pas synonyme d'uniformité.
Nos priorités géographiques restent l'Afrique et le Proche et le Moyen-Orient. Notre politique d'influence doit prioritairement s'exercer à travers la francophonie et en direction des jeunes. Le Moyen-Orient demeure une zone de stabilisation soumise à la pression de la radicalisation islamiste, notre présence à Chypre via notre émetteur constituant de ce point de vue un atout, alors que nous savons que d'autres acteurs comme Al-Jazeera seraient prêts à nous remplacer.
La zone Asie-Pacifique vaste ensemble géographique et démographique, est soumise à l'influence grandissante de la Chine. L'Europe orientale est également un enjeu, à travers la diffusion en Roumanie, porte d'entrée dans les Balkans. En Amérique latine, le succès considérable de France 24 en espagnol pourrait créer un sentiment d'abandon si une décision de retrait était prise. Enfin, la coopération franco-allemande réaffirmée dernièrement à travers le traité d'Aix-la-Chapelle ouvre des perspectives d'actions communes, notamment dans les Balkans. Le comité de suivi de ce traité dont nous avons décidés le principe récemment entre ministère des Affaires étrangères français et allemand, aura à connaître des enjeux relatifs à l'audiovisuel extérieur.
Pour conclure, je souligne qu'aucune décision n'a encore été prise et nous aurons donc besoin de l'éclairage de votre commission. À cet égard, alors que la réforme de l'audiovisuel public aura un impact sur la gouvernance de l'audiovisuel extérieur, il est essentiel que le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères soit dans les organes de décision des nouvelles structures car cela constitue un gage de cohérence de notre action extérieure.
Certains pays comme la Chine développent une politique dynamique en matière d'audiovisuel extérieur tout en limitant très fortement la diffusion des médias étrangers sur leur sol. Que pensez-vous du principe de non-réciprocité en matière d'audiovisuel extérieur ?
On constate qu'il n'y a pas encore de modèle européen en matière d'audiovisuel extérieur. Le financement est porté par la contribution à l'audiovisuel public (CAP) en France, les dotations budgétaires en Allemagne. La Grande-Bretagne marie redevance et aide publique au développement. Par ailleurs, si ce financement est dynamique en Allemagne et en Grande-Bretagne, il est en baisse en France. Ne faudrait-il pas accroître les moyens de l'audiovisuel extérieur quitte à diversifier son financement ?
Les mutualisations entre les entreprises de l'audiovisuel public constituent une des clés de leur avenir afin, en particulier, de procéder à des réallocations de moyens pour développer leurs offres numériques. Est-ce que vous estimez possible d'accroître encore ces mutualisations entre France 24 et France Télévisions, d'une part, et RFI et Radio France, d'autre part ?
L'État s'interroge sur le périmètre de l'audiovisuel extérieur. Des remises en cause sont engagées avec la suppression de la diffusion hertzienne de France Ô et France 4. Pouvez-vous nous rassurer concernant l'avenir de la diffusion hertzienne de la radio Monte Carlo Doualiya ? Car, au-delà des éventuels moyens numériques de diffusion, l'objectif demeure d'atteindre les auditeurs...
Pour compléter la deuxième question de notre collègue, je rappellerai quelques chiffres : le budget de la chaîne internationale allemande Deutsche Welle est de 350 millions, en croissance de 25 millions en 2019, tandis que celui de BBC World s'élève à 430 millions. Ces montants sont à comparer avec le budget cumulé de France Médias Monde et TV5 Monde qui s'établit à 333 millions.
La Chine déploie des moyens sans commune mesure avec les nôtres. La chaîne CCTV diffuse dans de nombreuses langues et couvre l'ensemble du monde.
CCTV est présente en France mais France 24 ne l'est pas en Chine malgré nos multiples demandes. Mais envisager ce problème sous l'angle de la réciprocité est compliqué. Outre que cette notion n'a pas d'écho particulier dans la langue et dans la culture chinoises, les autorités chinoises ont tendance à globaliser les sujets. Toute prise de position, par exemple un refus de diffusion en France d'une télévision chinoise, doit donc s'analyser à cette aune, car elle peut aussi avoir des conséquences en retour, par exemple sur l'exercice de leurs métiers par nos journalistes sur place. L'introduction d'un nouveau média en Chine comme France 24 est cependant une affaire d'un autre niveau, encore plus complexe.
Vous avez cité les trois modèles européens. Nous ne sommes pas très éloignés en termes de moyens mais nous sommes organisés différemment notamment sur le plan des principes budgétaires. Les Allemands ont par exemple un principe de pluriannualité qui sécurise leur financement ; la seule incertitude est liée à la bonne entente entre les « intendants », autrement dit les présidents des différents médias. Au Royaume-Uni, le budget régalien est en baisse dans tous les domaines sauf pour ce qui relève du soft power. Dans ce contexte, la France se doit de préserver ses outils de soft power qui est une dimension essentielle de l'influence aujourd'hui.
Des mutualisations entre France 24 et France Télévisions, d'une part, et RFI et Radio France, d'autre part, sont possibles notamment en ce qui concerne les rédactions. Nous y travaillons. France 24 pourrait ainsi être autorisée à utiliser davantage le travail de France Télévisions.
