Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marc Fenet, directeur général adjoint des impôts, de M. Patrick Dailhé, directeur du programme informatique Copernic au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de M. Pierre Lepetit, inspecteur général des finances, et de M. Xavier de Thieulloy, contrôleur général des armées sur la procédure de télédéclaration de l'impôt sur le revenu.
a indiqué au préalable que l'audition intervenait dans le cadre d'un cycle consacré à la modernisation et à la réforme de l'Etat et qu'elle visait notamment à suivre un audit de modernisation lancé par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, consacré à la télédéclaration de l'impôt sur le revenu. Il a rappelé que la campagne de l'impôt sur le revenu pour 2005, durant laquelle 3,7 millions de déclarations avaient été faites par la voie d'internet, avait été marquée par de multiples incidents informatiques. Il a donc jugé utile que la commission suive la campagne de l'impôt sur le revenu pour 2006, où jusqu'à dix millions de télédéclarations étaient attendues, notant que M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », se rendrait tout spécialement dans un centre des impôts parisien le 18 mai 2006 pour faire le point sur la modernisation de la gestion de l'impôt, en application de l'article 57 de la LOLF.
Détaillant les résultats de l'audit, qui avait pour objet de faire le bilan de la campagne 2005 et d'examiner l'organisation et les procédures mises en place pour préparer la campagne 2006, M. Jean Arthuis, président, a précisé que, selon l'équipe d'audit, la campagne 2006 se préparait dans de bonnes conditions, le programme informatique COPERNIC ayant été adapté à l'objectif de prise en charge de 10 millions de télédéclarations. Il a, néanmoins, indiqué que l'audit faisait le constat d'un dimensionnement du système informatique encore problématique, car celui-ci ne pouvait conduire à absorber complètement les pics d'activité et que des solutions devaient donc être trouvées pour réguler les flux d'accès au service.
a ensuite présenté la campagne de l'impôt sur le revenu pour 2006, qui serait marquée par l'extension de la préimpression des déclarations d'impôts, expérimentée en 2005 en Ille-et-Vilaine, et un nouvel essor de la télédéclaration. Il a indiqué que sur 34 millions de foyers fiscaux, 29 millions, soit 85 %, devraient recevoir une déclaration préremplie, expliquant que les 5 millions restants étaient, soit des artisans, commerçants et professions libérales, soit des contribuables pour lesquels l'identification avec un revenu a été considérée comme insuffisamment fiable pour être transposée en l'état sur la feuille d'impôt. Il a souligné que des erreurs seraient inévitables, même si celles-ci se révéleraient, en pourcentage, extrêmement réduites. En 2005, dans le département d'Ille-et-Vilaine, où la déclaration préremplie avait été expérimentée, seulement 13 % des revenus préimprimés avaient été corrigés à la hausse ou à la baisse. Dans 10 % des cas, les redevables recevant leur déclaration n'avaient plus eu qu'à la signer, n'ayant pas de revenus complémentaires, d'abattements, ou de réduction d'impôts à déclarer.
a indiqué, s'agissant de la déclaration de revenu des élus locaux, que les indemnités avaient été systématiquement reportées sur la déclaration préremplie, alors que de nombreux élus faisaient le choix de la retenue à la source et s'étaient donc déjà acquittés de leurs obligations fiscales.
a détaillé les mesures prises afin de tirer les enseignements des incidents informatiques de la campagne 2005, liés au succès inattendu, du moins dans ces proportions, de la télédéclaration, succès notamment dû à la réduction d'impôt de 20 euros votée par le Parlement à l'automne 2004 à l'initiative de la commission des finances du Sénat. Il a ainsi indiqué que le plafond horaire de connexions au site internet « impot.gouv.fr » avait été relevé de 6.000 à 25.000 entre 2005 et 2006, regrettant cependant qu'une mesure utile, comme l'extension de la période de déclaration des revenus, au-delà des soixante jours habituels, ou la fixation de plusieurs dates de déclaration, par zone géographique, n'ait pas été retenue. Il a en effet rappelé que, même lorsqu'ils déclaraient par internet, les contribuables tenaient compte de la date butoir de la déclaration « papier », sans recourir au délai supplémentaire offert aux télédéclarants.
