Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat ainsi que sur les réseaux sociaux. Elle sera suivie, dans un second temps, par l'examen du rapport de nos collègues Sonia de la Provôté et Michel Dagbert.
Il y a un an, le toit de la Cathédrale Notre-Dame de Paris brûlait sous nos yeux. Témoin précieux de notre histoire, de nos valeurs, de nos prouesses techniques, c'est un symbole de notre patrimoine qui a été touché. Chacun se souvient de là où il ou elle était au moment de la nouvelle. J'étais personnellement en mission à Brazzaville et j'en ai pleuré ce soir-là. La mobilisation exceptionnelle des Français, des citoyens, des entreprises, des associations, des collectivités et de l'État qui a suivi ce drame montre que tous aiment leur patrimoine et que l'on y voit bien plus que de « vieilles pierres ». Pour tous, cela porte une symbolique très profonde au niveau de notre histoire, de notre civilisation, de notre chair. Vous le dites avec justesse dans votre livre, cher Stéphane Bern : « le patrimoine est une passion française ».
Et pour cause : notre pays possède un patrimoine inestimable. Je le dis devant un amoureux du patrimoine qui fait découvrir à nos concitoyens, sur les chaines du service public mais également sur les radios et d'autres médias, tous ces joyaux que nos territoires abritent.
Cher Stéphane Bern, soyez donc le bienvenu ce matin en visioconférence. Nous sommes nombreux pour vous écouter. Nous sommes en contact depuis plusieurs mois, depuis que nous avons décidé de réaliser un rapport d'information sur les enjeux du patrimoine dans les collectivités territoriales.
Je propose que vous exposiez, si vous le voulez bien, en propos liminaire, votre mission en faveur du patrimoine, confiée par le Président de la République en 2017, notamment dans le cadre du Loto du patrimoine. Vous pourriez nous présenter ses réussites et ses échecs. Nous aimerions connaître votre sentiment sur ce « patrimoine de proximité » souvent oublié, alors qu'il compte des chefs-d'oeuvre architecturaux... et qui mérite d'être sauvé lui aussi ! La crise sanitaire a plongé des milliers de propriétaires dans une situation extrêmement difficile : sans visiteurs, ils ne peuvent plus faire face à leurs charges. Les chantiers sont à l'arrêt. Cela constitue un danger pour notre patrimoine de proximité qui représente 500 000 emplois en France, ce qui n'est pas rien !
Je précise que j'ai souhaité inviter à cette audition la Présidente de la commission de la Culture, Mme Catherine Morin-Desailly, que vous connaissez bien, que je salue et à qui je vais céder la parole juste avant que nous vous écoutions.
Comme vous le savez, la présentation du rapport de la délégation suivra cette audition. Sans dévoiler l'intégralité des propositions des rapporteurs, figure parmi elles la suppression de l'ensemble des taxes pesant sur le Loto du patrimoine, suppression que nous avons maintes fois défendue au Sénat contre l'avis du Gouvernement et des députés.
Je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir invitée. Je suis très heureuse de retrouver notre ami Stéphane Bern, désormais un familier du Sénat. Je tenais à le remercier pour son engagement inconditionnel, courageux et sans failles pour cette belle cause que nous partageons tous qui est notre patrimoine.
Notre commission a naturellement eu à suivre cette belle opération, lancée il y a environ trois ans, que constitue le Loto du patrimoine. Nous avons pu en mesurer le succès, grâce au charisme, à l'abnégation et à la profonde gentillesse de Stéphane Bern. Nous lui en sommes tous, bien sûr, reconnaissants. Afin de contextualiser cette audition, je voudrais souligner à quel point la cause du patrimoine est intrinsèquement au coeur des compétences de notre commission. Nous avons été extrêmement mobilisés sur les derniers textes de lois débattus au Parlement et j'ai la fierté de dire à quel point le Sénat a pesé dans l'élaboration de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Dans le cadre de cette loi, avec mes collègues rapporteurs Françoise Férat et Jean-Pierre Leleux, nous avions tenu à la fois à simplifier et moderniser le système de protection du patrimoine, tout en étant très attentifs à ce que les mesures de protection demeurent réelles. Je rappelle, avec beaucoup de fierté, que nous devons au Sénat l'appellation de « sites patrimoniaux remarquables », comme nous avions retravaillé le texte en profondeur pour donner la part belle aux élus locaux présents dans nos territoires. Depuis l'application de cette loi, ce sont des élus locaux qui président les commissions régionales de l'architecture et du patrimoine. J'ai la chance de mesurer moi-même cette implication dans la région Normandie. Un parlementaire préside également la commission nationale de l'architecture et du patrimoine.
J'ai tenu à ce qu'un an après l'installation de ces commissions, nous puissions les réunir au Sénat pour dresser le bilan de leurs travaux. Vous savez que leur rôle est essentiel, notamment dans le cadre du règlement des différends qui peuvent opposer les maires aux Architectes des bâtiments de France (ABF), sujet longuement évoqué lors de la loi ELAN. Le bilan en la matière est excellent et, dans la plupart des cas, ces différends peuvent tout à fait se régler.
Je tiens également à souligner à quel point, dans notre commission, nous mesurons les difficultés financières, techniques et administratives que rencontrent les élus dans la conservation du patrimoine dont ils ont la charge. Il faut noter que dans la loi de finances actuelle, les crédits d'État consacrés aux monuments historiques dont il n'est pas propriétaire étaient en baisse de manière relativement importante. C'est un souci car concomitamment est intervenue cette décision, dans le cadre de la loi qui régit le mécénat, d'abaisser le seuil de déduction. Par ailleurs, la suppression de la réserve parlementaire nous oblige à nous mobiliser pour trouver d'autres moyens.
C'est dans ce contexte que notre collègue Dominique Vérien a déposé une proposition de loi pour permettre d'élargir les possibilités d'action de la Fondation du patrimoine, qu'elle puisse intervenir un peu plus largement tout en conservant naturellement son rôle essentiel et premier de soutien au patrimoine rural. L'examen de cette proposition de loi est malheureusement suspendu, alors qu'elle devait revenir en seconde lecture au Sénat, en raison de la crise sanitaire et de son impact sur l'ordre du jour.
Cette crise sanitaire frappe de plein fouet nombre d'entreprises, nos musées, nos parcs, nos jardins, nos monuments, qui sont fermés, des métiers comme les architectes, les conservateurs et restaurateurs. Je tiens à dire que notre commission a immédiatement mis en place un groupe de travail, cher Stéphane, dont j'ai confié l'animation à Alain Schmitz, rapporteur sur la loi Notre-Dame, afin qu'il veille à ce que, dans le cadre du plan de relance annoncé par le Gouvernement, on n'oublie pas le patrimoine. Nous avons entendu le Président de la République s'adresser au monde de la culture, et notamment au spectacle vivant, mais il ne faudrait pas que le patrimoine soit oublié à la fois dans le plan d'urgence mais aussi dans le plan de relance. Cela serait très regrettable et je sais que c'est un combat dont vous saurez vous emparer, comme vous l'avez d'ores et déjà annoncé. Nous sommes donc très heureux de vous entendre dans le cadre des travaux de la délégation aux collectivités territoriales, car nous vous avons accompagné dans ces combats, que ce soit lors de la remise en cause du rôle des ABF, lors de l'examen de la loi ELAN ou en lien avec les déductions fiscales liées au mécénat.
Je vous remercie de l'opportunité que vous m'offrez de m'exprimer sur deux sujets qui me passionnent, le patrimoine et les collectivités territoriales. Le moment que nous vivons est assez étrange. J'ai évidemment une pensée pour tous ceux qui souffrent de ce Covid-19, qui nous sidère et dont les conséquences pour notre pays sont assez terrifiantes. J'ai également une pensée pour toutes celles et toutes ceux qui font face à des difficultés incroyables, notamment, comme Catherine Morin-Desailly le disait, les propriétaires de patrimoine, qu'on entend peu, car l'on pense d'abord aux intermittents du spectacle. Ces propriétaires sont ceux qui font vivre de nombreux travailleurs qui n'ont pas toujours de protection d'emploi, par exemple les guides conférenciers, qui n'ont pas de statut et dépendent des touristes, alors qu'aujourd'hui tout est à l'arrêt. Les restaurateurs, les conservateurs ou les architectes sont aussi concernés ; c'est pour eux que nous devons nous mobiliser.
