Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le rapport de Martine Berthet sur la proposition de loi visant à régulariser le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes du Bas-Chablais, déposée il y quelques mois par nos collègues Cyril Pellevat et Sylviane Noël, que je salue.
Au risque d'anticiper peut être les échanges que nous aurons dans quelques instants, je souhaiterais dire, tout d'abord, que je comprends les interrogations que la démarche de ce texte peut susciter chez nous, parlementaires. D'abord, parce qu'il traite d'un cas bien délimité, celui d'un projet précis et de collectivités identifiées. D'autre part, car son intitulé, qui parle de « régularisation » d'un plan local d'urbanisme, peut prêter à confusion sur l'objectif réel poursuivi par le texte.
Je souhaite répondre d'emblée à ces deux remarques, avant de rentrer dans les détails. D'une part, je rappelle qu'il est fréquent que nous traitions de mesures qui visent à régler des cas spécifiques, dans tous les domaines de la loi : je pense par exemple à une proposition de loi que nous avions examinée en 2019, qui traitait spécifiquement de la Clairette de Die ; aux règles spécifiques pour les aménagements des jeux Olympiques ou du Grand Paris ; aux délais supplémentaires accordés pour l'élaboration des PLUi métropolitains ou parisiens ; ou encore à des dérogations individuelles à la loi Littoral pour des projets précis d'équipements publics... Il est rare, mais pas inédit, que la loi traite parfois de cas spécifiques.
D'autre part, ce texte ne vise pas à « corriger » un document d'urbanisme, en ce qu'il serait fautif ou illégal, ni à imposer un projet d'État à une collectivité. Il vise en fait à résoudre une difficulté de coordination dans le temps des procédures d'urbanisme, qui a abouti à une situation de blocage, tout cela résultant en premier lieu de la complexité du droit de l'urbanisme.
Je pense que tous ici, en tant qu'élus, nous mesurons bien cette complexité : nous savons les contraintes et le degré de précision qui s'appliquent à l'élaboration d'un plan local d'urbanisme (PLU), sans parler d'un PLUi. Nous savons aussi que les documents d'urbanisme s'inscrivent dans le temps long, alors que les projets naissent et évoluent bien plus vite. En se cachant derrière ces complexités, faut-il laisser péricliter un projet d'intérêt général, par ailleurs validé à tous les niveaux ? C'est la question qui se pose à nous aujourd'hui.
En 2015, des études ont été lancées en Haute-Savoie pour concrétiser un projet discuté de longue date : la réalisation du dernier tronçon d'une liaison routière 2x2 voies entre Machilly et Thonon-les-Bains, sur le tracé de l'axe entre Annemasse et Thonon-les-Bains. Après étude d'impact, autorisation environnementale, enquête publique et décret en Conseil d'État, ce projet a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique (DUP). Cette DUP de décembre 2019, qui a définitivement autorisé le projet, est aujourd'hui purgée de tout recours. Comme le permet le droit, et avec l'accord des communes concernées, la DUP a prévu la mise en compatibilité de dix PLU, afin qu'ils intègrent le projet routier.
Mais en parallèle, la communauté de communes concernée par le projet avait prescrit l'élaboration d'un PLUi, finalement adopté en février 2020. Il n'avait pas pu être inclus dans la DUP portant mise en compatibilité, puisqu'il n'existait pas encore... Or, son adoption a « écrasé » les PLU précédents, qui avaient, eux, bien été modifiés. Vous voyez que je vous ai dit la vérité sur la complexité des procédures...
En l'état, le projet routier, malgré sa validation par le public, par l'État, par l'autorité environnementale et par les collectivités, se retrouve donc contraire au nouveau PLUi, ce qui bloque sa réalisation.
Le texte qui nous est soumis vise à réparer cet oubli de coordination, en appliquant la DUP, prise en 2019 pour modifier les anciens PLU, au nouveau PLUi. J'insiste : il n'y a aucune modification du projet autoroutier sur le fond, c'est une simple application de la DUP au nouveau document d'urbanisme.
J'en viens à ma position sur ce texte, et à la démarche d'examen qui a été la mienne.
Je l'ai dit, ce texte est inhabituel, et concerne un cas spécifique. Il me semble qu'un procédé dérogatoire comme celui-ci doit rester rare et être bien justifié. J'ai donc voulu passer le projet de loi au « filtre » de plusieurs critères, inspirés de la jurisprudence constitutionnelle sur les validations législatives.
Premièrement, j'ai vérifié que ce texte ne visait pas à faire échec à des décisions déjà prises, à restreindre un droit au recours ou bien à aller à l'encontre des compétences des collectivités territoriales. En d'autres termes, ce projet est-il un texte « aidant », qui vise à résoudre une difficulté, ou un texte qui vient censurer, faire échec à des attentes légitimes ?
Au cours de mes nombreuses auditions, j'ai constaté que l'incompatibilité entre le PLUi du Bas-Chablais et le projet de liaison routière n'était pas l'expression d'une volonté politique de la communauté d'agglomération de faire échec au projet, au contraire.
C'est plutôt une erreur de traduction au sein du document d'un projet anticipé et soutenu de longue date par l'ensemble du territoire. D'ailleurs, l'ensemble des autres documents d'urbanisme du territoire - schémas de cohérence territoriale (ScoT), PLU, schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) - le prennent déjà en compte et le qualifient de « projet structurant » pour la région.
De plus, et j'insiste sur ce point fondamental, le projet a fait l'objet de l'ensemble des modalités de concertation, de participation du public, d'accord des collectivités et de droit de recours prévues par la loi. Il y a eu enquête publique, et même une concertation publique sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) qui s'est avérée très largement favorable au projet. La déclaration d'utilité publique est aujourd'hui purgée de tout recours, et les quelques contentieux ont été rejetés par la justice.
L'examen de cette proposition de loi n'est donc pas l'occasion de revenir sur le fond du projet, car « le match s'est déjà joué ». La proposition de loi vise non pas à empêcher, mais bien à permettre.
Deuxièmement, j'ai vérifié qu'il n'était pas possible de parvenir à ce même objectif par une méthode alternative, qui ne passe pas par la loi. J'ai ainsi exploré trois pistes.
D'abord, prendre un nouveau décret de DUP, pour mettre en compatibilité le PLUi, est impossible au titre de la jurisprudence du Conseil d'État, car on ne peut pas prendre deux DUP pour un même projet.
Ensuite, faire évoluer le PLUi du Bas-Chablais par les procédures ordinaires serait extrêmement long et coûteux pour la collectivité, pour un bénéfice de fond nul. Il faudrait repasser par une révision lourde, qui durerait au moins trois ans et impliquerait de répéter l'ensemble des étapes (études d'impact, consultations, évaluation environnementale, enquête publique), alors que le projet n'a pas évolué d'un iota depuis lors !
Enfin, attendre l'adoption d'un nouveau PLUi, qui pour les raisons précitées, n'interviendrait aussi que dans plusieurs années.
Ces trois options n'offrent donc pas de solution satisfaisante, soit par impossibilité juridique, soit par impossibilité pratique. La question des délais notamment est centrale, car ils conditionnent la faisabilité du projet. D'une part, car la DUP existante arrivera à son terme en 2029, et il faut que le projet ait été réalisé d'ici là. D'autre part, car la situation actuelle d'engorgement du Bas-Chablais est difficilement tenable.
Troisièmement, et pour finir, j'ai vérifié que le texte répondait à un objectif d'intérêt général.
