La séance est ouverte à dix heures cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le Premier ministre a communiqué au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est disponible au bureau de la distribution.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports n° 721, 727 et 733 (2009-2010)].
Dans la discussion des articles, le Sénat va poursuivre l’examen de l’article 6, appelé par priorité, dont je vous rappelle les termes.
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code est ainsi rédigé :
« L’assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l’assuré qui en demande la liquidation à partir de l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2. »
II. – Le 1° de l’article L. 351-8 du même code est ainsi rédigé :
« 1° Les assurés qui atteignent l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 augmenté de cinq années ; ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il me paraît essentiel, avant de commencer cette deuxième semaine de débat sur le présent projet de loi qui remet en cause le droit à la retraite des Français, de rétablir la vérité sur un point important.
Monsieur le ministre, avec certains de vos amis du groupe UMP, vous avez prétendu, dès l’adoption par la majorité du Sénat de l’article 5 qui repousse à 62 ans l’âge de départ à la retraite, que cet article était définitivement – j’insiste sur ce mot – adopté et que le débat était clos.
Vous avez poursuivi cette opération de communication, déclenchée dans le seul dessein de freiner la vague sociale qui menace de vous emporter, vous et votre projet, alors même que le président de séance précisait qu’un article de loi n’était bien évidemment définitivement voté qu’après adoption de l’ensemble du projet de loi
Vous qui connaissez bien les institutions ne pouviez ignorer que, même sans rejet de l’ensemble du texte, une seconde délibération peut être demandée au Sénat.
Une nouvelle fois, ce gouvernement, sur consigne d’un président que l’on sait coutumier des contrevérités et manipulations diverses, a tenté de tromper notre peuple.
Le projet de loi est fondé sur un mensonge : celui de Nicolas Sarkozy affirmant en 2007 et en 2008, la main sur le cœur, que jamais il ne toucherait à la retraite à 60 ans. Il n’est donc pas étonnant que la tromperie demeure la méthode gouvernementale en la matière. La vérité est en l’espèce tout autre : l’article 5 peut être rejeté avant la fin du débat au Sénat.
Monsieur le ministre, serait-ce l’approche du mouvement massif de demain, le plus important que l’on puisse imaginer selon nous, qui vous a obligé à de telles pratiques peu glorieuses ?
Monsieur le président, je vous invite, pour le sérieux et la clarté de nos débats, à rappeler au Gouvernement la lettre et l’esprit de la Constitution comme du règlement du Sénat.
Monsieur le président, je souhaite obtenir une réponse aux questions que nous avons posées vendredi.
M. le président. Madame Pasquet, vous avez la parole pour poser vos questions. Je considère que cela vaut explication de vote sur le sous-amendement n° 1200.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, avant le vote sur l’amendement n° 1182 du Gouvernement, je souhaite vous rappeler que les membres de mon groupe ont déposé un certain nombre de sous-amendements dont la présidence n’a semble-t-il pas accepté le dépôt vendredi dernier, bien que, lors d’un rappel au règlement ce même jour, nous ayons souligné leur incontestable validité réglementaire et constitutionnelle. Devant cette évidence, le président de séance nous avait annoncé que la présidence du Sénat serait immédiatement saisie des deux questions précises que nous formulions alors et que je renouvelle ce matin : est-il dorénavant impossible de sous-amender un amendement du Gouvernement, en particulier en proposant différentes mesures de financement de la disposition soumise au vote ? Sur quel article du règlement du Sénat le refus de nos sous-amendements est-il fondé ?
Je vous rappelle la gravité, au regard de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, d’une telle pratique. Par ailleurs, toute mise en cause manifeste du droit d’amendement peut s’apparenter à une censure.
Nous attendons une réponse précise de votre part, monsieur le président. Je vous rappelle également que nos amendements portant articles additionnels et visant le financement de l’ensemble des mesures figurant dans le présent texte n’ont aucun lien avec les sous-amendements évoqués précédemment, lesquels concernent uniquement le financement des dispositions prévues à l’amendement n° 1182.
Cela a déjà été dit : c’est l’article 48 du règlement du Sénat. La conférence des présidents avait tranché, et M. Roland du Luart, président de séance, a rappelé la décision prise par cette dernière.
La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1200.
Je souhaite rappeler que Mme Panis a travaillé à la rédaction du sous-amendement n° 1200 en sa qualité de rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de la Haute Assemblée.
Ce sous-amendement reprend les propositions figurant dans l’un de nos amendements. Il tend à ne pas limiter la possibilité de prendre sa retraite à 65 ans en percevant une pension à taux plein aux seules mères de famille ayant au moins trois enfants. Il vise expressément les femmes ayant « eu ou élevé au moins un enfant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L.351-12 du code de la sécurité sociale, ou apporté des soins à un membre de leur famille handicapé, dépendant ou malade » et ayant « interrompu ou réduit leur activité professionnelle ».
Il est au cœur de l’une des propositions de la délégation précitée. Il a pour objet d’attirer l’attention sur la corrélation qui existe entre une interruption de carrière et un salaire moindre que M. le ministre comme M. le secrétaire d’État connaissent.
Je veux combattre l’idée selon laquelle les femmes, à terme, travailleraient aussi longtemps que les hommes et cumuleraient autant de trimestres que ces derniers. Tenir un tel propos est déplacé, et nombre d’entre vous, mes chers collègues, le savent. J’admets cependant que, avec le temps, un rattrapage puisse être enregistré.
La délégation a, par ailleurs, demandé l’établissement d’études d’impact beaucoup plus précises. Elle ne souhaite pas que l’on se fonde simplement sur une intuition. Aussi longtemps que 75 % des femmes toucheront le SMIC, elles ne pourront pas, c’est clair, percevoir une pension de retraite convenable.
Je rappelle une fois encore ce matin que la pension de retraite moyenne d’une femme s’élève à 1 020 euros, alors que celle d’un homme s’établit à 1 636 euros, montant déjà bien faible.
Aujourd’hui, les hommes prennent leur retraite à moins de soixante ans, alors que les femmes le font en général à plus de soixante et un ans et demi. Prenons en considération ces deux faits.
Aujourd'hui, reprenons un débat plus serein et sain. Il n’est pas imaginable de traiter seulement le cas des mères d’au moins trois enfants. Au nom de quelle conception pourrait-on penser que certaines femmes ont plus de mérite que d’autres ?
Il convient aussi de prendre en considération la vérité démographique. Aujourd’hui, en France, les femmes renouvellent les générations ; elles ont plus de deux enfants. Nous avons donc cette espérance pour la retraite par répartition, et chacun doit en avoir bien conscience.
Le sous-amendement n° 1200 est excellent, et nous le voterons.
À mon tour, je souhaite soutenir ce sous-amendement.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, j’observe que, sur ce texte, la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat. J’espère donc que cette sagesse s’imposera dans cet hémicycle.
Monsieur le ministre, samedi et dimanche, j’ai eu l’occasion, comme tous nos collègues, de parcourir le département dont je suis l’élu. J’ai pu constater que les quelques manœuvres mises en œuvre la semaine dernière n’ont pas eu d’effets très positifs dans la population…
Les valses hésitations sur l’ordre du jour ne sont pas apparues très convaincantes, mais peu de personnes en ont été informées.
En revanche, l’idée de vouloir faire passer les articles 5 et 6 par priorité, de manière à tenter de désamorcer le mouvement social et de réduire le nombre des participants aux manifestations, a été très mal ressentie et très mal vécue.
Je crois, monsieur le ministre, que cette manœuvre aura l’effet contraire à celui qui est recherché. En effet, nos compatriotes ont vu là une petite ficelle, sans proportion avec le grand enjeu qui est en cause. Mes collègues Christiane Demontès et Michèle André y voient même, quant à elles, respectivement une corde ou un câble, et je leur donne acte de leurs déclarations, qui seront ainsi connues dans la France entière !
La concession accordée aux femmes nées entre 1951 et 1955, qui, pour élever trois enfants, ont interrompu leur activité est apparue comme minimaliste. Elle concernerait peu de personnes au regard de toutes celles qui, si ce texte était voté, devraient travailler jusqu’à 67 ans pour obtenir une retraite à taux plein sans décote.
C’est pourquoi la proposition de Mme Jacqueline Panis et, comme l’a dit Mme Michèle André, de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui vise à généraliser cette mesure à l’ensemble des femmes ayant élevé au moins un enfant et ayant interrompu ou réduit leur activité professionnelle pour cela, quelles que soient les dates, serait perçue, monsieur le ministre, comme une mesure de justice et d’égalité.
En outre, l’une des dispositions de votre texte qui passe le plus mal, et vous le savez bien, est cette obligation, faite à des femmes tout particulièrement, de continuer à travailler jusqu’à 67 ans pour obtenir une retraite sans décote.
Ce point est très sensible. C’est pourquoi j’espère de tout cœur, mes chers collègues, que, au-delà des différences qui sont les nôtres, nous nous réunirons autour du sous-amendement de Mme Jacqueline Panis.
Les membres du groupe du RDSE voteront le sous-amendement de Mme Jacqueline Panis.
Je ne me lancerai pas dans de nouvelles explications, puisque ma collègue Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a été très claire.
Bien entendu, je voterai ce sous-amendement.
Je souhaite remettre en perspective cette disposition. Comme l’a dit mon collègue M. Jean Desessard, on a globalement l’impression, de la part du Gouvernement, d’une réclame pour les ménagères de 50 à 60 ans !
Moi qui suis favorisée, je suis désolée de me citer comme exemple : je suis née entre 1951 et 1955, j’ai eu trois enfants, dont une fille trisomique.
Si j’avais été au fond de ma campagne, j’aurais pensé, en entendant la publicité du Gouvernement, appartenir à l’étroit créneau de celles qui pourraient s’arrêter à 60 ans. Or, ce n’est pas le cas du tout puisque j’ai mené ma carrière professionnelle sans l’interrompre. Il faut donc rendre plus transparente la réalité de cette proposition.
Mme Michèle André évoquait l’inégalité criante entre les hommes et les femmes, s’agissant du montant de leurs retraites. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous avons entendus dire qu’un texte sur les retraites n’est pas le lieu pour corriger les inégalités de la vie.
Si vous raisonnez de cette manière, je vous répondrai qu’un texte sur les retraites n’est pas non plus le lieu pour modifier les droits de la médecine du travail comme vous vous apprêtez à le faire !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, nous sommes au cœur d’une situation qui touche la moitié de notre population : les femmes.
Le sous-amendement n° 1200 de Mme Jacqueline Panis, tel qu’il a été présenté par la présidente de la délégation aux droits des femmes, est important parce qu’il se situe au cœur d’un problème de société.
Qu’on le veuille ou non, ce problème, compte tenu de notre culture, se posera encore de nombreuses années : les femmes supportent, s’agissant de la vie de famille, du ménage et de la domesticité, une charge beaucoup plus importante que les hommes. Telle est la réalité.
De même, pour les enfants, qu’ils soient en bas âge ou plus âgés – les adolescents et préadolescents connaissent parfois des problèmes –, les femmes sont en première ligne. Elles sont parfois, et même très souvent, obligées d’arrêter leur activité professionnelle pour faire face à des situations difficiles.
Enfin, en ce qui concerne la question du cinquième risque et de la dépendance – nous aurons à en discuter dans les mois à venir –, les femmes vont également être mises fortement à contribution.
La population vieillit et, malgré des pathologies parfois extrêmement lourdes, 87 % des personnes âgées aspirent à rester plus longtemps chez elles : Un entourage familial est alors nécessaire.
Une telle solution revient d’ailleurs moins cher qu’une installation dans une maison de retraite, un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes, EHPAD, ou autre.
Mais – ne nous faisons pas d’illusions –, ce seront les femmes qui supporteront cette charge de manière massive. Et c’est là non pas une question politique, un clivage entre la droite, le centre et la gauche, mais un fait de société visible.
Vendredi soir, nous avons discuté très longuement des problèmes du handicap, monsieur le ministre. Cette question est du même ordre.
Dans les années à venir, avec la montée du vieillissement, nous devrons faire face à un besoin de présence au domicile des personnes âgées, notamment de celles qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de pathologies connexes. Cette présence devra être assurée par des personnes très proches. Multiplier les intervenants reviendrait beaucoup plus cher.
La capacité des femmes à prendre en charge cet accompagnement doit être reconnue. On ne peut pas en plus les pénaliser parce qu’elles aident indirectement les finances publiques ! C’est une question de bon sens politique ! Mais il me semble parfois, monsieur le ministre, que ce bon sens a disparu.
À l’annonce du dépôt de l’amendement n° 1182 du Gouvernement sur ces problèmes, il nous a semblé que la raison faisait son chemin et que les membres du Gouvernement avaient aussi un cœur – c’est ce que nous pensions… –, ou du moins qu’ils avaient le sens des calculs.
Or, dans ce calcul, le retour sur investissement – c’est un vocabulaire que vous comprenez bien… – sera plus fort si l’on aide indirectement la population féminine lorsqu’elle s’occupe de ses vieux parents ou de ses vieux grands-parents. D’ailleurs, cela ne l’empêchera pas, auparavant, d’avoir plus d’enfants, le taux de natalité en France étant plus élevé que la moyenne européenne.
Ces femmes s’occupent de leurs parents, font deux ou trois journées en une, et travaillent quinze ou seize heures par jour. Et au moment de la retraite, on leur impose une décote qui ne leur laisse qu’une petite pension – d’ailleurs, pour le peu de temps qu’elles ont travaillé, les pensions sont déjà extrêmement faibles. Leur imposer encore des décotes, qui les conduiront à travailler jusqu’à 67 ans, est un mauvais coup porté à nos compagnes, aux femmes de France ! Nous nous opposons à une telle disposition.
En conséquence, nous apporterons nos voix au sous-amendement n° 1200 de Mme Jacqueline Panis.
À l’occasion de mon explication de vote sur le sous-amendement n° 1200, je souhaite interroger le Gouvernement concernant un élément resté dans le flou. L’amendement n° 1182 prévoit la nécessité pour les mères d’au moins trois enfants – et c’est un recul par rapport à la situation actuelle – d’avoir cotisé pendant un certain nombre de trimestres non seulement avant l’interruption ou la réduction de leur activité professionnelle à la suite d’une naissance mais aussi après leur arrêt pour le troisième enfant.
Ce point n’est pas explicité. Or, nous avons besoin de précisions et d’explications à cet égard.
Nous voterons le sous-amendement présenté par Mme Jacqueline Panis. Nous sommes favorables à l’ensemble des dispositions qu’il tend à mettre en place.
