La réunion

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La commission entend M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget auprès du ministre des Finances et des Comptes publics, sur l'exécution du budget de l'État au cours de l'exercice 2015.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Cette année 2016 s'ouvre sur une note globalement positive pour les finances publiques puisque les premiers résultats de l'exécution du budget de l'État en 2015 sont meilleurs que prévu. Le solde budgétaire peut encore être ajusté puisque les comptes de l'État seront définitivement arrêtés fin avril avant la présentation du projet de loi de règlement et que c'est à la fin du mois de mars que l'Insee publiera une première estimation du déficit de l'ensemble des administrations publiques.

En 2015, le déficit budgétaire s'est établi à 70,5 milliards d'euros, son niveau le plus bas depuis 2008, en baisse de 2,8 milliards d'euros par rapport à la loi de finances rectificative et de 3,9 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Le déficit de l'État est réduit de 15 milliards d'euros en un an - de 3 milliards d'euros si on exclut les dépenses exceptionnelles réalisées en 2014 au titre du programme des investissements d'avenir (PIA). Ces résultats confortent notre prévision de déficit public de 3,8 % du PIB.

Lors de la loi de finances initiale, nous avions retenu des prévisions réalistes et nos hypothèses pouvaient même être considérées comme prudentes ; cela n'a pas empêché certains de prédire tout au long de l'année des moins-values considérables sur les recettes et des dérapages incontrôlés sur les dépenses. Les chiffres prouvent aujourd'hui que les résultats sont là. Les recettes sont rentrées comme prévu et les dépenses ont été tenues grâce à une gestion budgétaire sérieuse mais aussi réactive, qui nous a permis de financer les nouveaux besoins apparus en cours d'année.

La prudence de nos prévisions et la tenue de nos engagements sont deux éléments clefs de la bonne gestion des finances publiques : elles bénéficient au débat public et renforcent la crédibilité de nos textes financiers.

Notre bonne gestion s'est traduite par le respect de l'objectif de dépenses que vous aviez fixé pour 2015 après réintégration dans le budget général des dépenses militaires antérieurement financées par des recettes exceptionnelles.

Dans le champ de la norme de dépenses hors charge de la dette et pensions, les dépenses sont inférieures de 83 millions d'euros à l'objectif de dépenses de la loi de finances rectificative de fin d'année.

Les dépenses sous norme s'établissent ainsi à 283,9 milliards d'euros, en baisse de 1,4 milliard d'euros par rapport à l'exécution 2014.

Comme l'an dernier, les chiffres sont incontestables : il s'agit bien d'une diminution de la dépense de l'État d'exécution à exécution, venant s'ajouter à la baisse de 3,3 milliards d'euros constatée en 2014. Cette diminution est plus importante encore dans le champ de la norme en volume, qui prend en compte la charge de la dette et les pensions, puisque les dépenses sont en baisse de 1,8 milliard d'euros par rapport à 2014 à périmètre constant. En outre, il n'y a eu aucune dépense exceptionnelle en 2015, ce qui explique que les chiffres de diminution de la dépense totale de l'État que vous trouverez dans la loi de règlement seront encore plus forts.

La dette de l'État envers la sécurité sociale, qui était déjà à un niveau faible à la fin de l'exercice 2014, va encore se réduire et devrait être proche de zéro au titre de 2015 : nous y avons été très attentifs en fin de gestion.

Je rappelle que l'objectif de dépenses a été durci en cours d'année puisque, sur les 4 milliards d'euros de mesures de redressement adoptées au printemps dernier, le budget de l'État en a porté 700 millions.

Tout en respectant cet objectif de dépenses, nous avons été capables de redéployer nos moyens, notamment pour accorder les crédits supplémentaires nécessaires pour assurer la sécurité des Français.

