Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 8 novembre 2017 à 14h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Photo de Vincent Eblé

Ce que vous dites des rapports entre le ministère et Bercy n'est pas vrai que de l'outre-mer et touche bien d'autres domaines !

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, les crédits de la mission « Outre-mer ».

La réunion est close à 12 h 50.

La réunion est ouverte à 14 h 30.

La commission désigne les candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2017.

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Philippe Dominati, Jean-François Husson, Vincent Capo-Canellas, Claude Raynal et Julien Bargeton comme membres titulaires, et de MM. Thierry Carcenac, Yvon Collin, Philippe Dallier, Bernard Delcros, Roger Karoutchi, Mme Christine Lavarde et M. Pascal Savoldelli comme membres suppléants pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

L'examen du premier budget agricole de la nouvelle législature suscite une grande perplexité. Plus encore, au vu des grandes ambitions affichées par le nouveau Président de la République dans le cadre des États généraux de l'alimentation, il provoque une réelle déception.

Pour la perplexité, elle provient, comme c'est devenu une habitude, de la crédibilité de la budgétisation qui nous est présentée. En premier lieu, une épée de Damoclès pèse sur ce budget, celle de l'exécution pour 2017. J'ai régulièrement dénoncé le défaut de sincérité des budgets agricoles qui semblent marqués par une logique paradoxale avec l'existence concomitante de dotations non dépensées et de dépenses non dotées. Le premier président de la Cour des comptes a dans cette même salle exposé combien le budget agricole pour 2017 comportait d'impasses financières. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a pu évaluer celles-ci à plus de 600 millions d'euros et a refusé en conséquence d'accorder son visa à la répartition des crédits. Comment ces impasses seront-elles comblées ? À ce stade, nous n'en savons rien. Peut-être y aura-t-il à nouveau des corrections dans le cadre du collectif de fin d'année. Une chose est sûre : ces rectifications ne couvriront pas l'ensemble des déficits de financement. En effet, le projet de budget pour 2018 prévoit de réserver une partie de ses dotations pour assurer des paiements dont certains remontent à des engagements pouvant dater de 2015. On peut dire ainsi qu'il entérine une gestion budgétaire hasardeuse ce qui ne plaide pas pour lui. Par ailleurs, la question de sa sincérité se pose également au regard des risques financiers nouveaux qui devraient se matérialiser en 2018. Le Gouvernement fait valoir qu'en inscrivant 300 millions d'euros au titre d'une réserve pour dépenses imprévisibles, le principe de sincérité budgétaire se trouve enfin respecté. Assiste-t-on pour autant à une révolution de la sincérité ? Je peine à répondre positivement à cette question. Il semble d'ores et déjà que cette provision pour dépenses imprévisibles sera absorbée par des dépenses hélas tout à fait prévisibles résultant en particulier de risques contentieux. Je veux parler des risques de refus d'apurement qui, quant au passé, ne sont toujours pas complètement réglés, des risques nouveaux, estimés à plus de 1 milliard d'euros, n'étant nullement provisionnés. Mais l'on pourrait aussi évoquer les suites des contentieux avec les vétérinaires en mission qui ne sont budgétées que partiellement, l'impasse totale sur les conséquences budgétaires de certaines situations, comme celles que connaissent certains laboratoires d'analyses, ou des hypothèses de budgétisation favorables dont celle portant sur le cours du bois qui permet de minorer les besoins de financement de l'Office national des forêts. En bref, les 300 millions de réserves pour dépenses imprévisibles risquent de dégénérer en une ligne de comblement très partiel des sous-dotations habituelles que nous réserve le budget agricole.

Dans ces conditions, les vrais risques, ceux de l'exploitation agricole d'aujourd'hui, les risques économiques, les risques environnementaux, demeurent sans provision dans le projet de budget. Rien ne change de ce point de vue par rapport à la situation antérieure, ce qu'il faut déplorer compte tenu du renforcement des aléas de cette activité comme il faut déplorer, plus fondamentalement encore, le défaut d'ambition agricole que porte le projet de budget pour 2018. Les crédits de paiement du programme 149 reculent alors même qu'ils sont consacrés pour une part importante à régler des factures héritées du passé et que des lignes budgétaires ne sont pas assez fournies. Les interventions suivent une trajectoire baissière encore plus accusée en volume, dans un budget qui néglige l'inflation. Des dotations importantes pour la modernisation de notre agriculture sont en fort repli. Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations, le PCAE, subit une réduction drastique de ses crédits et n'a pas de remplaçant à ce jour. Face à une crise aviaire dont le coût économique a pu être estimé au minima à 500 millions d'euros pour la filière, on relève la faiblesse des indemnisations mais également celle des provisions destinées à la nécessaire modernisation des bâtiments d'élevage : 5 millions d'euros, soit le supplément de crédits prévus pour protéger les élevages contre les grands prédateurs. La question du sérieux budgétaire se pose inévitablement et, au-delà celle de la crédibilité de la parole publique sur les ambitions agricoles du pays, d'autant que le projet de loi de programmation pluriannuelle nous promet une baisse de plus de 10 % des crédits à l'horizon 2020. Tout cela dans un climat de fortes inquiétudes sur une politique agricole commune en cours de reprogrammation et sur laquelle pèsent les incertitudes de l'après Brexit.