Comme nous l’avons indiqué dès jeudi après-midi, nous ne comprenons pas pourquoi la proposition que vous présentez comme une avancée, monsieur le ministre, s’accompagne d’autant de restrictions.
Cette avancée ne concernera, en réalité, que très peu de femmes et instaurera beaucoup de discriminations entre les femmes elles-mêmes.
Mme Marie-Christine Blandin a cité l’exemple de femmes qui, ayant eu trois enfants, ne se sont pas pour autant arrêtées de travailler. Elles ne bénéficieront donc pas de cette avancée. Celles qui n’ont pas repris leur travail après la naissance du troisième enfant ne profiteront pas non plus de cette prétendue avancée. Enfin, celles qui n’auraient pas commencé à travailler avant d’avoir leur premier enfant ne bénéficieront pas non plus de cet amendement.
Vous avez lancé cette annonce dans la presse, monsieur le ministre, pour faire croire que vous aviez écouté les sénatrices et les sénateurs, que vous aviez pris en compte les demandes de la population et des salariés, qui sont aujourd’hui très mécontents de votre projet. En réalité, cette avancée n’en est pas une. En conséquence, nous voterons ce sous-amendement qui, en une seule proposition, apporte des améliorations un peu plus importantes que celle que vous nous proposez dans votre texte.
L’annonce des amendements du Gouvernement, à grand renfort de médias, a fait se lever dans le pays un certain espoir, fallacieux certes, mais réel.
Je voudrais attirer l’attention sur la responsabilité politique du Gouvernement, mais aussi du Parlement dans son ensemble, et tout spécialement de notre assemblée, en matière de traitement des inégalités faites aux femmes.
Il existe à l’évidence une responsabilité ancienne et collective. Nous avons laissé s’installer des inégalités flagrantes, en particulier l’inégalité des rémunérations, pour celles qui ont la chance d’avoir un emploi mais qui ne sont jamais rémunérées au même niveau que leurs collègues masculins.
Face à ces inégalités cumulées, le texte proposé par le Gouvernement a ouvert une porte. Mais celle-ci est tellement étroite que non seulement cela n’apporte pas de solution aux inégalités faites aux femmes mais cela aggrave la situation de ces dernières par rapport à la législation existante.
Mes chers collègues, quelle que soit notre sensibilité politique, nous devons saisir l’occasion qui nous est offerte à travers ce sous-amendement n° 1200 et prouver que nous avons réellement l’intention d’améliorer la situation des femmes, et non pas de l’aggraver.
Pour les mères de trois enfants, en particulier les plus jeunes d’entre elles, la porte est beaucoup trop étroite. Vous le savez, monsieur le ministre, un certain nombre de nos concitoyennes deviennent mères très tôt, parce que surviennent des naissances non désirées, souvent d'ailleurs dans des milieux qui n’ont pas la possibilité de les assumer, mais aussi parce que certaines jeunes femmes choisissent de continuer leur parcours universitaire ou de formation professionnelle sans pour autant renoncer à devenir mères.
La porte est si étroite – à peine le Gouvernement l’a-t-il entrouverte – que les mères de trois enfants se voient empêchées à tout jamais de bénéficier du maintien de la retraite à taux plein à 65 ans.
Mes chers collègues, nous connaissons la position du Gouvernement. Toutefois, en tant que parlementaires, nous avons un choix à faire. Je le répète, il en va de notre responsabilité collective ! Nous savons tous que les femmes sont devenues le pilier de la solidarité à l’intérieur des familles, et même en dehors de celles-ci, tant leur participation à la vie associative est tout à fait essentielle.
Nous savons que nous avons besoin des femmes…
… et qu’elles doivent rester mobilisées sur ces enjeux jusqu’à ce que nous ayons résolu toute une série de problèmes, comme l’absence d’égalité salariale entre les sexes ou le manque de lieux d’accueil pour la petite enfance, dont vous savez bien, mes chers collègues, qu’ils ne seront pas réglés dans les semaines qui viennent. Notre intérêt, autant que notre devoir, est de permettre aux femmes de rester les piliers non pas seulement de la vie familiale, mais aussi de la solidarité dans notre société.
De grâce, ne laissons pas passer cette occasion : les dispositions du sous-amendement n° 1200 offrent à notre assemblée la possibilité de sortir de cette difficulté par le haut et avec honneur. À l’évidence, nos concitoyens attendent un tel geste et ils le comprendraient.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
J’évoquerai moi aussi le problème des femmes, puisque le Gouvernement a voulu faire en leur faveur un geste, qu’il assimile à un cadeau.
Monsieur le ministre, vous voulez reculer de 65 ans à 67 ans l’âge légal de départ permettant de bénéficier d’une retraite décente. Or de nombreuses femmes ne sont plus en activité à cet âge, non parce qu’elles ont souhaité arrêter de travailler mais parce que leurs employeurs n’ont plus voulu d’elles.
Le report à 67 ans est tout à fait inadmissible, quel que soit l’âge auquel l’on a commencé à travailler. La disposition présentée par le Gouvernement, qui tend à exonérer de deux années supplémentaires les femmes ayant élevé au moins trois enfants ou un enfant handicapé, pourrait sembler aller dans la bonne direction. En réalité, c’est de la poudre aux yeux pour faire accepter l’inacceptable, en l’occurrence le report de l’âge de départ à la retraite à 67 ans pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pas leur compte d’annuités sans avoir forcément élevé au moins trois enfants – ce nombre me paraît d'ailleurs parfaitement arbitraire et ne vise qu’à pallier l’absence de structures d’accueil pour les jeunes enfants.
Après 60 ans, beaucoup de Français, trop épuisés, préfèrent partir à la retraite, même avec une décote. Et ce ne sont pas les deux années offertes, à un nombre très limité de femmes d'ailleurs, qui influeront sur un choix dicté par une overdose de travail exténuant. Ce prétendu cadeau ne mérite aucune gratitude !
À vrai dire, il ne s’agit nullement d’un cadeau, puisque l’on en reste à la limite actuelle de 65 ans. Ce n’est qu’un mince écran de fumée : sauf pour les femmes nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955, il n'y a aucun changement, aucune amélioration.
Monsieur le ministre, on peut s’étonner que cette mesure ait pu satisfaire certains sénateurs. Le pire n’est jamais sûr, mais la solution proposée est loin d’être satisfaisante. N’est-il pas particulièrement cynique de miser sur le départ à la retraite de certains de nos concitoyens avant l’âge légal, donc avec une décote et une pension encore plus faible, afin de réduire en partie les problèmes financiers de notre système de retraite ?
Ce sont les femmes qui, souvent, ont dû interrompre leur activité professionnelle pour élever des enfants. Or ces derniers travailleront, un jour, pour payer la retraite des plus favorisés qui n’ont jamais dû interrompre leur parcours professionnel !
En réalité, votre geste en faveur des femmes ayant eu au moins trois enfants et/ou un enfant handicapé, que vous croyez généreux, est très limité : c’est un peu de sucre qui est placé sur une pilule amère sans en diminuer en rien l’amertume !
Je dirai également un mot de l’insertion des jeunes sur le marché du travail, parce que ce projet de loi – on le mesure aujourd'hui – aura des conséquences sur la retraite de ces derniers. Il faut insister sur cette question, qui doit être une priorité. Nous devons renforcer les formations professionnelles et valider les droits à la retraite des jeunes qui sont en stage.
En fin de compte, monsieur le ministre, votre projet instaure une redistribution à l’envers : l’injustice en est évidente, puisque les plus modestes, qui devraient bénéficier d’une plus grande protection, payeront pour ceux qui ont eu des carrières plus faciles. Ce n’est pas de la solidarité !
Ne l’oublions pas, les Français quittent le marché du travail en moyenne à 58 ans et se retrouvent au chômage jusqu’à ce qu’ils puissent bénéficier de leur retraite à taux plein. Reculer l’âge légal revient à leur imposer un chômage de plus longue durée encore.
Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.
Aux indemnités de chômage succéderont l’allocation de solidarité spécifique, puis le RSA afin de pouvoir bénéficier d’une retraite sans décote.
Beaucoup de nos concitoyens, je le répète, abandonnent le travail fatigués, ulcérés. Faut-il trouver cette situation normale ?
Monsieur le président, il est tout à fait positif de passer un peu de temps sur les dispositions du sous-amendement n° 1200, me semble-t-il, parce qu’elles sont révélatrices de notre débat de ce matin.
Bien entendu, nous, sénateurs de l’opposition, et notamment du groupe socialiste, nous avons dès le début expliqué quelle était notre ligne de conduite. Aujourd’hui, nous discutons d’un point particulier, sur lequel le Gouvernement…
… a voulu donner l’impression de faire des concessions, ou plutôt des demi-concessions.
À travers le sous-amendement n° 1200 qu’elle a déposé, Mme Panis, qui appartient à la délégation aux droits des femmes du Sénat, pose la question essentielle, me semble-t-il : pourquoi limiter cette mesure aux mères de trois enfants ?
En réalité, il y a une forme de contradiction dans la position du Gouvernement. À mesure que le débat s’amplifiait, que la mobilisation sociale s’intensifiait, que l’examen du texte avançait au Parlement – à l’Assemblée nationale, dans les conditions que vous connaissez, mes chers collègues, puis, maintenant, au Sénat –, le Gouvernement a voulu donner le sentiment qu’il faisait une ouverture. Toutefois, il est tellement timoré que celle-ci pose problème !
À ce stade de notre débat, pouvons-nous – cette question vaut pour nous tous ici, mais plus particulièrement pour le Gouvernement – nous exprimer d’une façon qui ne soit pas dogmatique ?
Monsieur le ministre, à l’évidence, vous êtes lié par deux impératifs, l’un médiatique et l’autre financier, dont il faudrait vous départir.
L’impératif médiatique, c’est le tempo, le calendrier que le Président de la République a voulu imposer et qui nous a été rappelé tout au long de la semaine dernière. En effet, il fallait absolument voter les articles 5 et 6 de ce projet de loi avant le week-end. Or, nous avons tous pris conscience au cours de ce débat que ce n’était pas possible et que les questions posées étaient tellement importantes qu’il fallait y consacrer du temps.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous gagneriez à ne pas avoir les yeux rivés sur votre communication. Nous avons l’impression que les textes de loi sont examinés désormais en fonction des médias, même si, bien sûr, la mobilisation sociale joue un rôle, avec la manifestation qui est prévue le 12 octobre prochain et qui sera peut-être suivie par d’autres.
D'ailleurs, il y a déjà eu beaucoup de manifestations. Et les Français, pour être à chaque fois près de trois millions à se réunir dans la rue, doivent vraiment considérer cette question comme l’une de leurs préoccupations essentielles !
Vous aurez noté que les sondages, même s’ils ne sont que des indicateurs, sont encore très clairs ce matin : alors même qu’ils ont à souffrir de cette situation dans leurs déplacements et que chaque journée de grève leur coûte très cher, nos concitoyens sont aujourd’hui 70 % à être en désaccord avec le Gouvernement. Et ils sont presque aussi nombreux à vouloir que la mobilisation sociale continue pour lui adresser un message.
Monsieur le ministre, vous pourriez entendre ce message ce matin, me semble-t-il, et accepter les dispositions du sous-amendement n° 1200. Ainsi, vous montreriez que vous n’êtes pas enfermé dans une posture médiatique, que vous pouvez faire preuve d’humanité et que vous êtes capable de prendre en compte les raisonnements qui vous sont opposés lorsqu’ils sont énoncés avec calme et étayés par des arguments sérieux.
La deuxième contrainte à laquelle vous êtes soumis est financière. D'ailleurs, vous y avez fait référence, sur la base de certains éléments démographiques, depuis le début de notre discussion.
Or, selon l’expression consacrée, l’argent, on le trouve ! Vous le savez, vous pouvez disposer des sommes nécessaires en remettant en cause le bouclier fiscal. Le Premier ministre a d'ailleurs ouvert une brèche à cet égard, semble-t-il.
Les deux éléments, d’une certaine manière, peuvent être liés. Monsieur le ministre, si cette réflexion doit prendre du temps, pourquoi ne pas ajourner les décisions lourdes pour les mères de famille, notamment sur cette question, de façon à avancer vers des solutions que, aujourd’hui vous semblez admettre, à savoir une remise à plat à la fois du bouclier fiscal et de cette réforme, en particulier sur ce point essentiel qu’est l’âge de départ sans décote à 65 ans ?
Annie David a déjà indiqué que notre groupe voterait le sous-amendement n° 1200. En effet, ces dispositions sont pleines de bon sens, me semble-t-il, car elles tiennent compte à la fois des interruptions de carrière et de l’évolution de notre société, en particulier du vieillissement de la population française, qui entraînera de nombreuses conséquences.
Nous l’avons dit et répété, mais il convient toujours de le rappeler, les inégalités touchent aujourd'hui plus particulièrement les femmes. Dans ce domaine, ce sont : « Les femmes d'abord ! »
Ce sont elles qui sont les plus concernées par les interruptions de carrière, que celles-ci soient dues à la vie professionnelle ou à la vie familiale et aux contraintes de plus en plus grandes qui s’exercent sur elles. D'ailleurs, on peut imaginer que les femmes joueront un rôle important, demain, s'agissant de la dépendance des plus âgés ; il faudra y réfléchir dans le cadre du futur projet de loi sur cette question.
Or, à l’évidence, les mesures qui nous sont proposées aujourd'hui sont largement insuffisantes et aboutissent à conforter ces inégalités.
Je le rappelle, les trous dans les carrières n’expliquent pas la totalité de la différence de niveau des pensions, loin s’en faut. Pour s’en tenir aux seules carrières complètes, l’écart entre hommes et femmes s’élevait encore, en 2004, à 36 %.
Et l’on observe, les années suivantes, le maintien d’un écart de quelque 40 %. En effet, si les femmes d’aujourd’hui travaillent plus longtemps que leurs aînées, elles occupent aussi plus souvent des emplois à temps partiel. Elles sont plus fréquemment au chômage et elles perçoivent des salaires inférieurs, en moyenne de 20 %, à ceux des hommes.
Ces situations entraînent des écarts dans les salaires de référence, qui se répercutent sur le niveau des pensions. En matière de durée d’assurance, ces écarts risquent de perdurer malgré leur réduction progressive. Ainsi, selon les projections de la CNAV et hors majoration de la durée d’assurance, ils pourraient passer de dix-huit trimestres pour la génération de 1950 à dix trimestres pour celle d’aujourd’hui, voire devenir négatifs.
