Commission des affaires économiques

Réunion du 19 juillet 2022 à 15h40

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous examinons aujourd'hui le rapport du groupe de suivi de la loi Égalim relatif à l'inflation et à l'évaluation de la loi Égalim 2.

Vous le savez, il est du ressort du Parlement de contrôler l'application des lois que nous adoptons et d'en évaluer l'efficacité. Ce faisant, nous entrons parfaitement dans les prérogatives que nous confère l'article 24 de la Constitution, à savoir voter les lois et contrôler l'action du Gouvernement.

Ce rapport s'inscrit en outre dans une période un peu particulière, marquée notamment par plusieurs sorties médiatiques, qui ont rendu d'autant plus nécessaire la réalisation d'un bilan des négociations commerciales. Les auteurs de ces récentes prises de parole ont notamment insisté sur le fait que, dans la moitié des cas, les hausses de prix demandées par les industriels aux distributeurs seraient « suspectes » - je reprends les mots employés.

Il nous a donc semblé utile, à la suite de la demande d'une « mission flash » par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE), et de celle d'une commission d'enquête par notre collègue Françoise Férat, de nous pencher sur ce sujet et d'analyser les origines de l'inflation, afin de démêler le vrai du faux d'un débat qui intéresse au premier chef nos concitoyens. Je remercie le groupe de suivi de la loi Égalim, qui avait entamé ses auditions sur le bilan de la loi Égalim 2, d'avoir bien voulu prendre également en compte ces enjeux, et je cède sans plus tarder la parole à son président, Daniel Gremillet.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Le groupe de suivi de la loi Égalim a souhaité établir un premier bilan d'évaluation de l'application de la loi Égalim 2. Nous nous sommes également attachés, à la demande du groupe CRCE et en réaction aux prises de parole de Michel-Edouard Leclerc dans les médias, à vérifier si, oui ou non, la moitié des augmentations de tarifs demandées par les industriels aux distributeurs étaient suspectes.

Je tiens d'emblée à souligner les limites inhérentes aux travaux d'un groupe de suivi, comme le fait par exemple de ne pas pouvoir vérifier sur un plan comptable, produit par produit et entreprise par entreprise, un éventuel gonflement artificiel des tarifs demandés. Cela étant, nous avons interrogé l'ensemble des acteurs sur ce sujet, non seulement les industriels et les distributeurs, mais également les syndicats agricoles et les pouvoirs publics, comme le médiateur des relations commerciales, l'Observatoire de la formation des prix et des marges, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le cabinet du ministre de l'agriculture. Cela nous a permis d'obtenir un bon aperçu de la situation.

Comme nous le savons désormais, en juin 2022, l'inflation s'est établie à 5,8 % sur un an en France. Son niveau s'explique principalement par l'envolée des prix de l'énergie, qui constitue la première cause d'amputation du pouvoir d'achat des Français, mais il résulte aussi de l'augmentation des prix des produits alimentaires, qui atteignait, elle aussi, environ 5,8 % le mois dernier. Il suffit de faire ses courses pour le constater. Sans prétendre à l'exhaustivité, voici quelques exemples marquants : hausse de 18 % des prix pour le poisson frais, de 12 % pour les volailles, ou encore de 7 % pour les légumes frais. S'agissant des produits non alimentaires, prenons l'exemple des chaussures dont le prix a augmenté de 5 % !

Les origines de cette inflation sont désormais bien connues : elles sont le reflet des hausses de tarifs demandées par les industriels, qui sont elles-mêmes le fruit d'une envolée inédite et spectaculaire du cours des matières premières agricoles et industrielles. Rappelons-le, ce phénomène ne date pas de 2022, puisqu'il avait commencé dès l'an dernier.

Cette envolée est déterminée par trois facteurs principaux : premièrement, la reprise économique vigoureuse de 2021, qui a entraîné une forte hausse de la demande, alors même que l'offre mondiale était encore trop désorganisée pour y répondre ; deuxièmement, les aléas climatiques extrêmes, comme le dôme de chaleur au Canada, le gel tardif en France, ou la sécheresse sur le pourtour méditerranéen ; troisièmement, la guerre en Ukraine qui a accéléré l'inflation plus qu'elle ne l'a créée. Le conflit a notamment eu des conséquences considérables sur les prix de l'énergie et des céréales.

Bien sûr, d'autres facteurs entrent en ligne de compte, comme les importations massives de la Chine, la décision de l'Indonésie de réduire les exportations d'huile de palme, ou la décision de l'Inde de réduire ses ventes de blé.

Il faut bien garder à l'esprit que tous ces phénomènes se cumulent et qu'ils provoquent, en plus de leurs effets directs sur l'offre, un effet de panique : les entreprises et les États craignent une pénurie dont ils seraient plus victimes que leurs concurrents ou voisins et, de ce fait, constituent des stocks, ce qui contribue à l'inflation des cours.

Sans entrer dans le détail, voici quelques chiffres qui me semblent importants à retenir : le prix du gaz était 5,5 fois plus élevé au premier trimestre 2022 qu'en 2021 ; les prix des matières premières alimentaires importées sont en hausse de 41 % en mai 2022 ; ceux des céréales ont augmenté de 75 % et ceux des oléagineux de 96 % ; le prix du carton a flambé et progressé de 59 %, quand celui du verre s'est accru de 45 %, sans parler du coût du fret aérien et maritime, qui lui aussi s'est envolé. Nous avons tous en tête l'exemple des conteneurs dont la location coûte désormais 15 000 euros contre 2 500 euros un an plus tôt.

Bien entendu, il est probable que certains comportements sur les marchés financiers relèvent de la simple spéculation : comme sur tout marché, certains acheteurs ne se procurent de telles matières premières que pour les revendre à un tarif plus élevé ultérieurement, anticipant une hausse des cours en raison du contexte actuel de reprise économique et de tensions géopolitiques et climatiques. Si ces pratiques sont légales, elles posent incontestablement un problème moral lorsque ce sont les matières alimentaires qui font l'objet d'une telle spéculation. Pour réguler ces pratiques, il faut nécessairement une action coordonnée au niveau international, que ce soit au sein du G7, du G20, de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ou de l'ONU, compte tenu de la mondialisation des échanges financiers.

L'une des pistes qui pourrait être envisagée, mais que nous n'avons pas pu expertiser, consisterait à rendre plus transparent le niveau des stocks de matières premières détenus par les acteurs privés, de telle sorte que le risque d'une pénurie soit correctement évalué, et plus seulement supputé.

Cela étant, l'importance du phénomène spéculatif et de la panique dans la hausse des cours ne doit pas être exagérée. Il y a de réelles causes économiques sous-jacentes, concrètes, qui expliquent l'envolée du prix des matières premières, et donc les demandes des industriels. Nous l'avons vu il y a quelques instants avec les exemples que j'ai donnés. En définitive, la spéculation ne semble expliquer qu'à la marge les phénomènes que nous constatons. L'inflation résulte bien davantage d'une demande supérieure à l'offre, des catastrophes climatiques et des tensions géopolitiques.

Je précise qu'en France la guerre en Ukraine explique pour moins d'un tiers la hausse globale des prix. C'est bien la preuve que ce phénomène préexistait au conflit. Notre commission s'alarmait d'ailleurs de cette inflation dès septembre 2021.

J'en viens maintenant aux hausses de prix qui seraient injustifiées ou « suspectes », pour reprendre l'expression employée dans les médias il y a quelques jours.

Le résultat de nos travaux est le suivant : il n'y a pas de phénomène massif de hausses injustifiées des tarifs des industriels en France. Il existe bien sûr des exceptions et, dans certains cas, il est probable que les fournisseurs ont tenté de gonfler le tarif demandé aux distributeurs. Je rappelle au passage que les industriels ont été soumis à neuf années de déflation.

Les acteurs que nous avons entendus se répartissent en deux catégories : il y a, d'une part, ceux qui considèrent clairement qu'il n'y a pas de phénomène généralisé de hausses de prix injustifiées en France. On y trouve bien entendu les industriels, mais aussi les pouvoirs publics ; il y a, d'autre part, les acteurs de la grande distribution, dont certains ont précisé que, finalement, certaines hausses seraient non pas suspectes, c'est-à-dire « mensongères » ou injustifiées, mais peu transparentes, insuffisamment justifiées par les industriels.

C'est une chose que les industriels n'aient pas fait preuve d'une transparence totale vis-à-vis des distributeurs, qui sont par ailleurs leurs concurrents en ce qui concerne les MDD (marques de distributeurs), c'en est une autre de subir une hausse de 10 % de ses coûts et d'en profiter pour demander 20 % de hausse des prix. Dans ce cas, effectivement, il y aurait matière à s'interroger sur le rôle joué par les fournisseurs dans l'augmentation des prix.

Considérant qu'ils ne disposaient pas de toutes les pièces justificatives leur permettant de vérifier si la hausse demandée était justifiée, les distributeurs, qui connaissent tout de même très bien la composition des produits et la situation des marchés, ont analysé ces hausses de tarifs ; ils les ont « reconstituées », pour contrôler si les dires des industriels correspondaient à la réalité. Lorsque nous le leur avons demandé, ils ont concédé qu'une fois ce travail accompli ils ne savaient pas si les hausses des prix étaient injustifiées dans la moitié des cas. Ils nous ont indiqué, à ce sujet, ne pas distinguer exactement ce qui relevait de l'augmentation des matières premières agricoles de ce qui relevait des matières premières industrielles. Nous émettons des doutes quant à cette affirmation, car tous les autres acteurs entendus ont été en mesure de nous dire ce qui découlait de l'une ou l'autre de ces catégories.