En ce qui concerne Monte Carlo Doualiya, il nous semble que l'essentiel n'est pas d'être à la pointe de la technologie mais d'atteindre nos publics. Nous faisons en sorte que cela soit possible à travers une étude précise des zones et de la réception selon les zones.
On notera tout de même au regard des enjeux que vous avez mentionnés que l'Allemagne a augmenté le budget de son audiovisuel extérieur, au contraire de la France qui l'a baissé...
Je me réjouis de l'initiative de la commission de la culture de vous entendre Monsieur le secrétaire général. En tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères des crédits de l'audiovisuel extérieur, je crois important que les Affaires étrangères soient au coeur de cette problématique car il en va de la place de la France à l'étranger.
Nous devons mettre fin à cette situation de baisse continue des budgets de l'audiovisuel extérieur. Il est inadmissible que France 24 ne soit plus diffusée dans la région de New-York, lieu emblématique de la diplomatie internationale, pour une économie de 300 000 euros. De nombreux diplomates étrangers ont besoin de la présence de notre langue, qui est aussi le véhicule de nos valeurs. Cela va au-delà de la francophonie.
Dans le cadre du groupe de travail informel que vous présidez et auquel j'ai participé, nous avons examiné les possibilités d'abonder le budget de l'audiovisuel extérieur avec celui de l'aide au développement. Il est vrai que l'agence française du développement (AFD) dispose de lignes budgétaires importantes et qu'un certain nombre d'objectifs sont communs.
Il y a une urgence considérable à rétablir la vocation universelle de la France et l'audiovisuel public extérieur y participe de façon essentielle.
Nous partageons ce plaidoyer. C'est pourquoi nous organisons cette série d'auditions qui nous permettra de bâtir et de présenter des propositions fortes le moment venu pour garantir à l'audiovisuel public extérieur ses moyens.
Selon vous, qui a la tutelle de l'audiovisuel public extérieur ? Celle-ci est partagée entre le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et le ministère de la culture. Mais j'ai l'impression qu'au final c'est le ministère de l'Économie qui décide...
Jean-Pierre Leleux a parlé tout à l'heure de mutualisations des moyens. Je voudrais évoquer ici l'Agence France-Presse (AFP) qui a un réseau très développé à l'étranger et qui réalise un travail audiovisuel important désormais. N'y a-t-il pas des synergies à mettre en place également avec ce média ?
La question de l'audiovisuel extérieur comme vous l'avez souligné participe des politiques régaliennes de l'Etat : l'influence des médias dans le monde est importante. L'Etat a réaffirmé que son objectif était d'atteindre une audience de 150 millions de personnes par jour. Pensez-vous que cela soit compatible avec les restrictions budgétaires et avec le rapprochement entre l'AFD et France Médias Monde ?
Je tiens tout d'abord à relativiser la mesure d'audience effectuée par France Médias Monde et RFI qui sont, comme vous le savez, déclaratives. La vraie question est celle de la stratégie et surtout des objectifs recherchés. Quelle est la vision de France 24 et quelle est sa ligne éditoriale ? Dans certains pays l'audiovisuel extérieur n'est pas en lien avec la politique étrangère française voire, comme au Cambodge, semble soutenir un gouvernement contesté. Il ne faudrait pas que la préservation de l'influence française se fasse au détriment de nos valeurs et au prix de compromissions. Je m'interroge enfin sur la décision prise sans aucune transparence de lancer une antenne de France 24 en espagnol pour un impact probablement faible. Il pourrait être utile d'utiliser les productions de notre audiovisuel public.
Je m'interroge, comme Catherine Dumas, sur le rapprochement entre France Médias Monde et l'AFD. Il ne faudrait pas qu'il se fasse au détriment des missions de l'Agence.
Il me paraît essentiel de valoriser les productions de très grande qualité du service public de l'audiovisuel en recourant à des traductions plutôt que de développer, à grands prix, des programmes locaux. Cela permettrait de mieux faire rayonner la culture française.
Je partage les inquiétudes exprimées sur le financement de l'AFD et je rejoins les propos tenus sur la nécessité de mieux valoriser nos grandes émissions emblématiques à l'étranger. Je peux vous assurer que de nombreux pays de l'Europe de l'Est sont très demandeurs de programmes en français, qu'il faudrait d'ailleurs compléter par des émissions pour la jeunesse.
Pourriez-vous expliciter vos propos sur les conséquences du traité d'Aix-la-Chapelle et son articulation avec la réforme de l'audiovisuel ?
Je crois qu'il est fondamental de défendre l'universalisme de la pensée française, à même d'éviter une monoculture dont nous connaissons tous les conséquences.
Je suis inquiète quant à la transformation numérique de Monte Carlo Doualiya. Les émetteurs FM constituent des biens rares et les abandonner dans des territoires troublés comme l'Irak ou le Soudan revient à les laisser à d'autres que nous. Enfin, je ne suis plus convaincue par la pertinence d'une séparation entre l'Europe occidentale et l'Europe orientale : les récents événements politiques, en Italie, par exemple, ont montré la complexité de la situation.
Vos questions reflètent largement celles que nous nous posons dans le cadre du groupe de travail.