Il a considéré, en conséquence, que des « embouteillages » sur le site internet « impot.gouv.fr » étaient prévisibles à la fin du mois de mai, soit à l'approche de la date limite d'envoi des déclarations « papier » fixée au 31 mai 2006, car le système informatique n'avait pas été conçu pour absorber tous les pics de connexion, en raison des coûts que cela aurait occasionné pour les finances publiques.
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Jean-Marc Fenet a précisé que 10 millions d'euros supplémentaires avaient été dégagés en 2005 en matière d'investissement informatique et 20 millions d'euros s'agissant de l'assistance à maîtrise d'ouvrage. Il a rappelé, en outre, que la prévision de dépense fiscale liée à la réduction d'impôt de 20 euros pour télédéclaration s'établissait en loi de finances initiale pour 2006 à 105 millions d'euros.
En complément, M. Pierre Lepetit a considéré que le coût pour les finances publiques de la réduction d'impôt lui apparaissait supérieur aux gains directs liés à la télédéclaration.
a expliqué les mesures prises pour que le système informatique absorbe une fréquentation accrue des télédéclarants en 2006. Il a ainsi précisé que des indicateurs de fréquentation figuraient sur le site internet, informant l'usager des périodes les plus chargées et des heures les plus favorables pour effectuer sa déclaration. Il a souligné qu'un effort de prévision du trafic, avec l'appui d'instituts de sondage, avait été effectué, et que la direction générale des impôts comptait, dès lors, sur un nombre de télédéclarations compris entre 5,5 millions et 8 millions, la marge d'incertitude, importante, étant liée à l'impact incertain de la déclaration préremplie sur le comportement de certains contribuables. Il a précisé que de nombreux efforts de communication avaient été réalisés auprès des redevables, afin de les inciter à retirer leur certificat électronique le plus tôt possible (1,5 million de certificats ayant déjà été retirés), à ne pas attendre la fin du mois de mai pour effectuer leur télédéclaration et à éviter ainsi les pics de trafic. Il a indiqué qu'un sondage montrait que 90 % des contribuables télédéclarants voulaient faire leur déclaration avant la fin du mois de mai.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Patrick Dailhé a précisé que l'obtention préalable d'un certificat électronique avant de déclarer ses revenus par internet correspondait à une nécessité de sécurité s'agissant de données personnelles sensibles. Il a expliqué que le certificat, qui correspondait à une pièce d'identité électronique, gratuit pour les particuliers, pouvait être obtenu sur la base de trois données, numéro de télédéclarant, numéro fiscal et revenu fiscal de référence, issues de deux documents : avis et déclaration. Il s'est félicité, qu'à ce jour, aucune faille de sécurité n'ait été constatée, malgré les multiples tentatives d'intrusion auxquelles le site internet « impot.gouv.fr » avait dû faire face.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, l'invitant à comparer le suivi des programmes informatiques au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à celui ayant cours au ministère de la défense, M. Xavier de Thieulloy, contrôleur général des armées, a mis en exergue l'expérience acquise par son ministère en raison de la complexité des programmes d'armement. Il a jugé que les procédures au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie étaient moins formalisées que celles, programmées de manière « quasi industrielle », du ministère de la défense.
a regretté que l'interface du site « impot.gouv.fr » soit encore trop peu conviviale et que les internautes non avertis puissent parfois éprouver des difficultés à retirer leur certificat électronique ou à effectuer leur déclaration en ligne. Il a relevé l'absence d'identifiant fiscal réellement unique, notant qu'un même contribuable disposait d'un identifiant différent selon qu'il s'agissait d'impôts locaux ou nationaux.
a reconnu certaines difficultés de fonctionnement du site « impot.gouv.fr » liées à un changement de certificat en 2005, mais noté que les procédures avaient été améliorées en avril 2006, chaque télédéclarant recevant un accusé de réception lorsqu'il retirait son certificat.
