La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 437 (2006-2007) relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur.
a indiqué que le projet de loi propose de transposer deux directives communautaires :
- la première complète le statut de la société coopérative européenne (SCE) pour organiser les modalités d'implication des travailleurs dans sa gestion, c'est-à-dire les procédures d'information et de consultation des salariés, mais aussi l'éventuelle participation de leurs représentants aux organes dirigeants de la coopérative ;
- la seconde vise à mieux garantir le paiement des créances dues aux salariés exerçant leur activité dans un Etat membre de la Communauté européenne, lorsque leur employeur, implanté dans un autre Etat membre, est en état d'insolvabilité.
Ces transpositions sont d'ailleurs tardives car elles auraient dû intervenir, respectivement, avant le 18 août 2006 et le 8 octobre 2005. De surcroît, en ce qui concerne le premier texte, le projet de loi ne concerne que le volet « social » de la SCE : un second projet, en cours d'élaboration à la Chancellerie, doit fixer d'ici quelques mois les aspects de son statut relevant du droit commercial ; la création d'une SCE ne sera donc possible qu'à l'issue du processus complet de transposition.
a ensuite présenté la première directive. Le statut des coopératives se distingue nettement de celui des sociétés commerciales de droit commun : en vertu du principe de « double qualité », les associés de la coopérative sont aussi les bénéficiaires de ses services ; une coopérative n'a donc pas vocation, en principe, à travailler avec des tiers non associés ; les associés de la coopérative disposent de droits égaux dans sa gestion, quel que soit le montant de leurs apports ; une coopérative ne peut être rachetée ou absorbée par une société de droit commun ; enfin, les bénéfices sont répartis entre les associés au prorata des opérations traitées avec chacun d'entre eux et non en fonction de leurs apports.
On compte en France 21 000 sociétés coopératives qui emploient 700 000 salariés et réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 100 milliards d'euros. Présentes dans tous les secteurs d'activité, elles peuvent rassembler des usagers, des entreprises ou des salariés.
La quasi-totalité des pays membres de la Communauté européenne connaissent la forme coopérative mais selon des règles juridiques très variées. La commission européenne a adopté, dès 1991, une proposition de règlement sur la société coopérative européenne et une proposition de directive sur l'implication des travailleurs dans la SCE, toutes deux définitivement adoptées en 2003 seulement, en raison de divergences de vues entre Etats membres.
Le compromis finalement obtenu, très proche du texte précédemment retenu pour la société européenne, donne la priorité au dialogue social. Il prévoit que les dirigeants de la coopérative négocient avec les représentants des salariés les modalités de leur implication dans la SCE. En cas d'échec de la concertation, des dispositions subsidiaires prévoient la création d'un organe de représentation des salariés, informé et consulté sur les questions intéressant la SCE dans son ensemble ou qui présentent un caractère transnational.
Sous certaines conditions de majorité, les représentants des salariés peuvent toutefois décider de ne pas conclure d'accord et de se fonder sur la réglementation relative à l'information et à la consultation des travailleurs en vigueur dans les Etats membres où la SCE emploie des salariés. Dans cette hypothèse, qui a vocation à être résiduelle, les dispositions subsidiaires de la directive ne s'appliquent pas et l'information ou la consultation des salariés a seulement lieu au niveau de chaque Etat membre.
Les petites coopératives sont soumises aux règles, moins strictes, prévues par le code du travail : désignation de délégués du personnel ou d'un comité d'entreprise en fonction de leurs effectifs.
Enfin, la directive comporte des garde-fous destinés à éviter que la création d'une SCE ne porte atteinte aux régimes d'implication des travailleurs en vigueur dans les entités participant à sa constitution. Par ailleurs, pour donner toutes ses chances à la concertation, la directive prévoit que, en cas d'application des dispositions subsidiaires, les représentants des salariés examinent, au bout de quatre ans, l'opportunité de rouvrir une négociation.
En définitive, M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que le projet de loi procède à une transposition fidèle de la directive. Toutefois, la traduction littérale de notions juridiques inconnues en droit français explique la présentation de plusieurs amendements rédactionnels. D'autres modifications techniques seront proposées pour veiller à ce que le dispositif s'applique à la fois dans l'actuel code du travail et dans sa nouvelle version codifiée en cours d'adoption par le Parlement.
a ensuite abordé le second volet du projet de loi, relatif à la garantie des créances salariales en cas de faillite transfrontalière. Il vise à transposer une directive de 2002, modifiant une directive de 1980 par laquelle les Etats membres avaient été conduits à mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs le paiement de leurs créances salariales en cas d'insolvabilité de l'employeur.
En France, cette mission relevait déjà de l'association pour la garantie des salaires (AGS) créée en 1974 par trois organisations patronales. Financée par une cotisation de 0,15 %, assise sur les salaires et recouvrée par les Assedic, elle garantit aux salariés le paiement de leur rémunération et indemnités de licenciement, notamment lorsque les fonds disponibles dans l'entreprise sont insuffisants pour faire face à ces créances.
La directive adoptée en 2002 a apporté certaines garanties aux salariés, en incluant dans le dispositif ceux employés à temps partiel, à durée déterminée ou intérimaires, en précisant l'institution de garantie compétente lorsque l'entreprise insolvable a des activités dans plusieurs Etats membres et en organisant l'échange d'informations pertinentes entre les administrations publiques et les institutions de garantie.
La transposition suppose de modifier le droit français sur deux points :
- organiser la garantie de l'AGS au profit des salariés employés en France par une entreprise installée dans un autre Etat membre ; les sommes dues aux salariés leur seront alors versées, par l'intermédiaire du syndic de faillite situé à l'étranger, sur présentation de relevés de créances ;
- organiser la communication par l'AGS des informations relatives à la réglementation des procédures d'insolvabilité, aux règles de licenciement applicables et à la nature des organismes à contacter pour le paiement des cotisations et contributions sociales.