Sauf exception, et dans l'ensemble, les hausses de tarifs demandées par les industriels semblent donc légitimes, et ce au vu de l'explosion de leurs coûts en amont. Nous ne pouvons que regretter les fortes tensions qui existent aujourd'hui entre fournisseurs et distributeurs, situation qui appelle à ce que personne ne vienne souffler sur les braises.

Le niveau de tension est en effet inédit cette année. Pour rappel, les négociations commerciales ont normalement lieu une fois dans l'année et se terminent le 1er mars. Au 1er mars 2022, les industriels des marques nationales ont demandé des hausses de prix de 7,2 %, pour tenir compte du coût des intrants. Ils n'ont obtenu en moyenne qu'une hausse de 3,5 %, c'est-à-dire moins de la moitié de ce qu'ils réclamaient. Pour reprendre les mots entendus en audition, la hausse des tarifs qui a été acceptée n'a jamais été aussi forte depuis trente ans, mais elle n'a jamais été aussi éloignée du besoin des industriels...

Surtout, à peine ces négociations se sont-elles achevées qu'elles étaient déjà caduques en raison de la situation économique, climatique et géopolitique. De nouvelles négociations ont en conséquence été engagées, ce qui donne lieu depuis à de multiples renégociations commerciales, source de tensions importantes.

Par exemple, dans la période actuelle, les demandes de hausses de tarifs s'établissent à 10 % environ, tandis que les acteurs que nous avons auditionnés nous ont révélé que les renégociations devraient aboutir à des hausses de 4 à 5 %.

Il faut donc s'attendre à une poursuite de l'inflation à la rentrée, qui pourrait atteindre 7 % pour les produits alimentaires, voire davantage en fin d'année si de nouvelles renégociations ont lieu dans les mois à venir. Elle sera par ailleurs mécaniquement alimentée par les différentes hausses de revenus liées à l'indexation des pensions ou à la revalorisation du salaire minimum. Il faut également tenir compte d'une inflation plus structurelle, liée par exemple à la transition écologique de notre pays. Alors que l'inflation représente aujourd'hui trente euros de plus par mois environ pour le panier moyen d'un ménage, cela pourrait représenter une quarantaine d'euros à la rentrée.

Pour autant, je rappelle qu'aussi impressionnants soient les chiffres ils restent inférieurs à ceux que l'on constate dans les pays voisins, comme en Espagne, par exemple, où elle atteint 10 %.

Pour en revenir aux renégociations commerciales, notre groupe de suivi a pu constater différentes pratiques contestables, que nous détaillons dans le rapport.

D'une part, certains distributeurs semblent augmenter les prix dans les rayons, alors même qu'ils ont refusé en amont les hausses de tarifs demandées. Partant du principe que les consommateurs s'attendent à constater une inflation, ils y voient l'occasion d'engranger un gain net de marges. Plusieurs acteurs entendus ont également fait état d'un refus catégorique des distributeurs de prendre en compte les hausses de coûts liées aux matières premières industrielles, comme les emballages, l'énergie ou le transport. Certaines enseignes feraient en outre traîner en longueur les négociations, afin de gagner du temps et de vendre le plus longtemps possible à l'ancien tarif, négocié en mars.

D'autre part, certains industriels ne seraient pas très diligents en matière de transparence : ils justifieraient peu leurs demandes, et ne le feraient que lorsque la négociation est sur le point d'échouer. Par ailleurs, les hausses demandées vont parfois du simple au triple, d'un fournisseur à l'autre, pour le même produit. Ce serait notamment le cas pour les glaces, les bières et l'eau minérale.

Ce climat de tensions nous fait craindre de sérieuses ruptures d'approvisionnement dans les semaines à venir, car certains industriels, dont les PME, risquent de produire à perte. Il s'agit d'un risque non négligeable, qui fait bien entendu partie du jeu de poker menteur auquel se livrent les fournisseurs et les distributeurs, et qui a notamment été confirmé par certains acteurs issus des pouvoirs publics.

Je terminerai en vous indiquant que, face à cette situation, il ne nous semble pas que la politique consistant à signer des chèques en blanc soit pertinente. Ces cadeaux sont caducs presque immédiatement après qu'ils ont été concédés. Il est regrettable que, dans notre pays, l'État soit obligé de subventionner ainsi la consommation, notamment alimentaire. Cela montre notamment, nous semble-t-il, que le travail ne paie pas assez. Il faut valoriser le travail et le rémunérer à son juste niveau. Nous aurons certainement dans cette commission des divergences politiques quant aux solutions à apporter, mais il est clair que l'heure n'est plus à de simples sparadraps sur des jambes de bois !

J'ajoute que, conformément à ce que nous disions l'an dernier, la loi Égalim 2 ne peut produire ses effets qu'avec retard pour soutenir le revenu agricole : les hausses des coûts subies par les agriculteurs ne sont répercutées qu'a posteriori auprès de leurs acheteurs. Quand ces coûts augmentent chaque mois, l'effet retard se « paye » directement dans les comptes des exploitations agricoles, qui ont souvent bien du mal à y faire face.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Après l'analyse des facteurs expliquant l'inflation et justifiant les demandes de hausses de tarifs, nous allons étudier maintenant plus spécifiquement l'application de la loi Égalim 2 et de ses mécanismes. Après un bref bilan des négociations commerciales, je vous présenterai les axes d'amélioration de la loi.

Comme l'a indiqué Daniel Gremillet, pour les marques nationales, les négociations de mars 2022 ont débouché sur une hausse des prix de 3,5 %, bien loin de la hausse de 7,2 % demandée. Il semblerait d'ailleurs, selon certains industriels, que les besoins étaient en réalité plus proches des 10 %, mais que les demandes ont été moindres, parce que les conditions générales de vente ont été envoyées avant le début de la guerre en Ukraine.

La demande d'une hausse de 7,2 % des prix se justifierait pour 45 % par l'augmentation du coût des matières premières agricoles, pour 30 % par celle du prix des emballages, et pour 20 % par l'évolution du prix de l'énergie et des transports. Il faut d'ailleurs noter que 10 % des négociations ont fini dès décembre 2021, avant même l'entrée en vigueur de la loi Égalim 2.

Nous l'avons vu, une écrasante majorité des industriels ont utilisé le droit de rouvrir les négociations commerciales au-delà du 1er mars pour soumettre de nouvelles demandes de tarifs, et ce afin de tenir compte de l'envolée des coûts de production. Or, mi-juillet, seule la moitié environ des renégociations pour les marques nationales sont achevées. Cela veut dire que, pour 50 % des demandes, l'ancien tarif court toujours, malgré l'augmentation continue du coût des matières premières. L'état d'avancement de ces renégociations varie d'un distributeur à l'autre, certains semblant plus disposés à valider des hausses de tarifs importantes, qui compensent même une partie de l'évolution du prix des matières premières industrielles, tandis que d'autres refusent catégoriquement de discuter de cette partie du tarif, et n'acceptent - éventuellement ! - que les hausses de prix liées aux matières premières agricoles.

Le débat est en effet complexe : si le besoin des fournisseurs est pris en compte, soit les prix augmentent de près de 10 % dans les rayons, soit la distribution rogne sur ses marges. Si le besoin n'est pas entièrement pris en compte, c'est l'industrie qui doit resserrer ses marges, déjà malmenées par dix ans de déflation.

Par ailleurs, si les négociations pour les marques nationales semblent traîner en longueur, celles qui touchent aux MDD ont été plus rapides et sont presque toutes conclues à l'heure actuelle. Plusieurs raisons expliquent cela : premièrement, les distributeurs craindraient davantage la rupture de rayons pour un produit sous MDD que pour une marque nationale, car les MDD sont la « marque de fabrique » de l'enseigne ; deuxièmement, les marges des distributeurs étant plus élevées sur les MDD, ils peuvent plus facilement concéder les hausses de tarifs demandées que dans le cas des marques nationales ; troisièmement, enfin, d'après les distributeurs, le niveau de transparence et de confiance aurait été plus élevé dans le cas des MDD qu'avec les multinationales produisant des marques nationales.

Daniel Gremillet en a parlé, le niveau de tensions entre industriels et distributeurs est inédit, chacun rejetant la faute sur l'autre : les premiers accusent les seconds d'être trop fermes et de gagner du temps pour instaurer un rapport de force déséquilibré, tandis que les seconds accusent les premiers de demander des hausses inconsidérées ou injustifiées. Or la situation actuelle intervient lors de la première année de mise en oeuvre de la loi Égalim 2, ce qui a contribué à tendre encore un peu plus les relations commerciales.

Pour rappel, la loi Égalim 2 a pour objectif de protéger le revenu agricole en sanctuarisant, de l'amont à l'aval, les matières premières agricoles : lorsque le coût des intrants pour les agriculteurs augmente, la loi dispose que le prix qui leur est payé doit être révisé à la hausse. De même, l'industriel qui paie plus cher les produits agricoles doit pouvoir répercuter ce surcoût auprès du distributeur. Pour cela, la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur est rendue non négociable. En outre, des clauses de révision automatique des prix doivent être insérées dans les conventions signées entre industriels et distributeurs, de sorte que, si le prix évolue entre l'agriculteur et l'industriel, il évolue également entre l'industriel et l'agriculteur.

Nous avons toujours eu, au Sénat, de sérieux doutes quant à l'efficacité d'un tel mécanisme en cascade : d'une part, cette loi ne concerne qu'une partie du revenu des agriculteurs ; d'autre part, nous avons constamment alerté sur le fait que, puisque les matières agricoles sont désormais sanctuarisées, la dureté des négociations se reportera sur les matières premières industrielles.

