Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation (CPF) et à interdire le démarchage téléphonique de ses titulaires.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé le CPF, créé en 2014, avec pour objectif de faciliter l'accès de chaque actif à la formation professionnelle.
Premièrement, dans un objectif d'accessibilité et de lisibilité renforcées pour le titulaire d'un CPF, le principe d'acquisition et de mobilisation des droits en heures a été remplacé par un dispositif monétisé en euros.
Deuxièmement, le système complexe et inéquitable de listes de formations éligibles au CPF a été supprimé. Sont désormais éligibles de plein droit les actions de formation préparant aux diplômes et titres à finalité professionnelle enregistrés aux répertoires nationaux gérés par France compétences - le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique (RS) - ou permettant d'obtenir un bloc de compétences de certifications professionnelles.
Une autre innovation importante est la désintermédiation du dispositif. Désormais, les actifs peuvent directement choisir et payer leur formation via un service dématérialisé, « Mon compte formation », lancé en novembre 2019.
Enfin, la loi a confié le financement et la gestion du CPF à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui bénéficie elle-même à ce titre d'une dotation financière de France compétences.
La réforme a connu un indéniable succès quantitatif : environ 2,1 millions de dossiers de formation ont été financés en 2021 par le CPF, contre près de 1 million en 2020 et 500 000 en 2019, soit un doublement chaque année. Grâce à un mode d'alimentation favorable aux temps partiels, elle a également permis un rééquilibrage du recours au CPF entre les hommes et les femmes.
Toutefois, avec 19 millions de profils activés sur « Mon compte formation », cette réforme a aussi ouvert une brèche dans laquelle divers acteurs, allant d'organismes de formation peu scrupuleux à des spécialistes de la fraude, se sont engouffrés.
La fraude au CPF est protéiforme. Il peut s'agir de pratiques commerciales agressives visant à pousser les titulaires d'un compte à acheter une formation contre leur gré ; d'irrégularités à l'éligibilité des formations au CPF ou à l'habilitation de l'organisme de formation à dispenser la formation proposée ; ou encore, de fausses entrées en formation validées sur la plateforme « Mon compte formation » à la suite d'une usurpation d'identité, voire, dans certains cas, d'une collusion entre le titulaire du CPF et le prétendu organisme de formation.
La CDC évalue entre 40 et 60 millions d'euros le préjudice financier lié à ces pratiques. Si ces montants peuvent sembler importants, il convient de les rapporter aux dépenses totales occasionnées par le dispositif, qui se sont élevées à 2,85 milliards d'euros en 2021.
Au-delà de leur impact financier, ces pratiques nuisent à l'image du CPF et, plus généralement, à celle de l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle, brouillant ainsi le message des pouvoirs publics en faveur du développement des compétences.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, déposée par les députés Bruno Fuchs, Sylvain Maillard et Thomas Mesnier, et adoptée par l'Assemblée nationale le 6 octobre dernier, vise à rendre plus efficaces les efforts déployés pour lutter contre ces abus.
Naturellement, l'action des pouvoirs publics contre la fraude au CPF n'a pas attendu ce texte. Dès le lancement de « Mon compte formation », la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la CDC ont défini une stratégie commune en matière de lutte contre la fraude. Leurs efforts se sont amplifiés depuis 2021 en raison de l'aggravation du phénomène.
L'action de la CDC se déploie principalement sur deux axes.
Le premier axe concerne le traitement des signalements. La CDC a notamment lancé en septembre 2021, sur la plateforme « Mon compte formation », un formulaire permettant aux titulaires d'un CPF de signaler des agissements d'organismes de formation contraires aux conditions générales d'utilisation (CGU) dont ils auraient été les victimes ; depuis le 1er janvier 2022, 50 000 signalements ont été reçus par la CDC, qui ont conduit à la restitution de 620 314 euros de droits CPF à 535 titulaires de compte.
Le second axe concerne le contrôle du service fait. La CDC peut demander à l'organisme de formation toutes pièces justifiant la réalisation de la formation, l'accompagnement du stagiaire ou la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la réalisation de la formation. Elle a ainsi repéré 350 organismes de formation présentant un nombre significatif de contrôles non concluants.
Les alertes identifiées par la CDC, que ce soit à l'occasion d'un contrôle ou à la suite d'un signalement, donnent lieu à une procédure contradictoire au cours de laquelle l'organisme de formation est appelé à apporter ses observations. Les sanctions, appliquées selon une grille graduée, sont débattues au sein d'une commission d'arbitrage réunie à un rythme hebdomadaire. Au total, en 2021, 153 organismes de formation ont été déréférencés de la plateforme « Mon compte formation » ; 945 ont vu une partie de leurs actions de formation être déréférencées et 130 ont fait l'objet d'une suspension de paiement, pour un montant total de 31,2 millions d'euros.
Les CGU de la plateforme ont été modifiées à plusieurs reprises afin de prévenir la fraude et de compléter l'arsenal de la CDC. Ainsi, en juin 2021, a été instauré un délai obligatoire de onze jours ouvrés entre la date d'envoi d'une proposition de commande par un organisme de formation et le début de la formation correspondante. En octobre 2022, a été mis en place un contrôle des organismes de formation en amont de leur référencement sur la plateforme.
Depuis le 25 octobre dernier, afin de prévenir les usurpations d'identité et les utilisations frauduleuses de compte, l'accès des utilisateurs à la plateforme a été sécurisé par la mise en place de la solution FranceConnect+, qui nécessite de disposer d'une identité numérique La Poste. Si elle est efficace, cette solution qui alourdit le processus de connexion comporte des effets de bord non négligeables, notamment vis-à-vis de personnes en difficulté avec le numérique. Depuis un mois, une diminution de 30 à 35 % du volume de dossiers a été constatée. Si le libre accès à la plateforme doit continuer à être garanti, il convient d'interpréter cette donnée avec prudence, car elle résulte de l'effet combiné de plusieurs mesures de régulation.
En parallèle, le ministère du travail a réalisé une campagne de communication grand public afin de mettre en garde les titulaires de CPF contre les appels téléphoniques, les courriels et les SMS frauduleux. Des messages de prévention sont diffusés régulièrement au sujet des arnaques au CPF, rappelant aux titulaires de ne pas communiquer leurs identifiants personnels et de ne pas souscrire à des formations promettant des cadeaux ou des compensations financières. Il reste néanmoins des obstacles législatifs à lever pour permettre à ces actions de prendre leur pleine mesure.
Des échanges d'informations entre les services de l'État, France compétences et la CDC se sont activement développés afin de lutter contre la fraude. Toutefois, en l'état actuel du droit, la CDC ne peut en faire usage afin de recouvrer les sommes indûment perçues par des organismes de formation. En effet, les décisions de la CDC impliquant des sommes à rembourser par les organismes de formation ne permettent pas d'obtenir l'exécution forcée des créances. La CDC doit saisir le tribunal administratif afin d'obtenir un titre exécutoire, ce qui permet aux organismes concernés de gagner du temps, voire d'organiser l'évasion des fonds.
De plus, si les échanges entre services permettent d'identifier les fraudeurs, la CDC ne peut pas les invoquer devant le tribunal administratif en l'absence de fondement légal. En matière de démarchage téléphonique, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a mis en place un régime d'opposition avec la possibilité de s'inscrire gratuitement à la liste Bloctel. Ce régime a été renforcé par la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, qui a rendu obligatoire la consultation par les centres d'appel de la liste d'opposition et alourdi les sanctions applicables.