Comme vous, j'ai écouté hier les propos du chef de l'État. Je crois qu'il y avait un malentendu. Tout le monde attendait qu'il parle du patrimoine alors que le sujet du jour était le spectacle vivant. Il s'est engagé - le ministre de la Culture me l'a confirmé hier - à ce que l'on puisse évoquer le patrimoine dans les prochains jours. J'aimerais surtout que l'on fasse en sorte que le patrimoine de proximité, qui est dans les collectivités territoriales - et le Sénat est la chambre qui est le plus au fait de ces situations dans les territoires -, permette de relancer la machine économique. Alors que nous avons lancé un mouvement, avec le hashtag « Cet été je visite la France », nous allons devoir rester confinés à 100 kilomètres à la ronde. Ce mouvement est aussi une chance pour le patrimoine de proximité. Il faut se le réapproprier. Ce patrimoine est notre identité, nos racines, notre culture. Mais il est aussi l'art, la culture, la beauté à portée de main. 55 % du patrimoine se situe dans des communes de moins de 2 000 habitants. Évidemment, lorsqu'on parle de patrimoine, on pense immédiatement à Chambord, à Fontainebleau, à Versailles, au Mont-Saint-Michel, à la Tour Eiffel, aux grands monuments, mais c'est le patrimoine de proximité qui fait vivre nos communes rurales. Il est le seul facteur d'égalité entre les villes et les zones rurales. Il n'y en a pas d'autre. Dans mon village, les services publics, la Poste, la maternité ont disparu. Nous sommes sans 4G, en zone blanche sur une route sur deux, mais le patrimoine, vecteur d'égalité, demeure. C'est pour cela que j'ai un lien si particulier avec le Sénat et que j'ai toujours accepté avec joie de me rendre aux invitations de Catherine Morin-Dessaily, parce que je sens, au-delà de la politique, qui ne me concerne pas, moi qui appartiens à la société civile, que les sénateurs se sont appropriés à juste titre cette question.
Le Président de la République m'a confié en 2017 cette mission qui consiste d'abord à observer et identifier le patrimoine en péril, puis à proposer un certain nombre d'idées pour le sauvegarder et à rechercher des solutions pour le financer. J'ai trouvé qu'il existait un décalage entre les chiffres communiqués par le ministère de la Culture et la réalité sur le terrain concernant l'identification. Cela est peut-être dû à un effet de loupe. Les gens qui m'alertaient sur l'état de leur patrimoine me donnaient l'impression d'habiter sur un champ de ruines. Autour d'eux, tout le patrimoine tombait en déshérence, alors que les chiffres officiels n'évoquaient que 8 à 9 % de patrimoine en décrépitude. J'ai donc proposé de lancer une plateforme participative, qui porte le nom de la mission, au moyen de laquelle les citoyens pourraient directement nous informer des monuments en état de dégradation près de chez eux, qu'ils en soient les propriétaires ou les affectataires. Nous avons donc eu des collectivités territoriales, des associations, des propriétaires privés et même des simples citoyens qui nous ont alertés. Ensuite, nous avons effectué un travail de tamis avec les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). J'ai certes dû me battre, comme vous l'avez souligné, cher Jean-Marie Bockel, face aux réticences et aux blocages mais, au bout du compte j'ai obtenu le soutien des DRAC. La Fondation du patrimoine a également fait un travail remarquable. Leur maillage territorial par leurs délégués bénévoles permet de faire vivre le patrimoine. Que serait le patrimoine sans ces bénévoles ? En Angleterre, une telle culture est entrée dans les moeurs mais, en France, nous découvrons tout juste que les bénévoles donnent leur énergie et leurs moyens pour défendre le patrimoine et le restaurer. Avec la Fondation du patrimoine, nous avons pu recenser 6 000 monuments au bout du troisième lancement, une fois les recoupages effectués.
Nous les avons listés selon trois critères : le premier est celui de l'urgence des travaux à réaliser, du péril ; le deuxième est celui de l'importance territoriale, de l'enjeu pour le territoire en termes d'emploi mais aussi de circuit touristique ; le troisième enfin réside dans l'engagement des autres partenaires. L'enjeu est aussi économique. Il faut mettre en place un budget. La manne financière du Loto du patrimoine ne devait pas être une goutte d'eau dans un océan mais abonder de manière constructive les autres financements de la région, du département, parfois de l'Union européenne. Tout cela nous permet d'effectuer nos choix. J'ai insisté pour que nous sélectionnions chaque année dix-huit sites emblématiques, ceci permettant d'avoir un ambassadeur par région, pour qu'ils figurent sur les tickets de grattage du Loto du patrimoine. Ces ambassadeurs montrent également les différentes typologies du patrimoine. Je ne voulais pas être le défenseur des châteaux et des églises, comme cela a pu être dit lorsque j'ai été nommé ; je défends aussi le patrimoine vernaculaire, celui auquel on ne prête pas attention, celui des lavoirs et des fontaines. Tout le patrimoine du XXe siècle est également important, qu'il relève du patrimoine religieux ou des maisons d'illustres, par exemple. L'atelier de Rosa Bonheur figure ainsi parmi les sites emblématiques de l'édition 2019 - dans ce cas précis, le chantier est à l'arrêt. Je tiens aussi beaucoup au patrimoine industriel et ouvrier. Ces dix-huit sites représentent toutes les régions, y compris en outre-mer, qui n'a pas été oublié. Une fois ces dix-huit sites identifiés, nous avons procédé au maillage territorial afin de choisir un site par département en 2019. En 2018, pour frapper les esprits, j'avais dressé une liste de 250 sites.
Je tiens à préciser que je ne me substitue d'aucune façon à l'État. Je viens en complément, pour appuyer, pour aider. Les gens issus comme moi de la société civile se doivent de mettre leur notoriété au service de leur pays. Ma manière personnelle de servir mon pays, c'est de défendre les collectivités territoriales à travers leur patrimoine, qui fait leur richesse. Avant le confinement, 90 millions de touristes venaient visiter la France et ils venaient pour ce patrimoine, cette richesse, ce pays de Cocagne incroyable. Nous avons des villages extraordinaires, bien que je trouve que certains se dégradent selon le degré d'engagement des maires. Ma mission consiste avant tout à sensibiliser les Français. Pour paraphraser Victor Hugo, il y a deux choses dans un monument : son propriétaire et celui qui le regarde. La beauté appartient à tout le monde et nous sommes tous, individuellement et collectivement, les dépositaires de ce patrimoine. Je n'ai pas le talent de Victor Hugo, qui a lancé un cri du coeur similaire en 1832 dans son ouvrage Guerre aux démolisseurs, mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il s'est battu contre ceux qui démolissaient les pierres pour obtenir du confort. Je retrouve cette attitude aujourd'hui, lorsqu'on implante des éoliennes sans se soucier du patrimoine environnant. Je ne m'étonne pas que les Français soient de plus en plus « vent debout » contre ces implantations qui dénaturent le paysage, attaquent l'écologie - la faune et la flore en souffrent - et dégradent le patrimoine voisin. Le patrimoine naturel est à prendre en compte au même titre que le patrimoine bâti.