Il ressort de nos auditions et travaux que la réalisation de cette section à 2x2 voies répond effectivement à deux motifs d'intérêt général :
D'abord, le désenclavement du Bas-Chablais. Ce territoire n'est aujourd'hui desservi par aucune route nationale ni autoroute, à la différence du reste du département. Ce potentiel routier est aujourd'hui bien trop limité au vu du développement économique, touristique et démographique rapide de ce bassin frontalier - avec la deuxième plus forte croissance de la région ! Les maires que nous avons entendus estiment aujourd'hui que ne pas relier le Bas-Chablais reviendrait à créer volontairement un territoire à deux vitesses, entre des zones urbaines dynamiques (Annemasse, Thonon, Genève), et des campagnes délaissées et enclavées, ce qu'ils n'acceptent pas.
Ensuite, le réseau départemental existant atteint ses limites capacitaires, ce qui est source de nuisances et de risques réels. Dans des communes de 4 000 habitants, la départementale traversant le bourg voit passer jusqu'à 22 000 véhicules par jour, dont jusqu'à 10 % de poids lourds... Et le trafic croît fortement, avec un réseau ferroviaire qui est lui aussi déjà saturé. Pour les habitants, c'est source de nuisances sonores et de délais énormes. Pour l'environnement, les heures de bouchons chaque jour entraînent une forte pollution. Surtout, c'est un risque pour la sécurité, avec un trafic démesuré pour des hameaux et des petits bourgs, avec des passages à niveau d'un autre temps.
Pour toutes ces raisons, l'ensemble des collectivités territoriales et la grande majorité de la population soutiennent ce projet d'intérêt général. Toutes les communes ont rendu un avis favorable à la DUP. La Commission nationale du débat public (CNDP) a observé que seuls 10 % des participants à la concertation s'y déclaraient défavorables. La justice n'a elle non plus jamais contesté l'intérêt général du projet, à l'occasion des recours.
Je conclus donc, à l'issue de mes travaux, que la mesure portée par ce texte, bien que dérogatoire, se justifie par le fait qu'elle vise à remédier à des difficultés concrètes mettant en danger un projet d'intérêt général, soutenu par les parties prenantes, et qu'il n'existe pas d'alternative satisfaisante à cette solution législative.
Comme je l'ai dit, j'estime que le seul argument selon lequel la méthode législative retenue est dérogatoire ne saurait s'opposer à ce que l'on s'accorde sur une solution permettant à ce projet de se réaliser. La concertation publique a eu lieu, le projet a été validé : il faut maintenant qu'il puisse être mené à bien, car il relève de l'intérêt général. En tant qu'élus des territoires, qui connaissons la complexité parfois ubuesque du droit de l'urbanisme, il me semble que nous pouvons nous retrouver autour de cette conclusion et que nous devons être constructifs et aidants lorsque nous le pouvons.
En conséquence, je vous propose aujourd'hui d'adopter cette proposition de loi sans modification, et donnerai donc un avis défavorable à l'adoption de l'amendement de suppression qui a été déposé et que nous devons examiner aujourd'hui.
La réalisation du dernier tronçon d'une liaison à 2x2 voies entre Machilly et Thonon-les-Bains est vitale pour désenclaver le territoire chablaisien, un territoire en forte croissance démographique. Sa population a crû de 16,5 % en onze ans, passant de 81 000 à 94 000 habitants. Il regroupe plusieurs sites touristiques internationaux - à Thonon-les-Bains, Évian, Morzine-Avoriaz, Châtel, etc. - et compte 215 000 lits touristiques. Cette région accueille aussi des activités économiques de premier plan, comme l'usine d'embouteillage des eaux d'Évian, qui produit 6 millions de bouteilles chaque jour, expédiées par le fer ou la route. Le Chablais est aussi l'interface entre la région de Genève, le canton de Vaud et le Valais.
Le réseau routier est déjà constitué de 2x2 voies en amont, entre le « carrefour des Chasseurs » et Machilly, et en aval, au niveau du contournement de Thonon-les-Bains. Au milieu, le tronçon concerné n'est pas à grand gabarit, alors qu'il supporte un trafic routier très important : certaines communes sont traversées par 22 000 véhicules chaque jour. On ne peut laisser persister un tel trafic sur le réseau routier secondaire. L'explosion récente d'un camion-citerne en zone agglomérée à Fillinges nous rappelle les risques.
C'est pourquoi l'État a décidé de modifier ce tronçon pour le transformer en 2x2 voies, sous concession autoroutière. Il est de bon sens de mener ce projet à son terme. Les procédures sont achevées, tous les recours ont été purgés. Le Conseil d'État a confirmé l'an dernier le rejet de la totalité des recours déposés. Le problème résulte incontestablement d'une erreur liée à un défaut de vigilance de tous les services, dans un contexte d'enchevêtrement des procédures et de mise en place d'une nouvelle intercommunalité. La mesure proposée est bien encadrée. Elle est parfaitement adaptée à ce genre de situation, car il s'agit de réparer une erreur de procédure. Nous avons tous été élus locaux, nous connaissons tous la complexité des procédures administratives inhérentes à la réalisation de ce type d'infrastructures structurantes, des erreurs ou des oublis sont toujours possibles. En l'espèce, la procédure a été menée avec sérieux. Depuis les études préparatoires jusqu'à la concertation, elle a duré une dizaine d'années. J'espère que le Sénat, chambre des territoires, votera ce texte.
Comme nombre d'entre vous, j'ai été surpris par cette proposition de loi dont les objectifs ne sont pas courants pour des textes législatifs. J'ai été élu local et confronté à la problématique des PLU et de leurs révisions. Les règles sont longues et complexes, mais indispensables pour garantir que les projets sont bien conformes aux règles du développement durable et aboutissent à un aménagement équilibré du territoire.
Le projet date de trente ans. Il a subi des aléas et fait l'objet de nombreuses contestations. La déclaration d'utilité publique avait d'ailleurs été invalidée, puis le projet est reparti en 2018. La déclaration d'utilité publique est aujourd'hui purgée de tout recours, dites-vous, et les contentieux ont été rejetés par la justice. Soit, mais le monde a changé et il convient de se réinterroger.
Des erreurs ont été commises, mais il est difficile de savoir à quel niveau. L'autorité environnementale et la sous-préfecture ont formulé des demandes au moment de la réalisation du PLUi ; pourtant le projet autoroutier n'y apparaît pas. Nul ne sait pourquoi. Il est donc surprenant de passer par le Sénat pour combler ces lacunes. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement pour supprimer le dispositif de cette proposition de loi, car cette question ne relève pas du Parlement.
Nous sommes nombreux à avoir été surpris que le Sénat puisse examiner une telle proposition de loi. La méthode est en effet singulière, car le texte vise à rétablir les effets de la déclaration d'utilité publique quant à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme sur le périmètre du PLUi du Bas-Chablais. Ce projet d'autoroute fait l'objet d'un combat acharné entre ses partisans et ses opposants depuis plus de trente ans. Sur le fond, il nous semble que ce projet déclaré d'utilité publique en 2019 doit aboutir. Élu du Diois, région montagneuse, je sais ce que signifie l'enclavement et connais ses conséquences pour ses habitants en termes de mobilité. Si ce projet permet aux habitants du Bas-Chablais de se déplacer plus facilement, nous devons le soutenir. Si nous désapprouvons la méthode, nous voterons ce texte iconoclaste qui vise à réparer un imbroglio administratif.
