Je souhaite, à titre liminaire, remercier ceux qui ont participé hier à l'examen en séance publique de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux. Son adoption à l'unanimité constitue un motif de fierté pour Dominique Estrosi Sassone et pour moi-même. Sur un sujet majeur pour nos concitoyens, le Sénat a donné une leçon de démocratie et montré son esprit de responsabilité.
Article additionnel après l'article 2
L'amendement n° 1 rectifié bis plafonne les loyers des logements privés dont la performance énergétique est notée F ou G.
Au regard du périmètre retenu par la commission au titre de l'article 45 de la Constitution, il ne présente pas de lien, même indirect, avec le texte initial. En effet, ce périmètre comporte l'accès à l'énergie comme droit fondamental, l'interdiction des coupures d'électricité, de chaleur et de gaz pour les ménages éligibles au chèque énergie, l'exonération de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) pour certains consommateurs et l'application d'un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur une partie de la fourniture d'électricité, de chaleur et de gaz. L'amendement doit donc être déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
Je m'avoue stupéfait par votre analyse : la rénovation thermique des logements constitue le principal levier de lutte contre la précarité énergétique. Certains propriétaires ignorent certes l'existence d'aides dédiées - il convient à leur endroit d'améliorer l'information - mais d'autres, récalcitrants, s'opposent à la réalisation de travaux. Contre de tels comportements, mon amendement propose de plafonner les loyers. Nous sommes au coeur du problème ! Comment pouvez-vous dès lors estimer qu'il n'existe aucun lien avec le texte ? Le médiateur national de l'énergie (MNE) s'est montré plus ambitieux en proposant, dans son rapport, que le propriétaire fautif paie une partie des factures d'énergie de son locataire, preuve que la lutte contre la précarité énergétique nécessite des mesures plus coercitives.
Le nouveau règlement du Sénat demande que soient précisés les contours des propositions de loi préalablement à leur examen. Votre analyse est pertinente sur le plan intellectuel, mais elle n'entre pas dans le champ du texte sur le plan juridique.
Je partage l'esprit de votre amendement : les propriétaires doivent participer à la rénovation énergétique des logements qu'ils louent. Pour autant, le périmètre de la proposition de loi, qui ne fait pas mention de la rénovation énergétique, n'autorise pas son intégration. Le MNE s'est positionné en ce sens, c'est exact. En fin de session, nous examinerons un projet de loi relatif à l'énergie ; peut-être pourrons-nous discuter de votre proposition dans ce cadre.
L'amendement de notre collègue Roland Courteau ne semble nullement dépourvu de lien avec la proposition de loi. L'article 45 de la Constitution est de plus en plus souvent utilisé, notamment sur des textes d'envergure, pour restreindre les droits des parlementaires. L'inflation des irrecevabilités concerne l'ensemble des groupes politiques. Un débat sur le juste usage de cette procédure apparait indispensable. Pensez que, lors de l'examen de la loi « Pacte », plus d'une centaine d'amendements ont été frappés d'irrecevabilité.
Je comprends que les nouvelles modalités d'application de l'article 45 de la Constitution puissent s'avérer difficiles à accepter, d'autant que l'amendement de Roland Courteau est d'intérêt. Nous définissons avec précision en amont le périmètre des textes, afin d'éviter l'irrecevabilité de trop nombreux amendements. Cela n'est pas encore suffisant : le Conseil constitutionnel a censuré vingt-quatre articles de la loi « Pacte » en les qualifiant de cavaliers. Rien ne sert de débattre ici de dispositions qui seront in fine censurées par le juge constitutionnel.
L'exposé des motifs de mon amendement est explicite et le lien avec le texte évident.
L'amendement n° 1 rectifié bis est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
Article 4
Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité élargir le périmètre du taux réduit de TVA à une première tranche de consommation d'énergie dite de première nécessité, sans limiter la disposition aux bénéficiaires du chèque énergie. Notre rapporteure a dénoncé le coût élevé de la mesure et le risque d'effets d'aubaine. Toutefois, la réduction du taux de TVA paraît particulièrement utile pour les ménages en situation de précarité énergétique : en 2018, les Français se sont acquittés de 4,6 milliards d'euros de TVA sur les taxes sur l'énergie. Notre amendement n° 2 rectifié bis propose donc d'appliquer aux seuls bénéficiaires du chèque énergie ce taux réduit sur la tranche de consommation de première nécessité.
Je ne suis pas favorable à ce qu'un taux réduit de TVA bénéficie à tous, en raison du coût élevé de la mesure pour un effet somme toute limité pour les ménages les plus précaires. Pour autant, la solution proposée par l'amendement ne semble pas davantage souhaitable. Elle reviendrait à vouloir faire de la redistribution avec un outil inadapté, celui de la fiscalité indirecte, alors que des aides directes ciblées sur les ménages les plus en difficulté seraient plus efficaces et plus simples à mettre en oeuvre. Elle serait, par ailleurs, contraire au droit européen, qui permet certes d'appliquer des exonérations totales ou partielles ou des taux réduits aux consommations énergétiques des ménages, mais pas d'appliquer des taux différents selon les revenus des consommateurs. Pour alléger la facture énergétique des ménages, mieux vaudrait travailler à l'amélioration des dispositifs existants, qu'il s'agisse de soutenir la rénovation énergétique des logements ou d'aider au paiement des factures, en ciblant prioritairement les plus précaires, notamment en augmentant les montants maximaux du chèque énergie. C'est donc un avis défavorable.
