La commission entend M. Rémi Pauvros, député, sur son rapport sur la reconfiguration du canal Seine-Nord-Europe.
Permettez-moi d'abord de vous présenter mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année 2014 que nous débutons en accueillant le député Rémi Pauvros. Celui-ci va nous présenter le rapport qu'il vient de remettre au ministre Frédéric Cuvillier sur la reconfiguration du canal Seine-Nord-Europe.
Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission, avec l'Ingénieur général Gilles Leblanc du Commissariat général au développement durable qui m'a accompagné pendant la rédaction du rapport.
Il s'agissait, lorsqu'a débuté ma mission en avril 2013, de reprendre un dossier qui avait suscité de nombreuses réactions, parfois hostiles, avec pour seul objectif de proposer un dispositif qui soit avant tout réalisable.
Je me suis appuyé sur la déclaration d'utilité publique (DUP) et le tracé d'ores et déjà validé, dont l'opérateur Voies Navigables de France (VNF) a été l'artisan. Le foncier correspondant a été réservé, que ce soit en termes d'acquisition, de sondage ou d'enquête préalable. Remettre en cause la DUP telle que je l'ai trouvée aurait très certainement mis un terme à ce projet. Il nous fallait également nous attacher à la question du financement, ainsi qu'à l'examen des motifs pour lesquels un grand nombre d'acteurs ne se mobilisait pas en sa faveur.
C'est pourquoi, il m'a semblé nécessaire de privilégier une approche de cohérence sur le projet afin de susciter un consensus sur sa nécessité économique et d'assurer la mobilisation des financements requis pour sa mise en oeuvre.
Dans mon rapport, vous trouverez ainsi les conclusions d'une enquête spécifique destinée à vérifier l'intérêt économique du projet. Elle montre que celui-ci devrait bénéficier à l'ensemble des acteurs économiques du pays. J'ai, dans ce cadre, organisé des concertations avec les acteurs des communautés portuaires du Havre et de Rouen où le projet suscitait de fortes réticences, l'ouverture d'une autoroute fluviale vers le Nord étant perçue comme une menace pour leur stratégie de développement.
A ce sujet, j'attire votre attention sur un article, paru dans le quotidien les Échos le 24 décembre dernier, consacré au déclin de la suprématie européenne du port de Rotterdam, qui pourrait notamment bénéficier au renforcement de la compétitivité du port du Havre. Encore faut-il que ce dernier puisse s'appuyer sur un hinterland compétitif et en phase avec les objectifs de développement légitimes qui lui sont assignés.
L'ensemble des rapports publiés par le passé sur le développement de ces ports reconnaît comme enjeux majeurs le transport du fret et des containers destinés au transport ferroviaire, tout comme l'utilisation de la Seine et le rapprochement avec le port de Paris. Je salue au passage le travail accompli par HAROPA, structure qui réunit les ports du Havre, de Rouen et de Paris, dont j'ai repris certaines problématiques dans mon rapport.
L'appréhension du projet du canal Seine-Nord-Europe dans sa globalité, au-delà du tracé du canal qui s'étire sur 106 kilomètres, et en accord avec le Ministre qui souhaitait que mon rapport incorporât des problématiques allant du Havre à Rotterdam, a conduit l'Europe à soutenir, à hauteur de 40 %, le financement du projet. Cette décision, officialisée à Tallinn et confirmée depuis lors par la Commission européenne, confère au projet une ampleur nouvelle, en assurant de nouvelles connexions entre les axes fluviaux et maritimes ainsi que des aménagements complémentaires en amont et en aval de la Seine. Cette décision est un élément majeur pour l'évolution du dossier. Elle a même conduit HAROPA à revenir sur son orientation initiale en matière de positionnement dans la concurrence européenne. Mais ce financement européen est fléché et en cas de non-utilisation, il sera redéployé vers d'autres projets dans d'autres pays. Aussi devons-nous honorer le rendez-vous qui nous est fixé par l'Europe et obtenir le financement accordé, dans le cadre du plan de relance négocié par le Président de la République lui-même. L'affichage de la volonté européenne doit ainsi nous conduire à nous organiser pour réaliser, dans les délais impartis, ce projet.