Eh bien, c'est exactement ce qu'il s'est passé : lors du « round n° 1 » des négociations, les hausses demandées au titre de l'évolution du prix du transport et de l'énergie ont, dans l'ensemble, été refusées ou n'ont été acceptées que de façon très réduite - sauf exception - et celles qui étaient relatives au prix des emballages ont été satisfaites à hauteur de seulement 20 %, ce qui correspond, selon les industriels, à environ 5 % du besoin pour les matières premières industrielles. Lors du « round n° 2 », toujours en cours, il semble qu'il n'y ait que très peu de hausses demandées au titre des matières premières industrielles qui soient acceptées par les distributeurs.

La prise en compte des matières agricoles est donc satisfaisante, quoiqu'elle intervienne toujours avec un effet de retard, mais, au-delà de cet aspect, l'application de la loi Égalim 2 reste perfectible.

Cette loi est, je le rappelle, inflationniste par définition, puisque son principe même consiste à pouvoir répercuter, de l'amont agricole jusque dans les tarifs payés par la distribution, l'évolution des matières premières agricoles. Les mécanismes qu'elle introduit créent donc une boucle d'inflation qui, si elle est relativement discrète lorsque les prix des intrants sont à peu près stables, peut prendre des proportions considérables lorsque le coût des intrants - alimentation pour animaux, engrais, machines agricoles, énergie... - évolue fortement à la hausse. Or, selon le principal syndicat agricole, l'indice des prix d'achat des moyens de production agricoles (Ipampa), qui agrège les différents coûts de production agricole, a justement augmenté de 24 points entre avril 2021 et avril 2022.

Nous avons identifié plusieurs axes d'amélioration de la loi Égalim 2.

Premièrement, une piste permettant de fluidifier les relations commerciales et d'accroître la transparence consisterait à prévoir que le tiers de confiance, chargé de certifier que la négociation n'a pas porté sur la part des matières agricoles, interviendra non pas à l'issue, mais dès le début ou au cours des négociations.

Je m'explique : pour que la part des matières agricoles soit non négociable, il faut que le distributeur sache ce qu'elle représente dans le tarif qui lui est soumis. L'industriel a le choix entre trois options pour la faire connaître : l'une d'elles consiste à faire appel à un tiers de confiance pour certifier, in fine, que la négociation a bien sanctuarisé la part des matières agricoles ; cela permet à l'industriel de ne pas dévoiler complètement le contenu de ses produits au distributeur. Il se trouve que 80 % des entreprises ont choisi cette option, mais tous les acteurs entendus ont indiqué que cette intervention post-négociation est trop tardive : elle oblige les parties à négocier « à l'aveugle » ou sur la base uniquement de ce qu'affirme l'industriel, ce qui n'est pas idéal compte tenu du niveau de défiance entre les parties, sans parler des tiers de confiance qui, plusieurs mois après la négociation, n'ont toujours pas envoyé leur certification.

Nous proposons que le tiers de confiance intervienne avant la fin des négociations : l'industriel pourrait par exemple accompagner ses conditions générales de vente d'un document certifiant que les hausses demandées au titre de l'évolution des matières agricoles sont bien fiables et sincères. Cela apaiserait les négociations et permettrait à ces dernières de débuter sur de bonnes bases.

Deuxièmement, nous pensons que les clauses de révision automatique des prix, librement définies par les parties, sont trop peu encadrées. En effet, elles ont engendré, à elles seules, une négociation dans la négociation. Souvent, leur contenu a été abordé à la toute fin des négociations, dans la précipitation. Ni les industriels ni les distributeurs ne semblent y avoir accordé une grande importance. Les seuils de déclenchement demandés par certaines enseignes de la grande distribution semblent irréalistes : clause qui ne s'active qu'au bout de neuf mois ou que si la hausse des intrants dépasse 50 %. Nous pensons donc utile de fixer un plafond d'activation et de préciser, soit dans la loi soit par voie réglementaire, une périodicité maximale, par exemple un trimestre. Sans cela, ces clauses ne s'activeront tout simplement jamais, ce qui videra une partie de la loi de sa substance.

Troisièmement, il nous semble regrettable que le Gouvernement ne se préoccupe pas davantage de cette situation. Un comité de suivi des négociations se réunit tous les jeudis, mais aucune décision importante ne semble en émaner. Certes, la charte d'engagement signée le 18 mars 2022 par les industriels et les distributeurs sous l'égide des ministres de l'agriculture et de l'économie a permis de rouvrir les négociations commerciales, qui étaient normalement achevées, mais non seulement elle n'engage que ceux qui le veulent bien, puisqu'elle n'est pas contraignante, mais en outre les engagements formels qui y figurent sont très vagues...

Il nous semble que le Gouvernement devrait à tout le moins disposer d'indicateurs fiables et objectifs et les transmettre au Parlement : ces indicateurs porteraient sur l'avancée des négociations, enseigne par enseigne, en distinguant selon que le produit est une marque nationale ou une MDD et en distinguant entre les PME et les multinationales. Sans cela, l'opacité règne, alors que ces négociations sont fondamentales à la fois pour la vie des entreprises et le pouvoir d'achat des Français.

Autre exemple du désintérêt manifeste du Gouvernement pour cette question : les lignes directrices de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) concernant les pénalités logistiques, permettant la bonne application de l'intention du législateur, n'ont été définies que le 11 juillet dernier, alors que l'encadrement de ces pénalités date d'octobre 2021 et que nous les avons redemandées en commission en mars dernier !

Enfin, il me semble nécessaire de dire un mot du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP+10). Nous ne savons toujours pas, trois ans après, ce que sont devenus les 600 ou 800 millions d'euros environ engrangés par la grande distribution. Nous avons bien entendu des hypothèses - nous pensons notamment que cette manne n'a pas été redistribuée aux agriculteurs, mais a plutôt servi à rendre compétitives les MDD et à fidéliser les clients sous forme de points et de remises -, mais nous nous heurtons toujours à un silence pudique des pouvoirs publics et des distributeurs sur ce sujet. Après des demandes répétées, le Gouvernement a enfin lancé une mission sur ce sujet...

Pourtant, le SRP+10 n'est pas efficace ou utile dans toutes les filières. Dans la filière « fruits et légumes », par exemple, les producteurs eux-mêmes demandent qu'il y soit mis fin. Aussi, puisque l'expérimentation se termine en avril 2023, nous pensons utile d'étudier, filière par filière, l'opportunité de supprimer ce dispositif, en fonction de son impact concret. Cette piste permettrait de concilier défense du pouvoir d'achat et défense du revenu agricole.

Ces différentes préconisations pourront trouver une traduction législative lorsque nous serons saisis d'un texte relatif à l'agriculture ou aux négociations commerciales.

Voilà, mes chers collègues, un résumé des travaux du groupe de suivi de la loi Égalim.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Je veux saluer le travail de Daniel Gremillet et d'Anne-Catherine Loisier sur ce sujet d'importance. Nous avons adopté plusieurs lois sur les relations commerciales entre agriculteurs, industriels et distributeurs, mais ces derniers n'en font qu'à leur tête ; non seulement la grande distribution n'apporte rien à la France, mais elle détruit de la valeur. La loi Égalim 1 a amélioré les relations pendant quelques mois, puis, le naturel revenant au galop, la grande distribution a repris ses pratiques antérieures, comme en matière de pénalités logistiques.

La loi Égalim 2 a amélioré les choses, notamment pour ce qui concerne, justement, ces pénalités logistiques, mais encore faut-il appliquer ces dispositions et la DGCCRF devra le faire le plus sévèrement possible.

Néanmoins, malgré ces deux textes, la grande distribution n'aura guère changé ses pratiques. Elle n'accepte des augmentations de tarifs que pour la part liée aux matières premières agricoles, sans inclure l'emballage ni l'énergie. Cela met les exploitations en difficulté.

J'étais contre le mécanisme de SRP ; on l'a gardé pour des raisons idéologiques, mais c'est une erreur. Il détruit de la valeur et c'est encore la grande distribution qui s'enrichit au détriment de notre industrie agroalimentaire, donc de notre souveraineté, puisque nous perdons en compétitivité et augmentons nos importations, y compris en provenance de pays voisins.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

C'est vrai, on peine à voir les effets concrets de ces deux lois prévues pour redresser le revenu des agriculteurs. Nous sommes face à une forteresse imprenable et nous jouons une partie de poker menteur. Je ne serai pas aussi sévère que Laurent Duplomb à l'égard de la grande distribution - on en a besoin -, mais il y a un déséquilibre entre les producteurs et les industriels d'un côté et la grande distribution de l'autre. Chaque maillon de la chaîne doit justifier auprès du maillon en aval sa demande d'augmentation de prix ; or, quand on demande de la transparence aux distributeurs, on n'en a jamais, ils ne donnent jamais de chiffres.

En ce qui concerne le SRP, un distributeur nous a avoué avoir engrangé 70 millions d'euros de plus-value, mais il n'a pas accepté de nous dire comment cette somme se ventilait. La situation actuelle est très compliquée - guerre en Ukraine et covid-19 -, nous devons donc tous faire des efforts, bien sûr, mais certains en font plus que d'autres. Le producteur a bénéficié de quelques augmentations de prix sur les matières premières agricoles, mais non sur les autres - or on connaît le prix de l'énergie - et il n'a aucune porte de sortie, il est obligé d'accepter ce qui lui est proposé. En bout de chaîne, le distributeur, lui, a une porte de sortie : il augmente ses prix pour les consommateurs, afin de compenser les hausses de ses coûts.