Ainsi, près de 800 millions d'euros ont été redéployés en début d'année pour financer, notamment, les mesures de lutte contre le terrorisme. En fin d'année, nous avons pu faire face, par la réallocation de crédits, aux besoins de nos armées déployées à l'extérieur, aux priorités de politique de l'emploi, aux dépenses d'hébergement d'urgence - sans oublier plus de 800 millions d'euros d'apurements communautaires agricoles. En un mot, nous avons montré notre capacité à assumer en cours d'année la prise en charge de nos priorités, dans un contexte où des économies supplémentaires ont dû être réalisées afin de respecter la trajectoire de déficit public prévue dans le programme de stabilité et réaliser la part du programme de 50 milliards d'économies prévue au titre de l'exercice 2015.

Depuis 2013, les dépenses concernées par la norme « zéro valeur », hors charge de la dette et pensions, ont diminué de 4,6 milliards d'euros et, compte tenu de la modération des taux d'intérêts, en lien avec la situation économique mais également avec la crédibilité de notre stratégie de finances publiques, la charge de la dette a reculé de 2,8 milliards d'euros.

À titre de rappel, entre 2007 et 2011, les dépenses dans un périmètre similaire à celui de la norme « zéro valeur» avaient augmenté de plus de 6 milliards d'euros.

La prévision de recettes a été révisée marginalement entre la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative de fin d'année, confirmant ainsi la prudence des prévisions initiales. Les recettes fiscales nettes ont été ajustées pour tenir compte d'une inflation plus faible qu'anticipé, d'une meilleure appropriation du dispositif du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) par les entreprises mais également de la révision à la hausse du rendement du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), qui a la charge d'imposer les avoirs dissimulés à l'étranger. L'exécution est légèrement meilleure que ce qui était prévu, malgré les prédictions alarmistes que j'ai pu entendre jusqu'à très récemment.

Par rapport à la loi de finances initiale, les recettes fiscales nettes progressent d'un milliard d'euros, dont 400 millions d'euros au titre de l'impôt sur le revenu et 1,1 milliard d'euros au titre des droits de mutations à titre gratuits, c'est-à-dire les recettes liées aux donations et aux successions soutenues, notamment, par le produit du STDR.

Les recettes d'impôt sur les sociétés sont inférieures de 200 millions d'euros à la prévision initiale : la consommation plus importante que prévu de CICE et la mise en place de la mesure de « suramortissement » seraient notamment compensées par un bénéfice fiscal plus dynamique qu'escompté en raison d'un environnement macroéconomique plus favorable et de taux d'intérêts plus bas.

Les recettes de TVA sont inférieures de 800 millions d'euros à la prévision initiale : malgré la faible inflation, la TVA s'est bien tenue tout au long de l'année et l'écart à la loi de finances initiale est surtout lié au remboursement de la dette de l'État envers la sécurité sociale, que vous avez voté en collectif de fin d'année. Enfin, les recettes d'impôt sur la fortune sont inférieures de 400 millions d'euros à la prévision initiale. La plus grande partie de l'écart est due à la révision à la baisse du rendement du STDR sur cette ligne et non à une érosion des bases.

Les plus-values de recettes doivent nous faire relativiser nos débats sur l'exil fiscal : que l'impôt soit plus important ou moins important que prévu ne nous apprend rien sur le comportement des contribuables. C'est un simple écart à une prévision.

Par ailleurs, les recettes ont été soutenues par le rendement de la lutte contre la fraude, les mesures prises, en particulier pour renforcer le STDR, ont porté leurs fruits : les effectifs ont été augmentés, des pôles déconcentrés ont été créés et ces décisions ont permis d'augmenter de 700 millions d'euros les recettes perçues à ce titre.

Tout au long de l'année, les prévisions et les engagements du Gouvernement ont été régulièrement mis en doute - mais en matière budgétaire, la réalité, ce sont les chiffres. Que nous disent les chiffres ? Que la dépense est tenue et que les économies annoncées dans le projet de loi de finances ont été réalisées ; que les impôts sont rentrés normalement dans les caisses de l'État et que la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales produit des résultats ; enfin, que le déficit de l'État est inférieur de près de 4 milliards d'euros à la prévision de la loi de finances initiale et qu'il est au plus bas depuis 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Notre commission est très attentive à l'exécution de la loi de finances et nous faisons en sorte qu'un débat approfondi puisse avoir lieu chaque année sur la loi de règlement.

