Le 5 août dernier, le maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, est décédé brutalement dans l'exercice de ses fonctions, dans des conditions qui font aujourd'hui l'objet d'une enquête judiciaire. Cet évènement a déclenché une vive émotion. En accord avec le président du Sénat, nous avons souhaité prendre l'initiative d'une consultation des maires, afin de marquer l'intérêt de notre assemblée sur la question de la sécurité des maires. J'ai pris au cours de cet été l'attache des présidents de groupe politique et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Nous avons convenu avec la Délégation de nous associer pour l'élaboration d'un éventuel plan d'action pour la sécurité des maires. Cette audition précède la restitution des résultats de la consultation, qui a reçu 3 812 réponses, soit près de 10 % des communes. Je précise que la consultation était ouverte aux adjoints au maire, ainsi qu'aux élus municipaux ayant reçu délégation. Les données de cette consultation nous permettront d'élaborer une typologie réaliste des violences existantes et des circonstances dans lesquelles elles s'inscrivent. Grâce à cette typologie, nous pourrons proposer des solutions que les maires préconisent eux-mêmes. La commission des lois a aussi souhaité recueillir des informations par d'autres biais. Les ministres de la justice, de l'intérieur et de la cohésion des territoires ont été sollicités par écrit. Nous n'avons de réponse que du ministre de l'intérieur. Les autres ministres ont donc été relancés. Il ne faut pas y voir de la mauvaise volonté de leur part, je crois que cela illustre plutôt la difficulté à réunir des éléments concrets sur ce sujet.
Nous avons effectivement échangé sur l'initiative heureuse de la commission des lois. Lors des consultations des élus que nous avions faites précédemment, le sujet des violences n'était pas remonté. Le décès de M. Michel a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et dévoilé une situation qui s'est installée et à laquelle, trop souvent, nous nous sommes, collectivement, habitués.
Chacun peut en la matière y aller de son anecdote. J'ai personnellement souvenir de menaces contre ma famille que m'avait valu le déplacement du champ de foire qui était jusqu'alors en centre-ville. Plus récemment dans ma communauté d'agglomération, un maire s'est fait casser le bras lors d'une altercation avec des gens du voyage. Ce climat général de remise en cause des institutions, de dégradations des comportements, s'ajoute à la pression que subissent les maires. L'analyse des réponses au questionnaire sera intéressante. Le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a pris en compte certains aspects de la question du statut de l'élu et envisage des pouvoirs supplémentaires pour les maires. Tout cela est bien, mais pas suffisant. Ce projet de loi ne sera de toute façon pas la réponse à toutes les questions posées, notamment, par exemple, celle du dépôt sauvage des déchets. 2 400 collectivités ont répondu à une étude de l'Agence de l'environnement de la maîtrise de l'énergie (Ademe) : 87 % d'entre elles n'ont pas de données chiffrées, ce qui appelle à une certaine prudence sur les statistiques, mais il y a un sentiment d'exaspération et d'impuissance face à un phénomène qui s'aggrave. Pourtant les collectivités locales sont précurseurs en matière de traitement des déchets, tant au niveau technique qu'au niveau de l'information des citoyens. Or la question de l'incivilité impacte fortement le travail des collectivités sur ce sujet.
Un autre enjeu du quotidien, c'est l'attitude de certains groupes de gens du voyage. C'est un sujet très difficile, sur lequel beaucoup de collectivités locales ont fait d'importants efforts, dans le cadre des textes qui se sont succédé. Là aussi, beaucoup de territoires ont été innovants. Le dialogue avec le préfet est depuis facilité. Mais, de la même manière, la montée en puissance des incivilités vient perturber ce travail de fond. La proposition de loi de notre collègue Jean-Claude Carle, devenue la loi du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, a été considérablement amodiée par l'Assemblée nationale. Et encore faut-il qu'elle soit appliquée : il manque des décrets, onze mois après la promulgation. La tranquillité publique, la prévention de la délinquance et l'urbanisme sont aussi la cause d'incidents nombreux.