La même loi a interdit tout démarchage téléphonique ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables ; dans ce secteur aussi, la politique publique en faveur de la transition énergétique avait donné lieu à une recrudescence de pratiques de démarchage frauduleux.
Pour les courriers électroniques et les SMS, un régime de consentement préalable et explicite, ou opt-in, s'applique. La prospection directe d'une personne physique par ces moyens de communication est interdite si cette dernière n'a pas préalablement accepté d'être sollicitée.
Ces dispositifs n'ont pas empêché la prolifération de pratiques agressives de démarchage, notamment téléphonique, relatif au CPF. L'analyse des signalements déposés sur « Mon compte formation » permet de constater que, en cas d'abus, le téléphone est effectivement le principal vecteur de prise de contact entre l'organisme de formation et le titulaire de compte.
Face à ce constat, l'article 1er de la proposition de loi tend à interdire la prospection commerciale - par téléphone, par SMS, par courriel ou sur les réseaux sociaux - des titulaires d'un CPF visant à collecter leurs données à caractère personnel ou à conclure des contrats portant sur des actions de formation, sauf si la sollicitation intervient dans le cadre d'une action de formation en cours et présentant un lien direct avec son objet.
Afin de contrôler le respect de ces dispositions, il habilite les agents de la DGCCRF à rechercher et à constater ces infractions, et prévoit des sanctions administratives d'un montant maximal de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Cette mesure stricte n'empêchera pas les organismes de formation de communiquer, mais permettra de faire cesser le démarchage abusif en clarifiant les règles. Elle aidera également les actifs à prendre des décisions réfléchies sur l'utilisation de leur CPF et le choix de leur avenir professionnel.
La proposition de loi vise, par ailleurs, à renforcer les moyens d'action de la CDC face à la fraude. À cette fin, elle donne une base légale à la communication d'informations entre les acteurs de la lutte contre la fraude. L'article 2 prévoit ainsi que la CDC, France compétences, les services de l'État chargés de la répression des fraudes et ceux qui sont chargés des contrôles de la formation professionnelle, mais aussi les organismes financeurs, les organismes délivrant la certification Qualiopi et les ministères ou organismes propriétaires de certifications professionnelles peuvent échanger tous les documents et informations détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et utiles à leur accomplissement.
Il autorise également la cellule nationale de renseignement financier, Tracfin, à transmettre des informations à la CDC ainsi qu'à l'Agence de services et de paiement (ASP), chargée de verser les aides à l'embauche d'apprentis. Ces échanges d'informations permettront de faire gagner un temps précieux à la CDC pour l'accomplissement de sa mission de lutte contre la fraude.
L'article 2 bis, inséré à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, donne à la CDC les moyens de mettre en oeuvre un recouvrement forcé des sommes indûment versées à un organisme de formation. À cet effet, le directeur général de la CDC pourra délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du prestataire devant la juridiction compétente, comportera tous les effets d'un jugement. En outre, lorsqu'elle constatera la mobilisation par le titulaire d'un CPF de droits indus ou une utilisation contraire à la réglementation, la CDC pourra procéder au recouvrement de l'indu par retenue sur les droits inscrits ou sur les droits futurs du titulaire.
Comme le prévoit l'article 2, les agents de la CDC pourront obtenir de l'administration fiscale les informations contenues dans le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). En outre, la CDC pourra recevoir de l'administration fiscale communication de tous documents ou renseignements nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues, ainsi qu'à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées au titre du CPF.
L'article 3 tend à inscrire dans la loi les conditions du référencement sur « Mon compte formation », ce qui permettra de fonder le refus par la CDC de référencer un organisme de formation qui ne remplirait pas ces conditions. Il serait notamment vérifié que l'organisme propose des formations éligibles à un financement CPF, dispose de la certification qualité Qualiopi, respecte les prescriptions de la législation fiscale et sociale et satisfait aux CGU. La CDC pourrait procéder à la même vérification pour les organismes de formation déjà référencés sur la plateforme avant la publication de la loi. Afin d'assurer l'opérationnalité de la mesure, des échanges de données pourraient être organisés entre la CDC, les Urssaf et l'administration fiscale.
Afin de mettre fin à certaines dérives de nature à tromper les titulaires de CPF, l'article 4 vise à encadrer le recours à des sous-traitants en soumettant ces derniers aux mêmes obligations que les donneurs d'ordre. Cette dernière mesure appelle une vigilance particulière. Appliquée indistinctement à tous les sous-traitants, notamment les travailleurs indépendants et les micro-entrepreneurs, elle pourrait mettre en péril une partie du secteur. Le décret en Conseil d'État prévu pour son application devra bien préciser la portée de ces obligations selon le degré d'implication dans l'exécution des actions de formation et la nature du prestataire concerné.
En matière de lutte contre la fraude, il n'existe pas de solution infaillible. Il s'agit de mettre en place des barrages filtrants qui rendront plus compliqués les contournements. La proposition de loi, très attendue, répond à cette logique, et le rapport d'information que nous vous avons présenté, en juin dernier, avec Frédérique Puissat et Corinne Féret soutenait déjà ces objectifs.
Je considère que la lutte contre la fraude et l'amélioration de la qualité de la formation professionnelle forment un continuum. À cet égard, je salue le travail réalisé en matière de certifications professionnelles par France compétences, qui représente en soi un levier de prévention des abus. Ce texte ne prétend pas épuiser le sujet des ajustements à apporter au CPF, puisque des réflexions sont en cours, en concertation avec les partenaires sociaux et dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, sur la mise en place d'un mécanisme de régulation du dispositif. Je vous invite donc à adopter sans modification cette proposition de loi, ce qui permettra son entrée en vigueur immédiate.
Enfin, il m'appartient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.
Je considère que cette proposition de loi comprend des dispositions relatives à l'interdiction de la prospection commerciale des titulaires d'un CPF ; aux échanges d'informations et de documents entre les autorités compétentes en matière de lutte contre la fraude au CPF ; aux modalités de recouvrement des sommes versées indûment au titre du CPF ; et aux conditions de référencement des organismes de formation sur le service dématérialisé « Mon compte formation » et de recours à la sous-traitance par les organismes référencés sur ce service.
En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé des amendements relatifs aux règles d'acquisition, de mobilisation et d'abondement des droits inscrits sur le CPF, ainsi qu'à l'organisation et au financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Il en est ainsi décidé.
Les auditions du rapporteur sont venues compléter le travail effectué dans le cadre de notre mission d'information sur France Compétences. Le CPF est issu de la loi votée en 2018. À l'époque, Michel Forissier et Catherine Fournier s'étaient montrés réservés sur la monétisation et la désintermédiation du CPF, et je me rappelle que la ministre avait déclaré qu'il s'agissait d'un « pari ». Celui-ci était peut-être audacieux ; il a permis à un plus large public d'accéder à la formation, mais a également occasionné des dérives que l'on s'efforce de traiter avec ce texte.
Nous sommes tous contactés par des organismes qui nous proposent on ne sait quoi ; il est donc urgent de prendre certaines décisions. Avec Corinne Féret et Martin Lévrier, dans le cadre de notre mission d'information, nous nous étions montrés favorables à l'élaboration d'une loi qui viendrait corriger ces dérives. Ce texte est donc le bienvenu ; nous avons bien compris qu'il ne fallait pas apporter de modifications, sous peine de voir son application reportée.
Ma première interrogation concerne le dispositif FranceConnect+. Sa mise en place devait sécuriser l'accès à la plateforme ; or, de nombreux acteurs ont évoqué un dispositif plus contraignant, source de dysfonctionnements. A-t-on une idée de l'évolution de ce dispositif ? Il ne doit pas freiner l'intéressante progression de la formation à la fois chez les demandeurs d'emploi et les personnes en activité.