Ceci étant, ces procédures restent d'ampleur limitée sachant que l'AGS n'a été saisie, entre janvier 2002 et décembre 2005, que de 104 procédures transfrontalières, concernant 603 salariés et occasionnant des avances de 3,8 millions d'euros, à comparer aux 6,9 milliards d'euros qu'elle a globalement engagés.
a jugé que le projet de loi procède à une transposition satisfaisante de la directive et n'appelle que quelques amendements techniques destinés à simplifier les procédures.
a souhaité savoir si la qualité de sociétaire suppose la détention d'une part de l'entreprise ou s'il suffit d'être salarié. Elle a demandé également si l'acquisition d'une part conditionne la possession d'une voix au conseil d'administration.
a fait observer que le chiffre d'affaires moyen de la plupart des coopératives est certainement modeste, dès lors que la plus grande part du chiffre d'affaires des coopératives est réalisée par des groupes aussi importants que le Crédit agricole ou les Caisses d'épargne.
a insisté sur la diversité des structures coopératives et des domaines économiques dans lesquels elles interviennent citant la société Alpha Taxi.
Observant que mutuelles et coopératives vont souvent de pair en droit français, M. Michel Esneu a demandé si les sociétés mutualistes sont également concernées par la directive.
a demandé si le projet de loi prévoit d'affecter des ressources nouvelles à l'AGS, pour compenser les dépenses supplémentaires désormais mises à sa charge.
a rappelé que les sommes versées par l'AGS à des salariés employés par une entreprise située dans un autre Etat membre demeurent très modestes. Il s'est toutefois interrogé sur l'opportunité de créer un fonds à l'échelle européenne, pour effectuer des compensations entre Etats.
Rappelant que les licenciements économiques sont exclus du champ d'intervention de l'AGS depuis 2004, M. Jean-Pierre Godefroy a souhaité savoir si les SCE seront également concernées par cette exclusion.
En réponse à Mme Annie David, M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que les questions d'organisation juridique trouveront leur réponse dans le deuxième projet de loi relatif aux SCE, qui sera examiné par la commission des lois. Il a souligné le caractère très consensuel du projet de loi, qui rencontre l'approbation des représentants des coopératives.
Il a indiqué à M. Michel Esneu que les mutuelles ne sont pas visées par le texte et a confirmé que les SCE ne bénéficient, en matière de licenciement, d'aucun traitement dérogatoire.
La commission a ensuite examiné les amendements présentés par le rapporteur.
A l'article premier (implication des salariés dans la société coopérative européenne), la commission a adopté neuf amendements rédactionnels, puis un amendement prévoyant que la prise en charge des dépenses de fonctionnement du groupe spécial de négociation par la SCE n'est pas limitée aux frais occasionnés par l'assistance d'un seul expert, ainsi qu'un amendement précisant le champ d'intervention du décret en Conseil d'Etat prévu par le projet de loi.
Elle a adopté l'article 2 (disposition de coordination) sans modification.
Après l'article 2, elle a adopté un amendement de coordination portant article additionnel.
A l'article 3 (garantie des créances salariales en cas de faillite transfrontalière), elle a adopté trois amendements : le premier organise le versement direct au salarié des sommes qui lui sont dues en cas d'insolvabilité de l'employeur ; le deuxième prévoit l'obligation de transmission, par le mandataire judiciaire ou le liquidateur, des informations relatives au montant des sommes dues au salarié ; enfin, le dernier réduit les obligations incombant à l'AGS en matière d'échanges d'informations.
Elle a adopté les articles 4 (modification d'une référence) et 5 (date d'entrée en vigueur du titre II) sans modification.
A l'article 6 (transposition dans le nouveau code du travail des règles relatives à l'implication des salariés dans la société coopérative européenne), elle a adopté quatre amendements de coordination, cinq amendements corrigeant une erreur matérielle, deux amendements rédactionnels, un amendement précisant le champ des dispositions d'application nécessitant un décret en Conseil d'Etat et un amendement de suppression de l'article L. 2363-6 du code du travail, redondant avec l'article L. 2363-4 du même code.
Après l'article 6, la commission a adopté deux amendements portant articles additionnels : le premier précise la sanction pénale applicable en cas d'entrave au bon fonctionnement du comité de la société européenne ; le second opère une coordination.
A l'article 7 (garantie des créances salariales en cas de faillite transfrontalière - insertion des dispositions dans le nouveau code du travail), elle a adopté quatre amendements de coordination et un amendement corrigeant une erreur matérielle.
Puis elle a supprimé l'article 8 (date d'entrée en vigueur des articles 6 et 7), jugé superfétatoire.
Enfin, elle a adopté le texte du projet de loi ainsi modifié.
Présidence de MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales et Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques
Les commissions des affaires sociales et économiques ont procédé à l'audition de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie auprès du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durable, et M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, sur les conséquences sanitaires et environnementales de l'usage de pesticides aux Antilles françaises.
a rappelé que cette audition a pour but de répondre aux interrogations sur la situation sanitaire et environnementale aux Antilles suscitées par la parution d'un rapport, d'ailleurs contesté, dénonçant l'usage excessif de chlordécone dans les bananeraies.
Existerait-il un lien de causalité entre ce pesticide et la baisse observée de la fertilité dans ces territoires, l'existence de malformations congénitales à la naissance ou le nombre record de cancers de la prostate, dont la prévalence est la plus élevée au monde en Guadeloupe et en hausse de près de 8 % par an entre 1996 et 2000 en Martinique ? Les résultats des études épidémiologiques le diront, mais il est regrettable que celles-ci aient été lancées tardivement, bien après les premiers doutes sur les dommages attribuables aux pesticides.
L'ampleur des thèmes à aborder explique que M. Jean-Paul Emorine et les membres de la commission des affaires économiques aient accepté de se joindre à cette audition pour étudier les aspects environnementaux et agricoles, qui relèvent plus directement de leur compétence.
a remercié M. Nicolas About d'avoir convié la commission des affaires économiques à cette audition et s'est félicité de la présence de nombreux commissaires.
a salué l'initiative de la commission des affaires sociales qui, à sa demande, a invité les ministres concernés à s'expliquer sur la crise du chlordécone aux Antilles.
a reconnu que le problème de la pollution par les pesticides en Martinique et en Guadeloupe suscite effectivement des inquiétudes et des interrogations, qui ont été récemment exacerbées par la publication du rapport du docteur Dominique Belpomme.
