La séance est ouverte à onze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu, le 17 octobre 2013, de M. Éric Bocquet un rapport fait au nom de la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques, ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre, créé le 17 avril 2013 sur l’initiative du groupe communiste républicain et citoyen, en application de l’article 6 bis du règlement.
Ce dépôt a été publié au Journal officiel, édition « Lois et décrets », du 18 octobre 2013. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l’Instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lesquels la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera publié sous le n°87 le jeudi 24 octobre 2013, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport d’évaluation du livret de compétences expérimental établi en application de l’article 11 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Ce rapport a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
M. le président du Sénat a également reçu de la présidente de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer le rapport d’activité - octobre 2013 - de cette commission établi en application de l’article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
Ce rapport a été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des lois, à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales et à la commission du développement durable.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 18 octobre 2013, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité portant, l’une, sur l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 (Autorité des décisions du Conseil constitutionnel) (n° 2013-349 QPC) ; l’autre, sur les articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales (Célébration du mariage – Absence de « clause de conscience » de l’officier de l’état civil) (n° 2013-353 QPC).
Acte est donné de ces communications.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (projet n° 822 [2012-2013], texte de la commission n° 51, rapport n°50, avis n° 53 et 56).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Madame la présidente, messieurs les présidents, mesdames, messieurs les sénateurs, la succession des crises internationales traversées ces dernières années, ces derniers mois, vient brutalement rappeler à la réalité ceux qui vivent encore dans la croyance de la « fin de l’histoire » et de la guerre devenue « improbable », ou qui se laissent abuser par la situation privilégiée d’espace pacifié dans laquelle ils se trouvent.
La France, pour ce qui la concerne, n’a jamais cessé d’être vigilante et de prendre ses responsabilités, lorsque cela devenait nécessaire, a fortiori à l’heure de la mondialisation : elle les a prises sur le Mali ; elle les a prises sur la Syrie, au cœur de l’une des zones les plus périlleuses pour la sécurité internationale, où l’emploi de l’arme chimique par le régime contre la population civile violait délibérément les règles relatives à la non-prolifération et les lois internationales qui représentent des acquis majeurs pour l’humanité depuis les conflits qui ont ensanglanté le XXe siècle.
Aujourd’hui, nous savons bien que d’autres enjeux se dessinent, qui appellent de notre part engagement ou vigilance pour notre sécurité ou pour la paix internationale : en République centrafricaine, au Proche et au Moyen-Orient, dans les espaces maritimes menacés par la piraterie, pour ne citer que quelques exemples.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’enjeu du projet de loi de programmation militaire qui vous est soumis découle directement de l’expérience de ces derniers mois, comme de la tradition de la Ve République en matière de défense nationale. Comment garantir les capacités militaires qui nous permettront d’être à la hauteur, demain comme aujourd’hui, de nos intérêts de sécurité, de ceux de la France et de ceux de l’Europe auxquels nous sommes intimement liés, comme des responsabilités internationales qui sont les nôtres de par l’histoire et de par notre place au Conseil de sécurité ?
En 2013, cette question majeure se présente à nous avec une gravité particulière.
Les menaces qui pèsent sur notre sécurité collective évoluent rapidement, dans le sens d’un durcissement de notre environnement stratégique et d’une diversification des risques d’atteinte au potentiel de la Nation. Dans le même temps, la pression de la dette publique atteint des niveaux inconnus jusqu’ici, sous le coup des crises économiques qui se sont succédé depuis 2008. Chacun conviendra que c’est, pour la France, un autre enjeu de souveraineté.
Je sais gré au Sénat d’avoir engagé de longue date une réflexion sur cette question et préparé la programmation militaire avec un soin tout particulier : voilà qui a donné et, j’en suis convaincu, donnera à nos débats une tonalité constructive dont je me réjouis, compte tenu de l’enjeu et des attentes de la communauté de défense.
On a beaucoup parlé sur cette tension entre impératif militaire et impératif budgétaire. Pourtant, elle se résout d’elle-même : sans contrôle de la dette de l’État, qui ne voit qu’il ne saurait y avoir de maîtrise de nos choix stratégiques ?
Dans les grandes orientations qu’il a arrêtées pour le renouvellement de notre politique de défense, à travers le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le Président de la République a fait un double choix : celui de notre autonomie stratégique et celui de notre souveraineté budgétaire. L’une ne va pas sans l’autre.
Pour faire des économies faciles, nous aurions pu chercher à occulter tout un pan de notre environnement stratégique ou prononcer des renoncements spectaculaires à certaines de nos responsabilités hors du territoire, comme certains nous y incitaient. Telle n’est pas notre conception de la préparation de l’avenir pour la défense de la France. Au contraire, nous nous sommes tenus à un principe de stricte sincérité dans la description des menaces comme dans la définition des moyens pour y faire face.
Le premier pilier de notre politique de défense et de sécurité nationale est le maintien d’un effort de défense significatif.
Ce projet de loi de programmation militaire prévoit donc, à l’encontre de bien des pronostics, de maintenir notre budget au niveau actuel, c’est-à-dire 31, 4 milliards d’euros courants, cela pendant trois ans. Dans un second temps, entre 2016 et 2019, ce budget augmentera progressivement, pour atteindre 32, 5 milliards d’euros courants. Les crédits budgétaires progresseront en valeur dès 2016, puis en volume à compter de 2018. Les ressources programmées sur la période 2014-2019 totalisent ainsi 190 milliards d’euros exprimés en euros courants.
Sans pouvoir atteindre les niveaux, devenus si vite irréalistes, de la programmation 2009-2014, cet arbitrage est une décision politique forte.
Pour garantir ce niveau de ressources, mais aussi pour que la défense participe au redressement des comptes publics, des ressources exceptionnelles viennent compléter les ressources budgétaires, à hauteur de 6, 1 milliards d’euros sur la période, c’est-à-dire 3 % des ressources totales.
Mais notre engagement en matière de ressources exceptionnelles s’accompagne d’une vraie transparence. C’est pourquoi, cette fois-ci, l’origine de ces différentes ressources est explicitée dans le rapport annexé au projet de loi. Il s’agit, je le rappelle brièvement, de l’intégralité du produit de cession d’emprises immobilières du ministère de la défense ; d’un nouveau programme d’investissements d’avenir, financé par le produit de cessions de participations d’entreprises publiques, au profit de l’excellence technologique des industries de défense ; du produit de la mise aux enchères de la bande des fréquences comprises entre 694 et 790 mégahertz ; enfin, des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquence déjà réalisées lors de la précédente programmation.
Une clause de sauvegarde volontariste complète cet ensemble, qui permettra de mobiliser d’autres ressources exceptionnelles, en particulier des cessions d’actifs, si le produit ou le financement de celles que je viens d’évoquer se révèle insuffisant. En sens inverse, si le montant des ressources disponibles devait excéder les 6, 1 milliards d’euros prévus, la Défense pourrait en bénéficier à hauteur de 0, 9 milliard d’euros supplémentaires.
Votre commission a souhaité unanimement que la clause de sauvegarde sur cet ensemble de recettes soit introduite dans le dispositif même de la loi ; le Gouvernement s’est volontiers rallié à cette suggestion.
Notre démarche est donc de garantir à notre défense un niveau de ressources ambitieux et réaliste à la fois : ambitieux, par la trajectoire que le Président de la République a arrêtée ; réaliste, parce que ce niveau de ressources est compatible avec la loi de programmation des finances publiques et que les ressources extrabudgétaires reposent sur des engagements politiques inscrits dans la loi que vous allez voter et dont la représentation nationale pourra contrôler l’application avec des pouvoirs renforcés, comme vous l’avez souhaité et ainsi que nous le verrons au cours du débat.
Parce que ce niveau de ressources est le plus équilibré possible, nous avons souhaité l’employer au mieux. La nouvelle stratégie militaire, adoptée dans le cadre du Livre blanc, y concourt au premier chef.
Cette stratégie clarifie d’abord les trois missions fondamentales qui sont celles de nos armées : protéger le territoire et la population, assurer la dissuasion nucléaire et intervenir à l’extérieur du territoire national, que ce soit en gestion de crise ou en situation de guerre. Sur la base de ces trois missions, et des scénarios d’engagement les plus probables pour les quinze ans à venir, nous avons redéfini les contrats opérationnels assignés à nos forces par le chef de l’État. La programmation financière, de même que la programmation des ressources humaines, en découle directement.
Concernant d’abord la protection permanente du territoire et de la population, outre les moyens pour la surveillance aérienne et maritime, les contrats opérationnels prévoient une mobilisation des forces terrestres jusqu’à 10 000 hommes, en renfort des forces de sécurité intérieure. Ces contrats sont inchangés par rapport au précédent livre blanc. Toutefois, nous y avons ajouté une dimension nouvelle, encore plus d’actualité : la prise en compte de la posture de cyberdéfense, désormais indispensable, compte tenu du niveau de la menace exercée à l’encontre des intérêts du pays.
En matière d’interventions extérieures, nos forces devront constituer en permanence un élément d’intervention d’urgence de l’ordre de 5 000 hommes, incluant une force interarmées de réaction immédiate de 2 300 hommes. Pour les missions de gestion de crise internationale, nous prévoyons de pouvoir, en outre, engager jusqu’à 7 000 hommes au total, répartis sur trois théâtres extérieurs, ainsi que des unités navales dont un groupe « bâtiment de projection et de commandement », et une douzaine d’avions de combat.