Pour soutenir l'industrie, la loi de finances a prévu d'exonérer les entreprises électro-intensives de certaines taxes et de leur appliquer un tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Pourquoi ne pourrions-nous pas l'envisager en matière de TVA pour les ménages modestes ? Évitons la fiscalité énergétique punitive ! Nous risquons, par ailleurs, d'attendre longtemps les aides directes que vous appelez de vos voeux - je rappelle que notre groupe avait déposé un amendement en loi de finances pour augmenter substantiellement le chèque énergie mais celui-ci avait été rejeté. Quant à l'augmentation récente de 50 euros du montant moyen du chèque énergie, elle a d'ores et déjà été intégralement compensée par la hausse des tarifs de l'électricité.
Cet amendement est pleinement justifié. La France a été plongée pendant plusieurs mois dans une crise portant sur le pouvoir d'achat en raison, notamment, de l'augmentation du coût de l'énergie et de la part des taxes dans cette dépense. La proposition de loi traite de ces sujets : utilisons-la pour améliorer le pouvoir d'achat des plus démunis. L'augmentation du chèque énergie a effectivement été annihilée par celle du prix de l'électricité. Quant à l'argument du droit européen, permettez-moi de rappeler que l'Union européenne a accepté la création d'une taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante.
Vous avez raison s'agissant de l'augmentation, depuis plusieurs années, des taxes sur l'énergie. Toutefois, la TICGN et la CSPE font actuellement l'objet d'un gel. Le droit européen, je le redis, ne permet pas de moduler la TVA en fonction des revenus. En outre, votre proposition nécessiterait que les fournisseurs d'énergie connaissent le niveau de revenus de leurs clients et leur appliquent une taxation différente, ce qui serait très difficile à appliquer. Il serait, à mon sens, plus efficace de travailler sur les aides directes et d'augmenter les montants du chèque énergie.
La TIPP flottante, monsieur Bourquin, s'appliquait à l'ensemble des ménages sans distinction de revenus.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié bis.
Nous entendons notre collègue Anne-Catherine Loisier sur la présentation de son rapport très attendu sur l'Office national des forêts (ONF).
Plus de trois cents rapports ont été publiés ces trente dernières années sur la forêt, ce qui témoigne des préoccupations liées au secteur et des difficultés à surmonter. De grande qualité, ils raisonnent cependant, pour la plupart, de façon compartimentée. Je signale que le dernier rapport du Sénat sur l'Office date de 2009 : en se basant sur une enquête de la Cour des Comptes, nos collègues de la commission des finances avaient titré « L'ONF à la croisée des chemins ». Mais depuis dix ans, cet établissement public industriel et commercial (EPIC) n'a pas changé de statut ; son déficit avoisine toujours 20 millions d'euros par an et seuls ses effectifs ont été réduits de 10 000 agents à 8 500.Une présentation synthétique et actualisée s'avère donc opportune, afin d'apporter un regard opérationnel et prospectif, propice à définir des solutions. La situation de l'ONF, « au bord du gouffre » puisqu'il a atteint le plafond d'endettement de 400 millions d'euros fixé par le Gouvernement, suscite de nouvelles propositions. Outre celles du présent rapport, des recommandations émanent des communes forestières, réunies en congrès à Épinal il y a quelques jours - je m'y suis rendue avec notre collègue Daniel Gremillet. Nous attendons également les conclusions de la mission confiée à des inspecteurs généraux, dont le rapport avait été annoncé au mois de mai. Nous les avons d'ailleurs rencontrés - j'hésite à parler d'audition, car ils se sont montrés particulièrement discrets. Nous devrions savoir dans quelques jours ce que cachait leur silence...
Une vingtaine d'heures d'auditions nous ont permis d'entendre une trentaine d'intervenants qui ont exprimé des sensibilités diverses. La nécessité d'un changement de modèle a été souvent été invoquée, mais les opinions divergent sur son contenu et sa finalité. Pour les uns, il s'agit avant tout d'alimenter en bois la filière de transformation et d'équilibrer les comptes de l'Office en diminuant le poids de ses charges, notamment salariales. Pour les autres, la priorité va à un modèle de gestion plus respectueux de l'environnement forestier, permettant de valoriser son rôle de puits de carbone et de réservoir de biodiversité. Les tenants de cette analyse s'opposent à une logique productiviste et sollicitent une rémunération des aménités de la forêt, équivalentes aux prestations pour services environnementaux en agriculture.
Il me semble non seulement possible, mais indispensable, de concilier ces deux logiques dans le cadre d'une approche multifonctionnelle, déjà pratiquée par bon nombre d'élus en tenant compte des spécificités forestières locales. À cet effet, le rapport prône une stratégie de réforme forestière globale comportant trois volets.
Il s'agit d'abord de redéfinir les missions assignées à l'ONF en clarifiant, d'une part, ses fonctions régaliennes d'intérêt général et les moyens mis à disposition pour y parvenir et, d'autre part, en les distinguant des activités concurrentielles, mobilisables au cas par cas, en fonction des besoins des collectivités.
Il convient ensuite de repositionner la gouvernance des forêts publiques au plus près des territoires et des projets locaux : cela permettra de valoriser le rôle d'aménageur et de développeur des élus en favorisant des dynamiques de territoires qui déclinent les priorités du programme national de la forêt et du bois (PNFB) et des plans régionaux.