Ce rapport soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses, notamment sur les conséquences sanitaires de l'utilisation de chlordécone. En revanche, il dresse un constat alarmant sur la pollution des sols, et sur les effets produits sur les denrées alimentaires et la santé de la population.
L'état sanitaire de la population des Antilles françaises ne justifie pourtant pas d'inquiétudes particulières : certes, le nombre de cancers de la prostate est proportionnellement plus élevé qu'en métropole, mais la situation est inverse pour d'autres cancers. Au total, la mortalité globale par cancer y est significativement plus faible qu'en métropole.
En ce qui concerne les conséquences éventuelles sur la fertilité, deux études de l'Inserm menées en 2003 et en 2006 n'ont pas mis en évidence d'impact du chlordécone. Il n'existe pas de données permettant d'établir une infertilité particulièrement élevée aux Antilles et le taux de natalité y reste plus élevé qu'en métropole. Sa baisse relative peut relever de simples choix de vie ou d'autres paramètres individuels.
Cet état des lieux sera complété grâce au renforcement prochain des registres des cancers et des malformations congénitales dans les deux départements. En outre, le comité d'experts scientifiques proposera d'autres études, s'il l'estime nécessaire, notamment sur le suivi médical des travailleurs exposés au chlordécone.
a fait valoir que le principe de précaution a été appliqué à ce dossier : dès l'installation du Gouvernement, l'institut de veille sanitaire (InVS) a été chargé d'établir un bilan des connaissances scientifiques sur l'impact de la pollution aux pesticides, en particulier au chlordécone. Cette étude a été suivie par un rapport de l'Organisation mondiale de la santé, qui a souligné la vulnérabilité des enfants à ces produits, notamment pendant la grossesse et la période d'allaitement. En conséquence, l'interdiction et le retrait immédiats du paraquat ont été décidés.
L'avis rendu par l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) sur le chlordécone confirme la réglementation en vigueur depuis 2005, qui prévoit des seuils de sécurité de 50 et 200 microgrammes par kilogramme selon la fréquence de consommation des aliments. Ces seuils pourraient être encore abaissés à l'initiative du Gouvernement français qui a transmis, le 17 septembre dernier, à la Commission européenne une nouvelle proposition de limite à 20 microgrammes par kilogramme à intégrer dans un futur projet de règlement en cours de préparation.
Par ailleurs, le ministère de la santé a été chargé du pilotage de la mission interministérielle qui se rendra prochainement aux Antilles sous la direction du professeur Didier Houssin, directeur général de la santé, pour auditionner les acteurs concernés, confronter les propositions à la réalité du terrain et valider un plan d'action global. La transparence de ces travaux sera totale vis-à-vis de la population, qui doit être informée et rassurée. A cet effet, un comité d'experts scientifiques nationaux et internationaux, associant des médecins locaux, pourra être entendu dans chaque département.
L'information doit être spécialement destinée à la population qui consomme les produits de son jardin ou qui utilise l'eau de source puisée directement, pour lesquels les contrôles restent insuffisants. L'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) sera prochainement en charge de cette communication.
L'ensemble de ces mesures doit permettre de répondre aux interrogations sur les conséquences sanitaires du chlordécone, afin d'agir de manière appropriée. En attendant ces résultats, la vigilance s'impose.
a qualifié la situation de grave, estimant que le Gouvernement devait respecter les principes de transparence, de précaution et d'action. Expliquant que la lutte contre le charançon rouge pouvait être menée avec deux produits, dont le Rugby 10 G, il a souligné que des risques étaient dus à la substance active contenue dans ce dernier et a rappelé qu'il avait décidé pour cette raison de le retirer dès la prochaine campagne de commercialisation, sans attendre l'échéance communautaire prévue fin 2008. Il a précisé avoir également interdit l'utilisation du paraquat dès le mois de juillet.
Insistant ensuite sur la nécessité de développer des alternatives non chimiques aux traitements actuels, il a dit sa volonté d'en tirer des leçons pour s'orienter vers des modes de production durables, ajoutant qu'il avait mis en place une mission chargée de définir un cahier des charges en ce sens. Notant la forte persistance des produits insecticides dans l'environnement, il a chiffré à 6 500 hectares en Guadeloupe et 12 000 en Martinique la superficie des terres les plus gravement polluées. Il a annoncé que la cartographie de ces surfaces sur les deux îles constituerait l'une des actions prioritaires du nouveau plan interministériel coordonné par M. Didier Houssin, directeur général de la santé.
Estimant que les cultures réalisées à titre domestique dans les jardins familiaux devraient également être prises en compte dans ce plan, il a souhaité que des organismes de recherche comme l'institut national de la recherche agronomique (Inra) ou le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) explorent plus avant le processus de transfert des produits traitants du sol à la plante. Estimant que cette dernière problématique n'était pas essentielle pour les bananes, il n'a pas désiré que soient prises des mesures particulières de restriction de l'usage des sols pour les bananeraies. En revanche, il s'est prononcé en faveur du maintien des restrictions dans l'utilisation des sols pour la culture des tubercules.
Appelant au développement d'une agriculture durable, il a indiqué que seraient réalisés des diagnostics pour chaque exploitation, donnant lieu à des propositions d'accompagnement personnalisées telles que la replantation de variétés traditionnelles, le développement de nouvelles cultures, la mise en jachère ou l'échange de terres. Indiquant qu'il avait chargé un ingénieur du génie rural des eaux et forêts (Gref), en appui à la mission dirigée par M. Didier Houssin, de réfléchir à des possibilités de reconversion, il a évoqué la possibilité de faire appel aux concours financiers du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).
Après avoir souligné le total engagement auprès des élus du ministre d'Etat à l'écologie, au développement et à l'aménagement durables, sur les questions de préservation des sols, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, a rappelé que la problématique des pesticides était actuellement largement débattue au sein des différents ateliers du Grenelle de l'environnement. Elle a indiqué, à cet égard, que le groupe de travail n° 2 sur la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles s'interrogeait sur l'impact des pesticides sur la santé, ainsi que sur les possibilités de limiter leur emploi. Elle a ajouté que les travaux actuellement conduits au sein des groupes de travail n° 3 sur le lien entre santé et environnement mais aussi n° 4 sur l'adoption de modes de production et de consommation durables plaidaient pour une réduction significative de l'usage des pesticides. Elle a fait valoir qu'il était absolument nécessaire de faire preuve d'anticipation en la matière afin d'éviter à l'avenir une crise équivalente à celle que connaît aujourd'hui l'agriculture des Antilles avec le chlordecone.