La progressivité est aussi une caractéristique de ce que je propose. L'exemple du Canal Albert, qui relie l'Escaut à Anvers, est emblématique de cette progressivité : bien qu'inauguré en 1939, son aménagement s'avère ininterrompu depuis lors, puisqu'on continue à lever des ponts et à aménager des écluses pour l'adapter à l'évolution du marché. Je propose que ce canal soit aménagé en norme 5B, soit au minimum requis par la concurrence : il devrait permettre l'accès des péniches de 185 mètres de long et de 4 400 tonnes susceptibles d'accueillir de deux à quatre containers. Mais les chargeurs m'ont tout de même indiqué qu'un tel aménagement ne devait pas être entrepris dans l'urgence ni en vertu d'une décision administrative sans fondement réel, mais en phase avec l'évolution du marché et de manière progressive. L'aménagement du canal devra également accorder une place importante au développement durable, par exemple par le recours à l'énergie photovoltaïque.
Le transport fluvial est un gage de sécurité pour l'acheminement des marchandises et leur distribution via des plateformes dédiées. Ainsi, la société Nike à Hasselt, dans les Pays-Bas, vient de doubler les capacités de sa plateforme de distribution, ce qui devrait conduire à créer un millier d'emplois. De telles infrastructures ont l'avantage de fonctionner nuit et jour, sept jours sur sept. Comme quoi, la progressivité de l'aménagement propre au secteur fluvial contribue à l'adaptation constante aux exigences du marché !
S'agissant des plateformes, il importe, là aussi, de demeurer pragmatique : je propose qu'elles relèvent des compétences des conseils régionaux. En effet, le développement économique leur incombe et certaines plateformes sont d'ores et déjà gérées par des conseils régionaux. La désignation de la région comme chef de file ne doit évidemment pas exclure d'autres acteurs publics, comme l'État ou les départements, susceptibles de participer aux décisions d'aménagement des plateformes. Il s'agit là encore de répondre aux exigences du marché : pour preuve, si l'aménagement de trois plateformes en Nord-Pas-de Calais, et notamment à Marquion, s'impose de lui-même, celui-ci implique d'associer étroitement la Picardie à la décision, du fait de sa connaissance du secteur économique qui en serait l'un des principaux utilisateurs. Une conception centralisatrice du développement des plateformes me paraît sinon désuète du moins ignorante de la réalité économique, que seule une vision locale est à même d'appréhender.
Lorsque j'ai demandé aux collectivités locales, qui n'étaient pas associées au financement des plateformes, de participer à celui du projet lui-même, celles-ci ont fait preuve d'une implication remarquable ; elles devraient participer, au total, à hauteur d'un milliard d'euros. La moitié de cette somme serait acquittée par les trois conseils régionaux concernés, l'autre moitié en particulier par les conseils généraux, dont je salue l'implication des présidents qui ont décidé de soutenir cette initiative. Bien que VNF soit compétent en la matière, il ne dispose pas de la capacité juridique requise pour supporter l'endettement nécessaire au portage du projet. Je propose ainsi la création d'une société de projet, structure juridique usitée en Europe notamment pour l'aménagement du Col du Brenner, destinée à associer les collectivités à VNF et à l'ensemble des acteurs concernés.
Je laisserai Gilles Leblanc répondre à vos questions sur les aspects techniques du projet et l'optimisation de ses coûts de réalisation, que ce soit pour l'aménagement des écluses ou encore le renforcement de l'étanchéité qui n'a pas été pour l'heure chiffré, faute des sondages idoines.
S'agissant enfin de la somme d'un milliard sept cent millions d'euros qui doit être trouvée pour boucler le financement du projet, je propose qu'un milliard d'euros soit à la charge de l'État et que le reliquat soit assuré par l'endettement. La Banque européenne d'investissement s'est déclarée prête à accompagner le projet ; l'endettement contracté auprès de cet établissement bancaire n'alimentera pas la dette « maastrichtienne » de la France.