Nous avons réussi, avec les gouvernements et les lois successifs, à créer un climat de confiance sur les questions de sécurité, dans un dialogue entre collectivités locales, préfecture, sous-préfecture et gendarmerie, justice et école. Sur la question du respect des maires, il faut aussi instaurer ce climat de confiance, on n'a pas besoin de légiférer pour tout. Lorsque les maires sont agressés, l'agression est aussi psychologique et peut pousser certains au découragement et au renoncement. Lorsque les maires se sentent fortement soutenus par les autorités qui se sentent concernées, cela change la donne.
Au sein de la délégation, nous avons quelques pistes de réflexion. La formation des élus en premier lieu. Ensuite l'accompagnement des élus dans leurs démarches : les choses sont plus simples lorsqu'il existe un « fil direct » avec le préfet, le sous-préfet, la gendarmerie. Enfin sur la question judiciaire, toujours pour créer et préserver le climat de confiance, il faut que la justice ne laisse pas un pouce d'impunité sur les agressions contre les maires. Afin que la part d'autorité du maire soit respectée. Il faut donc des évolutions concrètes sur la manière dont le signalement et la plainte sont recueillis, sur l'attention portée au suivi judiciaire de la plainte. Vous avez enfin dû voir le travail intéressant effectué par le ministère de l'intérieur avec les 361 maires agressés.
Je trouve que nous avons peu avancé. En particulier, il n'est pas resté grand-chose de la proposition de loi sénatoriale sur les gens du voyage. Dans mon département, un maire s'est retrouvé très sérieusement molesté par les gens du voyage, il a même été menacé avec une tronçonneuse ; pourtant, les responsables n'ont eu que de la prison avec sursis. Tant qu'il n'y aura pas de sanction exemplaire, les choses ne changeront pas. Pour les communes qui disposent d'une aire d'accueil de gens du voyage, mais dans lesquelles des gens du voyage s'installent autre part, le préfet n'intervient pas, alors que sa réaction devrait être immédiate. Il y a également la question des dégâts : dans ma commune, les terrains de sports ont été ravagés par des rodéos quotidiens. Ce sont les communes qui paient ensuite. Quant aux agressions, même verbales, il faut un marqueur fort pour rassurer les maires.
J'ai profité de l'été pour interroger nos élus locaux sur l'évolution de leur sécurité. Leurs points de vue sont partagés. Une moitié évoque une situation certes stable mais identique à celle que connaissent les médecins ou les agents de la Caisse primaire d'assurance maladie. L'autre moitié évoque une augmentation des situations de tension. Dans 90 % des cas, les situations de tension physique sont liées à l'accueil des gens du voyage. C'est un problème spécifique. Sans surprise, ont été évoquées par les élus les questions de l'éloignement géographique des forces de sécurité intérieure et de la banalisation des infractions commises à l'encontre des maires. Par ailleurs, j'ai perçu une contradiction sur la question de la sécurité. Les élus ruraux des communes de moins de 10 000 habitants, sans police municipale, sont en demande d'une police intercommunale afin de constater les infractions et verbaliser. Mais ces mêmes maires n'acceptent pas pour autant de déléguer leur autorité de police judiciaire. Ils auraient le sentiment de ne plus être de « vrais maires ». Un ajustement juridique est-il possible afin qu'ils ne délèguent pas cette autorité ?
Le maire n'est pas obligé de déléguer ses pouvoirs de police s'il décide de les mutualiser. Je pense qu'il est nécessaire de faire de la pédagogie sur ce point.