Pour les opérations de guerre et de coercition majeure, nos armées vont conserver la capacité d’entrée en premier dans les trois milieux, terrestre, naval et aérien, avec les moyens de commandement correspondants. Nous pourrons, dans ce cadre, projeter des forces spéciales significatives, jusqu’à deux brigades interarmes représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, plus 45 avions de combat et un groupe aéronaval.
Sur la mission de dissuasion, enfin, je veux dire ici qu’elle demeure, avec ses deux composantes, un élément majeur de notre stratégie. Le Livre blanc l’a confirmé, cette capacité est adaptée à l’environnement stratégique dans lequel nous évoluons et à celui que nous prévoyons pour les prochaines années.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tant qu’il existe des armes nucléaires dans le monde, tant que la prolifération des armes de destruction massive est un risque avéré, tant que les risques de chantage contre nos intérêts vitaux demeurent, la dissuasion est l’une des garanties fondamentales de notre liberté d’appréciation, de décision et d’action. C’est un fait que certains déplorent, mais il est bien difficile de le nier.
Peu de nations dans le monde ont la capacité d’assumer simultanément ces trois missions, en engageant de tels moyens matériels et humains.
Peu de nations sont en mesure d’appuyer leur force militaire sur une industrie figurant parmi les premières du monde.
C’est le cas de la France, et notre démarche vise à consolider cet ensemble.
Bien sûr, le présent projet de loi est un texte d’équilibre, mais je ne vois nulle trace, dans les objectifs et la stratégie qu’il expose, du déclassement stratégique évoqué par certains. En 2019, si nous suivons cette trajectoire avec vigilance, non seulement nous nous maintiendrons parmi les premiers dans le monde, mais nous serons au premier rang stratégique en Europe.
Cette autonomie stratégique nous offre une capacité d’initiative qui est l’une des clefs de la politique du Président de la République. Elle nous donne, de surcroît, des responsabilités. Nous les exercerons. D’ailleurs, être autonome, cela ne veut pas dire être seul. Notre stratégie intègre ainsi la mobilisation de nos alliances.
Il y a tout d’abord l’Europe, à laquelle ce projet de loi de programmation militaire s’attache, puisque nous avons systématiquement préservé les programmes menés en coopération européenne, qu’il s’agisse des FREMM, ou frégates multimissions, des programmes A400M, NH 90, Tigre ou encore MUSIS et SAMP/T, sol-air moyenne portée. En outre, nous prévoyons d’en lancer deux autres, à savoir l’anti-navire léger, l’ANL, et le système de lutte antimines du futur, le SLAMF.
La mutualisation européenne est également un leitmotiv de ce projet de loi, spécialement pour des capacités clefs comme le transport aérien, le ravitaillement en vol, la capacité aéronavale, l’espace militaire, la logistique ou la formation.
Plus largement, nous aborderons le prochain conseil européen de décembre avec l’ambition d’en faire un moment important pour la prise en compte de la défense par le collectif des chefs d’État et de gouvernement, et de donner une impulsion politique et pragmatique dans les domaines capacitaire, opérationnel et industriel.
Il y a ensuite l’Alliance atlantique. Nous voyons précisément la pleine participation de la France dans les structures de commandement de celle-ci comme le complément naturel de notre démarche européenne : ce sera là l’occasion de développer notre vision – celle des Européens – au sein de l’Alliance, lors du conseil de fin d’année.
Il y a enfin tous les partenariats stratégiques que la France noue à travers le monde, avec des interlocuteurs historiques mais aussi avec des puissances nouvelles de premier rang. Nous devons également pouvoir appuyer sur eux notre stratégie de défense.
Pour détailler cette stratégie dans un cadre budgétaire que nous avons ajusté au mieux, nous avons marqué un certain nombre de priorités, à commencer par la préparation opérationnelle et l’équipement des forces.
Priorité, avant tout, est donnée à l’entraînement et à l’activité des forces. La valeur de nos soldats, qui se sont illustrés à de nombreuses reprises ces derniers mois, en est la conséquence directe. Sans préparation opérationnelle efficace et suffisante, il n’y a pas de capacité militaire à la hauteur ni d’armée professionnelle crédible. C’est l’une de mes priorités, et les membres de la commission sénatoriale des affaires étrangères et de la défense le savent bien !
Or, depuis 2010, à l’exception des opérations extérieures, on a constaté un fléchissement de l’activité opérationnelle. §Comme le soulignent les rapports de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, ce mouvement s’explique par diverses causes : l’épuisement des stocks dans lesquels nos armées ont dû puiser au cours des dernières années, le vieillissement des parcs, mais aussi, simultanément, l’arrivée de matériels de nouvelle génération dont le coût d’utilisation et d’entretien est considérablement plus élevé. Tous ces facteurs se cumulent. En outre, de manière générale, le contexte financier a pesé sur l’activité et l’entraînement, alors même que ces domaines revêtent un caractère prioritaire.
La présente programmation vise à maîtriser puis à inverser cette évolution, en maintenant puis en redressant peu à peu le niveau de préparation opérationnelle. Ainsi, les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de plus de 4 % par an en valeur, pour s’établir à un niveau moyen de 3, 4 milliards d’euros par an sur la période, contre 2, 9 milliards d’euros au titre de la loi de finances initiale pour 2013.
Notre préoccupation, ce n’est pas d’avoir une « grande armée » sur le papier, c’est de pouvoir disposer, chaque fois que nos troupes doivent s’engager, de soldats bien équipés et bien entraînés. C’est la priorité qui justifie toutes les autres.
Priorité est ensuite donnée aux équipements. Là encore, je souligne l’effort important qui va être accompli : nous prévoyons une hausse régulière des crédits d’équipement au cours de la période 2014-2019. En 2013, 16 milliards d’euros ont été consacrés aux équipements. L’effort s’élèvera à plus de 17 milliards d’euros en moyenne annuelle sur l’ensemble de la période, pour atteindre 18, 2 milliards d’euros en 2019.
Je l’ai dit et je le répète, malgré la contrainte qui pèse sur le budget, tous les grands programmes déjà lancés seront maintenus, et une vingtaine de nouveaux programmes sont lancés.
Pour m’en tenir à l’année 2014, seront ainsi commandés ou lancés, parmi beaucoup d’autres équipements, les avions ravitailleurs MRTT, les drones tactiques et les drones moyenne altitude longue endurance, ou MALE – enfin ! –, sur lesquels la commission a beaucoup travaillé, les pods de désignation laser du Rafale, les véhicules du programme SCORPION, le quatrième sous-marin Barracuda, le système satellitaire « capacité de renseignement électromagnétique spatial », ou CERES.
Dans le même temps, les livraisons sont préservées avec notamment, toujours pour 2014, le satellite franco-italien de télécommunications SICRAL, une frégate FREMM, 4 hélicoptères Tigre, 7 hélicoptères NH 90, 11 avions Rafale, 60 missiles de croisière navals MDCN, 77 véhicules blindés de combat d’infanterie, ou VBCI.
Au-delà, sur l’ensemble de la période couverte par la loi de programmation militaire, un grand nombre d’équipements seront livrés. En application du principe de différenciation, certains de ces équipements illustrent plus particulièrement notre capacité à prendre part à un conflit majeur : les prochains Rafale, bien sûr, les 6 frégates de premier rang FREMM, les 16 hélicoptères Tigre. Le porte-avions Charles-de-Gaulle, s’il va connaître un arrêt technique majeur, concourt également à cette capacité d’entrée en premier. La rénovation des chars Leclerc, quant à elle, sera aussi programmée au cours de cette période.
M. le rapporteur acquiesce.
D’autres livraisons viendront plus directement conforter nos capacités de gestion de crise. Je songe aux 92 véhicules blindés multi-rôles, ou VBMR, débutant le remplacement des actuels VAB, les véhicules de l’avant blindé ; je songe aussi aux 42 hélicoptères NH 90 ou à nos capacités logistiques, avec 8 bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, ou BSAH.
Parmi ces équipements, un certain nombre seront bien sûr polyvalents. C’est ainsi que nous recevrons, au cours de cette période, 2 satellites du programme MUSIS, 450 missiles moyenne portée, ou MMP, 2 MRTT- les deux premiers - ou encore 13 avions A400M. À ces livraisons, il faut ajouter la rénovation des Atlantique 2, que j’ai lancée la semaine dernière, celle des Mirage 2000D et celle des frégates Lafayette.
On le voit bien, nous avons fait des choix et, en particulier, nous avons écarté les scénarios de rupture dans nos capacités, militaires et industrielles. Au reste, je suis persuadé que personne ne les soutiendrait dans cet hémicycle.
Notre objectif commun est de préparer nos armées à mener les guerres de demain et à faire face aux menaces du futur. Dans cette perspective, concernant les équipements, nous avons défini un équilibre entre des investissements majeurs pour l’avenir et des livraisons préservées, selon le rythme permis par l’enveloppe financière arrêtée et la contribution de la défense au redressement des comptes publics.
De plus, nous avons choisi de mettre en œuvre des principes de mutualisation et de différenciation pour l’ensemble de ce modèle d’armée présenté dans le Livre blanc et dans le rapport annexé au projet de loi de programmation. Ils constituent un tournant et doivent permettre d’optimiser nos moyens.