Vous avez évoqué la question de la tutelle, monsieur Laugier. Comme pour toute instance publique, l'influence de Bercy est incontestable. Elle est au demeurant normale puisque nous sommes financés par l'argent du contribuable. Pour le reste, vous savez que France Médias Monde est placé sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. C'est la conséquence de l'accord qui avait été passé au moment de la constitution de l'Institut français : il avait alors été convenu que, en contrepartie d'une présence du ministère de la Culture au conseil d'administration de l'Institut, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ferait partie du conseil d'administration de France Médias Monde. Je trouverais opportun que dans le cadre de la prochaine réforme de l'audiovisuel public, la présence du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères soit maintenue pour profiter de la vision stratégique et de l'expertise qu'il nous apporte en matière de relations internationales.
L'AFP est un outil essentiel de notre diplomatie d'influence car nous sommes l'un des rares pays à posséder une agence de presse de cette envergure. C'est un point sur lequel nous travaillons avec Olivier Courson dans le cadre de la mission qui lui a été confiée. Il y a plusieurs pistes à creuser avec l'AFP : la fourniture d'expertise aux entreprises de presse et de coopération médias avec CFI comme vecteur et la possible coopération de cette agence avec France 24 en Amérique Latine.
Comme l'a souligné Mme Dumas, la mesure de l'audience n'est pas toujours évidente. Nous disposons cependant d'un certain nombre d'éléments chiffrés, qui nous conduisent à affirmer que nous atteignons à peu près 150 millions d'auditeurs. France Médias Monde a 42,7 millions d'utilisateurs numériques. Nous évaluons le nombre de téléspectateurs hebdomadaires de France 24 à 61 millions, sachant que nous connaissons la mesure de l'audience dans 67 pays et que cette chaîne est diffusée dans 183 pays. RFI a 40,7 millions d'auditeurs dans 37 pays. Monte-Carlo Doualiya a 5,5 millions d'auditeurs. Nous savons que notre audience progresse non seulement de manière constante, mais également dans des proportions considérables, preuve qu'il existe une demande de France et de pensée française de par le monde. C'est la raison pour laquelle nous voulons faire mieux et plus.
Monsieur Gattolin, vous avez parlé de la ligne éditoriale de l'audiovisuel extérieur. Nous ne tenons pas la plume des journalistes. Par ailleurs, si nous faisions de l'opposition systématique aux pouvoirs en place, nous perdrions probablement nos droits de diffusion. Nous pensons que l'essentiel est d'être présent, de donner à entendre du français, bref de disposer d'un média français qui diffuse plus ou moins la pensée et la vision françaises, même si je reconnais que ce n'est pas toujours parfait. Sans cela, il est évident que la place sera récupérée par d'autres médias, qui ne diffuseront rien, ni de notre pensée, ni de notre vision.
Parler d'un rapprochement de France Médias Monde avec l'AFD est sans doute un peu abusif. Vous m'interrogez à juste titre sur ce point, madame Robert. Il est vrai que l'AFD est doté de très gros moyens pour permettre la montée en puissance de l'aide publique au développement à 0,55 % du revenu national brut d'ici 2022. Elle se situe à 0,38 %, ce qui montre l'ampleur du rattrapage à effectuer. Pour autant, seules les actions qui entrent dans le cadre des critères définis par le CICID pourront bénéficier de cette manne financière. Ce serait une erreur de penser que l'APD peut être le remède aux difficultés budgétaires de France Médias Monde. Le Président de la République a clairement indiqué qu'il ne souhaitait pas d'effets de bord. Ce n'est pas le métier de l'AFD de faire de la diffusion audiovisuelle, même s'il peut y avoir des recoupements sur un certain nombre de sujets.
Vous avez raison, madame Darcos, de vanter la qualité des programmes de France Télévisions. Parmi les pistes que Mme Saragosse explore, il y a la possibilité de rapprocher les rédactions et les équipes qui produisent ce type de programmes.
Mme Blondin souligne à juste titre l'intérêt pour la France dans les Balkans. La demande de France y est d'autant plus forte qu'il y a dans cette région un véritable besoin de diversifier les sources de culture. Je note avec intérêt votre proposition de programmes pour la jeunesse plus ciblés.
Le traité d'Aix-La-Chapelle, au sujet duquel M. Lafon m'interroge, nous offre des possibilités de coopérations renforcées en matière audiovisuelle, avec davantage de coproductions entre ARD, ZDF et la télévision française, la possibilité d'étendre la plateforme VOD Arte Europe, ou encore l'échange d'informations entre France Médias Monde et Deutsche Welle. Nous avons été sollicités concernant la Turquie, Peter Limbourg étant demandeur d'un travail commun avec France Médias Monde.
Je vous remercie, M. Ouzoulias, d'avoir fait référence à l'universalité de la pensée française. Je suis convaincu que le monde est aujourd'hui en quête de souffle et que la pensée française peut contribuer à réconcilier le genre humain. Le besoin de France est présent partout dans le monde. Notre regard est recherché. Nous sommes particulièrement attendus pour aider à former la jeunesse. Je me félicite que votre commission de la culture en ait conscience.