Dans les années à venir, les difficultés liées à la réalisation des documents d'urbanisme n'iront pas en diminuant, il suffit de songer à la mise en oeuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN). J'espère que ce texte ne créera pas un précédent et que le Parlement ne sera pas encombré par trop de propositions de loi visant à régler des problèmes locaux. Est-ce le rôle du Parlement ? Nous devons être prudents.
J'ai eu la même réaction que vous. C'est pourquoi Martine Berthet a examiné s'il n'y avait pas d'autres voies pour régler le problème et a vérifié que toutes les étapes de la procédure et de la concertation avaient bien été menées. Il ne saurait être question pour nous de nous prononcer sur le fond, sur l'opportunité des projets locaux et de nous substituer aux élus. Je veillerai à ce que ce genre de proposition de loi demeure exceptionnel. Mais, à travers ce texte, les territoires nous envoient aussi un message subliminal sur la nécessité de revoir les règles d'urbanisme ! Je le répète, il ne s'agit en aucun cas de nous prononcer sur le fond du projet, mais de réparer un oubli. J'ai aussi été élue d'une intercommunalité nouvelle et je sais que des oublis sont toujours possibles dans ce type de contexte.
On ne rencontre pas souvent ce genre de situation, en effet. En l'occurrence, je précise toutefois qu'il ne s'agit pas d'une proposition de loi relevant du régime des validations juridiques, car il n'y a pas d'effets rétroactifs, le texte consiste simplement en une mise en compatibilité des documents d'urbanisme. La CNDP n'a relevé que 10 % d'avis défavorables lors des enquêtes. L'ensemble des élus du territoire attend ce texte, tant pour des raisons économiques que pour pouvoir sécuriser les centres-bourgs face à l'importance du trafic. Le projet contribuera aussi au désenclavement. Cette proposition de loi est la seule solution. Quant au ZAN, il aura évidemment des effets à l'avenir. En l'occurrence, comme les travaux n'ont pas encore commencé, le projet tombera sous le régime du « ZAN » et devra être comptabilisé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
L'amendement COM-1 vise à supprimer l'article. Avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.
La commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables s'est tenue hier à l'Assemblée nationale et s'est avérée conclusive. Je tiens à saluer notre rapporteur Patrick Chauvet, qui a conduit les travaux pour notre commission.
Nous avons été soucieux de garantir la neutralité technologique entre les différentes sources d'énergies renouvelables, les différents équipements et les différentes technologies.
Nous voulions également permettre concrètement l'accélération des projets par l'organisation de l'État, les simplifications réglementaires, le financement des actions et la résolution des litiges.
Il nous importait aussi de veiller à la pleine association des collectivités territoriales. Ce texte leur donne en fait une nouvelle compétence, car elles pourront réglementer l'implantation de tous les types d'énergies renouvelables. Plutôt que de subir la réalisation des projets, les maires deviendront les acteurs d'une stratégie des énergies renouvelables sur leur territoire par le biais de la cartographie qu'ils élaboreront. Il était essentiel pour nous de laisser le dernier mot aux territoires en la matière. C'était pour nous une ligne rouge. Les collectivités territoriales doivent maintenant s'approprier les nouveaux dispositifs, qui leur permettront de ne plus voir s'implanter des éoliennes sur leur territoire sans avoir été consultées, et de ne plus subir les assauts de certains opérateurs, qui négociaient directement avec les particuliers, pour l'achat de foncier, et avec le préfet, pour obtenir l'autorisation environnementale.
L'examen au Sénat a permis d'intégrer dans le texte des sources d'énergies renouvelables qui n'y figuraient pas, comme l'hydroélectricité, le biogaz, ou l'hydrogène. Nous avons aussi souhaité faire aboutir nos travaux préalables, qu'ils soient législatifs - dans le prolongement de la proposition de résolution tendant au développement de l'agrivoltaïsme en France, qui avait été présentée notamment par nos collègues Jean-François Longeot et Jean-Pierre Moga, et de la proposition de loi sur l'agrivoltaïsme, dont le rapporteur avait été Franck Menonville - ou de contrôle, tels ceux de nos missions d'information sur la souveraineté économique, le nucléaire et l'hydrogène, ou encore le biogaz.
Nous avons entendu les préoccupations exprimées par le monde agricole, les acteurs de la forêt, les groupes écologiste et socialiste de l'Assemblée nationale : la CMP a restreint le photovoltaïsme au sol et en forêt, cadré les contrats d'achat et consolidé le dispositif de partage territorial de la valeur des énergies renouvelables, qui s'appelle désormais « contribution territoriale au partage de la valeur ». Les communes seront bien les principales bénéficiaires, même si, pour parvenir à une CMP conclusive, nous avons accepté d'octroyer une part réduite aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Il conviendra en tout cas de réfléchir, dans la perspective du prochain projet de loi de finances, à la fiscalité, au partage de la valeur, à la répartition du produit de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l'Ifer, entre les communes, les EPCI et l'État. Les collectivités territoriales bénéficieront d'environ 80 % de la contribution précitée, ce qui leur permettra de financer leurs projets liés à la transition énergétique, l'efficacité énergétique, la préservation de la biodiversité ou la lutte contre la précarité énergétique.
Enfin je me félicite que notre commission ait été à l'origine d'un « bilan carbone » renforcé pour les projets d'énergies renouvelables éligibles aux dispositifs de soutien publics et étendu pour ceux d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone. Ce bilan carbone tiendra également compte des métaux critiques, car la transition énergétique repose sur un impensé : sa dépendance minière !
J'ai lu des tweets critiques ce matin : certains trouvent que nous ne sommes pas allés assez loin, d'autres que nous sommes allés trop loin, mais je crois que nous avons trouvé le bon équilibre. Nous avons eu des discussions sur l'éolien en mer, dont les articles relevaient pour ce texte de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ; le texte final reprend la rédaction adoptée par le Sénat : les parcs éoliens seront installés dans les zones économiques exclusives (ZEE), à plus de 20 kilomètres des côtes, ce qui correspond aux appels d'offres déjà déposés.
Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur l'éolien en mer ?
La CMP a repris la rédaction du Sénat qui autorise l'implantation des parcs éoliens dans la ZEE, à plus de 20 kilomètres des côtes ; les appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ne concernent d'ailleurs que ces zones. J'ajoute que les opérateurs pourront réaliser des parcs plus grands, et donc plus rentables, en s'éloignant des côtes.
Je me réjouis qu'un large accord ait été trouvé. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) a voté ce texte. Je regrette toutefois le recours à la procédure accélérée ; l'Assemblée nationale a introduit de nombreux articles et le Sénat n'a pas pu les examiner. Cette procédure exceptionnelle devient la norme, ce n'est pas bon pour le Parlement ni la démocratie. J'ai attiré l'attention sur ce point en CMP. J'espère que le président du Sénat défendra la nécessité de prendre le temps du débat parlementaire pour travailler correctement.
J'approuve totalement vos propos. J'écrirai à la Première ministre : certains projets de loi arrivent au Parlement avec moins de 20 articles et en comptent dix fois plus au moment de leur adoption ! La CMP est un outil utile pour trouver un compromis entre les deux chambres. Le Sénat n'a pas pu examiner les articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale. C'est dommage. On ne perd jamais de temps à bien légiférer ! J'alerterai aussi le président Larcher.
Mon groupe fera la même démarche. Près de 70 articles, soit plus de la moitié des articles du texte, n'ont pas été discutés au Sénat !
Nous avons le plaisir de recevoir Mme Laure de La Raudière, présidente depuis désormais deux ans de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Madame la présidente, vous êtes accompagnée par M. Olivier Corolleur, directeur général adjoint, et par Mme Maya Bacache et M. Emmanuel Gabla, tous deux membres du collège de l'Arcep.