En réponse à une remarque de M. Bernard Angels appelant à davantage de précision dans le calcul des gains de productivité issus de la télédéclaration, M. Jean-Marc Fenet a indiqué qu'il convenait de distinguer les gains directs des gains de productivité « diffus ». Il a montré que chaque télédéclaration conduisait à environ 6 minutes de temps de travail économisé, soit un gain global d'un emploi équivalent temps plein pour 16.000 télédéclarations, ou 62 à 63 emplois équivalent temps plein économisés par million de télédéclarations. Il a souligné que les gains de productivité diffus étaient plus difficiles à rattacher, par définition, à la télédéclaration, mais que la direction générale des impôts était engagée, dans son nouveau contrat de performance pour la période 2006/2008, dans une réduction de ses dépenses en valeur et le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, soit une baisse des effectifs de près de 5 %. Pour expliquer le niveau des gains de productivité annuels de la direction générale des impôts, s'établissant entre 2,5 et 3 %, il a indiqué qu'il faudrait faire la part entre l'augmentation tendancielle de la productivité, provoquée notamment par un effort de formation professionnelle considérable - entre 7 % et 8 % de la masse salariale y étant consacrés - et le retour sur investissement lié aux nouvelles applications informatiques. Il a jugé qu'il était difficile de faire une telle répartition, application informatique par application informatique. S'agissant des investissements informatiques, il a enfin rappelé qu'il faudrait prévoir, à l'avenir, des crédits consacrés à la maintenance et au renouvellement des matériels.
En complément, M. Pierre Lepetit a précisé que son audit avait établi que les gains de productivité directs issus de la télédéclaration pouvaient été évalués à 35 millions d'euros, tout en notant que ce chiffre ne reflétait que partiellement la réalité. Il a néanmoins considéré que l'évaluation des gains de productivité réalisée par la direction générale des impôts figurait à la pointe de ce qui se faisait dans l'administration française.
En réponse à une question de M. Jean-Claude Frécon liée à la déclaration préremplie, M. Jean-Marc Fenet a indiqué que chaque contribuable recevrait avec sa déclaration une notice explicative lui précisant qu'il lui était évidemment possible de rectifier les montants que l'administration fiscale inscrirait, si ceux-ci s'avéraient erronés. Il a souligné que le public visé par la déclaration préimprimée était notamment celui des personnes ayant des difficultés face à la trop grande complexité de la déclaration d'impôt comme, par exemple, certaines personnes âgées. Il a rappelé que tout changement dans le mode de gestion de l'impôt suscitait des difficultés d'adaptation des redevables, rappelant les difficultés de compréhension de certains redevables, à l'automne 2005, liées au couplage de la redevance audiovisuelle et de la taxe d'habitation.
Il a en outre répondu à M. Jean-Claude Frécon que, désormais, la dynamique de la télédéclaration lui paraissait lancée, même dans le cas où la réduction d'impôt de 20 euros adoptée à l'initiative de la commission, ainsi que M. Jean Arthuis, président, l'a rappelé, ne serait pas appelée à perdurer.
Enfin, M. Patrick Dailhé a rappelé que la télédéclaration dispensait le contribuable de produire des justificatifs.
a souhaité obtenir des précisions sur les expériences étrangères et les leçons qu'en tiraient les administrations fiscales françaises.
En réponse, M. Jean-Marc Fenet a indiqué que la direction générale des impôts entretenait des relations étroites avec les administrations fiscales du Canada, de l'Espagne et du Royaume-Uni, qui avaient des préoccupations voisines des siennes. Il a précisé que la direction générale des impôts et l'administration canadienne pratiquaient des échanges de cadres, la France accueillant ainsi des cadres canadiens, pour une période de deux à trois ans, sur des postes opérationnels, faisant ainsi remarquer qu'un numéro deux des services fiscaux d'Aix en Provence avait été, il y a quelques années, de nationalité canadienne. S'agissant de la Grande-Bretagne, il a souligné, qu'une fois par an, se tenaient des comités de gestion conjoints et qu'il suivait avec intérêt la fusion des administrations fiscales en cours au Royaume-Uni.