Il faut enfin rapprocher les acteurs forestiers publics et privés en décloisonnant la gestion des forêts et en raisonnant par massif ou par projet, afin d'être plus résilients face aux aléas climatiques, plus efficaces en matière de production, d'équipements ou de commercialisation, mieux adaptés pour répondre aux demandes sociétales.
Notre premier constat va à l'encontre de certaines idées reçues sur l'ONF. On lui accole trop souvent une image de déficit et d'immobilisme : cela pèse lourdement sur le moral des personnels et ce n'est pas conforme à la réalité. En effet, depuis les premiers signes de fragilisation liés à la baisse des prix du bois, en 1980, l'ONF a divisé par deux ses effectifs et augmenté sa production de matière première et de services rémunérés ou non marchands.
Ces efforts considérables n'ont cependant pas permis d'inverser la tendance structurelle au déficit et à l'endettement. De fait, les compressions d'effectifs n'ont pas réduit mais seulement stabilisé la masse salariale, en raison de la charge nouvelle des pensions de retraite et de l'augmentation des rémunérations publiques. Or, la masse salariale de 470 millions d'euros représente l'essentiel des charges de l'Office, qui s'élèvent à 850 millions d'euros. Il s'agit donc d'un facteur déterminant de l'équilibre budgétaire. Simultanément, l'augmentation des volumes de coupe n'a pas jugulé la diminution des recettes liée à la faiblesse des cours du bois : en cinquante ans, la récolte de bois dans les forêts domaniales a augmenté de 35 % mais la recette correspondante a baissé de 30 %.
L'équation financière « le bois paie la gestion forestière », censée garantir l'équilibre financier de l'ONF, n'a fonctionné qu'en 1973 et en 1974 : lorsque le choc pétrolier a porté les cours du bois à des sommets, les ventes ont représenté presque le double de la masse salariale de l'ONF, avec des effectifs deux fois supérieurs à aujourd'hui. Depuis 1980, les ventes de bois couvrent, en moyenne, la moitié de la masse salariale de l'ONF.
Pour l'exercice 2018, l'Office affiche un résultat net déficitaire de 4,8 millions d'euros, avec un rééquilibrage par rapport à 2017 qui s'explique, en particulier, par l'augmentation des cours du chêne. Les prévisions pour 2019 sont plus inquiétantes : il faut tenir compte de la crise des scolytes qui frappe l'épicéa et devrait entrainer un manque à gagner d'environ 10 millions d'euros pour l'ONF.
Au-delà de ces variations annuelles, c'est la progression continue de l'endettement de l'Office qui témoigne d'un déséquilibre structurel. Il faut cependant replacer ces données financières dans un contexte plus global en allant au-delà de la stricte analyse comptable et en gardant à l'esprit certaines réalités.
Tout d'abord, le ministère de l'économie et des finances a régulièrement augmenté les contributions des communes à l'ONF afin de compléter, à hauteur d'environ 30 millions d'euros par an, le « versement compensateur » de 140 millions d'euros versé par l'État au titre du « régime forestier ». Il s'agit de compenser une partie du coût des prestations d'intérêt général réalisées par l'ONF dans les forêts communales en application du code forestier et des politiques publiques environnementales. Le raisonnement de « Bercy » ne prend pas suffisamment en considération les coûts assumés par les collectivités en raison de l'exploitation forestière, de la fiscalité - les recettes d'exploitation forestière minorent la dotation générale de fonctionnement (DGF), alors qu'une partie est systématiquement réinvestie dans la plantation et l'entretien - l'accueil du public ou l'entretien des espaces. Il n'est pas impossible que « Bercy » envisage une nouvelle fois d'augmenter la participation financière des communes. Je rappelle qu'en 2010, le rapport d'Hervé Gaymard, alors président de l'Office, soulignait déjà avec réalisme que la remise en cause, même partielle, du versement compensateur scellerait l'écroulement du régime forestier qu'il qualifiait de « pièce maîtresse de la gestion durable de la forêt ». Aujourd'hui, les élus locaux se sentent insuffisamment associés aux choix de gestion et ressentent parfois une forme de « tutelle forestière » de la part de l'ONF de moins en moins bien acceptée. Ils se retrouvent souvent dans des situations difficiles avec des habitants qui ne comprennent pas les choix de gestion sylvicole.
Le fait le plus symptomatique de la crise actuelle est le projet de l'État de faire encaisser les 280 millions de recettes de ventes de bois des communes par l'ONF afin d'alimenter la trésorerie déficiente de l'Office. Outre le fait que ce système aurait pour conséquence de faire de l'ONF le « banquier des communes », il ne résoudra en rien son déficit structurel. La situation est donc vécue comme un abus supplémentaire de l'État et de l'ONF.
Du point de vue économique, le déficit financier de l'ONF ne doit pas occulter le rôle structurant de l'Office en matière de commercialisation du bois : l'enjeu majeur est l'approvisionnement de la filière de transformation qui représente 53 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 440 000 emplois directs et indirects, soit autant que le secteur automobile. La forêt publique, composée des forêts communales et des forêts domaniales de l'État, représente 25 % des surfaces forestières, mais commercialise près de 40 % du bois. Ces chiffres démontrent l'efficacité incontournable du système de commercialisation organisé par l'ONF.
