La commission examine les amendements sur le texte de la commission n° 248 (2013-2014) sur la proposition de loi n° 35 (2013-2014), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres, dont la rapporteure est Mme Bariza Khiari.
La commission est saisie de quatre amendements.
Article unique
L'amendement n° 1 présenté par M. Legendre et plusieurs de ses collègues, vise à retarder l'application du dispositif proposé par la proposition de loi en prévoyant un délai de six mois entre la promulgation du texte et sa mise en oeuvre effective.
Si l'on ne peut contester que les dispositions prévues (suppression du rabais de 5 % lorsque le livre est commandé en ligne et livré à domicile et interdiction de la gratuité des frais de port) nécessiteront des ajustements techniques pour les plateformes concernées, les adaptations logicielles induites ne sont pas d'une telle ampleur qu'elles rendraient indispensable un délai de six mois avant l'application effective du texte.
En outre, cette proposition de loi est partie prenante d'un dispositif de soutien plus large en faveur des librairies indépendantes, qui comprend également une enveloppe de 11 millions d'euros destinée à aider les commerces en difficulté et un renforcement du contrôle de l'application de la législation relative au prix du livre. Ces mesures entreront en oeuvre au cours du premier semestre de l'année 2014. Il serait donc fâcheux que le volet de cette politique relatif au commerce de livres en ligne ne s'applique qu'à la fin de l'année, ce qui serait le cas si un délai de six mois s'ajoutait au temps de la navette parlementaire. J'ajouterai que les plateformes de vente en ligne ont, de facto, disposé d'un délai supplémentaire afin de tenir compte de la période des fêtes puis de celle des soldes puisque l'examen de ce texte, prévu dans un premier temps début décembre 2013, a été décalé au mois de janvier 2014.
Enfin, les libraires indépendants, en faveur desquels le dispositif a été pensé, n'ont de cesse que s'équilibre, au plus vite, la concurrence sur le marché du livre afin de retrouver les marges financières indispensables à leur modernisation et, partant, à leur maintien dans nos territoires.
En conséquence, il me semblerait donc plus raisonnable de limiter ce délai à trois mois.
Le dépôt de cet amendement laisse la possibilité aux acteurs de s'adapter. Le délai de six mois n'est cependant pas intangible et je me rallie à votre proposition de le limiter à trois mois.
Je vous propose alors de rectifier votre amendement afin d'assurer une meilleure cohérence à l'ensemble du dispositif.
La commission donne un avis favorable à l'amendement n° 1 ainsi rectifié.
Articles additionnels après l'article unique
L'amendement n° 2 présenté par Mme Garriaud-Maylam tend à créer un article additionnel relatif à la vente, à l'étranger, de livres en langue française.
Les lois de 1981 sur le prix du livre imprimé et de 2011 sur le prix du livre numérique étant d'application territoriale, il me semblerait particulièrement curieux qu'elles fassent l'objet d'exceptions en fonction de la nationalité des consommateurs.
Un dispositif dérogatoire, par ailleurs difficile d'application, n'aurait en outre que peu d'impact sur l'activité des plateformes françaises de vente de livres en ligne, pour lesquelles cette clientèle ne représentent qu'une très faible part du chiffre d'affaires.
Je propose, en conséquence, un avis défavorable.
La commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 2.
L'amendement n° 3 est présenté par le Gouvernement. Je vous en rappelle le contexte et le contenu. Le Conseil permanent des écrivains, pour les auteurs, et le Syndicat national de l'édition, au nom des éditeurs, ont conclu, le 21 mars 2013, un accord-cadre relatif au contrat d'édition, afin de l'adapter à l'édition numérique. Il fait suite aux travaux de la commission spécialisée du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et à la médiation confiée par la ministre de la culture et de la communication, au mois de septembre 2012, au professeur Pierre Sirinelli.
Désormais, le contrat d'édition déterminera les conditions de cession des droits et de rémunération des auteurs, ainsi que les obligations d'exploitation des éditeurs, pour les deux modes d'exploitation. Ainsi :
- les contrats d'édition couvriront à la fois l'édition papier et le livre numérique, en conciliant le respect de l'unicité de l'oeuvre et la spécificité des modes d'exploitation. En outre, l'obligation de réédition qui pèse sur l'éditeur est renforcée et adaptée aux spécificités de l'édition numérique. Par ailleurs, l'auteur ou l'éditeur est autorisé à mettre fin au contrat sur la base d'un défaut d'activité économique ;
- pour l'exploitation imprimée, la négociation a permis de définir l'étendue de l'obligation de l'éditeur en matière d'exploitation permanente et de diffusion commerciale des oeuvres. Pour l'auteur, cette précision simplifie la procédure de résiliation du contrat, aujourd'hui coûteuse et incertaine ;
- pour l'exploitation numérique, les obligations de l'éditeur ont été précisées et de nouvelles règles de rémunération plus favorables aux auteurs fixées. Enfin, les parties sont convenues d'un réexamen régulier des modalités de cession des droits d'exploitation numérique afin de les adapter à l'évolution des modèles économiques de diffusion numérique.
Cet accord a été très largement salué par les professionnels du livre. Toutefois, ses dispositions doivent encore être intégrées dans le code de la propriété intellectuelle afin d'assurer leur application effective par l'ensemble des parties. De fait, si certains éditeurs appliquent d'ores et déjà les nouvelles règles, d'autres, au détriment des auteurs, y demeurent réticents.