Madame la présidente, nous vous avions auditionnée pour la dernière fois le 20 janvier 2021, dans le cadre de la procédure de nomination prévue à l'article 13 de la Constitution. Si nous avons souhaité effectuer un premier bilan d'étape avec vous, c'est parce qu'en deux ans le contexte a changé dans les secteurs des postes et des télécommunications. Disons-le tout de suite : le contexte actuel n'est pas à l'apaisement, mais plutôt à l'agacement, à l'inquiétude et parfois à l'offensive.
Je pense premièrement à l'agacement des habitants et des élus, qui portent désormais plainte contre les opérateurs de télécommunications en raison des retards, des incidents et des dysfonctionnements répétés dans le déploiement de la fibre sur leur territoire.
Forcés de cadenasser des armoires de raccordement, de prendre des arrêtés contraignant les opérateurs à partager leur calendrier d'intervention et les techniciens à s'enregistrer au commissariat, voire de s'adresser directement à l'autorité que vous présidez, les élus sont devenus les régulateurs du quotidien d'un secteur qui, aux yeux de beaucoup, s'apparente aujourd'hui à un « Far West sans shérif ».
Face à cette situation, l'autorité que vous présidez a publié en novembre dernier un nouveau plan d'action pour améliorer la qualité de l'exploitation des réseaux en fibre optique, dont l'état en Île-de-France s'avère moins bon que dans les autres régions, selon la dernière analyse de terrain que vous avez menée. Quels sont les engagements pris par les opérateurs pour améliorer la qualité des raccordements à la fibre ? De quelle façon l'Arcep les contrôle-t-elle, et, le cas échéant, les met-elle en demeure de se conformer à leurs obligations et de respecter leurs nouveaux engagements ?
Alors que la demande de sanctions et de mesures fortes se fait de plus en plus pressante, vous défendez, madame la présidente, un modèle de régulation d'abord centré sur la concertation. Entre dialogue et sanction, comment trouver le bon équilibre, afin que l'Arcep exerce pleinement les fonctions qui lui sont attribuées par la loi ?
Je pense aussi à l'agacement des abonnés qui, en ce début d'année marquée par une inflation qui pourrait atteindre jusqu'à 7 %, voient le prix de leurs forfaits mobiles augmenter de quelques euros par mois. Certes, la France, grâce à une forte intensité concurrentielle, dispose des prix parmi les plus bas d'Europe : 15,70 euros par mois en moyenne pour un forfait mobile et 33,20 euros par mois en moyenne pour un abonnement internet fixe. Mais là aussi, lorsque les prix augmentent, que la qualité de service diminue et que les déceptions d'usage se font plus nombreuses, les attentes sont fortes vis-à-vis du régulateur.
À l'agacement s'ajoute aussi l'inquiétude des élus et des habitants concernés par la fermeture du réseau cuivre. D'ici à 2025, 670 000 foyers ne disposeront pas de la fibre optique en raison de la complexité de leur raccordement aux réseaux, alors même que l'Arcep a fixé un critère de 100 % de locaux raccordables à la fibre sur le territoire d'une commune pour pouvoir fermer le réseau cuivre, dont Orange est l'opérateur d'infrastructures unique et historique. Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce que des personnes seront écartées de l'accès à la fibre ? Ou est-ce qu'Orange devra prolonger temporairement et localement l'accès à son réseau cuivre afin de respecter ce critère ?
À l'inquiétude s'ajoute enfin l'offensive, qui est d'abord celle des opérateurs. Lors de son audition remarquée devant notre commission, le 30 novembre dernier, Christel Heydemann, directrice générale d'Orange, a annoncé préparer de lourds contentieux contre l'Arcep à propos de l'encadrement contesté des tarifs de dégroupage : cette annonce très médiatisée témoigne des divisions qui agitent le secteur. Dans ce contexte, nous sommes impatients de bénéficier de vos éclairages : est-ce qu'une hausse des tarifs de dégroupage vous paraît justifiée ? Sinon, comment assurer une juste régulation du secteur des télécommunications, sans favoriser ou défavoriser un opérateur plutôt qu'un autre ?
J'en viens au dernier point. Depuis le 1er janvier 2023, La Poste commercialise un nouveau catalogue de services d'envois postaux, qui relèvent du service universel postal. Cette réforme se matérialise notamment par la suppression du timbre rouge et par l'optimisation, par expérimentation sur 68 sites, des tournées de distribution du courrier par les facteurs.
Nous auditionnerons prochainement le PDG de La Poste, mais je souhaiterais savoir si l'Arcep s'est prononcée sur cette réforme. En tant que présidente de l'autorité chargée de faire respecter les obligations de service public qui incombent à La Poste, pensez-vous que nous sommes en train d'assister à une réduction déguisée du service universel postal ? Ou s'agit-il plutôt de mesures d'optimisation rendues nécessaires par l'évolution des usages ?
La Poste fait face à une baisse de son activité historique de courrier postal, qui lui a coûté environ 600 millions de chiffre d'affaires en 2021 ; la prévision est identique pour 2022. L'équilibre économique du service universel postal est remis en cause. Il faut donc évaluer le coût net du service universel postal, demande même du Sénat. Nous l'évaluons à 1,6 milliard d'euros, alors que le versement de l'État est de 520 millions d'euros pour 2021 : l'absence de surcompensation est réelle. Nous avons aussi évalué la nouvelle gamme des services inclus dans le service universel, lancée le 1er janvier 2023. L'objectif est bien la réduction des coûts. Nous avons aussi demandé des évaluations régulières de cette nouvelle gamme à La Poste, et nous veillerons à ce qu'elle respecte l'ensemble de ses obligations.
Pour le secteur des télécommunications, le tableau que vous dressez est réaliste, mais je souhaite commencer par les bonnes nouvelles. Pendant la crise, les réseaux ont bien résisté, et les opérateurs ont investi plus de 40 milliards d'euros en trois ans, ce que je salue, tout comme l'engagement des collectivités. C'est le fruit d'un choix de régulation tourné vers les investissements, qui place les utilisateurs au coeur de ces objectifs et qui s'inscrit dans le temps long, offrant la visibilité nécessaire aux acteurs économiques pour répondre aux enjeux d'aménagement du territoire portés par les politiques publiques et les élus. Il faut trouver l'équilibre entre tous les acteurs, au service des particuliers et des entreprises, sur tous les territoires.
Quels sont les résultats ? Le New Deal Mobile porte ses fruits. La nouvelle attribution des fréquences est une réussite collective. En effet, 1 780 sites de couverture ciblée, choisis par les collectivités, étaient en service au 30 septembre 2022. La couverture 4G est une autre obligation : entre 97,5 % et 99 % des sites français en disposent. Des couvertures wifi sont aussi proposées par les opérateurs. D'autres obligations existent : couverture des axes routiers prioritaires et exigence de qualité de service. Enfin, concernant la 4G fixe, 1 000 sites permettront une montée en débit là où la fibre n'est pas encore déployée.
Les concertations au sujet de la 5G ont permis d'apaiser la situation. Elle se déploie dans toutes les agglomérations. En 2022, la barre de 50 % d'abonnements internet haut et très haut débit est franchie, et presque 80 % des locaux sont fibrés. Le plan France Très Haut Débit (FTHD) est un succès collectif, ce que souligne France Stratégie : la stabilité du cadre réglementaire et la gouvernance du plan, qui a associé tout le monde, ont été les clefs du succès. L'engagement de tous a permis d'obtenir des résultats. Les efforts industriels et humains de la part des opérateurs et des collectivités ont été remarquables. Je salue aussi l'engagement des femmes et des hommes qui oeuvrent sur le terrain pour déployer les réseaux.