Enfin, l'impact écologique de ce projet est évident. Je rappellerai qu'une péniche de 4 400 tonnes équivaut à une centaine de camions transitant sur l'autoroute A1 et l'ensemble des acteurs économiques, y compris la SANEF qui voit dans ce projet le moyen de désengorger cet axe autoroutier saturé de poids lourds, y est favorable. D'ailleurs, cette dernière est prête à participer au projet ; reste à préciser les modalités de cette participation.
Nous disposons de tous les éléments requis pour faire de ce canal un exemple de développement et d'aménagement durables. Ainsi, s'agissant de la gestion de l'eau, j'ai supprimé la connexion entre l'Oise et la Communauté urbaine de Lille, afin d'assurer la préservation de la nappe phréatique de l'Avesnois. Comme vous pouvez le constater, les aspects techniques qui répondent, au plus près, à la réalité des territoires et à l'exigence de qualité environnementale ont été privilégiés.
Il importe aussi de soutenir les personnels du secteur de la batellerie que j'ai rencontrés à plusieurs reprises et dont j'ai pu constater le dynamisme. Pendant trop longtemps, on a privilégié le ferroviaire et la route au détriment du secteur fluvial qui a été oublié. Le projet d'aménagement du canal Seine-Nord-Europe répond à un objectif économique et fournit l'occasion de relancer le fluvial en France.
Cette relance est d'ailleurs attendue par plusieurs secteurs économiques : les céréaliers, la grande distribution, le bâtiment ainsi que les industries de récupération. Mais il importe que le projet soit lisible pour permettre aux industriels de s'organiser en conséquence, à l'instar de la grande distribution dont les acteurs pourraient mettre jusqu'à trois ans pour réorganiser leur logistique.
Le calendrier du projet s'avère en définitive contraint, en raison du soutien européen qui le situe entre 2014 et 2020. L'année 2014 devra être marquée par les décisions nécessaires au lancement du projet. Le Ministre a d'ailleurs déjà désigné une mission administrative pour envisager la réalisation concrète des propositions contenues dans le rapport, pour une mise en service à l'horizon 2022-2023.
Je vous remercie de cet exposé convaincant, qui témoigne de l'important travail que vous avez effectué en reprenant ce dossier, pour lui donner une suite opérationnelle.
En premier lieu, je rappellerai à Rémi Pauvros, avec lequel j'ai toujours eu plaisir à travailler, que le département de l'Oise est intéressé au premier chef à la réalisation du canal Seine-Nord-Europe. En ma qualité de président du Port fluvial de Longueuil-Sainte-Marie, je peux témoigner que l'attente d'un allongement du canal est réelle. C'est d'ailleurs dans ce contexte que s'est organisée l'association avec notre collègue Philippe Marini, président de l'agglomération de la région de Compiègne, pour créer le premier port fluvial au fonctionnement autonome.
J'ai souvent évoqué le « miracle Pauvros » au travers de l'obtention des 40 % concédés par les instances européennes, qui rend désormais réalisable le projet de reconfiguration du canal Seine-Nord-Europe. Cette décision a convaincu les collectivités territoriales de s'engager à hauteur d'un milliard d'euros, mais il faudra définir les modalités de cette participation dans un contexte budgétaire contraint. Et cette participation devra à son tour convaincre l'Etat de mobiliser les ressources nécessaires à la réussite de ce projet qui n'est pas, pour l'heure, totalement financé. On voit mal comment ces financements européens, concédés à la demande du Président de la République, ne trouveraient pas, à l'échelle nationale, le soutien nécessaire à leur utilisation.
Je me félicite également du changement d'orientation quant aux plateformes. En effet, les collectivités territoriales s'étaient jusqu'alors vues promettre la création de plateformes sans anticiper réellement les évolutions du trafic générées par la mise en oeuvre des nouvelles infrastructures. Il faut également porter au crédit de notre orateur d'avoir levé les incertitudes pesant sur la position des ports du Havre et de Rouen qui trouveront, à mon sens, un grand intérêt à ce que ce grand projet voit le jour.