Le cadre de ma mission ne se limite donc pas à trouver des moyens pour restaurer le patrimoine mais à lancer cet élan collectif. De ce point de vue, il me semble que nous avons réussi. Je n'ai pas fait de miracle mais me suis appuyé sur cette idée du National Trust anglais, qui regroupe 500 monuments, privés comme publics, et pour lesquels une loterie est organisée chaque année pour les restaurer. J'ai réussi à convaincre le chef de l'État et le ministre des Comptes publics avec une note toute simple : l'initiative du Loto a permis de construire des monuments. Je rappelle que cela a notamment été le cas du Panthéon ou de l'École militaire. Cette loterie, importée d'Italie par François Ier puis mise en oeuvre par Louis XV, avait permis de construire, et j'ai proposé qu'elle permette aujourd'hui de restaurer. J'ai demandé que la part de l'État prélevée sur les jeux d'argent soit directement versée aux monuments à travers la Fondation du patrimoine. En 2018, ce Loto du patrimoine représente 22 millions d'euros. Cela ne constitue pas l'alpha et l'oméga mais c'est un formidable levier. Prenons l'exemple du Théâtre des Bleus de Bar à Bar-le-Duc, dans la Meuse. Grâce aux 500 000 euros générés par le Loto du patrimoine, les collectivités territoriales ont participé. Le budget d'1,5 million d'euros établi pour les travaux a pu ainsi être bouclé et ces travaux réalisés. Si les travaux peuvent s'achever en 2020, ce théâtre pourra renaître. L'argent du Loto est donc un levier. Il ne faut pas non plus oublier le mécénat d'entreprise, mais aussi les 21 millions d'euros de taxes !
Au sujet de ces fameuses taxes, j'ai donc bataillé quand j'ai découvert que l'État, sur un loto supplémentaire et philanthropique, reprenait des taxes. Le Président était embarrassé par mes remarques et nous avons provisoirement trouvé une solution : celle de la compensation des taxes. Les taxes demeurent prélevées, mais sont compensées par un dégel de crédits congelés. J'ai écrit une tribune dans Le Monde expliquant qu'à force de dégeler ces crédits congelés, nous risquions de rompre la chaîne du froid, et que cela deviendrait impropre à la consommation. Ces crédits congelés ont été précédemment votés et devraient donc être consommés pour restaurer les monuments. Une autre solution a été trouvée, juste avant le confinement, mais l'État n'a pas encore été en mesure de l'annoncer. Pourquoi ne pas pérenniser la compensation des taxes du Loto du patrimoine ? La réponse devrait être dévoilée dans les prochaines semaines ou prochains mois. J'ai posé une autre question qui me semble cruciale : comment expliquez-vous que ces sommes compensées ne peuvent aller qu'aux monuments historiques protégés, inscrits ou classés ? Avec la Fondation du patrimoine et le Loto du patrimoine, nous aidons tous les monuments, qu'ils appartiennent à l'État, aux collectivités territoriales, aux associations ou à des propriétaires privés. Cela revient à créer une forme de distorsion entre ceux qui vont pouvoir bénéficier d'une aide supplémentaire, grâce à la compensation des taxes, et les autres. Cela risque de nous contraindre à flécher le Loto du patrimoine vers le patrimoine non protégé en prévision de la compensation de ces taxes. Cette situation n'est pas possible. En 2018, nous avons abondé à hauteur de 50 millions d'euros au total, en plus des 326 millions d'euros sanctuarisés par le budget du ministère de la Culture à destination du patrimoine.
Cette initiative est un succès. Le public a adhéré et, en dépit des crises successives connues par la France depuis un an, qu'il s'agisse des grèves ou des mouvements sociaux, le Loto du patrimoine rapporte plus d'argent en 2019 qu'en 2018, notamment avec un soutien important du mécénat d'entreprise. Pour nous, ce combat continue et nous espérons pouvoir annoncer - mais en ce moment les Français ont d'autres préoccupations - la liste des dix-huit sites retenus pour cette édition 2020. Nous espérons que cela pourra s'effectuer avant l'été, afin que le patrimoine puisse être le fer de lance de ces 500 000 emplois que vous évoquiez.
La ruralité est pour moi un laboratoire pour comprendre le patrimoine et j'ai moi-même fait l'expérience de la restauration avec mon propre argent. De là proviennent ma légitimité et mon expérience. Par mes émissions, j'ai pu visiter de nombreux sites patrimoniaux et j'ai constaté les difficultés que les maires rencontrent dans les territoires pour sauver leur patrimoine. Je tiens à les féliciter pour leur engagement.
J'ai des questions en lien avec notre rapport intitulé « Les maires face au patrimoine historique architectural : protéger, rénover, valoriser » et avec la situation actuelle. Vous nous avez dressé un état des lieux du Loto du patrimoine. Je souhaiterais savoir si les crédits ont été consommés et si un bilan a pu être fait sur l'état d'avancement des chantiers, au vu du coup d'arrêt dû à la crise sanitaire. Est-ce qu'une programmation de remise en route de ces chantiers est prévue à partir du 11 mai ? On sait que les chantiers patrimoniaux vont jouer un rôle certain dans la relance économique du secteur économique. Avez-vous travaillé sur ce point, en lien ou non avec le Loto du patrimoine ?
En ce qui concerne le Loto, nous avons eu l'occasion, dans le cadre du groupe Patrimoine de la commission de la Culture, d'auditionner Philippe Barbat, le directeur des patrimoines du ministère. Ce dernier a évoqué des difficultés d'interaction sur les chantiers avec les acteurs du Loto, notamment des difficultés de financement. Avez-vous des remarques de votre côté sur ces interactions financières et sur les montages financiers ? Il serait intéressant d'entendre votre point de vue sur les simplifications pouvant être mises en oeuvre.
Enfin, vous avez évoqué dans votre propos liminaire la question des relations avec les maires et, à travers eux, les collectivités territoriales, propriétaires ou non du patrimoine. Les maires sont des interlocuteurs essentiels. Quel est leur rôle dans le cadre du Loto du patrimoine, en particulier pour l'accompagnement des projets ? Ce patrimoine, dont l'État n'est pas propriétaire, ne devrait-il pas être prioritaire dans ce cadre ? On constate en effet que la crise économique actuelle risque de provoquer des déflagrations dans ces territoires, et que le patrimoine pourrait être le grand perdant de la situation actuelle.
J'ai une question relative au personnel des établissements qui oeuvrent dans les bâtiments patrimoniaux, notamment les châteaux financés à plus de 50% par des fonds publics. À l'heure actuelle, il s'avère que ces personnels n'ont pas droit au chômage partiel. Or vous évoquiez la possibilité de réétudier ces situations dans les jours qui viennent. Peut-être pourriez-vous regarder si quelque chose peut être mis en oeuvre à ce niveau ?
Le second sujet que je souhaite aborder est celui de la relance. Nous essayons d'expliquer à l'État que celle-ci passera par les collectivités locales, notamment par un reversement du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Je pense qu'une telle initiative serait particulièrement intéressante dans le cas des monuments historiques, où les montants liés au FCTVA sont souvent élevés. Cela permettrait de créer un effet de relance à la fois sur le plan économique et sur l'aspect patrimonial.
Le réseau des Petites cités de caractère de France, dont je suis la présidente, est très heureux de ce que vous apportez en tant qu'ambassadeur. Votre initiative « Cet été je visite la France » peut être l'opportunité, compte tenu de la crise que nous traversons, de redécouvrir le patrimoine local.
Sur le patrimoine, nous avons parfois beaucoup de difficulté à nous faire comprendre. Certains pensent que ce sujet relève des élites, de gens de bonne compagnie. Or s'il est notre héritage, notre patrimoine est aussi notre avenir. Je voudrais donc insister sur deux points, dont je sais que vous êtes convaincu. Le patrimoine est une activité non délocalisable, portée par de petites entreprises de restauration implantées sur le territoire. Celles-ci assurent un savoir-faire unique et exceptionnel, que l'on peut même exporter à l'étranger. Mon second point concerne l'enjeu du développement territorial. Dans les territoires ruraux, le patrimoine constitue parfois le seul levier de développement. Il fédère les habitants et les rend fiers. Nous comptons sur vous pour porter ces messages et pour faire comprendre que les dépenses en matière de patrimoine sont en réalité des investissements. Je trouve donc scandaleux que des taxes soient appliquées au Loto du patrimoine alors que ce sont les citoyens qui contribuent à financer des dépenses qui pourraient être portées par l'État.