Le budget agricole pour 2018 ne traduit pas la nécessaire prise de conscience de la très grande fragilité actuelle de notre agriculture. 2016 a été une année catastrophique avec un recul de la valeur ajoutée de près de 15 % en volume. La valeur ajoutée nette a même reculé de 25 %. Dans ces conditions, si une certaine amélioration semble se dessiner en 2017, elle doit être appréciée en fonction d'un point de départ extrêmement dégradé. Il est quand même remarquable que les publics à l'agriculture n'aient pratiquement pas joué de rôle amortisseur. Par ailleurs, nous assistons à un effritement continu de notre puissance agricole. Les disparitions d'exploitations se comptent chaque année en dizaines de milliers. Nous avons perdu plus de 11 % de nos exploitations depuis 2010. Il y a en somme une « désagriculturalisation » à côté de la désindustrialisation. La relève n'arrive pas. L'installation est en berne peu attirée par une activité aux revenus particulièrement peu attractifs. Ces évolutions appellent un sursaut. Qu'on ne dise pas que le phénomène est inévitable. Dans l'Europe des vingt-huit, il est vrai que onze pays ont connu un recul du revenu supérieur à 10 % mais dans dix-sept pays il y a eu une hausse parfois très marquée du revenu agricole. La France est du mauvais côté de la ligne alors qu'elle était encore réputée posséder la plus puissante agriculture d'Europe il y a peu.

En bref, les crises conjoncturelles touchent une agriculture structurellement fragilisée et qui n'investit plus. En volume, l'investissement agricole est en 2015 au même niveau qu'en 1980 ! Au cours de cette période, les prix de l'investissement ont, de leur côté, presque triplé. Les exploitants n'ont pas les moyens de suivre. La situation de l'investissement agricole est au coeur d'un défi qui mérite mieux que des paroles, celui de redresser l'agriculture française.

Parmi les mesures nécessaires au redressement de l'agriculture, il est évident qu'il faut accorder une vraie priorité à une forme de garantie de perspectives de revenu rémunérateur au profit des agriculteurs. La nouvelle politique agricole commune présente de très grandes failles de ce point de vue. Compte tenu de la contribution française au budget européen, nous devrons faire en sorte que le nouveau compromis agricole tienne mieux compte de l'exposition aux crises de l'agriculture européenne la plus diversifiée mais aussi, plus largement, de la nécessité de défendre l'Europe agricole dans un contexte de concurrence internationale allant crescendo.

Dans le cadre de notre rapport de contrôle sur la sécurité sanitaire des aliments, nous avons pu mesurer à quel point il est préoccupant d'accepter que des produits entrent en Europe sans respecter les normes européennes. Cette dimension du commerce international des produits agricoles appelle une attention renouvelée qui évidemment pose tout le problème de la régulation internationale du commerce. Sans doute devrions-nous d'ailleurs commencer par lutter plus efficacement contre la concurrence sanitaire déloyale en Europe.

Enfin, pour conclure, je voudrais insister sur la nécessité d'améliorer les performances de notre administration agricole. La programmation budgétaire est une chose, l'exécution budgétaire en est une autre. Deux exemples avec, d'abord, le domaine de la sécurité sanitaire de l'alimentation. La superposition des intervenants, la complexité des financements, la confusion des missions doivent être surmontées afin que nous disposions d'une meilleure intégration des forces et d'infrastructures tout à fait irréprochables. Un deuxième domaine où des améliorations de gestion sont impératives c'est celui des paiements sur lequel nous avons débuté un contrôle dans le cadre de la procédure du 58-2. Il faut en effet savoir que, non seulement du fait des refus d'apurement nous ne profitons pas de la totalité des enveloppes européennes mais encore que nous mettons en place des systèmes extrêmement lourds à gérer pour les agriculteurs, les apports de trésorerie remboursables, qui s'accompagnent de coûts financiers pour l'État mais également de retards de paiement des aides pour des agriculteurs dont les trésoreries sont déjà souvent sous très grande tension.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

En guise de transition avec les propos d'Alain Houpert, je souhaite mettre en exergue une forme de constance des concours publics au bénéfice de notre agriculture, dans un contexte très agité. En 2013, ils s'élevaient à 18,6 milliards d'euros et, en 2017, ils avaient progressé pour atteindre 20,6 milliards d'euros. 2 milliards d'euros supplémentaires en quatre ans, ce n'est pas rien. Et je crois qu'on peut mettre ce chiffre en rapport avec la perspective ouverte par le projet de loi de programmation d'une économie de 350 millions d'euros sur le budget de la mission à l'horizon de 2020.

Pour autant, je dois relever une évolution sur laquelle il nous faudra ouvrir un débat : celle qui a vu les allègements de prélèvements obligatoires gagner en importance relative dans l'ensemble des concours publics à l'agriculture, tandis que la dépense publique, européenne ou nationale, a perdu plus de 5 points dans sa contribution à ces transferts. C'est l'équivalent de 2,7 milliards d'euros qui se sont trouvés ainsi interchangés. Or ces deux modalités de soutien n'ont pas les mêmes propriétés économiques, ni le même impact sur la distribution des concours publics.

Il nous faut mieux évaluer ce changement. Je ne suis pas sûr qu'en modifiant les équilibres du financement de la protection sociale des agriculteurs comme le Gouvernement le propose, avec le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement s'inscrive réellement dans cette démarche évaluative. Mais, je note que ces initiatives pourraient se traduire par une atténuation des transferts entre les administrations publiques et les agriculteurs. Si la suppression de l'allégement de cotisation d'assurance maladie permet au budget pour 2018 de gagner plus de 400 millions d'euros, il est douteux que cette mesure soit gagnante pour les exploitations.

Il y a là un élément d'incertitude qui s'ajoute à d'autres, d'une ampleur potentiellement bien supérieure, celles qui viennent de l'existence possible sinon probable de risques de toutes sortes, économiques, climatiques, sanitaires. Cet aspect du budget agricole a fait naître un débat autour de la sincérité budgétaire. Je persiste à estimer qu'il est difficile de fonder un jugement d'insincérité sur la manifestation de risques par nature aléatoires. Mais je note que la dotation de 300 millions d'euros inscrite au budget et présentée comme constituant un progrès de sincérité décisif semble d'ores et déjà quelque peu en retrait par rapport à des risques dont il est presque certain qu'ils auront une traduction financière en 2018. Si insincérité il y avait dans la loi de finances pour 2017, alors insincérité il y a encore pour ce projet de loi de finances pour 2018, cela est très clair. Mais ce débat sur la sincérité ne doit pas être un écran de fumée. L'important est bien que la solidarité nationale s'exerce quand une profession connaît des événements imprévisibles mais, au-delà, que le budget consacré à l'agriculture soit à la hauteur des enjeux.