Il a indiqué que l'administration fiscale canadienne avait une implantation territoriale limitée, privilégiant les relations dématérialisées avec les contribuables, et avait une approche « client » très développée, qui avait notamment inspiré le programme français « Pour vous simplifier l'impôt ». S'agissant de l'administration fiscale britannique, il a indiqué que celle-ci réfléchissait à dispenser de déclaration certains contribuables.
Enfin, à M. Jean Arthuis, président, qui l'interrogeait sur l'impact de la complexité de la législation fiscale en termes de gestion, il a répondu que la direction générale des impôts suivait le coût d'intervention de chaque impôt, et que certains impôts, comme la taxe sur les logements vacants, se caractérisaient par un taux d'intervention très important, bien au-delà de la TVA (0,82 %) ou des grands impôts locaux (de 0,85 % pour la taxe professionnelle à 3,86 % pour la taxe d'habitation).
Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Denis Ranque, président du groupe Thales.
a remercié M. Denis Ranque d'intervenir devant la commission à un moment important de la vie du groupe Thales, la part de l'Etat dans son capital devant revenir sous la barre des 30 % à l'occasion de la mise en oeuvre de l'accord annoncé le 5 avril 2006 avec le groupe Alcatel. Il a donc invité M. Denis Ranque à s'exprimer sur les perspectives qui s'ouvrent au groupe Thales, notamment sur les hypothèses de son rapprochement avec la société anonyme DCN (DCN-SA), ainsi que sur la composition de son actionnariat.
a indiqué que l'essentiel des activités acquises par le groupe Thales grâce à son accord avec le groupe Alcatel sont civiles, ce qui aboutira à faire de Thales un groupe équilibré, dont la moitié du chiffre d'affaires proviendra d'activités civiles et l'autre moitié d'activités militaires. Après avoir souligné que cette opération avait été préparée depuis un an, il a expliqué qu'elle aurait trois conséquences : un renforcement de Thales, dont le chiffre d'affaires consolidé passera de 10 milliards d'euros à 12 milliards d'euros ; une relance de la coopération générale entre les groupes Thales et Alcatel ; une clarification de l'actionnariat de Thales.
Sur le premier point, M. Denis Ranque a défini Thales, non comme une société de défense, mais comme une société d'électronique exerçant cette activité sur trois marchés : la défense, l'aéronautique et la sécurité. En conséquence, il a estimé que les deux activités apportées au groupe par son rapprochement avec Alcatel, c'est-à-dire les satellites et les systèmes de sécurité, renforçaient des axes stratégiques pour Thales. De plus, il a expliqué que ce rapprochement améliorerait les capacités de Thales dans les systèmes à un moment où les clients expriment de plus en plus le besoin d'avoir en face d'eux un « systémier intégrateur ». En outre, il a souligné que cet accord accentuerait la dimension mondiale de Thales, renforçant ainsi sa démarche dite « multidomestique ». En effet, les collaborateurs que Thales intégrera en son sein du fait de la reprise d'activités d'Alcatel, soit environ 11.000 personnes, sont pour 60 % d'entre eux basés à l'étranger. Enfin, il a insisté sur le renforcement des technologies duales du groupe Thales, c'est-à-dire ayant des applications civiles et militaires, grâce à ce rapprochement. Il a rappelé le très fort impact économique que peuvent avoir ces technologies, citant notamment l'exemple du réseau internet, et estimé que la dualité est, en tout état de cause, une source d'optimisation des ressources.
a ensuite expliqué que les activités apportées par Alcatel avaient été valorisées à 1,7 milliard d'euros. Il en a détaillé le financement : les deux tiers doivent être payés à Alcatel sous la forme de nouvelles actions Thales, valorisées à 40 euros, le solde, soit 673 millions d'euros, devant être versé en numéraire.