En 2008, le Président Sarkozy, après la crise de l'époque, avait mis en place un plan de relance qui avait très bien intégré les chantiers du patrimoine. Pensez-vous que nous allons pouvoir bénéficier à nouveau de cette idée pertinente ?
J'ai trois questions - vous avez déjà évoqué la première, mais les craintes demeurent. Dans le contexte de tensions budgétaires qui se fait déjà jour, ne pensez-vous pas qu'il y a, pour demain, un risque de voir l'État se recentrer dans un premier temps sur ces grands chantiers emblématiques au détriment du patrimoine des territoires oubliés ?
Le deuxième élément concerne de manière générale le patrimoine protégé. Un certain nombre de contraintes et de normes pèsent sur la rénovation de ce patrimoine. Les exigences réglementaires sont souvent vécues comme un frein qui ralentit les chantiers. Pour autant, et pour l'avoir vécu à l'occasion du 250e anniversaire de la Place Stanislas, on voit que ces contraintes permettent aussi d'avoir un suivi de qualité et d'aboutir à des réussites exceptionnelles. Ne pensez-vous pas, au regard de votre expérience, qu'il devrait parfois exister certains assouplissements vis-à-vis de ces contraintes ? Et si oui, lesquels ?
Enfin, la France doit continuer à soutenir son patrimoine. Ne pensez-vous pas qu'il faut donner une place plus importante au mécénat, dont on sait dans le dernier état budgétaire qu'il a déjà été bien malmené ? Or, pour intéresser tous les Français au patrimoine et pour qu'ils s'engagent, le mécénat ne constitue-t-il pas une solution un peu magique qui peut rejoindre les initiatives que vous menez ?
Je voudrais vous alerter sur la situation du tout petit patrimoine, très modeste, de nos montagnes, de nos campagnes et de nos petites chapelles rurales romanes. La suppression de la réserve parlementaire a été un coup d'arrêt porté à l'aide aux associations et aux communes pour la restauration de ce patrimoine. La crise sanitaire va impacter les budgets de nos collectivités et je crains que ce petit patrimoine finisse de s'écrouler, ce qui serait une catastrophe pour nos paysages de montagne. La restauration du tout petit patrimoine était du travail donné à nos artisans locaux. Je suis très inquiète. Quelles solutions préconiseriez-vous pour que l'on continue à ne pas négliger ce tout petit patrimoine de proximité si important ?
Je voudrais évoquer le sujet des normes, en tant que vice-président de la délégation chargé de la simplification des normes. Un récent décret du 9 avril 2020 a généralisé à l'ensemble des préfets le pouvoir de déroger aux normes, et ce dans différents secteurs, notamment la réfection et la mise en valeur du patrimoine culturel. Je souhaiterais donc savoir si, par votre mission, vous avez pu identifier des normes administratives ou réglementaires qui pèsent négativement sur le patrimoine, principalement dans le cadre de la rénovation.
Je tenais à remercier personnellement Stéphane Bern pour son soutien apporté à la cité mondiale de la francophonie à Villers-Cotterêts. Nous étions très heureux de l'accueillir et je sais qu'il suit de près ce beau projet, comme d'ailleurs tous les projets qu'il a évoqués.
Les Français n'ont pas bon moral ces temps-ci, du fait de la crise particulièrement anxiogène que nous traversons. Parler du patrimoine historique, de nos monuments qui ont défié les guerres et les épidémies nous redonne de la fierté, et cela doit nous aider à construire l'avenir.
Ma première question concerne la situation des guides conférenciers, dépourvus de statut, qui vivent une situation épouvantable. Quelles sont les pistes de travail envisagées à ce sujet ?
Ensuite, dans le cadre de la très belle opération « Cet été je visite la France » que vous avez engagée, serait-il possible de mettre en place un « Pass Famille » en plus du « Pass Patrimoine » ? Le rôle de la jeunesse est en effet essentiel et il serait intéressant que les familles puissent disposer d'accès facilités au patrimoine.
Je vous ai trouvé un peu sévère avec les éoliennes, Monsieur Bern. Elles sont tout de même d'un style sobre, bien plus que les lignes à haute tension et les centrales thermiques ou nucléaires au milieu desquelles je vis. Elles ont effectivement un peu modifié les paysages mais les moulins à vent aussi, et ceux-ci constituent maintenant des éléments de notre patrimoine.
Je voudrais d'abord revenir sur ce qu'ont souligné plusieurs collègues. Pour les élus locaux, conscients de la nécessité de préserver leur patrimoine, la suppression de la réserve parlementaire ainsi que la baisse des dotations de l'État rendent vos initiatives indispensables. Vous avez pu créer un effet d'entraînement, hélas ces actions ne sont pas exhaustives. La prise de conscience, que vous avez permis d'accélérer, est cependant essentielle. Dans ce contexte de crise du Covid et de restrictions budgétaires qui vont s'accentuer au sortir de cette crise, ne craignez-vous pas qu'il y ait une menace même sur les incitations fiscales qui pourraient pourtant venir en complément des financements publics directs ?
Par ailleurs, vous qui avez une force de frappe médiatique, et notamment audiovisuelle, sans équivalent, comptez-vous l'utiliser pour inviter nos citoyens à découvrir ou redécouvrir notre patrimoine national, à l'occasion des vacances prochaines qui seront certainement contraintes en France en cette fin progressive de confinement ?
Je sais que nous avons besoin d'entreprises spécialisées dans les métiers de l'art, de la pierre, des jardins. Avec cette crise, avez-vous déjà évoqué le sujet des fermetures d'entreprises ? Derrière, nous avons également besoin d'apprentis. Ce sujet a-t-il été évoqué ou faut-il prévoir plus d'engagement auprès du Gouvernement au sujet de ces métiers très rares et essentiels ?
Je vais terminer par deux phrases un peu provocatrices. Dans la situation actuelle, que vous avez très bien décrite, et dans un pays où il y a un grand intérêt pour le spectacle vivant, certains avancent que cela pourrait être une bonne idée de détacher le ministère du Patrimoine, par définition transversal, de l'ensemble du ministère de la Culture.
Dans un récent entretien au magazine Familles chrétiennes, vous affirmez qu'il est de plus en plus difficile de trouver des communes qui n'ont pas été abimées par les initiatives de mairies qui mettent sur leurs villages des verrues immondes qui les défigurent. Vous avez rappelé que dans le monde rural beaucoup de communes n'étaient pas dans cet état d'esprit, mais il me semble que si vous l'avez dit, c'était aussi pour faire passer un message.
Sur les questions plus fiscales ou techniques, je n'ai, évidemment, ni les réponses ni les compétences. Une visioconférence est toutefois prévue la semaine prochaine avec l'ensemble des acteurs du patrimoine autour du ministre de la Culture pour étudier comment donner un nouvel élan sur tous les chantiers du patrimoine. Ma crainte est que l'on privilégie les grands chantiers alors qu'il est beaucoup plus intéressant, notamment par rapport aux normes sanitaires de distanciation physique, que les petits chantiers puissent repartir. J'ai d'ailleurs signé une tribune avec le président de ma région François Bonneau invitant à rouvrir rapidement les petits sites. Pour les grands sites, cela peut aussi être facile. Il n'y aura pas de hordes de touristes chinois ou américains qui vont se précipiter, mais des visites privées pourraient être organisées pour les Français résidant à 100 kilomètres à la ronde tout en respectant les distances de sécurité. Il va falloir qu'on travaille pour sauver ce petit patrimoine de proximité.