Je regrette que le budget agricole pour 2018 rompe avec l'élan donné à certaines priorités : la modernisation des exploitations, l'affirmation d'un projet d'agriculture biologique, le maintien d'une agriculture diversifiée, en bref, une ambition de modèle agricole à la française.

La politique forestière me paraît ne pas relever d'une appréciation plus positive. Les crédits sont en repli. Le Gouvernement explique que ceci est dû au bouclage du plan mis en oeuvre à la suite de la tempête Klaus. Mais, compte tenu du reste des dossiers à traiter, et alors même que les ambitions de ce plan auraient sans doute pu être réévaluées, des crédits complémentaires devraient être nécessaires. Dans ce contexte, la budgétisation de la politique forestière pourrait être assez virtuelle, d'autant qu'elle repose sur des anticipations plutôt favorables du prix du bois. Tout ceci conduit à une construction fragile.

Enfin un mot sur la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation. Je partage avec Alain Houpert le souhait que nos 61 recommandations pour la refonder soient réellement prises en compte. Je mentionne que nos capacités de surveillance des risques sanitaires restent dépendantes d'une mise à niveau des effectifs. Le précédent Gouvernement y avait pourvu avec la création en trois ans de 180 ETPT destinés à renforcer la surveillance sanitaire dans les abattoirs de volailles qui était très négligée. Le budget pour 2018 ne confirme pas cet effort. Je le regrette d'autant plus que nous sommes confrontés à des crises sanitaires régulières et particulièrement graves et à des situations de limite de capacités avec l'extension de déserts vétérinaires sur le territoire.

En définitive, le budget de l'agriculture pour 2018 proposé par le Gouvernement ne me convainc pas pleinement. L'orientation générale m'amène à m'interroger sur plusieurs points : le poids des allègements de cotisation obligatoire, sans évaluation d'impact, est selon mois hasardeux. Néanmoins, plusieurs progrès ou continuités budgétaires méritent, si je puis dire, que pour ce premier budget de l'agriculture du nouveau quinquennat, un vote négatif soit rejeté. La structuration proposée pour les crédits de cette mission n'est pas totalement incohérente avec ce qui a été fait dans le passé. En ce sens et sans être pleinement convaincu, je vous propose donc, mes chers collègues, de vous abstenir sur les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Je complète mon intervention en vous précisant que je vous recommande de rejeter les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

J'aimerais d'abord souligner qu'il n'est pas anodin pour l'agriculteur et producteur de lait que je suis, d'exercer les fonctions de rapporteur pour avis sur la mission « Agriculture ». D'autant plus que l'examen de ces crédits revêt cette année une dimension particulière, en raison de la crise affectant le monde agricole.

Cette crise est d'abord économique : les revenus des agriculteurs sont constamment en diminution, les contraignant à repenser leur activité pour conserver un hypothétique revenu, sans aucun élément de répit. Les prix n'évoluent pas : en 1995, je vendais un litre de lait pour 2 francs, aujourd'hui, j'en vends un litre pour 30 centimes d'euros. En revanche, les charges ont considérablement augmenté. Les états généraux de l'alimentation ont permis d'évoquer bon nombre de sujets mais ne règlent ni le problème des quatre centrales d'achat, qui achètent la totalité de la production de 500 000 agriculteurs et de plus de 3 000 entreprises de transformation, ni celui de la restauration hors foyer. En effet, la moitié des repas étant en dehors du foyer, le consommateur ignore l'origine de la moitié de son alimentation, alors qu'il s'agit pour une part importante de produits issus de l'étranger ou d'Europe et achetés sans véritable regard sur le cahier des charges si ce n'est le critère du prix.

Cette crise est aussi morale pour les agriculteurs qui, accusés d'être des empoisonneurs, des pollueurs ou d'être peu soucieux du bien-être animal, sont heurtés dans le sens même de leur métier et leur passion de l'agriculture. En réalité, c'est tout le contraire. Depuis plusieurs années, la très grande majorité, voire l'ensemble des agriculteurs s'engage dans la diminution constante de la part des produits phytosanitaires et dans une attention croissante aux conditions d'hébergement et de nutrition de leurs animaux.

L'impression commune sur le manque de qualité de l'alimentation est erronée, celle-ci ne s'étant jamais autant amélioré que depuis trente ans. Il faut privilégier les circuits courts mais ceux-ci ne sont pas non plus la réponse à tous les maux : je vois mal comment les 220 000 habitants de mon département de la Haute-Loire pourraient être les seuls consommateurs des 430 millions de litres de lait qui y sont produits. Notre agriculture est capable de s'exporter et il faut l'encourager.

Les agriculteurs sont également accusés de productivisme ou d'exploitation intensive parce qu'ils augmentent la taille de leur exploitation ou le nombre de leurs animaux, alors qu'ils cherchent seulement à maintenir leurs revenus. Ils sont par ailleurs soumis à de plus grandes responsabilités du fait de la multiplication des normes et des réglementations, et à des risques plus importants tels que les aléas climatiques, les incertitudes financières, la transmission ou la maladie.

Ce budget de la mission « Agriculture » me paraît paradoxal en comparaison avec les engagements pris depuis 2015. Les manifestations des agriculteurs de cette année avaient en effet incité le Gouvernement à développer la compétitivité du secteur agricole par des mesures introduites dans les lois de finances pour 2015, pour 2016 et pour 2017, mais qui n'apparaissent plus dans le projet de loi de finances pour 2018. C'est notamment le cas de la suppression de l'allègement des sept points sur les cotisations sociales des agriculteurs dont le revenu est supérieur à 13 500 euros, qui me paraît mal venue alors que la compétitivité du secteur ne sera pas restaurée en 2018. C'est aussi le cas de la fin annoncée de la transition concernant le forfait pour accéder en plusieurs années au régime du micro-bénéfice agricole (micro-BA) qui pèsera sur 20 % des exploitations, ou encore des aides supplémentaires du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) sont également en diminution de 84,5 millions d'euros à seulement 56 millions d'euros, alors qu'elles favorisaient l'investissement et la compétitivité du secteur agricole.

