Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement

Réunion du 17 juin 2021 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Photo de Jocelyne Guidez

Nous poursuivons les auditions de la mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement créée au titre du droit de tirage du groupe Les Indépendants République et Territoires.

Je vous prie de bien vouloir excuser la présidente Sabine Van Heghe qui est retenue par des obligations impératives dans son département et ne pourra donc pas nous rejoindre ce matin.

Je voulais vous remercier vivement pour votre présence à cette table ronde qui réunit les « partenaires de l'Éducation nationale ».

Nos travaux l'ont en effet montré. Si le harcèlement débute toujours dans un établissement scolaire - on parle ainsi plus précisément de harcèlement en milieu scolaire - sa prise en compte et sa résolution ne peuvent se faire simplement dans le cadre de l'établissement d'enseignement.

La réussite de la lutte contre ce phénomène, a fortiori quand il prend une dimension cyber, passe par la mobilisation d'un réseau efficace qui vient épauler, soutenir les victimes et leurs parents. Mais aussi faire prendre conscience au harceleur et à sa famille de la gravité des faits, faits qui sont pénalement répréhensibles.

Face à la « violence en meute », vous opposez le « collectif » d'une politique publique dont vous nous décrirez le mode de fonctionnement. En effet, la réponse judiciaire n'est peut-être pas la seule réponse à apporter mais elle est très importante, essentielle et je sais que des partenariats existent et que vous les animez au quotidien.

À ce titre, permettez-moi de regretter une absence malgré nos sollicitations, celle de la Préfecture de Police, dont pourtant le Recteur de l'académie de Paris auditionné il y a 15 jours en avait souligné le rôle dans la lutte contre ces violences et qui n'a pas pu - ou voulu - participer à nos échanges.

Je vous remercie donc pour votre venue ainsi que pour la contribution que vous allez apporter à nos travaux dont l'objectif est d'aboutir, en septembre prochain, à des conclusions opérationnelles en s'appuyant sur l'ensemble des parties concernées.

Monsieur le Procureur de la République, en mars 2021 le préfet de Loire-Atlantique, l'académie de Nantes et le ministère de la justice ont signé un protocole relatif à la prévention de la délinquance et à la lutte contre les violences en milieu scolaire. Pouvez-vous expliquer les raisons de la signature de ce protocole et son contenu ?

Madame le Major, pouvez-vous revenir sur votre mission « prévention et partenariat » ? Depuis quand abordez-vous la question du harcèlement ? Dans quelles conditions êtes-vous amenée à intervenir dans une école ? À partir de quelle classe intervenez-vous ?

Monsieur le Directeur-adjoint de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (DPJJ), pouvez-vous revenir sur la politique menée par la DPJJ pour lutter contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement ? En particulier, quelle est la nature des mesures et sanctions éducatives qui sont déployées en cas de harcèlement scolaire et cyberharcèlement ?

Enfin, cette question s'adresse à tous nos intervenants, est-il nécessaire de créer un délit spécifique de harcèlement scolaire, ou les textes existants suffisent-ils ?

Voilà rapidement énoncées deux de mes principales interrogations qui, vous l'avez compris, sont très largement partagées.

Debut de section - Permalien
Pierre Sennès, Procureur de la République au tribunal judiciaire de Nantes

Je vous remercie, Madame la Présidente, pour votre invitation.

Comme vous l'avez indiqué, nous avons récemment signé en Loire-Atlantique, avec le préfet et les autorités de l'Éducation nationale un protocole relatif à la prévention de la délinquance et à la lutte contre les violences en milieu scolaire. Il s'inscrit dans une politique du ministère de la Justice qui est ancrée depuis de nombreuses années et qui a été ponctuée par de nombreuses circulaires du Garde des Sceaux, la dernière le 11 octobre 2019, invitant les Parquets à nouer des relations étroites avec l'Éducation nationale, les recteurs et les directeurs académiques. Je suis procureur depuis 20 ans et j'ai observé le rapprochement de l'Éducation nationale et de la justice à travers les procureurs de la République.

Ce partenariat s'appuie sur l'idée que l'école doit être protégée et qu'elle n'est pas totalement hermétique aux phénomènes de société, notamment à la violence. Dans ce contexte, la justice doit être attentive à tout ce qui vient perturber le fonctionnement d'un établissement scolaire, notamment les actes de délinquance dans l'établissement ou dans sa périphérie, mais aussi les faits révélés dans l'établissement scolaire, mais commis à l'extérieur.

Le protocole que nous avons élaboré est un document pédagogique, à l'usage des chefs d'établissements et des personnels de l'Éducation nationale. Il les aide à répondre aux questions qu'ils se posent au moment où des actes de délinquance sont commis ou révélés : comment déposer plainte ? Comment alerter les autorités ? Comment qualifier pénalement les faits ?

Nous déclinons toutes les mesures de prévention qui peuvent aider les chefs d'établissements comme les représentants de la police ou de la gendarmerie, correspondants « sécurité école ». Nous leur expliquons comment déposer plainte et comment entrer en relation avec le procureur de la République. Nous déclinons aussi, selon une approche technique, la liste et la définition des principales infractions pénales. Les qualifications pénales sont souvent évoquées de manière superficielle. Or, elles correspondent à des définitions très précises rapportées dans le Code pénal.