En réponse à la question de Mme Morin-Desailly sur Monte-Carlo Doualiya, il est indispensable que nous disposions au préalable d'une bonne cartographie des stations FM que nous souhaitons conserver et de celles que nous pouvons supprimer en fonction de la couverture numérique car toute perte d'une station FM sera définitive. Nous ne sommes pas arrivés aujourd'hui au bout de notre réflexion sur cette question et n'avons pris aucune décision.
Faut-il parler d'Europe orientale et occidentale ? Il n'y a qu'une seule Europe, même s'il faut reconnaître que nous avons connu des histoires différentes. C'est pourquoi nous devons adapter nos moyens à ces zones et ne pas perdre de vue l'Europe orientale, qui fait partie de la famille européenne. Vous aurez noté le déploiement de la diplomatie française avant les élections européennes dans ces pays, qui doit être appuyé par des moyens audiovisuels.
J'entends vos propos, mais reconnaissez aussi que nous sommes entrés dans une guerre froide des médias à laquelle il faut prendre garde.
Je ne partage pas la position exprimée par André Gattolin sur France 24 en espagnol. Pour avoir récemment voyagé en Amérique latine, j'ai pu observer l'importance stratégique de cette présence sur le terrain. Le budget qui y est consacré me paraît raisonnable dans ces conditions.
Lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, nous avons été nombreux à regretter que l'on demande le même effort financier à France Médias Monde qu'aux deux autres grands groupes audiovisuels, compte tenu des réformes lourdes déjà engagées et du besoin de présence française à l'international. Nous avons le sentiment qu'on nous demande d'agir à contrecourant de ce que font nos voisins européens, manifestement plus conscients du rôle de l'audiovisuel extérieur pour la diplomatie d'influence. Nous serons très vigilants sur ce point à l'occasion de l'examen du futur projet de loi sur l'audiovisuel.
La réunion est close à 10 h 30.
EXAMEN DU RAPPORT
Notre rapporteur Antoine Karam va nous rappeler les circonstances du dépôt de la proposition de loi en faveur de l'engagement associatif.
Déposée le 4 avril 2018 par M. Waserman et ses collègues du groupe MODEM, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 17 mai 2018. Le groupe La République en marche, auquel je suis apparenté, a demandé son inscription à l'ordre du jour du Sénat le 6 mars 2019, au sein de son espace réservé.
Elle a pour objet « d'encourager la prise de responsabilité associative et de tenir compte de la réalité du monde associatif et de ses fortes contraintes » et d'« inciter la jeunesse à entrer dans le mouvement associatif ». Elle comportait à l'origine deux articles, auxquels les députés ont ajouté deux articles.
Il s'agit d'un texte modeste - plus encore que son intitulé ne le laisserait penser - qui contient quelques mesures bienvenues en faveur des associations et de l'engagement bénévole ; mais il n'a pas vocation à résoudre toutes les difficultés du monde associatif. Nous connaissons tous les défis auxquels celui-ci est confronté et sommes tous convaincus de son importance. Beaucoup d'entre nous ont été responsables bénévoles d'associations. Les 1,3 million d'associations, leurs 13 millions de bénévoles et leurs 1,8 million de salariés jouent un rôle indéniable dans le tissu social de notre pays.
Les associations connaissent une conjoncture difficile sur le plan financier, plusieurs mesures récentes leur ayant été défavorables, tels que la réduction brutale du nombre de contrats aidés, dont le rapport d'information de nos collègues Jacques-Bernard Magner et Alain Dufaut avait bien montré les enjeux et les implications ; la suppression de la réserve parlementaire ; ainsi que plusieurs mesures fiscales qui ont pu contribuer à une réduction des dons : transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités et mise en oeuvre du prélèvement à la source.
Toutefois, les allégements de cotisations sociales sur les salaires qui entrent en vigueur en 2019 devraient desserrer l'étau qui pèse sur les associations et redonner des perspectives d'embauche.
La question financière ne doit pas masquer le fait que la principale préoccupation du secteur associatif est et demeure la ressource bénévole, notamment le renouvellement des dirigeants bénévoles.
Exercer à titre bénévole des responsabilités dans une association s'accompagne souvent de sacrifices professionnels et familiaux considérables. Cela exige des compétences de tous ordres, notamment de droit et de gestion. En outre, les actes faits au nom de l'association engagent la responsabilité du dirigeant.
Par ses quatre mesures, cette proposition de loi entend favoriser l'engagement dans les associations, y compris l'exercice de responsabilités. L'article 1er entend atténuer la responsabilité des dirigeants d'association en cas de faute de gestion ayant conduit à la liquidation de l'association. L'article L. 651-2 du code de commerce prévoit la possibilité de sanctionner financièrement le dirigeant d'une personne morale de droit privé en liquidation judiciaire si celui-ci a commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant entraîné une insuffisance de l'actif. Afin de réduire le caractère infamant des procédures collectives et de ne pas décourager l'entrepreneuriat, la loi du 9 décembre 2016, dite Sapin II, prévoit que la simple négligence ne peut aboutir à engager la responsabilité du dirigeant, en précisant qu'il s'agissait d'une faute dans la gestion de la société. Cette approximation de la rédaction exclut les dirigeants d'association du bénéfice de cette « exception de négligence », ce qui est très surprenant. Le I de l'article 1er répare cette erreur en étendant à l'ensemble des personnes morales de droit privé l'exclusion de la responsabilité en cas de simple négligence.