Par ailleurs, les coopératives d'achat des entreprises de grande distribution, qui sont internationales, passent au-dessus des lois Égalim 1 et 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

On met en danger notre agriculture, qui risque de s'écrouler ; nombre d'agriculteurs partant en retraite ne seront pas remplacés. En outre, le risque est la rupture d'approvisionnement de la part de l'industrie agroalimentaire, donc des pénuries dans les rayons. Alors, ce sera la panique.

Enfin, je suis d'accord avec vos propositions, mais encore faut-il que le Sénat soit entendu...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

C'est un travail important. Je partage l'analyse de Laurent Duplomb sur la grande distribution. Néanmoins, on dénonce souvent l'inefficacité des deux lois Égalim, alors qu'elles ne sont pas forcément inflationnistes, puisque l'on a une inflation moindre que dans d'autres pays d'Europe. En outre, la conjoncture empêche de faire une évaluation correcte de la loi Égalim 2, qui a apporté des améliorations au mécanisme de révision des prix agricoles, au point que les industriels, qui n'ont pas de mécanisme comparable, ont du mal à se faire entendre des distributeurs. Malheureusement, la grande distribution ne cède que devant les obligations réglementaires ou législatives. On constate une augmentation modérée des prix, mais tout le monde, notamment l'industrie, n'y trouve pas son compte.

Il faudrait examiner les marges des distributeurs, non pas produit par produit, mais au moins sur les produits essentiels. Or ils refusent d'ouvrir l'accès à leur comptabilité, qui, en outre, est généralement faussée.

En tout cas, cette mission n'est pas finie ; continuez, chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Dans ce contexte difficile, il faut objectiver les causes de l'inflation, ce que fait ce rapport. Les propos de M. Leclerc, qui impute l'inflation à certains acteurs économiques, sont scandaleux, car l'augmentation générale des prix est avant tout mondiale. Il ne faut pas désarmer la production agricole sur la planète.

Je souscris à vos analyses sur les lois ?Égalim ; ce que nous craignions s'est sans doute réalisé : nous avons transféré le point d'achoppement de la négociation commerciale du producteur agricole vers l'industriel. Il faudra apporter des correctifs.

Enfin, la grande distribution est aujourd'hui trop concentrée et détruit de la valeur. Il faut une loi de régulation économique pour encadrer les relations entre grande distribution et acteurs économiques et la loi Égalim 2 n'est pas suffisante à cet égard. Il faut renvoyer M. Leclerc dans ses cordes avec nos arguments.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

J'aurai deux réflexions.

La relocalisation de l'alimentation, si elle n'est pas une réponse à tout, constitue tout de même une réponse forte pour les producteurs. Nous aurions intérêt à organiser des filières courtes, car les magasins de producteurs et les AMAP (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne) ont leurs limites.

Mon deuxième point a trait à la véritable transparence : où en est-on de l'étiquetage, sur le produit vendu, indiquant la part du prix revenant au producteur ? Le consommateur pourrait choisir en connaissance de cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Il va y en avoir, des mentions, sur les étiquettes...

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

Il me semblerait plus intéressant de connaître la composition du prix des produits vendus en grande surface que la composition des produits vendus par les transformateurs aux distributeurs. Ces derniers exigent cette information sous prétexte de proposer les prix les plus bas aux consommateurs, mais en réalité c'est pour renvoyer la responsabilité de la hausse des prix aux industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Nos auditions révèlent une opposition entre les marques de distributeurs et les autres marques. Une marque est une propriété d'entreprise ; elle permet de soutenir l'innovation et la recherche. Pour illustrer mon propos à partir d'un événement d'actualité, la MDD fait penser aux « suceurs de roue » du Tour de France : il s'agit de copier ce qui a été fait... Il n'est pas neutre que les tensions aient été bien plus fortes sur les marques que sur les MDD.

Au sujet des matières premières agricoles (MPA) et des matières premières industrielles (MPI), il faut faire attention. Des organisations représentatives, mais aussi des chaînes de distribution nous ont spécifié que certaines entreprises, souvent de petite taille, n'étaient pas en capacité d'adapter leurs tarifs aussi souvent que cela serait nécessaire pour faire face à une inflation aussi rapide : par là même, elles allaient se retrouver en grandes difficultés. Nous pourrions nous retrouver à faire face à la situation que nous avons évoquée. Le prix des MPA n'étant pas négociable, la non-prise en compte de la NPI est liée à la fragilité d'un certain nombre d'entreprises.

Nous avons voulu, par notre travail de fond, dépassionner les débats, démêler le vrai du faux. Nous avons vu les emballées médiatiques au sujet des 50 % d'augmentations suspectes. Nous n'étions pas en accusation ; nous voulions comprendre : qu'on nous cite des exemples concrets ! Nos auditions ont commencé sur l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, avant même la déclaration ayant trait à ces 50 % d'augmentations suspectes : n'oubliez pas de le répéter ! Notre travail de fond, effectué depuis Égalim 1, doit être continué.

Actuellement, la question de reconstituer les stocks en matière énergétique pour l'hiver 2022-2023 est prégnante ; nous aurions intérêt également à nous soucier des stocks alimentaires, que ce soit en France, dans l'Union européenne ou dans le monde. L'Europe s'est faite moins interventionniste : nous disposions de nombreux stocks publics à l'échelle du continent, la plupart ont complètement disparu. Désormais, les stocks sont privés : ils échappent davantage à notre connaissance. Dès lors que nous saisissons l'ampleur de notre fragilité, l'enjeu de repositionner dans nos pays des productions devient central. L'exemple actuel de la moutarde est facile : nous sommes complètement désarmés, ne disposant presque plus de graines de moutarde produites chez nous. Nous ne sommes pas contre les échanges, mais nous sommes entrés dans une ère de fragilité alimentaire.

Ce rapport d'étape est plus important qu'on ne pourrait l'imaginer par les temps de pénurie qui courent, où la sécurité alimentaire n'est pas garantie, la fragilité climatique venant s'ajouter aux fragilités géopolitiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Ce travail de suivi au sujet d'Égalim permet une compréhension collective et partagée des faits.

Actuellement, nous le voyons, la grande distribution ne joue pas le jeu de la filière : elle demeure dans la stratégie du prix bas, au risque de mettre en jeu la survie des entreprises, des producteurs et des marques nationales. La mauvaise volonté dans l'application des clauses de révision automatique témoigne de ce refus ; cela est propre à la France. Ce réajustement, à la hausse ou à la baisse, se fait plus spontanément chez nos voisins. Nous sommes cependant moins inflationnistes parce que les industriels, voire certains distributeurs, ont joué, selon la formule du médiateur, le rôle d'amortisseurs. Combien de temps vont-ils pouvoir le tenir ? À quel prix ?

Le débat souligne également la place des grandes centrales d'achat, qui plus est européennes, lesquelles viennent fausser nos tentatives de régulation.

Le débat, qui portait essentiellement sur les MPA, a été reporté sur les MPI. Les syndicats agricoles ne sont pas mécontents ; ils concèdent eux-mêmes que la loi Égalim pâtit d'une conjoncture inflationniste qui ne permet pas d'en voir réellement les effets.

Rien dans nos auditions ne vient étayer les dires de M. Leclerc au sujet des 50 % d'augmentations suspectes.

Pour conclure sur le sujet de l'affichage, je soulignerai l'enjeu du rémunérascore, prévu par Égalim. Pour le moment, il n'est pas mis en oeuvre en ce qui concerne la viande bovine : le sera-t-il ? Notre comité de suivi se penchera là-dessus.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

La loi Égalim avait pour objectif d'augmenter le revenu des agriculteurs : la situation s'améliore, même si cela n'est pas encore totalement satisfaisant. Notez que je ne fais pas toujours des compliments au Gouvernement... Tout est brouillé, actuellement, par l'inflation.

La question du seuil de revente à perte va se poser à nouveau : où s'est envolé cet argent ?

L'enjeu du mois d'avril sera celui des promotions. Bruno Le Maire a posé la question de leur assouplissement éventuel ; la FNSEA l'a vite arrêté. Ce système de limitation des promotions n'existe pas dans le non-alimentaire, qui plus est de grande consommation. Les grands groupes, la plupart du temps non européens, ne sont pas à plaindre... mais ils possèdent des usines en France : il faut être vigilant. Face à ce système dont ils souffrent, ils regardent leurs outils de production en France en se posant des questions. Il ne faut donc pas complètement mettre le non alimentaire à part.

Les États généraux de l'alimentation, à l'origine, avaient pour objectif une montée en gamme. Nos concitoyens les plus modestes ont été laissés de côté, se tournant dès lors vers d'autres agricultures, notamment intra-européennes, posant la question de la compétitivité de l'agriculture française.

Dès ces États généraux, nous avions lancé plusieurs alertes : nous avons été peu écoutés. Nous parlions d'inflation trois jours avant le début de la guerre en Ukraine ; nos auditions mêmes ont précédé les déclarations de M. Leclerc. Nous tâchons d'avoir un temps d'avance, mais nous souhaiterions être davantage entendus.

Je remercie les rapporteurs.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous examinons maintenant le rapport d'information de Viviane Artigalas, Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur le bilan de la politique de la ville. Je laisse la parole à nos trois rapporteures.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Voici arrivé le moment de vous restituer, avec Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard, notre travail d'évaluation de la politique de la ville et, plus spécifiquement, d'application de la loi Lamy du 21 février 2014, à l'issue de 30 auditions et quatre visites de terrain, à Val-de-Reuil, dans l'Eure, à Allonnes, dans la Sarthe, et, naturellement, à Valenciennes et Nice.

Beaucoup de rapports ont été écrits sur la politique de la ville ; vous pourriez vous dire : « Un de plus ! ». Nous avons voulu nous distinguer par notre méthode et notre objectif.