Nous expliquons aussi ce que constitue un délit ou une infraction pénale et comment se déroule une enquête judiciaire après un signalement de faits de violence ou de délinquance. Nous nous efforçons de lever un certain nombre de craintes par rapport à une alerte au procureur qui déclenche une enquête judiciaire. Nous précisons dans quelle mesure nos enquêteurs peuvent intervenir dans un établissement, de façon à dédramatiser le déroulement de l'enquête. Nous détaillons aussi les réponses pénales que la justice peut mettre en oeuvre quand un acte de délinquance est reproché à un mineur. Nous leur montrons ainsi que la justice adopte principalement des mesures qui ont une vertu pédagogique et éducative, notamment des mesures de réparation, de rappel à la loi ou des stages. En matière de mineurs, la justice ne prend pas uniquement des mesures coercitives.

Enfin, nous avons mis en place un réseau de communication entre les autorités judiciaires, la police, la gendarmerie et l'Éducation nationale. Ce protocole aménage l'information des services de police judiciaire, celle du procureur de la République et bien sûr celle du directeur académique, pour que tous acteurs soient informés d'une situation problématique dans un établissement et puissent ensuite échanger sur le traitement judiciaire et sur les suites pénales données à une affaire.

Ce protocole est donc un outil pratique, à la disposition des chefs d'établissements.

Mme Aude Métivier, Major de Police, responsable de la mission « Prévention et partenariat » à la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Val-d'Oise. - 

Je suis entrée dans la police il y a 25 ans et j'ai travaillé en commissariat, principalement à Paris. Assez rapidement, je me suis spécialisée, par le biais de l'animation et de la prévention, dans des actions auprès des jeunes.

Au sein de la Préfecture de police de Paris où je suis restée de nombreuses années, les missions « Prévention et communication » ont été mises en place en 1999. J'exerce maintenant depuis six ans dans le Val-d'Oise. La sécurité publique a toujours oeuvré dans le domaine de la prévention auprès des jeunes, notamment à travers les opérations « Ville, vie, vacances » et des animations durant les périodes estivales.

J'ai par la suite décidé de poursuivre durablement ce travail auprès des enfants. S'il était utile de leur proposer des animations et des actions pendant l'été, au plus près de leurs problèmes et de leurs préoccupations, il fallait imaginer une démarche plus pérenne. Aujourd'hui, j'ai la chance de disposer d'une équipe formée, pleinement engagée et mobilisée sur cette thématique du harcèlement.

Depuis six ou sept ans, le harcèlement a pris une ampleur considérable. Auparavant, nous traitions la question du harcèlement en faisant beaucoup de prévention du racket en milieu scolaire, notamment en 6e. Puis le harcèlement s'est développé, même si je préfère parler d'intimidation, parce que les situations de harcèlement commencent souvent par de l'intimidation. Les pays anglo-saxons parlent davantage d'intimidation que de harcèlement.

La demande est aujourd'hui croissante dans le Val-d'Oise. Les écoles élémentaires sont très démunies sur cette question, notamment en termes de formation des enseignants. Nous sommes amenés à traiter cette thématique aussi bien dans les petites classes, dès le CE2, comme dans les lycées en 2de ou en 1re, souvent pour des questions en lien avec le cyberharcèlement.

Dans les remontées quotidiennes de l'Éducation nationale, nous trouvons toujours un cas qui relève d'une problématique avec les réseaux sociaux, comme des moqueries, la publication de photos ou de nudes. C'est un phénomène récurrent pour lequel nous sommes extrêmement sollicités.

J'ai longuement réfléchi à l'amélioration du partenariat avec l'Éducation nationale, notamment parce que certains adultes sont complètement démunis. Ils ont envie d'agir mais ne disposent pas toujours des connaissances. Avant de rencontrer les élèves, je demande systématiquement à voir l'équipe pédagogique pour échanger avec elle sur les mesures qui ont été mises en place dans l'établissement avant la venue des policiers. L'objectif est de travailler sur des actions durables et d'éviter que notre intervention soit vécue comme une obligation. Parfois, nous sommes sollicités par un chef d'établissement et les enseignants nous disent qu'ils n'ont pas été consultés.

Je veux que nous parvenions à travailler ensemble, dans le cadre d'un projet d'établissement, en nous appuyant sur le comité d'éducation à la santé et la citoyenneté (CESC).

Mon propos liminaire est bref mais je pourrai revenir plus précisément sur certaines questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Monsieur le Procureur nous dit qu'un protocole a été mis en place et en même temps, en vous écoutant, j'ai le sentiment que ce protocole ne fonctionne pas très bien.

Par ailleurs, vous avez raison, il est préférable de faire de la prévention sans attendre d'être confrontés à des situations de harcèlement.

Le protocole est-il connu des chefs d'établissements ?

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Dans le Val-d'Oise, le protocole est en cours de réécriture et correspond à celui décrit par M. le Procureur. La justice, la police, la gendarmerie et l'Éducation nationale se réunissent régulièrement. Nous avons récemment réuni les états-majors de la sécurité pour aborder la question du harcèlement et celle des phénomènes de bandes, même s'il ne faut pas mélanger les deux sujets dont les origines ne sont tout à fait les mêmes.