Ce constat amène plusieurs recommandations essentielles, en particulier, pour les prochaines négociations du contrat d'objectifs et de performance de l'ONF. Il faut d'abord maintenir le régime forestier qui permet à l'Office de coordonner la gestion des 1 300 forêts domaniales et des 11 000 forêts des collectivités et d'optimiser la gestion sylvicole pour garantir les besoins d'approvisionnement des entreprises de transformation. L'abandon du régime forestier s'accompagnerait d'un éparpillement des ventes préjudiciable à la filière. Il s'agit ensuite de renforcer la gouvernance en associant plus étroitement les élus des communes propriétaires de forêts, notamment par l'information et par l'accès aux données qui concernent les ventes de leurs bois. Ce sujet complexe doit d'ailleurs prendre en compte les droits de l'organisme effectuant le traitement et la mise en forme des données.
Enfin, il convient de favoriser la gestion par massif, en soutenant notamment les initiatives de rapprochement entre forêts publiques et forêts privées. La forêt privée représente les trois quarts de la superficie forestière. Elle constitue un gisement important de bois encore sous-exploité et pourrait contribuer à l'approvisionnement des industries de la filière. Je préconise, sur ce point, de suivre l'exemple allemand de cogestion forestière public-privé qui est l'une des clés de son efficacité ?
Faut-il pour autant imiter les autres aspects du « modèle allemand » en évoluant vers une forêt plus productiviste ? Certes, avec une forêt 50 % moins étendue que la nôtre l'Allemagne produit deux fois plus de sciages. Cela s'explique par la composition de sa forêt aux deux tiers résineuse avec des essences de bois correspondant à la demande du marché et des industriels. La forêt française, quant à elle, est constituée aux deux tiers de feuillus, en particulier de chênes, également très demandés et à forte valeur ajoutée. Quand bien même nous souhaiterions enrésiner notre forêt pour l'exploiter plus intensivement, cela prendrait plusieurs décennies pour convertir nos massifs, sans aucune certitude sur l'évolution future du marché. Cela présenterait également des risques inhérents aux monocultures, plus vulnérables aux aléas climatiques ou aux attaques parasitaires et appauvrirait les sols en raison d'une exploitation plus intensive et d'une rotation plus rapide des peuplements. Nos concitoyens sont-ils favorables à une monoculture intensive des forêts préjudiciable à la biodiversité alors que notre forêt abrite entre 120 et 160 essences d'arbres contre seulement 40 en Allemagne ?
J'estime nécessaire de préserver la multifonctionnalité forestière : il s'agit pour les gestionnaires publics et privés, d'adapter les massifs forestiers et de diversifier les essences, afin qu'elles soient plus résilientes aux changements climatiques et aux aléas grandissants tout en s'ajustant, autant que possible, aux demandes de matières premières du marché et des industriels.
Les forestiers doivent certes adapter leur production aux besoins des marchés, mais les industriels doivent également investir dans de nouveaux procédés pour utiliser les essences existantes. Cela facilitera l'adhésion de la société française aux choix forestiers et démontrera que la filière forêt-bois est l'alliée d'un développement économique durable et soutenable. Elle crée des emplois et des activités favorables à l'écologie : l'immobilier et le mobilier stockent durablement le carbone.
Je fais également observer que même si les pays du Nord, y compris la Suède, ont été frappés par des incendies de forêt de grande ampleur, la France a jusqu'à présent été épargnée. Cela démontre la capacité de résilience de notre forêt aux crises sanitaires et aux incendies, même si depuis 1950 sa surface a augmenté de plus de 50 % et couvre aujourd'hui le tiers de l'hexagone.
Pendant les auditions, nous avons également évoqué le cas des gestionnaires privés comme la Société Forestière, filiale de la Caisse des dépôts : celle-ci dégage une rentabilité de 2 %, soit un peu moins de 100 euros par an pour chaque hectare de forêt dont la valeur moyenne s'établit à de 4 000 euros. Si l'on applique ce pourcentage à la forêt de l'État, inscrite au bilan de l'Office pour 10 milliards d'euros, l'ONF pourrait, en théorie, rapporter à l'État 200 millions d'euros de plus chaque année et, pour le moins, équilibrer ses charges.
Cependant, notre forêt publique, du fait de sa composition et du poids des missions d'intérêt général, ne peut pas être gérée de façon intensive. Elle doit souvent privilégier les fonctions de réservoir de biodiversité sur celles de production, comme en témoigne la création récente du grand parc national des forêts de feuillus de Champagne et de Bourgogne. Cette terre historique de production de chênes de qualité est désormais mise en réserve, alors qu'elle recèle un potentiel exceptionnel préservé grâce à une gestion raisonnée des propriétaires locaux.
Une des réussites incontestables de l'ONF, en partenariat avec les communes, est d'avoir engagé une certification forestière propice au développement d'une forêt publique de qualité, attractive et multifonctionnelle. Cette certification est un gage de qualité dans tous les maillons de la chaine de transformation du bois. Ainsi, la France a fait prospérer une forêt répondant aux attentes sociétales en matière de production comme de biodiversité. Face aux enjeux climatiques, la biodiversité forestière devient un outil déterminant de captation carbone. La forêt acquiert ainsi une dimension nouvelle, en particulier auprès des jeunes générations, plus sensibles aux sujets environnementaux.