Pour les années à venir, l'enjeu est la bonne qualité des réseaux fixe et mobile, tout en gardant des abonnements abordables, dans une logique de numérique durable. Nos priorités sont tournées vers la satisfaction des utilisateurs : qualité des raccordements, poursuite du déploiement du réseau fibre, fermeture du réseau cuivre, maintien de la qualité de service du réseau jusqu'à sa fermeture et prise en compte de l'impact environnemental du numérique.
Je commence par la qualité de service pour la fibre. Les situations invraisemblables vécues par des habitants et des élus m'ont conduit à prioriser cette question. En 2021, le contrôle et la traçabilité des malfaçons n'étaient pas mis en place. Un vrai déni existait. Les diagnostics sont désormais possibles. L'Arcep a identifié que les malfaçons concernent 2 % des lignes en fibre, sur quelques réseaux, notamment en Île-de-France. Les opérateurs concernés ont notifié à l'Arcep les plans de reprise des réseaux. Ainsi Altitude Infra a présenté, fin septembre 2022, un plan de reprise pour les réseaux ex-Covage dans l'Essonne et ex-Tutor dans le Calvados ; XpFibre a présenté mi-novembre 2022 un plan de reprise pour certains des réseaux les plus dégradés. L'Arcep vérifie ces plans de reprise.
De plus, la filière a remis en plan d'action pour améliorer la qualité des réseaux, en septembre dernier. L'Arcep en assure un suivi mensuel. Nous serons particulièrement vigilants pour vérifier que les engagements des opérateurs soient bien respectés. Ce plan doit conduire à un meilleur partage des bonnes pratiques et à une remise en état des réseaux.
Cet enjeu de qualité de service est essentiel à plusieurs titres. Il n'est pas acceptable que les promesses ne soient pas tenues et qu'elles engendrent tant de déception. Nous devons pouvoir compter sur un réseau fibre fiable pour sécuriser la fermeture du réseau cuivre et la substitution. Pour fermer le réseau cuivre, il faut aussi que les déploiements des réseaux en fibre optique soient terminés. Du fait du déploiement des réseaux d'initiative publique (RIP), le déploiement ralentit ailleurs. En zone d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii) ou en zone très dense, le ralentissement du déploiement d'Orange est problématique : d'une part, il prive nos concitoyens du bénéfice de la fibre - il s'agit de choix librement consentis par les opérateurs, parfois contre l'avis des collectivités - et, d'autre part, il fragilise la stratégie de fermeture du réseau cuivre. Il n'est pas responsable de vouloir fermer le réseau cuivre et de freiner le déploiement de la fibre dans certaines zones. J'espère que le plan stratégique présenté par la nouvelle gouvernance d'Orange mi-février permettra de rectifier le tir.
Pour réussir cette fermeture, une excellente gouvernance et une parfaite concertation sont nécessaires. Orange doit encourager une parfaite concertation avec les opérateurs, les opérateurs commerciaux et les collectivités. Orange ne s'appuie pas assez sur les propositions des collectivités. Il est préférable en effet de commencer par les communes les plus motivées. Orange doit partager plus d'informations, par exemple en matière d'adresses, pour permettre la substitution des réseaux. De plus, une communication neutre et rassurante est nécessaire auprès des Français. Enfin, de nombreuses entreprises sont encore dépendantes du cuivre. La substitution sera aussi l'occasion de développer la concurrence dans les services aux entreprises, ambition portée par l'Arcep depuis longtemps.
Enfin, je souhaite aborder la prise en compte de l'empreinte carbone du numérique des télécommunications, qui représente 2 % des émissions en France. Cela semble peu, mais cette proportion augmente : nous devons être à la hauteur des exigences. Nous avons donc ouvert un nouveau chapitre de la régulation, avec la prise en compte des enjeux environnementaux du numérique. Grâce à la loi de Patrick Chaize visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l'Arcep, adoptée en décembre 2021, notre pouvoir de collecte des données est élargi à l'ensemble des acteurs du numérique. Les résultats enrichiront l'enquête annuelle Pour un numérique soutenable. Nous avons quatre objectifs : informer le public et toutes les parties prenantes ; identifier les activités des acteurs économiques susceptibles d'avoir un impact positif sur l'environnement ; encourager un ciblage des actions sur celles qui sont les plus efficaces ; enfin, suivre les indicateurs dans le temps, pour évaluer les actions de protection de l'environnement.
Pour conclure, je vous assure de l'engagement de l'ensemble des membres du collège pour défendre l'intérêt général et les politiques publiques que le Parlement nous fixe, avec pour boussole la satisfaction des utilisateurs.
Votre audition arrive particulièrement à propos puisqu'elle intervient quelques semaines après celle de Mme Christel Heydemann, directrice générale du groupe Orange, devant notre commission.
Celle-ci a notamment indiqué : « Entre le dégroupage et le génie civil, si le régulateur ne prend pas les décisions qui s'imposent, ce sont 228 millions d'euros de recettes essentielles pour maintenir l'infrastructure que nous ne percevrons pas et qui resteront dans les caisses des opérateurs commerciaux. Pour vous donner une illustration concrète, cela correspond à accueillir gratuitement l'un des trois grands opérateurs commerciaux sur notre réseau. » Que répondez-vous à ce propos ? Une solution serait d'augmenter le tarif de dégroupage pour inciter les opérateurs à faire migrer leurs clients vers la fibre.
Sur la qualité du réseau cuivre, Mme Heydemann a déclaré : « la meilleure façon d'améliorer la qualité de service du cuivre, c'est de fermer le réseau ! » La qualité du réseau cuivre restera pourtant primordiale pour quelques années encore. Comment cela se passe-t-il ailleurs en Europe ? Quelles sont les obligations des opérateurs historiques vis-à-vis du réseau cuivre chez nos voisins ? Est-il soutenable de maintenir une qualité de service dans les conditions actuelles ?
Mme Heydemann a également fait part de sa « surprise » devant les menaces de sanctions pour des retards de déploiement de la fibre, alléguant que la France est « le pays le plus fibré d'Europe ». Comment réagissez-vous à ces propos ? Comment interprétez-vous les engagements des opérateurs sur le déploiement, comment pourront-ils être atteints, quelles sont vos actions, et comment cela se passe-t-il dans les autres pays européens comparables à la France ?
Je m'évertue depuis quelques mois, en vain, à participer au comité cuivre de mon département. Il serait pourtant opportun que les élus soient davantage associés à la fermeture des réseaux cuivre sur le territoire.
Concernant le financement des réseaux, au regard de l'évolution du trafic, que pensez-vous d'une contribution éventuelle des grandes plateformes à titre de compensation des investissements publics ?
Enfin, je suis alertée par les opérateurs alternatifs sur les difficultés d'accès aux infrastructures détenues par les sociétés d'autoroute ou ferroviaires. Est-il possible de réguler la politique tarifaire de ces dernières ?
Orange nous a saisis mi-octobre 2022 d'une demande de révision des tarifs de dégroupage. Nous avons jugé la demande légitime pour la part fixe de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau (Ifer), c'est pourquoi nous avons mis une proposition de révision en consultation publique juste avant Noël.