Cependant, si les relations sont fluides, nous pouvons aller encore plus loin. Les personnes se connaissent, travaillent relativement bien ensemble mais il y a beaucoup de mobilité dans l'Éducation nationale. Dès qu'un chef d'établissement part, tout est à reconstruire.

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Je vous remercie de donner la parole à la protection judiciaire de la jeunesse. La PJJ prend en charge des mineurs qui lui sont confiés par l'autorité judiciaire. Ces mineurs scolarisés peuvent être victimes ou auteurs de harcèlement. Par ailleurs, le cyberharcèlement va au-delà des frontières de l'école et touche les mineurs dans leur vie intime. Ils sont pris en charge par la PJJ dans des établissements de placement comme les foyers ou les centres éducatifs fermés, où ils ont accès aux réseaux sociaux et à internet. Ils peuvent donc aussi, dans le cadre de leur prise en charge, être confrontés à des problèmes de cyberharcèlement. Enfin, la PJJ peut être chargée par la justice de mesures prises à l'encontre des mineurs auteurs de cyberharcèlement.

La PJJ apporte trois types de réponses. Nous avons des partenariats locaux qui permettent à des professionnels de la PJJ de faire de la prévention, en étant à la fois porteurs du message de la justice et éducateurs. La PJJ conduit également des actions pérennes avec l'exposition « 13/18 » qui permet de travailler les questions de citoyenneté avec les mineurs dans les établissements scolaires. La PJJ participe aussi à la politique de la ville, aux Maisons de la justice et du droit, au groupe de travail sur les violences psychologiques. Elle a signé une convention de partenariat sous le label e-Enfance autour des questions de cyberharcèlement et de harcèlement des mineurs. Enfin, la PJJ mène des actions sur les dangers de l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux.

Son deuxième champ d'intervention concerne les processus de signalement. À Paris, nous avons signé une convention avec le procureur, la Direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ) et la Ville de Paris. Notre objectif est de nous positionner le plus en amont possible des signalements, que ce soient des signalements d'auteurs ou de victimes. Pour les victimes, la PJJ peut conduire des mesures judiciaires d'investigation éducative, c'est-à-dire une investigation sur l'environnement social et familial du mineur pour détecter d'autres problèmes que ceux révélés par le signalement. Pour les auteurs, la PJJ peut intervenir dans le cadre d'alternatives aux poursuites, par la mise en oeuvre de mesures éducatives à travers des stages ou la réparation pénale. Elle peut aussi conduire des actions en marge des procédures judiciaires avec la justice restaurative, qui met l'auteur et la victime face à face.

Enfin, la PJJ accompagne la réponse pénale en étant responsable de la mise en oeuvre des mesures judiciaires. Elle intervient sur l'éducatif pour aider les mineurs à comprendre la portée et les conséquences de leurs actes. La plupart des mineurs qui font l'objet de mesures alternatives aux poursuites ne reviennent pas devant la PJJ. La réponse est graduée en fonction de la réitération des faits, de l'âge du mineur ou des circonstances aggravantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je vous remercie pour ce premier tour d'horizon. Vos présentations représentent déjà une contribution à notre réflexion mais je souhaite prolonger ce premier échange. Les actions que vous menez relèvent de la prévention et de l'accompagnement. Je pense que vous avez à coeur de participer à la lutte contre ce phénomène de plus en plus généralisé et qui touche tous les territoires. Nous devons absolument avancer sur ce sujet et faire des propositions pour mettre en place un dispositif efficace.

Les différents protocoles ont-ils vocation à être généralisés ? Vos interventions doivent-elles être systématisées ? Comment faire pour qu'elles soient prises en compte dans la vie des établissements scolaires ?

Vous avez, Madame le Major, évoqué le projet d'établissement. Ce point est essentiel. Il faudrait peut-être inscrire la lutte contre le harcèlement dans tous les projets d'établissement et systématiser les actions de prévention. Ces sujets ne doivent pas reposer sur des personnes ou sur le volontariat. C'est une proposition que nous pourrons faire quand nous auditionnerons les ministres mais je souhaite avoir votre avis sur ce point.

Il existe des numéros d'appel consacrés au harcèlement scolaire. Ces numéros sont-ils suffisamment connus des élèves, des parents et des enseignants ? Un seul numéro serait-il plus pertinent ?

Enfin, que pensez-vous du Comité des parents annoncé par la ministre Marlène Schiappa ? Des travaux ont-ils déjà commencé sur ce sujet ou sommes-nous encore au stade de l'annonce ?

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Sur le projet d'établissement, notre travail doit se faire de façon durable. Dire que la thématique du harcèlement est essentielle et n'y consacrer qu'une journée par an à l'occasion de la journée nationale de lutte contre le harcèlement au mois de novembre n'a pas de sens. Certains chefs d'établissements nous invitent au mois d'octobre à intervenir le 5 novembre. Mais si nous menons une action, nous devons y réfléchir en amont et nous assurer qu'elle sera durable.