L'objet du présent amendement est d'en permettre l'application rapide en autorisant le Gouvernement à procéder par ordonnance aux modifications nécessaires du code de la propriété intellectuelle.
Je ne suis pas, par principe, favorable à de telles solutions, qui consistent à priver le Parlement d'une partie de ses prérogatives. Pour autant, mes chers collègues, l'intérêt du dispositif et la multiplication des contentieux entre auteurs et éditeurs en matière d'édition numérique conduisent à reconnaître l'urgence qu'il y a à rendre effective l'application de l'accord-cadre sur le contrat d'édition. Or, l'érosion du calendrier parlementaire du fait des échéances électorales de 2014 comme l'absence de véhicule législatif adéquat dans des délais raisonnables plaident, une fois n'est pas coutume, pour la voie de l'ordonnance.
Aussi, je vous propose de donner un avis favorable à cet amendement.
Je vous précise que j'ai insisté pour que les deux amendements du Gouvernement vous soient présentés ce matin en commission et non au dernier moment, en séance publique.
J'avoue un certain embarras devant cette proposition du Gouvernement. Il s'agit très clairement d'un cavalier fort éloigné du fond de notre débat.
Si nous sommes favorables à l'accord négocié, le recours aux ordonnances ne me paraît pas une bonne pratique parlementaire et, en conséquence, nous ne voterons pas cet amendement.
Les deux amendements gouvernementaux relèvent effectivement d'une amodiation mais il est clairement indiqué qu'un projet de loi de ratification sera déposé dans les 6 mois suivant la publication de l'ordonnance. Il me paraît donc abusif de considérer que le Parlement ne sera pas à même de s'exprimer sur le sujet. Il s'agit, en outre, d'un sujet raisonnablement technique qui relève d'un accord avec les représentants du monde de l'édition et des écrivains. Je ne pense pas qu'il existe un grand préjudice d'agir de la sorte et ne m'oppose pas à l'adoption de cet amendement pour permettre cet ajustement dans des délais rapides.
Il existe un risque de confusion dans notre débat s'agissant de la permission qui pourrait être donnée au Gouvernement d'agir par ordonnance. Par le passé, les gouvernements ont utilisé cette procédure pour lancer de grandes réformes. Je trouve, dans ces circonstances, légitime que le Parlement y soit opposé. Nous sommes tous opposés à cette procédure en tant que parlementaires.
Or, tel n'est pas le cas du présent amendement. De fait, il est fréquent, s'agissant d'accords passés après négociations, d'agir ensuite par voie de décret ou d'ordonnance dans le but d'éviter une période de latence. À défaut, le marché du livre et de l'édition pâtirait de cette insécurité juridique. Il s'agit d'un objectif concret et pragmatique.
La position du groupe UC-UDI sera identique à celle du groupe UMP. Je n'apprécie pas cette méthode, qui donne le sentiment qu'il s'agit d'un habillage. Ce n'est pas convenable à ce moment de la discussion : cet amendement aurait pu être déposé à l'Assemblée nationale.
Je suis partagé sur cette question. La méthode ne me convient pas et nous ne pouvons pas nous y habituer. L'accord entre éditeurs et écrivains est intervenu le 21 mars 2013 et nous avions toute visibilité pour procéder autrement. En outre, le moment est particulièrement mal choisi, à l'heure où le Gouvernement a annoncé qu'il allait avoir largement recours aux ordonnances, ce qui nous posera un certain nombre de problèmes. Mais nous ne souhaitons pas nous opposer à cet accord, aussi nous voterons cet amendement. Mais j'apprécierais que le Gouvernement s'explique sur cette méthode en séance publique.
Je souhaite renforcer la position exprimée par notre collègue Jacques Legendre. Chaque Gouvernement gouverne avec les outils qu'il choisit et que la Constitution lui donne. Le problème n'est pas là. Il s'agit en revanche d'un cavalier sur un texte qui faisait l'objet d'un large consensus. Je ne comprends pas cette urgence et je m'y oppose à titre personnel.
Je partage les réserves qui viennent d'être émises sur la dépossession des prérogatives du Parlement. Néanmoins, cette contrariété est atténuée par les enjeux de cet accord pour les petits éditeurs et les auteurs les plus fragiles. Compte tenu des bénéficiaires qui vont être rehaussés dans leurs droits et dans leurs accès à la propriété intellectuelle, nous approuvons cet amendement même si nous regrettons la méthode.
Je vous rappelle que nous avions organisé, il y a un an, des auditions consacrées à la chaîne du livre et qui nous avaient permis d'entendre toutes les parties intéressées. Vous pouvez vous y référer. Nous étions en quête d'un véhicule législatif, encouragés par de nombreux courriers reçus tant par le ministère que par notre commission. Or, le projet de loi relatif à la création a été retardé à plusieurs reprises. Enfin, lors de la visite effectuée par notre commission au Salon du livre de la jeunesse de Montreuil il y a quelques semaines, nos interlocuteurs nous ont rappelé l'urgence de ratifier cet accord.
Je regrette que ce débat n'ait pas d'abord eu lieu à l'Assemblée nationale.
Mais c'est un avantage pour le Sénat d'avoir introduit ce sujet dans le débat !
La commission donne un avis favorable à l'amendement n° 3.
Intitulé de la proposition de loi
L'amendement n° 4 du Gouvernement est un amendement de coordination. Je vous propose de lui donner un avis favorable.
La commission donne un avis favorable à l'amendement n° 4.
La commission adopte les avis suivants :