Quand on se penche sur le salaire de référence, on s’aperçoit que son mode de calcul influe sur celui des pensions.
Les conséquences sur les retraites complémentaires iront dans le même sens.
Voilà pourquoi il faut voter ce sous-amendement et adopter une position qui puisse être comprise des Français. Ces derniers constateront ainsi la volonté du Gouvernement de remettre en cause tout le système de protection sociale, à commencer par celui des retraites.
Le sous-amendement de Mme Panis recoupe les résolutions a minima de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes – comme chacun le sait, il n’y a pas parité entre la majorité et l’opposition dans cet organisme, la première y étant surreprésentée – où tout le monde s’est accordé sur la nécessité d’une mesure spécifique en faveur de l’ensemble des mères d’au moins un enfant.
L’amendement n° 1182 a été présenté comme une volonté du Gouvernement de répondre au mécontentement de la population. Mais il y a fort à craindre que, avec une telle mesure, vous ne fassiez qu’amplifier le mécontentement tant des femmes que de l’ensemble de la population. En effet, cibler votre cadeau sur une si faible proportion de la population féminine est contraire à toute réalité.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les femmes, dès lors qu’elles sont susceptibles d’avoir des enfants, sont pénalisées. En effet, pour le patronat, le fait que les femmes mettent au monde des enfants est considéré non comme une chance, mais comme un handicap, en quelque sorte.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Avant même d’avoir des enfants et quasiment jusqu’à l’âge de 35 ans, elles sont soumises à des salaires inférieurs à ceux des hommes et à des carrières plus difficiles puisqu’on présuppose qu’elles auront des enfants. Quand elles ont effectivement des enfants, leurs problèmes s’aggravent puisque le patronat y voit une raison de les payer moins bien que les hommes. Enfin, parvenues à l’âge de 50 ans, elles ne trouvent plus d’emploi, comme c’est aussi le cas pour les seniors de sexe masculin ! Une femme qui a interrompu sa carrière et souhaite la reprendre à 50 ans rencontre en effet des difficultés considérables.
C’est nier la réalité que de réserver la mesure proposée à la moitié d’une tranche d’âge – les femmes nées entre 1951 et 1955 – et la conditionner au fait d’avoir cotisé durant un nombre donné de trimestres et élevé trois enfants en ayant interrompu leur carrière.
Faisant fi du droit à la retraite et de la situation réelle des hommes et des femmes, le Gouvernement répète inlassablement que la question est uniquement d’ordre financier. Il fait mine d’ignorer le fait que les personnes de plus de 50 ans ne trouvent plus d’emploi et se font même licencier car ils coûtent trop cher à leur entreprise. Il ne nous parle que d’argent !
Je tiens à signaler que le groupe CRC-SPG a déposé un certain nombre de sous-amendements ayant justement trait aux moyens de financement de notre système de retraite, suggérant notamment des mesures qui contreviendraient aux privilèges insensés de ceux qui gagnent le plus et ont des revenus autres que ceux du travail.
L’exécutif refuse de discuter du financement. C’est incompréhensible, car le Parlement a la légitimité de contester ses propositions et de suggérer d’autres solutions possibles.
Je suis convaincue qu’il faut au minimum faire droit aux femmes, et ne pas prendre leur situation différemment en compte selon qu’elles sont nées entre 1951 et 1955 ou non, selon qu’elles ont eu un ou plusieurs enfants, ou encore selon qu’elles ont commencé à travailler avant ou après leur avoir donné naissance.
Je voudrais à mon tour attirer l’attention de chacun sur la proposition qui nous est faite par Mme Panis. Ce sous-amendement est pleinement justifié puisqu’il reflète le point de vue de la délégation aux droits des femmes. Il vient également renforcer nos positions quant à l’article 6, qui, en prévoyant le passage de 65 ans à 67 ans de l’âge de départ à la retraite à taux plein – mesure à notre avis particulièrement injuste, notamment vis-à-vis des femmes –, constitue le cœur de la réforme proposée. Enfin, il rejoint notre opinion quant à l’amendement n° 1182, proposé jeudi matin par le Gouvernement.
Mme Panis a raison de proposer que l’on maintienne à 65 ans l’âge légal du départ à la retraite pour toute mère d’au moins un enfant, quelle que soit son année de naissance, alors que le Gouvernement propose de cibler les femmes nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955, et mères d’au moins trois enfants. Que représente en effet une tranche d’âge d’une amplitude inférieure à cinq ans, comparée à l’ensemble de la population féminine de France ?
Mme Panis a également raison d’attirer notre attention sur toutes les personnes ayant interrompu leur carrière professionnelle pour rester auprès des membres de leur famille handicapés, dépendants ou malades.
La proposition faite par le Gouvernement constitue une porte à peine entrouverte, car ses critères sont stricts : appartenir à une tranche d’âge de quatre ans et demi d’amplitude, être mère d’au moins trois enfants, avoir validé un nombre minimal de trimestres cotisés – quel est d’ailleurs ce nombre ?– avant l’interruption de carrière ? Celle-ci doit également avoir eu lieu dans un délai et des conditions déterminés.
Toutes ces incertitudes font que, au-delà des effets d’annonce et des opérations de communication, seul un nombre restreint de nos concitoyens sera concerné par cette proposition.
On nous dit qu’après 1955, voire après 1960, le nombre de trimestres validés par les femmes va dépasser celui des trimestres validés par les hommes. Nous savons tous que ce n’est pas le cas ! C’est un argument fallacieux qui ne tient pas compte du chômage.
Pour toutes ces raisons, la suggestion de Mme Panis est très opportune et permettra de rétablir un peu de justice dans cette réforme, notamment pour les femmes concernées. Je vous demande donc, mes chers collègues, d’y répondre favorablement. Quant à vous, monsieur le ministre, je vous invite à suivre la proposition de notre commission. Au nom de la sagesse du Sénat, adoptons ce matin le sous-amendement n° 1200.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Beaucoup de choses ont déjà été dites mais votre amendement, monsieur le ministre, ne règle en rien la situation d’inégalité vécue par de trop nombreuses femmes.
Laisser croire que cet amendement constitue une révolution est purement mensonger quand on sait que les femmes sont aujourd’hui les premières victimes de cette réforme injuste et qu’elles subissent déjà de profondes inégalités dans le niveau de leurs pensions, en moyenne de 25 % inférieures à celles des hommes et même moitié moindres si l’on retranche les pensions de réversion.
Le problème vient effectivement des inégalités salariales au cours de la vie active, qu’il faudrait tenter de réduire. En repoussant les bornes d’âge à 62 ans et à 67 ans, le projet de réforme ne règle aucun problème, et l’amendement n° 1182 non plus.
C’est pourquoi il faut voter le sous-amendement de Jacqueline Panis, proposé dans le cadre de notre délégation aux droits des femmes.
J’ajoute que les inégalités subies par les femmes sont reconnues par tous, y compris par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE. En conséquence, le sous-amendement n° 1200 n’est certes qu’une proposition de repli par rapport à la situation actuelle mais il nous faut le voter.
Pour expliquer mon vote, je dirai que le sous-amendement n° 1200 ouvre la voie à une vraie réflexion sur le travail. Je trouve en effet que le débat que nous avons depuis plusieurs jours escamote une question de fond, qui devra à un moment être examinée : qu’est-ce que le travail, aujourd’hui, dans notre société ? Nous sommes face à un texte qui ne prend pas en compte cette dimension du débat !
Monsieur le ministre, lorsque Pierre Mauroy vous a parlé de « la ligne de l’espérance », vous lui avez répondu que le monde a changé depuis les années 1980. C’est vrai ! Mais en quoi ?
Quantitativement, la France connaît de nos jours un taux de chômage plutôt supérieur à celui que nous avions en 1981. Qualitativement, le changement du monde du travail est considérable. Et nous ne le prenons pas en compte ! Il y a là, à mon avis, une réflexion qui dépasse totalement nos clivages.
Le sous-amendement n° 1200 ouvre donc la voie à une question essentielle, que le rapporteur Dominique Leclerc connaît bien : celle des personnes âgées et des handicapés. Qui s’en occupera ? Comment prendrons-nous en compte le temps de travail des personnes qui se consacreront à la question du handicap et de la dépendance ? C’est entre autres à ce titre que l’on pourra constater le rôle central des femmes.
Nous n’échapperons pas à cette question ; elle est devant nous et doit tous nous interpeller. Cet amendement a l’avantage de la poser. Le Gouvernement a pensé faire une ouverture, mais il faut aller plus loin.
Pour toutes ces raisons, je souhaite vivement que la Haute Assemblée engage une réflexion de fond sur le monde du travail, dont nous pourrons traduire les conclusions dans un texte qui sera alors d’autant amélioré.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Le vote de ce sous-amendement est l’occasion pour moi d’apporter quelques précisions sur l’amendement du Gouvernement.
En proposant une mesure pour les mères de trois enfants, nous répondons à la question posée : où sont, en termes de trimestres de cotisations, les inégalités entre les hommes et les femmes, sinon plus particulièrement sur les générations que nous visons ? Il suffit de regarder le dossier pour en être convaincu. D’où l’initiative prise par le Gouvernement.
Il n’est qu’à lire les études de l’INSEE ou les évaluations que le Conseil d’orientation des retraites a publiées en 2008 à ce sujet : c’est au troisième enfant que le taux d’emploi « décroche » ; chez les femmes qui ont un ou deux enfants, ce taux est bien plus élevé. Or cette situation concerne d’abord les générations de femmes qui partiront à la retraite à compter de l’année prochaine et qui comptabilisent un nombre de trimestres moins important que les hommes. C’est pour cela que le Gouvernement a déposé cet amendement. Il ne s’agit nullement d’un « cadeau », comme d’aucuns le prétendent, non sans une certaine désinvolture : la question ne se pose pas en ces termes !
Il faut plutôt entendre cette disposition comme une mesure d’équité vis-à-vis de la population féminine.
À ce propos, je tiens à faire remarquer que l’on ne peut pas, dans le même temps, reconnaître la nécessité d’une réforme des retraites et ne proposer que des exceptions à ce dispositif !
Il faut un système général permettant d’équilibrer le régime de retraite par répartition. Je sais qu’il vous est difficile d’entendre de tels propos.
M. Éric Woerth, ministre. Au fond, pour vous, il peut y avoir autant de déficits que l’on veut, ce n’est pas si grave ! Ce n’est pas notre position : nous avons, nous, une responsabilité vis-à-vis des Français !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sauver le système des retraites est la première des mesures de justice. Ne rien faire serait au contraire la pire des injustices. Qui paiera les dispositifs de solidarité si le système des retraites n’est pas financé ? Ce sont 30 milliards d’euros financés par la CNAV et le FSV qui sont consacrés à la solidarité dans le système de retraite ; je pense aux majorations de durée d’assurance, aux congés parentaux, à la prise en compte du chômage. Or cette somme représente exactement le niveau du déficit global de l’ensemble des régimes de retraite.
Si nous voulons conserver le système de retraite par répartition et maintenir le principe de solidarité qui le fonde, il faut le faire évoluer. Mais si, à coups d’amendements ou de sous-amendements, vous ne proposez que des dérogations aux dispositions prévues, il n’y aura bientôt plus de réforme !
Vouloir que toutes les femmes puissent partir à la retraite à 65 ans est extrêmement généreux de votre part, sauf que cela met en péril le régime de retraite et, par voie de conséquence, l’ensemble des Français.
Nous devons prendre des mesures. Nous l’avons fait pour les chômeurs et pour les personnes handicapées ; nous le faisons pour les femmes lorsque nous constatons une iniquité flagrante. Bien sûr, il ne faut pas en rester là, Mme Panis a bien raison, nous avons le devoir de continuer à agir en faveur de la population féminine, ...
... notamment en nous attaquant à l’inégalité salariale.
Oui, madame Borvo, il est temps ! Cela fait des années que nous cherchons à la réduire, en vain. Aujourd'hui, il faut des résultats et ce texte, que j’espère – j’en ai la certitude – vous voterez, prévoit une sanction financière pour les entreprises.
Nous devons également faire en sorte que les femmes qui ont des enfants puissent avoir véritablement le choix de reprendre ou non leur travail. Pour ce faire, des mesures s’imposent. Je pense, par exemple, à l’augmentation du nombre de places en crèche dans notre pays.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Le libre choix, c’est aussi d’avoir une société qui vous permette de répondre aux besoins.
Il faut avoir du cœur, avez-vous affirmé. Je ne reprendrai pas la réplique célèbre sur le monopole du cœur : je ne crois pas que le débat soit celui-là.
Tout le monde a envie que nos concitoyens vivent plus heureux, que les emplois soient plus nombreux, qu’il soit plus facile de mener sa vie personnelle et dans les meilleures conditions. Pour cela, il faut que notre législation et notre système de protection sociale tiennent le choc et évoluent en même temps que la société tout entière.
C’est ce à quoi nous nous attachons à travers cette réforme : nous voulons un système qui permette à chacune et à chacun de bénéficier d’une retraite financée jusqu’au bout dans des conditions claires. C'est la raison pour laquelle il faut modifier le système existant.
Madame Panis, le Gouvernement est sensible à votre argument, mais il préfère que le sous-amendement soit retiré, dans la mesure où l'amendement n° 1182 répond très précisément à la question que vous posez en offrant une solution aux femmes qui comptent moins de trimestres que les hommes.
Monsieur le président, mes chers collègues, sur les documents qui vous ont été transmis figure effectivement un avis de sagesse. Je souhaite dans ces conditions rappeler ce qu’est réellement l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 1200.
En commission, Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a rapporté très brièvement les principales conclusions de la délégation, et Dieu sait si elles sont partagées.
Mme Catherine Tasca a, quant à elle, insisté sur les « inégalités cumulées » dont souffrent les femmes et a suggéré que les réponses les plus importantes devaient être apportées précisément au moment où les familles supportent la charge de l’éducation des enfants.
M. Yves Dauge l’a rappelé à l’instant et à juste titre : la vie a changé, la société a évolué.
Il nous faut par conséquent proposer des solutions, non seulement au problème des retraites, mais aussi à celui du vieillissement de la population. Cela suppose de régler la question des financements.
Dans quelques semaines, nous serons appelés à réfléchir aux améliorations à apporter en matière de prise en charge de la maladie, de la dépendance, du logement des personnes âgées. Et notre système de retraite par répartition connaît déjà un déficit très important, de l’ordre de 30 milliards d'euros. M. le ministre l’a rappelé, nous connaissons tous les chiffres.