En ma qualité de président d'un conseil général dont le département est directement concerné, je vois dans cette reconfiguration un projet mobilisateur au service de la croissance et de l'emploi sur ces territoires du nord de la France. D'ailleurs, je rappellerai que les céréaliers attendent un dispositif susceptible de les aider à mieux exporter les productions agraires de cette partie du territoire.
Je me félicite de la création de la société de projet qui permettra aux collectivités territoriales de n'être pas seulement des prestataires financiers mais d'être pleinement associées à la gouvernance du projet. Il faudra cependant veiller à l'inscription de clauses d'insertion professionnelles afin que soit amorcée durablement la reconquête des bassins d'emplois qui ont particulièrement souffert de la crise et de la désindustrialisation de ces dernières années.
L'Oise est sur-densifiée en matière de trafic de poids lourds, comme l'a rappelé la paralysie de l'autoroute A1 durant l'hiver dernier. C'est pourquoi il est important que ce projet voie rapidement le jour. Mais s'il est vrai que le calendrier proposé, qui débute cette année, nous semble ambitieux, sa réalisation ne devra pas se solder par l'arrêt du programme MAGEO qui concerne l'Oise en aval et s'avère indispensable pour la réussite de l'aménagement du canal Seine-Nord-Europe, tout en bénéficiant à l'exploitation de la plateforme de Longueuil-Sainte-Marie. Il importe donc que les équipements destinés à favoriser les manoeuvres des péniches de grande capacité soient réalisés le plus rapidement possible.
Je souhaite tout d'abord saluer la qualité du rapport commis par notre orateur et le caractère synthétique de sa présentation qui a permis de présenter l'intérêt économique et écologique du projet dont la progressivité est aussi un atout. Cependant, je m'interroge sur ses conséquences pour les grands ports français : ne faudrait-il pas les associer à la gouvernance du canal Seine-Nord-Europe afin que celui-ci ne favorise pas d'abord le développement des ports concurrents situés hors de France ? Par ailleurs, je souhaiterai obtenir une précision sur la forme juridique retenue pour la mise en oeuvre du projet : une société de projet me paraît d'ordinaire adossée à un partenariat public privé. Quels sont donc ses avantages comparés à d'autres structures, comme un établissement public industriel et commercial par exemple ? Enfin, s'agissant de l'aspect multimodal, faut-il d'ores et déjà prévoir des raccordements ferroviaires et quels niveaux de complémentarité avec les transports routiers et fluviaux sont-ils prévus par le projet ?
Je salue également les efforts de vulgarisation conduits par notre orateur qui a su nous exposer un projet très technique. Tout d'abord, s'agissant de la cohérence d'ensemble du projet qui est principalement orienté vers la partie Nord-Ouest de notre pays, quelles sont les perspectives de ses connexions avec la partie Est du territoire national ? Quelles incidences aura l'aménagement du canal sur le fret ferroviaire ? Celui-ci sera-t-il en mesure de remédier à la saturation des autoroutes, qui génère un coût considérable pour les collectivités locales ? En outre, quelles peuvent être les conséquences de la mise en oeuvre du projet sur les ponts et les ouvrages d'art, dont les gabarits s'avèrent de plus en plus conséquents et occasionnent des frais d'entretien élevés ? Enfin, quelles sont les relations que vous avez nouées avec la SANEF dans le cadre de vos concertations et comment concevez-vous son éventuelle participation au projet ?
Permettez-moi de saluer à mon tour la qualité de votre présentation. Je me réjouis également de la réaction favorable au projet des ports de Rouen et du Havre, dont la localisation respective est la meilleure en Europe mais qui n'ont pas connu le développement qu'on pouvait légitimement attendre. D'ailleurs, dans mon rapport budgétaire de l'an dernier, j'ai rappelé que l'activité du port d'Anvers représentait, à elle seule, le fret assuré par l'ensemble des ports français !