Reconnaissant que les pesticides avaient leur utilité dans la lutte contre les organismes nuisibles, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a néanmoins souligné que ces derniers comportaient des risques directs et indirects pour l'homme et les écosystèmes à travers les pollutions de l'air et de l'eau. Elle a, par ailleurs, fait observer que la France était particulièrement consommatrice de pesticides, occupant la troisième place mondiale sur le marché des produits phytosanitaires, l'agriculture utilisant 90 % des tonnages commercialisés en France. Remarquant que les études actuelles indiquent une contamination préoccupante et généralisée des eaux par les pesticides, elle a relevé que, sur la base des données 2004, 96 % des stations d'observation en eaux superficielles et 61 % des stations en eaux souterraines étaient polluées. Elle a également précisé, qu'au regard de la directive-cadre sur l'eau, le bon état écologique et chimique requis pour 2015 n'était actuellement atteint que dans un tiers des cours d'eau et seulement la moitié des eaux souterraines. Elle a, enfin, reconnu que la présence de pesticides avait été détectée dans d'autres compartiments de l'environnement, comme l'air ou le sol.
S'agissant de la contamination des Antilles par le chlordecone, elle a indiqué que 63 % des échantillons analysés avaient une valeur maximale, en novembre 2004, de 8,6 microgrammes par litre. Elle a cependant insisté sur le fait que cette pollution concernait essentiellement les eaux superficielles, les eaux souterraines restant à ce jour très peu concernées par la pollution aux organo-chlorés. Dressant, à cet égard, un parallèle avec la pollution de certains fleuves français par les polychlorobiphényles (PCB), elle a jugé que la pollution des sols aux Antilles était ancienne et historique. Puis, rappelant que des mesures avaient été engagées dès 2000 afin de se prémunir d'une extension de contamination aux pesticides, elle a fait valoir que certains captages d'eau destinés à la consommation humaine avaient été fermés.
Elle a également porté à l'attention des commissaires que de nombreuses actions seraient engagées par le ministère de l'écologie, de l'aménagement et du développement durables autour de trois axes : le développement de la connaissance et la transparence en matière d'impact environnemental et sanitaire, les mesures de gestion du risque alimentaire et les mesures d'anticipation. Souscrivant, par ailleurs, aux orientations développées par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, elle a jugé nécessaire de poursuivre l'évaluation de l'impact sanitaire des différents pesticides.
Sur ce point, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet s'est engagée à être attentive aux actions relevant du champ de son ministère. Elle a tenu à souligner l'importance de l'anticipation sur d'éventuels problèmes liés à l'utilisation d'autres substances, rappelant qu'il ne fallait pas se focaliser uniquement sur le chlordecone. Elle a ajouté que l'Agence française de sécurité sanitaire avait été saisie pour effectuer un recensement des substances les plus utilisées aux Antilles, et que l'Agence française de sécurité alimentaire avait été saisie pour faire la synthèse de toutes les données disponibles concernant les risques liés à la présence du paraquat dans l'environnement.
Elle a mentionné que le plan d'action interministériel de réduction des risques liés aux pesticides publié en 2006 serait adapté au contexte antillais, en accordant la priorité à la protection et à la formation des salariés, à la réduction des risques liés au traitement aérien et à la réduction de l'utilisation des pesticides de manière générale. Elle a plaidé pour une poursuite de l'amélioration des connaissances et de la transparence notamment par l'analyse de sols pour mettre à jour la cartographie des sols contaminés et par l'accessibilité des données du site de l'observatoire des pesticides. Elle a, par ailleurs, insisté sur la nécessité de trouver des solutions à moyen terme pour les terres contaminées à travers une reconversion de celles-ci vers des systèmes de production économes en pesticides (cultures non alimentaires, cultures à vocation énergétique), plaidant pour des actions spécifiques axées sur l'outre-mer et souhaitant un développement de l'autonomie énergétique de cette zone à travers la promotion de l'utilisation de la biomasse.
a, enfin, estimé indispensable d'améliorer l'information des jardiniers familiaux dont les produits sont consommés dans le cadre local, mentionnant à cet égard l'étude dite « JaFa » (jardins familiaux) actuellement en cours aux Antilles, avant de réaffirmer son engagement personnel en faveur du respect du principe de précaution.
a ensuite indiqué que, dès sa prise de fonctions, il a mesuré l'ampleur du problème posé par l'usage des pesticides aux Antilles, dont le secrétariat d'Etat chargé de l'outre-mer assure, depuis des années, la bonne gestion transversale par l'ensemble des administrations compétentes. Ce dossier, parfaitement connu depuis le début des années quatre-vingt-dix, est périodiquement l'objet d'une médiatisation intense, dont le dernier épisode suscite de nouvelles inquiétudes liées à la santé publique et à l'économie des Antilles. En réponse à cette situation, le secrétariat d'Etat chargé de l'outre-mer a présenté, en liaison avec les autres ministères compétents, un certain nombre de propositions.
La première prévoit l'accentuation des contrôles, coordonnés par le Grefy (groupe régional phytosanitaire Martinique) et le Grepp (groupe régional d'études sur les pollutions par les produits phytosanitaires en Guadeloupe), organismes que président les préfets et qui associent des élus, les services compétents de l'Etat, les professionnels de l'agriculture, des magistrats et même, en Martinique, des représentants des médias. Dès l'année 2000, l'Afssa a été chargée d'évaluer le niveau d'exposition de la population au chlordécone et des seuils ont été fixés. Le ministère de la santé propose de revoir ces seuils à la baisse et il a été demandé aux préfets d'appliquer le principe de précaution en renforçant les contrôles effectués par les directions départementales de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF).
a insisté sur sa volonté de transparence lors de son récent voyage aux Antilles et sur son souhait de rendre publiques toutes les informations reçues à cette occasion. Il a regretté le nombre insuffisant des prélèvements effectués à des fins de contrôle : ceux-ci ne dépassent pas cent quatre-vingts par an et c'est pourquoi le Premier ministre a décidé de tripler, voire de quadrupler, les moyens des DGCCRF afin de rendre possible le quadruplement de ces prélèvements. Le contrôle de la qualité des eaux destinées à l'alimentation de la population et les messages de prudence en matière d'autoconsommation vont aussi être renforcés, dans la mesure où la contamination des parcelles destinées à l'autoconsommation est moins bien connue que celle des parcelles dédiées à la culture industrielle. Il faut d'ailleurs signaler aussi l'existence de parcelles non contaminées et cesser de dire que « la » Martinique ou « la » Guadeloupe est contaminée. C'est pourquoi l'idée d'un label qualité est actuellement à l'étude afin que les produits issus de parcelles non contaminées soient reconnus comme tels.