Pour un retour à l'équilibre financier de l'ONF, tout en réduisant les tensions avec le personnel et les élus, une solution consisterait à prendre en compte les aménités de la forêt, qui conditionnent la survie des écosystèmes et demeurent non rémunérées. Un hectare de forêt rapporte environ 100 euros par an à son propriétaire en vente de bois, mais dix fois plus à la collectivité. Le Conseil d'analyse stratégique a chiffré le gain à 970 euros en tenant compte des externalités positives : cueillette, chasse, stockage du carbone, pureté de l'eau, protection des habitats, biodiversité, services culturels et agrément. Dans un contexte de pression sur la ressource, il est essentiel de préserver cette approche durable, condition incontournable pour une exploitation acceptée par les populations. En contrepartie, il apparaît nécessaire de mobiliser des paiements pour services environnementaux, des quotas carbone ou d'autres incitations fiscales visant à favoriser des pratiques vertueuses.
La problématique du déséquilibre financier de l'ONF se pose depuis sa création. Historiquement, c'est parce que « la forêt perd toujours les arbitrages budgétaires », qu'Edgar Pisani a justifié en 1964 la création d'un EPIC pour identifier chaque année les recettes et les dépenses afférentes aux forêts publiques.
La forêt constitue un nouvel enjeu, face aux changements climatiques, de matériau renouvelable et de ressource énergétique. Pour la préserver, les pouvoirs publics doivent redéfinir les missions de l'ONF et clarifier la frontière entre, d'une part, les aspects régaliens - le cadrage, le contrôle, le suivi, la veille sanitaire, la prévention des risques, la production de services non marchands - relevant du régime forestier et, partant, du financement public via le versement compensateur, et d'autre part, les activités concurrentielles. Cela permettra de préciser les missions des agents, de clarifier les données comptables et de distinguer missions de l'ONF de celles de l'Office français de la biodiversité (OFB).
Il convient, en outre, de repositionner la gouvernance des forêts publiques au plus près des territoires, en valorisant les élus et en permettant de nouvelles initiatives forestières de proximité, dans la logique du PNFB et des plans régionaux. Aborder la gestion forestière par massif permet de tirer parti des chartes forestières, des plans de développement de massif et des plans d'approvisionnement territoriaux au bénéfice de l'économie locale. Une telle évolution serait, en outre, cohérente avec le souhait exprimé par la fédération nationale des communes forestières, qui appelle de ses voeux, dans son manifeste, la mise en oeuvre d'un plan forestier local pour compléter la panoplie d'outils stratégiques locaux de développement forestier.
Enfin, il apparaît nécessaire de rapprocher les acteurs forestiers publics et privés pour privilégier la gestion transversale à l'échelle d'un massif. Il s'agit de favoriser la constitution de partenariats vertueux en matière de choix des essences, de gestion sylvo-cynégétique, d'équipements, de commercialisation et de lutte contre les incendies et les crises sanitaires. Ils se traduiront dans des documents de gestion publics ou privés plus cohérents.
Les axes de réforme que je vous propose, partagés par les communes forestières, constituent les bases d'une réflexion à construire avec les acteurs publics et privés, en amont et en aval de la filière, pour définir une nouvelle stratégie forestière nationale où l'Office, partenaire des territoires, demeurera garant d'une politique forestière nationale.
Je remercie notre collègue pour la qualité de son rapport. Une partie des difficultés de la filière bois est due à l'utilisation insuffisante du chêne dans le secteur de la construction, avec le frein que constitue, en particulier, la norme européenne EN 14080 relative au lamellé-collé. Une évolution apparaît-elle envisageable ?
Le travail présenté par notre rapporteur est aussi remarquable que passionnant. Je souscris à ses propositions, en particulier pour mieux associer les collectivités territoriales à la gouvernance du secteur forestier et associer le secteur privé. J'étais maire d'une commune dont 52 % du territoire était constitué de forêts et je ne suis heurté à des difficultés considérables en raison du nombre élevé de propriétaires de parcelles.
Il est nécessaire d'adapter la forêt aux changements climatiques, mais les réponses apportées par les experts sont incertaines quand on leur demande quelles essences il faudrait replanter. Je suis favorable à la création de plans forestiers locaux, dès lors que ce document serait réellement établi à l'échelle locale : l'analyse des solutions envisageables nécessite un travail très fin, pratiquement à l'échelle de la parcelle.
Je salue le travail mené par Anne-Catherine Loisier au sein du groupe d'études Forêt-Filière bois. La situation financière de l'ONF est dramatique et nous devons y apporter des solutions. La proximité est gage d'efficacité : je souscris à la proposition d'une gestion par massif, mais serais plus prudent sur un rapprochement entre la forêt publique et la forêt privée, dont les objectifs diffèrent. La forêt publique ne doit pas être réduite à un rôle de distributeur de bois ; l'ONF est garant de sa qualité et, à cet effet, doit conserver son statut d'EPIC.
Je félicite à mon tour notre rapporteure. Il semble effectivement judicieux de raisonner par massif pour une gestion plus cohérente de la forêt dans nos territoires, parfois au bord de la rupture. Il faudrait, en revanche, nous montrer plus offensifs s'agissant du morcellement et du parcellement de la forêt privée. Les propriétaires sont trop nombreux ! Lors de la tempête de 1999, il a fallu consulter les cadastres pour établir la propriété de certaines parcelles dont les titulaires se désintéressent trop souvent.