Quel bilan faites-vous de la première mise en oeuvre de la revue de dépenses, institué par la loi de programmation des finances publiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Récemment Les Echos présentaient en vis-à-vis les situations budgétaires de l'Allemagne et de la France : un excédent de 12,1 milliards d'euros outre-Rhin, un déficit chronique et important chez nous. Je vous concède que les prévisions gagnent en précision et que les perspectives sur le taux de croissance donnent moins qu'avant matière à débat, mais ce décalage avec nos voisins reste un fait incontournable.

Vous comparez avec raison des exécutions budgétaires, mais quelle est l'incidence des programmes d'investissement d'avenir (PIA) ? Le projet de loi de finances pour 2014 présentait un déficit de 70,2 milliards d'euros hors PIA, qu'en est-il des années suivantes une fois les PIA « neutralisés » ?

Quid, ensuite, des prélèvements sur recettes (PSR) au profit de l'Union européenne et au profit des collectivités territoriales ?

Estimez-vous, par ailleurs, que la forte croissance des recettes en matière de droits de mutation est due principalement au STDR - et que le recul des recettes de l'impôt sur les sociétés tient d'abord au CICE, plutôt qu'à d'autres facteurs liés aux résultats financiers des entreprises ?

Enfin, pourquoi déroge-t-on de plus en plus à la règle, fixée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), de contenir à 3 % le montant des reports de crédits ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Le bilan de la revue des dépenses est mitigé, nous évaluons à 500 millions d'euros la première vague d'économies, il faut aller plus loin, par des entrées thématiques précises, en lien avec les deux assemblées parlementaires.

Le PIA représente quelque 12 milliards d'euros en 2014 : même en les défalquant des 15 milliards d'euros de moindre déficit, celui-ci recule de 3 milliards d'euros.

Parmi les recettes fiscales, ensuite, l'augmentation des droits de mutation demande à être regardée de très près, de même que l'évolution des lignes hors STDR : nous pourrons le faire en loi de règlement.

Sur les reports de crédits, soyons clairs : sont-ils condamnables en soi ? Non, parce qu'ils témoignent surtout d'une bonne exécution budgétaire ; cependant, je ne peux pas vous dire aujourd'hui le montant : nous le connaîtrons en loi de règlement. En tout état de cause, les reports de crédits n'ont pas empêché, l'an passé, de tenir la norme de dépenses.

Le PSR au profit de l'Union européenne, lui, recule de 1 milliard d'euros, mais nous avons aussi dépensé 800 millions d'euros d'apurement communautaire. Le PSR au profit des collectivités territoriales atteint 50,5 milliards, c'est 200 millions d'euros de moins que ce qui était prévu en loi de finances initiale.

Pour les collectivités territoriales, les informations dont je dispose confirment les hypothèses que je faisais l'an passé : la dotation globale de fonctionnement (DGF) a baissé, mais les recettes réelles de fonctionnement augmentent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Parce que les collectivités augmentent les impôts locaux !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Combien l'ont fait ? Très peu, vous le verrez. Les recettes augmentent parce qu'il y a une variation nominale des bases, mais également une variation physique de ces dernières : lorsque 200 000 logements sont construits, c'est davantage de taxe foncière pour les recettes locales. Et il faut compter aussi avec les recettes non fiscales. Ce que l'on constate, c'est donc que les recettes augmentent, et avec elles les dépenses engagées par les collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Effectivement, les départements sont dans une situation particulière, quoique loin d'être homogène.

Je suis tout à fait disposé à venir devant votre commission, une fois que je disposerai des chiffres stabilisés, pour examiner la situation des différents échelons de collectivités territoriales : ce sera utile au débat pour la loi de règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Il y a quinze jours, Michel Sapin annonçait un déficit en recul de 14,5 milliards d'euros, vous nous dites 15 milliards aujourd'hui : d'où vient la différence de 500 millions d'euros ?

L'organisation de la COP 21 s'est traduite par des dépenses budgétaires importantes, alors que cette réunion avait une dimension internationale, que son objet est le bien public européen, mondial ; que penseriez-vous, dans ces conditions, d'exclure ce type de dépenses du calcul du déficit public, comme nous l'avons proposé avec François Marc : y a-t-il une chance d'entre entendus à Bruxelles ? D'après nos calculs, la COP 21 représenterait 0,1 point de PIB en dépenses publiques : ce n'est pas négligeable pour passer sous la barre des 3 %...