D'autres propositions prévoient la mise en place de mesures de gestion permettant de conforter l'agriculture et de déterminer quels produits peuvent être cultivés.
En ce qui concerne l'objectif de transparence, il est nécessaire que les données publiques sur la contamination soient rapidement mises en ligne sur un site Internet sous une forme synthétique et compréhensible. Il faut aussi améliorer la communication afin de ne pas laisser le dossier prendre des dimensions irrationnelles, illustrées par le caractère dangereusement schématique des avertissements lancés dernièrement. En particulier, il n'est pas justifié d'affirmer brutalement qu'un Antillais sur deux risque d'être atteint d'un cancer de la prostate et d'établir des comparaisons avec Haïti : on sait que l'espérance de vie des hommes à la Martinique est de soixante-dix-huit ans contre cinquante-trois ans en Haïti, ce qui peut expliquer l'écart des taux de prévalence du cancer de la prostate.
Il faut aussi améliorer la gestion des dossiers judiciaires et faire la lumière sur les errements qui auraient pu se produire après l'interdiction des pesticides. De tels errements sont régulièrement dénoncés sans que des procédures juridictionnelles soient engagées pour autant. Deux appels du ministère public contestant la recevabilité de plaintes déposées ont créé le doute dans l'opinion à cet égard. De même, sur huit dossiers transférés au procureur de la République par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), six ont débouché sur un non-lieu et deux ont donné lieu à des amendes de 700 euros. M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a indiqué avoir demandé à la ministre de la justice que les enquêtes ouvertes dans ce domaine, ou susceptibles de l'être, soient conduites de la manière la plus efficace. Il serait aussi souhaitable de confier à l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) des investigations plus nombreuses. La saisie plus fréquente de cet organisme par l'autorité judiciaire serait un signe fort de l'implication de l'Etat dans le dossier du chlordécone, sans doute instrumenté en partie par certains intérêts afin de justifier la demande de lourdes indemnisations. Cet aspect non négligeable du dossier n'empêche pas de rechercher ce qui s'est passé entre 1990, moment de l'interdiction du pesticide, et 1993, date d'expiration des dérogations accordées, notamment pour la banane.
La sanction de la mise en vente de produits non conformes est une autre dimension essentielle de la démarche judiciaire, dans la perspective de donner aux acheteurs une garantie de qualité. En ce qui concerne les producteurs dont les terres sont contaminées, une reconversion doit être envisagée, sur le modèle de la Réunion où la canne à sucre sert à fabriquer de l'énergie renouvelable, dans la perspective de développer de nouvelles filières. Le contexte actuel de préparation d'une loi de programme instituant des zones franches globales est favorable à cet égard : les énergies renouvelables et le développement durable peuvent être inscrits parmi les secteurs prioritaires retenus au titre des zones franches.
a estimé que la couverture médiatique du problème avait fortement nui à l'image des Antilles en général et de la Martinique en particulier. Il a fait valoir que si le principe de transparence avait été mieux mis en oeuvre, la situation serait aujourd'hui très différente, estimant que le département de la Martinique n'avait pas été assez associé à la préparation des mesures et que l'opacité entretenue avait contribué à la « catastrophe médiatique ».
A ce titre, il a salué la démarche de M. Christian Estrosi visant à travailler, « toutes portes ouvertes », avec les acteurs locaux. Il a toutefois regretté que ces intentions louables ne soient pas entièrement traduites dans les faits, prenant l'exemple de l'usine d'eau potable gérée par le conseil général de la Martinique, pour laquelle les études menées par les services de l'Etat sont très peu communiquées aux élus. De même, il a indiqué que les avertissements formulés par les élus locaux sont trop peu pris en compte par l'Etat, illustrant son propos par l'exemple du paraquat, pour lequel le principe de précaution n'est appliqué que depuis juillet dernier en dépit des appels lancés par les collectivités depuis 1993.
Réagissant à l'intervention de Mme Roselyne Bachelot, M. Claude Lise s'est félicité de l'annonce de la ministre s'agissant du programme contre le cancer, mais il a indiqué que des moyens manquaient. En termes de moyens humains, il a précisé qu'il serait notamment nécessaire de recruter un épidémiologiste-statisticien à plein temps en Martinique. En termes d'investissements, il a rappelé que le dossier du financement d'un système de type TEPTDM - tomographe à positons couplé à un scanner - était bloqué au ministère de la santé depuis 2001. Plus globalement, il en a appelé au lancement d'un plan cancer pour l'ensemble des Antilles, consistant en une coordination plus étroite des différentes équipes estimant, en outre, que cette démarche pourrait être étendue à la problématique spécifique des maladies neurologiques et auto-immunes rencontrées dans les départements antillais. Il a aussi tenu à souligner l'effort accompli par le conseil général au profit de son laboratoire d'analyses environnementales, seule structure de ce type en Martinique. C'est un investissement de plus d'un million d'euros sur deux ans et la collaboration avec le laboratoire d'analyses de la Drôme a permis d'accomplir de grands progrès dans le domaine de la recherche sur les pesticides. Il a estimé que cet effort du département devait être soutenu par l'Etat non seulement par l'octroi de financements, mais encore en dérogeant à l'échéance de juin 2008 prévue par l'agrément des laboratoires par groupes de paramètres. Il a fait part de sa conviction selon laquelle le laboratoire de Martinique avait vocation à devenir un pôle d'excellence de la région des Caraïbes dans son ensemble.