Il convient, à juste titre, de définir plus clairement ce qui relève, au sein de l'ONF, de sa mission de service public : il n'est pas normal qu'elle puisse être économiquement assumée par ses autres activités concurrentielles. Je rappelle que la région dispose de la compétence économique : l'ONF doit donc disposer d'intervenants à ce niveau pour mettre en oeuvre sa politique forestière dans le cadre, nécessaire, d'un ambitieux plan d'investissement. Plus de la moitié de la superficie du département des Vosges est boisée : la forêt s'étend, mais elle n'est pas suffisamment productive. Elle pourrait pourtant être davantage utilisée en chimie verte et par la filière bois. À cet effet, la recherche apparait essentielle pour faire émerger de nouvelles capacités de valorisation industrielle et je pense, en particulier, à la possibilité de réaliser du lamellé-collé avec du hêtre.
Nous avons trop sous-estimé l'information des utilisateurs de bois d'oeuvre : ils privilégient souvent les bois exotiques pour des usages alors que le bois français correspond pourtant aux besoins. Dans mon département, nous avons mené auprès d'eux des actions d'information.
Je ne suis guère optimiste s'agissant d'un possible remembrement des parcelles privées. Elles représentent souvent le fruit d'ajustements sur des héritages successifs, qui ont conduit à des indivisions complexes. La multifonctionnalité de la forêt doit être et sa mission environnementale rémunérée : je regrette, à cet égard, que le Sénat ait rejeté notre proposition de résolution sur la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs.
L'ONF nous a longtemps été envié. Désormais, le personnel dénonce les menaces qui pèsent sur les missions de l'opérateur. La question de la rémunération des aménités positives apparaît, dans ce cadre, cruciale. Comment les services rendus par l'ONF en matière environnementale peuvent-ils être mieux considérés par l'État ? Par ailleurs, disposez-vous d'informations sur la cyperméthrine, traitement toxique souvent utilisé sans précaution ?
Je salue la qualité du constat et des recommandations du rapport. L'ONF a vu sa masse salariale se réduire et les contractuels remplacer les fonctionnaires. L'opérateur va-t-il être supprimé au profit du secteur privé ? La Cour des comptes propose des solutions économiques intéressantes, notamment relatives au stockage du dioxyde de carbone. Le secteur privé doit 109 millions d'euros à l'ONF. Quoi qu'il en soit, le rôle de l'Office ne peut être limité à son activité économique : sa mission environnementale est essentielle et, dans mon département, la forêt souffre de la sécheresse. Elle doit être protégée ainsi que notre filière bois. Ainsi, le Québec a interdit la sortie des grumes de son territoire avant leur transformation. En France, nous les envoyons trop souvent en Chine...
Je remercie notre collègue Anne-Catherine Loisier pour s'être autant investie dans ce sujet. Je proposerai dans le cadre du projet de loi de finances, pour lutter contre le morcellement de la forêt privée, de prélever l'impôt sur toutes les parcelles en regroupant les années dues et non réclamées par l'administration quand il s'agit de sommes inférieures à un certain seuil. Il faut effectivement rémunérer les services rendus à l'environnement par l'agriculture et par la forêt, mais comment ?
À Épinal, quelle a été la réponse du ministre s'agissant du projet de recouvrement, par l'ONF, des recettes des ventes de bois par des communes ?
Monsieur Gremillet, la recherche et l'innovation représentent effectivement un enjeu essentiel pour une meilleure utilisation des ressources en bois, avec la cellulose par exemple. L'État et les industriels doivent investir dans ce domaine.
Monsieur Daunis, les démarches entreprises par les acteurs locaux ont prouvé leur efficacité. Les besoins des territoires varient et nécessitent une approche fine. Trop souvent l'ONF s'est comporté comme s'il était propriétaire des forêts communales, ce qui revient à déposséder les élus de leur compétence. Les avis des experts diffèrent dans la réponse à apporter aux changements climatiques, car il ne s'agit pas d'une science exacte ; les solutions et les essences à privilégier varient en fonction des territoires. Je précise également que l'ONF suit attentivement l'état sanitaire des forêts.
Monsieur Duran, le rapprochement entre gestionnaires publics et gestionnaires privés représente une nécessité, notamment à l'échelle du massif pour la gestion, par exemple, d'une crise parasitaire ou pour l'aménagement d'une desserte. Il faut optimiser les moyens d'exploitation de la forêt.
Monsieur Gremillet, les rapports précédents ont souvent raisonné par silos. Je privilégie, quant à moi, la définition d'une politique nationale et le renforcement du rôle des régions. L'échelle du massif parait adaptée à la problématique du morcellement. Il est, en outre, nécessaire d'accompagner les industriels en matière d'innovation et d'adaptation de leurs outils aux progrès techniques.
Monsieur Tissot, je vous rejoins sur la nécessité de favoriser l'utilisation de nos bois dans la construction, comme le font les Allemands. Cela réduit également le coût de transport. Il est important que les différentes fonctions de la forêt soient reconnues.
Monsieur Courteau, la cyperméthrine est un traitement chimique toxique désormais remplacé par une méthode thermique moins polluante mais plus coûteuse. De nombreux producteurs, soumis à cette norme sanitaire pour exporter du chêne vers l'Asie, échappent cependant à cette contrainte en exportant leur bois depuis les ports de nos voisins européens. Un travail d'harmonisation est donc nécessaire à l'échelle européenne. S'agissant de l'Office, nous attendons le résultat de la mission confiée aux inspecteurs généraux s'agissant de la rémunération des aménités positives et des missions d'intérêt général de l'ONF.