Le II de l'article 1er complète l'article L. 651-2 du code du commerce pour préciser que, pour la mise en oeuvre de cette procédure, il est tenu compte de la qualité de bénévole du dirigeant. Précisons toutefois que la jurisprudence prend déjà en compte la situation du dirigeant et ses conditions d'exercice pour caractériser l'existence d'une faute de gestion, de sorte que la précision proposée ne revêt pas une portée majeure.
Introduit par nos collègues de l'Assemblée nationale en commission, l'article 1er bis prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur l'opportunité d'affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d'affectation spéciale au bénéfice du fonds pour le développement de la vie associative. Il reprend le dispositif de l'article 48 de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté, qui avait été censuré pour des raisons de forme par le Conseil constitutionnel.
Je connais la pratique constante de notre commission et de notre assemblée s'agissant des demandes de rapport au Gouvernement. Toutefois, je vous proposerai de conserver cet article, le sujet revêtant une technicité particulière car nécessitant d'identifier très précisément les comptes des associations parmi les comptes inactifs.
L'article 2 de la proposition de loi modifie l'article L. 312-15 du code de l'éducation relatif à l'enseignement moral et civique. Il étend la sensibilisation au service civique auprès des élèves de collège et de lycée à la vie associative. Il a été complété par les députés pour prévoir une sensibilisation à la vie associative dès la classe de CM2 ainsi que l'édition et la diffusion, par le ministère, d'un livret destiné à la communauté éducative, pour faire mieux connaître le milieu associatif et les liens qui peuvent être créés entre associations et établissements scolaires.
Enfin, l'article 3 répare un oubli du législateur s'agissant des conditions d'accès au service civique. Celui-ci a été progressivement étendu aux étrangers de 16 ans et plus en situation régulière ainsi qu'aux réfugiés reconnus comme tels. Mais l'article L. 120-4 du code du service national ne vise que les titres de séjour délivrés en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Or le séjour des ressortissants algériens en France est régi quasi-intégralement par un accord bilatéral, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. L'article 3 corrige cette erreur en ouvrant le service civique aux Algériens séjournant de manière régulière sur le territoire français.
Ce texte modeste porte des modifications bienvenues en faveur des associations. J'ai confiance en la capacité de notre assemblée à l'enrichir ; mes amendements ont d'abord pour but d'en améliorer la rédaction.
Je félicite le rapporteur et souhaite apporter un éclairage à notre réflexion. Tous les élus locaux observent les évolutions de la vie associative depuis quarante ans, à l'occasion des forums des associations notamment. Or le monde associatif est toujours en avance sur le politique quant à la perception de la société. Il y a trente ou quarante ans, c'était surtout le Rotary ou la jeune chambre économique qui étaient mis en avant. Aujourd'hui, ce sont plutôt les associations humanitaires, environnementales, sociales. Nous devons prendre en compte ces mutations, si ce n'est dans la loi, au moins dans notre réflexion.
Il existe plusieurs catégories d'associations, or elles bénéficient d'un même statut. Comment faire la distinction entre les associations de pêche à la ligne, de rugby ou de bridge et les monstres comptant des centaines de salariés ?
Merci au rapporteur pour ses précisions et pour son humilité quant à l'impact de ce texte, qui n'apporte pas d'élément très nouveau à un monde associatif en difficulté à cause de la baisse des emplois aidés et des moyens tels que la réserve parlementaire. Depuis sa suppression, les préfets nous invitent à des réunions afin de connaître la destination des fonds aux associations.
Je remercie le Président de la République pour les 15 millions d'euros destinés au monde associatif. Disposer de moyens supplémentaires est toujours important.
La loi Sapin II, en ne mentionnant pas les responsables associatifs, était peut-être insuffisante. Jusqu'à présent, aucun tribunal n'a condamné de bénévole pour une erreur de gestion mais ce qui va sans dire va toujours mieux en le disant.
On va enfin trouver une solution au serpent de mer que sont les comptes inactifs - M. Gabriel Attal l'avait confirmé au Sénat. Le montant total des sommes est méconnu mais atteint sans doute plusieurs millions d'euros. Nous avons également déposé un amendement fournissant des moyens matériels supplémentaires.
La mesure concernant le service civique est très bienvenue, mais le développement de ce dernier risque d'être perturbé par la création du service national universel, alors qu'il donne satisfaction à beaucoup de jeunes.
Le groupe socialiste et républicain soutiendra cette proposition de loi.
M. Karam a bien explicité cette proposition de loi un peu décevante car peu riche - néanmoins nous approuvons ce qu'elle contient.
Certes, nous sommes invités par les préfets à connaître les subventions aux associations, mais quel intérêt cela a-t-il, s'il n'y a rien à distribuer !
Les résistances de la rapporteure de l'Assemblée nationale à tout changement au texte ont été à la limite de l'obstruction. Je ne doute pas que M. Karam sera davantage à l'écoute.
En matière de formation des bénévoles et d'encadrement juridique des associations, faut-il prévoir la remise par la préfecture d'un guide de bonnes pratiques ? La mission commune d'information sur les abus sexuels sur les mineurs remet en question le statut des encadrants, notamment bénévoles. Nous pourrions saisir l'occasion de cette proposition de loi pour aborder ce sujet.