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Vous répondez, Monsieur le ministre, que le report de crédits ne serait pas un problème, mais vous ne dites rien des reports de dépenses, qui m'inquiètent davantage. Dans la mission dont je suis rapporteur spécial - « Immigration, asile et intégration » - où les besoins sont systématiquement sous-évalués, les prévisions de dépenses sont inchangées cette année, alors que les demandes d'asile vont augmenter, probablement du quart : le décalage représente plus de 200 millions d'euros, rien que sur cette mission - est-ce que vous nous direz que les comptes sont bien tenus, avec de tels écarts tout à fait prévisibles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Le déficit diminue, c'est mieux que quand il augmentait : il faut le reconnaître. Vous rappelez cependant, Monsieur le ministre, que la dépense de l'État recule de 1,4 milliard d'euros : il faut comparer ce chiffre aux 3,6 milliards d'euros de moindres dotations pour les collectivités territoriales, pour apprécier les efforts respectifs dans le recul de la dépense publique.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Le dossier de presse diffusé lors de la présentation des comptes par Michel Sapin faisait déjà mention d'un déficit en recul de 15 milliards d'euros, mes chiffres ne sont pas différents, André Gattolin. Faut-il faire un sort comptable particulier aux quelques 150 à 180 millions d'euros de dépense publique engagés pour la COP 21 ? C'est un enjeu secondaire dans nos relations avec la Commission européenne - ce qui n'est pas le cas, par exemple, pour les dépenses militaires...

Les reports de dépenses, Roger Karoutchi, sont d'usage courant par exemple pour les allocations logement ou encore ce que l'on appelle les « dépenses de guichet » qui sont liées à la situation sociale. La réserve de précaution est prévue pour y faire face.

Concernant les efforts respectifs de l'État et des collectivités territoriales dans le recul de la dépense publique, il faut prendre garde aux comparaisons entre les dépenses et le solde budgétaire. L'État n'a pas ménagé ses efforts, 2 milliards d'euros de dépenses militaires ont été « rebudgétisées », nous avons vendu des fréquences hertziennes pour 2,8 milliards d'euros, alors que les Cassandre n'avaient pas manqué pour nous dire que nous n'arriverions jamais à nos fins... Ce que j'observe par ailleurs, c'est que les recettes des collectivités territoriales progressent et leurs dépenses aussi : les collectivités territoriales, tous échelons confondus, n'ont pas diminué leurs dépenses, je ne fais ici qu'un constat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je me réjouis de pouvoir débattre en amont de la loi de règlement, le sujet le mérite effectivement. Sur les 3,9 milliards d'euros de « meilleure exécution » qu'initialement prévue en loi de finances, 2,8 milliards résultent d'une baisse des annuités de la dette ; s'il faut se réjouir de cette baisse, liée à la faiblesse des taux d'intérêt, la situation n'est pas durable. Aussi, le chiffre que nous souhaiterions avoir est celui correspondant à la variation du stock de dette.

Quelles sont les évolutions précises des dépenses fiscales ? Le plafonnement est-il tenu ?

Les 800 millions d'euros de moindres recettes de TVA, ensuite, nous interrogent : quelle part y prennent le e-commerce et la fraude ? Ce point, que nous avons examiné de manière approfondie au sein de cette commission et lors des débats budgétaires, devra être encore étudié à l'avenir.

Dans la LOLF, nous avons plafonné les reports de crédit : il faut s'y tenir, au nom de la clarté de la loi budgétaire.

Enfin, il faut évaluer précisément l'impact des changements de normes sur les charges locales : la Cour des comptes nous alerte régulièrement, l'assiette des ressources locales varie trop souvent au gré de décisions qui échappent complètement aux collectivités territoriales, par exemple le point d'indice dans la fonction publique - il faut en tenir compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Vous nous dites, Monsieur le ministre, que nous allons moins mal que prévu, comme si nous avions 39,9 de fièvre plutôt que 40 et que nous allions mourir... bien portants : la consolation est des plus maigres !