Enfin, M. Claude Lise s'est adressé à M. Michel Barnier au sujet de la situation des agriculteurs locaux. Il a notamment estimé que les 4 millions d'euros annoncés par l'Etat pour l'aide aux exploitants martiniquais ne couvraient sans doute pas l'ensemble des besoins des petits agriculteurs maraîchers ou vivriers qui devront financer une éventuelle reconversion, alors qu'ils sont déjà substantiellement endettés. Il s'est aussi interrogé sur la date de disponibilité de ces aides et a, de plus, tenu à souligner que la situation des petits éleveurs ne semblait pas avoir été prise en compte.
s'est déclarée dubitative sur la véracité des conclusions du rapport du docteur Dominique Belpomme, en raison de la controverse qui avait entouré ses travaux sur l'amiante et dont elle avait pris connaissance lors de la commission d'enquête sénatoriale menée en 2005 sur ce thème.
Elle a souhaité connaître les conséquences éventuelles du chlordécone sur les nourrissons, en raison de sa présence supposée dans le lait maternel et dans le sang du cordon ombilical. Pourquoi ce produit n'a-t-il cessé d'être utilisé qu'en 1993 en France, alors que les Etats-Unis l'avaient interdit dès 1976 ? Est-il à craindre que, comme pour l'amiante, les conséquences réelles du chlordécone sur la santé ne soient connues et mesurables que tardivement ?
a rappelé que Mme Roselyne Bachelot-Narquin a assuré avoir fait de la sécurité et de la qualité de l'allaitement maternel aux Antilles un dossier prioritaire.
Puis M. Daniel Marsin est intervenu, se félicitant de la prise en compte effective des problèmes locaux par les autorités nationales, alors que l'affaire du chlordécone avait, à ses yeux, causé une très réelle inquiétude à la fois en métropole et aux Antilles.
Il a considéré que la clef du problème résidait dans une accélération des recherches de façon à ne pas laisser subsister trop longtemps les actuelles incertitudes anxiogènes. Et il a appuyé sur ce point le voeu de M. Claude Lise de faire du laboratoire d'analyse de la Martinique un pôle d'excellence pour la région des Caraïbes.
Par ailleurs, il s'est interrogé sur la question de la reconversion des agriculteurs, faisant valoir qu'il était loin d'être évident de définir les cultures vers lesquelles pouvaient être reconverties les actuelles exploitations légumineuses à racines ou de bananes.
Enfin, il a estimé qu'il serait aussi souhaitable d'accélérer les recherches sur les différentes options de dépollution, considérant que le gel d'environ 10 000 hectares de terres, pendant une période de vingt-cinq ou cinquante ans, constituerait un problème considérable en l'absence de solutions d'assainissement des sols. Il a fait valoir que les recherches menées aux Antilles en matière de dépollution donneraient l'occasion d'un véritable transfert de compétences et d'expériences au profit de la métropole.
a dénoncé l'intervention inconsidérée des médias sur la question du chlordécone, qu'il a qualifiée de « propagande » et qui a entraîné une véritable psychose aux Antilles. La population répugne désormais à consommer des produits issus de la pêche et de l'agriculture locales. Plus généralement, l'ensemble de l'économie antillaise - de l'agriculture au tourisme - souffre de ces rumeurs, au moment où elle est déjà durement frappée par le passage du cyclone Dean et la récente épidémie de dengue. Sur ce point, les propos tenus par Mme Roselyne Bachelot-Narquin sur les précautions sanitaires à prendre ont été mal ressentis et mal interprétés : en incitant à limiter la consommation de légumes à deux par semaine, on porte le doute sur la qualité de l'ensemble des produits alimentaires antillais.
a précisé que son propos ne concernait que les légumes racines cultivés dans les jardins familiaux.
a maintenu que la campagne de communication sur ce sujet a laissé penser à tort que la consommation de légumes, quels qu'ils soient, comporte un risque mortel.
En ce qui concerne l'utilisation du chlordécone dans les bananeraies, il est navrant que le contentement des planteurs ait été préféré à l'application du principe de précaution par les autorités sanitaires de l'époque.
Plusieurs pistes doivent être, à son sens, explorées pour rassurer la population sur la qualité des produits agricoles : renforcer les moyens humains et financiers destinés à la surveillance des terres contaminées et mettre en place des filières de traçabilité des produits ; engager des recherches sur la transmission des pesticides du sol aux différents fruits et légumes, qui réagissent différemment à la pollution, ainsi que sur la pollution des eaux. Pour être convaincantes et rassurantes, ces recherches devront être menées par des scientifiques indépendants, qui communiqueront leurs résultats de manière transparente aux autorités sanitaires et à la population.
Il a ensuite appelé l'Etat à mieux faire connaître l'action qu'il mène déjà pour protéger la santé de la population antillaise.
Il s'est également inquiété de l'urbanisation qui pourrait s'implanter sur des terrains actuellement occupés par des bananeraies polluées. Il a souhaité, à cet égard, que les plans locaux d'urbanisme prévoient le gel de ces sols jusqu'à leur dépollution effective.
Il a enfin souhaité connaître les cultures qu'il est envisageable de poursuivre sur les terres polluées.
Après avoir fait remarquer que le ministère de l'agriculture gérait actuellement la crise relative à la fièvre cataracte ovine, M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a indiqué qu'il souscrivait totalement à l'analyse développée par le sénateur de la Martinique Claude Lise selon laquelle il n'est pas possible de se satisfaire d'une image catastrophique des Antilles. Il a, à cet égard, rappelé que si le silence entretenait les peurs, la transparence des élus et des responsables politiques constituait la meilleure réponse à apporter à cette crise environnementale consécutive à l'utilisation des pesticides.
est ensuite revenu sur l'histoire du chlordecone en précisant que les Etats-Unis avaient interdit son utilisation dès 1976, alors qu'il avait fallu attendre 1992 pour que ce pesticide soit interdit en France à la suite d'un avis de la commission d'études sur la toxicité. Il a néanmoins indiqué que ce pesticide avait continué à être utilisé pendant dix-huit mois par des agriculteurs français qui avaient pu obtenir des dérogations.