On ne peut qu'être d'accord avec l'élargissement des dispositions de la loi Sapin II aux dirigeants d'associations.
Je voudrais aussi évoquer la réduction d'impôt sur le revenu au titre des frais de déplacement des bénévoles. Est-ce utile ?
Je félicite le rapporteur, qui a souligné les problèmes de la vie associative. Les Français traversent une crise de la citoyenneté. À l'écoute des débats citoyens, on constate une grande ignorance de la vie sociale et citoyenne. On entend aussi des regrets quant à la formation scolaire, à l'instruction civique. Mais il faudrait que les jeunes soient également familiarisés à l'action associative. Nous sommes nombreux, au sein de notre commission, à nous être impliqués dans la vie associative avant d'aborder la vie politique.
Il faudrait que les élèves soient formés au civisme et que les bénévoles associatifs puissent intervenir davantage en milieu scolaire, or ceux-ci sont de moins en moins nombreux. Les jeunes pourraient s'intéresser à ces activités ! La vie associative est méconnue des citoyens : redonnons-lui un élan, avec cette proposition de loi.
Merci à M. Karam pour son rapport. Je rejoins les propos de Colette Mélot. On constate une crise de l'engagement. L'engagement politique est souvent précédé par l'engagement associatif et le bénévolat. Il faut absolument l'encourager, avant 2020. C'est ainsi que nous régénérerons la politique. Les associations, qui poursuivent des objectifs très différents - culturels, cultuels, sportifs ou environnementaux - constituent un vivier pour les corps intermédiaires et la bonne santé de notre débat public.
De nombreuses associations remplissent des missions de service public. La majorité de celles qui viennent en aide aux femmes ont des missions de plus en plus complexes et ont besoin de moyens financiers pérennes. La suppression de la réserve parlementaire et de subventions de long terme mettent en danger le secteur associatif. Des financements pérennes accroîtraient l'engagement.
Je félicite le rapporteur, qui a souligné le caractère modeste voire décevant de cette proposition de loi au regard de la crise du monde associatif. Comme mes collègues, je voudrais évoquer la crise de la citoyenneté. Avant de trouver des élus bénévoles, il faut trouver des bénévoles associatifs.
Cela n'exonère pas le monde associatif d'une interrogation sur les doublons, voire les triplons. Parfois, en raison de conflits humains, certains créent une deuxième association pour le même objet, ce qui tarit la source de bénévoles.
L'article 2 alourdit le code de l'éducation, ce qui m'interpelle toujours. Le CM2 est-il la bonne classe pour sensibiliser à la vie associative ? Qu'est-ce que cela recouvre ? Cela relève-t-il du domaine législatif ? L'école doit d'abord se concentrer sur les savoirs fondamentaux. La sensibilisation à la vie associative ne doit pas se faire au détriment d'autres enseignements.
Nous parlons tous de la crise du bénévolat, auquel cette proposition de loi ne répond pas totalement. N'est-elle pas l'occasion de traiter de la formation des bénévoles occupant des postes à responsabilité, tels que président ou trésorier d'association ? Ils ont une responsabilité juridique, pénale et financière importante. Aujourd'hui, certains bénévoles se forment pendant leurs congés. Les élus politiques peuvent suivre des formations dans le cadre de leurs fonctions. Pourquoi ne pas faire de même pour les bénévoles associatifs, dès lors que la formation est dispensée par un organisme agréé ? Les bénévoles pourraient jouir d'un droit à congé pour formation auprès de leur employeur. Ce serait une reconnaissance de leur engagement. Nous nous rapprocherons du rapporteur pour déposer un amendement en ce sens.
Le monde et la société changent, tout comme le comportement de nos concitoyens, plus consommateurs qu'acteurs des associations. Le bénévolat connaît une véritable crise chez les jeunes, qui s'engagent ponctuellement et non dans la durée. C'est regrettable car cette attitude met en péril la pérennité des associations, en raison du manque de renouvellement des cadres bénévoles, qui s'ajoute au manque de moyens financiers.
Je sais gré au rapporteur d'enrichir la proposition de loi. Je m'inscris dans le sillon de Mme Billon et partage son excellent discours. On discute de la loi de 1901 mais aussi de celle de 1905 qui constituent toutes deux le socle républicain de notre démocratie. Je souhaite que nous y travaillions de façon constructive. Le pays est en difficulté. Reposons-nous la question de la refondation de notre République.
Nous venons du tissu associatif et ne sommes pas des ingrats. C'est à ce titre que j'ai repris cette proposition de loi à mon compte et souhaité l'enrichir. Le bénévolat est comme un citron : on le presse puis on le jette et on oublie qui en a fait partie. Mais il nous aura aidés à exister. Pour moi, la vie associative a été un tremplin vers la politique. Je ne dis jamais que je suis un élu, mais un militant. C'est une mentalité importante à conserver. On ne doit jamais oublier d'où l'on vient.
M. Leleux a raison de dire que tout change et que les associations ont un don d'anticipation. En Guyane, ce sont les associations qui ont réclamé pendant deux mois et demi ce qui s'est concrétisé dans les accords de Guyane. Les élus ont presque été mis à la marge. Soit l'on se vexait, soit l'on acceptait. Moi, j'ai accepté, pour avancer. Les associations ont une force telle que les partis politiques sont affaiblis.