Monsieur Bourquin, l'ONF, avec 40 % de personnels de droit privé, compte davantage de fonctionnaires que de contractuels, ces derniers étant recrutés pour les activités concurrentielles, et non régaliennes, de l'établissement. Je précise également que 600 emplois aidés, essentiellement des apprentis, ont également été recrutés, pour un coût de 10 millions d'euros par an. L'économie d'hier n'est pas celle demain : il faut savoir évoluer.
Enfin, madame Noël, sur le sujet que vous évoquez, le feuilleton continue... M. Guillaume ne s'est pas déplacé à Épinal, peut-être pour éviter de fournir une réponse à la question que vous vous posez et qui suscite l'inquiétude des communes forestières.
Je vous propose de vous rendre compte des observations qui me sont parvenues à la suite de la récente consultation des sénateurs de notre commission membres d'organismes extra-parlementaires.
La commission des affaires économiques est actuellement représentée au sein de 29 organismes différents, qui recouvrent l'ensemble des secteurs de l'activité économique. Vous êtes 26, soit un peu plus de la moitié des effectifs de la commission, à siéger actuellement au sein d'un OEP relevant de notre champ de compétences.
Je voudrais commencer par remercier tous les collègues - ils sont vingt au total - qui ont répondu à mon courrier et m'ont permis de nourrir ce bilan. L'objectif n'est pas de dresser un panorama exhaustif des OEP, mais plutôt de proposer une synthèse de vos témoignages, tout en évoquant les points de vigilance sur lesquels vous avez attiré mon attention et notamment les cas particuliers de certains organismes.
Vous le savez, la question de l'utilité de la présence de parlementaires dans des organismes extra-parlementaires n'est pas neuve. Depuis 2015, le Sénat a engagé une réflexion sur les organismes extérieurs au Parlement avec un double objectif : recentrer l'activité des parlementaires sur les travaux de leur assemblée et mettre fin à des pratiques attentatoires au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs (à l'époque, pour 40 % des organismes la présence de parlementaires était prévue par un texte réglementaire et non par la loi).
Le processus de rationalisation s'est déroulé en deux temps. L'adoption d'abord de l'article 13 de la loi organique du 15 septembre 2017, qui a fixé un principe à la fois clair et respectueux de la séparation des pouvoirs : depuis le 1er juillet 2018, seule une loi peut prévoir la présence d'un député ou d'un sénateur dans un organisme extra-parlementaire. Le vote ensuite de la loi du 3 août 2018, dont l'initiative était commune aux présidents des deux assemblées et qui comportait trois objectifs : rationaliser les procédures de nomination des députés et des sénateurs dans les organismes extraparlementaires, garantir leur présence dans les structures où elle apparaît justifiée et la supprimer lorsque cette justification a cessé.
Cette loi a permis de réduire le nombre d'OEP de plus de 14 % et a quasiment supprimé les postes de suppléants. Il reste néanmoins 173 organismes extraparlementaires attribuant 637 mandats. La désignation des parlementaires au sein de ces OEP relève désormais, généralement, du Président de l'assemblée considérée, avec un strict respect des principes de pluralisme politique et de la parité homme-femme.
Dans un courrier datant du mois de février, le Président Gérard Larcher indiquait sa volonté que les sénateurs membres d'OEP rendent régulièrement compte des aspects de leur activité les plus à même d'intéresser leur commission. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité recueillir l'avis de nos collègues en les questionnant sur trois aspects : quelle est la fréquence d'organisation des réunions de l'OEP dont ils sont membres ? Quel intérêt retirent-ils de leur présence au sein de l'organisme concerné ? Leur semble-t-il pertinent et stratégique que le Sénat continue d'être représenté dans cet OEP ?
D'une manière générale, la plupart des sénateurs interrogés m'ont fait part de l'intérêt qu'ils trouvaient à siéger dans un ou plusieurs OEP. La méfiance qui prévaut parfois à l'égard de ces organismes, dont l'opinion commune voudrait qu'ils constituent une manière superficielle d'associer les parlementaires, semble parfois ne pas se justifier. Il est en effet certains OEP qui non seulement présentent une activité soutenue, mais donnent véritablement la possibilité au représentant du Parlement de recueillir des informations privilégiées et de prendre part à des décisions en lien avec son mandat, par exemple en examinant des projets de décrets ou d'arrêtés pris en application des lois votées. A contrario, il existe aussi quelques coquilles vides, dont le rythme erratique des réunions et l'absence de caractère stratégique des délibérations laissent augurer du peu d'utilité qu'en retire le parlementaire au cours de son mandat.
C'est en suivant cette typologie que j'aimerais évoquer quelques exemples concrets en commençant par le Conseil supérieur de l'énergie, présidé par notre collègue Roland Courteau. Cette instance se réunit en moyenne deux fois par mois et donne son avis sur les projets de décrets ou d'arrêtés que lui soumet le ministre de la Transition écologique et solidaire. Les membres du Conseil supérieur de l'énergie ont la possibilité de défendre des amendements et sous-amendements aux projets de textes qui sont présentés par le Gouvernement. Le Conseil donne également son avis sur les délibérations de la Commission de Régulation de l'Énergie. Les débats au sein du Conseil supérieur de l'énergie, riches et nombreux, permettent d'éclairer le Gouvernement avant toute prise de décision. La fréquence et la densité des réunions supposent un important travail de préparation de la part de ses membres.