Ma deuxième interrogation porte sur les sous-traitants. Beaucoup de personnes ayant un statut d'indépendant, avec des compétences très pointues, pouvant intervenir pour le compte d'organismes de formation, sont affolées par l'encadrement prévu par le Gouvernement. Il semblerait que la ministre ait évoqué un décret pour les rassurer. Nous sommes toujours très prudents concernant les décrets. Disposez-vous d'éléments susceptibles de les rassurer davantage ?
Notre groupe va voter cette proposition de loi sans la modifier, même si quelques interrogations demeurent.
Je suis régulièrement sollicitée par des habitants de Haute-Garonne - le plus souvent, des personnes âgées de plus de 75 ans - qui reçoivent des appels intempestifs liés au CPF. Comment les données sont-elles récupérées ?
Le ver était dans le fruit depuis longtemps. Il est dommage que l'on soit obligé d'en passer par un tel arsenal juridique. Sous couvert de modernité, on en arrive à changer des dispositifs qui fonctionnent. Certes, des efforts étaient nécessaires en matière de formation, mais la dématérialisation et le recours à une plateforme ont entraîné des abus et des fraudes qui nous contraignent aujourd'hui à légiférer. Il s'agit de faire quelque chose contre ce fléau et notre groupe votera ce texte. Espérons que cela serve de leçon pour d'autres sujets.
Monsieur le rapporteur, nous recevons tous des messages sur notre téléphone nous informant que notre CPF est arrivé à échéance et qu'il nous reste vingt-quatre heures pour réclamer nos droits. Le vote de cette loi empêchera-t-il que l'on nous adresse ce type de messages ? Si tel est le cas, je voterai ce texte.
Le nombre de dossiers liés au CPF double chaque année, ce qui est une très bonne chose. Auparavant - et sans doute encore aujourd'hui -, des organismes de formation intervenaient, de manière souvent peu efficace, quand il y avait des licenciements. Ce CPF, d'ailleurs plébiscité, est donc une solution intéressante. Alors, certes, on observe des fraudes ; je voterai pour ce texte qui s'efforcera de les limiter.
La prospection sur le CPF sera interdite sur les réseaux sociaux ; cela englobe-t-il les plateformes vidéo ? Ce type de plateformes est, en effet, un outil de communication pour ces formations qui sont en fait des arnaques.
Peut-on faire don de tout ou partie de son CPF à un proche ? Au moment de la retraite par exemple, peut-on transférer ses droits à la formation à son petit-fils ?
Madame Puissat, la monétisation du CPF doit être évaluée en comparaison du préjudice lié à la fraude. Le préjudice financier lié à ces pratiques se situe entre 40 et 60 millions d'euros, sachant que les dépenses totales occasionnées par le dispositif s'élèvent à 2,85 milliards d'euros en 2022. La fraude représente donc une faible part des dépenses pour le moment, mais elle pourrait s'aggraver très vite. Nous savions, en passant à la monétisation, que ce genre de risques existait. Cette loi devrait limiter fortement les abus.
Je ne regrette pas la monétisation. Nous avons démultiplié le nombre de formations, en particulier auprès des non-cadres, ce qui est une nouveauté. La monétisation a permis à chaque salarié de gérer son propre parcours professionnel et largement contribué à démocratiser le système. La ministre nous avait dit, en effet, qu'il s'agissait d'un pari, au même titre que la réforme de l'apprentissage. Il faut savoir être disruptif pour réussir, et ces réformes ont été, globalement, de belles réussites.
J'ai alerté très tôt le ministère sur le sujet des sous-traitants. On ne peut pas demander à des personnes ayant un statut d'autoentrepreneur, simplement parce qu'elles dispensent quelques heures de formation dans un centre, de rentrer dans les critères de la certification qualité Qualiopi ; cela n'aurait pas de sens. Le Gouvernement a été prévenu, il est entré en discussion avec les opérateurs et s'est engagé à proposer un décret. En asséchant la sous-traitance, on détruirait en grande partie la formation. Le décret a un avantage : on peut le modifier au fur et à mesure en cas de besoin. Tout en restant vigilants, faisons confiance à la concertation engagée en ce sens.
Le dispositif FranceConnect+ est devenu indispensable. Compte tenu des sommes considérables en jeu, les moyens de sécurisation doivent être plus importants afin de correspondre aux normes liées à la cybersécurité. Certes, cela prend du temps. La Poste est actuellement le seul opérateur pouvant délivrer une identité numérique, d'autres arriveront bientôt sur le marché. Nous recensons actuellement 10 000 personnes par jour qui créent des comptes FranceConnect+.
Un problème technique demeure concernant les ressortissants de l'espace Schengen qui ne sont pas Français. Par exemple, un Italien travaillant en France ne peut pas se connecter à FranceConnect+, car il n'a pas de pièce nationale d'identité française. La CDC est en train de chercher la solution.
Madame Micouleau, les escrocs récupèrent les données en achetant des fichiers. Et ensuite, ils inondent de coups de téléphone - ce que l'on appelle le phishing.
Madame Lubin, il s'agit d'une plateforme d'État, non commerciale donc. Si l'on prend l'exemple des arnaques liées à la rénovation énergétique, il n'y avait pas de plateforme. Ce n'est pas la plateforme qui pose problème, mais les appels intempestifs et les techniques des fraudeurs. Le seul moyen est de bloquer la fraude en filtrant au maximum les risques connus.
Monsieur Savary, je ne peux pas garantir à 100 % que les messages cesseront. Mais, avec la loi votée à l'Assemblée nationale et la mise en service de FranceConnect+, nous avons déjà pu observer une diminution de plus de 60 % des appels.
Concernant les plateformes vidéo, elles peuvent être concernées en tant que réseaux sociaux. En revanche, les influenceurs ne sont pas concernés car leur activité n'est pas assimilable à du démarchage. La DGCCRF a toutefois accru sa vigilance.
J'ai bien entendu le message d'une adoption conforme et m'abstiendrai de déposer un amendement sur ce point. Mais il y a une faille du côté des plateformes vidéo et de ces influenceurs, dans laquelle les escrocs risquent de s'engouffrer.
Il y a toujours un risque. La fraude est souvent très organisée. Il serait assez compliqué pour des fraudeurs de ce type de faire appel à des influenceurs ; ils prendraient des risques autrement plus importants.
Enfin, pour répondre à madame Guidez, on ne peut pas faire don de son CPF. Il s'agit d'un droit personnel alimenté par des fonds publics. À partir du moment où l'on quitte la vie professionnelle, on n'a plus de raison d'en bénéficier ou d'en faire bénéficier quelqu'un de son entourage.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 2 bis (nouveau)
L'article 2 bis est adopté sans modification.
Article 3 (nouveau)
L'article 3 est adopté sans modification.
Article 4 (nouveau)
L'article 4 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Nous examinons la proposition de loi (PPL) visant à rétablir l'équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l'accès à la santé pour tous, présentée par Mme Émilienne Poumirol, Mme Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues.
La proposition de loi qui sera examinée le 8 décembre prochain dans le cadre de l'espace réservé du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à lutter contre la désertification médicale de certains de nos territoires au cours des dix prochaines années. Le constat est connu et documenté, je n'y reviendrai donc que brièvement.