Je m'inscris en faux contre les accusations de clientélisme à l'égard de la réserve parlementaire. Nous avons souvent plus aidé ceux qui étaient contre nous que ceux qui étaient de notre côté. Attribuer une subvention de 2 000 ou 3 000 euros représente un geste fort. Personnellement, je me refuse à aller chez le préfet car c'est la tentation de la recentralisation.
Nous débattrons des comptes inactifs lors de l'examen des amendements.
Madame Laborde, il faut en effet former les bénévoles. Quand ils dérivent, c'est souvent parce qu'ils n'ont que leur bon sens et leur envie mais ne maîtrisent pas la matière. Dans ce monde de plus en plus complexe, les associations cherchent à se professionnaliser. J'ai manifesté contre la suppression des emplois aidés qui ont rendu service à des associations.
Madame Mélot, en effet, il existe une vraie crise de la citoyenneté. Il faut intervenir en milieu scolaire. Moi qui ai été enseignant, je ne suis pas un farouche partisan de la sensibilisation en CM2. Cela doit rester à l'appréciation des enseignants.
Mme Billon a parlé de la crise de l'engagement. J'ai moi-même évoqué l'engagement associatif qui propulse vers l'engagement politique.
Soyons prudents sur la formation des bénévoles, car il faut un dispositif pour libérer du temps, comme cela existe pour les cadres syndicaux. Je suis intéressé par la proposition de M. Savin.
M. Manable a souligné que les changements devaient être pris en compte au plus haut niveau. Les jeunes participent à des associations de fait. Ils règlent leurs problèmes sans s'inscrire dans des associations structurées. Notre rôle est de les pousser vers ces dernières.
Merci à M. Ouzoulias qui a proposé d'enrichir le texte en séance.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article(s) additionnel(s) après l'article 1er
Afin d'encourager le mécénat des entreprises de moins de 250 salariés, l'amendement COM-5 modifie le calcul de la réduction d'impôt sur les sociétés au titre du mécénat. Il introduit une franchise de 10 000 euros en-deçà de laquelle le plafond de 5 %o du chiffre d'affaires ne trouve pas à s'appliquer. L'article 148 de la loi de finances initiale pour 2019 prévoit déjà l'entrée en vigueur, le 31 décembre 2019, de cette mesure pour l'ensemble des sociétés. Avis défavorable à cet amendement, satisfait par le droit existant.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
L'amendement COM-6 porte à vingt le nombre de salariés en-deçà duquel une association peut bénéficier de l'offre de service « emploi associations ». Appelé « Impact Emploi », ce dispositif prévu à l'article L. 133-5-1 du code de la sécurité sociale permet actuellement la prise en charge, par un tiers conventionné, des formalités liées à l'emploi d'un salarié pour les associations employant jusqu'à dix salariés à temps plein. Cette offre de service est payante. Il s'agit d'une des mesures présentées par le Gouvernement dans sa feuille de route pour développer la vie associative. Avis favorable.
L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.
L'amendement COM-7 assure la prise en compte de la qualité de bénévole du dirigeant associatif en matière de responsabilité pénale. J'y suis défavorable. Autant le caractère bénévole de l'exercice peut justifier de tempérer la responsabilité financière en cas de mauvaise gestion, autant on ne peut imaginer qu'elle soit à la décharge du responsable s'il commet un crime ou un délit.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
L'amendement COM-8 autorise un demandeur d'emploi à accomplir une activité bénévole au sein d'une association ayant été préalablement son employeur. Aujourd'hui, le code du travail autorise tout demandeur d'emploi à exercer une activité bénévole mais l'interdit expressément auprès de l'employeur précédent, afin d'éviter un effet de substitution à l'emploi ou de rémunération par l'assurance chômage. Il ne me semble pas prudent de revenir sur cette disposition : ce serait ouvrir un risque considérable de fraude et de travail dissimulé. Nous sommes tous convaincus de l'importance des associations et du bénévolat, mais ne soyons pas naïfs.
L'amendement COM-8 n'est pas adopté.
L'amendement COM-14 rectifié ter de notre collègue Catherine Troendlé ne supprime pas la déclaration unique d'embauche pour les contrats courts mais exonère de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) les indemnités perçues par des personnes employées de manière ponctuelle, lors des manifestations de bienfaisance ou de soutien qui sont organisées par des associations ou des organismes d'intérêt général. Ces dispositions ne visant pas des bénévoles mais des salariés ponctuels, je suis sceptique sur la nécessité et la proportionnalité d'une telle niche sociale. En outre, sont visées des associations importantes qui tirent un revenu souvent conséquent de ces manifestations. Avis défavorable.
Cet amendement concerne une tâche particulièrement chronophage pour les gestionnaires qui sont le plus souvent bénévoles. L'amendement introduit la limite de six manifestations par an. Les tâches concernées sont le gardiennage de parking ou l'accueil aux toilettes, c'est-à-dire des contrats de quelques heures.
L'amendement COM-14 n'est pas adopté.