Je me réjouis de débattre prochainement de la situation des collectivités territoriales, elles participent à l'effort de réduction des dépenses publiques mais les situations sont très diverses - certaines d'entre elles, en particulier des départements, en sont à ne plus pouvoir boucler leur budget. Je crois aussi qu'elles doivent augmenter leurs impôts bien plus que vous ne le dites : si elles ne l'ont pas encore fait, c'est que nous étions en année électorale mais je crains bien des ajustements dès cette année. Il nous faudra être très attentifs, enfin, sur certains transferts entre collectivités territoriales. Je pense en particulier aux transferts des départements aux régions opérés en matière de transports, compensés par le transfert de la moitié de la CVAE perçue par les départements.

Les charges transférées à la région pourraient être moindres que les recettes qui lui sont allouées. C'est le cas pour mon département et c'est un sujet très sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

J'apprécie la fermeté et la sincérité du ministre - les comptes sont bien tenus, nous pouvons tous nous en réjouir. Je crois que nous devons dire à nos collègues élus des collectivités territoriales combien il est irresponsable d'annoncer que le recul des dotations les oblige à diminuer les services rendus à la population : ce qu'il faut commencer par faire, c'est bien remplir les missions correspondant aux compétences propres des collectivités locales, en cessant de vouloir intervenir sur tous les sujets.

Dans la région que j'ai servie en qualité de président - et comme il faut que mon langage ressemble à mon plumage - j'ai diminué les dépenses, c'est tout à fait possible de le faire.

Enfin, parlons de l'avenir : si la crise économique et financière est maintenant terminée, nous sommes entrés dans une période de croissance molle et cette situation s'annonce bien plus difficile que celle des années précédentes ; avez-vous des informations complémentaires à nous apporter à ce sujet, en particulier en ce qui concerne un éventuel affermissement de la croissance ?

Un mot, également, de cette annonce qu'une banque dissimulerait, dans quelque 38 000 comptes, une somme voisinant 12 milliards d'euros d'évasion fiscale : qu'en est-il ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Je ne peux pas encore vous communiquer la part du PIB que nous consacrons à notre dette, faute de connaître le PIB précisément - mais je crois ne pas me tromper en vous annonçant que nous ne dépasserons pas significativement notre objectif de ratio de dette sur PIB pour 2015, soit 96,3 %, avancé dans le cadre du dernier projet de loi de finances,

La TVA, ensuite, est très sensible à l'inflation et le premier constat, c'est que la baisse constatée de 800 millions d'euros - sur 170 milliards d'euros de recette au total - est moindre que l'écart d'inflation, ce qui minore l'influence que pourraient avoir l'e-commerce ou la fraude, deux sujets sur lesquels nous devons continuer de travailler.

Quel est l'impact des normes ? Il est évalué par le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et je crois savoir qu'il a estimé que cet impact était neutre pour 2015.

Éric Doligé, je ne dis pas que tout va bien avec 70 milliards d'euros de déficit, mais je rappelle que nous étions à 150 milliards il y a quelques années : la situation n'est donc pas pire...

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Les collectivités territoriales feraient davantage d'efforts que l'État ? Leurs dotations reculent de 3,6 milliards d'euros mais pas leurs recettes ni leurs dépenses, alors que l'État a supporté tous les allègements d'impôts pour les entreprises et qu'il a compensé les baisses de cotisations sociales, pour un montant voisinant les dix milliards d'euros...

Le produit de la TICPE a fortement augmenté, de même que celui de la CVAE : il faut examiner ces sujets en détail, d'ici la loi de règlement.