Il est également essentiel de mobiliser un maximum de personnes autour de ce projet. Nous ne pouvons pas imposer aux enseignants d'être formés, même si beaucoup le sont. Dans le Val-d'Oise, la méthode Pikas est une solution, mais elle ne fonctionne pas toujours. Cette méthode sur la préoccupation partagée ne peut fonctionner que sur les situations naissantes de harcèlement.

Il est donc essentiel d'inscrire la lutte contre le harcèlement dans un projet durable et de mobiliser un maximum d'adultes. Les adolescents ont besoin d'adultes et nous ne pouvons pas faire porter à des enfants la responsabilité de régler eux-mêmes leurs problèmes. Le harcèlement ne se résume pas à une victime et un auteur, c'est une problématique de groupe. Il est important de croiser les regards au sein de l'établissement. Le professeur qui a cours de 8 heures à 9 heures ne sait pas ce qui se passe entre 9 heures et 10 heures avec un autre professeur, dans une autre salle. Les adultes doivent absolument communiquer entre eux.

Nous parlons beaucoup du harcèlement mais nous devons aussi réinvestir et restaurer le climat scolaire pour qu'il soit plus apaisé et plus serein, pour que les enfants arrivent à vivre ensemble et à accepter leurs différences, le harcèlement se fondant sur le rejet de la différence.

Enfin, nous sommes dans l'obligation de retravailler la question de la citoyenneté dans sa globalité, y compris sur les réseaux sociaux.

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Les phénomènes de harcèlement scolaire ont toujours existé. Pour qu'un groupe fonctionne et soit uni, il faut souvent une victime. La vraie différence provient des réseaux sociaux. Le harcèlement ne se limite plus à l'enceinte ou aux abords de l'école, il se prolonge et rompt les barrières temporelles et les barrières de lieu. Il n'y a plus de nuit, plus de jour, plus de repas. C'est aussi un domaine auquel ni les enseignants ni la famille n'ont accès. Le mineur auteur ou victime est seul. À titre personnel, je pense qu'il y a un vrai sujet philosophique avec l'abolissement de la frontière entre la pensée et la verbalisation sur les réseaux sociaux. Nous avons le droit d'avoir des mauvaises pensées, personne ne nous poursuivra si nous ne les exprimons pas ou si nous ne les mettons pas en oeuvre. Sur les réseaux sociaux, cette frontière est abolie. Et quand la frontière entre la pensée et l'expression est abolie, la frontière entre l'expression et l'acte s'efface à son tour.

Pour répondre plus directement à votre question il est opportun de généraliser les protocoles, tout en veillant à leur contenu. Nous devons multiplier les actes de prévention mais le faire en lien étroit avec les professionnels de l'Éducation nationale, sans nous limiter à la visite une ou deux fois par an d'un policier ou d'un fonctionnaire de la PJJ.

Nous devons également nous intéresser au signalement et veiller à ce qu'une réponse rapide soit apportée. Laisser sans réponse un signalement peut dissuader de recourir à cet outil. Il est indispensable que le protocole permette, comme celui de Paris, « d'industrialiser » le processus de signalement et de traitement.

Enfin, le protocole peut prévoir un bon niveau de réponse par rapport aux actes commis. Par exemple, la PJJ de Nice avait constaté l'absence de stage ou de dispositif adapté pour répondre à ce type de violence. Elle a monté un partenariat avec le Parquet pour créer un stage sur les cyberviolences et le cyberharcèlement.

Les protocoles et les conventionnements locaux sont extrêmement importants mais doivent traiter de la prévention, des signalements, qui sont au coeur du dispositif, et des réponses à apporter.

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Je confirme que le harcèlement dépasse largement le cadre de l'école. Nous sommes de plus en plus sollicités pour intervenir dans les foyers éducatifs ou dans les maisons des enfants à caractère social.

La prévention nécessite que nous passions du temps, deux heures sont un minimum. Nous avons besoin de convaincre et de renforcer les compétences psychosociales des jeunes. Si un enfant a suffisamment d'estime de lui-même, suffisamment confiance en lui, il sera en capacité, peut-être pas de résister à la pression du harcèlement, mais de reconnaître que la situation est anormale et qu'il est victime.

À la fin des séances de prévention, je communique les numéros d'appel des lignes consacrées au harcèlement scolaire, notamment le 30 20, mais je suis partagée. Je préfère inviter un enfant à prendre contact avec un adulte de son établissement.

Le 30 20 a le mérite d'exister et d'être un relais avec l'Éducation nationale. Cependant, il me semble difficile de me contenter de dire à un enfant, qui vient me voir à l'issue de l'action de prévention parce qu'il est harcelé depuis plusieurs années, d'appeler ce numéro.

Il est nécessaire de trouver des relais dans l'établissement. En amont des actions de prévention, je m'efforce de définir avec le chef d'établissement comment traiter le cas d'un enfant qui viendrait nous parler. Cette situation se présente souvent car les enfants sont en confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Je souscris à la plupart de vos propos.

Vous avez dit, Monsieur Chaulet, que la victime, je dirais même la cible, consolidait le groupe. Avant d'être une victime, c'est une cible vers laquelle le groupe converge. Je pense qu'il est essentiel de travailler sur cette notion de groupe.