La prévision budgétaire ne reprend pas non plus certaines questions qui se poseront pourtant en 2018, telles que l'avenir incertain de la retraite complémentaire obligatoire (RCO), du fait de l'éventuelle suppression de la « taxe farine » qui apporte pourtant 65 millions d'euros sur un budget de 120 millions d'euros, et de l'absence du report de 55 millions d'euros en 2019 sur le budget de la RCO.

Ce budget ne prend ni en compte une éventuelle indexation sur le nombre d'installations, qui pourrait augmenter l'année prochaine, ni les éventuelles répercussions qu'aurait la fin du régime social des indépendants (RSI) sur la mutualité sociale agricole (MSA). À ce titre, l'aide au répit pour épuisement professionnel que verse la MSA sera supprimée en 2018, alors qu'elle permettait de faire face aux aléas que vivent les agriculteurs. Une provision de 300 millions d'euros pour la gestion des aléas climatiques est certes prévue mais ne suffira pas. Il nous faut une politique novatrice qui tienne mieux compte de ces aléas alors qu'ils font peser des risques plus importants. Le montant pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) reste certes identique, mais le zonage n'est toujours pas arrêté. Or, s'il venait à s'étendre, le montant de l'ICHN ne suffirait pas.

Je m'interroge encore sur d'autres sujets, tels que les « centimes forestiers » qui demeurent pour l'instant dans le fonds national de solidarité et de péréquation des chambres d'agriculture, l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui n'exonèrera pas le secteur agricole, ou encore la pêche, secteur dans lequel la France peine à rivaliser avec les autres pays. En effet, seule une entreprise française figure à la 137e place parmi les 250 entreprises mondiales de pêche. L'absence de fermes aquacoles dans notre territoire profite à d'autres pays comme l'Espagne ou Malte qui récupèrent dans leurs fermes la totalité du thon pêché dans nos eaux. Enfin, le système des aides de la politique agricole commune (PAC) devient trop complexe et opaque, empêchant les agriculteurs de connaître le montant des aides qu'ils toucheront.

En conclusion, je voudrais rappeler mon attachement à défendre le modèle agricole français et son principe selon lequel l'agriculteur demeure propriétaire de son exploitation. Je suis donc Alain Houpert dans sa proposition de ne pas adopter les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Le sujet est très dense et nous connaissons tous la situation économique difficile des agriculteurs, notamment en raison des aléas climatiques. Ma question concerne les moyens humains du ministère : l'intégration des directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) dans les directions départementales des territoires (DDT) a-t-elle permis une amélioration de l'aide apportée par l'État au monde agricole et de l'examen des situations individuelles ?

Par ailleurs, quel est le sentiment de nos rapporteurs concernant les moyens de la filière bois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Certains considèrent que la suppression de la taxe d'habitation pourrait conduire, par ricochet, à une augmentation de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, l'un des seuls leviers restant à disposition des élus locaux. Or on le sait, les taxes pénalisent lourdement notre agriculture. Quel est l'avis de nos rapporteurs sur ce risque de hausse de la taxe foncière et ses conséquences pour l'agriculture ?

Dans le droit fil de l'adossement du régime social des indépendants au régime général, la mutualité sociale agricole (MSA), maillon pourtant essentiel de l'accompagnement des agriculteurs, ne risque-t-elle pas de disparaître ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Ma question est technique : lorsqu'un vigneron ou un agriculteur a du foncier sous forme sociétaire, il ne serait pas soumis à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Mais qu'en est-il si le foncier est loué par bail à long terme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Ce sont les règles actuelles de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui s'appliquent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Le problème, c'est surtout qu'en cas de vente, le foncier peut certes être exonéré d'IFI s'il y a un locataire ; mais si une grande fortune française veut acheter du foncier, elle doit payer l'IFI, alors que si elle est étrangère, elle sera exonérée. Si on laisse les choses en l'état, cet écart de fiscalité favorisera l'achat du foncier agricole français par tous les étrangers qui viendraient investir en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Il s'agit dans ce cas de ventes de foncier, et, en tant que sénateur de la Romanée-Conti, je suis très concerné.

Nous avons, dans nos territoires, des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), qui peuvent vendre des parcelles en bénéficiant d'une exonération des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui reviennent normalement aux départements et aux communes et leur échappent donc. Je me demande dans quelle mesure des interpositions habiles ne favorisent pas une sorte d'optimisation fiscale. Nous devrions nous pencher sur cette question.

Je souhaite remercier et féliciter le rapporteur pour avis, qui nous a communiqué son émotion.

S'agissant de l'intégration des DDAF dans les DDT, je crois qu'il faudrait faire un jour le rapport entre le nombre d'exploitations et le nombre de fonctionnaires qui les gèrent et les contrôlent.

La MSA, c'est une présence importante dans nos territoires donc il faudra faire attention à tout ce qui pourra être fait sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

La diminution des effectifs qui touche les services de l'État concerne surtout l'administration centrale. Des moyens ont tout de même été mis en place pour traiter par exemple les dossiers relatifs à la politique agricole commune (PAC). Si blocages il y a eu, ils sont dus à deux raisons principales : d'une part, la cartographie des parcelles agricoles a dû être reprise car elle est à l'origine du contentieux sur les apurements et, d'autre part, les dysfonctionnements de l'Agence de services et de paiements (ASP), notamment s'agissant de la gestion informatique des dossiers. Alain Houpert l'a dit, nous avons demandé à la Cour des comptes une mission de contrôle de l'ASP à ce sujet.