Orange a néanmoins décidé de contester devant le Conseil d'État le tarif de dégroupage fixé à l'issue de l'analyse de marché de décembre 2020. Ne pouvant commenter une procédure en cours, je me contenterai d'indiquer qu'il y a à ce jour 15 millions de lignes cuivre actives, représentant deux milliards d'euros de revenus annuels pour Orange au tarif actuel.
Même si les opérateurs ont su faire preuve de résilience, l'économie de la filière est affectée par la crise énergétique et l'inflation. Le marché des services de télécommunications de masse est un marché mature qui nécessite de lourds investissements. Les opérateurs peinent à trouver des relais de croissance, ce qui rend l'équation économique difficile à résoudre, pour Orange comme pour les autres.
Certains territoires ne recevront pas la fibre avant quelques années ; c'est pourquoi le maintien d'un réseau cuivre de qualité reste indispensable. Rien ne laisse penser qu'Orange ne serait pas en mesure de respecter ses obligations de qualité de service. Les problèmes ne sont au demeurant pas récents : dès 2017, nous avons constaté une baisse de la qualité de service, qui avait conduit l'Arcep à adresser une mise en demeure à Orange. Après une amélioration, la situation s'est à nouveau dégradée en 2020. Nous avons fixé des seuils chiffrés que doit respecter l'opérateur.
En 2021, sous la pression des élus, du Gouvernement et de l'Arcep, un plan cuivre a été mis en place avec Orange. Le Premier ministre a demandé aux préfets, dans une circulaire, de créer des comités de suivi. La mise en place a été plus ou moins satisfaisante selon les départements. Un point sur le sujet avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) serait bienvenu.
Nous avons besoin d'un réseau cuivre qui tienne la route jusqu'en 2030. Là où cela est possible, Orange doit fermer son réseau pour concentrer ses efforts sur les endroits où il reste nécessaire.
Chez nos voisins, nous rencontrons des situations variables : en Espagne et en Suède, 94 % à 96 % des locaux sont fibrés et le projet de fermeture du réseau en cuivre remonte à 2015. Il y a néanmoins des indicateurs de qualité de service pour ce qui reste du réseau. L'Allemagne et l'Italie sont beaucoup moins avancées et les opérateurs se voient aussi, bien sûr, imposer des obligations de qualité de service. Le maintien de cette qualité est donc dans tous ces pays un enjeu important jusqu'à la fermeture complète.
C'est le rôle du régulateur que de faire respecter les engagements pris par les opérateurs. C'est pourquoi je suis surprise moi-même de l'étonnement d'Orange sur cette mise en demeure, et donc sur le fait que le régulateur joue son rôle. La lecture des engagements d'Orange ne laisse aucun doute quant à leur nature : il s'agit d'une liste de communes où la fibre doit avoir été installée à une date donnée. C'est ainsi que le comprennent toutes les collectivités en zone Amii (appel à manifestation d'intention d'investissement).
Nous avons également mis en demeure Savoie Connectée et l'opérateur XP Fibre, de respecter ses obligations en zone Amel (appel à manifestation d'engagements locaux), ainsi que SFR dans la Nièvre.
Madame Loisier, le fair share est un débat vieux de plus de dix ans. Toute remise en cause du Règlement internet ouvert doit être exclue de ce débat ; en revanche, il est légitime de responsabiliser les Gafam sur l'augmentation du trafic. D'aucuns estiment que seuls les utilisateurs d'internet sont responsables ; c'est oublier le modèle économique des plateformes, qui repose sur l'économie de l'attention, les incitant à générer toujours plus de bande passante. Il faut donc les sensibiliser à l'impact environnemental de l'explosion des usages numériques et au besoin en financements publics que représente la construction de réseaux THD dans les territoires non rentables. La Commission européenne doit annoncer une grande consultation publique sur le sujet le 10 février 2023.
Concernant l'accès aux infrastructures autoroutières, j'invite les opérateurs qui se plaignent de difficultés d'accès à nous solliciter sous la forme du règlement de différend, qui nous permet d'instruire les dossiers et d'arbitrer. En général, nos décisions font office de nouvelle norme sur un marché.
La disparition du timbre rouge peut se comprendre, face à la diminution du volume de courrier ; mais la promesse républicaine, selon laquelle tout courrier envoyé sur notre territoire est reçu le lendemain, demeure. De plus, le passage quotidien du facteur ou de la factrice dans les territoires, pas seulement ruraux, créait du lien social.
Or depuis quinze ans, le périmètre de la tournée s'étend, l'itinéraire change d'un jour sur l'autre, et les citoyens ne connaissent plus leur facteur. Et La Poste nous annonce l'expérimentation de la tournée un jour sur deux... Il faudra l'expliquer aux abonnés des journaux quotidiens ! La distribution de la presse, qui est dans le périmètre de l'Arcep, est une question démocratique. On nous dit qu'il faudra passer par des porteurs privés, évidemment beaucoup plus chers. Quel est votre avis sur cette question ?
Le nombre d'internautes a doublé en dix ans pour atteindre trois milliards. Si internet était un pays, il serait le troisième consommateur d'électricité au monde après la Chine et les États-Unis. C'est un coût environnemental que l'on ne peut ignorer. L'Arcep s'est emparée du sujet, publiant en 2022 une première enquête sur l'empreinte environnementale des acteurs du numérique à partir des données collectées auprès de ceux-ci. Quels sont les premiers résultats, et quelles sont vos préconisations en la matière ?
Le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, s'est dit favorable à une contribution des plus gros consommateurs de données, notamment les Gafam, mais l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques semble réservé. Vous évoquez la responsabilisation des acteurs, mais quelles sont vos pistes concrètes ? Quelle est la bonne méthode pour faire contribuer les Gafam sans porter atteinte à la neutralité du net ?
Le Data Act pour favoriser la circulation et le partage des données est en cours de discussion au niveau européen. Les fournisseurs de produits numériques, notamment les assistants vocaux, seraient tenus de rendre les données accessibles aux utilisateurs, voire à des entreprises tierces ; il y aurait aussi des obligations d'interopérabilité. La France souhaite inclure les smartphones dans ce règlement. Ces obligations de partage pourraient-elles faciliter, à terme, un diagnostic objectivé sur l'accès à internet depuis les terminaux mobiles ?
Une résolution européenne du Sénat du 22 juillet 2022 relative au programme d'action numérique de l'Union européenne à horizon 2030 demandait la substitution de l'objectif de couverture par la 5G par une obligation de qualité de service. Le texte final y répond partiellement en évoquant les réseaux sans fil à haut débit de nouvelle génération, aux performances au moins équivalentes à celles de la 5G. Que pensez-vous de ces objectifs, au vu de l'état du déploiement de la 5G en France ?
Le déploiement des réseaux de fibre donne lieu à des sous-traitances en série : jusqu'à cinq dans mon département de la Dordogne ! J'ai vu des câbles accrochés aux branches des arbres le long des routes...
Les acteurs de la filière, notamment les opérateurs d'infrastructures, se sont engagés à mettre en oeuvre le mode dit Stoc (sous-traitance opérateur commercial) V2, qui limite la sous-traitance à deux prestataires. Mais plus d'un an après sa mise en place, les défauts d'installation persistent. Le coût de la prestation de raccordement serait-il sous-évalué ?
La fermeture du réseau cuivre sera progressive, avec des phases d'expérimentation. Dans mon département des Hautes-Pyrénées, 21 communes sont concernées. Je m'interroge sur les solutions d'accompagnement prévues pour nos concitoyens fortement dépendants du réseau cuivre, à travers la télé-assistance par exemple. Les opérateurs sont-ils tenus d'accompagner la migration vers un abonnement similaire sur une ligne fibre ? Qu'est-ce qui est prévu pour les personnes les moins à l'aise dans l'usage des outils numériques ? Et pour les élus locaux ? Souvent en première ligne, ils seront amenés à jouer un rôle de médiateur si un particulier refuse la migration. Le régulateur obligera-t-il les opérateurs à assurer cet accompagnement ?