Tout d'abord, ce rapport suit de cinq ans celui que Valérie Létard et Annie Guillemot avaient rendu en 2017. Notre commission et la Haute Assemblée ont de la suite dans les idées. Ce n'est pas si fréquent !

Ensuite, notre travail intervient à un moment où se prépare une nouvelle génération de contrats de ville. Le Gouvernement a lancé une commission à laquelle Valérie Létard et moi-même avons participé. L'objectif est de conclure de nouveaux contrats d'ici à 2024, alors que les précédents sont prolongés depuis dix ans, posant une vraie question d'application de la loi : il était prévu de les corréler aux mandats municipaux... Il s'agit, en quelque sorte, de la face émergée de l'iceberg de l'application défaillante de la loi Lamy. Se pose aujourd'hui la question d'une révision de cette loi : nous voulons la préparer, voire l'anticiper.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des motivations ayant innervé notre travail, nous voulions redonner une perspective à cette politique. Le quinquennat précédent a été celui du stop & go entre les quartiers et le Gouvernement : le plan Borloo ? Des espoirs, puis un classement sans suite. De même, dans le plan de relance consécutif à une crise sanitaire dramatique, les quartiers ont été oubliés... avant de le voir se déployer, sous la surveillance directe du Premier ministre Jean Castex, et d'un comité de suivi qui s'est réuni tous les deux mois.

Les coups de frein et d'accélérateur se sont succédé sans constance et sans boussole. Désormais, quelle orientation, quelle priorité doit-on impulser à cette politique qui a plus de quarante ans et qui fait l'objet de nombreuses critiques ?

Pour répondre à ces questions, nous avons voulu jeter un nouveau regard sur la politique de la ville : nous proposons de compléter les objectifs et d'ajuster les outils. Dans ce cadre, nous nous sommes intéressées plus particulièrement à l'entrepreneuriat, comme exemple de trajectoires ascendantes des habitants de ces quartiers.

Nous souhaitons mettre en valeur la dimension de tremplin de la politique de la ville pour les habitants.

Ces quartiers sont confrontés à de multiples difficultés, en matière de sécurité, d'éducation, d'intégration, de santé ou de chômage. C'est un fait : nous ne le négligeons pas. Nous n'avons pas chaussé nos lunettes vertes, comme au pays d'Oz : soyez rassurés ! Cependant, à regarder la photo et non le film, à voir les difficultés des quartiers et non l'histoire des habitants, une partie de la réalité échappe à l'analyse. En effet, depuis une vingtaine d'années, la politique de la ville a pour principal objectif de réduire les écarts entre, d'un côté, des territoires où se concentre la pauvreté, et, d'un autre, le reste du pays. L'objectif est de normaliser ces territoires en leur faisant rejoindre la moyenne statistique.

La politique de la ville est conçue comme une politique de discrimination positive territoriale. Nous le savons : dans les quartiers transformés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), ce n'est pas sans résultat, bien au contraire. Pourtant, comme l'a souligné la Cour des comptes, avec constance, dans ses rapports de 2002, de 2012 et de 2020, la situation des quartiers ne s'améliore pas fondamentalement. La politique de la ville connaîtrait une forme d'échec récurrent, malgré les milliards engloutis. Ce constat nourrit son procès en légitimité, d'autant que, depuis le mouvement des « gilets jaunes », les problèmes de la France périphérique et de la ruralité peuvent apparaître plus urgents. Opposer ville et campagne est un piège : nous le savons bien.

Sans nier ces constats ni rester sourd aux demandes, il nous faut déconstruire certaines idées reçues. Dans les quartiers prioritaires, l'insuffisance du droit commun est encore et toujours une réalité. Les rapports Borloo, Cornut-Gentille et Kokouendo, et de l'Institut Montaigne l'ont largement démontré. Pour ne donner qu'un seul chiffre, pour 100 000 habitants, on compte moins de personnels de la fonction publique hospitalière en Seine-Saint-Denis non seulement par rapport au reste de la France, mais aussi par rapport aux départements de la diagonale du vide.

Pour autant, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, se révèle être le huitième contributeur net à la protection sociale, et celui où la masse salariale a le plus augmenté dans la décennie qui a précédé la crise de la covid 19. La contribution à l'économie nationale n'est donc pas négative.

Il faut également envisager la politique de la ville dans le temps long des quartiers. Beaucoup ont été créés après-guerre dans le contexte de la reconstruction, de l'exode rural et de l'accueil des rapatriés d'Algérie. Les défauts rédhibitoires de certains grands ensembles sont apparus très tôt. Ainsi, la « sarcellite », expression décrivant les difficultés à vivre des habitants de ces quartiers, date de 1962, avant même tout problème d'immigration ou de ghettoïsation. À Val-de-Reuil, à Saint-Dizier ou à Grigny, les opérations dites de couture urbaine, visant à réparer les erreurs de conception, sont toujours en cours. Par conséquent, il ne faut pas avoir une vision court-termiste. Améliorer la vie des habitants demeure un enjeu.

Enfin, à bien des égards, ces quartiers sont des sas et la politique de la ville un tremplin. Certains ont pu dire que la Seine-Saint-Denis était un « Ellis Island français », dans le sens où, dans les métropoles, les quartiers populaires ont des fonctions d'accueil et de rebond. Bien qu'on manque d'études de cohortes pour confirmer les témoignages et les analyses sociologiques, plusieurs travaux nous montrent qu'il y a une réelle mobilité résidentielle et de revenu dans ces quartiers. On y déménage autant ou plus qu'ailleurs, par exemple pour devenir propriétaire, notamment à proximité, pour ne pas perdre les liens de solidarité ; mais les nouveaux entrants, qui les remplacent, ont en moyenne un niveau de revenu inférieur. Par ailleurs, des études récentes de l'Insee et de France Stratégie montrent que la mobilité intergénérationnelle des revenus est plus importante en France qu'aux États-Unis, sous réserve d'accéder à l'enseignement supérieur et d'être mobile géographiquement.

Nous plaidons donc pour adopter une vision dynamique de la politique de la ville. Dans une lecture statique, de dix ans en dix ans, et sans qu'il faille s'en satisfaire, un quartier pauvre va être, le plus souvent, confronté aux mêmes difficultés ; à l'inverse, dans une lecture dynamique, si l'on regarde qui sont les habitants, on verra qu'ils ont changé : en dix ans, environ 50 % auront déménagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

C'est grâce à ce nouveau regard, mais aussi à notre expérience de terrain, que nous avons procédé à une évaluation de l'application de la loi Lamy du 21 février 2014 sur laquelle se fonde, encore aujourd'hui, la politique de la ville. Nous voulons préparer sa révision. Nous proposons donc de compléter les objectifs et d'améliorer les outils.

La politique de la ville est essentiellement une politique visant à assurer l'égalité des territoires entre eux, avec l'objectif de les ramener dans la moyenne. Cet objectif reste nécessaire, même s'il est difficile à atteindre ; cependant, nous croyons qu'il faut y ajouter de manière plus explicite sa fonction de tremplin pour les habitants. Si des habitants de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en partent parce que leur situation s'est améliorée, ce n'est pas un échec de la politique de la ville : bien au contraire !

Cette évolution de l'objectif doit nous conduire à savoir l'évaluer. Or, nous sommes confrontés à un paradoxe. D'un côté, la politique de la ville suscite une multitude de rapports, de l'autre, on déplore l'absence d'une évaluation sérieuse. Comment concevoir qu'une politique qui mobilise tant de moyens, qui touche 5,4 millions d'habitants, qui présente autant d'enjeux politiques et qui demeure contestée, ne soit pas dotée d'un suivi plus robuste ?

Nous formulons trois propositions à ce sujet.

Premièrement, l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) créé par la loi Lamy est en « état de mort cérébrale ». Son prédécesseur, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus), comptait plus de dix équivalents temps plein : il n'y en a plus que deux actuellement... Un renforcement des moyens est absolument nécessaire, notamment pour lancer des études de cohortes sur les trajectoires territoriales et individuelles des habitants, et ce dans la durée.

Deuxièmement, il faut changer de culture et intégrer l'évaluation d'objectifs concrets aux programmes.

Troisièmement, il faut accompagner les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour l'évaluation de leurs actions. Nous avons vu un très bon exemple à Valenciennes, où les responsables se sont appuyés sur le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Dans ce cadre, il faut aussi faciliter la levée du secret statistique, qui en vient rapidement à empêcher la réalisation des travaux. De même, il convient de travailler sur les discriminations en fonction de l'origine réelle ou supposée et du lieu de résidence.

Nous recommandons ensuite d'améliorer les outils et le fonctionnement de la politique de la ville.

Au niveau national, nous demandons à la Première ministre de reprendre d'urgence le pilotage interministériel de la politique de la ville, comme le faisait Jean Castex. La convocation d'un comité interministériel des villes (CIV), selon un rythme semestriel, c'est-à-dire dès cet été, nous paraît être le premier signal politique et opérationnel à donner. Nous voulons ensuite que l'État se mobilise en donnant une visibilité sur les crédits de la politique de la ville, et ce dans la durée. Nous demandons, par conséquent, la mise en chantier d'une loi de programmation de la ville, sur le modèle de ce qui se fait pour les armées et la justice. Enfin, nous voulons que les différents ministères mobilisent leur droit commun : la signature de nouvelles conventions interministérielles dans ce but nous paraît également devoir être lancée par Matignon. Il n'y en a plus depuis 2016 !