J’ajoute un troisième choix, qui me tient lui aussi à cœur et qui concourt directement à la préparation de l’avenir : la poursuite et même le renforcement d’un effort substantiel en matière de recherche et de technologie.
C’est un objectif majeur de ce projet de loi de programmation militaire : les crédits consacrés aux études amont représenteront plus de 730 millions d’euros en moyenne annuelle sur la période 2014-2019, donc en hausse par rapport à la période précédente. Pour ne citer qu’un exemple, le projet de drone de combat futur, l’unmanned combat air vehicle, ou UCAV, se voit doter de crédits de plus de 700 millions d’euros sur la période.
Ces crédits d’études et recherche bénéficieront donc à l’avenir de l’aéronautique de combat, mais aussi au renouvellement des deux composantes de la dissuasion, à la lutte sous-marine et, dans le domaine terrestre, à la poursuite des efforts portant sur la protection des combattants et des véhicules, ainsi qu’au renseignement, à la cyberdéfense ou à l’espace, pour ne citer que quelques exemples.
En s’appliquant à nos forces, cet effort tourné vers les équipements, qu’il s’agisse de livraisons préservées, de programmes lancés ou de recherches engagées, bénéficiera aussi directement à nos industries de défense, dont aucun des neuf secteurs majeurs n’est tenu à l’écart.
En effet, ces industries sont au centre de l’autonomie stratégique que nous recherchons. Au surplus, fortes de 4 000 entreprises, dont une majorité de PME et d’ETI, avec 165 000 emplois directs hautement qualifiés et donc peu délocalisables, avec un chiffre d’affaires global d’environ 15 milliards d’euros, dont 30 % à 40 % réalisés à l’exportation, ces industries constituent également un extraordinaire moteur pour notre économie, un formidable levier pour l’emploi et la compétitivité. À ce titre, elles sont placées au cœur de ce projet de loi de programmation militaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà comment se présente, dans ses grandes lignes, le renouvellement de notre politique de défense tel que nous le proposons pour les six ans à venir, avec la perspective à quinze ans tracée par le Livre blanc. À ce titre, ce projet de loi est un texte fondamental.
Mais, fondamental, ce texte l’est à un deuxième titre. Il comporte en effet une dimension normative qui nous a tous beaucoup mobilisés et qui constitue un autre volet de la préparation de l’avenir. Le texte fixe en effet un cadre législatif dans trois domaines majeurs pour nos armées et, au-delà, pour la sécurité nationale : le renseignement, la cyberdéfense et les droits des personnels.
Chacun de ces trois axes d’efforts imprime une marque particulière au présent projet de loi.
Le renseignement est aujourd’hui l’une des clefs de voûte de notre autonomie stratégique. Le présent texte définit un équilibre politique clair entre, d’une part, l’accroissement des moyens techniques, humains et juridiques des services et, d'autre part, le renforcement légitime, souhaité par les différentes commissions, du contrôle parlementaire de cette activité.
Concernant les moyens, l’effort sera amplifié, après bien des retards accumulés pour notre équipement et avec trois priorités : l’imagerie – livraison des satellites de la composante spatiale optique, CSO, du programme MUSIS, livraison des drones MALE –, le renseignement d’origine électromagnétique – en particulier la réalisation du système satellitaire CERES – et la mise en œuvre de moyens techniques mutualisés d’interception et la création nette de postes au profit de la Direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI, de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, et de la Direction du renseignement militaire, la DRM.
En contrepartie de cet effort, ce projet de loi marque un net renforcement du contrôle des services de renseignement. À la suite du Livre blanc, qui a conforté le rôle du coordonnateur national placé auprès du Président de la République, il prévoit en effet la création d’une fonction d’inspection des services, qui pourra être actionnée par le Premier ministre et par les ministres chargés du renseignement.
Surtout, instruits des premières années d’expérience de la délégation parlementaire au renseignement, nous préconisons un saut qualitatif important dans les compétences de contrôle de l’activité gouvernementale exercée par celle-ci.
Pour la première fois, cette délégation se voit reconnaître explicitement cette fonction de contrôle, dans un cadre respectueux des prérogatives du pouvoir exécutif, tel que tracé par le Conseil constitutionnel. Elle aura la capacité de connaître l’ensemble de la dépense publique dans ce domaine sensible. À l’avenir, elle intégrera notamment une formation spécialisée pour le contrôle de l’utilisation des fonds spéciaux, prenant la place de l’actuelle commission de vérification des fonds spéciaux. Elle aura connaissance des principaux documents d’orientation gouvernant l’activité des services. Elle pourra régulièrement dialoguer avec les directeurs des services quant à la mise en œuvre de leur mission.
Cependant, si le cadre normatif évolue, c’est également pour offrir de nouvelles possibilités aux services. Plusieurs dispositions tendent ainsi à améliorer leurs outils de travail, au soutien de leurs missions de lutte contre le terrorisme et contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. Je ne saurais trop insister sur l’importance de ces décisions, alors que le risque pour le pays et sa population est particulièrement élevé, à l’heure où est engagée une action résolue contre les groupes terroristes violents – les djihadistes, en particulier – du Pakistan jusqu’aux rives de l’Afrique occidentale et de la Méditerranée.
Ainsi en est-il de l’accès aux fichiers de police administrative et judiciaire ou de la création de la banque de données relatives aux passagers, dite « PNR », pour Passenger Name Record –, fournies par les compagnies aériennes, dans le cadre d’un projet européen qu’il est essentiel pour notre sécurité de faire aboutir. Ainsi en est-il également des propositions de vos commissions que le Gouvernement a décidé de soutenir concernant le recueil contrôlé des données de connexion ou la géolocalisation.
L’importance du renseignement justifie pleinement le désir de votre commission des affaires étrangères et de la défense de préciser encore dans le rapport annexé certaines des décisions qui lui sont spécialement consacrées et qui revêtent un caractère hautement prioritaire.
Après le renseignement, cette programmation consacre des développements particulièrement importants à la cyberdéfense. De fait, tandis que la vulnérabilité de l’appareil d’État et des entreprises croît au même rythme que la dépendance de la Nation aux systèmes d’information, le cyberespace est devenu un champ de confrontation à part entière. C’est un enjeu absolument stratégique dont nous devons nous saisir.
C’est pourquoi ce projet de loi adapte notre droit, pour la première fois dans une telle mesure, aux nouveaux défis que représente pour le pays la cybermenace. Il confère ainsi au Gouvernement la compétence d’imposer des règles aux opérateurs, en explicitant, dans le code de la défense, les responsabilités du Premier ministre et les moyens de ses services en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information stratégiques.
Au-delà de ces évolutions normatives, le projet de loi prévoit le développement de nos capacités militaires et non militaires, défensives mais aussi offensives, la mise en place d’une chaîne opérationnelle, centralisée au niveau du CPCO, le centre de planification et de conduite des opérations de l’état-major des armées, ainsi qu’un renforcement des moyens humains. Plusieurs centaines de spécialistes seront ainsi recrutés. Un effort financier significatif, enfin, permettra l’acquisition de nouveaux équipements, mais aussi la réalisation d’études amont.
Bien sûr, pour mener à bien ces priorités inscrites dans la loi tout en assumant la gamme de missions que j’ai décrites, le ministère de la défense doit par ailleurs consentir des économies, sur le fonctionnement, sur les effectifs, sur la masse salariale, sur les coûts de structure. Ces économies garantissent l’équilibre global de la programmation militaire.
Je n’ai jamais caché que, dans un contexte marqué déjà par plusieurs déflations successives depuis 1995, ces économies seraient difficiles à réaliser et appelleraient de notre part des efforts d’accompagnement, d’analyse et d’explications, tout particulièrement auprès des personnels.
Au titre de la présente loi de programmation militaire, 23 500 emplois seront supprimés, en plus des 10 500 déjà inscrits dans la loi précédente, concernant les années 2014 et 2015. Ces déflations sont cohérentes avec les choix opérationnels que nous avons effectués, notamment les nouveaux contrats opérationnels des armées. Elles reposent également sur un effort important à effectuer au sein de notre administration au sens large, afin de réduire ses coûts de fonctionnement et une structure qui demeure encore, dans bien des domaines, lourde, complexe et insuffisamment optimisée.
La réorganisation qu’impliquent ces diminutions d’effectifs reposera donc sur quelques principes simples et un dispositif d’accompagnement de grande ampleur auquel je veillerai personnellement.
De quoi s’agit-il ?
Premièrement, la priorité sera donnée, et maintenue, aux forces opérationnelles, pour la capacité à remplir les missions que je viens d’évoquer.
Deuxièmement, la simplification et la clarification de l’organisation seront partout recherchées, ce qui peut conduire à des modifications, comme celle qui se profile en ce qui concerne la chaîne des soutiens jusqu’aux bases de défense, avec le concours et l’appui de tous les responsables militaires et civils du ministère.
Troisièmement, la diminution de l’environnement, de l’administration et des soutiens bénéficiera d’une analyse fonctionnelle préalable – elle est déjà lancée -, qui guidera mes choix. Je n’entends pas procéder de manière arithmétique ni automatique.
Quatrièmement, le personnel doit être pleinement informé : un effort important de communication interne sera engagé. Dans le même esprit, nous venons de lancer, à la demande du Président de la République, un chantier important : la rénovation de la concertation militaire. La pleine implication du commandement et le strict respect de l’obéissance hiérarchique ne s’opposent pas à l’entretien de différentes formes de dialogue, bien au contraire.