Permettez-moi de citer à nouveau Mme Heydemann à propos des tarifs de gros : l'Arcep « n'a rien fait alors que tout était prévu et annoncé dans la précédente analyse de marché. C'est pourquoi nous nous préparons à introduire de lourds contentieux contre les décisions de l'Arcep de ne pas revoir le tarif du dégroupage. Il s'agit de défendre non pas une prétendue rente, mais la qualité de service à laquelle nos concitoyens ont droit. » Quelle est l'origine du litige entre Orange et l'Arcep sur le tarif de dégroupage ? Pourquoi ne pas l'avoir révisé en 2022, comme cela était prévu ?
Mme Heydemann affirmait aussi qu'Orange avait beaucoup investi dans la mise à niveau là où survenaient des problèmes de qualité, ajoutant : « certains de nos concurrents ont encore beaucoup à faire sur leurs infrastructures, mais il appartient au régulateur de réaliser un suivi. » Le plan de reprise des opérateurs est-il assez ambitieux et cohérent ? Y a-t-il d'autres opérateurs qui n'ont pas de plan de reprise ? Comment l'Arcep s'assure-t-elle qu'ils seront mis en oeuvre ?
En attendant la fibre, des demandes de création de ligne cuivre sont refusées par Orange. C'est important, car cela affecte le décommissionnement du réseau cuivre qui relève des responsabilités de l'Arcep.
Je partage avec mes collègues le constat de l'abandon de l'entretien du réseau existant. Qu'est-ce que l'Arcep envisage pour les collectivités ? Pourquoi certains territoires sont-ils oubliés, sans explication, alors que les territoires voisins reçoivent la fibre ?
Lors de son audition, Mme Christel Heydemann, directrice générale du groupe Orange, a indiqué que la modélisation tarifaire décidée par l'Arcep en 2020 ne prenait pas en compte tous les éléments du réseau, ce qui conduisait à la sous-évaluation du tarif de dégroupage.
Comment expliquez-vous qu'Orange indique ne pas avoir la capacité de recouvrer ses coûts avec le nouveau modèle tarifaire défini par l'Arcep ? Aux termes des conclusions du rapport du comité d'évaluation du plan France Très Haut Débit, les aides publiques ont été mobilisées pour les territoires ultramarins au même niveau que pour le reste du territoire, et la couverture « fibre », malgré une belle progression de 63 % à la Réunion et 48 % à Saint-Martin, reste très inégalitaire et sous-déployée dans les autres territoires, le taux de couverture variant de 36 % à Saint-Barthélemy à 0 % à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.
La sous-évaluation du tarif de dégroupage indiquée par Orange ne risque-t-elle pas de freiner le déploiement de la fibre dans ces territoires et de compromettre l'objectif, fixé par le Gouvernement, de généralisation de celle-ci à l'horizon 2025 ?
J'ai constaté un écart entre le tarif de dégroupage en France et celui pratiqué par l'Allemagne, à hauteur de 2,5 euros. Comment l'expliquez-vous ?
Le rythme du déploiement est un point important pour les collectivités territoriales, les entreprises et nos concitoyens, mais la qualité peut poser problème. On observe trop souvent que le déploiement se fait en aérien pour aller vite, au détriment de la qualité et de la résilience. Quelle est votre opinion à cet égard ?
Le déploiement de la fibre est un objectif majeur pour Orange, mais l'entretien et la fermeture du réseau cuivre doivent être réalisés simultanément, ce qui représente davantage de coûts et moins de recettes. Cela pose question quant aux moyens dont dispose l'opérateur historique, qui investit mais voit d'autres opérateurs commerciaux en recueillir les bénéfices.
À Limoges, 12 000 prises sont manquantes dans le périmètre de la zone Amii (appel à manifestation d'intention d'investissement). À Brive, la couverture FTTH (technologie fibre à terminaison optique) était en novembre de 88 % sur l'agglomération : 6 000 habitants ne sont toujours pas connectés. Ces situations sont d'autant plus inacceptables que, dans le même temps, le syndicat mixte Dorsal a achevé la couverture de la zone d'initiative publique, y compris dans des zones très rurales.
Les collectivités s'inquiètent des risques de complétude pesant sur les zones Amel (appel à manifestation d'engagements locaux), qui suivent le chemin des Amii en termes de retard et de lenteur ; c'est de très mauvais augure pour nombre de territoires, notamment ruraux. Un positionnement de l'État est attendu de pied ferme. En restera-t-on au stade du dialogue ou de la simple mise en demeure, ou envisagez-vous de réelles sanctions pour ce retard pris dans le déploiement de la fibre, au mépris des engagements pris par les opérateurs ?
Votre prédécesseur, M. Sébastien Soriano, considérait que le réseau TNT (télévision numérique terrestre) était à bout de souffle, mais ne voulait pas que ces fréquences soient attribuées aux opérateurs. Quelle est votre position sur le devenir de la TNT et sur l'utilisation éventuelle de la bande de fréquences radioélectriques 470-694 mégahertz, en particulier pour le très haut débit ?
Le très haut débit numérique hertzien permettrait de connecter des foyers non facilement raccordables au réseau FTTH ; c'est souvent le cas dans le rural diffus et dans les zones isolées. À cet égard, la fin du réseau cuivre sera problématique pour les foyers non connectables à la fibre optique. Quelle est votre doctrine en la matière ?
Le mode de sous-traitance aux opérateurs commerciaux (Stoc) a montré ses limites. Des territoires, notamment ruraux, qui ont investi de façon majeure dans la fibre ne peuvent pas en bénéficier pleinement : des abonnés sont « débranchés » pour que d'autres soient connectés.
La région Grand Est a fait le choix d'investir pour raccorder l'ensemble de ses habitants à la fibre. Or on constate un gâchis, car le travail des opérateurs n'est pas de qualité.
Quelles seront les conséquences de la fin du réseau cuivre sur l'entretien des poteaux de ligne ?
Les ventes de journaux baissent globalement de 10 % par an, tandis que le prix du papier a augmenté de 40 %. Dans l'urgence, le Gouvernement s'apprête à débloquer 30 millions d'euros pour soutenir la distribution des titres. Si les pouvoirs publics ne changent pas la répartition prévue, cette aide sera versée exclusivement à la presse quotidienne nationale, c'est-à-dire à France Messagerie. Son concurrent, les Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui représente 550 éditeurs et distribue près de 3 000 titres, ne toucherait rien ! Quelle est votre position sur ce point ?
Lors d'un déplacement en Californie, notre commission a visité l'entreprise SpaceX, où l'on nous a longuement parlé du développement de Starlink et de sa constellation de satellites. Quel rôle joue l'Arcep dans le domaine des télécommunications par satellite ?
Monsieur Gay, La Poste a une mission d'égalité républicaine à assurer, dans le cadre du service universel postal, et l'Arcep est très vigilante à cet égard. Dans l'avis que nous avons émis sur le renouvellement de la gamme tarifaire de La Poste, nous avons insisté sur l'accompagnement nécessaire de ses clients, au travers notamment de la e-lettre rouge, qui permet d'envoyer directement des courriers urgents depuis laposte.fr, même en l'absence d'accès à internet. Pour ce qui concerne la distribution de la presse, La Poste doit respecter l'obligation de tournée quotidienne ; si tel n'était pas le cas, l'Arcep lui demanderait des comptes et ferait respecter cette obligation relevant de sa mission de service universel. Pour autant, l'éditeur a le choix de contracter avec La Poste ou un distributeur privé.