Au sujet de la fusion entre Alcatel et Lucent, il a relevé que les discussions de son groupe avec Alcatel étaient engagées bien avant l'annonce de cette fusion. Il a estimé que, sans être la cause de l'accord finalement intervenu, celle-ci l'avait peut-être accéléré, les pouvoirs publics pouvant être « rassurés » par le maintien des activités transférées à Thales dans un groupe à l'actionnariat majoritairement européen.
Par ailleurs, M. Denis Ranque s'est réjoui de la relance, « depuis un an ou deux », de la coopération générale entre les groupes Thales et Alcatel. Expliquant qu'un accord de coopération avait été signé entre eux en 1998, il a reconnu que son application avait été tout d'abord difficile, du fait des tensions engendrées par la « bulle internet » dans un premier temps, puis par l'explosion de cette bulle. Il a indiqué que cette coopération comporte trois volets : un volet technique, les deux groupes vendant des produits différents à des clients différents mais utilisant les mêmes technologies ; un volet commercial, Thales pouvant faire bénéficier Alcatel de sa forte présence sur plusieurs marchés européens et bénéficier en retour de la puissance commerciale d'Alcatel dans des pays comme les Etats-Unis ou la Chine ; un volet industriel, pouvant, par exemple, se traduire par un rapprochement de fonctions comme les achats.
Enfin, au sujet du tour de table de son groupe, M. Denis Ranque s'est félicité que le « climat délétère » datant du « coup de tabac » de novembre 2004, au moment où l'actionnariat de Thales semblait peu stable et où des rumeurs évoquaient avec insistance un rapprochement avec le groupe EADS, ait été surmonté. Il a estimé que la situation s'était désormais clarifiée, Alcatel devant passer de 9 % à 21,6 % du capital et l'Etat revenir de 32 % à 27,1 %. Il a souligné que, dans ces conditions, le groupe Dassault, qui possède 5,1 % du capital de Thales, pourrait, s'il le souhaitait, céder sa participation sans mettre en danger la stabilité du groupe. Au sujet des intentions prêtées au groupe EADS de fusionner avec Thales, il a relevé que, grâce aux dispositions de la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition (OPA), un acquéreur potentiel ayant déclaré ses intentions devrait prendre publiquement une décision de lancement ou non d'une OPA, ce qui permettra à l'avenir de faire taire des rumeurs non fondées.
Un large débat s'est alors instauré.
après s'être réjoui du rapprochement entre Thales et Alcatel d'un point de vue industriel et d'un point de vue financier, a demandé à M. Denis Ranque de détailler l'organisation du système de contrôle aérien français et de le comparer à celui d'autres pays. Il s'est ensuite interrogé sur l'évolution de la coopération entre Thales et le groupe italien Finmeccanica. Enfin, il a souhaité connaître l'avancée du marché de contrôle des frontières de l'Arabie Saoudite.
Répondant tout d'abord à la première question de M. Philippe Marini, M. Denis Ranque a indiqué que le contrôle aérien était encore assuré en France par des fonctionnaires, alors que dans la plupart des pays du monde, ce service est assuré par des agences contrôlées par l'Etat, voire par des acteurs privés. Il a estimé que seule la réglementation de ce contrôle entrait dans le champ des compétences régaliennes de l'Etat et non cette opération proprement dite, qui constituait une pure activité de services.
Puis il a relevé qu'au sein des fonctionnaires de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), une équipe était plus particulièrement chargée de l'action industrielle, comme par exemple le développement des logiciels. Il a jugé que cette activité n'avait plus vocation à être opérée par l'Etat, soulignant que Thales, qui est le leader mondial sur ce marché avec le groupe américain Raytheon, avait dû se battre sans disposer d'un marché domestique, sauf pour quelques produits comme les radars. Notant que la DGAC se réorganisait en distinguant ses tâches régaliennes de ses autres activités, il a proposé que des ingénieurs de la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA), soit moins de 70 personnes, puissent intégrer progressivement une structure de groupement commune avec Thales, afin de renforcer le savoir-faire français dans le cadre des enjeux liés au ciel unique européen.