À la demande du Président de la République, j’ai donc saisi l’ensemble des chefs militaires et des acteurs du dialogue dans les armées afin que des propositions soient élaborées en vue de la 90e session du Conseil supérieur de la fonction militaire, en décembre prochain.
Cinquièmement, les personnels doivent bénéficier des dispositions d’accompagnement social de sorte que les départs, lorsqu’ils sont nécessaires, se fassent dans de bonnes conditions. C’est l’objet des mesures figurant dans le projet de loi, telles que les pécules, l’accès à la pension du grade supérieur, la promotion fonctionnelle – il ne s’agit pas, madame Demessine, de l’ancien conditionnalat – ou encore les dispositifs de disponibilité rénovée. Dans le même esprit, et pour les mêmes finalités, nous renforcerons la politique de reconversion pour les militaires et le reclassement dans la fonction publique pour les agents du ministère. À ce dernier titre, une habilitation à agir par ordonnances vous est demandée.
Au total, c’est mon sixièmement, un plan d’accompagnement de près de 1 milliard d’euros est prévu pour les outils financiers d’incitation au départ.
Concernant les restructurations, septièmement, mon objectif est de préserver au maximum les liens qui relient les armées et les territoires, ainsi que, pour les sites, les moins nombreux possible, qui seront amenés à fermer, de permettre une transition dans les meilleures conditions possible. Pour ce faire, un accompagnement économique est inscrit dans le projet de loi.
Désormais, contre la dérive de l’éparpillement, les actions de l’État seront davantage concentrées, avec 150 millions d’euros au total en faveur des territoires les plus affectés. Ce plan sera complété par un dispositif d’aide aux petites et moyennes entreprises des territoires concernés, appuyé sur la Banque publique d’investissement.
Dans un ministère dont la solidité doit être à toute épreuve, je sais que de telles évolutions, qui visent précisément à asseoir notre politique de défense sur des bases plus solides, peuvent néanmoins susciter des inquiétudes et créer des fragilités transitoires.
Au demeurant, vous aurez relevé combien ce projet de loi de programmation militaire défend la singularité du soldat aujourd’hui. Il le fait en mettant en place divers outils juridiques simples, permettant d’éviter une judiciarisation inutile de l’action des militaires engagés en opération extérieure. C’était un engagement, remarqué et attendu, du Président de la République après plusieurs affaires qui pouvaient donner le sentiment d’une remise en cause du cœur du métier militaire et de l’acte d’engagement comme de commandement en opération.
L’objectif n’est pas de consacrer une quelconque immunité pénale au profit des militaires, encore moins de priver les familles de leurs droits, qu’il s’agisse de l’accès à l’information, à la justice ou à la réparation. Ces droits, notamment celui d’être dûment informé des circonstances dans lesquelles leurs proches ont pu être touchés, seront scrupuleusement respectés, voire accrus par les dispositions d’accompagnement prises par le ministère et les armées.
Il s’agit simplement de faire prendre en compte, par le droit pénal, la réalité de ce qu’est un conflit armé, dans lequel nos militaires sont prêts à donner leur vie comme, d’ailleurs, à infliger la mort. Il s’agit d’inscrire aujourd’hui dans notre droit, tant sur le plan des procédures que sur le fond de la qualification des actes, les spécificités des situations d’action au combat, alors que nos sociétés voient le recours juridictionnel se développer rapidement.
Ces propositions ont été préparées en bonne intelligence entre mon ministère et les services de Mme la garde des sceaux, dont je veux ici saluer tout particulièrement la disponibilité et la compréhension. Je souhaite vivement qu’elles recueillent un large soutien de la représentation nationale.
À ce point de mon propos, je veux rendre hommage solennellement avec vous aux sept militaires tombés au combat dans l’opération Serval, ainsi qu’à leurs quarante camarades gravement blessés. Tous témoignent des dangers, de l’engagement et du dévouement si particulier pour le pays que représente leur métier. Nous leur devons la reconnaissance de la Nation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un projet de loi de programmation militaire est par définition perfectible, et je sais gré à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat d’avoir contribué à l’améliorer de façon significative, tout comme je remercie les commissions des lois et des finances pour leur apport très significatif à la maturation de ce débat et du texte qui en résultera.
Ce travail, vous l’avez entrepris voilà déjà deux ans, si bien qu’avec les réflexions préparatoires, la participation de trois d’entre vous à la commission du Livre blanc, votre contribution à la conception de la programmation, et maintenant votre marque sur le texte lui-même, je crois pouvoir dire que ce projet de loi est le fruit d’une démarche largement partagée, qui donne tout son sens au choix du Sénat pour l’examen en première lecture, et je m’en félicite.
Vous me permettrez, ici, de saluer tout spécialement le président et rapporteur de la commission de la défense, Jean-Louis Carrère, ainsi que ses vice-présidents Jacques Gautier et Daniel Reiner, mais également le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, et le rapporteur pour avis de la commission des finances, Yves Krattinger. Tous se sont mobilisés pour améliorer le projet d’une façon très utile. Qu’ils en soient sincèrement remerciés.
Au terme de ces travaux, je crois pouvoir soutenir que nous avons défini un projet équilibré, qui permettra de conforter notre autonomie stratégique et notre ambition européenne, tout en contribuant au renforcement de notre souveraineté budgétaire. Lorsque je regarde autour de nous, en Europe et, au-delà, sur la scène internationale, je constate que cette situation n’est pas si fréquente, je le dis sans aucun sentiment de supériorité, qui serait déplacé. J’ajoute que, si ce projet de loi de programmation vise en premier lieu nos moyens militaires, ses enjeux débordent souvent le champ de la défense et s’étendent nettement à celui de la sécurité nationale, dont je partage la responsabilité avec M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur.
En confirmant spécifiquement le maintien de notre effort de défense, le Président de la République a souligné que c’était là un effort que la Nation consentait, non pas pour les armées en elles-mêmes, mais pour sa propre sécurité. Aujourd’hui, je fais toute confiance à la représentation nationale pour confirmer cette ambition, dans l’intérêt de la France et dans le respect de celles et ceux qui la servent avec courage, avec professionnalisme et avec dévouement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.
Nouveaux sourires.
Président et rapporteur, quel cumul, me direz-vous… §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote d’une nouvelle loi de programmation militaire marque toujours, pour notre politique de défense et pour notre pays, un moment important. C’est aussi un moment propice au rassemblement républicain autour de nos forces armées, et d’ambition partagée au service de la grandeur de notre pays.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, avec d’autres, et dans la continuité de ce qu’avait entamé Josselin de Rohan, associer à l’examen de ce texte le plus grand nombre de nos collègues de toutes les sensibilités politiques au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, et notamment les rapporteurs du budget de la défense. Je tiens à les remercier ici chaleureusement de leur importante contribution, ainsi que le président Jean-Pierre Sueur et le rapporteur spécial Yves Krattinger, pour leurs apports très significatifs.
Ce projet de loi fait suite à une large réflexion menée durant plusieurs mois dans le cadre de la commission du Livre blanc, au sein de laquelle l’Assemblée nationale et le Sénat étaient représentés non plus par deux, mais par trois députés et trois sénateurs. Nos collègues Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même y représentions la Haute Assemblée. Toujours cette obsession de l’équilibre politique…
Avant même le début de ces travaux, notre commission avait constitué des groupes de réflexion, coprésidés par des sénateurs de la majorité et de l’opposition, qui ont donné lieu à dix rapports d’information : sur l’avenir des forces nucléaires, cher Xavier Pintat, sur les capacités industrielles critiques, sur la maritimisation, chers Jeanny Lorgeoux et André Trillard, sur le format des armées ou encore sur la cyberdéfense. Autant le dire, nous nous sommes préparés à ce débat !
Fondée sur les conclusions du nouveau Livre blanc, cette douzième loi de programmation militaire porte deux ambitions : adapter notre outil de défense aux évolutions du contexte stratégique et préserver notre effort de défense afin de maintenir notre autonomie d’action.
Malgré un contexte économique et budgétaire très difficile, le Président de la République, dont je veux saluer l’arbitrage, a décidé de sanctuariser les moyens financiers dont disposera la défense nationale.
À cet égard, mes chers collègues, les chiffres sont clairs : le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 maintient les ressources du ministère de la défense à leur niveau actuel jusqu’en 2016, soit 31, 4 milliards d’euros par an, et prévoit qu’elles augmenteront ensuite pour atteindre 32, 5 milliards d’euros en 2019 ; au total, donc, elles se monteront à 190 milliards d’euros sur l’ensemble de la période.
Ainsi, le projet de loi de programmation militaire maintient les ambitions de défense de la France, tout en tenant compte de l’objectif de redressement des finances publiques, dont la dégradation est elle-même devenue un enjeu de souveraineté : mes chers collègues, j’attire amicalement votre attention sur le fait que, si la défense est aujourd’hui le troisième poste de dépenses de l’État, elle vient après l’éducation et après la charge de la dette, qui est le premier budget de la Nation !
Dans un contexte où l’ensemble des démocraties occidentales, en Europe mais aussi outre-Atlantique, procèdent à des coupes drastiques dans leur budget de défense, la décision de préserver notre effort mérite, à mes yeux, d’être saluée et soutenue.