Article 1er bis (nouveau)
Mon amendement COM-1, identique à l'amendement COM-4, corrige une erreur matérielle. Il prévoit que la remise du rapport prévu par le présent article aura lieu dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
Les amendements COM-1 et COM-4 sont adoptés.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 1er bis (nouveau)
L'amendement COM-15 rectifié modifie les missions de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) pour prévoir qu'elle pourra mettre à disposition d'associations reconnues d'intérêt général des biens immobiliers saisis dans le cadre d'une procédure pénale.
J'y suis défavorable. L'État propriétaire dispose de la plénitude du droit de propriété et peut décider de confier la gestion de ses biens à la structure qu'il souhaite, sur un fondement contractuel, sans qu'il soit nécessaire de le prévoir dans la loi. Sur le fond, cet article fait courir un risque financier aux associations : la gestion d'un bien immobilier nécessite un savoir-faire et une expertise, d'autant que ces biens risquent de présenter des difficultés en ce qu'ils n'auront pas fait l'objet d'une mise à disposition préalable à un service de l'État ou d'une vente. Enfin, ce choix pourrait être préjudiciable aux victimes et aux parties civiles, puisque l'article 706-164 du code de procédure pénale leur permet d'obtenir que les sommes qui leur ont été accordées à titre de dommages et intérêts leur soient prioritairement payées à partir des biens confisqués à l'auteur de l'infraction. Retrait ou avis défavorable.
Nous avons déposé cet amendement car en matière de comptes inactifs, il faut aborder les choses longtemps à l'avance pour qu'elles deviennent réalité. Si un local est disponible, pourquoi ne pas en donner l'usage à des associations qui en font la demande ? J'entends les arguments du rapporteur : je retire l'amendement, quitte à ce que mes cosignataires le défendent en séance.
Tout ce qui concerne les domaines culturel et cultuel doit être vérifié.
L'amendement COM-15 est retiré.
Article 2
Mon amendement COM-16 rend les dispositions de l'article 2 applicables à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
L'amendement COM-16 est adopté.
L'amendement COM-9 prévoit que le livret édité et diffusé par l'Éducation nationale afin de promouvoir l'engagement associatif présente le passeport bénévole, mis au point par France Bénévolat, qui en possède les droits et le vend au prix de deux euros. Outre le problème de principe, qui consiste à promouvoir un ouvrage payant, je ne vois pas l'intérêt de conférer à ce document une reconnaissance législative, ce qui encombrerait un article de loi déjà suffisamment bavard. Avis défavorable.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3 (nouveau)
L'amendement rédactionnel COM-17 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 3 (nouveau)
L'amendement COM-2 rectifié reprend une proposition de loi déposée en janvier par notre collègue Roger Karoutchi. Il modifie le mode de calcul de la limite du nombre de stagiaires que peuvent accueillir les associations relevant de la loi de 1901. Il souffre d'une contradiction, en exemptant de cette limite les stages inférieurs à deux mois, alors que le dispositif exempte les stages de plus de deux mois. Je vois également dans cette proposition le risque d'une multiplication des stages et de leur substitution à l'emploi. Je propose de retravailler cette idée avec M. Karoutchi avant la séance publique. En attendant, j'émets un avis défavorable.
Compte tenu des observations de notre rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
J'entends que le rapporteur souhaite rediscuter. Cet amendement apporte un plus au monde associatif. Je propose de le maintenir et nous verrons qu'en faire à l'issue des discussions.
L'amendement COM-2 rectifié est adopté et devient article additionnel.
L'amendement COM-10 rectifié reprend deux articles de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, adoptés par les deux assemblées mais censurés par le Conseil constitutionnel comme cavaliers législatifs. Il organise une procédure de saisine du préfet par les associations afin d'obtenir la reconnaissance du caractère d'intérêt général, qui ne procède aujourd'hui que de la seule administration fiscale. Avis favorable.
L'amendement COM-10 rectifié est adopté et devient article additionnel.
Je suis défavorable à l'amendement COM-11 rectifié qui instaure une réduction d'impôt sur le revenu au profit des bénévoles exerçant dans une association ou un organisme d'intérêt général. Cette réduction serait de cinq euros par heure d'activité au-delà de vingt heures annuelles.
Je comprends l'intention - récompenser l'engagement associatif - ; néanmoins l'amendement me pose un problème de principe : le bénévolat s'exerce sans contrepartie. Une réduction d'impôt, même symbolique, dénaturerait la force et la beauté de cet engagement. La mesure se traduirait en outre par un accroissement de la charge administrative des associations, alors que l'on cherche à leur simplifier la vie. Elle créerait une inégalité entre les personnes soumises à l'impôt sur le revenu, éligibles, et celles qui ne le sont pas, créant un clivage malsain entre bénévoles. Enfin, le contrôle de l'activité des bénévoles serait quasi impossible : adopter l'amendement ouvrirait donc la porte à toutes les fraudes. Avis défavorable.
L'amendement n° COM-11 n'est pas adopté.
L'amendement COM-12 exonère de contributions et de cotisations les revenus tirés d'une activité bénévole, or celle-ci, par définition, ne donne lieu à aucune contrepartie financière. Voulons-nous légitimer des pratiques de travail dissimulé ? Avis défavorable !
L'amendement n° COM-12 n'est pas adopté.
L'amendement COM-13 est déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.
La proposition de loi est adoptée à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 11 h 40.