La commission des lois a su faire preuve de réactivité en cette période estivale à la suite du drame de Signes en organisant cette consultation que nous avons relayée sur le terrain. Moi-même j'ai fait l'objet de menaces de mort lorsque j'étais maire. On oublie parfois que le maire est le représentant de l'État et qu'à ce titre il doit bénéficier d'un accompagnement humain et psychologique de l'État, par l'intermédiaire du préfet ou du sous-préfet. J'ai pour ma part bénéficié de la protection des gendarmes pendant trois mois. Mon agresseur a été condamné à une peine d'un an emprisonnement mais cette peine n'a pas été purgée et il m'arrive de le croiser.
Le président Larcher a déclaré que le maire se trouve « à portée d'engueulade » au sens noble du terme, parce qu'il est proche des citoyens. Mais le maire se fait aussi insulter et parfois frapper. Il devient le catalyseur de la violence d'une société qui va mal. Je pose la question de la protection de la démocratie lorsqu'un maire est agressé. Le maire qui vient, en tant que représentant de l'État, faire appliquer la loi lorsque des gens du voyage s'installent illégalement dans une commune se voit répondre qu'il n'est pas au-dessus des lois. Nous sommes passés d'un rapport vertical à un rapport horizontal. Dans une société où des personnes remettent en cause l'autorité de l'État, comment faire ? La situation est identique pour les sapeurs-pompiers auxquels la commission des lois consacre une mission d'information dont je suis rapporteur avec Catherine Troendlé et Patrick Kanner. Il existe une certaine forme de défiance à l'égard de toute forme d'autorité. Ce qui me choque le plus, c'est l'autocensure des maires et des sapeurs-pompiers dans le dépôt de plaintes. Ils doivent le faire systématiquement. Toutes les personnes à l'encontre desquelles j'ai déposé plainte ont été condamnées. Cela suppose un véritable accompagnement des maires dans cette démarche.
Monsieur le président, pourrons-nous avoir des informations sur les contributions adressées par les maires de nos départements ? Avec notre collègue Jean-Paul Émorine, lui aussi sénateur de Saône-et-Loire, nous avons rencontré 250 maires en six jours. Cette démarche a notamment permis de libérer la parole des femmes-maires. L'une d'entre elles nous a rapporté des propos insultants dont elle avait été victime. Lorsque j'étais maire, je suis allée accueillir un nouveau commerçant qui a refusé de me serrer la main car, selon ses dires, j'étais « impure » ce qui m'a choquée car je le rencontrais en ma qualité de maire. Je l'ai vécu comme un traumatisme. De façon générale les maires souffrent d'un manque de soutien car nombre de leurs plaintes ne sont pas enregistrées. Il faut cultiver la solidarité qui existe entre les maires pour faire face à une réelle misère éducative. Le maire est en effet « à portée d'engueulade », mais il incarne aussi l'espoir car c'est bien à lui que les citoyens s'adressent lorsqu'ils perdent leur emploi et ont besoin d'aide. À ce titre il mérite le respect.
Je suis impressionné par le travail que vous avez réalisé avec Jean-Paul Émorine dans votre département, travail qui vaut largement notre questionnaire. Je retiens l'idée d'examiner s'il existe des spécificités dans les réponses des femmes-maires. Concernant le questionnaire, il sera possible de connaître le nombre et le contenu des réponses par département mais pas l'identité de leurs auteurs. Nous ne disposions pas des courriels des maires, raison pour laquelle nous avons fait appel à l'association des maires de France. La mobilisation des sénateurs et le relais de la presse ont permis de faire connaître le questionnaire auprès des élus.