La filière bois perd 10 millions d'euros en 2018. Une taxe devrait être affectée in fine aux régions qui prendraient le relais du budget de l'État dans le soutien à la filière forestière. Cette disposition ne sera peut-être pas satisfaisante et elle nécessitera une évaluation.

J'ai été sensible à l'intervention de notre collègue Laurent Duplomb : il me semble effectivement qu'au-delà des seules questions budgétaires, il est nécessaire d'apprécier la situation globale de l'agriculture. En effet, ces dernières années, nous avons assisté à une série de crises, différentes d'ailleurs selon les filières.

Certains sénateurs souhaitent la mise en place en place d'outils de régulation de ces crises dans le cadre de la PAC, et je crois qu'on ne peut pas ignorer la question de la compétitivité des filières mais aussi la concurrence mondiale, voire les risques géopolitiques. On a ainsi subi des pertes de parts de marchés en Russie compensées par des achats massifs en provenance de Chine. Avec seulement quatre centrales d'achat en France, nos agriculteurs sont confrontés à peu d'acheteurs : c'est une spécificité française, qu'on ne retrouve pas ailleurs, par exemple en Allemagne. En dépit de tout ce qu'on a pu dire à ce sujet depuis de nombreuses années, lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie, puis de nouveau à l'occasion de la loi de modernisation de l'agriculture, il n'y a pas d'avancées. J'entends les propositions en faveur d'une place plus importante laissée aux organisations de producteurs mais je sais aussi que les organisations syndicales ont peur que ce ne soit pas suffisant et que ce problème reste entier.

Concernant les sept points d'exonération au titre de la MSA, je serais plus nuancé. Un nouveau dispositif a été créé, qui aura des conséquences sur le budget de la sécurité sociale. Je déplore moi aussi la faiblesse du plafond, à 13 500 euros. Il me paraît sain d'avoir cherché à réguler ce système : des producteurs de champagne en étaient bénéficiaires. Il s'agit d'une disposition prise dans l'urgence et je ne suis pas sûr qu'elle ait été évaluée à l'époque. Qu'on revienne sur cette disposition pour l'adapter me semble intéressant, même si le plafond me paraît insuffisant.

Nous avons rencontré le président de la caisse centrale de la MSA qui n'a pas fait état de risque de disparition.

En ce qui concerne les simplifications, je tiens à souligner que le règlement européen « omnibus » prévoit, sur quatre sujets, une simplification à destination des agriculteurs. Nous verrons ce qu'il en sera réellement, mais ces mesures vont dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous allons maintenant voter sur les crédits de la mission, ainsi que sur l'amendement et les articles rattachés.

L'amendement des rapporteurs propose la suppression de l'article 49 qui supprime le fonds d'accompagnement de la réforme du micro-BA. L'article 49 bis porte sur l'affectation des « centimes forestiers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

L'article 49 bis prévoit que les centimes forestiers soient centralisés. Pour avoir été directeur de chambre départementale d'agriculture, je connais bien la situation de ces chambres, notamment outre-mer, où elles sont toutes en faillite. Je ne suis donc pas sûr qu'elles puissent réaliser l'effort que représente ce versement. Leurs moyens sont si faibles que l'idée de rattacher ces chambres à la région était envisagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Cet article a été introduit par un amendement du Gouvernement, et, à ce stade, nous en proposons l'adoption car son dispositif prévoit que les recettes issues du secteur forestier lui soient réaffectées. Mais l'expertise des effets détaillés du dispositif peut conduire à préciser les positions.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je voterai contre l'adoption de cet article 49 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

L'article 49 ter a été introduit par amendement avec un avis favorable du Gouvernement et prévoit la remise d'un rapport. Ce rapport porte sur un point important à savoir la disponibilité réelle des enveloppes agricoles à l'horizon 2020. Cette information devrait figurer systématiquement dans les documents budgétaires usuels et nous exprimerons cette volonté lors des débats. Mais apparemment le ministre a besoin d'en savoir un peu plus sur la programmation pluriannuelle. C'est un peu paradoxal dans la mesure où le Gouvernement annonce une réduction des crédits de 350 millions d'euros d'ici 2020, qu'on imaginerait mieux documentée. Nous proposons l'adoption de cet article, de même que les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La commission adopte l'amendement des rapporteurs spéciaux et décide de proposer au Sénat la suppression de l'article 49 et l'adoption des articles 49 bis et 49 ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Concernant les investissements d'avenir, vous connaissez tous les deux premiers programmes, les PIA 1 et 2, respectivement créés en 2010 et 2014 et qui sont actuellement mis en oeuvre. Le rapport que je vous présente aujourd'hui est relatif cette fois au troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), lequel fait désormais l'objet d'une mission spécifique au sein du projet de loi de finances.

Le PIA 3 a été institué par la loi de finances initiale pour 2017 mais en ne prévoyant que des autorisations d'engagement, sans aucun crédit de paiement. Cela avait d'ailleurs été fortement critiqué l'an dernier par le rapporteur général Albéric de Montgolfier, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission.

De fait, il ne s'est donc pas passé grand-chose en termes d'exécution cette année.

La grande nouveauté pour 2018 réside dans la prévision d'une enveloppe d'1,08 milliard d'euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances, ce qui permet de supposer que des projets pourront concrètement avancer.

Certes, les montants inscrits dans le projet annuel de performances sont moindres que ceux initialement prévus par le précédent gouvernement pour la période 2018-2022. Une ouverture de crédits à hauteur de 2 milliards d'euros par an était prévue. Sur le triennal 2018-2020, nous n'aurons en réalité que 4 milliards d'euros.

Concrètement, la mise en oeuvre du PIA 3 en est à ses balbutiements puisque seules huit conventions sur les trente prévues ont été signées.