Par ailleurs, le terme de harcèlement n'est peut-être pas assez fort par rapport à celui d'infraction pénale. Nous ne devons pas hésiter à employer des mots plus forts pour qualifier ce que vivent certains enfants.

Vous avez également dit que le processus de signalement était essentiel dans la lutte contre le harcèlement. Je suis tout à fait d'accord avec vous mais nous devons travailler sur la libération de la parole des enfants. Certains d'entre eux ne parlent pas et des parents leur ont inculqué la valeur de ne pas dénoncer. Nous devons veiller à détecter les signes précoces de harcèlement.

Mettre auteurs et victimes face à face peut être traumatique et doit être mené avec la plus grande précaution.

Vous dites, Madame Métivier, que vous préférez parler d'intimidation plutôt que de harcèlement. Ce sont pour moi deux notions différentes, le harcèlement induisant la notion de répétition. L'intimidation fait partie du harcèlement. Pourquoi préférez-vous parler d'intimidation ?

Je suis d'accord avec vous quand vous dites que le harcèlement et les phénomènes de bandes sont différents mais je m'interroge sur l'existence de mécanismes communs, notamment la notion de groupe.

Enfin, vous dites qu'il n'est pas possible d'imposer une formation aux chefs d'établissements. Avez-vous rencontré des responsables qui refusent d'être formés ?

S'il existe une journée contre le harcèlement scolaire, je souhaite que notre rapport préconise la mise en place d'une journée nationale de la bienveillance et de la citoyenneté en milieu scolaire et je partage votre position sur l'importance de rétablir le climat scolaire.

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Avant de parler de harcèlement scolaire, nous parlions de harcèlement au travail et de harcèlement moral. L'intimidation n'enlève rien au caractère répétitif. Un enfant ne parlera pas de harcèlement, il dira « qu'on l'embête ». Utiliser le terme de harcèlement rappelle qu'il s'agit d'un délit et permet d'expliquer pourquoi il est interdit de harceler, en détaillant ses mécanismes et en montrant ce que subit la victime.

Concernant le projet d'établissement et la formation des personnels, nous avons fait de gros efforts dans le Val-d'Oise pour former un maximum de personnes. Je crois que tous les chefs d'établissement sont concernés par la question, d'autant plus que nous avons vécu des drames.

J'ai parfois été directement sollicitée par des associations de parents d'élèves. Je pense à une école où le directeur estimait que ce n'était pas utile et que les enfants allaient bien. Il y a encore trop d'établissements qui ne nous contactent qu'en cas de difficulté. Je leur réponds que je suis policière et que je ne viendrai éteindre l'incendie dans leur établissement.

Debut de section - Permalien
Pierre Sennès, Procureur de la République au tribunal judiciaire de Nantes

Je crois beaucoup au rôle de la communauté éducative. Un des problèmes majeurs que nous rencontrons avec le harcèlement et le cyberharcèlement concerne la libération de la parole. Les victimes subissent des actes de harcèlement ou de persécution par des auteurs qui sont souvent dans l'établissement. Pour favoriser la libération de cette parole, il revient à la communauté éducative d'installer une culture de la protection des mineurs et de la détection des infractions pénales subies par les élèves.

Nous avons affaire à des victimes, c'est-à-dire des mineurs qui sont persécutés par internet ou par des comportements humains au quotidien. Ces victimes doivent être protégées et il est essentiel de signaler les faits à l'autorité judiciaire et à l'autorité administrative pour qu'une enquête soit rapidement ouverte. Pour qu'il soit constitué, le délit de harcèlement doit être caractérisé par des comportements répétés. La loi du 4 août 2018 a apporté des améliorations sensibles sur le harcèlement de groupe avec une définition de la coaction qui englobe dans la qualification pénale tous les acteurs du harcèlement. Le harcèlement doit également avoir pour conséquence une dégradation des conditions de vie se traduisant par une altération de la santé physique ou mentale. Ce sont des éléments que la communauté éducative peut détecter, comme le changement de comportement d'un élève ou l'expression d'une souffrance.

L'intervention de la communauté éducative peut être suffisante sur des faits naissants d'intimidation pour enrayer le processus et l'interrompre avant qu'il n'ait des conséquences graves. Mais dès lors que nous sommes en présence de faits de harcèlement au sens du Code pénal, la question de la protection des victimes doit se poser. L'enquête judiciaire permettra de caractériser l'infraction pénale et d'identifier les auteurs. Elle permettra aussi de mettre en place des mesures de protection en saisissant le juge des enfants qui pourra décider d'une procédure d'assistance éducative pour protéger les victimes.

S'il est important de faire de la prévention et de la formation, il est essentiel d'alerter sans délai l'autorité judiciaire en cas de harcèlement avéré, pour interrompre les comportements répréhensibles qui constituent des délits punis de deux à trois ans de prison et pour protéger la victime.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

La notion de complice figure-t-elle dans la qualification pénale ? Par ailleurs, qui doit alerter l'autorité judiciaire, l'établissement, la famille, l'association de parents d'élèves ?