Lors de vos auditions, avez-vous interrogé les chargeurs des plaines céréalières ? Car il me semble que l'ensemble des acteurs du Nord-Est de la France est intéressé par le développement du transport fluvial. Je m'interroge aussi sur le financement de ce projet : comme l'on connaît les difficultés éprouvées pour couvrir les coûts d'opérations de moindre envergure, comment comptez-vous assurer le financement de ce projet, dont la mise en oeuvre risque également de renforcer les activités des ports hollandais au détriment de la région parisienne et des ports français ?
Et, si je me félicite du financement accordé par l'Union européenne, je m'inquiète en revanche des conséquences du dépassement, fréquemment rencontré dans des projets d'envergure similaire, de l'enveloppe prévisionnelle qui sera retenue. Ce risque est-il pris en compte par Bruxelles ?
Je tiens à féliciter notre orateur pour le rôle de médiateur qu'il a su assumer pour s'emparer d'un dossier qui a suscité, par le passé, de nombreux débats. Car les interrogations suscitées par la politique fluviale en France ne sont pas nouvelles : en 1976, j'avais participé, au sein du Conseil économique et social, à la rédaction d'un rapport sur l'avenir des ports français et nous avions alors interrogé les chambres de commerce sur les modalités du lancement éventuel d'une politique nationale dans ce domaine.
Par la suite, je me souviens des préférences du ministère des transports, clairement affichées en faveur du transport routier plutôt que pour le fluvial. Votre projet traduit ainsi le changement réel de mentalité qui est en train de s'opérer sur cette question.
J'indique que la SAFER a constitué une réserve de près de 1 200 hectares pour permettre la réalisation du canal et les céréaliers soutiennent cette initiative. Dans mon département, la Somme, ce sont huit points entiers destinés au chargement des céréales qui ont été aménagés sur ces quinze dernières années. Par ailleurs, près de 80 millions d'euros ont été mobilisés sur une autre plateforme voisine pour coller au mieux au projet d'aménagement du Canal. Les attentes des acteurs sur le terrain, qui sont réelles, ne risquent-elles pas d'être déçues par le calendrier annoncé, qui fixe une décennie comme horizon, puisque les investissements ont déjà été programmés ?
En outre, il importe de veiller à la visibilité du projet auprès des acteurs du terrain tout au long de sa mise en oeuvre. En raison de la crédibilité et du capital de confiance qui sont désormais les vôtres, il me paraît essentiel que vous assuriez cette concertation avec les acteurs durant toute cette période.
S'agissant de la progressivité nécessaire des investissements que vous avez évoquée, celle-ci nous obligera à prendre en compte les plateformes déjà existantes, comme à Auneuil où le trafic s'élève à 1 800 000 tonnes de fret, avec une seule usine qui assure 900 000 tonnes d'écrasement de céréales, et ce, sans que le canal ne soit mis en service. D'ailleurs, sa réalisation implique de s'interroger sur le devenir de la plateforme de Noyons, voire de celle de Péronne, qui alimentent toutes deux la région parisienne.
Enfin, la conduite du projet demeure tributaire de l'évolution de la direction de Voies Navigables de France qui peut avoir des conséquences sur l'implication de l'État.
Je souhaite féliciter l'orateur pour son approche pragmatique du dossier et sa préoccupation d'optimiser l'usage de l'argent public. J'ai certaines craintes tout de même quant à l'évolution du marché fluvial dont je suis l'évolution avec mon collègue Charles Revet depuis de nombreuses années. À cet égard, la suprématie du port d'Anvers doit pouvoir être mieux concurrencée par les deux ports français que sont, pour la façade Atlantique, le Havre et, pour la Méditerranée, Marseille. Il faut ainsi s'assurer que les investissements qui vont être faits pour ce canal vont bel et bien profiter à leur développement et non faciliter l'acheminement du fret depuis Anvers à destination du Sud de l'Europe.