Notre pays connaît de graves difficultés de démographie médicale qui sont appelées à perdurer et à s'intensifier pour encore une décennie. Celles-ci sont particulièrement prononcées s'agissant des soins de premier recours. Après une stagnation dans les années 2000, la France a perdu 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021 quand elle gagnait presque 2,5 millions d'habitants. Ce constat dramatique ne suffit pas à décrire l'ampleur de la difficulté ; il faut ajouter que, dans le même temps, l'âge moyen de la population française augmentait de deux ans et la prévalence des maladies chroniques grandissait de plus de deux points. Les conséquences de ces difficultés sont encore aggravées par l'inégale répartition des professionnels de santé ; dans de nombreux territoires, la densité médicale est deux fois inférieure à la moyenne nationale.
La suppression du numerus clausus produit ses effets. En 2021 et 2022, plus de 15 % d'étudiants supplémentaires dans les filières médicales ont été recrutés en comparaison à 2020 ; mais cette augmentation ne permettra pas d'améliorer la densité médicale avant 2030. Nul besoin d'épiloguer sur les raisons d'un tel défaut d'anticipation par les pouvoirs publics et par les médecins eux-mêmes. Désormais, il convient de trouver des solutions pour que les 72 % de la population vivant en zone sous-dense aient accès à des soins satisfaisants et, à moyen terme, de faire en sorte que cette situation ne se reproduise plus. Dans l'attente de jours meilleurs, cette proposition de loi vient apporter cinq pierres à cet indispensable édifice collectif.
L'article 1er reprend l'idée d'une année supplémentaire pour les étudiants de médecine générale, mesure adoptée récemment par le Sénat, et l'assortit de conditions spécifiques visant à garantir son efficacité. Pour assurer l'effectivité du dispositif, cette année d'exercice en autonomie progressive sera réalisée, non pas « en priorité », mais obligatoirement en zone sous-dense. Nous assumons de demander aux étudiants en fin de cursus cette contribution à l'effort collectif pour améliorer l'accès aux soins dans nos territoires, et nous pensons que ce discours de franchise est indispensable.
En contrepartie, nous souhaitons que cette année de professionnalisation enrichisse véritablement le parcours des étudiants, favorise l'installation dans nos territoires et valorise justement l'effort demandé. Pour ce faire, les étudiants pourront choisir leur affectation sur des listes départementales établies en coordination avec les élus. Il assortit cette quatrième année de conditions de rémunération et d'exercice spécifiques, définies par décret après négociation avec les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle. Nous souhaitons que celles-ci se distinguent nettement des statuts d'interne ou de docteur junior et donnent accès à une rémunération attractive.
Pour favoriser la coordination entre les professionnels de santé de premier recours et l'élaboration de projets de santé répondant aux besoins d'un territoire, l'article 2 rend par ailleurs obligatoire pour l'exercice de la médecine générale, à compter du 1er janvier 2026, la constitution d'équipes de soins primaires (ESP) avec d'autres professionnels. Les médecins se sont peu emparés de ce dispositif depuis sa création en 2016 ; on dénombre seulement 220 ESP, réunissant un nombre variable de professionnels médicaux et paramédicaux. Pourtant, l'exercice coordonné constitue un outil indispensable pour structurer le parcours de soin et améliorer l'offre ; il contribue à l'attractivité de l'exercice ambulatoire dans les territoires, particulièrement vis-à-vis des jeunes médecins qui ne souhaitent plus exercer de manière isolée.
Le texte conforte les ESP dans leur vocation de dispositif souple, complémentaire des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), centres de santé ou communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), en prévoyant que celles-ci pourront consister en une simple convention conclue entre professionnels. Il favorise ainsi une coordination adaptable à l'ensemble des dynamiques territoriales.
L'article 3 rétablit une obligation, pour les médecins, de participer à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) lorsque la continuité de ce service public l'exige. Fondée sur le principe du volontariat individuel depuis le début des années 2000 et la suppression de l'obligation de garde par le Gouvernement, la PDSA est aujourd'hui affaiblie dans certains de nos territoires par la démographie médicale déclinante et le désengagement de certains médecins. D'après le ministère, 38 % des médecins en moyenne participaient, en 2021, à la PDSA. Le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) souligne que certains territoires ne sont plus couverts en soirée.
Le texte ne rétablit pas une obligation individuelle de garde en nuit profonde et indépendamment des besoins évalués. Il vise, au contraire, à renforcer la responsabilité collective des médecins à assurer la continuité de la PDSA chaque fois que, sur un territoire, elle apparaît indispensable à la prise en charge des soins non programmés pendant les horaires de fermeture des cabinets. Il reviendra aux agences régionales de santé (ARS), en lien avec l'ordre des médecins et les représentants des professionnels, d'évaluer les besoins, d'organiser cette permanence et, le cas échéant, d'appliquer cette obligation dans chaque territoire. L'absence de PDSA nuit à la prise en charge des patients et contribue à saturer les services d'urgence hospitaliers. Veiller à sa continuité, chaque fois que les besoins le justifient, apparaît ainsi indispensable.
L'article 4 paraîtra sûrement familier ; ce n'est pas la première fois que des dispositions visant à un conventionnement sélectif sont soumises à l'examen du Sénat, mais il n'est jamais trop tard pour trouver son chemin de Damas. Le principe d'une arrivée de médecin conventionné pour un départ dans les zones sur-dotées ne viendra pas répondre à l'urgence des territoires sur lesquels le manque de médecins est le plus criant. Il ne s'appliquera, d'ailleurs, que sur un nombre restreint de territoires, puisqu'il est établi que la France est globalement une zone sous-dense, à l'exception de quelques quartiers ou villages chanceux. De même, les nombreux départs en retraite à venir le rendront rarement limitatif dans un premier temps.
Dans l'immédiat, cette conditionnalité sera donc très peu contraignante et ne poussera pas les médecins, comme certains le prédisent, dans les bras du déconventionnement. En revanche, ce principe de conventionnement prépare d'ores et déjà l'avenir, dans la mesure où il guidera l'installation des médecins lorsque la démographie de la profession redeviendra favorable. Il évitera qu'un faible nombre de zones ne récoltent les fruits des promotions plus importantes d'internes en médecine générale ; je vous propose donc d'adopter l'article 4.
Enfin, l'article 5 prévoit que la distinction entre l'exercice libéral, d'une part, et l'exercice salarié en centre de santé, d'autre part, ne puisse suffire à fonder des différences dans l'octroi des aides conventionnelles visant à inciter à l'installation des professionnels, le maintien de leur activité et leur remplacement dans des zones sous-dotées.
Les conventions entre l'assurance maladie et les professionnels de santé prévoient toutes sortes de contrats incitatifs à destination des professionnels libéraux ou des centres de santé. Les conditions d'octroi, les montants et les modalités de versement varient selon le professionnel de santé, le mode d'exercice et les majorations décidées par les ARS. Il n'est pas aisé de se retrouver dans ce maquis et les jeunes professionnels ignorent généralement ces dispositifs ; un vrai chantier de clarification serait à mener.
Si toutes les aides ne sont pas défavorables aux centres de santé, concernant par exemple des chirurgiens-dentistes, les contrats d'aide à l'installation des médecins (CAIM) sont clairement plus avantageux pour les médecins libéraux que pour un poste salarié en centre de santé. Pour un praticien travaillant à temps plein en zone sous-dotée, l'aide est ainsi de 50 000 euros pour un exercice en libéral, contre 30 000 euros pour le premier équivalent temps plein (ETP) au sein d'un centre de santé, puis 20 000 euros pour les deuxième et troisième. L'article 5 prévoit donc de mettre fin à cette inégalité de traitement alors que les centres de santé concourent, aux côtés de la médecine libérale, à l'accès aux soins de premier recours dans les zones sous-denses.