Jean-Marie Bockel a évoqué le contrat de confiance entre le maire et le préfet mais on constate des différences dans les actions des préfets et sous-préfets à l'égard des maires. Certains ne savent pas faire face à l'arrivée de gens du voyage tandis que d'autres apportent un réel soutien aux maires confrontés à des problèmes avec un administré ou un commerçant. Cela pose directement la question de la formation des sous-préfets. Je pense moi aussi que les femmes-maires sont confrontées à des problèmes spécifiques. Je suis élu municipal d'une commune dont le maire est une femme. J'ai dû à deux reprises la défendre, y compris physiquement, d'agressions dont elle était victime. Je constate qu'entre une atteinte à l'autorité du maire et une action justifiant le dépôt d'une plainte, il existe des situations intermédiaires qui peuvent se régler grâce à l'intervention de la police ou de la gendarmerie. Or les forces de sécurité n'acceptent pas toujours de se déplacer. On pourrait facilement actionner ce levier. Lorsqu'un dépositaire de l'autorité publique demande aux gendarmes ou policiers d'intervenir, ce devrait être automatique sans qu'il soit nécessaire de déposer plainte.
En tant qu'élu, nous avons tous été confrontés à diverses formes de menaces, y compris envers nos proches.
Nous rencontrons en outre souvent des situations conflictuelles dans l'exercice de nos fonctions, comme par exemple lorsque nous accueillons des gens du voyage. Sur ce sujet, nombre de nos collègues le savent, mettre à disposition une aire d'accueil conforme aux obligations légales qui sont les nôtres ne suffit pas, car les personnes concernées ne souhaitent pas toujours s'y installer. Il y a donc un rapport de force systématique entre les élus et les personnes qui souhaitent s'installer en dehors des aires légales. Je parle bien d'un rapport de force, et non pas forcément de phénomènes de violence et d'agression.
Il s'agit plutôt ici d'interroger le rôle des services de l'État sur le territoire lorsque le maire se trouve en difficulté pour faire appliquer la loi. J'ai observé que, bien souvent, les représentants de l'État ne soutiennent pas suffisamment les maires ou les présidents d'intercommunalité et tolèrent un état de fait illégal qui génère pourtant des nuisances pour les communes et finit par décrédibiliser la volonté de l'élu qui tente de faire respecter la loi.
De manière plus générale, je constate que les cas d'agressions envers les élus locaux se sont multipliés et ce quel que soit le sujet de tension, la région concernée ou le niveau social.
Ces phénomènes sont aggravés, me semble-t-il, par le fait que certains représentants de l'État ou magistrats jugent illégitime la qualité d'officier de police judiciaire qui est conférée au maire par la loi. Cela conduit par exemple certains maires à s'autocensurer lorsqu'ils sont victimes de violences et à ne pas porter plainte, alors qu'ils seraient tout à fait fondés à le faire. Je pense que nous pourrions utilement recadrer les choses dans la pratique. Il faut, par exemple, rappeler que ce n'est pas à l'officier de police judiciaire de décider de la recevabilité d'une plainte. Il faut lutter contre ces pratiques qui consistent à inciter les personnes à ne pas déposer plainte, mais seulement une main courante, qui est une simple déclaration de faits. Tous les élus et agents publics doivent être encouragés à déposer plainte lorsqu'ils font l'objet de menaces ou sont victimes d'une agression dans l'exercice de leurs fonctions.
Le nombre de plaintes pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique ainsi que pour rébellion ou voie de fait est très important pour les forces de l'ordre au niveau national. Parmi les condamnations prononcées pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, il serait d'ailleurs intéressant de comparer celles concernant les magistrats par rapport à celles qui concernent les forces de l'ordre. À ma connaissance, les sanctions prononcées sont plus lourdes dans un cas que dans l'autre. Or, les violences et agressions envers les élus ne cesseront pas si ces délits ne sont pas effectivement sanctionnés par les tribunaux.
Enfin, je souhaitais évoquer la possibilité offerte aux élus locaux de mutualiser leurs services de police via la création d'un service de police intercommunal, dont les modalités sont déterminées par voie de convention entre les parties prenantes. Il s'agit à mon avis d'un outil très intéressant mais qui n'est pas suffisamment utilisé.
Je rappelle que vous avez été rapporteur, l'année dernière, de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure, créée par notre assemblée dans un contexte où nous constations un taux de suicide anormalement élevé chez les forces de l'ordre, et que vous connaissez donc très bien le sujet de la sécurité.