D'ailleurs, l'aval des céréaliers, que vous avez souligné, se retrouve lors de chaque élargissement des voies navigables comme j'ai pu le constater à l'occasion des travaux, de moindre ampleur, conduits sur le canal du Rhône. Mais subsiste une réelle différence entre l'assentiment des différents acteurs concernés par ce type de projet et leur participation financière effective ! À cette difficulté s'ajoutent les fluctuations du marché des containers. Tous ces facteurs avivent ma crainte quant à l'opportunité d'investissements aussi lourds dont les conséquences peuvent s'avérer contraires aux objectifs initialement fixés. Je souhaite que le projet que vous promouvez présente un intérêt national dont les territoires pourront naturellement ensuite bénéficier. Ce projet doit également contribuer à l'augmentation des plateformes multimodales et éviter leur éparpillement.
Je souhaite donc que soit assurée à terme une réelle rentabilité, en termes d'essor économique et d'emploi, des cinq milliards d'euros qui vont être mobilisés dans ce projet.
Ces réactions témoignent du souhait de notre commission que vous participiez, monsieur le Député, à la mise en oeuvre du projet que vous avez su nous présenter avec pertinence.
Je vous remercie de vos remarques, mais si j'ai commis le rapport, la mise en oeuvre des préconisations qu'il contient incombe à l'exécutif, et notamment au ministre concerné, dans un contexte qui ne favorise pas la prise de décision, comme l'a illustré le récent débat sur l'écotaxe et les difficultés budgétaires auxquelles doivent faire face les différents organismes publics spécialisés dans les transports.
La création d'une société de projet s'inscrit dans ce contexte, marqué par la recherche du désendettement public, tout en prenant acte de l'incapacité de VNF d'emprunter. Mais je vous l'accorde, il faut trouver un milliard d'euros pour boucler le financement de ce projet. Aussi ai-je proposé de solliciter les capacités d'emprunt des collectivités territoriales lesquelles doivent certes réduire leurs coûts de fonctionnement mais sans pour autant obérer leur capacité de préparer l'avenir, tout en sollicitant l'État au stade le plus avancé possible de la réalisation du projet. Je suis persuadé que la croissance reviendra en France, ce qui légitime une politique d'investissement ambitieuse, à laquelle participe ce projet, avec ses retombées en termes d'activités et les quelque 50 000 emplois qu'il permettra de créer.
L'exemple du Canal Albert milite en faveur de la progressivité de l'investissement dans le secteur fluvial qui s'inscrit nécessairement sur une période longue. D'ailleurs, la géographie rend inéluctable et indispensable la connexion des ports du Havre et de Rouen avec le Nord de l'Europe. Les acteurs des communautés portuaires, parmi lesquels les chargeurs, s'accordent pour que soient réunies les conditions du renforcement de l'attractivité des hinterlands qui sont autant d'atouts pour le développement des ports. À cet égard, j'ai pu mesurer, dans le cadre de la rédaction de ce rapport, le retard que nous accusions sur ce plan.
Ainsi, HAROPA recherche désormais les moyens de soutenir la concurrence, tout comme le port de Dunkerque qui entend optimiser sa localisation stratégique, en développant des projets de massification, en relation avec le développement du site de Marquion, pour accompagner la reconfiguration du canal Seine-Nord-Europe et maximiser son positionnement dans le domaine du fret.
S'agissant de l'association des ports à la gouvernance du projet, ceux-ci nous ont notifié leur refus d'accorder un financement au projet d'aménagement du canal. Les préconisations que je formule dans mon rapport prennent ainsi acte de ce refus.
Je vous l'accorde. C'est bien la multi-modalité qui est un facteur de croissance. Il faut donc s'interroger sur l'évolution du transport routier, avec la fédération des transports routiers, en privilégiant la complémentarité des modes d'acheminement. Il importe de projeter l'évolution de notre fret à l'horizon de vingt à trente ans afin de résorber les déficits actuels, notamment dans le domaine ferroviaire, et le projet de reconfiguration du canal Seine-Nord-Europe permet de poser ce problème.
En réponse à l'interrogation sur les ouvrages d'art, dont l'entretien peut en effet s'avérer onéreux pour les collectivités, le rapport préconise une diminution de leur nombre sur le canal. En ce qui concerne la réaction de la SANEF, dont les principaux actionnaires sont espagnols, j'ai rencontré son président Alain Minc qui nous a assuré de son soutien.