Cette proposition de loi n'a pas la prétention de mettre miraculeusement fin à la pénurie de médecins. Les années qui viennent ne seront pas faciles, nous le savons. Cependant, les nombreuses auditions m'ont confortée dans l'idée qu'il était possible, par un effort collectif, d'atténuer les effets de la pénurie. Ce texte vise à garantir partout un accès aux soins de proximité, en évitant les concurrences entre territoires, entre professionnels de santé et entre modes d'exercice. Il demande, pour cela, des efforts proportionnés aux étudiants comme aux médecins. Il vise à favoriser l'indispensable coopération avec les autres professionnels de santé. Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite donc à l'adopter.
Les efforts conjugués, dans chaque territoire, des pouvoirs publics et des professionnels viendront compléter ces mécanismes d'équilibrage de l'offre de soins. De nombreuses initiatives locales émergent et sont à soutenir, comme le dispositif « Présence médicale 64 » du département des Pyrénées-Atlantiques, qui réunit l'ensemble des parties prenantes du territoire pour favoriser l'accueil des internes et des jeunes médecins. Le dispositif a ainsi déjà permis d'effacer la chute du nombre de généralistes dans le département.
D'autres territoires ruraux s'organisent pour favoriser l'accès de leurs lycéens aux études médicales, en créant des bourses ou en favorisant leur formation. Ils fournissent ainsi aux universités des étudiants qui, bientôt, reviendront peut-être s'installer dans leur département. Ces initiatives sont autant de pierres à l'édifice, qui permettront demain de construire un système de santé garantissant, partout sur le territoire, un accès satisfaisant aux soins de premier recours.
Enfin, en tant que rapporteure, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.
Je considère qu'il comprend des dispositions relatives à la formation, aux conditions de conventionnement et d'exercice des médecins et aux aides incitatives conventionnelles destinées aux professionnels de santé. En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte dont nous avons à débattre, des amendements relatifs à la formation des autres professions médicales et paramédicales ; au régime fiscal ou social des professionnels de santé ; et aux compétences des professionnels de santé. De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.
Il en est ainsi décidé.
La situation est difficile, elle ne date pas d'hier et risque de ne pas s'améliorer d'ici à 2030. Les prévisions de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) n'incitent pas à l'optimisme, notamment concernant le nombre de médecins nécessaires sur le territoire.
Nous sommes confrontés, comme beaucoup d'autres pays de l'Union européenne (UE), à un problème démographique. Le nombre de médecins étrangers embauchés dans les hôpitaux ou les MSP est un bon indice de la situation critique. Nous avons mal appréhendé le vieillissement de la population, avec ses effets sur le nombre de maladies chroniques et le niveau de prise en charge.
Nous avons également pris des décisions qui n'étaient pas appropriées à la gestion de ces difficultés ; je pense notamment au numerus clausus, resté longtemps trop faible, et aux incitations, faites aux médecins, à prendre leur retraite dès cinquante-sept ans.
Vos propositions sont-elles pertinentes ? Elles ne résoudront pas le problème de l'accès aux soins. Nous n'allons pas inventer ce que nous n'avons pas. Il s'agit de former des médecins en nombre et, surtout, de rendre attractive la médecine générale. Nous multiplions tellement les injonctions à travailler dans les territoires sous-dotés que les jeunes engagés dans ces métiers de la santé se sentent sous pression ; certains m'ont parlé de « harcèlement ». Cette pression continuelle, ajoutée à l'année supplémentaire, ne les encourage pas dans cette voie.
Il conviendrait d'élaborer un vrai projet de loi sur la santé, incluant tous les autres professionnels de santé. Selon la Drees, plus on a de médecins généralistes pour 100 000 habitants, moins on a d'infirmiers ; et plus on a d'infirmiers, moins on a de médecins généralistes. Il s'agit d'avoir une vision globale du système, et ne pas se focaliser seulement sur les médecins.
L'article 1er prévoit l'instauration d'une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux. Cette obligation aura un effet répulsif, certains vont préférer s'orienter vers l'hôpital. Dans les hôpitaux, on a également un besoin important d'internes. Il s'agit de ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.
L'exercice coordonné, tel qu'il est prévu dans l'article 2, existe déjà. Des territoires se sont engagés via les contrats locaux de santé (CLS), dans le cadre des MSP ou des CPTS. Nous sommes en train de changer de modèle, avec une nouvelle génération qui n'entend pas exercer son métier de la même manière que l'ancienne. Certains territoires ont réussi à s'engager, d'autres moins ; peut-être faut-il des brigades, avec des ARS qui puissent donner l'impulsion.
La permanence des soins, évoquée dans l'article 3, doit être favorisée. Mais les médecins généralistes font déjà beaucoup d'heures ; si on leur impose des astreintes supplémentaires, cela risque de provoquer un désengagement. Et comment feront-ils pour accepter une nouvelle patientèle ?
Je suis opposée au conventionnement sélectif prévu dans l'article 4. À mes yeux, ce n'est pas la solution. On observe tellement de manques aujourd'hui dans les services de protection maternelle et infantile (PMI) ou dans certaines institutions que les jeunes médecins préfèreront s'engager dans ces lieux plutôt que d'être contraints de s'installer à tel ou tel endroit. Le coût des transmissions de patientèle est également assez effrayant.
Nous n'apportons pas les bonnes réponses à ces questions. Afin de prendre en charge les 10 % ou 12 % de personnes qui, actuellement, ne disposent pas d'un médecin traitant, on peut augmenter la part de télémédecine, ou encore aider à l'embauche d'un assistant médical susceptible de délester le médecin des tâches administratives ; on peut également travailler sur les consultations avancées, avec des outils qui existent déjà. Les ARS ou les services dans les départements pourraient notamment aider les territoires en difficulté afin de lancer la dynamique.
Toutes les zones ne sont pas uniformément sous-denses, et ce n'est pas non plus à nous de les désigner ; la Drees est tout à fait en capacité de le faire, à partir d'indicateurs précis. Elle définit ainsi 10 % du territoire comme étant sous-dense, avec un accès aux soins problématique. Il y a donc bien une inégale répartition de l'offre de soins et des zones plus en difficulté que d'autres. Il s'agit de ne pas tenir compte seulement des médecins généralistes, mais aussi des personnels paramédicaux, des orthophonistes, ou encore de la présence d'hôpitaux et de maternités.
Les incitations financières concernant les médecins ont été peu efficaces. En lieu et place, il serait plus utile de faire porter l'effort sur les internes, en faisant en sorte qu'ils aient des possibilités de logement pour effectuer leur stage, en favorisant leur mobilité, voire en apportant un soutien financier.
La concurrence territoriale est néfaste, elle entraîne des effets d'aubaine et une sorte de nomadisme d'installation. Certains départements signent des chartes de non-concurrence ; ce serait bien que l'initiative soit reprise, on arrêterait ainsi de gaspiller l'argent public.
Il y a également des expérimentations intéressantes, comme celle qui a été évoquée dans les Pyrénées-Atlantiques. Les départements doivent assumer une responsabilité collective, qui engage les médecins. Les organisations de médecins, de leur côté, savent très bien se défendre collectivement contre le conventionnement différencié ou sur le sujet de la permanence des soins jusqu'à minuit.
Les associations des maires ruraux de France ont accueilli cette proposition de loi de façon favorable. Les syndicats de médecins, en revanche, ont montré leur incapacité à assumer une responsabilité collective. En audition, nous avons entendu des propos parfois choquants, relevant du chantage.