Grâce à cette loi de programmation militaire, la France sera en effet l’un des rares pays européens dans la situation de pouvoir protéger, de manière autonome, son territoire et sa population, au moyen d’une dissuasion maintenue dans ses deux composantes, et d’intervenir militairement hors de son territoire pour préserver ses intérêts, protéger ses ressortissants et tenir son rang sur la scène internationale.
Afin de dégager les marges de manœuvre nécessaires à la poursuite de ces ambitions, le projet de loi de programmation militaire prolonge, mais de façon plus modérée, la réduction du format de nos armées prévue par la précédente loi de programmation militaire.
Moins nombreuses mais mieux armées, nos forces vont bénéficier de l’arrivée d’équipements nouveaux, qui accroîtront leur efficacité opérationnelle, n’est-ce pas, monsieur le ministre. Je pense en particulier aux drones MALE, aux avions de transport tactique A400M et aux ravitailleurs en vol MRTT, dont l’absence s’est fait sentir lors des derniers engagements de nos forces, tant en Libye qu’au Mali.
Plus généralement, le projet de loi de programmation militaire prévoit la poursuite de tous les programmes d’équipements, sans compter, comme M. le ministre l’a réaffirmé il y a quelques instants, le lancement d’une vingtaine de programmes nouveaux.
Entre autres équipements, nos forces armées recevront le premier sous-marin d’attaque nucléaire de la classe Barracuda et six frégates de premier rang FREMM. En outre, la livraison des avions de combat Rafale sera poursuivie, de même que la modernisation des moyens de transport et de combat terrestres grâce au lancement du programme Scorpion.
En définitive, les efforts budgétaires prévus et les orientations tracées, en particulier la priorité donnée aux équipements, au renseignement et à la cyberdéfense, permettront à la France de disposer d’un outil de défense moderne et adapté.
Le projet de loi de programmation militaire comporte aussi un important volet normatif, touchant notamment au renseignement et au traitement pénal des affaires militaires.
Comme l’ont montré certaines affaires récentes, une forte demande se manifeste dans l’opinion publique pour un contrôle démocratique plus poussé des services de renseignement ; à mes yeux, il est important d’y répondre. N’a-t-on pas vu, lors des affaires en question, le précédent Président de la République fragilisé par l’absence d’un tel contrôle parlementaire, qui constitue une garantie donnée au peuple de meilleure utilisation de ces services ?
Mes chers collègues, j’ai la conviction que le présent projet de loi de programmation militaire nous permettra de franchir une nouvelle étape dans le contrôle parlementaire sur les services de renseignement, sans voyeurisme ni chicanerie, tout en prévenant le risque d’une judiciarisation ou d’une médiatisation excessive, tant en ce qui concerne les agents des services que les militaires dans leur ensemble. En effet, à notre sens, le métier des armes n’est pas un métier comme les autres.
La trajectoire financière de la loi de programmation militaire préserve donc l’essentiel. Notre industrie de défense, à laquelle vous savez, monsieur le ministre, que nous sommes très attachés, sera sauvegardée, et la recherche en matière de défense bénéficiera de la sanctuarisation de ses crédits à un niveau élevé, voire de leur accroissement.
La programmation qui nous est soumise est d’une grande cohérence, mais, pour cette raison même, elle est relativement fragile : tout se tient, de sorte que l’absence de l’un des éléments de l’équilibre peut mettre en péril l’ensemble…
Pour ma part, je distingue principalement trois défis qui réclament une grande vigilance.
S’agissant, en premier lieu, des conditions d’entrée dans la programmation militaire, je constate que le projet de loi de finances pour 2014, que notre assemblée va examiner prochainement et qui correspond au premier jalon dans la période 2014-2019, est conforme, à l’euro près. L’engagement de maintenir le budget de la défense, porté par le Président de la République, chef des armées, et par le ministre de la défense, est par conséquent respecté.
Toutefois, monsieur le ministre, j’ai certaines inquiétudes en ce qui concerne la fin de gestion de l’année 2013 : elles portent sur les surcoûts liés aux OPEX, qui représentent 1, 2 milliard d’euros, dont plus de la moitié résulte de l’opération Serval, au Mali ; elles portent aussi sur la levée des crédits mis en réserve, pour un montant de 1, 54 milliard d’euros, et, enfin, sur le coût lié aux dysfonctionnements du système LOUVOIS, pour « Logiciel unique à vocation interarmées de la solde », évalué à 100 millions d’euros.
Il faut absolument éviter, dès l’entrée dans la période de programmation, un report de charges qui pourrait atteindre, au total, 3 milliards d’euros – n’est-ce pas, monsieur Gautier ?
En effet, un tel report pèserait lourdement sur le budget de la défense.
Il est donc impératif d’obtenir du ministère du budget la levée intégrale de la réserve, ainsi qu’un abondement de crédits sur un financement interministériel, pour couvrir la totalité du surcoût des OPEX.
Du reste, c’est en ayant à l’esprit ce risque de report de charges, mais aussi d’autres facteurs d’incertitude, comme la réalisation des contrats d’exportation du Rafale, que nous présenterons des amendements visant à prendre en compte ces éléments lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire, qui doit intervenir avant la fin de l’année 2015 – monsieur le ministre, nous vous remercions pour cela.
Le deuxième défi que je désire signaler concerne les recettes exceptionnelles provenant notamment de la vente de fréquences et de cessions immobilières.
À ce propos, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier sincèrement, ainsi que tout le Gouvernement, pour votre effort visant à sanctuariser ces recettes et à éviter tout retard et toute impasse. Néanmoins, il faudra s’assurer - l’expérience est un peu notre apanage, monsieur le ministre - que ces recettes seront bien au rendez-vous, au moment et pour le montant prévus.
C’est la raison pour laquelle notre commission a adopté à l’unanimité – j’insiste sur cette précision – un amendement visant à introduire, dans la partie normative du projet de loi de programmation militaire, un principe de compensation intégrale de ces recettes exceptionnelles, en cas de non-réalisation, par d’autres recettes ou par des crédits budgétaires issus d’un financement interministériel.
En ma qualité de président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et parlant au nom de ses collègues, je peux dire que je suis favorable à cette mesure de sécurisation. Du reste, monsieur le ministre, le Gouvernement ne saurait s’y opposer : en effet, si tout le monde est de bonne foi, cette garantie ne sera pas mise en œuvre, parce qu’elle sera inutile.
Seulement, il est souvent arrivé, et sous tous les gouvernements, que ces crédits ne soient pas versés au moment prévu, voire pas versés du tout. Dans ces conditions, monsieur le ministre, si nous espérons que cette précaution ne servira pas, je vous avertis, avec beaucoup de courtoisie, que nous la prendrons quand même, parce que nous y sommes vraiment attachés !
M. Jacques Gautier applaudit.
Enfin, le troisième défi que je veux mettre en évidence a trait à la réussite de la déflation des effectifs et à la maîtrise de la masse salariale, ainsi que des dépenses de fonctionnement et de soutien.
Monsieur le ministre, rassurez-vous : loin de nous l’idée démagogique de réclamer un abandon des baisses d’effectifs et une augmentation de la masse salariale.
Reste que, comme nos collègues André Dulait et Gilbert Roger l’ont souligné dès l’an dernier dans leur rapport sur les bases de défense, et comme nous avons pu le constater la semaine dernière encore, lors d’une visite sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, l’empilement des réformes, la diminution des effectifs et la baisse des crédits de fonctionnement, auxquels s’ajoutent certains dysfonctionnements du système LOUVOIS, ont mis nos bases sous tension ; vous savez, monsieur le ministre, que cette situation pèse sur le moral de nos militaires.
Vous avez lancé une réforme de l’organisation et de la gouvernance du ministère de la défense, ainsi qu’une réflexion sur une restructuration des implantations sur notre territoire. Nous vous soutenons, car de telles réformes sont indispensables à la maîtrise des coûts de fonctionnement ; mais, comme vous l’avez excellemment signalé il y a quelques instants, il faudra veiller à l’accompagnement économique et social des restructurations pour nos territoires, et à l’évolution de la condition militaire.
Compte tenu de ces défis, la bonne exécution de la loi de programmation militaire sera déterminante. C’est la raison pour laquelle notre commission a introduit dans le texte du projet de loi un ensemble de dispositions visant à renforcer le contrôle du Parlement sur cette exécution.
Monsieur le ministre, n’y voyez là en aucune façon la marque d’une absence de confiance : il s’agit au contraire pour nous de vous appuyer forts d’une certitude, pour mieux être à vos côtés, pour vous aider et pour que l’exécution de la loi de programmation militaire soit absolument préservée. À cet égard, vous pouvez compter sur nous pour exercer un suivi particulièrement vigilant, exigeant et permanent tout au long de l’exécution de la loi de programmation.
Certes, la trajectoire financière prévue est, dans le contexte actuel, la moins mauvaise possible ; elle ne répond cependant pas à toutes nos espérances.
J’aime vraiment les mathématiques, et il m’est même arrivé d’essayer de les faire comprendre. Or je vous rappelle que, lors des ultimes arbitrages budgétaires sur la trajectoire financière, le Sénat s’est prononcé, à une large majorité des différents groupes politiques, pour le maintien du budget de la défense à un seuil minimal de 1, 5 % du PIB.