Avec l'émission « Le village préféré des Français », qui en sera à sa neuvième édition au printemps, je m'aperçois qu'on a de plus en plus de mal à trouver des villages n'ayant pas été défigurés. Expliquez-moi pourquoi un maire préfère soutenir la construction de lotissements en leur donnant l'eau, l'électricité et tous les autres moyens, plutôt que de restaurer les centres-bourgs et notamment agir pour la revalorisation culturelle de ces centres ? Je crois qu'en restaurant les longères des centres-bourgs, on remet de la vie. Ce sont des personnes âgées qui continuent à y vivre, alors que les familles préfèrent se rendre à l'extérieur et loger dans des lotissements.
Le patrimoine est un cadeau, un héritage du passé. On le valorise et il constitue une manne touristique. On a trop tendance, dans notre pays, à considérer le patrimoine comme un coût ou une charge, alors que c'est un investissement. On considère aussi que c'est un luxe, alors que c'est une nécessité absolue. Ce n'est pas délocalisable. C'est la seule entreprise où on ne peut plus enlever les vieilles pierres et les assembler ailleurs. Des usines partent, des entreprises disparaissent, mais le tourisme patrimonial demeure et crée de l'emploi. Dans mon village, avec mon seul monument, nous avons créé six emplois. Il n'y a rien d'autre, à l'exception de quelques entreprises aux alentours. Le patrimoine entraîne la réouverture de certains commerces et vient impacter directement l'économie locale. Il faut convaincre de ce point les plus hautes autorités de l'État ; je m'y emploie, même si je ne suis pas toujours entendu ou écouté.
Depuis la révision générale des politiques publiques, il existe une direction générale du patrimoine, incarnée par Philippe Barbat, qui regroupe les monuments et les grands musées. Il serait donc difficile de recréer une nouvelle division transversale. Ce qui me questionne en revanche, c'est que le tourisme en France est avant tout patrimonial et qu'il dépend pourtant des affaires étrangères, cela m'a toujours étonné. Notre tourisme est avant tout culturel.
Je ne peux pas dissocier le patrimoine de la préservation des sites naturels, ce qui explique mon inclinaison pour l'écologie. Nous n'allons malheureusement pas pouvoir conserver cette image de carte postale que les touristes viennent pourtant, à raison, rechercher.
Le Loto du patrimoine va se poursuivre. Nous lançons en ce moment la nouvelle saison et les dix-huit sites ont déjà été sélectionnés. Je pense que nous serons prêts fin août pour annoncer les 103 monuments du maillage territorial et nous travaillons avec la Française des jeux pour que ces 103 monuments, éligibles au Loto du patrimoine 2020, bénéficient également de leur système de tirage et grattage. Le comité de sélection s'est réuni le 4 mars dernier et a pu donner, sous embargo, le nom des sites à la Française des jeux, car la réalisation des tickets de grattage prend jusqu'à six mois. Grâce à la Fondation du patrimoine, nous avons une souplesse qui permet de débloquer certains fonds tout de suite, afin de venir en aide au patrimoine le plus en péril.
Nous n'avons, en revanche, pas de visibilité sur la manière dont les sommes résultant de la compensation des taxes vont être débloquées par l'État. Or, cette compensation des taxes, comme je vous l'ai expliqué, ne pourra être fléchée que vers du monument historique classé ou protégé. Cela nous demande donc de mener une forme de réflexion a priori afin de cerner les monuments protégés et ceux qui ne le seront pas.
Je me suis par ailleurs énervé auprès du ministre de la Culture car les DRAC ont envoyé des lettres informant qu'ils cessaient de financer ceux qui avaient reçu des fonds du Loto du patrimoine. Cela impliquerait que l'État reconnaît que je me substitue à lui. Or nous avons toujours affirmé que nous ne substituions pas à l'État mais que nous apportions une manne financière supplémentaire. Que les DRAC continuent donc leur travail de financement et nous apporterons nos fonds complémentaires au même titre que les régions, les départements, le fonds européen de développement régional (FEDER), etc. Nous demandons l'établissement d'un plan de financement préalable afin d'identifier qui va payer quoi dans le cadre de la restauration d'un monument.
Le mécénat est en effet essentiel. Il faut le protéger. Il faut aider les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui ont le sens de la transmission. Beaucoup sont prêtes à en faire plus. On pourrait créer des allégements pour leur permettre de financer le patrimoine local. Passer de 60 à 40% dans le cadre de la défiscalisation du mécénat a eu des effets dramatiques. J'appelle ça un amendement « Bernard Arnault » ou « LVMH »... Le seul but était de s'attaquer à un monsieur qui a pourtant donné 200 millions d'euros pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. La première chose aurait été de le remercier... Je remercie cette philanthropie et cette générosité. Néanmoins, on arrive à trouver 900 millions pour Notre-Dame alors que je dois me décarcasser pour collecter 20 millions à destination des petites églises de nos campagnes. La réforme régionale n'a pas aidé à mener cette opération, entre la disparition de certaines communes et l'apparition des communautés de communes. Il a fallu faire des choix.
Dans la dernière loi, Sébastien Lecornu a fait en sorte de lever la contrainte minimale de participation des collectivités. Des règles ont donc été assouplies. D'autres lois m'ont mis vent debout, par exemple la loi ELAN contre laquelle je me suis battu. Les ABF ont un rôle essentiel. Certains élus ont eu tendance à se défausser sur l'ABF pour justifier des refus de construction. Le maire est maintenant en première ligne et doit choisir entre enlaidir son village mais gagner une voix ou protéger son village mais en perdre une. Je pense que les ABF avaient un rôle pour encourager les maires.
Ce qui est fondamental, c'est l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, l'AMO. Je prends un exemple vécu ; je suis à proximité d'une abbatiale du Xe siècle. Le maire ne peut s'en sortir seul avec sa secrétaire de mairie pour réaliser l'ensemble des procédures administratives et lancer les appels d'offres ou les demandes de subvention. Ils sont débordés, particulièrement en ce moment. Il faut augmenter le travail des assistants à la maîtrise d'ouvrage, que le ministère de la Culture en fasse un service à rendre à tous les maires, à travers les DRAC. C'est un problème d'ingénierie administrative. C'est ce qui empêche parfois que les crédits soient dépensés, les dossiers étant incomplets ou ne pouvant être finalisés à temps.
Le prochain problème gravissime en France est celui du patrimoine religieux. Les maires n'ont plus les moyens nécessaires pour la sauvegarde des églises de nos villages. Si vous remettez sans cesse à plus tard cette ligne budgétaire « Entretien du patrimoine religieux de la commune », la facture sera particulièrement douloureuse cinq ans plus tard. La question des compétences n'aide pas. Le tourisme relève des communautés de communes mais la sauvegarde du patrimoine dépend du maire. La rénovation de l'église n'est plus, en outre, un sujet électoral. Les priorités sont le transport scolaire, la cantine ou le terrain de foot. Qui va s'occuper des églises de nos campagnes ? On trouve de l'argent, et j'en suis le premier ravi, pour le Grand Palais à Paris, mais à hauteur de 400 millions d'euros, pas de 22. Il faudrait décréter le patrimoine rural cause nationale et débloquer l'argent nécessaire. J'aimerais entendre de la part de l'exécutif la création d'un New Deal en faveur du patrimoine, comme Roosevelt a pu le faire après la guerre. Le patrimoine a d'ailleurs été un facteur de reconstruction après les guerres, symbolique comme économique. Le patrimoine, ce sont des micro-entreprises, des artisans, je pense aux tailleurs de pierres, aux charpentiers, aux couvreurs, aux maçons et, plus globalement, à tous ceux qui travaillent sur les chantiers du patrimoine. Ce sont des auto-entrepreneurs sans aucune sécurité juridique.
Dans mon village, le châtelain local n'avait pas les moyens de financer une étude préalable. Il a été interdit à la maire de prendre en charge cette étude, qui aurait permis de résoudre un problème d'eau. Il faudrait des accords entre les pouvoirs publics et les propriétaires privés qui possèdent la moitié de notre patrimoine. Les blocages sont nombreux.