La retraite est le reflet de la vie professionnelle ; elle ne saurait être le moment où toutes les inégalités sont réglées. Notre système est essentiellement contributif.
Le sous-amendement qu’a présenté Mme Jacqueline Panis tend à faire disparaître la plupart des conditions exigées pour bénéficier de la mesure proposée par le Gouvernement. Son adoption rendrait la disposition beaucoup plus coûteuse, sans avoir pour autant d’effets significatifs sur la situation des femmes.
Mme Raymonde Le Texier s’exclame.
Nous le savons, entre les hommes et les femmes, le problème n’est pas tant celui du nombre de trimestres que celui de l’écart entre les pensions – 38 % – qui s’explique par des vies professionnelles différentes et des inégalités salariales. Sur ce point, le projet de loi prévoit une avancée significative.
Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Pour conclure, je rappelle que la commission avait émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cela figure dans le compte rendu des commissions, je viens de vérifier !
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Vous avez déjà expliqué votre vote sur ce sous-amendement, ma chère collègue.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 13 :
Nombre de votants336Nombre de suffrages exprimés335Majorité absolue des suffrages exprimés168Pour l’adoption158Contre 177Le Sénat n'a pas adopté.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. le rapporteur manifeste son exaspération.
Je voudrais rappeler que notre groupe n’a pas eu le loisir de défendre ses sous-amendements financiers, qui contenaient des propositions ouvrant des pistes de financement immédiates.
Ces sous-amendements s’inscrivaient dans une logique de désintoxication financière de notre économie. Car la situation est telle qu’aujourd’hui les grands patrons, ceux qui bénéficient des stock-options, des actions gratuites ou des parachutes dorés, ont tout à attendre de l’instabilité économique.
Comme le souligne Christian Chavagneux dans le numéro d’Alternatives économiques de juillet-août 2010, « Pratiquement deux ans et demi après la crise, qu’est ce qui a changé ? A priori rien. Les marchés continuent de spéculer à cœur joie. Ils profitent d’une instabilité qu’ils sont les premiers à entretenir, car plus il y a de volatilité, plus il y a de paris à faire et plus il y a de l’argent à gagner ». Et de rajouter « et comme ils gagnent effectivement beaucoup d’argent, les bonus suivent ».
Si rien n’a changé depuis deux ans, c’est que, contrairement aux déclarations du Président de la République faites à New York, loin des pressions du MEDEF français, les règles n’ont pas changé et ne changeront pas. « La finance au service de l’économie », vantée devant l’ONU, est une chimère, et ce projet de loi en est la preuve. Contrairement à ce que vous tentez de dire, il n’est pas juste. Comment pourrait-il en être autrement quand les marchés financiers se gavent sur le dos des salariés sans qu’aucune barrière ne soit instaurée ?
À l’opposé de vos discours rassurants, vous continuez à laisser les mains libres aux financiers, et cela produit des scandales que nos concitoyens – à raison – ne supportent plus. Primes de bienvenue, bonus, actions gratuites, stock-options, parachutes dorés, retraites chapeaux... la panoplie est fournie et usée jusqu’à la corde ! Je pense particulièrement aux salariés de Valeo, qui ont découvert le montant astronomique du parachute doré accordé à leur patron, Thierry Morin, lequel a bénéficié d’un cadeau de départ de 3, 2 milliards d’euros, alors qu’il laisse derrière lui un déficit de 200 millions d’euros et sur le carreau 1 600 salariés ! Un parachute doré auquel il convient d’ajouter les 900 000 euros annuels de retraite chapeau qu’il percevra chaque année jusqu’à la fin de sa vie !
Cette pratique qui, là encore, déconnecte entièrement la rémunération des dirigeants de leurs réussites en termes de gestion n’est tout simplement plus acceptable ni sur le plan économique ni sur le plan de la justice sociale que vous appelez « morale ».
Sur le plan économique, d’abord, ces sommes, parfois colossales, données aux PDG manquent naturellement à l’investissement des entreprises, qui en ont pourtant besoin. Là encore, nous nous souvenions du discours de Nicolas Sarkozy sur la règle du partage en trois tiers. Nous étions sceptiques. Mais nous constatons surtout aujourd’hui que, de ce principe, vous ne parlez plus.
Le partage, aujourd’hui, c’est tout pour les patrons et rien pour les salariés ! D’ailleurs, si les parachutes dorés échappent en partie aux cotisations sociales, les salariés licenciés, quant à eux, payent bien des cotisations sur leurs indemnités de licenciement.
Sur le plan de la justice sociale, ensuite, cette pratique n’est plus acceptable. Au nom de quoi un dirigeant qui, après avoir parfois touché des subventions publiques, laisse derrière lui des entreprises exsangues, devrait-il percevoir pour cette mauvaise gestion un parachute doré ? Rien ne le justifie ! C’est la raison pour laquelle nous avions déposé ces sous-amendements.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Nous l’avons dit depuis une semaine, ce qui caractérise ce projet de loi, c’est son injustice.
Voyez-vous, monsieur le ministre, vous n’avez jamais répondu à une question très simple.
Dans le financement de la réforme que vous proposez, 90 % sont portés par les revenus des salariés et 10 % par les revenus du capital, de la rente ou de la spéculation. Est-ce juste ?
Vous savez bien que non ! Depuis que nous participons à ces débats, nous n’avons entendu personne nous expliquer en quoi cela est juste. Si certains pensent le contraire, ils pourraient argumenter et tenter de nous convaincre.
Peut-être les chiffres que je viens de citer – 90 % et 10 % – sont-ils inexacts, mais, dans ce cas, j’aimerais bien que le Gouvernement nous donne ceux qu’il pense exacts. Jusqu’à présent, je n’ai entendu personne me contredire sur cette répartition.
Les Français touchés par le bouclier fiscal seront mis à contribution, nous dit-on. Très bien ! Encore faut-il préciser que, calculs faits, ces Français paieraient entre 500 et 700 euros par an…
Mme Liliane Bettencourt s’est vu rembourser par l’État au titre du bouclier fiscal 30 millions d’euros.
Mon cher collègue, elle a payé beaucoup d’impôts parce qu’elle a des revenus considérables ! Pensez-vous qu’il soit juste qu’un contribuable qui reçoit 30 millions d’euros au titre du bouclier fiscal - parce qu’il paie beaucoup d’impôts, certes, mais aussi parce qu’il a beaucoup de revenus -, ne contribue au financement de la retraite qu’à hauteur de 500 ou 700 euros par an ?
Comme le dit M. Jean-Louis Carrère, qui est très avisé, c’est la quête ! Franchement, ce sont les bonnes œuvres !
Monsieur le ministre, il y a quand même un problème dans ce projet de loi, c’est l’injustice, tout le monde le sait.
Le sous-amendement présenté par nos collègues du groupe CRC-SPG, qui est identique à celui qui est défendu par le groupe socialiste, ce qui prouve une grande unité de vues, …
… vise à supprimer les mots « nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 inclus ».
Monsieur le ministre, nous l’avons expliqué longuement tout à l’heure, nous trouvons absurde de réduire votre proposition aux seules femmes ayant eu trois enfants. Nous pensons qu’elle peut s’appliquer à toutes les femmes ayant élevé des enfants, voire un enfant.
Et pourquoi cette mesure, dont Mme Blandin a parlé tout à l’heure avec éloquence et beaucoup de force de conviction, ne s’appliquerait-elle qu’aux femmes nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 inclus ?
On a l’impression que, lorsqu’il s’agit de taxer les bénéficiaires du bouclier fiscal, vous êtes très parcimonieux, mais que, lorsqu’il s’agit des femmes ayant élevé des enfants, vous êtes particulièrement pingres ! Ce « nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 inclus », croyez-moi, il est très mal perçu !
Si vous avez pensé que cette « concession » serait de nature à faire baisser la contestation, je puis vous dire que c’est exactement le contraire qui est en train de se produire !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
… dire et redire ce que nous disons depuis le début de cette séance. Je vais donc me répéter, mais sans aucun complexe : je ne vois pas pourquoi il n’y aurait que le ministre qui aurait le droit de nous expliquer toujours la même chose, avec les mêmes arguments, pour expliquer que, finalement, les femmes n’ont droit à rien !
Oui, je tiens à rappeler les trois clauses qui permettraient à certaines femmes de continuer à prendre leur retraite sans décote à 65 ans, et ce d’autant plus que, si j’en crois ce qu’ont rapporté les médias ce week-end, ce n’est manifestement pas rentré dans la tête de tout le monde ! D’abord, il faut être née entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955. Ensuite, il faut avoir eu ou élevé au moins trois enfants. Enfin, il faut avoir cessé de travailler pour élever ses enfants, ce qui suppose d’avoir commencé à travailler avant.
Or, comme nous l’avons démontré à plusieurs reprises, entre 1951 et 1955, les femmes se mariaient jeunes et avaient des enfants tout de suite. La plupart n’ont donc pas pu travailler avant l’arrivée du premier enfant. C’est plutôt à partir des années soixante que les femmes sont massivement entrées dans le monde du travail.
Avec ces deux sous-amendements identiques, l’un du groupe CRC-SPG et l’autre du groupe socialiste, il s’agit de faire sauter la clause « 1951-1955 ». On comprend bien pourquoi vous l’avez mise en place : très peu de femmes sont concernées !
J’aimerais d’ailleurs savoir comment vous avez chiffré le nombre de femmes concernées et évalué le coût pour le Gouvernement. Cela me laisse très sceptique !
Donc, avec cette clause, la mesure ne touche qu’un minimum de femmes, qui vont réfléchir très sérieusement à leur retraite, qu’elles vont prendre dans un délai d’un, deux ou trois ans à partir de 2012. Voilà donc des raisons supplémentaires pour être très attentifs à cette petite poignée de femmes…
Franchement, monsieur le ministre, si vous tenez du Président de la République cette feuille de route – « Trouvez-moi un machin pour les femmes qui puisse faire croire qu’on lâche du lest et qui fasse du buzz sans coûter cher » -, mission accomplie !
M. le ministre s’exclame.
Et si je m’exprime de cette manière plutôt cavalière, c’est parce que j’imagine – sans doute à tort – que le Président de la République n’en a pas usé autrement avec vous !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ces sous-amendements identiques nous renvoient au précédent, et je me permets d’y revenir.
En effet, à l’occasion de l’examen du sous-amendement de notre collègueJacqueline Panis tout à l’heure, M. le ministre a réagi dans des termes qui ne lassent pas de m’inquiéter, disant en substance que ceux qui sont vraiment attachés à une réforme des retraites ne peuvent pas souscrire à des amendements qui élargissent démesurément le champ de ce que le Gouvernement propose aujourd’hui.
Je tiens à le dire, c’est faire bien peu de cas de nombreuses personnalités qui, sur toutes ces travées-ci de l’hémicycle, je veux parler des membres de la majorité sénatoriale, ont formulé des propositions différentes de celles du Gouvernement.
Je vous ai écouté, monsieur le président. Vous avez, vous aussi, proposé une tranche d’âge qui n’était pas celle que le Gouvernement a retenue et qui se rapproche plus de la solution de Mme Panis.
Oui, en vérité, le ministre fait bien peu de cas non seulement des membres de la majorité sénatoriale, qui s’expriment en leur âme et conscience, et en toute liberté, mais aussi du président du Sénat !
De plus, l’avis de M. le rapporteur sur le sous-amendement de Mme Panis me pose problème et mérite quelques explications en ce qu’il a pu avoir une influence sur le vote qui vient d’intervenir.
Mes chers collègues, si vous vous reportez à la liasse qui vous a été distribuée, vous pouvez constater que, sur le sous-amendement n° 1200 de Mme Panis, la mention des avis de la commission et du Gouvernement fait apparaître, dans la case « C » – « C » pour « commission » –, que la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat. Or, monsieur le rapporteur, vous avez indiqué en séance que la commission avait émis un avis défavorable. Vraiment, j’aimerais comprendre !
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, le sujet est grave, et vous savez à quel point j’y tiens ! Mais, si j’étais d’humeur à plaisanter en ce lundi matin, je dirais que vous avez un problème avec les femmes !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je vous avais rappelé dans la nuit de jeudi à vendredi que vous leur aviez déjà supprimé la demi-part fiscale accordée aux parents isolés – la mesure sera éteinte en 2018 ; aujourd’hui, vous vous attaquez directement à la retraite des femmes. Je pense que la Nation s’honorerait de témoigner sa reconnaissance à ces femmes qui, de génération en génération, après-guerre et même avant, ont, par leur travail, apporté une contribution fondamentale à l’économie et un soutien à la croissance.
Personne n’en doute, monsieur About, sauf que, on le voit bien, la retraite des femmes reste encore un obstacle bien difficile à franchir.
Oui, les femmes ont rendu à la vie sociale, à la cohésion, au vivre ensemble et, n’ayons pas peur de le dire, au sociétal dans notre pays un service incroyable.
Tout en travaillant, elles ont, en particulier les femmes de la génération d’après-guerre, …
… élevé les enfants, et maintenant ce sont elles qui, la plupart du temps, gèrent la dépendance en s’occupant de leurs vieux parents.
Aujourd’hui, vous proposez une dérogation pour les femmes nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955. Monsieur le ministre, j’ai ici quelques chiffres relatifs à l’interruption d’activité des mères de famille.
Les femmes qui ont eu trois enfants et qui sont nées entre 1954 et 1959 sont 68 % à ne plus travailler ; celles qui sont nées entre 1960 et 1969 ne travaillent plus à 68 % ; celles qui sont nées entre 1970 et 1985 ne travaillent plus à 71 %. Alors, pourquoi retenir ce critère de la naissance entre 1951 et 1955, critère que notre sous-amendement tend à supprimer ? Est-il lié à un impératif financier ?
Monsieur le ministre, vous étiez encore ministre du budget quand vous avez remis pour pertes à la Société générale 1, 7 milliard d’euros.
Voilà le véritable scandale ! Le 1, 7 milliard d’euros remis à la Société générale, cela a été caché !
Par conséquent, si l’on veut trouver de l’argent, on peut en trouver. Il n’y en a pas énormément, je connais l’état de nos finances publiques ; mais on peut en trouver.
Pour cela, cependant, il faut une vraie réforme des retraites en même temps qu’une vraie réforme fiscale ; vous le savez, l’une et l’autre sont indissociables.