Ensuite, répondant à la question de M. Philippe Marini sur la coopération de son groupe avec Finmeccanica, M. Denis Ranque a souligné la différence de nature entre cette alliance et le rapprochement entre Thales et Alcatel. Il a expliqué qu'il s'agissait désormais de renforcer des joint-ventures communes aux deux groupes dans les domaines suivants, deux d'entre elles résultant des apports d'Alcatel dans Thales :
- la protection des avions contre les radars adverses, dans le cadre de la société Elettronika qui existe depuis 1996, détenue à 31,33 % pour Thales et aux deux tiers pour la partie italienne, dont 33 % pour Finmeccanica ;
- la construction de systèmes satellites civils et militaires, dans le cadre d'Alcatel Alenia Space, joint-venture qui sera dorénavant détenue à 67 % par Thales et à 33 % par Finmeccanica ;
- les services satellitaires, dans le cadre de Telespazio, joint-venture qui sera détenue à 33 % par Thales et à 67 % par Finmeccanica.
Au sujet de l'avenir de cette alliance, M. Denis Ranque a indiqué que Finmeccanica semblait disposé à apporter à Thales son activité d'électronique de défense, moyennant une entrée du groupe au capital. Il a estimé qu'une telle alliance permettrait de constituer un ensemble particulièrement solide, leader mondial dans de nombreux domaines et parfois en position de quasi-monopole en Europe. Il n'a toutefois pas voulu prendre position sur le fond, jugeant que sur de nombreux marchés, la constitution d'un monopole risquerait d'être à terme un handicap aussi bien pour les clients que pour le groupe lui-même.
Enfin, M. Denis Ranque a évoqué le marché du contrôle des frontières saoudiennes. Il a souligné que ce marché, d'environ 7 milliards d'euros, comportait une très forte dimension politique et géostratégique, ce qui explique l'évolution très lente du dossier.
en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Défense », a souhaité connaître l'avancée du rapprochement entre les groupes Thales et DCN-SA. Il a également interrogé M. Denis Ranque sur sa vision du rôle de la Délégation générale pour l'armement (DGA).
En réponse, M. Denis Ranque a indiqué que le projet de rapprochement entre les groupes Thales et DCN-SA prévoyait l'apport par Thales de ses activités navales au sein de DCN-SA, apport devant être rémunéré par 25 % des actions de DCN-SA détenues par l'Etat, qui devrait encaisser environ 1 milliard d'euros dans l'opération. Espérant que ce dossier serait conclu avant l'été 2006, il a rappelé que Thales disposerait d'une option pour porter sa participation au capital de DCN-SA à 35 %. Il a souligné l'intérêt pour DCN-SA de s'adosser à un « partenaire de référence » et pour Thales de pouvoir participer à une éventuelle consolidation du secteur à venir au niveau européen.
Concernant l'évolution du rôle de la DGA, il a fait part des défis qui se présentaient à elle : complexité de plus en plus forte des systèmes, nécessité d'assurer la maintenance du matériel de façon plus efficace et moins coûteuse. De plus, évoquant plus particulièrement le rôle de son groupe, il a indiqué que, selon lui, l'avenir appelait un partenariat renforcé avec la DGA, mais également avec les armées elles-mêmes, qui sont les utilisateurs finaux. Il a donc estimé que la DGA pourrait devenir une agence d'approvisionnement des armées, sur le modèle britannique, tout en demeurant par ailleurs l'expert technique des armées pour les technologies du futur, les crédits d'études amont devant donc demeurer en son sein. Il a enfin souhaité que la DGA conserve son rôle de tutelle industrielle, qui veille à la bonne santé des industriels nationaux et européens de défense.