Sur la perspective de croissance, enfin, les prévisionnistes ne manquent pas... de prévisions, mais les facteurs sont nombreux : nous restons sur notre hypothèse de 1,5 % et nous ne tarderons pas à avoir de nouveaux éléments d'appréciation.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Dans l'Essonne, l'État a diminué ses dotations de 80 millions d'euros au cours des trois dernières années, mais la dépense au titre du revenu de solidarité active (RSA) augmente, cette année, d'une vingtaine de millions d'euros. La seule issue, ce sont les impôts locaux et nous avons dû augmenter les taxes foncières de 30 %, ce qui n'a pas été bien accueilli, comme vous pouvez vous en douter. Monsieur le ministre, est-il possible de réduire les obligations du département en matière de RSA ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le ministre, quelle que soit votre présentation des chiffres, vous ne pouvez échapper à ce constat simple que la baisse du déficit, pour l'État, est directement liée à celle de ses dotations aux collectivités territoriales : vous devez bien le reconnaître ! Vous nous dites que leurs recettes de fonctionnement augmentent cependant, sans pression fiscale supplémentaire, je crois que vous n'avez pas suffisamment d'éléments - il y a des décalages dans le temps, les impôts locaux augmenteront cette année, on le voit déjà très clairement, car c'est la seule façon pour les collectivités territoriales d'équilibrer leurs budgets.

Enfin, sur la dette, vous ne pouvez pas non plus nier qu'elle continue à augmenter : pourquoi ne pas le reconnaître ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Qu'en était-il en 2010 ? Bonjour Alzheimer...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Les chiffres sont meilleurs qu'annoncés en collectif budgétaire, tant mieux. Cependant, dès lors qu'on a un peu plus de « gras », pourquoi laisser de la dette se reconstituer, comme on le voit par exemple pour les aides au logement ?

Vous nous dites, ensuite, que la hausse plus rapide des recettes que des dépenses traduit une augmentation de l'épargne de gestion, mais nous ne l'avons pas constaté dans nos travaux et je crains que votre tableau ne soit bien optimiste - car ce que nous voyons, sur le terrain, c'est que l'investissement fléchit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je félicite le ministre car son propos ne déclenche guère d'autres commentaires que des satisfecit... Notre rapporteur général s'en est tenu à une comparaison générale avec l'Allemagne, ce qui est une reconnaissance, certes tardive, du travail accompli dès 2003 par le chancelier Gerhard Schröder, un social-démocrate, tout comme Lionel Jospin avait, après Alain Juppé, redressé les comptes nationaux - quoique Jacques Chirac l'ait alors accusé de gaspiller ce qu'il appelait « la cagnotte ». Éric Doligé déplore que la perspective serait de « mourir guéri », mais à 7 % de déficit, comme en 2012, c'est sûr qu'on mourait malade ; on nous répond que le Gouvernement devait alors faire face à la crise, mais à l'époque, l'Allemagne était déjà à 0 % de déficit et l'Italie à 3 %...

Les temps sont difficiles, l'État fait face et nous pouvons faire confiance aux chiffres avancés par le Gouvernement : ce sont de bonnes conditions pour débattre des lois de finances.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Concernant le RSA, Serge Dassault, des fonds de soutien ont été mis en place par le passé et des discussions ont lieu entre l'Association des départements de France (ADF) et le Premier ministre afin de définir les modalités d'un soutien aux départements les plus en difficulté.

Je ne critique pas les collectivités territoriales, Marie-Hélène Des Esgaulx, j'ai quelque expérience pour avoir été maire et conseiller régional - et mon propos est factuel, je garde toute ma mesure et je ne fais que porter une information à votre connaissance, celle que les recettes réelles de fonctionnement augmentent pour les collectivités locales. Les élus sont toujours prestes à dénoncer le recul d'une dotation, mais ils disent rarement quand des ressources augmentent et quand je me déplace - ce qui arrive souvent - je suis assez serein dans le dialogue avec les élus, car les finances locales doivent être appréciées globalement. La DGF ne représente que 20 % à 25 % des recettes des collectivités, et n'oublions pas que d'autres recettes sont dynamiques...

Je vous confirme que nous faisons reculer la dette de l'État vis-à-vis des organismes sociaux...

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Nous nous en sommes expliqués, Francis Delattre, et vous paraissez hermétique à certains faits, en particulier celui-ci que la dette de l'État diminue envers les organismes sociaux.