La Commission Supérieure du Numérique et des Postes présente également un rythme de travail soutenu avec, en moyenne, deux réunions par mois. Les auditions et les déplacements proposés permettent une meilleure compréhension des enjeux liés aux activités postales et aux communications électroniques. La Commission a par exemple rendu un avis sur la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques. Elle peut également être saisie pour avis sur des projets de décrets. Ces travaux préalables éclairent ainsi la prise de décision et le travail parlementaire, tout en permettant d'évoquer des sujets en lien avec les territoires, en particulier ruraux.
La commission des affaires économiques est également représentée dans les conseils d'administration de différents organismes. Au sein du Conseil d'administration de l'Agence nationale de l'habitat, la présence d'un parlementaire permet d'obtenir des informations utiles à transmettre à la commission des affaires économiques, dans la perspective des rapports budgétaires liés au logement et à la rénovation. Elle établit également une continuité dans le suivi et l'évaluation des actions conduites dans ce domaine. Cela donne d'autre part à connaître la déclinaison opérationnelle de la politique gouvernementale et ses impacts sur le terrain. Dans une logique à la fois ascendante et descendante, cette participation peut être qualifiée de relais pour la commission des affaires économiques.
Il en va de même pour le Conseil d'administration de Business France, où la présence de parlementaires participe à l'éclairage et la bonne mesure des décisions prises avec un juste retour de ces informations à différents niveaux : Sénat, région, département, intercommunalités et communes. Cela permet en parallèle une meilleure compréhension des sujets d'amendements à introduire dans les projets ou propositions de loi examinés. L'utilité des parlementaires au sein de ces conseils d'administration apparaît ainsi comme un moyen de contrôle ; leur absence risquerait de laisser la place à une forme de technocratie.
La participation des sénateurs aux activités d'organismes extra-parlementaires offre donc la possibilité de se tenir informé de manière prioritaire des politiques publiques, d'acquérir une expertise dans un domaine et dans certains cas de suivre la préparation des textes législatifs, puis d'obtenir des informations sur la mise en oeuvre de la loi ou les décisions prises par le Gouvernement. Siéger au sein d'un organisme extra-parlementaire permet également d'activer un réseau et de nouer des contacts. En rencontrant d'autres élus et les professionnels des secteurs concernés, cela donne en outre l'occasion de constater les blocages et de prendre connaissance des recommandations des acteurs.
Il existe néanmoins certains organismes extra-parlementaires dont la situation amène à relativiser ce bilan. Quelques organismes extra-parlementaires n'ont simplement aucune activité : l'Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers n'a pas tenu de réunion depuis fin 2017. Il convient aussi d'évoquer les problèmes de manque de souplesse des agendas de certains organismes : les réunions du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique sont par exemple fixées le mardi après-midi ou le mercredi matin, avec un chevauchement sur les séances où la présence au Sénat est obligatoire.
Le conseil d'administration de l'Anru ne s'est pour sa part pas réuni depuis plusieurs mois pour la raison suivante : l'article 89 de la loi ELAN du 23 novembre 2018 est venu modifier la composition du conseil d'administration et préciser que les trois collèges le composant ont chacun le même nombre de voix. Un décret d'application était toutefois nécessaire pour préciser les conditions de participation du commissaire du Gouvernement. Il a fallu attendre le 13 mai dernier, soit presque six mois, pour la publication de ce décret qui rend de nouveau possible une convocation du conseil d'administration de l'Agence.
Le conseil d'administration du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), installé en août 2016, a lui aussi connu une période de vacance. Son premier président avait démissionné en octobre 2017 pour dénoncer le désengagement de l'État du dispositif des aides à la pierre et ses conséquences sur le financement du logement social. Pendant plus d'un an, le siège de président n'a pas été pourvu et l'intérim assuré par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. Aucune réunion physique ne s'est tenue dans l'intervalle et seules des consultations électroniques étaient organisées.
Le FNAP, placé sous la tutelle des ministres chargés du logement, de l'économie et du budget, est très largement piloté par les services de l'État et la marge de manoeuvre des administrateurs y est faible, outre la possibilité de s'opposer aux délibérations soumises au vote. Il existe une réelle interrogation sur la légitimité des tutelles ministérielles sur le FNAP, désormais que celui-ci est très majoritairement alimenté par les organismes HLM eux-mêmes ainsi qu'Action Logement. Il importe sans doute de continuer d'être représenté au sein de cet OEP, mais sans illusion sur la capacité réelle d'action du parlementaire qui exerce ce mandat et avec une vigilance sur la question de sa gouvernance.
J'en viens pour terminer à quelques éléments sur les Commissions départementales de répartition des crédits de la DETR. La plupart des parlementaires concernés déplorent un sentiment d'inutilité dans ces réunions, qui restent entièrement à la main du Préfet. La présence de députés et sénateurs dans ces commissions apparaît comme une maigre contrepartie à la suppression de la réserve parlementaire. Y siéger permet certes de suivre la répartition des crédits, mais cela constitue au mieux un droit de regard, car la décision échappe complètement aux parlementaires.
Vous l'aurez compris, il reste encore un peu de chemin à parcourir avant de pouvoir considérer le travail de rationalisation et de toilettage des OEP comme achevé. Surtout, il nous faudra à l'avenir résister à la tentation de créer de nouveaux organismes dans les lois que nous votons, sauf justification impérieuse.
J'encourage enfin les collègues membres des différents organismes à continuer de remonter les informations à la commission et à ses services, en sollicitant en tant que de besoin l'administrateur chargé du secteur concerné pour la préparation des réunions.
La réunion est close à 11 h 5.