a souhaité connaître le sentiment de M. Denis Ranque quant à la possibilité de baisser les dépenses d'équipement militaire de l'Etat.
a exprimé ses doutes sur ce sujet, soulignant que les armées sortaient d'une décennie de sous-investissement. Il a indiqué qu'alors que la période dite de « la guerre froide » avait correspondu de facto à une période de paix, les armées devaient, à présent, intervenir sur de nombreux terrains, parfois peu connus d'elles. Elles avaient donc de fortes exigences de renouvellement de leur matériel à un moment où les responsables politiques pouvaient être tentés de diminuer leurs crédits. Il a néanmoins estimé possible de dépenser mieux les crédits alloués aux armées, citant l'exemple de l'externalisation de la maintenance des matériels, un groupe comme Thales pouvant, selon lui, intégrer en son sein les fonctionnaires actuellement affectés à ces tâches.
a souhaité savoir pourquoi EADS avait voulu fusionner avec Thales. Il s'est également demandé si le rapprochement de Thales et de DCN-SA pouvait s'interpréter comme les prémisses de la constitution d'un « EADS naval ». Il a enfin voulu connaître l'avancée du dossier du porte-avions franco-britannique.
a demandé si, selon M. Denis Ranque, la France consentait le même effort d'équipement en matière de sécurité civile qu'en matière militaire.
Répondant tout d'abord aux questions de M. Maurice Blin, M. Denis Ranque a expliqué que l'idée d'EADS était probablement de constituer un « Boeing européen », ayant des activités équilibrées entre l'aviation civile et l'aviation militaire. Il a mis en doute l'opportunité de la constitution d'un tel groupe qui, selon lui, serait handicapé par l'absence d'un « Pentagone européen ». Il a estimé que l'Europe avait plutôt besoin, d'une part, d'un « Airbus fort » pour concurrencer Boeing sur ses activités civiles, d'autre part, de groupes puissants pour concurrencer Boeing sur ses activités militaires. De plus, il a souligné qu'une prise de participation d'EADS au capital de Thales impliquerait nécessairement l'apport à Thales des activités d'électronique de défense d'EADS. Il a relevé, enfin, que Thales comptait Boeing parmi ses clients, situation qui aurait été compromise par un rapprochement avec EADS. Il a indiqué ne pas savoir si EADS maintenait ses ambitions sur Thales.
Au sujet de l'entrée de Thales dans le capital de DCN, M. Denis Ranque a redit qu'à son sens, cette étape nationale avait vocation à être suivie d'une consolidation au niveau européen. Il a toutefois expliqué que la consolidation du rapprochement entre Thales et DCN, préalable nécessaire au passage à l'étape suivante, prendrait plusieurs années.
Il a ensuite indiqué que Thales avait beaucoup oeuvré, en tant qu'intermédiaire, au programme de « porte-avions franco-britannique ». Il a souligné que, si ce dossier paraissait n'avancer que lentement, les équipes étaient au travail et que les délais normaux étaient respectés. Il a expliqué qu'à la fin de l'année 2006, les gouvernements disposeraient des conclusions de l'évaluation du taux d'éléments communs que pourraient intégrer les porte-avions français et britannique, taux qui conditionnera la suite du programme.
Enfin, répondant à la question de M. Paul Girod, s'il n'a pas souhaité déterminer de répartition optimale de l'effort d'équipement entre armées et sécurité civile, M. Denis Ranque a estimé, qu'en tout état de cause, la France ne consentait pas à un effort suffisant pour sa sécurité civile. Il a souligné qu'outre le niveau de dépense lui-même, la multiplicité des acteurs concernés (Etat, collectivités territoriales, industriels, organisateurs de manifestations diverses...) ne favorisait pas une gestion optimale de cette dépense.
a remercié M. Denis Ranque pour l'intérêt et la précision des informations qu'il avait pu apporter à la commission lors de son audition.