Debut de section - Permalien
Pierre Sennès, Procureur de la République au tribunal judiciaire de Nantes

Quand les faits de harcèlement sont détectés en milieu scolaire, il revient au chef d'établissement, en sa qualité de représentant de l'administration, d'alerter l'autorité judiciaire. Dans le protocole signé à Nantes, la démarche procédurale est détaillée pour que les chefs d'établissements alertent sans délai les officiers de police judiciaire ou le procureur de la République.

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Les départements sont compétents en matière de protection de l'enfance. Les Cellules de renseignements et d'informations préoccupantes (CRIP) sont le lieu privilégié de recueil de ces informations. Elles peuvent être saisies par n'importe qui. À partir des signalements qu'elles recueillent, des investigations judiciaires sont menées sur l'environnement familial de la victime et des mesures de protection sont mises en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Je vous invite à répondre aux premières questions de Mme la sénatrice.

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Bien évidemment, la justice restaurative, qui met face à face victime et auteur, se travaille et se fait toujours sur la base du volontariat, quand les deux parties sont prêtes.

Debut de section - Permalien
Pierre Sennès, Procureur de la République au tribunal judiciaire de Nantes

Je pense que la justice restaurative rapproche des auteurs d'infractions et des victimes mais pas nécessairement l'auteur et sa victime.

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Elle peut en effet adopter ces modalités, mais pas exclusivement. L'objet de la justice restaurative est la compréhension des actes par un échange entre auteurs et victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Vous n'avez pas répondu à l'une de mes questions. Est-il nécessaire de créer un délit spécifique de harcèlement scolaire ? Les textes existent-ils, même s'ils ne sont pas appliqués ? En effet, je n'ai pas le sentiment que des peines de deux ou trois ans d'emprisonnement soient souvent prononcées en cas de harcèlement prolongé en milieu scolaire.

Par ailleurs, la multiplication des journées « pour » ou « contre » une cause leur fait perdre toute lisibilité. Peut-être faudrait-il aller plus loin et mettre en place une semaine contre le harcèlement scolaire et organiser des débats dans tous les établissements, des écoles primaires aux lycées ?

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Certains collèges organisent une semaine du Respect et de la Citoyenneté. Je partage votre avis sur le galvaudage des journées nationales mais je suis favorable à la renommer avec des notions positives comme la bienveillance ou l'entraide.

Sur la création d'un délit spécifique, je considère que l'arsenal juridique est suffisant. Par ailleurs, le terme scolaire rejetterait toute la responsabilité du harcèlement sur le milieu scolaire. Or, le harcèlement dépasse largement le cadre de l'école. Il est important que l'âge de la victime demeure une circonstance aggravante, tout comme l'utilisation d'un moyen de communication en ligne. Je rappelle aux enfants que la portée d'un harcèlement dans une classe de 30 élèves n'est pas la même que la diffusion d'injures ou de moqueries en ligne, qui dépasse largement le cadre de la classe. J'explique la loi, je ne me contente pas de lister les peines encourues, je détaille les conséquences du harcèlement pour une victime.

J'ai observé une évolution depuis 20 ans. Auparavant, quand j'intervenais dans une classe de 6e, j'avais en face de moi de potentielles victimes. Aujourd'hui, les victimes mais aussi les auteurs doivent se reconnaître. Mon message doit être empathique tout en rappelant la loi et le traumatisme des victimes. Parfois, je m'interroge sur la manière de réagir en cas de harcèlement en primaire, notamment par rapport à l'âge de la responsabilité pénale. J'ai en tête le drame de 2019 dans le Val-d'Oise avec des enfants de 11 ans.

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Je pense que la frontière entre l'auteur et la victime est poreuse.

Si l'Éducation nationale doit avoir la capacité de détecter les situations de harcèlement et de les signaler, le cyberharcèlement implique l'autorité parentale. Comment peuvent-ils être vigilants sur l'utilisation des réseaux sociaux par leurs enfants quand ils sont eux-mêmes de gros consommateurs ?

Quand les parents ont accès aux échanges sur les réseaux sociaux, ils sont souvent effarés. Il y a quelques années, un artiste de bande dessinée a transposé dans la vie réelle les modalités d'échange et de communication sur les réseaux sociaux. Le résultat était étonnant, avec des personnes qui s'insultaient en se croisant.

Comment impliquer les parents dans ces processus ? J'observe que la plupart des mesures éducatives alternatives à la réponse pénale sont efficaces. En cas de récidive ou compte tenu de l'âge des auteurs, des mesures plus fermes peuvent être prises.

J'ai donc le sentiment que les outils existent et que pour les mettre pleinement en oeuvre nous avons besoin de signalements rapides.

La réforme du Code de la justice pénale des mineurs qui entrera en vigueur le 30 septembre 2021 vise justement à apporter des réponses beaucoup plus rapides à ces situations.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Avant de signaler à la justice le comportement d'un élève, un chef d'établissement doit s'assurer de la réalité des faits. Il faut que les élèves et leurs familles aient conscience d'avoir enfreint un règlement intérieur. Comment voyez-vous l'articulation de ces éléments ?

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Le premier réflexe est de protéger les victimes. La communauté enseignante doit détecter les signaux faibles pour identifier un mineur victime de harcèlement. Il existe des processus de signalement, comme les CRIP, qui permettent à l'autorité administrative et aux magistrats de se saisir de ces situations et de déclencher des investigations.