Différents modes de financement sont, par ailleurs prévus, dans le cadre du programme et l'on peut constater que 750 millions d'euros, sur les 1,08 milliard d'euros de crédits de paiement prévus, correspondent à des prises de participations qui ne pèsent pas sur le déficit maastrichtien. C'est donc intéressant d'un point de vue budgétaire pour l'État mais il y a des actions reposant sur des subventions ou des avances remboursables qui restent peu couvertes.

Le Gouvernement s'engage donc un peu sur le PIA 3, mais surtout par le biais des instruments ne pesant pas sur le déficit maastrichtien et en reportant pour partie l'effort sur les années à venir.

En conséquence, compte tenu de ces éléments et du fait que, cette année, contrairement à l'an dernier, des crédits de paiement sont inscrits, même si c'est de façon limitée, je suggère donc que la commission des finances propose l'adoption des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Je constate que vous êtes pragmatique, puisque ce léger progrès semble vous satisfaire. C'est une mission technique mais qui rejoint des sujets très concrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », et plus spécifiquement s'agissant de ceux de la recherche, je m'interroge sur la lisibilité des actions menées dès lors qu'il y a à la fois des crédits inscrits dans la mission que je rapporte et celle sur les investissements d'avenir. Plusieurs sujets sont communs et certains figurent dans les points d'attention de votre rapport parce qu'ils peuvent être critiqués. Ainsi en est-il notamment du financement du réacteur Jules Horowitz. Certains projets concernent ainsi les deux budgets. Quel est finalement la différence entre les deux missions ? Pourquoi y aborder séparément les mêmes problématiques ? Ce serait plus simple et lisible de n'avoir qu'une seule analyse au titre de la recherche ou de l'innovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

C'est peut-être davantage une question pour le rapporteur général que pour le rapporteur spécial. Pour les deux premiers PIA, les programmes qui leur étaient consacrés étaient éclatés entre les missions concernées. Pour le PIA 3, le précédent gouvernement a fait le choix d'en créer une nouvelle qui lui est spécifiquement dédiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Dans la mesure où des crédits étaient ouverts pour ces PIA, on s'en est aussi clairement servi par le passé pour financer des projets qui ne l'étaient pas par les enveloppes classiques des missions, en procédant à des débudgétisations qui n'ont d'ailleurs pas manqué d'être critiquées par la commission des finances, notamment concernant le réacteur Jules Horowitz.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Il y a là franchement un vrai problème de lisibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je suis un peu perdu. Les 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement sont-ils toujours prévus pour le PIA 3 ? Je comprends que la programmation triennale prévoit seulement 4 milliards d'euros. Par ailleurs, ces 10 milliards d'euros font-ils partie du « Grand plan d'investissement » annoncé par le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

J'ai moi aussi des difficultés à comprendre l'articulation entre le PIA et les différentes missions budgétaires. Je suis rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » et le « Grand plan d'investissement » prévoit la création d'un fonds de 10 milliards d'euros en faveur de l'innovation. Les intérêts des fonds placés auraient vocation à financer des innovations dites « de rupture ». Or je vois qu'il y a d'autres actions en faveur de l'innovation financées dans d'autres missions comme celle relative aux investissements d'avenir. Quelles sont les frontières entre ces différents fonds dédiés à l'innovation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

L'année dernière, le gouvernement précédent avait annoncé en grande pompe le lancement du PIA 3 avec 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement effectivement inscrits, mais sans aucun crédit de paiement associé. Dans ce contexte, on peut d'ailleurs saluer l'absence de remise en cause du PIA par le nouveau Gouvernement qui l'a, par ailleurs, inclus dans le « Grand plan d'investissement » de 57 milliards d'euros.

La grande différence entre le PIA 3 et les deux générations précédentes de PIA est que les autorisations d'engagement et les crédits de paiement ne sont pas inscrits et dépensés sur le budget de l'État de façon concomitante. Or cette adéquation entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement avait jusqu'ici donné de la visibilité aux porteurs de projet et facilité les investissements. Certes, le Gouvernement maintient le PIA 3 mais avec un rythme de décaissements bien inférieur à celui initialement prévu.

Aujourd'hui, nous avons une visibilité uniquement sur trois années : d'ici 2020, 4 milliards d'euros devraient être décaissés. Quid des 6 milliards restants ? Nous n'avons aujourd'hui pas d'indication précise.

S'agissant du soutien à l'innovation, je partage la remarque de Victorin Lurel concernant la difficulté à comprendre la frontière entre les différents soutiens à l'innovation. Le choix des projets relève du Premier ministre dans le cadre du PIA et l'on conserve une forme de décentralisation de l'action, non pas auprès des ministères mais des opérateurs - à savoir l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations - qui en sont les gestionnaires pour le compte de l'État. Toutefois, les ministères sectoriels sont également parties prenantes aux décisions prises, comme on a pu le voir avec l'arrêt de l'appel à projets sur les instituts hospitalo-universitaires annoncé par la ministre de la santé et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je remercie notre rapporteur spécial de son pragmatisme. Il est vrai que l'année passée, il avait été assez singulier d'examiner une mission dotée de zéro crédit de paiement. Le risque de débudgétisation de programmes qui ne relèvent pas vraiment d'investissements d'avenir persiste-t-il ? Par exemple, nous avions identifié à l'époque l'opération de rénovation du Grand Palais. Ma deuxième interrogation porte sur le rôle important de la Caisse des dépôts et consignations, en tant qu'opérateur. Nous aurons certainement l'occasion d'aborder ce point lors de l'audition du futur candidat à la direction générale de la Caisse des dépôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Concernant la rénovation du Grand Palais, cette opération avait effectivement pu être évoquée pour être portée par le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » de la mission « Investissements d'avenir » mais il n'y a plus aucun crédit de paiement prévu au titre de cette action, ce qui laisse supposer que cela n'est pour le moment pas à l'ordre du jour.