S'agissant des normes, il convient d'alléger ce qui relève du pointilleux tout en restant strict sur le respect des normes. En matière de patrimoine, on ne peut pas s'affranchir des règles et il ne peut pas y avoir de dérogation. L'État doit respecter la loi qu'il impose à d'autres. Derrière, ce sont des métiers d'art qui oeuvrent.
Je suis très attaché à la transmission du savoir. Nous devons initier les jeunes au patrimoine. Avec l'association Vieilles Maisons Françaises, j'ai financé le kit « J'aime le patrimoine » dans les écoles. Il faudrait un équivalent de la « Semaine du goût » : il faut emmener les enfants à la découverte du patrimoine local, de cette beauté à portée de main. Ce patrimoine est gratuit et à portée de tous. Il faut donner à ces enfants la possibilité d'être les Stéphane Bern de demain et de transmettre à leur tour l'amour du patrimoine. J'entendais le Président de la République évoquer les colonies de vacances. Voilà des endroits formidables où envoyer les jeunes cet été pour s'initier au patrimoine ! Je vois partout des jeunes s'impliquer et s'instruire dans ces chantiers. Ces métiers d'art n'existent qu'en France. Le monde entier nous envie ce savoir-faire et cet art de vivre, il nous faut le transmettre. Nous devons profiter de cette crise pour sauver notre patrimoine de proximité, aider les maires à le valoriser, les inciter davantage dans certains territoires, amener l'État à aider dans les chantiers via un New Deal et développer le « Pass Famille » en parallèle du « Pass Patrimoine ».
Certains chantiers sont à l'arrêt car les conseils municipaux n'ont pas pu se former. Il y a un risque d'année blanche avec des carnets de commande vides car tout est bloqué. Il faut donc que les propriétaires privés mobilisent ces acteurs mais ils ne pourront pas tout faire. Nous devons comprendre que le patrimoine est la chance de la France et il nous fait avancer tous ensemble dans le même sens. J'espère que le Président de la République va envoyer un signal fort en faveur du patrimoine.
Je vous remercie infiniment, cher Stéphane Bern, pour ce plaidoyer à la fois passionnant et convaincant. Il constitue une belle entrée en matière pour la présentation dans un instant par nos deux rapporteurs de leur travail, « Les maires face au patrimoine historique architectural : protéger, rénover, valoriser. » Nous avions d'ailleurs lancé ces travaux suite à une audition des ABF.
Cette audition a été formidable car tant de sujets abordés figurent dans notre rapport. Cela nous conforte dans nos orientations et nous permettra également de formuler des propositions complémentaires.
Avec Michel Dagbert, co-rapporteur, nous avons travaillé durant six mois, entendu une cinquantaine d'acteurs très divers : des particuliers, des associations, des organismes et naturellement l'État afin d'appréhender cette question du patrimoine historique et architectural des communes. Nous avions particulièrement axé ce rapport sur l'étude des petites communes car, comme vient de le souligner Stéphane Bern, ce sont elles qui connaissent la situation la plus compliquée, et ce même avant cette crise qui ne pourra que l'aggraver.
Il ressort de nos travaux une conviction forte : les Français aiment leur patrimoine. 86 % d'entre eux se disent « attachés » et 95 % jugent qu'il est « important de le sauvegarder ». Cela est significatif, bien que la notion de patrimoine recouvre une acception différente selon chacun. Et il y a péril en la demeure, si j'ose dire : 23 % des immeubles protégés au titre des monuments historiques sont en mauvais état et un certain nombre sont en situation de péril grave.
Le tragique incendie de la cathédrale Notre-Dame nous a montré l'extrême fragilité de notre patrimoine, mais aussi le formidable élan de solidarité des Français : ils ont donné 922 millions d'euros. Le Loto du patrimoine confirme cette envie de participer à la hauteur de ces moyens. Ils sont d'ailleurs plusieurs millions à suivre les émissions sur le patrimoine (comme celles de Stéphane Bern, que nous venons d'entendre) et 12 millions à s'être rendus aux dernières « Journées du patrimoine ». Cela montre bien que ce sujet touche à l'âme des Français.
Le patrimoine est donc une vraie passion française. Il faut dire que nous abritons un patrimoine exceptionnel de 45 000 monuments protégés (classés ou inscrits), auxquels il convient d'ajouter tout le patrimoine non protégé mais qui présente un intérêt par son témoignage de la vie de nos communes. Je pense aux ensembles urbains, lavoirs, granges, moulins, puits, calvaires, bâtiments industriels.... Tout ce patrimoine compte et la liste est longue. Il faudrait d'ailleurs un travail titanesque de recensement au niveau national. Faute de recensement, il est impossible d'avoir une estimation du coût et des moyens à mettre en oeuvre. Tout ça, sans compter l'immense majorité des églises qui sont la propriété des communes depuis la loi de 1905... beaucoup d'ailleurs sont protégées au titre des monuments historiques. Celles qui ne le sont pas constituent un énorme sujet.
Monsieur le Président, vous nous aviez confié un rapport sur les collectivités territoriales et le patrimoine portant sur les communes, et en priorité les communes rurales, à l'issue de cette fameuse table ronde où étaient présents les ABF mais aussi les représentants des labels. Nous avions bien senti que l'ensemble des acteurs connaissait des difficultés à interagir et qu'il y avait un intérêt à apporter un regard pragmatique d'inventaire sur ce qui pouvait être mis en oeuvre dans le domaine du patrimoine afin d'accompagner les communes et de formuler des propositions pour améliorer la situation.
Il faut savoir que ce sont les communes qui hébergent l'essentiel du patrimoine : près de 15 000 d'entre-elles disposent d'au moins un monument historique. La majorité de ce patrimoine est situé dans des petites communes : 50 % des édifices protégés au titre des monuments historiques sont situés dans des communes de moins de 2 000 habitants. 41 % du patrimoine protégé en France est la propriété des communes, 43 % la propriété de personnes privées et 4 % propriété de l'État. Or, comme Stéphane Bern l'a rappelé, il n'est pas possible de déconnecter le propriétaire privé de la commune où se situe sa propriété.
Évidemment, les enjeux autour du patrimoine sont lourds dans nos territoires... Les associations de protections que nous avons auditionnées ont toutes insisté sur ce point : c'est un facteur de cohésion sociale et territoriale car nous touchons à l'identité même de nos communes. On parle là également d'un facteur de transmission entre générations...
C'est aussi un formidable outil de développement de l'économie locale : ce sont des emplois souvent non délocalisables, qui font marcher les entreprises artisanales, sans compter le tourisme. Je rappelle que la France accueille 90 millions de visiteurs par an ! Il y a des retombées économiques positives dans le fait de se préoccuper du patrimoine.
Et puis, enfin, c'est un élément-clé d'aménagement du territoire. On le dit dans le rapport : le patrimoine et l'urbanisme doivent aller de concert et non en contradiction. Le patrimoine ne doit pas arriver en fin de route d'un chemin d'urbanisme. Il doit être intégré dès le départ dans la réflexion et constituer un élément essentiel et positif dans les documents d'urbanisme qui peuvent être produits par la suite.
Je conclurai ce panorama général par un dernier chiffre : 633 millions d'euros : c'est la somme que consacrent l'État et les communes chaque année au patrimoine protégé. Ce chiffre ne tient évidemment pas compte des millions d'euros dépensés par des personnes publiques ou privées en faveur du patrimoine non protégé. Ce rapport est moyen de faire prendre conscience que le patrimoine n'est pas seulement une charge mais qu'il constitue aussi une chance. Comme le dit Stéphane Bern : le patrimoine est une chance pour la France !
Nous avons voulu faire de ce rapport une sorte de vademecum pour les nouveaux élus municipaux.
Malgré la crise que nous traversons, il y aura, dans quelques semaines, de nouveaux conseils municipaux. Or, ce sont bien les communes qui sont les premières responsables de la préservation et de la restauration du patrimoine bâti architectural.