J'ai été moi-même maire pendant douze ans. J'ai connu il y a quelques années les menaces de mort et les manifestations devant mon domicile.
Je salue l'initiative de la commission de consulter les maires mais j'attire votre attention sur la difficulté de trouver des solutions immédiates et opérationnelles : il ne faut pas croire que l'on va trouver un remède miracle en quelques jours.
Les violences dont peuvent être victimes les maires, qui vivent et exercent leurs fonctions au coeur de la population, reflètent en effet la violence de notre société. Dès lors, les solutions à imaginer impliqueront nécessairement la société toute entière.
Je souhaiterais en outre partager avec vous un témoignage éclairant sur le manque de soutien de la part de l'État à l'égard des maires. Lors de fortes inondations dans le Loiret, j'avais pu assister au dévouement des maires de deux communes, présents nuit et jour pour porter assistance à leur population et organiser les secours. Une association, considérant que ces deux maires avaient été négligents et n'avaient pas pris les mesures suffisantes pour prévenir les inondations, a déposé plainte à leur encontre, ce qui a débouché sur leur placement vingt-quatre heures en garde à vue. Autant vous dire que ces deux maires ont reçu beaucoup de témoignages de sympathie des habitants, dont l'incompréhension à l'égard de cette situation était patente.
Il y a aussi des progrès à faire en matière de formation des maires. J'ai eu l'honneur d'en créer le principe en 1992. Je m'étais à l'époque battu pour qu'elle fût confiée à des organismes publics mais, malheureusement, je n'ai pas été suivi et le regrette. Il serait utile de renforcer leur formation en droit et en matière de sécurité. Je ne crois pas que de telles formations soient organisées aujourd'hui.
De façon générale, ces questions sont la conséquence des dysfonctionnements de notre société. Mais il me semble que l'on pourrait réduire les risques par certaines mesures pragmatiques. Il faudrait, par exemple, que les demandes de protection de maires en danger pour une raison ou pour une autre obtiennent une réponse favorable de la préfecture si elle est justifiée.
Je souhaiterais compléter vos différents témoignages par un éclairage sur la rigueur des tribunaux à l'égard des maires.
J'ai été très surpris de l'expérience d'un maire d'une commune rurale dont la secrétaire de mairie a produit des fausses fiches de paie lui permettant de toucher des heures supplémentaires non effectuées pendant plusieurs années. Cette personne s'est donc enrichie pendant plusieurs années en détournant les deniers publics de la commune, alors que le maire lui avait, de façon tout à fait classique, délégué ces opérations d'ordonnancement. Lorsqu'il a découvert les faits, le maire a déposé plainte, mais il a été convoqué au tribunal pour passer en jugement et non comme témoin comme on aurait pu s'y attendre... Il a été poursuivi alors qu'il était une victime.
Cette insécurité juridique est une source d'inquiétude très importante pour les maires, dès lors qu'ils peuvent voir leur responsabilité engagée pour des faits commis par des personnes sous leur autorité, mais qu'ils n'ont pas, en particulier dans les petites communes, les moyens
Vous avez été nombreux à évoquer les rapports avec le monde judiciaire. Il faut incontestablement faire évoluer le regard du juge pour qu'il puisse prendre en compte la fonction particulière qui est celle du maire. Mais les difficultés sont aussi le fruit d'un climat général anti-élu, qui touche peut-être moins les maires mais dont ils sont aussi victimes, comme certains magistrats. Je pense qu'il faut faire passer un message, et que dans notre démocratie le Sénat peut le porter.
Je remercie Dany Wattebled pour ses propos. Lors de notre travail à la délégation aux collectivités territoriales sur les conditions d'exercice du mandat, nous avions conclu qu'il ne fallait pas changer la loi et créer un délit spécifique concernant les maires. Il serait déjà bien qu'on applique les textes existants et, au regard du débat démocratique, je pense qu'il faut être prudent et ne pas donner l'impression que l'on va créer quelque chose de spécifique pour les élus.