S'agissant du rôle de la Caisse des dépôts et consignations, elle joue effectivement un rôle important et j'ai constaté que la répartition des rôles entre elle et Bpifrance pouvait être source de complexité, même si cela peut se justifier pour des raisons juridiques. Bpifrance a parfois la qualité de sous-opérateur pour des actions confiées à la Caisse des dépôts et consignations qui conserve quant à elle la qualité d'opérateur.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

En 2018, le budget consacré à nos armées s'élèvera à 47,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 42,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de près de cinq milliards d'euros en AE et de plus de deux milliards d'euros en CP par rapport à 2017.

Hors « Pensions », dont le montant est important, les CP de la mission progresseront de 1,8 milliard d'euros, passant de 32,4 milliards d'euros en 2017 à 34,2 milliards d'euros en 2018.

La Nation consacrera ainsi 1,82 % de son produit intérieur brut à l'effort de défense, contre 1,7 % l'an passé.

Pour être tout à fait précis, compte tenu du coût pour 2018 des mesures décidées lors du conseil de défense du 6 avril 2016, de l'ordre d'un milliard d'euros, et de la rebudgétisation d'une partie des surcoûts liés aux opérations extérieures, à hauteur de 200 millions d'euros supplémentaires, qui ne sont pas, à proprement parler, des crédits nouveaux, l'effort « net » prévu pour 2018 s'élèvera à 600 millions d'euros environ.

Ne boudons cependant pas notre plaisir, l'effort prévu pour 2018 demeure important. Il s'inscrit dans la trajectoire fixée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit une augmentation annuelle des crédits de paiement de la mission de 1,7 milliard d'euros.

Ce rythme de progression bienvenu ne suffira cependant pas à atteindre l'objectif de porter les ressources des armées à 50 milliards d'euros d'ici 2025 - soit 2 % du produit intérieur brut - sauf à majorer cet effort de manière significative à partir de 2023. Or 2023 correspondra à une nouvelle mandature.

Par ailleurs, si 2018 constitue une première marche, encore faut-il que cette marche soit effectivement gravie.

Or, du fait de l'annulation de 850 millions d'euros en CP intervenue en juillet 2017, d'un montant des surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures, qui devrait atteindre un niveau record, proche de 1,5 milliard d'euros, et d'un montant élevé de crédits reportés en 2016 et 2017 encore « gelés », de 700 millions d'euros, la portée de cet effort est, dans une large mesure, conditionnée à la fin de gestion 2017.

Sans financement interministériel du surcoût des opérations extérieures et des missions intérieures, ni dégel, au moins partiel, des crédits encore bloqués, le report de charge de la mission « Défense » pourrait approcher les 4 milliards d'euros en 2018.

Lors de son audition par notre commission, la ministre des armées a indiqué être raisonnablement optimiste sur l'obtention d'un financement interministériel des surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures. Je l'ai cependant sentie moins assurée s'agissant du dégel des crédits encore bloqués.

Par ailleurs, le budget 2018 de la mission « Défense » comporte plusieurs points de vigilance.

Malgré l'augmentation de la provision Opex, un dépassement sera sans doute constaté en 2018. Or les modalités de financement du surcoût Opex et Missint au-delà de la provision prévue ne sont pas arrêtées.

Par ailleurs, l'année 2018 devrait voir le début du déploiement du logiciel Source Solde. Or il ne serait pas tolérable pour nos soldats que ce logiciel connaisse les mêmes déboires que Louvois. Sur ce point, donnons acte à la ministre qui nous a indiqué préférer différer le déploiement de Source solde plutôt que de connaître les mêmes difficultés qu'avec Louvois.

Sous ces importantes réserves, le budget 2018 comporte différents motifs de satisfaction et devrait permettre de répondre globalement aux besoins des armées.

La rebudgétisation à hauteur de 200 millions d'euros de la provision Opex, qui sera portée à 650 millions d'euros, constitue un indéniable progrès et va dans le sens préconisé par notre commission.

Par ailleurs, un effort important, de l'ordre de 1,2 milliard d'euros, sera consenti en faveur des équipements. Lors des auditions que j'ai réalisées, il m'a été indiqué que le programme des livraisons et des commandes prévues pour 2018, qui nous a été présenté par la ministre et qui figure dans le rapport, devrait permettre de répondre aux besoins de nos forces.

Par ailleurs, près de 4 milliards d'euros seront consacrés à l'entretien programmé des matériels, soit une hausse de 450 millions d'euros par rapport à 2017. Il s'agit d'un effort indispensable pour améliorer le maintien en condition opérationnelle des matériels.

Une partie de la hausse des crédits consacrés aux équipements sera destinée aux opérations immobilières. L'entretien des infrastructures, notamment celles du quotidien, devrait être doté de 333 millions d'euros.

Comme je l'ai relevé dans mon rapport sur l'immobilier des armées, il est indispensable que cet effort soit poursuivi dans les années à venir, afin de contenir la dégradation des infrastructures, notamment celles du quotidien.

Par ailleurs, le plan d'amélioration de la condition du personnel lancé par le précédent Gouvernement sera complété par un « Plan famille », dont les axes nous ont été présentés par la ministre la semaine dernière. L'amélioration des conditions de vie des personnels et de leur famille revêt une importance cruciale alors que le ministère des armées doit répondre à un enjeu de fidélisation de ses personnels.

En conclusion, notre commission et le Sénat se doivent d'accompagner l'effort consenti en faveur des armées tout en restant vigilants.

C'est pourquoi je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Défense », sans nous interdire pour autant, si les décisions prises dans le cadre de la fin de gestion 2017 remettaient en cause l'équilibre prévu dans le présent projet de loi de finances, à revenir sur ce vote lors de la réunion au cours de laquelle nous serons appelés à confirmer nos votes. En clair, si nous obtenons satisfaction sur la fin de gestion 2017, je considérerai que le budget 2018 est sincère et satisfaisant. En revanche, si rien n'était fait, le report de charge atteindrait 4 milliards d'euros, ce qui remettrait en cause la sincérité et la portée de ce budget.

L'Assemblée nationale a adopté hier soir deux amendements portant articles additionnels.