Dès lors, s’il ne s’agit pas de répondre à un impératif financier, une telle disposition relève du choix. Vous l’avez dit, les uns et les autres, la semaine dernière. M. le président du Sénat lui-même, dans un entretien, avait affirmé que l’impératif familial serait pris en compte.
Les familles ont bon dos ! Quand il s’est agi d’autoriser plus largement le travail dominical, vous ne vous êtes pas beaucoup préoccupés des familles et du sort des enfants ! Les mêmes qui demandent aujourd’hui l’application de sanctions à l’encontre des parents qui n’assumeraient pas leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants, ils ne se sont pas beaucoup préoccupés du sujet à ce moment-là !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ne venez donc pas nous faire le coup de la famille ! Monsieur le ministre, comme je viens de vous le démontrer chiffres à l’appui, l’argument sur le critère de la naissance entre 1951 et 1955 ne tient pas. Quant à la famille, que ce soit sur le plan sociétal ou sur le plan social, vous n’avez pas de leçon à donner à la gauche !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je souhaitais répondre à M. Bel sur la question de l’avis exprimé en commission sur le sous-amendement n° 1200 de Mme Panis : la commission ne s’en était pas remise à la sagesse du Sénat, mais avait émis un avis défavorable.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
En séance publique, le vendredi 8 octobre, le rapporteur a émis l’avis suivant, qui est repris dans le compte rendu analytique : « La commission a donné un avis favorable aux deux amendements du Gouvernement, qui répondent aux préoccupations du Sénat. Elle est favorable au sous-amendement n° 1183 rectifié bis du président About et du groupe UC, qui prend en compte le cas des enfants handicapés devenus adultes ; sagesse sur le sous-amendement n° 1199 du groupe socialiste. Défavorable aux autres sous-amendements. […] la commission avait émis des avis de sagesse sur les amendements n° 37, 38, 248 rectifié, 285 et 563. »
Voilà pour la confirmation de ce qui avait été décidé en commission.
M. Bel se lève et montre le sous-amendement n° 1200.
Mes chers collègues, il s’agit d’une erreur, et j’ai demandé à ce qu’il soit procédé à l’enquête nécessaire dans le service concerné.
Nous étions très attentifs à cette rectification, monsieur le président.
Le sous-amendement du groupe CRC-SPG, à l’instar du sous-amendement identique du groupe socialiste, vise à supprimer la restriction d’âge correspondant à la période du 1er juillet 1951 au 31 décembre 1955 inclus.
Nous avons proposé ce sous-amendement parce que nous sommes convaincus que, sinon, les femmes seront lourdement pénalisées. Nous sommes là au cœur de la problématique.
En effet, les mesures proposées par le Gouvernement et la majorité visent de toute évidence à faire diversion. Le Gouvernement affirme que les femmes bénéficient déjà de nombreux dispositifs de solidarité au sein des régimes de retraite qui compensent efficacement les aléas de carrière, mais c’est faux ! Le Gouvernement ment !
Comment peut-il ignorer que la pension des femmes – je l’ai déjà dit – est en moyenne égale à 62 % de celle des hommes, qu’à la retraite une femme sur deux vit avec moins de 900 euros par mois, c’est-à-dire le minimum contributif ?
Les raisons sont multiples. La retraite est la caisse de résonance de toutes les inégalités vécues par les femmes dans leur vie active : les bas salaires, les carrières morcelées, incomplètes, liées aux interruptions pour élever les enfants, la multiplication des emplois précaires, les temps partiels imposés par les entreprises sont autant d’inégalités dont les effets cumulés se font sentir au moment de la retraite.
Je le répète, les femmes ne sont pas seulement touchées en termes de niveau de pension. L’âge tardif auquel beaucoup d’entre elles accèdent à la retraite pour ne pas subir la décote imposée témoigne aussi de cette situation inégalitaire. Et votre réforme, ne serait-ce que sur ce point de la décote, va accentuer toutes les inégalités !
Faute d’avoir validé le nombre de trimestres suffisants, 30 % des femmes sont contraintes d’attendre leurs 65 ans pour liquider leur retraite, contre 5 % des hommes, souvent, d’ailleurs, dans des conditions de vie extrêmement précaires, puisqu’elles connaissent en alternance petits boulots et chômage.
Et vous repoussez à 67 ans l’âge ouvrant droit à la retraite à taux plein ?
C’est l’occasion pour nous de rappeler que les précédentes réformes ont déjà clairement dégradé le niveau de vie des femmes retraitées : 1995, 2003 et 2007 sont autant de bornes qui ont jalonné la dégradation des régimes de retraite de l’ensemble des Françaises et des Français, en particulier ceux des femmes.
Le projet de la droite va amplifier cette détérioration, …
… et seules celles et ceux qui auront les moyens pourront, en se tournant vers l’épargne privée, se garantir une retraite décente.
En remettant en cause la retraite à 60 ans, en allongeant la durée de cotisation, en refusant de reconnaître la pénibilité de certaines professions et de certaines conditions de travail, le Gouvernement a choisi la voie de l’aggravation des inégalités entre les hommes et les femmes et du recul social pour tous et toutes.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Mme Isabelle Debré. Depuis ce matin, on a vraiment l’impression que seule la gauche se préoccupe du sort des femmes !
Oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
En 1975, c’est grâce à la gauche que le droit à l’avortement a été reconnu !
Je voudrais juste faire quelques rappels historiques.
En 1971, la loi Boulin – il me semble que ce n’était pas totalement de gauche – a créé la MDA, la majoration de la durée d’assurance ; l’opposition a voté contre.
En 1972 a été créée l’AVPF, l’assurance vieillesse des parents au foyer ; là encore, c’est le résultat du vote de la loi Boulin.
La loi Veil, en 1994
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
, a ouvert aux parents d’au moins deux enfants l’augmentation du plafond de la pension de réversion ; voilà de nouveau une loi au bénéfice des femmes, et là encore, c’est la droite qui l’a fait voter.
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Aujourd’hui, 90 % des femmes valident des trimestres au titre de la MDA. En 2020, près de 60 % des femmes auront validé des trimestres au titre de l’AVPF. Tout cela, c’est la droite qui l’a fait !
Aujourd’hui, on le sait, la véritable inégalité, c’est l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Et qui a pris l’initiative d’un projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ? C’est nous !
Mme Isabelle Debré. Qui veut favoriser l’accès des femmes aux conseils d’administration ? Là encore, c’est nous !
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mme Isabelle Debré. Dans ces conditions, mes chers collègues, je pense que nous n’avons aucune leçon à recevoir de la gauche.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Nous devons travailler ensemble et ne pas chercher à nous approprier cette cause. Vous n’avez pas le monopole des femmes, chers collègues de gauche !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Cela me fait penser au « Vous n’avez pas le monopole du cœur » de M. Giscard d’Estaing !
Je suis un peu étonnée de la tournure que prend ce débat. Les votes ont eu lieu, ils sont ce qu’ils sont. Nous en prenons acte et nous le dirons.
Concernant l’égalité entre les hommes et les femmes, nous avons fait part de nos exigences depuis bien longtemps, de manière continue, avec la loi Roudy, de 1983, et la loi Génisson, plus récente.
Cependant, nous voyons bien qu’aujourd’hui le Gouvernement n’avance pas dans ce domaine. Et ce n’est pas au détour de l’article 31 qui va arriver en débat que l’on réglera la question de l’égalité salariale et de l’égalité professionnelle.
Monsieur le président, lorsque j’ai eu la responsabilité de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, le ministre chargé de ces questions s’était engagé à inscrire son action dans de grandes lois comportant de vraies avancées. Trois ministres se sont succédé depuis, et je vois bien qu’il y a des déclarations d’intention, mais toujours pas d’action !
Certes, il est vrai que plus un problème est difficile à régler, plus on en parle ; mais aujourd’hui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il faudrait une vraie volonté.
Comment ne pas remarquer quelques incohérences ? À l’occasion de la discussion du projet de loi NOME, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, mes collègues qui se battaient pour une parité au sein des conseils d’administration au nom de l’égalité des hommes et des femmes se sont entendu répondre que ce n’était pas le moment. De même, nous allons examiner dans quelques jours la question de la place des femmes dans les conseils d’administration des entreprises, et nous essuyons un refus lorsque nous demandons l’extension du dispositif aux établissements publics !
Sans oublier les conseillers territoriaux, évidemment !
Regardez les dispositions actuelles pour l’égalité des hommes et des femmes : il faut maintenant des actes ! Les femmes ne croient plus aux promesses !
Et je soutiens que, dans ce gouvernement, on manque de volonté politique ! Oui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous manquez de volonté politique sur cette question !
Mme Michèle André. Monsieur le ministre du travail, vous êtes chargé de l’égalité et des droits des femmes. Je vous demande donc solennellement de bien y penser en ce moment.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Le droit des femmes, c’est aussi d’avoir une retraite financée. Le droit à la retraite est celui des hommes et des femmes. Avant qu’il y ait des Françaises, d’un côté, et des Français, de l’autre, il y a des Français de manière générale, …
… et ces derniers ont droit à leur retraite.
Vous pouvez toujours considérer que toute mesure est une mesure de trop, une mesure inégalitaire mais, au fond, vous ne proposez pas de réforme des retraites !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Vous proposez une réforme fiscale. Vous avez une vision électoraliste forcenée de ce débat sur les retraites !
Vous essayez de vous adresser à chaque public en leur promettant que vous ferez plus et mieux, mais vous oubliez qu’il y a 30 milliards d’euros de déficit !
Et que faites-vous du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires ?
Qui va les payer ? Ce sont les futurs retraités, ce sont les jeunes de ce pays !
Nous sommes bien obligés, à un moment donné, de réformer le système de retraite si nous voulons que la répartition fonctionne à plein. Tous les autres pays l’ont fait, nous l’avons déjà dit dix fois et nous le répéterons s’il le faut.
C’est trop facile, vraiment trop facile de découvrir tout d’un coup, comme le fait le parti socialiste, que les retraites des femmes posent problème !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mais si ! Vous découvrez les choses !
La retraite à 60 ans a été faite pour les hommes. Vous n’avez jamais tenu compte des femmes pour cette réforme ! Lorsque vous étiez au gouvernement, vous ne vous êtes jamais posé la question des 65 ans.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
La justice sociale, pour vous, c’est juste un thème de discours. Pour nous, c’est un ensemble d’actions au quotidien. §et nous le prouvons.
L’assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVPF, c’est cette majorité qui l’a faite, ce n’est pas le parti socialiste. Lorsque des mesures doivent être prises pour réformer les retraites, c’est toujours cette majorité qui le fait. Personne ne vous a obligés à ne rien faire pour les femmes, comme cela a été le cas pendant des années de la part du parti socialiste. Il est facile de découvrir les choses et puis de mettre son cœur en bandoulière pour mieux dire qu’il faudrait faire ceci, qu’il faudrait faire cela !
Nous sommes confrontés à quelques questions simples : voulons-nous, oui ou non, sauver le système des retraites par répartition? Faut-il continuer, ou pas, à réserver, au sein du système des retraites par répartition une place importante à la solidarité, qui est largement destinée – et heureusement ! – à la population féminine ?
On en voit les effets aujourd’hui. Lorsque les femmes nées au milieu des années soixante-dix auront 15 trimestres de plus que les hommes, ce sera bien grâce au système de solidarité, et pas grâce à autre chose. Vous ne pouvez pas le nier, c’est la vérité, c’est la réalité !
Monsieur Fischer, il me semble que vous avez parlé de la décote. Celle que vous avez retenue lors du vote de la retraite à 60 ans était de 10 % par année. C’est François Fillon qui l’a ramenée à 5 %. Qui est-ce qui payait les 10 % de décote ? Les femmes ! Cela ne vous a pas émus, mais pas du tout !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Vous avez beau avoir été au gouvernement, je n’ai jamais vu le parti socialiste ni le parti communiste s’émouvoir de la décote à 10 %. Jamais, jamais, jamais ! Sauf que là, tout d’un coup, vous le découvrez. Vous auriez dû, à ce moment-là, voter la réforme de 2003. Il fallait voter cette réforme de François Fillon comme il fallait soutenir son projet sur les carrières longues. Vous ne l’avez pas fait non plus !
Enfin, monsieur Sueur, sur le fait de savoir qui paye, vous dites qu’il s’agit à 85° % ou 90 % les salariés. D’abord, ce pourcentage n’est pas tout à fait exact, car, sur les 20 milliards d’euros de mesures d’âge, une moitié est financée par le report du paiement des pensions et l’autre est financée par les cotisations, car les personnes restent plus longtemps au travail. Mais, sur ces 10 milliards d’euros de cotisations, 6 milliards proviennent des employeurs, des entreprises, et donc ne sont pas financés par les employés.
Sur le « swap UNEDIC », 3, 3 milliards d’euros sont financés par les entreprises. En ce qui concerne les mesures de recettes, les 4, 7 milliards d’euros sont bien financés par les employeurs et les ménages aisés. On a donc au total, sur 30 milliards d’euros de financement, en dehors de l’effort de l’État, j’en conviens, 14 milliards d’euros qui proviennent des entreprises ou des ménages aisés.
Par ailleurs, je le répète car j’y crois profondément, dans un système par répartition, monsieur Sueur, il est au fond assez logique que ceux qui travaillent cotisent au régime. Nous ne sommes pas dans un système par capitalisation ; nous sommes dans un système par répartition ! Dans un tel régime, les actifs d’aujourd’hui payent les retraites d’aujourd’hui, c’est ainsi que cela fonctionne. On peut ne pas approuver ce système par répartition et vouloir en changer, et c’est un autre débat, mais on ne peut pas se dire très attaché au régime par répartition en se désintéressant de ses modalités de financement.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Les sous-amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1185.
Ce sous-amendement a pour objet, je le rappelle, de remplacer les mots « trois enfants » par les mots « un enfant » dans l’amendement présenté par le Gouvernement. Il a reçu un avis défavorable tant de la commission que du Gouvernement et, vu le sort réservé au sous-amendement de Mme Panis, nous nous dirigeons vers l’adoption de l’amendement du Gouvernement n° 1182 non modifié. Or il ne prévoit pas de financement, celui-ci étant renvoyé à la future loi de finances.
Pourtant, M. le ministre nous le disait à l’instant, il y a un impératif financier, car les femmes et les hommes ont droit à une retraite financée. Il nous annonce une mesure qui coûterait 3, 4 milliards d’euros mais dont le financement sera déterminé ultérieurement, au moment de l’examen du projet de loi de finances.
Je propose, pour ma part, de nouveaux financements.