S'agissant de la consommation des produits issus de l'agriculture antillaise, M. Michel Barnier a fait savoir que le ministère de l'agriculture, conjointement avec le ministère de l'économie et le ministère de la santé, réalisait régulièrement des contrôles sur les marchés ainsi que sur les exploitations agricoles. Il a ajouté qu'en 2006, 282 contrôles de ce type avaient été effectués sur des végétaux, remarquant qu'on avait pu constater une amélioration régulière, avec 22 % de taux de conformité en 2003, contre un taux nul aujourd'hui. Sur ce point, M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a fait état d'une rumeur selon laquelle l'amélioration des résultats statistiques proviendrait en réalité d'une modification des produits sur lesquels portent les contrôles. Il a jugé impératif de confirmer le caractère infondé de cette rumeur.
Après avoir confirmé à M. Claude Lise que la réorganisation des cultures et la lutte contre la contamination des terres étaient prioritaires pour le ministère de l'agriculture, M. Michel Barnier s'est engagé à réunir les élus et les professionnels afin de conduire une concertation aussi étroite que possible. S'agissant des petits agriculteurs, il a indiqué que si des moyens devaient, en effet, être trouvés, il étudierait la possibilité d'un financement de l'Union européenne via les crédits du plan agricole de développement régional.
S'agissant enfin de la question du récolement des données statistiques, il a plaidé pour la création d'une véritable expertise indépendante qui pourrait notamment s'appuyer sur un comité d'experts scientifiques, à créer.
Répondant, par ailleurs, à M. Daniel Marsin, M. Michel Barnier a estimé que la culture de la banane aurait un avenir si les leçons du passé étaient tirées. Il a plaidé pour que les aides agricoles européennes soient subordonnées à la conduite de bonnes pratiques environnementales.
a rappelé que les premières intoxications avérées au chlordécone ont été observées chez les ouvriers qui fabriquaient ce produit. Leur état de santé a fait l'objet d'une surveillance étroite pendant quinze ans, qui a révélé des effets neurologiques mais sans établir de lien de causalité avec des cancers.
Les premières recherches sur le chlordécone ont débuté en 1998 sur le niveau de pollution des eaux. Dès 2000, un système de filtration a été mis en place, qui permet aujourd'hui de disposer aux Antilles d'une eau courante non contaminée. La même année, la présence de chlordécone dans les sols a été mise en évidence et sa transmission aux organismes vivants a été observée, notamment sur les poissons et les légumes. L'Afssa a alors été saisie conjointement par les ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation. Dans son avis du 10 décembre 2003, l'agence a établi des valeurs toxicologiques limites pour la consommation de fruits, de légumes et de poissons. Un avis du mois d'août 2005 a ensuite fait état les risques du chlordécone pour la population.
Sachant que les études épidémiologiques nécessitent la mise en oeuvre de protocoles lourds, trois recherches ont été lancées, dont deux sont encore en cours : l'étude « Ibiscus » sur les conséquences du chlordécone sur les femmes enceintes en 2004 et 2005, l'étude « Ti Moun » sur l'exposition prénatale au chlordécone, dont les résultats seront connus au début de l'année 2008, et une étude sur l'incidence de ce produit sur l'apparition du cancer de la prostate. Les résultats attendus des deux dernières études, menées par l'InVS, seront complétés grâce aux informations provenant du registre des cancers, qui sera renforcé en Martinique et prochainement créé de Guadeloupe.
Par ailleurs, le Premier ministre a confié une mission au professeur Didier Houssin, directeur général de la santé, qui se rendra prochainement aux Antilles pour faire le point sur les moyens nécessaires à cette surveillance. Il rencontrera à cet effet l'association martiniquaise pour la recherche épidémiologique sur le cancer (Amrec).
En ce qui concerne les capacités d'analyses aux Antilles, le laboratoire Pasteur installé en Guadeloupe est déjà accrédité pour l'analyse de quarante-trois produits présents dans l'eau. Il sera aidé dans sa mission par la création, en 2009, d'un laboratoire de l'office de répression des fraudes. En Martinique, les analyses sont aujourd'hui pour partie effectuées par un laboratoire de la Drôme, qui devrait nouer un partenariat avec un laboratoire martiniquais afin d'organiser un transfert de technologies permettant d'effectuer, dès 2008, l'ensemble des analyses en Martinique. Dès lors, l'accréditation de ce laboratoire martiniquais sera étudiée rapidement.
En réponse à Mme Sylvie Desmarescaux, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, a précisé que l'étude « Ibiscus » ne montre pas de risque particulier pour les nourrissons allaités. L'allaitement maternel doit continuer à être encouragé aux Antilles. Sur les risques provenant du cordon ombilical, l'étude « Ti Moun » donnera des résultats prochainement. Toutefois, l'étude « Ibiscus » fournit une première estimation du risque en Guadeloupe en faisant état d'un niveau détectable de chlordécone dans le sang maternel et dans celui du nourrisson du fait de la consommation de légumes racines.
Elle a enfin fait valoir à M. Serge Larcher que les propos qu'elle a tenus sur les mesures de protection alimentaires ne constituaient que la traduction des conseils de l'Afssa, dont elle se devait d'informer la population antillaise au nom du principe de précaution. Dans son avis du 7 septembre 2007, l'agence avait en effet rendu publique une liste de sept aliments à risque, essentiellement des produits du jardin et de la pêche, pour lesquels elle avait fixé des limites de consommation hebdomadaire.
est convenu de la nécessité de rendre publiques ces informations, mais a regretté que la communication du ministère de la santé n'ait pas été plus rassurante sur la situation générale de l'agriculture locale.
revenant sur la question de la transparence, a estimé qu'il aurait été préférable d'engager un grand plan de communication s'appuyant uniquement sur les recommandations d'une agence étatique, mais prenant plus largement en compte la perception locale des informations, notamment par une association plus étroite de l'ensemble des élus concernés.