Enfin, la faible inflation a des effets positifs sur la charge de la dette, à comparer avec son rôle dans le recul des recettes de TVA.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je reviens sur la CADES, donc sur le transfert de 23,8 milliards d'euros de dette sociale de l'ACOSS dont on nous dit qu'il serait d'opportunité. En réalité, ce transfert concerne également les déficits cumulés du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dont les prestations sont directement déterminées par l'État. Vous pouvez donc difficilement vous prévaloir d'une amélioration des comptes sociaux ! Vous ne pouvez pas dire que l'État allège sa pression sur la Sécurité sociale : ce sont des faits, vous ne pouvez qu'être d'accord !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Laissez-moi vous répondre, avant de préjuger de ce que je vais dire...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Les entreprises qui ferment, les artisans et les commerçants qui doivent mettre la clef sous la porte, ne pourront se satisfaire de ce que vous nous dites, Monsieur le ministre ! La crise est grave, les baisses de dotations vont la durcir encore en limitant davantage la commande publique, bien des chantiers ne vont pas se faire : les collectivités sont parvenues à honorer leurs projets l'an passé, elles ne pourront le faire l'an prochain, les conséquences seront dramatiques pour le tissu économique. La France va mal, les électeurs nous le disent partout, un peu de bon sens paysan !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Vous nous dites, Monsieur le ministre, que les collectivités ne baissent pas leurs dépenses, mais c'est faire fi des charges nouvelles qui leur incombent. Et dans le fond, il ne faut pas opposer les dépenses selon qu'elles viennent de l'État ou des collectivités, car il s'agit toujours du même contribuable...

À la fin de l'année 2015, des crédits importants ont été ouverts au profit de la défense, pour faire face à des dépenses nouvelles liées aux opérations extérieures et aux frappes contre l'Organisation État islamique : le ministre de la défense a-t-il pu engager ces crédits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

La tradition de nos débats veut qu'un certain fair play soit respecté ; or, Marie-Hélène Des Esgaulx vient de faire l'objet d'un quolibet : je souhaite que son auteur présente des excuses à notre collègue.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Francis Delattre, vous mentionnez le FSV, mais nous parlons aujourd'hui du budget de l'État, pas de celui de la Sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Justement, le FSV devrait être financé par l'État !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État au budget

Non, il s'agit d'un risque, comme pour les autres branches de la Sécurité sociale. De plus, que le financement passe par l'ACOSS ou la CADES, il s'agit de dépense publique...

Jacques Genest, je ne dis pas que tout va bien et je me rends aussi sur le terrain ; mais je vois que les comptes des collectivités territoriales sont meilleurs qu'on ne le dit, nous en débattrons prochainement avec des éléments détaillés, par catégorie de collectivités.

Dominique de Legge, je n'oppose pas les dépenses de l'État et celles des collectivités, c'est vous qui le faites en comparant leurs efforts respectifs. Ce que nous voulons, c'est créer un mouvement collectif de recul de la dépense publique dans notre pays, qu'il s'agisse de l'État, des collectivités territoriales ou de la Sécurité sociale ; mais comme pour les réformes, tout le monde est pour, sauf à changer quoi que ce soit de sa propre situation...

Le ministère de la défense s'est vu mettre à disposition environ deux milliards d'euros en fin d'année pour couvrir ses dépenses nouvelles ; ce ministère connaît de fortes variations de dépenses, selon ses engagements extérieurs, mais aussi des facteurs très importants comme le faible prix du pétrole - une mission est en cours sur cet aspect.

Enfin, la faible inflation doit être prise en compte à sa juste mesure ; quand certains ministères ont une norme de progression de leurs dépenses de 0,9 % et que l'inflation est nulle, il y a bien une marge entre les deux.

Les fréquences seront, elles, payées en quatre annuités, leur comptabilisation fera l'objet d'une décision conforme aux recommandations de l'INSEE et d'Eurostat.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Que Marie-Hélène Des Esgaulx veuille bien accepter toute mes excuses si d'aventure elle avait reçu ma remarque à titre personnel : quand je dénonce la perte de mémoire, je me place sur le plan politique - parce qu'il est incontestable que le déficit s'établissait à 138 milliards en 2009, à 148 milliards en 2010, et qu'il est moitié moindre aujourd'hui.