L'éventualité d'un dépassement de l'enveloppe budgétaire, initialement fixée à cinq milliards d'euros, est prise en compte par l'Union européenne qui débloquera les crédits par tronçons afin de coller au mieux à la réalisation du projet. S'il est vrai que la majeure partie du financement devra être accordée sur la période 2014-2020, les instances européennes sont conscientes de la nécessité d'accompagner le projet jusqu'à sa réalisation. À nous donc de déployer le savoir-faire nécessaire pour honorer nos engagements.
Je reviendrai cependant sur une légère divergence de vue avec le ministre des transports quant à l'opportunité de solliciter un financement de la Belgique et de la Hollande dans le cadre du projet. A mon sens, cette demande n'est pas légitime : le chantier se trouve en France et il nous faut affirmer notre capacité à porter, au niveau national, un tel projet.
Je souscris à l'historique qui nous a été dressé par Marcel Deneux du secteur fluvial en France et qui rejoint le témoignage qui figure dans mon rapport de l'ancien Premier ministre, Michel Rocard, en sa qualité d'ancien maire de Conflans-Sainte-Honorine. Au gel des terres décidé par la SAFER doivent être ajoutés les quelque 300 millions d'euros qui ont déjà été investis dans le projet et qui légitiment sa mise en oeuvre. Dans mes propositions d'ailleurs, je propose la nomination d'un garant, sur le modèle européen, qui aura vocation à être le référent à la fois auprès des acteurs mobilisés pour la réalisation du projet et de son homologue européen qui vient d'être désigné.
Je passe maintenant la parole à Gilles Leblanc puisqu'il me faut, à mon grand regret, rejoindre l'Assemblée nationale où je dois retrouver mon groupe pour y déposer une proposition de loi.
S'agissant de MAGEO, la section Oise, selon qu'on l'appréhende entre Compiègne et Creil, ou de manière plus large, entre Conflans-Sainte-Honorine et Noyons, se trouve au centre du dispositif Seine-Escaut tel que repris par la Déclaration de Tallinn qui mentionne également le Havre et Nogent-sur-Seine. Le fait que la partie Oise n'ait pas fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique s'avère un handicap important auquel il convient de remédier pour la section allant de Creil à Compiègne dont la traversée s'avère délicate. Il est nécessaire de se prémunir contre cette forme d'insécurité juridique qui concerne la partie Sud du dispositif.
Ce point est essentiel pour les communautés portuaires de Rouen et du Havre puisque la concurrence avec le Port d'Anvers se joue principalement dans le secteur du Nord du Val-d'Oise, de Roissy et de la Picardie. La pénétration des flux de marchandises depuis Le Havre ou Anvers doit être assurée jusqu'à Compiègne et Noyons, voire jusqu'à Saint-Quentin et Soissons par la ramification, et c'est bien sûr l'ensemble du système qu'il nous faut raisonner.
Les études économiques conduites dans le cadre du rapport ont par ailleurs démontré que les ports du Havre et de Rouen seront les principaux bénéficiaires, à l'horizon 2030-2040, de la mise en oeuvre du projet Seine-Escaut dans son intégralité, impliquant la remise à niveau de la Seine et l'amélioration des points sensibles identifiés par le passé. La déclaration d'HAROPA souligne d'ailleurs l'importance de conduire le projet dans son intégralité. L'avis favorable des ports membres d'HAROPA s'inscrit dans la logique du projet d'extension de leur hinterland respectif via une combinaison entre les transports ferroviaires et fluviaux. Les communautés portuaires ont ainsi adopté un point de vue globalisant sur le projet, dépassant leur vision strictement territoriale, qui se limitait précédemment aux infrastructures situées sur le canal.
Il s'agit désormais que la France assure la réalisation du grand gabarit 5B jusqu'à Marquion, sans pour autant conduire à l'élargissement des voies navigables en Pas-de-Calais. Il est erroné d'attendre du projet la réalisation d'une autoroute déversant un flot de péniches destinées au Nord de l'Europe, au détriment de l'activité des ports du Havre et de Rouen qui sera, au contraire, renforcée, à la condition que soit assurée la réalisation globale du projet.