Nous condamnons une vision politique à court terme qui a produit la situation dans laquelle nous sommes. Il est problématique que le Gouvernement s'avère incapable de planifier.
Nous sortons d'une discussion très frustrante concernant le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Nous souhaiterions tous - avec naturellement des divergences sur le contenu - une grande loi Santé. Nous l'appelons de nos voeux et, à chaque nouveau PLFSS, il en résulte une fin de non-recevoir. La seule solution, au bout d'un moment, est de soumettre une proposition de loi qui, par définition, sera imparfaite et incomplète. Il s'agit de ne pas faire dire à cette proposition de loi plus qu'elle ne dit.
La situation est dramatique. Encore ce matin, j'ai lu dans Le Monde une tribune de pédiatres qui alertent sur leurs grandes difficultés. J'avais repris, devant le ministre de la santé qui en a été choqué, l'expression de « non-assistance à enfants en danger ». Dans cette tribune, on apprend aujourd'hui que les transferts des enfants deviennent désormais impossibles.
Je salue l'initiative de cette proposition de loi. Bien sûr, on peut toujours formuler des critiques, mais il s'agit d'une bonne entrée en matière pour lutter contre les déserts médicaux.
Il y a, comme cela a été dit, un problème de démographie médicale. C'est vrai dans tous les pays de l'Union européenne, car tous privilégient la même politique de l'offre qui ne répond pas aux besoins. On marche sur la tête en voulant éviter une consommation de soins excessive. Il convient de partir des besoins des populations. Et plus la population est vieillissante, plus les polypathologies sont nombreuses, avec des besoins importants.
L'article 3 rétablit l'obligation de garde. Je ne comprends pas que l'on dise des médecins libéraux qu'ils sont débordés. Que faudrait-il dire des médecins hospitaliers ? Ils sont épuisés et on ne leur demande pas leur avis. Dans mon département, les médecins libéraux ont organisé un système de garde avec l'aide des collectivités, et cela fonctionne très bien.
Je ne suis pas favorable aux mesures de coercition, sauf que l'incitation ne marche pas. À un moment, il faut dresser un bilan et essayer autre chose. Les mesures proposées dans l'article 4 sont, à ce titre, intéressantes.
Enfin, nous devons prendre en compte la différence de traitement entre les médecins qui souhaitent travailler en salariat dans des centres de santé et les médecins libéraux. Quand l'aide s'élève à 50 000 euros pour un médecin libéral, elle n'est que de 30 000 euros pour un médecin salarié ; ce n'est pas équitable.
Nous soutenons donc cette proposition de loi.
Pourquoi faut-il enfermer le médecin généraliste dans le rôle de premier recours ? Le médecin généraliste n'est, souvent, pas celui qui va suivre le patient d'un bout à l'autre de sa vie. Cela m'agace que l'on parle de soins primaires ou de soins de premiers recours, alors qu'il s'agit d'une spécialité médicale.
Se penche-t-on suffisamment sur l'exercice mixte, susceptible d'intéresser nos jeunes internes ? À une époque certes révolue, le médecin traitant participait aux interventions chirurgicales de ses patients ; cela pourrait attirer et fidéliser l'interne qui s'installe.
Cela va paraître provocateur, mais ne faut-il pas se débarrasser, une fois pour toutes, de cette histoire de médecin traitant, véritable frein à l'accès à la consultation ? Le médecin traitant se permet désormais de refuser des patients s'il a atteint un certain niveau de patientèle.
Par ailleurs, n'est-ce pas la vraie honte du système de santé de notre pays que le médecin généraliste, avec une consultation fixée à 25 euros, soit moins bien payé que le coiffeur ?
Si nous en sommes là, c'est parce que, il y a de nombreuses années, certaines personnes en charge de la santé ont diminué le numerus clausus. Désormais, il faut attendre 2030.
L'année supplémentaire en dehors de l'internat, en zone sous-dense, me paraît une bonne idée. Il est vrai que cela risque d'être compliqué de dire à des personnes qui vont avoir le titre de docteur en médecine qu'il leur faudra retourner en internat pour une quatrième année. Le département, collectivité de proximité qui a une parfaite connaissance des besoins du territoire, me semble être le bon niveau de décision.
J'avais indiqué ma préférence pour une rémunération attractive, à savoir dix consultations par jour, pour un salaire de 5 000 euros par mois - environ 3 500 euros net.
Dans les maisons de santé, l'exercice coordonné existe depuis longtemps. Dans les nouvelles maisons de santé, tous les professionnels sont réunis dans des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (Sisa).
Je suis favorable à l'obligation de permanence des soins. Les médecins ont toujours eu beaucoup de travail et ont toujours fait des gardes. Dans certains départements, la présence obligatoire est organisée. Il s'agit de continuer ainsi, peut-être en sollicitant le concours des CPTS.
Le conventionnement sélectif n'est pas très contraignant. J'avais déposé un amendement en ce sens, afin que l'installation en zone hyperdense soit liée uniquement à un départ en retraite.
Si je suis favorable à la proposition de loi, l'article 5 me gêne. Dans nos territoires, nous avons intérêt à favoriser l'installation de médecins libéraux. Si des médecins salariés s'installent dans les maisons de santé, il sera difficile de réaliser le même nombre d'actes.
Sur un certain nombre de points, il s'agit de faire confiance aux négociations conventionnelles en cours entre l'assurance maladie et les syndicats de médecins. Les médecins ne sont pas sourds, notamment concernant la permanence des soins. Beaucoup de choses ont été dites lors de l'examen de l'article 22 du PLFSS relatif aux négociations conventionnelles.
Concernant l'article 1er, nous avons voté, il y a un mois et demi, la proposition de loi du président de notre groupe, Bruno Retailleau, qui créait une quatrième année. Si nous en sommes à proposer un allongement du troisième cycle de médecine générale, c'est parce que le Gouvernement n'a jamais fait paraître le décret de la loi de 2019. À l'époque, l'idée était aussi de rééquilibrer la formation des internes. On observe, en effet, un déséquilibre dans la majorité des régions.
Alors que nous manquons de médecins, proposer des mesures coercitives ne va rien régler ; cela va simplement permettre de répartir la pénurie. Cela produit des effets positifs concernant la profession d'infirmier, régulée depuis plusieurs années, qui bénéficie d'un grand nombre de diplômés chaque année, mais nous manquons de médecins, notamment généralistes.
Autre exemple : quand le directeur du service pédiatrie d'un grand hôpital parisien m'indique que la moitié des internes passant dans son service usent de leur droit au remords, cela interroge ; ces internes en pédiatrie sont en fin de formation et, voyant les difficultés sur le terrain, se disent que le métier n'est pas fait pour eux. La coercition apparaît comme étant la solution pour un certain nombre de nos collègues, mais ne permettra pas de gérer la pénurie.
Au-delà du nombre de médecins généralistes, le problème de la démographie et des départs en retraite se pose. À ce titre, notre groupe a été à l'origine de la proposition du cumul emploi-retraite. Par ailleurs, la question du temps médical reste un enjeu majeur, sur lequel nous savons tous que nous ne légifèrerons pas.
En ce qui concerne l'article portant sur les centres de santé, nous pensons que les médecins libéraux et médecins salariés font des choix d'exercices différents, ne connaissent pas les mêmes contraintes et ne doivent donc pas être aidés de la même façon. De plus, il faut malheureusement faire ce constat : quand un centre de santé se crée, les premières années sont souvent déficitaires, ce qui coûte cher aux collectivités.