Nous voulions être en mesure, à travers ce rapport et en toute humilité, d'accompagner ces communes car l'un des enjeux de la préservation du patrimoine, c'est la bonne information des élus locaux. Quel élu n'a pas un jour dû faire face à la jungle administrative et réglementaire ? Gérer le patrimoine peut s'apparenter à un véritable chemin de croix, si vous me permettez l'expression ! Les conditions dans lesquelles s'effectuent ces chantiers nécessitent au préalable un fort investissement en ingénierie.
Certains élus sont de ce point de vue mieux aidés que d'autres... et les relations avec les ABF, avec les DRAC, se passent plus ou moins bien selon les territoires. Dans certains territoires il y a de l'ingénierie disponible, des CAUE, des intercommunalités plus ou plus performantes et puis, hélas, on trouve d'autres territoires où les choses sont beaucoup plus compliquées. Il faut réunir les bons interlocuteurs, l'expertise, les compétences, bref il faut un accompagnement global et de qualité.
Nous avons essayé, avec Sonia, de montrer cette pluralité des enjeux. C'est important car les élus locaux peuvent souvent se sentir désarmés, d'autant qu'ils ne sont pas toujours formés au patrimoine. Nous nous sommes donc mis dans la peau d'un maire, parce que celui-ci doit faire face à trois grands types de difficultés :
- premièrement, un problème d'identification et de recensement du patrimoine : c'est surtout vrai pour le patrimoine vernaculaire, de proximité, qui souvent n'est pas protégé ;
- le deuxième point est la question de l'ingénierie. En effet, pour monter les projets, il faut trouver les compétences, les bons professionnels. Or on sait très bien que les petites communes sont souvent démunies pour assurer la maîtrise d'ouvrage. Cela nous a été suffisamment répété au cours de nos auditions : il y a un manque cruel d'ingénierie dans certains territoires. Cela freine naturellement les projets de réhabilitation ou d'entretien. Nous pouvons situer le tournant en 2005, lorsque l'État a arrêté d'assurer, pour le compte des communes, la maîtrise d'ouvrage en ce qui concerne le patrimoine protégé. Depuis lors, elles doivent se débrouiller seules ;
- enfin, il existe un problème de moyens financiers : l'entretien et la restauration coûtent cher et les budgets des communes ne sont pas extensibles. Quel maire n'a pas dû un jour faire face à des travaux coûteux sur l'église communale, par exemple ?
Notre rapport reprend logiquement ces trois étapes, et nos recommandations, dont la majorité relève des « bonnes pratiques », sont destinées à faciliter la vie des élus locaux - pour rester fidèles à notre tradition au sein de notre délégation. Je ne serai pas plus long, nous vous avons d'ailleurs diffusé une infographie qui résume le contenu du rapport et qui sera mise en ligne sur le site du Sénat.
J'insisterai tout de même sur quelques points majeurs: Le patrimoine est un héritage culturel qui a une dimension éducative forte : il faut donc poursuivre et amplifier les actions conduites auprès des jeunes générations avec les ministères de l'Éducation nationale et de la Culture.
Un euro investi dans le patrimoine génère 30 euros de retombées économiques sur un territoire, ce qui signifie que les maires ont intérêt à investir. Monsieur le Président, notre délégation avait fait un travail remarquable sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs ; le patrimoine constitue justement un des leviers de dynamisme commercial et touristique qui peut aider dans cette recherche de redynamisation.
Le patrimoine va bien au-delà des « vieilles pierres ». Selon nous, il n'y a pas un patrimoine mais des patrimoines. Il faut insister sur le travail à mener au niveau local pour l'identifier, le cartographier. Les maires peuvent s'appuyer sur les services d'inventaire régional et les associations de protections du patrimoine, dont je veux ici saluer l'investissement de ces associations qui, bien souvent, sont constituées de bénévoles ayant acquis une grande technicité.
Nous devons aussi réfléchir aux nouveaux usages, car le meilleur moyen de protéger un édifice est de lui trouver de nouvelles fonctions. Certaines communes font un travail exemplaire de reconversion d'édifices en logements, services, commerces, théâtres, écoles. Ensuite, il ne faut pas hésiter à rendre ce patrimoine vivant le plus possible : en organisant des animations, des évènements, des visites guidées, des concerts.... Bref, il faut permettre à tout un chacun de se l'approprier, d'y trouver une vocation. Il nous a été rapporté le cas d'une église, qui n'a pas perdu sa vocation cultuelle, mais qui abrite aujourd'hui un bureau de poste. Voilà une façon originale de partager les charges de fonctionnement d'un édifice.
J'ajouterai que le patrimoine doit être un élément à part entière de l'aménagement du territoire. Il peut être extrêmement préjudiciable de le déconnecter des enjeux d'urbanisme local. Or, on a constaté que les maires n'utilisent pas suffisamment les PLU et les PLUI dans ce domaine.
Enfin, les élus n'ont pas toujours le réflexe des labels. Il en existe beaucoup, ce n'est donc pas facile, mais les DRAC, avec les directions départementales des territoires (DDT), peuvent apporter leur aide pour labelliser ce fameux patrimoine du quotidien souvent méconnu. On sait tous que ces labels sont importants pour déclencher des visites touristiques mais aussi pour la médiatisation des lieux sur Internet et les réseaux sociaux.
Très rapidement, il est ressorti de nos auditions que le besoin d'accompagnement de l'État reste très fort chez les élus locaux, notamment dans les petites communes qui n'ont pas de services dédiés « patrimoine » et qui peuvent être démunies pour exercer la compétence de maitrise d'ouvrage. Les effets de 2005 ont été désastreux. Tous les interlocuteurs que nous avons auditionnés ont mis en évidence ce besoin d'assistance à maîtrise d'ouvrage, pierre angulaire d'une meilleure sérénité sur les plans technique, administratif et financier. Henry Masson, conservateur régional des monuments historiques en Bretagne, continue par exemple à apporter son aide aux communes sous forme d'assistance à maitrise d'ouvrage. Tous les budgets sont consommés et son accompagnement est plébiscité.
Il ressort aussi de nos auditions le besoin de construire une relation partenariale et de confiance avec les ABF. Cela est issu de notre première table ronde mais aussi des débats tenus lors de la loi ELAN. Le temps des ABF censeurs est révolu. Les ABF doivent arriver sur ces projets le plus en amont possible afin d'accompagner et de protéger les maires.
Nous avons également voulu rappeler que, sur le terrain, il reste de l'ingénierie, même si elle est maintenant dispersée, ce qui fait la difficulté des choses. Il faut trouver le bon interlocuteur entre les architectes conseils de l'État par l'intermédiaire des DRAC ou les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ; les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), très précieux, que nous devons préserver au niveau départemental, ainsi que tous les professionnels de l'entretien et de la restauration du patrimoine, ces métiers d'art et d'histoire qu'il faut sauver car ils sont aujourd'hui menacés. Les associations sont également essentielles, bien que l'assistance à maîtrise d'ouvrage ne soit pas dans leurs missions, ce qu'elles regrettent d'ailleurs.
Ce qui est le plus souhaité par les acteurs locaux c'est de pouvoir disposer d'une « task force » dédiée au patrimoine et mobilisable à la demande de tout maire. Nous proposons de missionner l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour qu'elle structure, sous l'égide du préfet, toute l'ingénierie disponible en matière de patrimoine sur un territoire. L'urbanisme et le patrimoine sont consubstantiels. Le but est que les acteurs dialoguent et disposent d'un lieu de rencontre. Je rappelle que l'ANCT est déjà compétente en matière de revitalisation des territoires. Le préfet de département doit accompagner les choses, naturellement sans déposséder les collectivités de leurs possibilités. Il s'agit de construire ensemble une instance départementale, guichet unique capable de répondre aux questions des élus sur ce sujet.