D’ailleurs, nous contestons encore le fait que nos sous-amendements financiers n’aient pas été pris en compte, puisque ces dispositifs devaient justement servir à financer l’amendement du Gouvernement.
Les voilà ! (M. Guy Fischer se lève et brandit une liasse de documents.)
Laissez parler l’orateur, monsieur Fischer, ou bien demandez la parole pour un rappel au règlement.
Veuillez poursuivre, chère collègue.
Je proposais de relever le taux d’imposition à 33 %, ce qui aurait apporté des ressources nouvelles au Gouvernement pour financer ces mesures.
En effet, à travers ce sous-amendement, nous souhaitions modifier de façon non négligeable la fiscalité des entreprises, en mettant en place un taux unique d’imposition des plus-values de cessions d’actifs. Pour le coup, nous sommes bien dans un système par répartition, comme le disait à l’instant M. le ministre, puisque nous demandons que chacun paye sa part de l’impôt pour pouvoir financer notre système de protection sociale, en l’occurrence par l’imposition des plus-values de cessions d’actifs, qu’il s’agisse de biens, de matériels, de brevets et d’éléments immatériels du patrimoine de l’entreprise comme d’actifs financiers purs.
Ce serait une mesure d’équité entre les entreprises, améliorant singulièrement la lisibilité d’un dispositif qui, au fil du temps, s’est très profondément « technicisé », qu’il s’agisse en l’espèce de jouer sur les principes et dérogations de l’article 219 du code général des impôts ou sur les autres dispositions correctrices de l’impôt, crédits d’impôt divers, entre autres.
Ce serait aussi une mesure de rendement, puisque les plus-values perçues par les entreprises se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards d’euros et qu’une progression du moindre point de cette imposition est donc génératrice de plusieurs centaines de millions d’euros de recettes nouvelles.
Vous le voyez, nous proposons des recettes nouvelles pour pouvoir financer les projets du Gouvernement. C’est donc bien le souci de sauvegarder notre système de retraite par répartition qui nous anime.
Certains vont évidemment s’élever contre ce que nous préconisons au nom de la fameuse concurrence fiscale internationale. Si M. Fourcade était là, il protesterait, c’est certain ! C’est oublier que les taux plus faibles pratiqués ailleurs ont souvent comme origine des assiettes différentes de l’imposition des résultats des entreprises.
Il s’agit en outre d’une mesure de cohérence avec celle que nous avons promue quant à la fiscalité des plus-values des particuliers. Il n’y a en effet aucune raison que seuls les particuliers soient mis à contribution pour renforcer les moyens de financement des régimes de retraite solidaires et il est logique qu’un effort particulier soit demandé aux entreprises.
Je ne peux donc que regretter de nouveau que nous n’ayons pas pu mettre en débat ces sous-amendements puisque, précisément, il est ici question de financement et d’équilibre financier, et M. le ministre lui-même a manifesté le souci d’une retraite financée. Malheureusement, à aucun moment vous n’avez voulu mettre en débat d’autres propositions pour un financement nouveau. Vous refusez systématiquement, catégoriquement !
Nous y voyons, pour notre part, une volonté tout à fait délibérée de faire peser 85 %, voire plus, de cette réforme sur le dos des travailleurs, alors que les entreprises et la part de rémunération qui a été déviée vers le capital ne sont absolument pas prises en compte dans ce financement. Nous ne pouvons que le regretter.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Nous avons eu l’occasion de dire les uns et les autres comment nous percevions le débat de ce matin. Le fait de nous exprimer sur ces sujets ne signifie pas que nous ayons la volonté hégémonique de nous faire les uniques défenseurs de la cause. Simplement, au Sénat, lorsqu’on examine un texte, chacun a le droit de s’exprimer et de défendre ses amendements.
Pour autant le ministre ne peut pas non plus dire n’importe quoi, et prétendre que les socialistes ont été jusque-là totalement indifférents aux problèmes des femmes ! La présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a, je crois, pleinement répondu sur ce point.
Si vous voulez vraiment que nous puissions débattre, alors ne nous forcez pas à vous répliquer systématiquement en nous lançant à la figure que nous n’avons rien à vous opposer sinon l’abandon du système par répartition. Je veux rappeler, ce matin, qu’une autre réforme est possible et légitime. Vous devez également, vous aussi, prendre en considération nos propositions, peut-être même les expertiser.
En tout cas, vous ne pouvez pas nous dire que nous n’avons aucune proposition à faire sur la réforme des retraites. J’ai conscience d’en avoir déjà parlé, notamment à l’occasion de la discussion de la motion référendaire. Permettez-moi de vous rappeler quelques points qui sont essentiels pour nous.
La réforme globale des retraites que nous proposons vise notamment à garantir le niveau de vie des retraités. Nous considérons en effet, et nous l’avons dit, que les réformes antérieures ont conduit aujourd’hui à une diminution des retraites des Françaises et des Français.
Nous voulons également une réforme juste, qui permette des efforts partagés, alors qu’aujourd’hui ils reposent à près de 90 % sur les seuls salariés. Nous voulons aussi une réforme durable, parce que nous considérons que, malgré la réforme que vous allez faire adopter, dès l’année prochaine le problème se posera de nouveau. Nous voulons, enfin, permettre davantage de choix individuels dans le cadre de garanties collectives.
J’anticipe la question : « Comment faire pour payer tout cela ? ». Je vous l’explique à nouveau.
En premier lieu, il faut mettre à contribution les revenus du capital. Comment ? Par l’augmentation des prélèvements sociaux sur les bonus et stock-options en élevant le taux de 5 % à 38 %, comme le propose la Cour des comptes ; par le relèvement du forfait appliqué à l’intéressement et à la participation de 4 à 20 % ; par l’application de la CSG sur les revenus du capital actuellement exonérés et par la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales.
À partir de ce programme-là, nous obtenons 19 milliards d’euros en 2010 et 25 milliards d’euros en 2025.
En second lieu, nous prônons l’augmentation modérée et étalée dans le temps des cotisations patronales et salariales. De 2012 à 2021, nous proposons une augmentation de 0, 1 point de cotisation salariale et employeur chaque année, pour un gain estimé à 12 milliards d’euros en 2025.
En troisième lieu, nous en avons beaucoup parlé et Claude Domeizel s’est exprimé avec sa grande connaissance du sujet, n’oublions pas le Fonds de réserve pour les retraites pour faire face à toutes les situations. Mes chers collègues, vous vous souvenez de sa création par le gouvernement Jospin. Le FRR avait pour vocation de sécuriser les jeunes générations d’actifs et de compenser leurs efforts. Depuis 2002, malheureusement, il n’a pas été alimenté. Nous voulons le financer de manière régulière par la création d’une surtaxe de 15 % de l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques, soit un gain de 3 milliards d’euros par an avec un rendement de 4 %. Voilà pour les ressources.
J’aurais pu également évoquer la question essentielle de l’emploi des seniors. Je rappelle, en effet, que seul un salarié de plus de 55 ans sur trois est aujourd’hui en activité.
Après les ressources nouvelles, l’emploi des seniors, la prise en compte de la pénibilité, qui doit être une priorité, est le troisième pilier de notre réforme. Toute période de travail pénible doit donner droit à une majoration des annuités, permettant aux salariés concernés de partir plus tôt à la retraite.
Le quatrième pilier de notre projet est la retraite choisie, une mesure que d’autres préconisent aussi, notamment des leaders syndicaux. Il s’agit d’un système universel et personnalisé, qui permettrait à chacun de faire de vrais choix individuels et d’assurer le financement des retraites.
Ces mesures, nous les avons déjà présentées. Alors, cessez de dire que votre réforme est la seule possible et qu’elle est inéluctable ! D’autres que vous peuvent proposer des projets légèrement ou profondément différents.
Nous avons un projet de réforme des retraites et nous sommes bien décidés à le présenter aux Français. Et peut-être aurons-nous à le mettre en œuvre très rapidement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Oui, nous avons, entre autres, un projet de réforme des retraites !
Même si nous n’approuvons absolument pas vos orientations, monsieur le ministre, nous n’avons jamais nié que vous ayez un projet. Nous vous avons présenté le nôtre : reconnaissez donc qu’il existe un projet alternatif !
Au lieu de cela, vous balayez nos propos d’un revers de main : « Circulez, il n’y a rien à voir ; notre projet est le seul possible, car il est financé et permet de conserver le système par répartition. » Fort bien, monsieur le ministre, mais tout cela est faux !
Votre projet ne permet pas de maintenir le système par répartition, car il n’est pas financé. Loin de le sauvegarder, il lui portera un coup !
Avec vous, nous l’avons bien compris, tout est affaire de communication ! Vous en avez le droit, d’ailleurs, mais permettez-nous de dénoncer ces pratiques...
Chaque fois que vous prenez la parole, en torero averti, vous agitez devant les socialistes, ou d’autres, le petit chiffon rouge de vos arguments fallacieux. Et nous fonçons – moi le premier ! –, ce en quoi nous avons bien tort.
Vous avez l’air inquiet, toutefois, de ce qui pourrait se passer demain, et dans un avenir plus lointain. Je partage votre inquiétude, car on ne sait pas comment peut évoluer un mouvement de cette nature, que vous avez d’ailleurs déclenché.
En revanche, je sais comment on pourrait y mettre fin. Vous n’y parviendrez pas en multipliant les petites ruses, par exemple, en nous faisant examiner par priorité tel ou tel article en vue d’influencer l’opinion publique. Je ne suis pas certain que ces basses manœuvres, censées servir ce qu’il est convenu d’appeler de « grandes causes », soient bien dignes d’une démocratie comme la nôtre !
Je vais vous la donner la clé du problème, monsieur le ministre : commençons par trouver un accord en renonçant à faire de la question de l’âge de départ à la retraite la condition sine qua non qui bloque tout le texte, et travaillons sur la question des durées de cotisation ! Vous verrez que les organisations syndicales seront capables de vous entendre et de revenir à la table des négociations, assez peu fréquentée ces derniers temps.
Vous ne me ferez pas croire que vous n’avez pas compris qu’il y a une forme d’inéluctabilité dans la mobilisation syndicale. Car « ces pauvres gens qui s’apprêtent à faire des grèves reconductibles prenant le risque, pensez ! de bloquer le pays, alors même que l’économie commence à redémarrer », ils ne sont pas les irresponsables que vous dites.
Non, les responsables de cette situation, c’est vous ! Et vous l’êtes pour des raisons idéologiques, parce que le Président de la République veut une victoire idéologique !
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
Si vous voulez vraiment vous placer sur le terrain de la démocratie, sur le terrain social, pourquoi ne pas ouvrir immédiatement un Grenelle des retraites, avec pour base de négociation les durées de cotisation ?
Au lieu de cela, nous le savons bien, vous allez recommencer à agiter le chiffon rouge en désignant les socialistes par-ci, les socialistes par-là... Remarquez, à force de parler de nous, monsieur le ministre, vous allez finir par nous faire une publicité extraordinaire !
Sourires
M. Jean-Louis Carrère. Surtout, continuez à parler de nous ! Vous m’entendrez moins parler de votre mouvement... D’ailleurs, je ne sais même pas comment il s’appelle : vous changez de nom tellement souvent !
Nouveaux sourires.
Qui pourrait croire, monsieur Woerth, que vous détenez la vérité et que tout ce que vous dites est exact ?
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Vous évoquez l’absence de projet alternatif des socialistes : vous trouvez cela correct ? Je pensais que vous vouliez donner une autre image et débattre, projet contre projet, plutôt que de nier la réalité.
Feindre d’ignorer l’existence d’un projet alternatif et refuser absolument d’en discuter avec l’opposition, qui représente, bon an mal an, une bonne partie de nos concitoyens, cela ne fait pas grandir la démocratie !
Enfin, cette pantomime que vous jouez avec ce qu’il est convenu d’appeler « le centre », à chaque fois que vous êtes en difficulté, est dramatique et déplorable. Notre démocratie mérite mieux !
Acceptez de débattre des durées de cotisation et, vous verrez, la sérénité reviendra dans notre pays !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je souhaite revenir sur deux arguments que vous avez développés, monsieur le ministre, en réponse à ceux que nous avons exposés.
Tout d’abord, selon vous, il serait inexact d’affirmer qu’il y a une si grande disproportion entre la part des salariés et celle du capital, de la rente et de la spéculation, au regard du financement de la réforme, car il faudrait prendre en compte, selon vous, les cotisations des entreprises.
Or les cotisations des entreprises, monsieur le ministre, ce sont celles du monde du travail, celles qui proviennent du travail des salariés ! Ces cotisations se répartissent en deux parts, l’une payée par le salarié et l’autre par l’entreprise.
Vous nous rétorquez, si j’ai bien compris, qu’il y a, d’un côté, les cotisations payées par les salariés et, de l’autre, les cotisations versées par l’entreprise et celles provenant du capital, de la rente et de la spéculation. Nous ne partageons pas du tout cette conception !
Qu’elles soient payées par les salariés ou par les employeurs, ces cotisations - qui représentent 90 % de votre réforme -, proviennent les unes et les autres des revenus du travail. Tout le monde comprend cela !
Le reste est payé par le capital, la rente et la spéculation. Vous ne pouvez pas dire que ce qui est payé par l’entreprise est payé par le capital ! Ou alors vous avez une bien étrange conception de l’entreprise...
J’en viens à votre second argument. Selon vous, c’est parce qu’il s’agit d’un régime par répartition que la totalité du financement doit provenir des revenus du travail. Or vous faites précisément le contraire puisque, dans votre réforme, une partie du financement ne provient pas des revenus du travail, et par là j’entends la part payée par les salariés ou celle payée par l’entreprise. Mais vous le faites trop peu !
Vous posez donc un postulat : dans un système de retraite par répartition, il ne faut solliciter que les revenus du travail. Sur quoi se fonde ce postulat ? C’est une déclaration a priori !
Vous savez très bien que ce postulat est faux, monsieur le ministre, puisque vous faites le contraire, mais, pour nous, vous faites trop peu le contraire. Voilà le problème !
Nous refusons ces syllogismes et ces fausses évidences. Nous considérons, bien sûr, qu’il faut maintenir la retraite par répartition, à laquelle nous tenons beaucoup, ...
M. Jean-Pierre Sueur. ... mais que, pour financer ce système, il faut faire appel à tous les revenus, y compris ceux du capital, de la rente et de la spéculation.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
Et vous concluez que nous serions favorables à la retraite par capitalisation, justement parce que nous souhaitions faire appel à ces revenus. J’espère que tout le monde comprend, y compris vous-même, monsieur le ministre, combien ce raisonnement est faux !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je viens d’apprendre que Mme Parisot était intervenue, ce matin, dans le débat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Son avis est évidemment essentiel, puisqu’elle nous explique comment va se dérouler le film !
Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Pour Mme Parisot, quand les salariés et la population critiquent le Gouvernement, cela nuit à la réputation du pays...
Elle dit ensuite que « cette réforme est le fruit d’une très grande concertation et de beaucoup de compromis ». Elle parle, bien sûr, du compromis...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... avec le patronat, puisque celui-ci veut la retraite par capitalisation !
Applaudissements sur les mêmes travées.
Comme le Gouvernement n’ose pas dire dans l’immédiat qu’il souhaite aller vers un régime de retraite par capitalisation, il accepte un compromis avec Mme Parisot qui, dans sa petite « bible », appelait ce système de ses vœux.
La patronne du MEDEF accorde, ensuite, un satisfecit à M. Woerth, ainsi formulé : « Le fait majeur qui explique le déficit du système de retraite par répartition, c’est l’évolution de la démographie ». N’est-ce pas ce que nous répète M. Woerth, sans discontinuer, depuis une semaine ?
Pourquoi ne dites-vous pas clairement, monsieur le ministre, que vous voulez faire payer aux salariés 85 % à 90 % de cette réforme ? Du capital, on ne dit rien ! On a bien compris que, pour vous, c’est un gros mot...
Vous n’avez de cesse de répéter que les choses ont beaucoup changé depuis 1945. Je vous l’accorde, en effet : le capital financier, c’est-à-dire l’argent pour l’argent, déconnecté des réalités économiques et sociales, a envahi le paysage économique !
On voit ce qu’il en coûte aux salariés, qui paient la crise du capitalisme financier ! Et vous leur demandez encore plus, puisqu’ils devront payer davantage pour leur retraite.
Puisque nous sommes tous d’accord pour conserver le régime de retraite par répartition, comme vous ne cessez de le dire, pourquoi ne pas avoir un vrai débat ?
Discutons du financement de la retraite par répartition, afin de déterminer ce que doivent payer les uns et les autres, plutôt que de répéter sans cesse ce que dit en fait Laurence Parisot ! Ce serait un débat intéressant, digne des parlementaires que nous sommes.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Nous sommes d’accord avec Mme Borvo Cohen-Seat sur un point : oui, depuis 1945, le monde a changé. L’idéologie à laquelle elle se réfère depuis des années s’est effondrée, comme le modèle économique du même nom.
Chère collègue, je ne prendrai pas de leçons de la gauche car si cette époque a vu s’accomplir de grandes choses, au sein même de cet hémicycle, sous l’égide du général de Gaulle, ce n’est pas la seule gauche qui a fait avancer la France dans le domaine social ; vous devriez vous en souvenir...
Je tiens à relever un point intéressant de l’intervention du président Bel. Il semble que nous soyons parvenus à un tournant du débat, puisque nous sommes tous d’accord pour faire une réforme.
C’est ce que j’ai retenu des propos de M. Bel.
Cette réforme est nécessaire, car notre système de retraite par répartition est en danger.
Certes, nous divergeons sur la manière de procéder. Nous considérons, pour notre part, qu’il faut reculer l’âge de départ à la retraite et trouver des financements complémentaires.
Vous avez dit, monsieur Carrère, que cette réforme était déséquilibrée et loin d’être financée. Or elle est équilibrée à l’horizon 2018 !
C’est faux ! sur les travées du groupe CRC-SPG.
D’ici là, nous devons effectivement trouver 60 milliards d’euros.
Vous, vous dites, aujourd’hui aux Français : « On ne touche pas aux mesures d’âge, nous pouvons trouver les financements ailleurs ». Je n’ai pas le sentiment que, dans l’opinion publique, tout le monde ait bien compris cela.
C’est là où vous pourriez peut-être faire œuvre de pédagogie parce que beaucoup de nos concitoyens pensent encore, se fondant sur les débats, tel qu’ils ressortent de nos enceintes, qu’effectivement il y a, d’un côté, le Gouvernement qui prône la réforme, et, de l’autre, ceux qui disent qu’il ne faut toucher à rien.
Certes, le débat avance, mais j’aimerais que, les uns ou les autres, animés de bonne volonté, nous contribuions un peu plus à faire comprendre à nos concitoyens qu’il faut effectivement faire une réforme.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes d’accord pour reconnaître la nécessité d’un débat sur le financement, et ce débat aura lieu lors de l’examen du PLF et du PLFSS ; nous avons prévu des financements nouveaux.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
C’est maintenant qu’il faut en débattre, avant de décider le passage à 65 ans !
Nous avons apporté à peu près 4, 2 milliards d’euros de financement avec les mesures nouvelles que nous avons prises. Il y a donc bien des mesures de financement, mais il faut aussi des mesures d’âge tendant à repousser l’âge légal de la retraite.
Quoi que vous disiez, lorsque l’on veut modifier, changer, faire évoluer un système de retraite parce qu’il ne fonctionne plus, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres pays, il faut aussi, à un moment donné, avoir un peu de courage, juste un peu de courage, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition.
Il est sûr et certain que l’opinion publique préfère que l’on ne touche pas à l’âge de la retraite. En même temps, il est dans l’intérêt des Français qu’à un moment donné on élève de façon responsable et raisonnable l’âge de la retraite. Tous les autres pays l’ont fait et donc nous devons le faire. Il faut juste un peu de courage.
M. Éric Woerth, ministre. C’est sûr que ce courage n’est pas partagé sur tous les rangs.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
J’ai apprécié ce que M. Sueur a dit sur les travailleurs et l’entreprise, car c’est une évolution idéologique digne d’être signalée ! Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, on vous entend trop souvent taper sur l’entreprise pour ne pas être un peu étonné quand vous dites que « les travailleurs et l’entreprise, c’est la même chose ». Je suis assez d’accord, les gens qui travaillent dans les entreprises et les entrepreneurs, c’est un peu la même chose.
S’il n’y a plus d’entreprise, il n’y a plus d’emploi. C’est aussi simple que cela. Diaboliser les entreprises, comme vous le faites systématiquement, considérer que, dans l’économie, l’entreprise, c’est le diable, l’horreur absolue, cela ne correspond pas tout à fait à notre façon de voir. Nous pensons, évidemment, que les bonnes entreprises font les beaux emplois.
C’est donc une évolution idéologique que je salue !
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Reste que, jusqu’à présent, vous ne nous avez toujours pas dit, en ce qui concerne le financement, ce que fait le monde du travail, entreprises et salariés.
Vous avez toujours soutenu que les salariés, les travailleurs, « supportaient » 85 % du financement.
Je vous ai déjà dit que ce n’était pas exact, que nombre de mesures sont supportées par les ménages aisés, au travers des revenus du capital.
Beaucoup de mesures sont supportées par les entreprises elles-mêmes et non par les salariés.
J’ai tenté de vous montrer que les salariés au sens large du terme, donc y compris les commerçants et les artisans, sont au cœur du financement d’un régime par répartition. Il faut bien l’admettre.
M. Éric Woerth, ministre. Ce régime a été créé comme cela, et c’est probablement sa force. Nous appelons à de la fiscalité nouvelle pour financer des mesures supplémentaires dans le domaine de la solidarité. Ce sont les 30 milliards dont je parlais. La répartition, ce n’est pas la fiscalisation !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1186.
Nous voulions présenter le sous-amendement n° 1186, monsieur le président. Certes, la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable, mais nous sommes dans l’impossibilité d’expliciter nos propositions financières. Nous y reviendrons très régulièrement, car, aujourd’hui, le problème du financement, qui est au cœur du débat, on vient de le voir, montre bien que la réalité est totalement différente de ce qu’en dit le Gouvernement. Il s’agit bien de faire supporter cette réforme par le plus grand nombre, c’est-à-dire les retraités, les salariés, les chômeurs, les femmes, qui connaissent des difficultés grandissantes.
Ce n’est pas d’hier que la fiscalité a été utilisée pour financer les régimes de retraite. Sans vouloir rappeler à nos collègues de la majorité sénatoriale qu’ils seront amenés très prochainement à débattre et sans doute à soutenir un projet de budget contenant des mesures d’augmentation des impôts destinées à financer en partie la réforme des retraites, on peut en effet remonter dans le temps pour faire apparaître cette antériorité de la fiscalisation des prestations sociales. Vous venez de dire que vous n’êtes pas pour la fiscalisation, monsieur le ministre, pourtant, c’est ce qui se prépare !
Ainsi, par exemple, une fois constatée la non-adhésion des agriculteurs au régime général des salariés pour la sécurité sociale, il a bien fallu trouver autre chose, et le principal outil qui fut utilisé pour alimenter le régime agricole fut celui de la fiscalité : une fiscalité dédiée, d’une part, et une part grandissante soit dit en passant, au fil de la chute continue de la part du financement du régime supportée directement par les agriculteurs eux-mêmes, et une fiscalité indirectement attribuée au même régime par versement d’une subvention d’équilibre tirée du budget du ministère de l’agriculture.
Il est même arrivé - j’en prends à témoin ceux qui ont quelques années de mandat parlementaire, et ils sont relativement nombreux ici - que l’on vote des budgets de l’agriculture où la subvention au budget annexe des prestations sociales agricoles, devenu depuis le FFIPSA, était le premier poste des crédits du ministère et où le BAPSA lui-même obéissait à la règle des trois tiers : un tiers de subvention d’équilibre, un tiers de fiscalité dédiée et le reste réparti entre concours de la compensation inter-régimes et contribution propre des assurés eux-mêmes. Ce sont autant de manifestations du régime général vers la solidarité, notamment pour les agriculteurs.
On pourrait revenir aussi sur l’ISF pour agir sur l’élément le plus dynamique des bases fiscales existant dans notre pays, je parle du patrimoine des plus riches dont le nombre ne cesse d’augmenter et dont la richesse ne cesse de croître, crise financière ou pas.
Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir, l’accroissement des inégalités en termes de répartition de la richesse est le cœur de nos préoccupations sur cette réforme. Il est là, le problème !
Nous sommes face à un enjeu politique : celui du financement pérenne et durable des retraites. Et cet enjeu s’accompagne d’un défi de court terme, que nous devons relever sous peine de mettre en péril notre régime de retraite solidaire, je veux parler du déficit de trésorerie.
S’y ajoutent les problèmes des bas salaires et du chômage, qui ne font pas que des malheureux. Cela nourrit la rémunération du capital et favorise le gonflement du patrimoine. Il est donc légitime que l’on augmente l’ISF, dont la base constitue une image imparfaite.
La majorité laisse penser que nous irons à la suppression du bouclier fiscal à condition que l’on supprime l’ISF. Sur ce point aussi, il y aura des débats très intéressants, auxquels nous ne manquerons pas de participer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense que le journal Libération a eu raison de titrer ce matin : « Les bobards faussent le débat ».
Monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, vous vous êtes étonné des propos que j’ai tenus sur l’entreprise, car vous aviez compris que nous étions contre l’entreprise. Mais enfin, monsieur le ministre, nous sommes pour l’entreprise !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Merci de ne pas nous renvoyer des caricatures, de surcroît complètement archaïques, qui n’ont strictement aucun rapport avec ce que nous pensons et avec ce que notre parti, en particulier, développe depuis très longtemps. Vous le savez très bien, et cela ne grandit absolument pas le débat.
Nous vous le redisons, quand les entreprises paient des cotisations pour la sécurité sociale ou pour les retraites, ces cotisations sont payées avec le fruit du travail de tous ceux qui travaillent dans ces entreprises. C’est donc la contribution du monde du travail au financement. Et il n’est pas besoin de nous renvoyer des positions caricaturales auxquelles nous n’avons jamais adhéré – en tout cas, moi je n’y ai jamais adhéré.
Je suis en total désaccord avec ceux qui sont contre l’entreprise. Nous voulons beaucoup d’entreprises, mais nous voulons qu’elles fonctionnent autrement, que les revenus soient répartis autrement. Nous voulons une autre politique industrielle. Certes, nous voulons que les droits de chacune et de chacun soient respectés dans l’entreprise, et nous l’avons montré, mais nous sommes pour l’entreprise. Alors, oui, merci de ne pas nous renvoyer ces archaïsmes !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1198.
Mme Nicole Bricq. Chers collègues de la majorité, si vous prenez la peine de le lire, vous verrez que c’est un sous-amendement de repli certainement, mais surtout de compromis entre votre proposition et la nôtre. Donc, ne venez pas parler d’obstruction.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Je n’ai pas l’impression que cela vous convainc…
Mais, monsieur le ministre, si vraiment vous aviez voulu, comme vous le prétendez, sauver le système par répartition, il eût fallu l’annoncer dès le programme du candidat Président, parce que le sujet était d’importance, reconnaissez-le, et une fois le candidat élu lancer une grande négociation avec les partenaires sociaux. À la fin du cycle des négociations, la loi eût sanctionné, positivement ou négativement, ces discussions. Ce n’est pas le choix que vous avez fait.
Par ailleurs, vous avez trop souvent mis en avant les déficits causés par la crise financière et économique pour que l’on vous croie quand vous vous dites le sauveur du système par répartition.
Quant à l’argument rabâché qui tient, d’après vous, à l’absence de projet du parti socialiste, permettez-moi de vous dire qu’il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Le président Bel vient encore à l’instant de vous résumer notre projet dans ses grandes lignes.
Il aurait été intéressant que vous le critiquiez, que vous contestiez tel ou tel passage, comme nous le faisons pour votre projet de loi quand nous vous disons qu’il n’est pas durable, puisqu’un nouveau rendez-vous est déjà prévu, et qu’en plus il n’est pas financé totalement.
Il y a un autre argument que vous utilisez, monsieur le ministre, depuis une semaine. Vous posant en Superman de la répartition, vous prétendez que finalement, par irresponsabilité, la gauche ne voudrait pas sauver le système par répartition. (
Vous aurez beaucoup de mal, monsieur le président About, à en convaincre l’opinion, si j’ai bien entendu ce qu’elle réclame quand elle est dans la rue ou quand elle est au travail.
Mme Nicole Bricq. Finalement, à vous entendre, la gauche serait pour la capitalisation ! Je rappelle tout de même que l’une des premières décisions du gouvernement de Lionel Jospin a été de demander l’abrogation de la loi Thomas, qui introduisait les fonds de pension en France. Par conséquent, vous aurez du mal à faire croire à l’opinion que la gauche serait favorable à la retraite par capitalisation ! Non, monsieur le ministre, vous n’êtes pas le sauveur de la retraite par répartition !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1187.