Par ailleurs, si certaines CPTS fonctionnent bien, elles sont peu nombreuses et ne doivent leur succès que grâce aux hommes et aux femmes qui y travaillent. Il ne suffit pas de décréter qu'il faut des CPTS pour régler les problèmes. Ainsi, dans mon département, des CPTS ont été créées à La Rochelle, à Royan et dans la communauté d'agglomération de La Rochelle, à l'intérieur des terres, en pleine zone rurale. Mais ces structures rajoutent des tâches administratives à l'exercice libéral, peuvent devenir contre-productives et nuire au temps médical. Elles ne devraient se créer qu'à l'initiative des professionnels de santé exerçant sur le territoire.
Enfin, nous plaidons pour une loi Santé, mais nous ne pourrons pas la faire sans les médecins, et il s'agira donc d'un travail de longue haleine, alors qu'il faut répondre à des attentes immédiates. Je rappelle qu'une disposition de la loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé prévoyait que, lors de la dernière année des études de troisième cycle de médecine, une pratique ambulatoire ait lieu en priorité dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante. Celle-ci aurait pu être applicable au 1er novembre 2021, mais le Gouvernement ne l'a pas mise en oeuvre. Néanmoins, nous avons voté la proposition de loi de M. Retailleau et le ministre s'est engagé à déployer plus d'assistants médicaux.
Pour conclure, vous l'aurez compris, nous ne voterons pas ce texte.
Je voudrais commencer par élargir la focale. Nous sommes nombreux à éprouver du désarroi ou de la colère en regardant nos services de santé s'écrouler dans nos territoires. Hier, les psychiatres étaient en grève, demain ce seront les médecins généralistes et bientôt les infirmières. Comment en sommes-nous arrivés là ?
La dépense publique représente 55 % du PIB et ce pourcentage a connu une augmentation de neuf points en vingt ans. Il faut donc plonger dans la structure de cette dépense pour comprendre notre situation actuelle. En effet, nous ne finançons pas plus nos services publics aujourd'hui qu'à la fin du septennat de Valéry Giscard d'Estaing alors que, depuis, la population française a augmenté de 15 millions d'habitants. En fait, la dépense publique a connu une telle hausse parce qu'elle est fléchée vers des transferts aux entreprises et aux ménages. Ainsi, notre pays sous-finance désormais ses services publics et la part des dépenses publiques que nous consacrons réellement à leur bon fonctionnement n'est que de 38 %. Si le financement de l'hôpital public représentait la même part qu'au début des années 1980, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) hospitalier ne s'élèverait pas à 98 milliards d'euros par an, mais plutôt à 120 ou 125 milliards d'euros.
Nous avons tenté de lancer ce débat au moment de l'examen du PLFSS et de reconsidérer les exonérations de cotisations inutiles, qui coûtent aux finances publiques sans avoir d'impact sur l'activité économique et représentent 72 milliards d'euros. Pourquoi les maintenir ?
Nous attendons tous une grande loi Santé. Cependant, je doute que, dans les circonstances politiques actuelles, le Gouvernement ait la capacité de faire passer une telle loi au Parlement. Je partage presque tous les propos de François Braun, mais n'en retrouve rien dans les actes. Que reste-t-il par exemple du « virage préventif » dans les textes présentés ? Le ministre est confronté aux dogmes de Bercy, aux mêmes contraintes et à la même matrice politique que ses prédécesseurs. Dans ce contexte, les propositions de loi témoignent de ce que nous tentons de faire en tant qu'élus.
Par ailleurs, ne reprochons pas à cette proposition de loi de ne s'adresser qu'à une catégorie de soignants. En effet, c'était aussi le cas de celle de Bruno Retailleau que les groupes majoritaires ont pourtant votée. Chacun cherche des solutions et tente d'apporter sa pierre.
J'en viens aux spécificités de cette proposition de loi et commencerai par la question de l'année supplémentaire. Lors des discussions que nous avons menées avec de jeunes médecins, ces derniers ne se disaient pas opposés à cette année, mais ils y mettaient des conditions. Ainsi, s'ils étaient rémunérés correctement et non sous-payés et exploités pour une dixième année, s'ils étaient accompagnés par un maître de stage et si l'on s'occupait de leur logement, ils étaient plutôt partants. Cependant, vous avez précipité le mouvement et joué un jeu de vitesse avec le Gouvernement, qui a dégainé l'article 23 du PLFSS pour être le premier à porter cette mesure. Cette précipitation a entraîné le rejet des jeunes médecins que rien n'empêche, dans ce texte, de passer un an de plus dans les hôpitaux pour gagner 2 200 euros par mois. Cette précipitation a entraîné la création d'une quatrième année, mais pas d'une année de professionnalisation.
La rapporteure et l'auteure de cette proposition de loi ont donc essayé de faire davantage ressembler cette année à un temps de professionnalisation pour tenir compte de la volonté des jeunes médecins et pour contrer la rédaction retenue par le PLFSS.
Par ailleurs, je vous invite à ne pas fermer la porte au sujet de la PDSA pour tous les médecins. En effet, nous convenons tous du fait que l'abrogation de cette obligation a représenté une erreur. De plus, la plupart des dispositifs actuellement proposés ciblent les jeunes médecins, ce que je ne partage pas. En effet, ils connaissent déjà des situations difficiles et, comme l'a bien expliqué Élisabeth Doineau, une partie d'entre eux est même en train de lâcher. À ce titre, j'attire votre attention sur le fait que le taux d'abandon pendant les études de médecine est en train de grimper et d'atteindre pour la première fois un niveau à deux chiffres. On peut toujours augmenter le numerus apertus, si un plus grand nombre abandonne en cours, cela ne nous avancera pas.
Cette mesure du retour de l'obligation pour tous les médecins est juste, parce qu'ils sont tous collectivement responsables de la PDSA. N'êtes-vous pas intervenus dans des cas de médecins faisant face à des réquisitions localement alors qu'ils travaillent déjà énormément ? Toutefois, le dispositif ne doit pas nécessairement être brutal. La question ne porte pas sur le principe de l'obligation, mais sur la façon dont il doit s'appliquer.
Ensuite, la pénurie ne doit pas entraîner un détricotage du parcours de soins, qui garantit un accès juste et équitable au soin. À l'inverse, la désorganisation de ce parcours et la suppression du médecin traitant se feraient au bénéfice des professionnels concernés, mais aussi de ceux qui ont les outils culturels, relationnels et financiers pour accéder aux soignants. Ces parcours peuvent être aménagés en fonction des pénuries mais doivent être respectés.
J'en viens aux collectivités territoriales. Il faut éviter les effets de concurrence dans le financement, et une remise à plat des aides est en cours de discussion. Mais surtout, il faut inscrire dans la loi et ainsi reconnaître le rôle que ces collectivités jouent en termes d'offre de soins. Aucun texte n'a produit d'avancée sur cette question et le Gouvernement n'envoie aucun signal positif.
Je finirai en évoquant le statut des soignants. Nous avons toujours défendu l'idée qu'ils doivent avoir le choix, et nous observons aujourd'hui une appétence des jeunes médecins pour le salariat. Il faut qu'on prenne en compte le fait, y compris dans les aides, qu'un médecin exerçant en salariat « produit » moins de soins qu'un médecin libéral. Il ne s'agit pas de prendre parti, car je reconnais l'importance de privilégier sa qualité de vie et partage cette idée à titre personnel. Cependant, en tant que législateurs et responsables politiques, il nous faut reconnaître que si tous les médecins libéraux devenaient aujourd'hui salariés, l'offre de soins serait réduite d'un tiers dans le pays.