Évidemment, pour finir, il y a la question des financements : notre conviction est qu'il faut conjuguer le public et le privé. On sait que le soutien de l'État est indispensable, c'est près de 330 millions d'euros par an. Sans ces subventions publiques, les collectivités seraient incapables de compléter le tour de table financier. Nous pensons qu'il faut en particulier préserver et amplifier le Fonds incitatif et partenarial pour la rénovation des monuments historiques des communes à faible ressources, créé en 2018 pour les petites communes et les communes rurales (de moins de 2 000 habitants). Cela signifie aussi plus de transparence dans les choix du patrimoine à accompagner, et une meilleure vision de la territorialisation de ce patrimoine. Le bilan 2018, comme 2019, montre bien une répartition inégale sur le territoire. Peut-être faudrait-il rendre les critères plus transparents et les choix plus collégiaux ?
Il faut saluer l'action des départements et des régions, également mis à contribution. Ils aident les communes pour la sauvegarde du patrimoine protégé et non protégé, même si c'est parfois fait de façon hétérogène.
Il y a, enfin, l'accompagnement réalisé par la Banque des Territoires pour les projets dans le domaine du patrimoine remarquable. Les communes peuvent donc solliciter la Caisse des dépôts en matière d'ingénierie et d'investissement... Il faut qu'on le rappelle aux maires. Tout ça c'est très bien, mais on sait que les financements publics sont en voie de raréfaction, nous avons donc aussi besoin des financements privés.
Il est vrai que le financement privé devient une composante importante dans ces sujets. Concrètement, les maires peuvent s'appuyer sur une panoplie assez large :
- l'accompagnement bénévole des fondations et associations de protection du patrimoine, qui réalisent un travail de terrain et d'expertise qu'il faut saluer. Vous les connaissez : il y a la Fondation du patrimoine, Vieilles maisons françaises, la Fondation pour la sauvegarde de l'art français, l'association Patrimoine-Environnement, et tant d'autres. Monsieur le Président, vous évoquiez d'ailleurs notre proposition de supprimer les taxes qui pèsent sur le Loto du patrimoine ; Stéphane Bern proposait également de pérenniser la compensation de ces taxes.
Il y a aussi le mécénat d'entreprises et le financement participatif : vous savez qu'il existe aujourd'hui des plateformes de crowdfunding, qui permettent d'accroître en un temps record le volume des dons.
Il y a également la délégation de gestion de monument historique à un opérateur public, comme le Centre national des monuments historiques, ou privé, avec des structures telles que Culturespaces, par exemple. Cela peut être une solution pour certaines communes, sous réserve que le monument draine un nombre important de visiteurs.
Enfin, nous mentionnons dans le rapport des outils innovants et plus récents : comme ces start-ups qui proposent des services de gestion de billetterie d'un édifice (châteaux, musées, etc.), des prestations de communication ou de marketing sur les réseaux sociaux, et même l'achat collectif de monuments historiques et de châteaux, qui permet à des particuliers d'en devenir copropriétaires.
Bref, vous le voyez, les idées ne manquent pas pour participer à cette grande cause qu'est la sauvegarde, la protection et la valorisation de notre patrimoine architectural.
Je remercie nos rapporteurs, qui ont accompli un travail remarquable aidé par notre secrétariat. Je me souviens très bien du point de départ de cette démarche qui fût cette audition à la fois des ABF et des associations Petites Cités de Caractère et Sites et Cités Remarquables. Nous voulions sortir des caricatures et aller au fond des choses. Nous sommes à la recherche permanente du parfait équilibre. Votre travail est extrêmement complet et nous pouvons être très heureux ensemble d'avoir pu obtenir l'éclairage de Stéphane Bern suivi de votre présentation très instructive.
Je remercie mes collègues pour ce rapport, son objet et sa grande qualité. J'aborderai trois points assez rapidement en reprenant leurs suggestions et observations.
Le premier concerne l'importance de l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO). Plusieurs petites communes ne disposent pas du personnel nécessaire pour mener et faire aboutir des projets. Il existe effectivement des DRAC assez exceptionnelles qui accompagnent ces communes et je pense qu'il faudra que nous soyons très attentifs, dans le cadre du plan de relance à ce qu'elles puissent continuer cet accompagnement des communes dans la définition de leurs projets.
Mon deuxième point porte sur les ABF. Ils sont souvent parmi les structures les plus détestées auprès des maires, or je considère qu'ils peuvent être nos meilleurs amis pour la revitalisation de nos communes. Chaque année, en tant que présidente de l'association des Petites Cités de Caractère de France, je suis invitée à intervenir auprès des promotions des ABF et je leur dis l'importance du dialogue avec des élus souvent isolés par des conseils municipaux qui hésitent à engager des dépenses.
Mon troisième point est celui des réseaux. Comment faire pour que les communes les plus petites ne se retrouvent pas seules ? On ne peut se contenter de restaurer une pépite, il faut aussi l'inscrire dans un usage contemporain et lui redonner de la vie. Les réseaux apportent de la notoriété et permettent de mutualiser certaines questions. Ensuite, ils offrent très souvent un accompagnement aux élus pour les aider à se poser les bonnes questions et les résoudre. Ils sécurisent enfin les partenaires pour aider à la recherche, difficile, de financements, ainsi que Sonia et Michel nous l'ont expliqué.
Lorsque le groupe RDSE a demandé la création de l'ANCT, l'idée était d'en faire une porte d'entrée pour les élus, notamment les maires des petites communes qui avaient du mal à s'orienter dans le dédale des possibilités existantes. Actuellement, nous travaillons avec mon collègue Charles Guené sur un rapport relatif à l'ingénierie territoriale et je pense que nous pourrons faire quelques propositions allant dans ce sens. Dans le cadre du patrimoine, ces élus peuvent en effet être très démunis, sans savoir à quelle porte frapper.
Je voudrais remercier les deux co-rapporteurs pour le travail qu'ils viennent de nous présenter et je souhaiterais leur demander si, dans le cadre du plan de relance, ils ont envisagé la possibilité d'un fléchage d'une partie des fonds publics destinés aux entreprises vers les questions touchant au patrimoine, la restauration en particulier. Cette possibilité est-elle-même envisageable ?
L'assistance à maîtrise d'ouvrage est effectivement un point majeur. Il est vécu de manière douloureuse par beaucoup de personnes que nous avons auditionnées mais également par l'État car c'est comme si on lui avait ôté des compétences et une technicité dont il dispose encore. Il rêve de pouvoir à nouveau être conseiller et non plus uniquement censeur ou contrôleur.
Il y a effectivement un besoin en termes de réseau territorial. Nous avons évoqué l'ANCT car il nous semble que ce modèle permet de rassembler l'ensemble des acteurs. Les nouveaux maires vont avoir besoin de ces contacts.
Sur le plan de la relance, nos travaux se sont achevés avant le confinement et l'épidémie mais, à la commission de la Culture, nous avons demandé le fléchage d'une partie des fonds de relance vers le patrimoine parce que ces chantiers sont à notre main et sont, pour certains, prêts à redémarrer.
Je terminerai en remerciant notre équipe administrative qui nous a accompagnés dans ce travail pas toujours simple, notamment lors de la période des grèves.
Dans le cadre de la relance, les départements font beaucoup, par ailleurs, et il faudra donc déterminer dans quelle mesure ils pourront participer à la reprise des chantiers. Enfin, comme Sonia, je tenais à remercier l'équipe du secrétariat pour leur collaboration tout au long de cette mission.
Je remercie les deux co-rapporteurs pour ce travail remarquable, passionnant, complet et utile. Nous allons continuer à le promouvoir. Ce rapport est adopté.
Je voudrais finir par un rappel : nous auditionnerons la semaine prochaine la ministre Jacqueline Gourault puis, la semaine suivante, nous recevrons Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités de l'Assemblée nationale, sur sa mission relative aux enjeux financiers de la crise sanitaire pour les collectivités.
La téléconférence est close à 11 heures 45.