À l'échelon local, nous voulons favoriser la complémentarité et le dialogue entre l'État et les villes, le préfet et les maires. Dans mon département des Alpes-Maritimes, les cités éducatives et les « bataillons de la prévention » sont de bons exemples du travail approfondi qui a été fait pour s'emparer de ces programmes, pour les adapter au territoire et pour les conforter par un tour de table de financeurs. L'adaptation aux réalités locales et la capacité à créer une véritable dynamique entre tous les acteurs font la réussite d'un projet. Cela fonctionne si, à l'échelon local, le portage politique et administratif est fort et transverse. Nous pensons également qu'il est souhaitable d'expérimenter la délégation des crédits de la politique de la ville aux EPCI. Il s'agit d'une demande de plusieurs grandes agglomérations. La Cour des comptes préconise elle-même de territorialiser plus fortement la politique de la ville. La proposition, nous l'avons constaté, ne fait pas consensus : elle pourrait affaiblir le ministère de la ville, que nous souhaitons plutôt renforcer ; la dotation de solidarité urbaine (DSU) est d'ores et déjà cinq fois plus importante. Cependant, il ne faut pas s'interdire d'expérimenter, si les EPCI en font la demande, et d'évaluer, avant d'aller éventuellement plus loin : il ne s'agit pas d'une décentralisation générale.

Nous voulons ensuite renforcer le tissu associatif des quartiers, qui s'est beaucoup délité. Nous proposons de sortir des appels à projets systématiques, qui limitent les capacités d'initiative et mettent en concurrence territoires et associations : à cet effet, favorisons les conventions pluriannuelles, notamment pour aider les associations à grandir. Nous demandons à généraliser l'accompagnement des associations de grande proximité et à leur réserver des enveloppes de crédits.

Concernant la participation des habitants, nous estimons qu'il faut réformer les conseils citoyens, dont les résultats sont très hétérogènes. Nous plaidons pour plus de souplesse à l'exemple des conseils de quartier, pour plus de logique de projet avec des moyens appropriés ; nous proposons de remplacer le droit d'interpellation du préfet, inopérant et anachronique, par celui du conseil municipal ou de l'instance de pilotage du contrat de ville.

Enfin, nous pensons qu'il faut favoriser l'implication des entreprises en faveur des quartiers à travers les conventions de revitalisation, comme cela se fait dans les Alpes-Maritimes, à travers les critères de performance extra-financière, avec des clauses spécifiques pour cofinancer les actions ciblées en faveur des publics des QPV, mais aussi par le biais de la fondation qui était prévue en 2014 et qui n'a jamais vu le jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Ce fut un bonheur et un plaisir de travailler de concert avec Viviane Artigalas et Dominique Estrosi Sassone. Cet échange de regard nous a amenées à voir les choses de manière plus constructive.

Évaluer l'application de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy », c'est interroger deux outils centraux : la géographie prioritaire et le contrat de ville.

Comme nous l'avions montré avec Annie Guillemot il y a cinq ans, la géographie prioritaire issue de la loi de 2014, qui est fondée sur un seul critère, la concentration de la pauvreté par carreau de 200 mètres de côté, est à la fois une grande avancée et comporte d'importantes limites.

L'avancée, c'est d'avoir beaucoup simplifié et clarifié les choses et d'avoir concentré les moyens. Les limites, c'est d'avoir laissé de côté, sans vraie solution, des poches de pauvreté diffuses ou localisées. Le bassin minier en est le meilleur exemple.

Cinq ans plus tard, nous déplorons l'absence d'actualisation de la géographie prioritaire alors qu'elle aurait dû avoir lieu en 2020. C'est donc la première urgence. Ensuite, le problème des quartiers laissés-pour-compte a pris de l'ampleur. Les maires s'en plaignent et cela pose parfois de graves problèmes politiques. Nous proposons donc de laisser une plus grande latitude aux maires et aux préfets pour ajuster le zonage sur le fondement des analyses de besoins sociaux. Nous demandons également d'étudier un rapprochement avec le programme « Action coeur de ville », car, en dehors des métropoles, beaucoup de villes sont éligibles aux deux.

Nous voulons également rendre les contrats de ville beaucoup plus opérationnels. Comme la géographie prioritaire, ils n'ont pas été actualisés depuis 2014. Il faut également les assouplir pour que les EPCI puissent choisir leurs priorités, et décliner des objectifs concrets et mesurables quartier par quartier. Nous plaidons également pour adjoindre aux contrats de ville un volet investissement. Cela aurait particulièrement du sens dans les quartiers qui ne sont pas éligibles aux aides de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Enfin, nous souhaitons pérenniser l'abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui s'achève en 2023, au profit des bailleurs sociaux sous réserve d'un meilleur contrôle et d'une meilleure compensation par et pour les communes.

J'en viens au dernier volet de notre travail qui portait sur l'entrepreneuriat. Nous avons bien conscience que tous les habitants des quartiers de la politique de la ville (QPV) ne vont pas devenir entrepreneurs et que l'on ne transforme pas un jeune qui n'est pas en emploi, en études ou en formation (Neet) en P-DG de licorne.

Pour autant, la promotion de modèles de réussite accessible a un vrai impact dans les quartiers. Elle rencontre l'aspiration de plus d'un tiers des habitants. C'est donc un levier pertinent. Le programme « Entrepreneuriat pour tous » de Bpifrance a, par exemple, permis la création de 5 000 entreprises les deux dernières années. Le programme combine le démarchage des personnes intéressées par la création d'entreprise, par exemple avec des bus, l'animation de communautés d'entrepreneurs et des modules d'accélération de développement. Ce programme mériterait donc, selon nous, d'être pérennisé au-delà de 2025.

Ces entreprises ne sont pas toutes des pépites technologiques. Elles ne sont pas toutes non plus des autoentreprises de chauffeurs Uber ou de restauration ethnique. Elles sont diversifiées. Les secteurs classiques sont bien présents. C'est pourquoi la Française des jeux et BNP sont, par exemple, présents auprès d'un fonds d'investissement, que nous avons rencontré, qui appuie l'installation de franchisés et de buralistes. Comme nous l'a dit son dirigeant, « ce n'est pas révolutionnaire, mais ça change des vies, ça crée de l'emploi et ça donne de la vie dans les quartiers ».

Nous souhaitons ensuite qu'un effort particulier soit fait sur l'entrepreneuriat au féminin dans les QPV, comme c'est le cas au plan national dans les actions de Bpifrance, en l'incluant dans l'accord-cadre avec l'État, et donc ses outils et statistiques. Les femmes des quartiers sont aussi intéressées que les hommes par la création d'entreprise. Mais souvent à la tête d'une famille monoparentale, moins soutenues financièrement et victimes de barrières sociales, elles concrétisent moins leur projet que les hommes.

Enfin, nous souhaitons que l'entrepreneuriat et l'accompagnement dans la durée des jeunes pousses des quartiers deviennent un enjeu territorial pour les pouvoirs publics en vue de leur insertion dans le tissu économique. Dans ce but, l'entrepreneuriat devrait être plus souvent inclus dans les contrats de ville. Il semble que ce soit exceptionnel aujourd'hui. Nous pensons aussi qu'il faut promouvoir des solutions ad hoc après la phase d'incubation, pour faciliter un suivi à la demande. L'utilisation des groupements de prévention agréés, qui ont particulièrement fait leurs preuves durant la crise sanitaire pour traiter en amont les difficultés des entreprises, pourrait être une piste.

De même, la création d'hôtels d'entreprises serait une solution intermédiaire à promouvoir entre l'incubateur et l'absence de suivi qui lui succède souvent.

Madame la présidente, mes chers collègues, voilà donc les principales conclusions et propositions de notre rapport. Nous voulons mettre en lumière, et soutenir les réussites et les dynamiques que vient initier ou appuyer la politique de la ville.

Comme les maires de France, dans leur contribution en vue de la présidentielle, et comme Olivier Klein et Hakim El Karoui dans leur rapport pour l'Institut Montaigne, nous pensons qu'il « se joue dans ces territoires une partie de l'avenir de la France, en particulier de sa jeunesse » et que « ces territoires s'ils cumulent des difficultés, sont aussi des ressources de vitalité et d'initiatives ». Encore faut-il actionner les bons leviers !

Nous n'avons pas mis sous le boisseau les difficultés. Nous n'en sommes que trop conscientes. Mais nous pensons qu'une partie des solutions se trouve dans ces dynamiques de terrain qu'il faut essayer d'amplifier. Il importe aussi de mettre un terme aux logiques descendantes et d'appels à projets pour aller vers des logiques faisant davantage confiance aux territoires. Ces derniers sont souvent porteurs d'initiatives originales fondées sur l'expérience.

Au cours de nos auditions et de nos visites, nous avons recueilli beaucoup de témoignages d'élus et d'habitants qui nous ont dit que c'était grâce à la politique de la ville qu'ils étaient aujourd'hui maires, dirigeants d'association ou, tout simplement, qu'ils s'en étaient sortis. Certains ont quitté leur quartier d'origine, d'autres pas. Selon l'expression de Mohamed Haddou, fondateur des Entrepreneurs affranchis, il faut « non seulement aider les gens à réussir, mais aussi aider les gens à enraciner la réussite ».

Si la politique de la ville pouvait demain mieux qu'aujourd'hui porter cette ambition pour chacun, ne serait-elle pas à la hauteur de la « promesse républicaine » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci de ce rapport qui ne pleure pas sur « le lait renversé », mais a le mérite d'ouvrir des voies d'avenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bonnus

Vous avez commencé par la santé et l'éducation, deux points sur lesquels nous sommes en difficulté. Les quartiers ouest de Toulon, qui sont à 57 % des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ont perdu depuis 2020 quatorze médecins généralistes. Nous sommes également en grande difficulté pour l'aide aux devoirs. Ne pourrions-nous pas envisager une défiscalisation des heures supplémentaires ? Idem pour la santé. Comme dans les zones rurales, nous avons du mal à attirer les jeunes médecins.