Debut de section - Permalien
Pierre Sennès, Procureur de la République au tribunal judiciaire de Nantes

La notion de signalement est sensible et l'équilibre à trouver est assez subtil. Je comprends que les chefs d'établissements se posent beaucoup de questions. Avant de déclencher un signalement, ils prennent souvent attache avec les magistrats du parquet pour évoquer de manière informelle la situation. C'est une bonne pratique.

Dès lors que le chef d'établissement dispose d'informations préoccupantes étayées, qu'il a détecté une dégradation des conditions de vie ou une altération de la santé physique ou mentale d'un élève, il doit communiquer l'information à la justice par le biais du signalement. Il ne doit pas mener d'enquête au sein de l'établissement, il appartient à l'autorité judiciaire de le faire pour identifier les auteurs et les modes opératoires utilisés.

Nous disposons d'excellents enquêteurs dans les services de police et de gendarmerie qui sont capables d'effectuer des recherches sur internet pour retrouver des messages de harcèlement. C'est à la justice de rechercher la qualification pénale des faits et d'y mettre fin pour protéger la victime.

Si le chef d'établissement attend trop longtemps avant de procéder à un signalement, la victime continuera à subir du harcèlement, des violences ou des persécutions.

Dans le protocole, les chefs d'établissement disposent du numéro de permanence du parquet des mineurs. Ils ont la possibilité de joindre à tout moment un magistrat qui s'occupe de la délinquance et de la protection des mineurs. Ils peuvent ainsi évaluer avec lui les contours d'une affaire et ce magistrat leur dira si les faits sont suffisamment sérieux pour justifier l'ouverture d'une enquête. La qualité des relations interpersonnelles entre les différents acteurs institutionnels est importante et renforce la qualité de la réponse institutionnelle pour protéger les victimes.

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Je suis souvent frappée que face à un cas de harcèlement scolaire dans un collège, ce soit la victime qui parte et pas les auteurs. Je travaille avec le collège d'Herblay, qui a connu un drame en 2019, et je croise les auteurs qui avaient 11 ans au moment des faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Je suis moi aussi choquée, même si ce sont souvent les parents qui prennent cette décision car toute la famille est touchée par le rejet de son enfant.

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Je trouve choquant, d'un point de vue moral, que les auteurs restent et que la victime parte.

Pourtant, je souhaite nuancer cette approche par la dimension protectionnelle de la victime. Le mineur souhaite-t-il rester ou changer d'établissement ? Le sortir d'un environnement délétère est aussi le moyen de le protéger rapidement, d'autant plus, qu'en cas de harcèlement de groupe, sortir tous les auteurs peut prendre du temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Il y a toujours un meneur dans une meute et je m'interroge sur la meilleure approche.

Pourquoi ne pas résumer le protocole dans le carnet de correspondance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

Je crois que ces carnets n'existent plus, j'ai deux enfants, dans deux collèges différents, et ils n'en ont pas.

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Le règlement intérieur des établissements est souvent très long et peu compréhensible par les enfants. Il serait intéressant de les associer à la rédaction de ce document pour qu'ils se l'approprient.

En début d'année scolaire, j'ai été invitée par un collège à participer à une réunion du Conseil de la vie collégienne qui regroupe tous les délégués. Je leur ai expliqué le règlement intérieur et nous avons essayé de le rendre plus accessible. Le chef d'établissement a compris qu'il était trop compliqué, trop long avec ses 36 pages. Je pense qu'il est important d'associer les élèves à la rédaction de ces documents. Pour que les règles soient comprises, il faut qu'elles soient admises.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je partage votre point de vue. Dès le début de l'année scolaire, les élèves doivent être associés à l'élaboration du règlement intérieur et doivent avoir la capacité de le comprendre. Ces dispositions doivent être rendues obligatoires.

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Parallèlement aux actions visant à lutter contre le harcèlement, nous devons promouvoir des celles favorisant l'entraide, la solidarité, l'esprit de groupe et le collectif. Elles peuvent se faire dans toutes les matières, pas uniquement en EPS, en privilégiant le travail en sous-groupes.

Debut de section - Permalien
Pierre Sennès, Procureur de la République au tribunal judiciaire de Nantes

Je souscris à tous les propos qui ont été tenus. Je crois beaucoup à la culture d'établissement, à la communauté éducative, au rôle des référents adultes qui sont en contact au quotidien avec les mineurs et qui doivent être capables de détecter les signaux d'alerte, notamment pour le cyberharcèlement où un élève peut changer brutalement de comportement. Cette vigilance peut être étendue aux comportements liés à la toxicomanie ou aux mauvais traitements que le mineur peut subir dans la sphère privée.

L'école est une caisse de résonance. Toute évolution significative des comportements doit alerter et s'accompagner d'une démarche pour libérer la parole. La filière administrative consistant à alerter les CRIP permet de faire une première évaluation des signaux préoccupants qui ne constituent pas forcément des infractions pénales. Les parquets travaillent en étroite collaboration avec les CRIP. Dès qu'elles détectent des éléments impliquant la protection d'une victime, elles font des signalements aux parquets qui mettent en oeuvre les mesures judiciaires de protection en saisissant les juges des enfants ou en prenant en urgence des ordonnances de placement si la situation de danger est avérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

Les témoins ont-ils un statut particulier dans le cadre d'un signalement ? Peuvent-ils être considérés comme complices passifs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Existe encore une forme de harcèlement « traditionnel » qui ne se transforme pas en cyberharcèlement ?