Pour répondre à Philippe Bonnecarrère sur les polices intercommunales, je voudrais souligner que j'avais vu dans mon département l'effet positif des « Brigades vertes » portées par le conseil général. Toutes les communes pouvaient adhérer et l'expérience avait été plébiscitée. Mais il est vrai que c'est une autre histoire.
Elles en avaient quelques-uns. En tous cas, il est certain que les communes sont très attachées à leur police municipale.
Je pense avec Loïc Hervé que l'accompagnement humain par les préfets et sous-préfets ne se délègue pas. Il faudrait qu'une circulaire spécifique leur soit adressée afin de mieux prendre en compte les infractions subies par les maires. Les sous-préfets d'arrondissement font un travail de grande qualité et ils ont le temps d'accompagner les élus qui ont subi une agression. C'est important, notamment à titre de dissuasion.
Certains maires ne veulent pas porter plainte quand ils sont eux-mêmes victimes. Pour ma part, je ne l'ai jamais fait mais j'avais une politique de plainte systématique dans les cas d'agression des agents de la commune. Ceci fut repris dans le contrat de confiance avec la police et la justice, avec une empathie constante à tous les niveaux.
Marie Mercier a souligné à juste titre la spécificité des femmes maires. Je suis pour la tolérance zéro absolue, même pour les insultes dont elles font l'objet. Il faut que les policiers et gendarmes soient conscients qu'il est aussi de leur intérêt de la mettre en oeuvre.
Alain Marc, je pense qu'il faut former les maires et qu'il y a non seulement les plaintes mais aussi les signalements ou même les simples rappels à la loi ; ils peuvent suffire si la réactivité est suffisante. Pour cela il faut créer un climat de confiance avec les acteurs de la police et de la justice. L'État doit les sensibiliser.
J'en viens maintenant au cas des gens du voyage qui est complexe. Les textes s'imposent aux élus locaux mais il n'est souvent pas facile de les mettre en oeuvre. Même dans un climat de bonne entente avec le préfet et le sous-préfet, il arrive qu'on demande aux élus de faire un effort pour l'accueil. Ceci place les maires dans une situation difficile surtout s'il y a des comportements mal acceptés par la population. La solution peut être de passer par les Églises ou les pasteurs aux profils atypiques des communautés de gens du voyage, qui sont des chefs de communauté et des interlocuteurs. Personnellement je considère que rentrer dans le cadre de la loi facilite l'action des maires pour l'accueil des gens du voyage.
Je connais l'action menée par François Grosdidier et je partage l'idée qu'il faut créer un climat de confiance. Je pense que celui-ci vient du haut - du préfet, du Procureur de la République. C'est difficile, mais quand cela est mis en place, cela redescend vers la base.
Mais les préfets et les magistrats changent tous les deux ou trois ans.
Mon expérience est qu'une fois que cela a été mis en place, les habitudes se transmettent et que toute la chaîne administrative comprend que le maire est un interlocuteur et un partenaire. Je précise que ce n'est pas seulement vrai pour les grandes villes mais aussi pour la ruralité.
Je pense aussi qu'il serait intéressant de demander à la Chancellerie quel a été le suivi des plaintes déposées par les élus dans l'exercice de leurs fonctions.
Je suis d'accord avec Jean-Pierre Sueur sur l'importance de la formation et je pense qu'il faut faire des propositions sur le sujet avec le CNFPT et les autres parties prenantes, afin que les maires soient mieux préparés à répondre aux situations de stress pour trouver la réponse ou les mots adaptés pour stopper l'agression.
Je pense que c'est un faisceau de réponses qu'il faut faire émerger pour répondre à la complexité de la situation actuelle.