J'adhère bien sûr complètement à vos constats. Certes, il faut aider et soutenir, mais il faut aussi former, notamment les éducateurs. Il faut également que les collectivités locales aient de la lisibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Amel Gacquerre

Il s'agit d'un sujet vaste et riche, qui pourrait donner matière à beaucoup d'échanges. Je partage vos constats et vos propositions. J'aimerais néanmoins insister sur trois éléments.

Le premier élément concerne l'impact de la crise sanitaire. Celle-ci a été révélatrice des inégalités que nous vivons dans ces quartiers, par exemple en matière de santé. Cette période a même creusé le fossé. En matière d'éducation et de numérique, nous avons eu besoin de connecter les enfants : on s'est rendu compte à quel point c'était difficile dans certains endroits.

Le deuxième élément concerne l'aménagement urbain. Il y a une nécessité de désenclaver ces quartiers, c'est-à-dire de décider de moyens importants en matière d'infrastructure de transport, par exemple. On parle de rénovation urbaine, mais la question du transport et de la liaison qui doit se faire avec les autres quartiers et les gares est une question essentielle.

Enfin, je vous rejoins sur la décentralisation et la nécessité de donner du pouvoir aux acteurs de terrain ; nous partageons votre analyse. C'est du bon sens et du pragmatisme, particulièrement en ce qui concerne ces politiques. Valérie Létard a cité la gestion de la crise sanitaire : heureusement que des maires et des associations ont fait le travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Force est de le constater, l'actuelle politique de la ville et les contrats de ville permettent malgré tout de progresser. Je tenais à le rappeler. J'ai été sensible à vos propos sur l'évaluation. Il y a quelques années, j'ai demandé à l'éducation nationale de mettre en place des cohortes dans des écoles situées dans des QPV afin d'évaluer la manière dont la politique prioritaire d'éducation se traduisait selon la trajectoire des élèves. Je n'ai jamais obtenu satisfaction, ce qui n'est pas normal ! Je ne comprends pas non plus qu'avec l'ensemble des statistiques dont on dispose dans ce pays l'on n'arrive pas à publier des indicateurs représentatifs de l'évolution de ces politiques.

Je termine en remerciant Michel Bonnus d'avoir abordé la problématique de la santé. L'intérêt général ne saurait être conciliable avec des intérêts purement privés. Tant qu'on ne remettra pas en question un tant soit peu le principe libéral de libre installation des médecins, on n'y arrivera pas. Pourquoi oblige-t-on les fonctionnaires et les militaires et pas les médecins ? Les médecins aussi sont formés et payés avec de l'argent public. On ne leur demande pas de passer toute leur vie dans des territoires qui ne leur agréent pas, mais d'y travailler au moins un ou deux ans. Arrêtons de tourner autour du pot et prenons nos responsabilités ! Beaucoup d'entre nous regrettent la montée du vote extrémiste. Je puis vous assurer que dans les zones rurales toutes ces problématiques y contribuent fortement : continuons comme ça, et c'est la démocratie qui en fera les frais !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

Comme vient de le rappeler Franck Montaugé, la problématique de l'évaluation des politiques publiques en France est un point qui soulève des difficultés. Ce n'est pas spécifique à la politique de la ville, il en va de même, par exemple, du plan Pauvreté. Nous manquons du suivi nécessaire. Or il est important d'évaluer l'efficacité des différents dispositifs mis en place eu égard aux fonds que nous y consacrons. Il convient également de revoir la géographie.

Viviane Artigalas a évoqué l'insuffisance du droit commun. J'ai été surpris que vous ne parliez pas des conseils départementaux, car ils jouent un rôle important en matière sociale. On a cité l'exemple de la santé, mais d'autres domaines méritent notre attention. Avons-nous assez d'assistantes sociales ou d'équipements culturels et sportifs ? Disposez-vous de données réelles pour mesurer dans ces quartiers l'alignement avec ce qui se fait en droit commun ? C'est un élément fondamental à connaître avant d'envisager d'y apporter des moyens supplémentaires.

Enfin, je suis absolument d'accord avec vous, il faut mettre un terme aux appels à projets. Il est important de laisser les territoires en fonction de leurs besoins faire émerger leurs priorités, lesquelles doivent être traitées sur plusieurs années par les associations, qu'elles soient sportives ou culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Ce rapport montre bien que la politique de la ville n'est ni toute noire ni toute blanche ! Vos propos ne sont ni larmoyants ni faciles, ce dont je me félicite. Nous avons perdu du temps durant les cinq dernières années. Un des éléments fondateurs, à mon sens, du dernier quinquennat Macron a été le refus du nouveau plan Borloo. Nous devons à présent nous interroger sur ce qui n'a pas fonctionné. Comment pouvons-nous faire mieux ? Comme l'a rappelé Franck Montaugé, les contrats de villes sont des atouts : en vingt ou trente ans, beaucoup de choses ont été changées. L'accent n'a pas seulement été mis sur la rénovation des logements. Michel Bonnus a parlé de la santé, Amel Gacquerre a parlé des transports, mais il faut aussi citer les services publics et le modèle associatif. Quid du bilan de la suppression des emplois aidés, qui a été une catastrophe pour le milieu associatif ? Pendant la crise du covid, nous avons tous pu mesurer combien il manquait de solidarité dans ces quartiers.

Comme vous l'avez souligné, si tel ou tel morceau de ville a besoin d'être aidé, il est important ensuite qu'il entre dans le droit commun. Je viens d'un département, la Seine-Saint-Denis, qui voit s'accumuler les politiques exceptionnelles. Or Édouard Philippe l'a reconnu, nous n'avons pas à notre disposition des milliards d'argent public ! Tout le problème vient du fait que nous n'arrivons pas à entrer dans le droit commun. Oui, il faut du rattrapage, mais nous n'avons pas non plus besoin d'exiger plus que les autres : nous voulons juste l'égalité républicaine, qu'il s'agisse des services publics, de l'éducation, de la police ou de la justice. Une ville comme Sevran, qui connaît des difficultés en termes de sécurité, n'a toujours pas de commissariat de plein droit. Est-ce normal pour une ville de plus de 50 000 habitants ?

Dernier point, je partage ce qu'a dit Valérie Létard sur l'entrepreneuriat. Mais faute de débouchés, il devient nécessaire pour certaines personnes de créer leur entreprise. Que peuvent-ils faire d'autre ? Il faut donc accompagner les jeunes et les former. La Seine-Saint-Denis est l'un des départements où l'on crée le plus d'entreprises, mais c'est aussi celui où en en ferme le plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Je m'associe à l'ensemble des remarques. Dans les petites villes et en ruralité, on retrouve les mêmes problèmes : on manque aussi d'éducateurs, d'assistantes sociales, de psychologues, de transports, etc. Les difficultés que l'on retrouve en ville n'ont pas de solution dans le périurbain. Beaucoup de présidents d'intercommunalités ne peuvent agir parce qu'ils n'ont pas accès aux aides. En ville, quoi qu'on en dise, il est plus facile de se déplacer, etc. Le changement qui s'opère dans le paysage français doit être pris en compte dans la politique de la ville. Nous ne devons pas tout axer sur les grandes villes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Votre travail jette un éclairage intéressant sur la politique de la ville. On voit bien qu'il y a des réussites, mais il y a aussi des échecs. Vous avez bien mis en évidence les points essentiels, à savoir les services - santé, éducation, sécurité, vie associative - et le bâti. Nous le savons, 80 % de la ville de 2050 est déjà construite. Ces quartiers, qui ont été en première ligne par rapport à la crise sanitaire, seront également impactés fortement par la crise climatique. Sans une amélioration de la qualité du bâti, nous allons vers de grandes difficultés. La rénovation thermique et la lutte contre les îlots de chaleur urbains sont des éléments essentiels. Des efforts en ce sens ont été réalisés à Rennes, dans le quartier de Maurepas. Tant que la réussite dans un quartier consistera à le quitter, c'est qu'il y a un problème ! Il importe donc d'apporter une mixité en termes d'offre de logement pour que nos concitoyens puissent rester dans un même quartier au cours de leurs parcours résidentiels.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Monsieur Bonnus, ces quartiers connaissent bien des problèmes vis-à-vis des politiques de santé, d'éducation, mais aussi de sécurité, qui sont des politiques de droit commun, que l'on peine à évaluer, qu'il s'agisse de politiques nationales, régionales, ou départementales. Il faut davantage de volonté et de moyens pour une meilleure évaluation de ces politiques dans ces quartiers, ce qui a fait défaut au cours du dernier quinquennat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bonnus

Avant 2017, on avait procédé à la défiscalisation des heures supplémentaires des enseignants dans ces quartiers, ce qui avait fait disparaître les problèmes de recrutement. Aujourd'hui, on connaît à nouveau des difficultés dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

La formation des personnes qui interviennent dans ces quartiers est également importante. Les recrutements se font le plus souvent par des contrats courts, on a du mal à stabiliser ce personnel, alors qu'il devrait être encore plus qualifié qu'ailleurs !

Madame Gacquerre, les inégalités entre territoires ont bien été creusées par la crise sanitaire, mais aussi par le plan de relance, car ces fonds ont été largement distribués par le biais d'appels à projets. Les plus rapides et les mieux armés ont été les mieux servis. Les élus de ces communes ont essayé de compenser cette dynamique, qui a mis en difficulté nombre d'associations ; ils ont accompli un travail remarquable pour aller au-devant des besoins de leurs administrés.