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Je pense qu'il existe toujours des situations de harcèlement « traditionnel », notamment en primaire. J'observe que l'accès aux réseaux sociaux se fait de plus en plus tôt. J'ai supprimé de la présentation que j'utilise en primaire toutes les images provenant de Snapchat ou d'Instagram car les élèves étaient excités par leur diffusion. Ils connaissent donc ces réseaux.

Une école d'Argenteuil a recensé les pratiques autour des écrans et les résultats ont montré que les enfants de CM1 et de CM2 étaient sur les réseaux sociaux, avec la complicité des parents. Il est donc compliqué d'agir. Mes tentatives de réunion dans le cadre institutionnel se soldent souvent par la présence d'un, deux ou trois parents. Nous devons trouver un autre vecteur de communication.

Debut de section - Permalien
Bénédicte Galland, rédactrice à la DPJJ

Je rebondis sur la question du cyberharcèlement. L'association e-Enfance propose une plateforme d'écoute sécurisée, anonymisée, disponible tous les jours, et qui dispose d'une équipe de juristes et de professionnels du numérique. Elle a des partenariats avec les modérateurs des réseaux sociaux et les signalements sont plus rapides. Elle propose des modules de prévention aux parents, par exemple sur la mise en place de contrôles parentaux et travaille sur la récidive en proposant des paramétrages de comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Nous recevrons des représentants des réseaux sociaux la semaine prochaine.

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Je n'ai pas la réponse sur les témoins. Monsieur le Procureur peut sans doute l'apporter. Dans un groupe, les enfants ne savent pas toujours quel rôle endosser et peuvent être tiraillés entre de la gêne et une forme de soulagement de ne pas être l'objet du harcèlement. Ils craignent aussi les représailles. Ils sont témoins mais pas complices, la complicité supposant qu'une aide ait été fournie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Ceux qui font partie de la meute sont complices. Les autres sont témoins et ferment les yeux par peur de représailles. Quand un de mes proches a été harcelé, isolé, mis de côté, il a fallu faire la différence entre la meute et les témoins silencieux.

Debut de section - Permalien
Pierre Sennès, Procureur de la République au tribunal judiciaire de Nantes

Le complice participe à la commission de l'infraction et apporte une aide ou une assistance. Il accomplit des actes matériels. Le témoin de son côté ne peut pas être inquiété sur le plan pénal.

Sur le cyberharcèlement, la loi du 4 août 2018 a étendu la notion de groupe et ce n'est plus de complicité dont il faut parler mais de co-auteurs. Une personne qui émet un seul message dans une action de groupe est considérée comme auteur du délit de cyberharcèlement. Le texte prévoit que l'auteur du harcèlement doit commettre des actes répétés, sauf dans une action de groupe. Cette évolution législative permet de maintenir dans les liens pénaux et donc dans les liens de la prévention tous ceux qui participent au raid numérique, pour reprendre l'expression utilisée dans la circulaire du Garde des Sceaux.

L'arsenal juridique couvre l'ensemble des situations. Les infractions sont bien définies, les circonstances aggravantes sont prévues par les textes, notamment s'il s'agit de mineurs de moins de 15 ans, d'actions de groupe ou si le harcèlement a pour vecteur une communication électronique. Je ne vois donc pas l'utilité de définir un délit spécifique de cyberharcèlement scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Quels types de stages la PJJ met-elle en place pour les harceleurs ?

Debut de section - Permalien
Franck Chaulet, directeur adjoint de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

Un auteur mineur mis en cause pour la première fois fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites à portée éducative, qui se traduisent par l'organisation de stages. Il s'agit de faire comprendre au mineur ce qu'il a fait et le dommage causé aux victimes.

Le parquet de Nice et le service de milieu ouvert de la PJJ ont travaillé sur un stage adapté à ces sujets de cyberharcèlement pour disposer d'une réponse éducative forte.

Debut de section - Permalien
Aude Métivier

Le site « non au harcèlement » propose de nombreuses ressources pour les professionnels, notamment des grilles permettant aux enseignants de repérer les signaux faibles.

Il faut évidemment sanctionner les délits et penser aux victimes. Un premier travail de repérage permet de gagner du temps en démêlant les situations urgentes et celles qui viennent de commencer. Je m'exprime avec prudence et je ne veux pas que l'Éducation nationale improvise des enquêtes mais certaines situations peuvent être réglées au sein des classes et des établissements.

Enfin, nous ne devons pas superposer les dispositifs, comme le Comité des parents. Je sais que la direction centrale de la sécurité publique a organisé des réunions à Paris en l'absence de l'Éducation nationale et des fédérations de parents d'élèves. Nous devons nous également nous concentrer sur un numéro unique, pour plus de clarté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Je vous remercie pour votre participation à cette table ronde.

La réunion est close à 12 h 15.