Je voudrais, à ce moment, exposer l’une des mesures contenues dans notre proposition de loi garantissant le financement du droit à la retraite à 60 ans.
M. le ministre nous le disait voilà un instant, le financement d’un système par répartition s’appuie sur la perception de cotisations sociales. Or notre proposition de loi comporte précisément des mesures propres à accroître cette ressource, notamment en supprimant les exonérations de cotisations sociales aujourd’hui consenties aux entreprises, dont le coût pour l’État, et donc pour notre protection sociale, atteint quelque 30 milliards d’euros par an.
Pour notre part, nous souhaitons établir un lien étroit entre le travail et le financement des retraites. En effet, si la sécurité sociale, au-delà du seul système de retraite, est aujourd’hui confrontée à un déficit de cotisations, c’est à cause de votre politique systématique d’exonérations et en raison d’un manque criant de cotisants. Sur ce point, vous invoquez sans cesse un problème démographique, monsieur le ministre, mais nous observons surtout que de plus en plus d’entreprises délocalisent leur production, même quand elle est destinée à notre pays.
Pour satisfaire le MEDEF, qui exige toujours plus de flexibilité, vous et vos amis n’avez eu de cesse d’amoindrir les protections collectives, de faciliter les licenciements et le recours aux contrats atypiques, lesquels, dans certaines entreprises ou secteurs d’activités, sont devenus la norme. Nous préconisons donc une majoration de 10 % des cotisations sociales assises sur la masse salariale des entreprises qui emploient dans une mesure excessive des salariés temporaires, par le biais de CDD ou de contrats d’intérim.
Monsieur le ministre, vous nous disiez tout à l’heure que nous avions une drôle de vision des entreprises. Nous souhaitons simplement qu’elles participent à hauteur de ce qu’elles gagnent au financement de notre protection sociale. En réalité, malgré vos dénégations, la part de la valeur ajoutée affectée à la rémunération du travail, c'est-à-dire aux cotisations sociales et aux salaires, a été réduite de près de 10 %, au profit de la rémunération du capital.
Nous sommes bien conscients que sans entreprises, il n’y a pas d’emplois, mais, à l’inverse, sans salariés, les entreprises ne feraient pas de bénéfices ! On peut reprocher aux entreprises leur manque de responsabilité sociale. C’est un grand sujet, dont l’un de vos prédécesseurs, M. Xavier Bertrand, nous avait abondamment parlé, nous promettant un texte de loi qui aurait prévu, pour les entreprises, certaines obligations en la matière. En effet, si, aujourd’hui, les entreprises se targuent volontiers d’assumer leur responsabilité environnementale, elles ne mettent pas autant d’ardeur à faire preuve de responsabilité sociale au bénéfice de leurs salariés, qui sont souvent sous-payés et mal reconnus.
Pour avoir participé à la mission d’information sur le mal-être au travail, je peux vous garantir que les conditions de travail dans nos entreprises sont parfois dramatiques. Selon moi, la responsabilité sociale devrait faire l’objet d’un accord national interprofessionnel, qui pourrait être décliné dans un projet de loi. Cela permettrait d’améliorer les conditions de travail des salariés.
Notre proposition de loi garantissant le financement du droit à la retraite à 60 ans visait à accroître les recettes de notre système de retraite par répartition. Malheureusement, nous n’avons pas pu la présenter et faire valoir nos arguments ; je ne peux que le regretter, et je vous invite, mes chers collègues, à prendre connaissance de ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1190.
M. Longuet a déclaré que, selon lui, le Parlement ne disposait plus de marge de manœuvre sur ce texte. Cette affirmation n’a pas de quoi réjouir les parlementaires que nous sommes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans doute attendez-vous, chers collègues de la majorité, une annonce du Président de la République, mais en tout cas vous ne servez donc à rien !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Accomplissant notre mission de parlementaires, nous proposons au Sénat d’adopter le présent sous-amendement, qui vise à interdire l’attribution de stock-options.
Cette pratique aujourd’hui répandue, permettant aux entreprises de gratifier, parfois dans une mesure très importante, leurs principaux dirigeants, constitue en réalité purement et simplement une méthode de contournement de la législation sociale. Si elle était intégrée au salaire, cette forme de rémunération serait soumise à cotisations sociales, ce qui rapporterait, selon la Cour des comptes, plusieurs milliards d’euros.
Qu’est-ce qu’une attribution de stock-options ? C’est la possibilité, accordée à une minorité de salariés, d’acheter une action à un prix donné, quel que soit son cours. Prenons l’exemple d’un P-DG qui bénéficie de stock-options à 20 euros l’une. Si le cours de l’action est de 50 euros, il peut « exercer son option », c’est-à-dire acheter des actions au prix de 20 euros, puis empocher une plus-value de 30 euros pour chacune d’entre elles en les revendant immédiatement. Certes, depuis trois ans, la législation sociale a évolué, mais ces éléments de rémunération continuent à se voir appliquer un taux de cotisation différent de celui qui vaut pour les salaires. Ce système permet donc d’éviter de payer l’intégralité des cotisations sociales.
Absolument !
En outre, cette pratique est toxique pour l’économie, car le bénéficiaire de stock-options a tout loisir de revendre bien plus cher, parfois dans la même journée, les actions qu’il a achetées à vil prix : ce mécanisme contribue à nourrir une bulle financière déconnectée de la réalité économique et pervertit la relation entre les dirigeants et leur entreprise. En effet, les P-DG se soucient moins de l’intérêt à long terme de celle-ci que de leurs propres intérêts particuliers de court terme. Une telle situation nuit aux investissements et aux salaires, bref à la bonne marche des entreprises.
Qui défend l’entreprise ? Pas ceux qui détournent l’argent pour leur profit personnel ! C’est une drôle de façon de motiver les cadres dirigeants que de dissocier ainsi leurs intérêts de ceux de l’entreprise !
Pour améliorer le financement du système de retraite par répartition, il faut mettre fin au développement de tels éléments de rémunération au détriment des salaires et, par suite, des cotisations.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1199.
Pour que les choses soient bien claires, je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur ce sous-amendement de repli par rapport aux positions que nous défendons s’agissant de l’amendement n° 1182 du Gouvernement.
Monsieur le ministre, deux des conditions que vous posez pour le maintien de la retraite à taux plein à 65 ans au bénéfice des assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 et ayant eu au moins trois enfants suscitent notre inquiétude.
Tout d’abord, les personnes concernées doivent avoir interrompu ou réduit leur activité professionnelle après la naissance ou l’adoption d’au moins un de leurs enfants, pour se consacrer à l’éducation de ce ou de ces enfants. Cette condition vise à écarter du dispositif les personnes ayant eu ou adopté leurs enfants alors qu’elles n’exerçaient pas d’activité professionnelle, soit parce qu’elles étaient très jeunes, soit parce qu’elles étaient au chômage.
Ensuite, les personnes concernées doivent avoir validé, avant cette interruption ou réduction de leur activité professionnelle, un nombre minimal de trimestres. Quel sera donc ce minimum ? Je vous le demande solennellement, monsieur le ministre, car nous ne pouvons pas rester dans le flou sur un point aussi important, qui conditionnera notre vote sur votre amendement.
Monsieur le ministre, depuis le début de ce débat, votre tactique est de remettre complètement en cause les acquis, avant de concéder quelques petites avancées, sans donner d’explications sérieuses, fondées et exhaustives.
Ainsi, comme vient de le dire Mme Demontès, l’amendement du Gouvernement ne précise aucunement le nombre minimal de trimestres qui devront avoir été validés avant l’interruption ou la réduction de l’activité professionnelle : on est en plein brouillard ! Chaque fois que l’on essaie de comprendre la logique qui vous anime, on s’enfonce un peu plus, comme si l’on marchait dans les marais de la Dobroudja.
Les deux amendements que vous avez déposés soudainement voilà quelques jours étaient censés résoudre tous les problèmes, mais en fait ils ne règlent rien.
Nous l’avons déjà vu dans la nuit de vendredi dernier, quand nous avons débattu de l’amendement relatif aux personnes handicapées : il était supposé constituer une avancée, mais son dispositif était en fait très restrictif. Votre stratégie est, à l’évidence, de faire des propositions vides de tout contenu.
Il en va de même pour les femmes : seules seront concernées par le dispositif de votre amendement celles qui ont eu au moins trois enfants et qui sont nées entre 1951 et 1955. Là encore, vous faites une annonce dont la générosité apparente masque bien mal la misère de votre proposition…
De surcroît, votre mesure est imprécise, ce qui a amené Mme Demontès à vous interpeller à propos du nombre minimal de trimestres devant avoir été validés avant interruption ou réduction de l’activité professionnelle.
Nous sommes peut-être simplistes, mais nous avons du moins le mérite d’être clairs. Notre sous-amendement vise à supprimer un membre de phrase dans votre amendement pour clarifier un tant soit peu les choses. La commission semble avoir estimé que notre suggestion n’était pas absolument sotte, puisqu’elle a émis un avis de sagesse. Monsieur le ministre, essayez pour une fois d’être objectif, et cessez d’affirmer que les socialistes ne proposent rien et n’ont rien fait lorsqu’ils étaient au pouvoir. Prenez en considération nos apports pour bâtir un dispositif qui réponde a minima aux attentes de la population.
Monsieur le ministre, ne méprisez pas l’opposition ! Au travers de notre sous-amendement, nous vous posons une question simple : qu’entendez-vous par « un nombre de trimestres minimum » ? Si la commission des affaires sociales a émis un avis de sagesse sur notre sous-amendement, c’est bien parce qu’elle a un doute et qu’elle attend du Gouvernement des explications. Fixerez-vous ce minimum par la voie réglementaire ? Si telle est votre intention, je suppose que vous allez nous le dire ; vous pourrez alors prendre l’attache de la commission pour préciser les choses. Il me semble que ce serait un bon exemple de coproduction législative, pour reprendre une expression chère au président du groupe UMP de l’Assemblée nationale.
Ce n’est pas tant pour notre propre information que nous sollicitons ces réponses que pour celle des millions de femmes qui ne manqueront pas de s’interroger. Contribuer à les éclairer fait aussi partie de notre mission.
Une femme ayant eu ses enfants de bonne heure n’aura pas nécessairement réussi à valider auparavant suffisamment de trimestres de cotisation, sauf à fixer le seuil si bas que cela en deviendrait injuste à l’égard de celles qui n’auront commencé à travailler qu’après la naissance de leurs enfants.
Même si ce sous-amendement devait être repoussé, je souhaite que nous poursuivions la réflexion jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire, afin d’étudier comment rendre le dispositif plus juste et plus équitable.
La référence, au 2° de l’amendement du Gouvernement, à une interruption de l’activité professionnelle suppose une reprise de celle-ci.
Dans ces conditions, je souhaite que le nombre de trimestres devant avoir été validés soit globalisé, pour prendre en compte les périodes travaillées avant et après l’interruption de l’activité professionnelle, quitte à fixer un minimum plus élevé qu’initialement prévu.
Il ne faut pas se référer aux seuls trimestres antérieurs à l’interruption ou à la réduction d’activité !
Il ne faudrait pas, par exemple, que se trouvent avantagées, par rapport à celles qui auront essayé de concilier tant bien que mal carrière et maternité, les femmes ayant travaillé trois ou quatre trimestres avant d’avoir eu leurs enfants, sans avoir jamais repris d’activité professionnelle ensuite.
M. About veut que toutes les femmes perçoivent une retraite, même celles qui n’ont pas travaillé !
Ce sont des questions sérieuses, il n’y a pas du tout de quoi ricaner ! Certains d’entre nous feraient mieux, au lieu de tout tourner en dérision, de respecter davantage les autres !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. About pose une vraie question, celle du critère de la reprise.
Dans sa rédaction actuelle, le dispositif de l’amendement est équilibré – mais l’on peut continuer à en discuter –, notamment parce qu’il est fondé sur l’expérience. Notre objectif était avant tout de traiter la question de l’interruption d’activité. Nous sommes partis du principe qu’il était injuste que certaines femmes valident moins de trimestres de cotisation parce qu’elles ont dû interrompre leur activité pour élever leurs enfants.
Il se trouve que ce sont les femmes nées pendant la période considérée qui sont avant tout concernées, en particulier parce qu’elles n’ont pas pleinement bénéficié de l’assurance vieillesse des parents au foyer.
Pourquoi avons-nous fixé le seuil à trois enfants, plutôt qu’à deux ou à un ? Parce que nous avons estimé que l’arrivée d’un troisième enfant provoquait ce qu’on pourrait appeler un « décrochage » en matière d’employabilité.
À quels critères les parents concernés devront-ils satisfaire pour bénéficier de la mesure ?
En premier lieu, puisqu’il était question d’une interruption d’activité, nous avons tout d’abord estimé, fort logiquement, que l’intéressé devait avoir travaillé auparavant. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous noterez que cette condition vaut pour les deux parents, donc aussi pour les hommes, qui à l’époque suivaient généralement des études plus longues que les femmes. Nous avons essayé de faire en sorte de bien identifier les problèmes spécifiques aux femmes.
Le nombre minimum de trimestres validés – trois ou quatre – sera fixé prochainement.
En second lieu, nous avons estimé que l’interruption de carrière ouvrant droit au bénéfice de cette mesure devrait être survenue dans les trois ans qui suivent la naissance de l’enfant.
Monsieur About, vous avez raison : nous ne posons pas comme condition supplémentaire la reprise d’activité ; en effet, nous savons bien que nombre des femmes concernées n’ont jamais repris d’activité professionnelle après avoir élevé leurs enfants.
Vous soulevez là une vraie question. Si nous introduisions ce critère supplémentaire, peu de femmes pourraient bénéficier de la mesure, infiniment moins que 135 000. C’est cela que nous avons voulu éviter.
Je le répète, le critère essentiel est l’interruption de carrière, sans que celle-ci ait nécessairement repris a posteriori.
Certaines personnes ont repris leur activité, d’autres pas. C’est très clair.
M. Éric Woerth, ministre. En revanche, il faut obligatoirement avoir travaillé un peu avant l’interruption de l’activité.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Cette interruption de carrière doit intervenir dans un délai de trois ans après la naissance de l’un des trois enfants.
Il faut essayer d’être précis.
M. Éric Woerth, ministre. Il est facile de se livrer à des effets de manches, mais un système de retraite ne se réforme pas par des discours de tribune.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.