Concernant les infrastructures de transport, le désenclavement est effectivement un enjeu crucial. Encore une fois, ce sont les élus locaux qui y travaillent le plus, avec les régions et les métropoles, comme nous avons pu le voir à Nice.

Monsieur Gay, il est évident que cinq ans ont été perdus, cinq ans sans boussole pour la politique de la ville. Ces années ont été perdues en dépit des moyens supplémentaires qui lui ont été octroyés, parce que ceux-ci l'ont été au coup par coup, par le biais d'appels à projets : l'argent allait au premier à répondre et non à celui qui en aurait eu davantage besoin.

Quant à l'emploi et à l'entrepreneuriat, on nous a beaucoup dit sur le terrain que celui-ci représentait une porte de sortie importante pour les jeunes de ces quartiers du fait des discriminations à l'emploi qu'ils subissaient. Il faut mieux accompagner ces entreprises sur le long terme ; c'est l'une des propositions que nous faisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Le postulat de la politique de la ville, c'est l'insuffisance du droit commun dans ces quartiers. Il y a des déserts médicaux ruraux, mais aussi dans ces quartiers. La fracture numérique, ce n'est pas seulement les zones blanches dans les territoires les plus reculés ; elle est réelle aussi dans ces quartiers, ce qui affecte la capacité des jeunes qui y habitent à accéder à une qualification ou à un emploi. De fait, les crédits de droit commun sont insuffisants dans ces quartiers. Il est important que l'État mobilise l'ensemble des ministères pour qu'ils participent, dans le droit commun, à cette politique transversale. Tant que cela ne sera pas le cas, la politique de la ville stagnera et connaîtra des échecs.

Il faut aussi une loi de programmation de la politique de la ville qui offre de la visibilité, dans la durée, sur les crédits qui lui seront consacrés. Ainsi, ces quartiers pourront aller plus loin et constituer de réels tremplins pour les habitants.

Les associations les plus menacées aujourd'hui, voire déjà disparues, sont les plus petites, les associations de proximité de ces quartiers, parce qu'elles n'obtiennent jamais les conventions pluriannuelles qu'elles appellent de leurs voeux. On est plus généreux avec les grosses associations, extrêmement professionnalisées et capables de répondre aux appels à projets, mais peu présentes physiquement dans les quartiers et donc moins à même d'y mener une action pertinente. Les petites associations de proximité, qui font une action remarquable, mais sont incapables de répondre aux appels à projets, s'épuisent et ne parviennent pas à pérenniser leurs emplois.

Dans l'attente d'une proposition de loi reprenant nos principales recommandations, nous entendons sensibiliser à cette problématique le nouveau ministre délégué chargé de la ville et du logement quand nous lui remettrons personnellement notre rapport en septembre ; cet élu de Seine-Saint-Denis saura voir, je l'espère, les dysfonctionnements actuels de la politique de la ville et les pistes d'amélioration.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

On a parfois tendance à opposer la politique de la ville et celle que l'on doit mener en faveur de la ruralité en déprise, mais il faut s'en garder ! Ces territoires connaissent les mêmes problèmes, les mêmes combats : démographie médicale, offre de transports, écoles... Simplement, les solutions ne seront pas les mêmes, entre un aménagement rural du territoire qui y apporte des solutions humaines et une politique de la ville qui ne doit pas faire disparaître le droit commun : l'enjeu est l'accès aux mêmes services publics - éducation, santé, sécurité... - dans tous les quartiers, dans tous les territoires. La politique de la ville devait venir en complément du droit commun, être un effort consenti pour affronter une concentration massive de difficultés sociales, mais elle a fini par se substituer aux politiques communes ; il est impossible de continuer ainsi !

Nous disposons d'outils urbains et d'outils humains. Pour ces derniers, pour tous ceux qui s'engagent dans ces quartiers, il faut d'autres solutions que la précarité absolue. Les associations n'ont aucune visibilité au-delà d'une année, elles passent chaque année six mois à monter des dossiers pour l'année suivante ! Il leur est impossible de recruter des professionnels de qualité avec des contrats aussi courts et qui plus est vulnérables à la moindre restriction des budgets des collectivités. Or ces associations sont aujourd'hui délégataires de service public dans nombre de domaines, de la culture au médico-social. C'est bien dans le domaine de la politique de la ville que cette relation contractuelle est la plus fragile ; il faut affronter ce problème !

En matière de démographie médicale, il faut arrêter de se voiler la face et trouver les solutions et les moyens qui s'imposent, même si c'est politiquement difficile, pour faire face à une situation catastrophique dans ces quartiers comme dans la ruralité.

Pour l'accompagnement des nouvelles entreprises, nous proposons la création d'hôtels d'entreprises, solution intermédiaire entre l'incubateur et l'absence de suivi qui trop souvent lui succède. Il faut éviter d'abandonner les porteurs de projets : cela peut y contribuer, tout comme les groupements de prévention agréés.

Tous les quartiers à contrat de ville ne sont pas en rénovation urbaine. Cela leur donne des moyens humains, mais l'urbain fait défaut... Il faudrait de petites solutions d'investissement pour améliorer certains aspects de la qualité de vie des habitants dans ces quartiers, une voie médiane là où l'ANRU n'agit pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Je veux saluer le travail remarquable de nos rapporteures. Je ne voudrais pas opposer le rural et l'urbain, mais je ne m'en interroge pas moins : quel est le montant des crédits alloués à la politique de la ville depuis une vingtaine d'années, et pour quels résultats ? En matière de santé, j'ai l'impression que les inégalités se sont creusées en dépit d'investissements massifs ; c'est le cas aussi pour l'éducation. Je connais peu les départements les plus urbains, mais à Paris du moins la mobilité me semble plus facile que dans les territoires ruraux...

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Les quartiers de la politique de la ville, ce n'est pas Paris...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

En matière de couverture numérique, les opérateurs couvrent beaucoup plus facilement les villes que les zones rurales.

En matière d'autonomie financière des collectivités, la dotation globale de fonctionnement (DGF) est de 100 euros par habitant d'une zone rurale, de 200 euros par habitant d'une zone urbaine... Quand y aura-t-il égalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

En matière d'éducation, on a décidé sous le quinquennat précédent le dédoublement de classes dans les zones d'éducation prioritaire. Les résultats ne semblent pas à la portée des ambitions...

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Les problématiques de chaque territoire ne sont pas du tout les mêmes. Il est difficile de comparer ainsi zones rurales et urbaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Vous recommandez de modifier l'article 5 de la loi Lamy « pour préciser le processus de la définition des quartiers propriétaires de la politique de la ville ». Qu'entendez-vous par là ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Il est question de la définition géographique de ces quartiers, qui n'a pas évolué depuis 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Si je comprends bien, vous voulez faire évoluer les critères de définition de ces quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Oui : nous voulons offrir aux territoires plus de souplesse, de marges d'appréciation.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Si je ne m'abuse, il n'y en a que deux : nombre d'habitants et écart par rapport à la moyenne nationale en matière d'activité économique et de revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Le problème est dans le carroyage de l'Insee, qui est de 200 mètres sur 200 mètres. Des quartiers extrêmement vulnérables sont exclus de la politique de la ville du fait d'une trop faible densité de l'habitat, notamment dans le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Je comprends mieux le problème : vous entendez répondre à ces effets de bord.

Debut de section - PermalienPhoto de Amel Gacquerre

Un élément n'a pas été précisément évoqué dans notre discussion parmi les différences entre milieux ruraux et urbains. Même si beaucoup de problèmes sont identiques, ces territoires diffèrent dans la sociologie, la culture et l'histoire de leurs populations. Celles des quartiers de la politique de la ville souffrent de discriminations à tous les niveaux. C'est une autre raison qui justifie que les réponses ne peuvent pas être identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Je tiens à répondre à M. Boyer. Je suis moi-même élue d'un département très rural, qui comprend deux quartiers de la politique de la ville. J'ai travaillé sur les questions d'éducation et les conventions ruralité, qui ont permis de maintenir des écoles dans des zones très peu denses, avec des effectifs très réduits. Peu de moyens vont à la ruralité, mais nos éléments d'évaluation montrent que les quartiers prioritaires sont moins bien pourvus encore que la diagonale du vide ! Ce qu'on donne à la politique de la ville, on ne le prend pas à la ruralité.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Nous avons accompagné notre rapport d'éléments statistiques. Il s'avère que 40 % des quartiers de la politique de la ville n'ont pas de crèche ; deux tiers d'entre eux n'ont pas d'agence Pôle emploi à moins de 500 mètres. Il y a 36 % de bibliothèque en moins. Enfin, ils ont 50 % de médecins spécialistes en moins par rapport à la moyenne nationale. Ce dont on se plaint dans la ruralité, à raison, est aussi un problème dans ces quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Pardonnez-moi, mais je n'ai pas compris la remarque de Mme Gacquerre sur la sociologie des populations.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Il y a beaucoup plus de discriminations, à de nombreux niveaux, dans les quartiers de la politique de la ville que dans les territoires ruraux, parce que les populations ne sont pas les mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Amel Gacquerre

Notre discussion portait sur les problèmes auxquels font face tant les zones rurales que les quartiers prioritaires. Il me semble que beaucoup de constats et de réponses sont effectivement partagés, mais les populations sont très différentes culturellement et historiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

C'est aussi dû au fait que ces quartiers sont majoritairement composés d'habitat social.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Il me faut hélas mettre un terme à cette discussion, en remerciant nos rapporteurs pour leur passion !

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

La réunion est close à 17 h 55.