Je rejoins Bernard Jomier sur de nombreux éléments, notamment sur le constat qu'il dresse quant à la diminution progressive du financement de nos services publics, qui est avérée autant pour la santé que pour la justice ou l'école.
Ensuite, je suis attentive au parcours de soins - pour lequel nous nous sommes battus pendant des années - dont le médecin généraliste doit rester le pivot.
Je ne reviendrai pas sur l'équation impossible qui consiste à dire qu'on a en même temps un numerus apertus et une liberté d'installation partout. Ce qui est certain, c'est qu'il nous faut retrouver du temps médical. Cela nécessite un exercice partagé et coordonné, ainsi que des équipes de soin. Même le Cnom en convient, ce qui représente une nouveauté. À ce titre, sept ordres professionnels ont signé un accord, dans le cadre du Comité de liaison des institutions ordinales (Clio), en faveur d'un exercice coordonné.
Cette proposition de loi n'a pas pour objectif de régler la pénurie, mais d'améliorer la situation, de mettre en oeuvre des réponses concrètes et rapides, qui nous permettront d'avoir une action visible sur le territoire. En effet, la désespérance de nos concitoyens est telle qu'ils se sentent abandonnés et, dans certaines zones rurales qui ne rencontrent pas d'autre problème que celui des accès aux services publics, ce sentiment d'abandon précipite les Français vers le Rassemblement national.
Certains d'entre vous ont affirmé que ce texte présentait de bonnes propositions, mais qu'elles ne résoudraient pas le problème de la pénurie. Mais il faut essayer ! Nous souhaitons faire des propositions concrètes pour améliorer la prise en charge et l'accès aux soins. Une proposition de loi ne vise pas à embrasser tous les sujets, mais à apporter des pierres à l'édifice. Nous en apportons cinq, ce qui est peu, mais représente déjà un progrès.
Les mesures portées par le texte tendent d'abord à une meilleure répartition sur le territoire et il faut pour cela agir sur la formation, comme sur l'installation des médecins. Ensuite, nous souhaitons assurer une meilleure permanence des soins qui doit être mieux partagée : aujourd'hui seuls 38 % des médecins assurent cette permanence. Enfin, nous aspirons à une meilleure coordination des professionnels entre eux, y compris les paramédicaux, sous la responsabilité du médecin traitant, qui doit rester le pivot de cet exercice coordonné.
Le texte concerne principalement la médecine générale parce qu'il a fallu restreindre le champ. Pour autant, un meilleur accès aux soins et une meilleure prise en charge permettront aussi de désengorger les hôpitaux et de soulager les médecins hospitaliers.
J'ai également entendu que la médecine générale n'attirait plus quand en fait, toutes les places proposées en troisième cycle dans cette spécialité sont prises. En revanche, nous constatons un problème d'accès à ces formations qui attirent quasiment exclusivement des étudiants des catégories socioprofessionnelles très privilégiées issus des métropoles, qui n'ont pas la connaissance des territoires ruraux. Certains territoires se sont déjà engagés pour diversifier cet accès.
J'en viens à l'épuisement professionnel, qui ne permet pas d'assurer la permanence des soins et que l'on retrouve chez les internes. L'exercice coordonné doit permettre d'améliorer l'organisation de la prise en charge et l'année de professionnalisation proposée dans les zones sous-denses permettra aux étudiants de mieux se préparer à l'installation.
En ce qui concerne le conventionnement sélectif, à ce stade et compte tenu du fait que plus de 70 % de la population habite dans des zones sous-denses, il ne s'agira pas d'une mesure très contraignante. Pour autant, elle donne une impulsion pour que les jeunes généralistes puissent s'installer dans ces zones où nous manquons de médecins.
Mme Poncet Monge l'a souligné : la situation n'est pas la même partout. C'est pourquoi nous proposons que l'accueil et la prise en charge des étudiants en année de professionnalisation s'organisent au niveau du département. Il s'agira notamment d'apporter des réponses en termes de logement, d'emploi pour le conjoint ou de prise en charge des enfants dans les crèches. Je vous encourage à étudier l'exemple du dispositif « Présence médicale 64 ». Cette approche globale et coordonnée fonctionne, surtout dans les zones sous-denses.
L'un d'entre vous a évoqué le manque d'efficacité supposé des mesures de régulation des installations dont fait partie le conventionnement sélectif. Cependant, ce dispositif a été expérimenté ailleurs, notamment en Allemagne et au Québec. Nous avons entendu Mme Dominique Polton, qui a étudié ces expériences et si, dans les zones les plus reculées du Canada, il reste difficile de faire venir des médecins, la situation s'est très nettement améliorée dans les pays l'ayant essayé.
De plus, l'objectif du conventionnement sélectif n'est pas de répondre à la pénurie, mais de permettre de ne pas aggraver la situation et d'inciter à une bonne répartition, notamment lorsque la démographie redeviendra plus dynamique en raison des promotions de jeunes médecins plus nombreuses.
Il convient, en effet, d'être attentif aux phénomènes de concurrence entre territoires. L'exercice coordonné doit permettre d'améliorer l'attractivité de certains territoires et l'année de professionnalisation générera un apport rapide en médecins. Ce sont les territoires les plus ruraux et les périphéries des grandes villes qui rencontrent le plus souvent des difficultés.
Au sujet du statut des médecins, il me semble que la situation nous encourage à rester ouverts et à faciliter l'ensemble des exercices, à n'inciter à aucun et à ne contraindre aucun.
Je rappelle aussi que les médecins généralistes doivent rester les pivots de l'exercice coordonné. J'ai entendu qu'ils étaient mal payés, mais la somme de 25 euros correspond à la consultation de base, que les aides complémentaires et versements forfaitaires viennent compléter. Ces derniers représentent désormais plus de 15 % de la rémunération des médecins généralistes.
En ce qui concerne le temps médical, notre proposition de loi devrait en libérer grâce à l'exercice coordonné, au travail avec d'autres professionnels de santé et aux permanences partagées.
Enfin, je partage avec Bernard Jomier l'idée que les services publics n'ont plus les moyens de leur action. Je retiens aussi de son intervention l'importance du rôle joué par les collectivités territoriales en termes d'accueil, de prise en charge de l'environnement de l'installation du médecin, quel que soit son statut ; ce rôle devrait être reconnu dans la loi.
Les collectivités doivent financer et assurer la mise en place des MSP, en s'appuyant sur différentes aides. De plus, l'exercice libéral doit être privilégié au salariat des médecins pour que les heures de soin soient plus nombreuses. C'est pourquoi je suis opposé à l'article 5. Enfin, il faut tenir compte du fait que les professionnels libéraux doivent prendre en charge les frais du cabinet médical. Il faut les encourager en leur offrant davantage d'aides à l'installation.
EXAMEN DES ARTICLES
Articles 1er, 2, 3, 4 et 5
Les articles 1er, 2, 3, 4 et 5 ne sont pas adoptés.
Après l'article 5
L'amendement COM-1 de M. Paccaud vise à imposer aux médecins diplômés hors de l'Union européenne de réaliser leur parcours de consolidation des compétences en priorité dans les zones sous-dotées. Pour la réalisation de ce parcours, les praticiens choisissent une affectation sur une liste de postes arrêtée par les ARS, qui doivent déjà présenter en priorité des postes au sein des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, en application d'un arrêté. Cet amendement étant satisfait en droit, j'émets un avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Article 6
L'article 6 n'est pas adopté.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
La discussion en séance aura lieu le 8 décembre.
La réunion est close à 11 h 40.