Sans doute, la trajectoire financière de la programmation prévoit la sanctuarisation du budget de la défense ; mais, compte tenu de l’inflation, ce budget va diminuer en valeur. Si nous ne portons pas remède à cette évolution au cours des prochaines années, il se pourrait qu’il n’atteigne plus le seuil de 1, 5 % du PIB, ce que nous n’admettons pas facilement.
M. Gérard Larcher acquiesce.
Aussi, monsieur le ministre, vous comprendrez aisément que notre commission ait souhaité introduire dans le corps du projet de loi une clause de revoyure et une clause de retour à meilleure fortune, afin de s’assurer que, si la situation économique et par conséquent celle des finances publiques devaient le permettre, l’effort de la Nation en faveur de sa défense serait redressé pour tendre progressivement vers l’objectif de 2 % du PIB ; nous y tenons particulièrement.
Non, la défense n’est pas un poste budgétaire comme un autre, car c’est de notre défense que dépendent la sécurité des Français, la préservation de nos industries et de nos emplois, bref, notre prospérité et une part significative de l’avenir de nos enfants.
Comme l’a illustré le succès de l’intervention au Mali, notre pays dispose d’équipements de très grande qualité, mais surtout de militaires qui ont fait la preuve de leur professionnalisme, de leur dévouement et de leur efficacité.
Il me semble donc que, au-delà des clivages politiques, que je respecte et qui ont leur raison d’être en démocratie, le Sénat pourrait se rassembler pour approuver le projet de loi de programmation militaire. Il témoignerait ainsi de l’attachement des élus de la Nation à notre défense et aux hommes et aux femmes qui servent notre pays, parfois jusqu’au sacrifice suprême !
Applaudissements.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
Je me dois de vous dire, monsieur le ministre, que, la majorité sénatoriale s’étant retrouvée minoritaire en commission, la commission des finances a émis un avis défavorable sur le texte. Elle a, toutefois, adopté à l’unanimité trois amendements, que je vous présenterai ultérieurement en son nom.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, j’ai été conduit non pas à analyser dans le détail le modèle d’armée retenu, mais plutôt à examiner les conditions de l’équilibre financier de la programmation que tend à définir le projet de loi.
Ainsi, mes travaux ont porté sur la programmation des ressources, des dépenses et des effectifs, dans la partie normative de la loi comme dans le rapport annexé, ainsi que sur les dispositifs d’accompagnement de la réduction des effectifs.
Il faut noter que la programmation ne lie ni le Gouvernement ni le législateur, à qui il revient de fixer chaque année, dans la loi de finances, les crédits de la mission « Défense ». La portée politique de cet exercice est, cependant, considérable. Elle est, en effet, l’occasion de « déterminer les objectifs de l’action de l’État » en matière de défense, pour reprendre les termes de l’article 34 de la Constitution. Durant la période couverte par la programmation, chaque loi de finances et chaque loi de règlement se réfèrent et se comparent à la loi de programmation. L’examen annuel de ces textes est, à chaque fois, l’occasion d’interroger le Gouvernement sur les écarts constatés.
Pour en venir au fond du sujet, le projet de loi relatif à la programmation militaire vise trois objectifs : assurer la sécurité nationale et tenir le rang de la France sur le plan international ; maintenir et développer la capacité industrielle de la France en matière de défense et contribuer au rétablissement des comptes publics.
Il est clair que chacun de ces objectifs est ambitieux ; pris ensemble, ceux-ci constituent un défi difficile à relever. Pourtant, c’est bien ce que prévoit le présent projet de loi.
Concernant, tout d’abord, le redressement des finances publiques, les crédits budgétaires sont effectivement en baisse sur le début de la période considérée. La mission « Défense » bénéficiera ainsi en 2014 de 500 millions d’euros de crédits budgétaires de moins par rapport à 2013. Ces crédits seront maintenus au même niveau en 2015, avant de remonter progressivement jusqu’à la fin de la programmation, pour s’établir à 32, 36 milliards d’euros en 2019, contre 30, 1 milliards en 2013.
Il s’agit donc d’une stabilisation en valeur en début de période, puis d’une stabilisation en volume en fin de période. L’objectif de contribution au redressement des finances publiques est donc tenu.
Pour autant, la mission « Défense » se voit doter des moyens nécessaires pour réaliser les deux autres objectifs.
En effet, les crédits budgétaires sont complétés par des recettes exceptionnelles, qui permettent de stabiliser les ressources totales de la mission. Ainsi, la baisse de 500 millions d’euros de crédits budgétaires en 2014 est compensée par des recettes exceptionnelles supplémentaires à hauteur de 500 millions par rapport à 2013, soit, au total, 1, 77 milliard d’euros.
Ce montant est maintenu en 2015 et diminue en 2016, pour s’établir à 1, 25 milliard d’euros, en parallèle avec la hausse des crédits budgétaires.
Les ressources totales de la mission « Défense » sont ainsi stabilisées sur les trois premières années de la programmation, conformément à l’engagement du Président de la République.
Les recettes exceptionnelles continuent de baisser sur la seconde moitié de la période, jusqu’à ne plus représenter que 154 millions d’euros en 2019. Cette baisse s’effectue à un rythme moindre que la hausse des crédits budgétaires, ce qui conduit à une hausse progressive et modérée des ressources totales de la mission « Défense ».
Ce recours transitoire aux recettes exceptionnelles permet à la mission « Défense » de contribuer à la baisse des dépenses budgétaires de l’État tout en allouant les crédits nécessaires aux investissements, à la recherche et à l’innovation.
La programmation 2014-2019 privilégie, en effet, les dépenses d’équipement, qu’elles soient d’acquisition ou de développement. Ces dépenses connaissent une progression constante entre 2014 et 2019. Elles représentent, en 2013, 51 % du total des dépenses hors pensions, contre 56 % en 2019.
Eu égard au contexte budgétaire, tout cela est évidemment positif. Toutefois, il faut que la trajectoire tracée soit soutenable dans les faits.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, le 10 septembre 2013, aux Universités d’été de la Défense, à Pau : « L’enjeu, c’est la sincérité de cette programmation. »
On sait que la précédente programmation des crédits n’a pas été respectée. Pour ma part, je veux souligner que la trajectoire tracée par le présent projet de loi me semble suffisamment réaliste pour pouvoir être respectée. Mais cela suppose que plusieurs conditions soient remplies.
Monsieur le ministre, vous l’avez vous-même souligné devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : « Cette loi de programmation est cohérente et équilibrée, et n’a de sens que si elle est réalisée totalement : enlevez une pierre de l’édifice et vous le ferez s’écrouler. » Tel est également mon sentiment. Il faut ainsi tout à la fois que le ministère de la défense poursuive ses économies, que les ressources soient sécurisées et que les aléas pesant sur les dépenses soient maîtrisés.
S’agissant des économies, la principale d’entre elles concerne les dépenses de personnel. Cette question a particulièrement occupé la commission des finances, qui a récemment reçu les résultats d’une enquête demandée à la Cour des comptes sur la rémunération des militaires.
La loi de programmation militaire pour les années 2009-2014 tablait sur d’importantes économies en dépenses de personnel pour assurer son équilibre. Les crédits inscrits en titre 2 se sont révélés systématiquement insuffisants, ce qui a nécessité un abondement, au travers de la loi de finances rectificative, de 213 millions d’euros en 2010, 158 millions d’euros en 2011 et 474 millions d’euros en 2012, au détriment des dépenses d’équipement.
On observe que cette précédente loi de programmation prévoyait des réductions d’effectifs, mais n’encadrait pas la masse salariale. On a effectivement constaté une baisse importante des effectifs, mais, dans le même temps – cela ne manque pas de surprendre ! –, une hausse significative de la masse salariale.
Pour éviter que cela ne se reproduise, la commission des finances a estimé qu’il fallait prévoir dans le présent projet de loi, comme le recommande d’ailleurs la Cour des comptes, un encadrement de la masse salariale du ministère.
Il est vrai, monsieur le ministre, que vous avez déjà pris des mesures, notamment le contingentement des grades et la réorganisation de la fonction « Ressources humaines », pour plus d’efficacité et une responsabilisation accrue.
La commission des finances vous propose d’accompagner ce mouvement, en définissant, dans le rapport annexé à ce projet de loi de programmation, une trajectoire baissière de la masse salariale. Les objectifs fixés sont compatibles avec les dépenses et les ressources par ailleurs programmées dans le projet de loi.
Cela est d’autant plus nécessaire que le ministère est en auto-assurance pour ce qui concerne sa masse salariale. Tout dépassement doit être compensé par un redéploiement des crédits de la mission, et ce, forcément, au détriment de l’équipement.
S’agissant des recettes exceptionnelles, celles-ci sont constituées du produit de cession d’emprises immobilières utilisées par le ministère de la défense, évalué au moins à 660 millions d’euros sur la période 2014-2016 ; des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées dans la précédente loi de programmation, pour 220 millions d’euros environ ; du programme d’investissements d’avenir, ou PIA, au bénéfice de l’excellence technologique de l’industrie de défense, pour 1, 5 milliard d’euros en 2014 ; du produit de cession de la bande de fréquences des 700 MHz, qui n’est pas chiffré dans le texte mais dont on peut s’attendre à ce qu’il s’élève à plus de 3 milliards d’euros et, « le cas échéant », aux termes du projet de loi, du produit de cession de participations publiques.