Après que Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, a approuvé cette préconisation, il a observé que les pouvoirs publics auraient été bien inspirés de mettre en oeuvre les recommandations du rapport réalisé par M. Philippe Edmond Mariette dans le cadre d'une mission d'information de l'Assemblée nationale. Parmi les dix recommandations de ce rapport, il a en particulier mis en exergue le décloisonnement des différents services par la création d'une commission interministérielle chargée des produits phytosanitaires. Il a estimé que ce décloisonnement devait concerner à la fois les administrations nationales, les services de terrain et les relations entre la Martinique et la Guadeloupe. Il a, en effet, considéré que l'échange d'informations était la pierre angulaire d'une véritable politique de transparence dans le cas d'une crise telle que celle rencontrée actuellement.
a dénoncé à son tour l'intervention des médias. Celle-ci alimente une psychose aux Antilles, alors qu'en réalité la situation reste finalement mal connue. Il a déclaré partager les propos tenus par Mme Roselyne Bachelot-Narquin faisant état des multiples incertitudes qui demeurent sur les conséquences de l'utilisation du chlordécone. Il a souhaité que, lorsque les résultats des différentes études en cours seront connus, la transparence des autorités sanitaires soit totale et que les élus locaux soient incités à relayer les informations sur le terrain.
a rappelé, à son tour, l'importance de la transparence, indiquant l'existence d'un site Internet officiel ( www.observatoire.pesticides.gouv.fr) présentant la cartographie de la présence des pesticides sur l'ensemble du territoire national. Elle a d'ailleurs rappelé qu'il s'agissait là d'une démarche générale engagée par le ministère, qui s'appliquait aussi, par exemple, au pyralène détecté dans le Rhône.
Elle a ensuite répondu à M. Daniel Marsin au sujet de la dépollution, marquant son accord avec l'idée qu'un effort de recherche est indispensable pour analyser le transfert du chlordécone aux sols et aux nappes d'eau, ainsi que les modalités de traitements éventuels. Elle a fait valoir qu'une excavation systématique des terres contaminées était toutefois inenvisageable puisqu'elle reviendrait à extraire 100 millions de tonnes de terre. La contamination possible pourrait concerner, pour la seule Guadeloupe, 10 000 hectares sur une profondeur de 40 à 60 cm. Elle a dès lors recommandé de s'orienter vers des solutions de dépollution ciblée sur des sites particulièrement sensibles, par exemple là où se situent des points de captage d'eau. Pour les sites moins sensibles, elle a préconisé la poursuite des études en cours s'agissant à la fois du traitement biologique de type bactérien ou de traitement de phyto-remédiation, c'est-à-dire, basé sur la culture de plantes dépolluantes.
En réponse à l'intervention de M. Serge Larcher relative aux dispositions préventives, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a précisé qu'il était aujourd'hui très difficile de connaître les quantités de pesticides vendues et épandues, tout en se félicitant que la loi sur l'eau prévoie désormais une déclaration systématique des fabricants et des vendeurs de ces substances auprès des agences de l'eau. Elle a, en outre, marqué son intérêt pour une des propositions formulées lors du Grenelle de l'environnement visant à remettre en cause le système actuel dans lequel les prescripteurs de pesticides en sont souvent aussi les vendeurs. Elle a, par ailleurs, rappelé la nécessité de poursuivre les travaux de l'observatoire des pesticides et de s'assurer du respect effectif des règles d'éco-conditionnalité définies dans le cadre de la politique agricole commune.
S'agissant des pollutions passées, elle a fait valoir que la difficulté principale posée par les pesticides était malheureusement leur grande persistance dans la terre et, notamment, dans le choix des viandes et des poissons.
Elle a, enfin, souhaité que le débat sur la crise actuelle soit l'occasion de porter un regard différent sur l'environnement dans nos départements d'outre-mer, comptant sur le Grenelle de l'environnement pour favoriser l'émergence d'un nouveau mode de développement exemplaire.
Pour conclure, M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a développé l'idée que la communication sur le dossier des pesticides aux Antilles doit être circonspecte. Il a illustré cette nécessité par le fait que le professeur Dominique Belpomme lui a indiqué, lors d'un entretien, n'avoir jamais affirmé que le chlordécone a des conséquences en matière de santé humaine et de cancer. Il est regrettable, par ailleurs, que les travaux d'épidémiologistes et de chercheurs de l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) couvrant plusieurs années et portant sur plus de mille deux cents personnes, ne reçoivent pas le même écho que ce rapport. En matière de santé publique, il faut rassurer sans prétendre que la situation n'aura jamais de conséquence sur la santé, tout en précisant ce que peuvent être ces conséquences et quelles sont les mesures de prévention que l'on est prêt à prendre. A titre d'exemple, les campagnes de dépistage de cancers engagées par les conseils généraux avec l'appui de l'Etat pourraient intégrer cette préoccupation, ce qui permettrait à la population d'avoir une meilleure appréciation de la situation. Il faut donc tout faire et tout dire, mais à partir du moment où la teneur d'un aliment ne dépasse pas les normes, il doit être considéré de bonne qualité. Il faut aussi rappeler que les aliments de qualité sont plus nombreux en Martinique et Guadeloupe que les aliments à risque, car les contrôles y sont sans doute plus importants qu'en métropole, et montrer que l'accroissement des contrôles multipliera les garanties. En outre, toutes les eaux consommées sont vérifiées et traitées, et les sources polluées sont interdites et fermées. Enfin, garantie supplémentaire de la qualité des produits commercialisés, il faut assurer que si certains ont mis sur le marché, sans les soumettre aux contrôles nécessaires, des produits cultivés dans des terres contaminées, des poursuites seront engagées sans faiblesse.
En ce qui concerne l'implication des collectivités territoriales, dont les élus souhaitent le renforcement, le laboratoire du conseil général de la Martinique est remarquable et devrait permettre d'effectuer les analyses de produits sur place, la rapidité du traitement des prélèvements étant de nature à conforter le sentiment de sécurité des consommateurs. Par ailleurs, les élus locaux sont représentés au Grefy.
Enfin, le Gouvernement n'est pas opposé à la demande du président du conseil régional de la Guadeloupe de créer une commission d'enquête parlementaire à l'Assemblée nationale, si celle-ci considère qu'elle en retirerait un complément utile aux analyses et aux propositions du rapport d'information remis en juin 2005 par M. Philippe Edmond-Mariette.