Au-delà des financements accordés au projet du canal Seine-Nord-Europe, pourquoi ne pas intéresser l'Europe au désenclavement du port du Havre en faveur duquel notre collègue Charles Revet s'est longuement battu ?
La France a obtenu de l'Europe le principe d'un financement de 40 % de l'ensemble du programme Seine-Escaut, qui comprend l'accès de Port-2000 au réseau et le dragage du chenal d'accès à Rouen que nous avons soumis aux instances communautaires. Les 40 % annoncés devraient financer l'investissement et nous avons le sentiment d'une convergence de vue avec nos homologues européens sur le nécessaire désenclavement des communautés portuaires françaises. Bien que le dossier soit en cours de finalisation, la Déclaration de Tallin prend acte de l'ensemble des aspects du projet, y compris la situation du Havre, la partie Seine-amont et la desserte de la région de Troyes via Bray-Nogent-sur-Seine.
Je me réjouis, Monsieur le Président, de la dimension globale qui caractérise ce projet. Réaliser dans une première phase les travaux d'aménagement favorisant la desserte d'HAROPA ne répondrait-il pas aux incertitudes exprimées par ces communautés portuaires tout en favorisant la poursuite ultérieure du projet ?
Plutôt que d'appréhender la réalisation en termes de phases, il est raisonné en termes de contrats de plan. Ceux-ci, présentés par le ministre et actuellement en cours de discussion, concernent les secteurs du Havre, de Rouen, de l'axe Seine-amont et de l'Oise, et sont également concernés par l'octroi de la subvention européenne à hauteur de 40 %, de même d'ailleurs que les projets exclus de ces contrats.
Puisque les travaux concernant Rouen, le Havre et Paris sur l'axe de la Seine ne relèvent pas d'une rénovation, mais d'une création impliquant un processus lourd, il conviendrait sans doute de les programmer à titre liminaire. Une telle réalisation ne manquerait pas de générer de nouvelles activités au Havre et à Rouen !
Enfin, un gouvernement qui va désenclaver les ports du Havre et de Rouen ! Je ne peux que reconnaître la pertinence de la vision globale qui a permis d'inciter l'Europe à soutenir financièrement ce projet que mes collègues Charles Revet et Marcel Deneux ont appelé de leurs voeux pendant des années !
Je souscris totalement à ce projet si celui-ci aboutit ! Dans mes précédents rapports, publiés lorsque la question du canal Seine-Nord-Europe n'était plus d'actualité, j'ai tout de même souligné que 300 millions d'euros avaient été investis pour assurer la connexion entre les transports ferroviaires et fluviaux.
Quels sont les motifs pour lesquels les ports du Havre et de Rouen ne souhaitent pas participer au projet du canal ?
Il faut être réaliste quant à la situation des grands ports maritimes qui sont actuellement confrontés à la baisse sérieuse des activités pétrolières qui obère sérieusement leurs capacités d'investissement. Ils limitent ainsi leurs investissements aux opérations qui les intéressent directement : au Havre, l'aménagement d'un accès direct et la rénovation des écluses du Pont de Tancarville, soit un investissement global de 115 millions ; à Rouen, le dragage de la Seine devrait représenter à lui seul une centaine de millions d'euros. La réalisation de ces travaux de proximité participera néanmoins à la réussite du projet global du canal Seine-Nord-Europe.
Je souhaiterais, à cette occasion, rappeler que les collectivités territoriales participent au financement de MAGEO. J'ai bien noté, dans vos propos, qu'il était urgent d'accélérer les procédures d'enquête d'utilité publique pour sécuriser la seconde phase de ce projet.
Le fait que la partie Sud du projet n'ait pas bénéficié de cette procédure suscite en effet l'incompréhension des acteurs économiques. Que l'ensemble du dispositif devienne au plus tôt d'utilité publique ne pourra que restaurer la confiance.