Le premier a pour objet de proroger d'un an le régime de transferts de propriété d'établissements gérés par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à des établissements publics nationaux. Deux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes doivent encore être cédés. Cet article 52 septies ne semble pas soulever de difficulté.

L'article 52 octies vise notamment à étendre aux militaires le bénéfice du dispositif de réparation des maladies professionnelles provoquées par l'amiante qui existe pour les fonctionnaires. Je suis a priori favorable à cet article, mais je vous propose de réserver notre vote afin de me laisser le temps de l'expertiser avant de me prononcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je rejoins l'approche pragmatique du rapporteur spécial. On peut saluer l'effort que représente ce budget tout en restant vigilant sur les conditions de la fin de gestion budgétaire pour 2017. Lors de notre examen du projet de loi de programmation des finances publiques, nous avons donné plus tôt un avis favorable à l'amendement du rapporteur spécial visant à exclure le ministère des armées du mécanisme de plafonnement des restes à payer.

Par ailleurs, concernant les Opex, on arrive à une situation plus saine, même si la ministre des armées a reconnu que le montant inscrit ne suffirait probablement pas à couvrir le montant des surcoûts lorsque je l'ai interrogée sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je souligne l'augmentation des crédits de la mission, qui apparaît comme une bonne nouvelle après plusieurs années difficiles. Concernant les cessions immobilières, le rapporteur spécial avait mis en évidence dans son rapport sur le parc immobilier des armées que le produit des ventes des immeubles est très souvent inférieur aux prévisions inscrites dans les budgets. C'est le cas par exemple pour l'îlot Saint-Germain, qui était estimé à 80 millions d'euros et a été cédé pour 30 millions d'euros. Ce type d'écart est-il à nouveau à craindre dans le budget pour 2018 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

On constate des fermetures de sites militaires depuis plusieurs années. Des contrats de redynamisation de sites sont conclus localement mais les problèmes pour les départements concernés en termes d'emploi et d'activité économique sont réels. Reste-t-il beaucoup à faire en matière de cessions immobilières ?

Je m'interroge par ailleurs : quel est l'objectif concernant la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Mes questions prolongeront les interrogations qui avaient été adressées à la ministre lors de son audition. Vous indiquez que le service national universel poserait des difficultés financières. La ministre a répondu que ce n'était pour le moment pas envisagé dans le budget du ministère. Avez-vous une idée de la répartition du coût entre les ministères, puisqu'il est peu probable qu'il soit pris en charge entièrement par le ministère de la défense ?

Je constate que les reports entraînent une incapacité d'avoir des programmes d'équipements de nos armées et nous conduisent à devoir acheter des équipements « sur étagère ». C'est le cas des fusils d'assaut que nous devons acheter en Allemagne. Ce sera également la même chose à la suite de la cession de Renault Trucks, qui obligera à commander des camions « sur catalogue ». Ne peut-on pas améliorer la planification pour favoriser les équipementiers français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Au sujet de l'article 52 septies adopté par l'Assemblée nationale, qui propose de décaler d'une année le délai limite de transfert des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, il me semble sage d'accorder ce délai, les structures d'accueil n'étant pas toujours prêtes.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

La perte de recettes pour l'îlot Saint-Germain est estimée à 50 millions d'euros. En contrepartie, le ministère a négocié de pouvoir bénéficier de 50 logements au sein de l'immeuble, ce qui est plutôt une bonne chose, même si le ministère ne sera pas propriétaire de ces appartements. C'est une sortie honorable même si j'aurais préféré que l'on mette fin à la décote « Duflot », considérant qu'il n'est pas de bonne pratique de vouloir financer deux politiques avec le même budget, l'une étant toujours pénalisée.

En réponse à Marc Laménie, je précise que les sites qui restent à vendre ne sont malheureusement pas les plus faciles à céder, puisqu'ils ne se situent généralement pas dans des localités avec une forte demande au regard du dynamisme économique de ces territoires. Il reste une partie de l'îlot Saint-Germain et le Val-de-Grâce, pour lequel plusieurs ministères seraient intéressés. L'assurance a été donnée qu'une telle opération conduirait à une inscription budgétaire en recettes pour le ministère des armées et qu'il n'y aurait donc pas de manque à gagner. Je n'arrive cependant pas à comprendre pourquoi le ministère investit dans la rénovation d'un patrimoine à une trentaine de kilomètres pour y loger des militaires, alors qu'ils devront venir assurer l'opération Sentinelle dans le coeur de Paris.

Le dispositif concernant les réservistes monte progressivement en puissance et l'objectif est de parvenir à 40 000 engagements à servir en 2018.

Au sujet du service national universel, je constate que nous n'arrivons déjà pas à loger les 10 000 personnes affectées aux opérations intérieures et qu'il me semble donc difficile d'envisager de le faire pour la moitié d'une classe d'âge, c'est-à-dire environ 400 000 jeunes. Je serais très heureux que les armées puissent contribuer à cet objectif, mais nous ne sommes plus dans une armée de masse, mais dans une armée de métier, de spécialistes, et il ne m'apparaît pas réaliste de faire reposer cette mission sur ce ministère. Je dirais même que plus le temps passera moins le ministère des armées sera le mieux placé pour l'assumer.

La question des achats sur « étagère » revient régulièrement. J'ai déjà été confronté à cette difficulté - qui n'est pas propre au secteur de la défense - lorsque j'étais rapporteur budgétaire de la sécurité civile. En effet, de nombreux ingénieurs pensent qu'il faut créer des outils tellement spécifiques qu'ils deviennent totalement unitaires. Cela pose des problèmes au stade de leur fabrication mais aussi pour leur entretien.

On s'oriente donc plutôt vers des plateformes polyvalentes que l'on va adapter selon les usages que l'on envisage.

À cet égard, je crois savoir que le ministère souhaite y associer étroitement les industriels français pour éviter les déconvenues que vous avez signalées.