Certains pointent le fait que ces recettes sont, par nature, aléatoires quant à leur calendrier et à leur montant. Elles le sont en fait, mais de manière inégale.
Les cessions immobilières, dont certaines sont en cours de réalisation, sont une source de financement sûre, l’essentiel des recettes prévues provenant de la vente d’emprises parisiennes très favorablement situées. Concernant le programme d’investissements d’avenir, le produit de 1, 5 milliard d’euros est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2014, ce qui ne pose donc pas de problème. Pour ce qui concerne les cessions de fréquences, les résultats de la précédente mise aux enchères et la hausse continue des besoins en bande passante incitent à l’optimisme quant au montant, avec, néanmoins, quelques doutes sur le réalisme du calendrier retenu pour l’encaissement de ces recettes.
En outre, le présent projet de loi prévoit une clause de sauvegarde : si ces recettes ne permettent pas de dégager les ressources nécessaires, elles seront complétées par d’autres recettes exceptionnelles, par exemple, des cessions de participations publiques.
Je tiens, pour ma part, à souligner que les cessions des emprises militaires nécessitent, pour atteindre leur plein rendement dans le calendrier prévu, la reconduction des procédures adaptées aujourd’hui en vigueur. Le présent projet de loi prolonge un certain nombre d’entre elles ; d’autres doivent faire l’objet de mesures dans le projet de loi de finances.
La commission des finances vous propose, quant à elle, de prolonger la possibilité pour le ministère de la défense de céder à l’amiable, sans mise en concurrence, ses emprises militaires reconnues inutiles, notamment aux collectivités locales particulièrement touchées par une restructuration.
Cette dérogation est le fondement qui permet l’intervention de la MRAI, la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers, dont j’ai eu l’occasion d’apprécier l’efficacité dans la conduite, avec les élus, des projets de cession et de reconversion.
S’agissant des dépenses, l’aléa est fort. Les opérations extérieures, les OPEX, peuvent entraîner des coûts imprévus pour des montants importants. Le présent projet de loi confirme le principe d’un financement interministériel du dépassement lié aux OPEX.
La hausse du prix des carburants peut aussi entraîner un important dépassement : une augmentation d’un euro du baril de pétrole provoque un surcoût annuel de plus de 6 millions d’euros pour la mission « Défense »… Le présent projet de loi prévoit qu’une hausse importante et durable du prix des carburants justifiera un abondement de la mission « Défense ».
Enfin, l’aléa existe aussi pour les commandes d’armement, notamment du Rafale. Il faut onze livraisons par an pour maintenir une cadence de production viable industriellement. Le projet de loi prévoit que la France recevra onze avions en 2014, onze en 2015, seulement quatre en 2016, puis rien jusqu’en 2019. Les livraisons manquantes seront compensées par les exportations. Or les espoirs d’exportation du Rafale ont déjà été déçus, même si les perspectives semblent aujourd'hui beaucoup plus assurées. L’aléa pour la mission « Défense », difficile à chiffrer, porte potentiellement sur près de 4 milliards d’euros.
Autrement dit, si les exportations n’ont pas lieu ou si elles prennent du retard, c’est l’équilibre même de la programmation 2014-2019 qui est remis en cause. Pourtant, le ministère de la défense n’a que peu de maîtrise sur cet aléa. Si les exportations de Rafale ne permettent pas à la France de diminuer ses propres commandes, il semble nécessaire de trouver de nouvelles ressources pour la mission « Défense », plutôt que de ponctionner les autres programmes d’armement, que l’on a déjà réduits au minimum vital. §Aussi, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’inscrire ce principe dans le rapport annexé.
Ce projet de loi offre une certaine cohérence : si le ministère de la défense maîtrise les éventuelles sources de dérapage, il se trouve en auto-assurance. C’est le cas des dépenses de personnel hors OPEX ou des dépenses de fonctionnement hors carburants. En revanche, dès lors qu’il y a un véritable aléa, qui n’est pas maîtrisable par le ministère, une clause de sauvegarde prévoit la mise en œuvre de ressources complémentaires, exceptionnelles ou interministérielles.
Ces clauses se justifient par l’extrême tension dans laquelle est désormais placé le budget de la défense et par les enjeux de sécurité, qui ne nous autorisent pas à baisser la garde pour des questions budgétaires, dès lors que tous les efforts nécessaires ont été accomplis par le ministère de la défense.
C’est cette même cohérence que respectent les amendements adoptés par la commission des finances : il s’agit de responsabiliser le ministère de la défense, en l’incitant à enfin maîtriser sa masse salariale ; de lui donner les moyens juridiques de réaliser les cessions nécessaires pour assurer son financement, et enfin de sanctuariser, conformément à l’engagement du Président de la République, les ressources de la mission « Défense » face à d’importants aléas.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UMP et de l'UDI-UC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de rendre compte ici des travaux de la commission des lois du Sénat. Je me permettrai de m’exprimer aussi en ma qualité de président, pour cette année, de la délégation parlementaire au renseignement, instance dont vous avez parlé, monsieur le ministre, qui réunit, vous le savez, mes chers collègues, quatre sénateurs et quatre députés, dont quatre membres de droit, les présidents des commissions des affaires étrangères – je me tourne vers Jean-Louis Carrère –, et des commissions des lois. La délégation rassemble des parlementaires représentant à la fois la majorité et l’opposition.
Le renseignement, dont je vais essentiellement parler, est un sujet difficile. Je tiens à saluer le travail que nous avons pu accomplir pour préparer ce débat, dans le cadre d’un dialogue avec plusieurs ministères, dont le vôtre, monsieur le ministre, ainsi qu’en lien étroit avec la commission des affaires étrangères et son président, Jean-Louis Carrère.
Je tiens à le dire d’emblée, deux préoccupations, ou plutôt deux objectifs nous rassemblent. D’abord, la Constitution prévoit qu’il revient au Parlement de contrôler le pouvoir exécutif ; nous devons assumer cette tâche. Ensuite, dans le cas particulier du renseignement, des dispositions spécifiques doivent bien évidemment être prises. Ainsi, nos travaux au sein de la délégation parlementaire au renseignement sont soumis au secret-défense, que nous respectons scrupuleusement.
Pour être en contact avec l’ensemble des responsables des services de renseignements français, nous pouvons d’emblée, monsieur le ministre, rendre hommage, comme vous l’avez fait, à l’ensemble des personnels, militaires et civils, travaillant dans ces services, qui donnent beaucoup d’eux-mêmes et accomplissent des missions très difficiles au service de la République, en particulier dans la nécessaire lutte contre le terrorisme, une lutte dont vous avez dit combien elle était exigeante, monsieur le ministre.
La commission des lois a apprécié les avancées prévues par le projet de loi pour accroître les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Elle a toutefois souhaité des avancées supplémentaires, qui nous sont apparues justifiées.
Premièrement, la commission des lois demande la transmission aux membres de la délégation parlementaire au renseignement de la stratégie nationale du renseignement.
Deuxièmement, nous considérons que la délégation parlementaire au renseignement doit pouvoir prendre connaissance du PNOR, le Plan national d’orientation du renseignement, document très important, dans le respect, évidemment, du secret-défense, compte tenu de toutes les implications de ce document.
Troisièmement, outre les documents strictement indiqués dans la loi, la délégation doit, pour nous, pouvoir être destinataire de tout document et de toute information utile à sa mission. Par conséquent, ses capacités d’information ne doivent pas a priori être restreintes.
Quatrièmement, en raison de la définition même, dans la loi, de ses prérogatives, la délégation parlementaire au renseignement ne peut pas traiter des affaires en cours. Chacun comprend que, lorsque nos services de renseignement sont engagés sur le terrain dans des actions extrêmement difficiles, il ne serait pas judicieux que nous exercions instantanément une mission de contrôle. En revanche, nous pouvons évoquer toutes les opérations achevées et nous souhaitons que cela soit clairement indiqué dans la loi.
Ainsi, notre commission estime que la seule limitation au dialogue et aux demandes d’information que nous pouvons présenter devant les directeurs des services doit être la notion d’« opération en cours ». Je précise qu’une telle disposition serait strictement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme nous l’avons souligné dans le rapport.
Cinquièmement, nous estimons que la loi doit préciser que, outre les directeurs des cinq services de renseignement que vous avez cités, monsieur le ministre, et du coordonnateur au renseignement, nous devons pouvoir auditionner des agents des services, mais seulement avec l’accord préalable de leur directeur.
Toutefois, à la suite d’une précision proposée par la commission des affaires étrangères, que j’ai cru pouvoir retenir, dans la mesure où elle correspond à l’esprit dans lequel la commission des lois a travaillé, j’ai rectifié l’amendement que nous avions déposé, de manière à ce que ces auditions se déroulent en présence des directeurs des services, conformément à ce qui a cours d’ores et déjà, puisque les directeurs que nous recevons sont parfois accompagnés de cadres de leurs services disposant des compétences nécessaires dans des domaines très techniques ou très spécialisés.
Sixièmement, nous souhaiterions pouvoir recevoir, sans qu’il soit besoin de disposer d’une autorisation du ministre, outre les directeurs des cinq services de renseignement et le coordonnateur au renseignement, les directeurs des administrations centrales concernées par le renseignement. Je pense aux directions de la police et de la gendarmerie nationales, à la direction du renseignement de la préfecture de police, ainsi qu’à la directrice de l’Académie du renseignement, mais cette possibilité figure déjà dans le projet de loi.