Madame Férat, les subventions accordées à la presse sont versées aux éditeurs. L'Arcep a une mission d'évaluation non pas du financement de France Messagerie, mais des surcoûts qu'elle supporte dans le cadre de la distribution de la presse quotidienne. Nous l'avons dit, malgré la hausse de ses tarifs, l'équilibre financier de cette société, dont la mission est d'intérêt général, nous paraît fragile, et je me permets d'alerter la représentation nationale à cet égard.
Pour répondre à votre question sur Starlink, madame la présidente, le rôle de l'Arcep est d'attribuer les fréquences pour les stations terriennes. Nous constatons une multiplication des constellations satellitaires, qui entrent en concurrence les unes avec les autres ; nous réfléchirons, en 2023, à leur empreinte environnementale.
Le mode Stoc ne pose pas de problème en soi. La difficulté, d'ordre opérationnel, tient à l'absence de mise en place par les opérateurs d'un processus de contrôle des opérations. Ce mode a rendu possible la commercialisation de la fibre par les opérateurs commerciaux : 50 % des abonnés français disposent aujourd'hui de la fibre et, au bout d'un ou deux ans, le taux de raccordement est de 70 à 80 %.
Je ne nie pas les problèmes. Ainsi, nous avons incité les opérateurs à développer de nouveaux outils de contrôle : aux comptes rendus d'intervention sont ajoutées des photos. Ils ont aussi mis en place l'outil e-intervention, visant à identifier quel opérateur intervient, et à quel moment, sur le réseau, et donc à disposer d'une traçabilité. L'exploitation de ces informations dans le cadre des échanges entre opérateurs d'infrastructures et opérateurs commerciaux permettra de savoir qui est à l'origine des malfaçons, puis d'appliquer des sanctions. Ce dispositif n'a pas encore d'effet sur le terrain parce qu'il est très récent.
Nous avons aussi demandé aux opérateurs et à leurs sous-traitants de former correctement leurs agents d'intervention et de mettre en place un label afférent, ce qui avance plus lentement.
Enfin, nous voulons que soient identifiées au fur et à mesure les malfaçons qui apparaissent sur les réseaux. Cela s'applique, par exemple, aux armoires de rue : les opérateurs d'infrastructures doivent mettre à la disposition des opérateurs commerciaux du matériel qui soit en bon état, ce qui suppose une reprise régulière des malfaçons. Par ailleurs, l'Arcep assurera le suivi des plans de reprise des réseaux accidentogènes - les réseaux concentrant la grande majorité des incidents - présentés par les opérateurs, ce qui inclut les points de branchement. Free nous a ainsi notifié, hier, son plan de reprise. On pourra donc constater des améliorations à cet égard en 2023.
Une question est liée à la qualité de service de la fibre : la rémunération des sous-traitants. Selon l'Arcep, qui a rappelé cette obligation, les grands donneurs d'ordre doivent assurer une rémunération suffisante des agents d'intervention. Cela permettra de recruter des candidats correctement formés et de rendre la filière attrayante, alors même qu'il manque aujourd'hui 2 000 à 3 000 personnes sur le terrain. Je salue, à cet égard, la négociation qui a eu lieu entre Orange, premier donneur d'ordre du secteur, et ses sous-traitants aux mois d'octobre et novembre derniers.
L'Arcep a mis en demeure Orange de respecter ses obligations dans les zones Amii et en termes de complétude, mise en demeure qu'Orange a contestée devant le Conseil d'État.
Mme la présidente souhaitait savoir comment nous faisions respecter les obligations des opérateurs : nous cherchons le meilleur moyen d'obtenir des résultats. Pour le mode Stoc, par exemple, nous avons voulu que les opérateurs mettent en place un processus de contrôle afin qu'ils ne soient plus dans le déni. Nous les mettons également souvent en demeure de remplir leurs obligations en termes de complétude.
Plusieurs questions portaient sur le respect de l'environnement. L'enquête annuelle que nous réalisons à partir de la collecte de données a montré que le réseau fibre consommait quatre fois moins d'énergie par abonné que le réseau cuivre, et que les réseaux mobiles consommaient deux fois plus d'énergie que les réseaux wifi. Sur cette base, nous avons établi une liste de bonnes pratiques, mise en ligne, qui vise à indiquer à nos concitoyens les usages limitant l'empreinte environnementale du numérique, et qui donne du crédit à la démarche de fermeture du réseau cuivre : il serait stupide de conserver deux réseaux parallèles pour des raisons non seulement économiques mais aussi liées à la préservation de l'environnement.
Pour ce qui concerne la maintenance des poteaux de ligne, comme il est d'usage dans le génie civil, le maître d'ouvrage - en l'occurrence Orange - a l'obligation, détachée de celles qui sont liées au réseau cuivre, de remplacer ces matériels.
En 2020, l'Arcep a séparé les obligations d'Orange relevant du génie civil et celles qui sont liées au réseau cuivre. Nous travaillons, dans le cadre de la nouvelle analyse de marché, à l'éventuel renforcement des obligations de génie civil, qui perdureront après la fermeture du réseau cuivre ; nous serons très attentifs à leur respect.
J'en viens aux tarifs du dégroupage. Les revenus d'Orange au titre de la boucle locale cuivre s'élèvent à 2 milliards d'euros. Orange a saisi l'Arcep en octobre 2022 d'une demande de révision de tarifs du dégroupage, que nous avons examinée. Nous avons considéré que la partie de la demande liée à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) était légitime et l'avons soumise à consultation publique en décembre dernier.
Pour ce qui est de l'outre-mer, il est vrai que les territoires ultramarins - à l'exception de la Réunion qui était l'un des premiers départements fibrés de France - accusent un décalage par rapport à la moyenne des départements. Pour autant, il existe dans ces territoires, sauf à Mayotte, des projets de déploiement de la fibre portés par les collectivités. Les problèmes rencontrés sont liés non pas à la régulation mise en place par l'Arcep, mais à la politique menée par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), en concertation avec les collectivités concernées.
Sur la TNT, un point d'étape sera fait en 2025 et la décision finale d'attribution sera prise en 2030. Je souhaite que l'analyse de la situation en vue de l'attribution des fréquences, qui doit prendre en compte les besoins de chaque secteur - télécommunications et audiovisuel -, soit faite de façon objective.
Cela constitue-t-il une solution technique pour l'accès au très haut débit ?
Votre question rejoint celle qui m'a été posée sur les solutions alternatives, notamment la 5G. L'objectif du plan France Très Haut Débit est le déploiement de la fibre sur l'ensemble du territoire ; selon les informations que me transmettent les opérateurs, les exceptions concerneront seulement 1 à 2 % des cas, ce qui n'empêchera pas de mobiliser des solutions alternatives au moment de la fermeture du réseau cuivre - 5G, 4G+, satellites, etc.
L'une des clés de la réussite de ce plan est la gouvernance et la concertation avec les collectivités locales, dont j'aimerais qu'elles jouent un rôle plus important dans le choix par Orange des communes appelées à bénéficier de la fibre. Par ailleurs, l'accompagnement de nos concitoyens doit être le fait des opérateurs mais aussi provenir de l'action publique.
Nous vous remercions pour vos réponses, madame la présidente.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 20.