Nous souhaiterions enfin, septièmement, pouvoir disposer des rapports d’inspection, puisque vous avez bien voulu rappeler, monsieur le ministre, qu’il y aurait désormais une inspection de ces services.
Toutefois, sur ce point également, au terme d’un dialogue constructif avec la commission des affaires étrangères, il nous a semblé souhaitable de préciser qu’une telle mesure devait être mise en place dans le respect de l’anonymisation des personnels, à laquelle la délégation parlementaire au renseignement est très attentive. Nous savons très bien que, pour les personnels qui travaillent dans ces services, le respect de l’anonymat constitue un impératif catégorique. Il s’agit de leur sécurité, de la sécurité de leurs collègues et de la fiabilité avec laquelle ils peuvent mener les missions qui leur sont assignées, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
De même, nous souhaitons avoir connaissance des rapports de la Cour des comptes, ce qui, me semble-t-il, ne devrait pas poser de problèmes majeurs.
J’en arrive à un deuxième point, que vous avez évoqué également, monsieur le ministre, à savoir la question de la coopération entre la délégation parlementaire au renseignement et la commission de vérification des fonds spéciaux.
Il est théoriquement prévu que des magistrats de la Cour des comptes siègent au sein de cette commission. Or il se trouve que, pour des raisons que je ne m’explique pas, aucun magistrat de la Cour n’y a jamais siégé. Il s’agit donc, de fait, d’une commission parlementaire.
Le projet de loi prévoit qu’une sous-formation de la délégation parlementaire au renseignement, qui serait composée non pas des huit membres que nous connaissons – je salue Michel Boutant, également membre de la délégation –, mais de quatre membres, désignés ès qualités, siège au sein de la commission de vérification des fonds spéciaux.
Ce dispositif nous paraît poser quelques problèmes. En effet, la conséquence serait, si j’ai bien compris, que les quatre membres de la commission de vérification des fonds spéciaux qui seront également membres de la délégation parlementaire au renseignement ne pourraient pas évoquer auprès des quatre autres membres de la délégation les travaux effectués au sein de ladite commission ni d’ailleurs les conclusions auxquelles ils auraient abouti.
L’intention est positive, dans la mesure où l’importante question du financement est indissociable de la compréhension des missions. Une telle disposition revêt cependant un caractère bizarre, sinon paradoxal : les quatre membres désignés ne pourraient pas parler à leurs quatre autres collègues de leur travail au sein de la commission de vérification des fonds spéciaux ?
Par conséquent, la commission des lois vous propose simplement, mes chers collègues, de fusionner ces deux instances.
Il nous semble qu’il y aurait là quelque chose de plus simple, plus logique et plus cohérent, dans la mesure où ces huit parlementaires, ainsi que les fonctionnaires parlementaires concernés, sont soumis au secret-défense et le respectent scrupuleusement.
J’en arrive maintenant, c’est mon troisième point, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la question des fichiers, extrêmement difficile et sensible, vous le savez tous.
S’agissant en particulier du fichier PNR, je tiens d’abord à souligner qu’il s’agit d’un très grand fichier, à caractère européen, qui comprendrait des données très nombreuses concernant l’ensemble des déplacements de personnes, quelles qu’elles soient, arrivant en Europe ou partant de l’Europe.
Le fichier prévoit un très grand nombre de données provenant notamment des agences de voyages et des organismes d’aviation et de transport.
Sur ce sujet, je souhaite formuler quelques remarques. Tout d’abord, il s’agit, à ce stade, de mettre en œuvre ce qui n’est encore qu’un projet de directive, la directive européenne n’ayant pas encore été adoptée. Ensuite, la commission LIBE du Parlement européen a émis des critiques sur l’avant-projet. Enfin, le contrôleur européen de la protection des données a fait de même, ainsi que le groupe des CNIL européennes.
L’ensemble de ces éléments a guidé notre réflexion. Dans ce domaine, il s’agit également de trouver le bon équilibre, mes chers collègues, ce qui est loin d’être facile.
Nous comprenons tout à fait - je m’adresse non seulement à vous, monsieur le ministre de la défense, mais aussi à M. le ministre de l’intérieur, qui nous entendra ou nous lira - que la lutte contre le terrorisme nécessite des dispositifs spécifiques et efficaces.
Par ailleurs, je le rappelle, la commission des lois est particulièrement attachée au respect de la vie privée, des données personnelles, des libertés publiques. Il nous faut donc trouver un point d’équilibre.
À cet égard, la commission des lois formulera plusieurs propositions. J’en citerai trois.
La première permettra de préciser les choses. Là encore, je dois dire que, grâce à la réunion assez longue que nous avons eue avec la commission des affaires étrangères, nous avons pu trouver une rédaction qui, je le pense, fera avancer le débat. Il s’agit de bien définir non seulement la composition mais aussi les prérogatives de l’unité de gestion du traitement automatisé dont la mise en place paraît nécessaire, ce qui, d’ailleurs, ne me semble pas remis en cause.
Il nous paraît en effet impossible d’envisager une jonction directe entre les services demandeurs de l’information et la grande pluralité des agences de voyages et des organismes d’aviation.
La création d’une telle unité chargée de la gestion du traitement automatisé de l’information nous paraît donc souhaitable. Elle délivrerait ses données aux services demandeurs dans des conditions précisément définies.
Deuxièmement, nous sommes très préoccupés par la puissance énorme des dispositifs techniques existant aujourd’hui. Il est possible d’accéder, en temps réel, à des milliards d’informations et de les croiser selon de très nombreux critères, de manière à prévenir un certain nombre de risques. Compte tenu des effets que peuvent avoir ces procédés pour ce qui est du respect des données personnelles, nous estimons que le profilage et le ciblage doivent donner lieu dans un premier temps, avant 2017, à une expertise toute particulière, reposant sur des moyens humains.
Je soulèverai enfin une question très sensible : le fichier PNR ne concernera-t-il que les vols entre les États de l’Union européenne et les pays tiers ? À cet égard, la commission des lois ne peut que reprendre les résolutions votées par le Sénat sur l’initiative de nos collègues Yves Détraigne et Simon Sutour.
J’en viens à mon quatrième point, la géolocalisation, sujet également sensible puisqu’il recouvre les données de connexion, en particulier les « fadettes ».
Sur cette question, la commission des lois a eu un dialogue utile avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi qu’avec le ministère de la défense, les services du Premier ministre et le ministère de l’intérieur. Nous sommes d’avis qu’il est nécessaire d’inscrire l’ensemble des dispositions concernant la géolocalisation dans la loi du 10 juillet 1991 relative aux interceptions de sécurité.
Personne n’ignore ici que la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a créé un dispositif temporaire en matière de recueil des données de connexion, dispositif prorogé en 2009 puis en décembre 2012 et qui restera en vigueur jusqu’en 2015. Le Gouvernement ayant abordé ce sujet dans le présent projet de loi de programmation, il nous semble qu’il faut profiter de cette occasion pour revenir au dispositif de la loi de 1991, avec autorisation du Premier ministre, accordée selon des modalités auxquelles nous avons particulièrement réfléchi sur demandes écrites et motivées des ministres concernés, et rétablir la CNCIS dans ses prérogatives. Dans cet esprit, nous proposerons une rédaction très précise, permettant aux services concernés d’accéder aux informations nécessaires, dans le cadre strict de la loi de 1991, qui peut d’ailleurs être amélioré, en termes de respect des libertés, des données personnelles et de la vie privée.
Je conclurai en évoquant les questions relatives à la justice.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit vouloir éviter une judiciarisation excessive ou inopportune des affaires liées aux opérations militaires. Après un long débat, la commission des lois du Sénat a choisi de vous suivre s’agissant du monopole du parquet pour engager l’action publique sur des faits de guerre ou liés aux opérations militaires à l’étranger. Nous avons approuvé l’ensemble des articles ayant trait à ces questions, à l’exception de l’article 17, relatif à la présomption simple en cas de mort violente d’un militaire lors d’une action de combat, à l’occasion d’une opération militaire à l’étranger. En effet, notre commission estime que cette présomption simple n’a guère de fondement juridique : en pratique, elle n’a pas d’effet autre que symbolique. En outre, nous avons été particulièrement sensibles au fait que le Conseil supérieur de la fonction militaire a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’instaurer cette présomption simple.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis favorable sur l’ensemble des articles dont elle était saisie, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle présentera. Nous avons mené un travail approfondi, guidés par le souci du respect du droit et des libertés. Nous tenons à témoigner notre reconnaissance aux personnels militaires et civils qui assurent des missions difficiles et dangereuses, au service de notre République et de ses valeurs.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Madame la présidente, pour la clarté de nos débats, la commission demande la réserve de l’examen de l’article 2 et du rapport annexé, jusqu’après l’article 37, dernier article du projet de loi.
Nous avons procédé de la sorte pour l’examen du texte en commission ; cela nous permettra de focaliser d’entrée de jeu nos débats sur les articles de programmation, ce qui nous semble de bonne méthode.
Par ailleurs, je rappelle à nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que, afin de se prononcer sur les amendements du Gouvernement, celle-ci se réunira dans quelques instants dans son ancienne salle 216, qui est devenue celle de la commission des lois…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Ce n’est pas la guerre ! Nous coopérons !
Sourires.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la réserve, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission ?
La réserve est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.