Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 28 mars 2006 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • christian noyer
  • monétaire

La réunion

Source

La commission a procédé à l'audition de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a remercié M. Christian Noyer d'avoir répondu à l'invitation de la commission. Il a souhaité l'entendre, en particulier, sur la situation économique et monétaire et sur les réformes de la Banque de France actuellement en cours. Il s'est interrogé sur le rôle actuel du Conseil de la politique monétaire.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

a estimé que si en 2005, après une nette reprise au troisième trimestre, la croissance de l'économie française avait été décevante au quatrième trimestre, cela ne traduisait pas une tendance au ralentissement de l'activité économique, plusieurs facteurs exceptionnels ayant réduit la production au quatrième trimestre, comme des arrêts de chaînes de montage dans l'industrie automobile. Il a considéré, néanmoins, que la vigueur de la croissance n'était pas assurée, évoquant le caractère contrasté des enquêtes de conjoncture, et s'interrogeant sur la pérennité du dynamisme de la demande intérieure. Il a indiqué que l'activité économique avait connu en 2005 un profil analogue dans le reste de la zone euro. Il a cependant souligné que les enquêtes de conjoncture y étaient mieux orientées qu'en France, en particulier en Allemagne, et que les Pays-Bas et l'Espagne avaient connu une forte croissance au quatrième trimestre de l'année 2005. Il a rappelé que, selon le consensus des conjoncturistes, la croissance du PIB en 2006 serait autour de 2 % dans le cas de la France et dans celui de la zone euro.

a estimé que si que le taux d'inflation de la zone euro avait toujours été légèrement supérieur à 2 % au cours des cinq dernières années, c'était essentiellement en raison de chocs externes, comme l'augmentation des cours du pétrole. Il a indiqué que, se fondant sur cette analyse, la Banque centrale européenne avait laissé ses taux directeurs à un plus bas niveau historique pendant deux ans et demi après les avoir baissés entre le milieu de l'année 2001 et le milieu de l'année 2003. Il a indiqué que si elle les avait ensuite accrus, le 1er décembre 2005, puis le 2 mars 2006, la raison en incombait, alors, à une reprise de l'activité en zone euro, couplée à une tendance à l'augmentation des anticipations d'inflation. Il a souligné que ces deux relèvements ne s'inscrivaient pas dans un cycle de hausse des taux d'intérêt décidé ex ante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est interrogé sur les réformes au sein de la Banque de France actuellement en cours.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a déclaré que la Banque de France était en train de réaliser d'importantes réformes, tendant notamment à mettre en oeuvre les recommandations faites par la Cour des comptes, dans son rapport public particulier relatif à la Banque de France, publié en mars 2005. Il a ainsi indiqué que les restructurations du réseau et du « secteur industriel » de la Banque de France chargé, notamment, de la fabrication des billets, qui devaient s'achever en 2006, correspondraient à des réductions d'effectifs sur trois ans d'environ 3.000 équivalents temps plein, et que dans les services du siège, les directions générales en charge des opérations et des études s'étaient réorganisées. Il a indiqué que des réformes étaient également en cours dans les domaines opérationnels, avec la construction, en partenariat avec la Deutsche Bundesbank et la Banque d'Italie, de la nouvelle plateforme européenne commune de gestion du système de paiement de l'Eurosystème, la refonte du système de tenue des comptes de la clientèle institutionnelle et la modernisation des procédures informatisées de gestion des dossiers de surendettement des ménages. Il a indiqué qu'il prévoyait de rapprocher le régime de retraites de la Banque de France de celui en vigueur dans la fonction publique d'Etat. Il a précisé, à cet égard, que cette réforme devait être effectuée par décret, après négociation avec les représentants du personnel, et qu'il espérait qu'elle serait effective au 1er janvier 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est interrogé sur le montant des engagements hors bilan de la Banque de France correspondant aux retraites de ses agents.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a évalué cette somme à plus de 9 milliards d'euros aujourd'hui, et à plus de 8 milliards d'euros après la réforme qu'il venait d'évoquer. Il a indiqué que la caisse de retraites de la Banque de France étant dotée de 3 milliards d'euros, il restait donc près de 6 milliards d'euros à provisionner. Il a considéré qu'il serait possible de le faire d'ici à 2012, lors de la phase de rapprochement du régime de retraites de la Banque de France avec celui en vigueur dans la fonction publique d'Etat, sans que cela empêche la Banque de France de continuer à verser à l'Etat une partie substantielle de son résultat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a considéré qu'il ne serait pas choquant que l'Etat renonce à son dividende tant que la provision de la Banque de France destinée à financer les retraites de ses agents ne serait pas constituée.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué que la Banque de France attendait depuis deux ans que le gouvernement prenne un décret tendant à intégrer son régime d'assurance maladie dans le régime général. Il a considéré que si ce décret n'était pas pris rapidement, la Banque de France pourrait être dans l'impossibilité de continuer à verser un dividende à l'Etat, compte tenu des provisions qu'il faudrait alors constituer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est interrogé sur la situation nette de la Banque de France.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a évalué celle-ci à 3,2 milliards d'euros, hors provision relative aux retraites.

Un très large débat s'est alors instauré.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

a considéré que la Banque centrale européenne pourrait renforcer la légitimité de son action en évaluant la réduction de la charge de la dette de l'Etat résultant de l'introduction de l'euro, en soulignant davantage le fait que la croissance ne pouvait être durablement soutenue par de faibles taux d'intérêt, et en faisant oeuvre de pédagogie au sujet du lien entre taux d'intérêt à court terme et taux d'intérêt à long terme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

a évoqué le mode de fonctionnement interne et la réorganisation en cours au sein de la Banque de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Girod

a soulevé la question de la fiabilité des évaluations de la part de la dette publique possédée par des non-résidents publiées par la Banque de France et sur la proportion de cette part possédée par des agents ne résidant pas dans la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

s'est enquis de l'impact de la réforme du crédit hypothécaire sur le surendettement et sur l'harmonisation des moyens de paiement des particuliers dans la zone euro. Elle a souhaité connaître le sentiment de M. Christian Noyer concernant les propos relatés par la presse, selon lesquels M. Jean Arthuis, président, envisageait de déposer une proposition de loi tendant à supprimer le Conseil de la politique monétaire (CPM).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Indiquant que Mme Nicole Bricq avait anticipé sa question sur ce dernier point, M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître l'avis de M. Christian Noyer quant à la pérennité du CPM.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse à M. Alain Lambert, M. Christian Noyer a estimé que la baisse des taux d'intérêt à long terme depuis 1999 avait réduit pour l'Etat la charge de la dette entre 5 milliards d'euros et 10 milliards d'euros par an. Il a jugé que la Banque de France pourrait s'efforcer d'évaluer cet impact avec davantage de précision. Il a considéré que la stabilité des prix, loin d'être un frein à une croissance durable, était au contraire une condition de celle-ci, et souligné que la croissance de long terme ne pouvait être accrue que par des réformes structurelles. Il a indiqué que si les taux d'intérêt à court terme permettaient d'agir sur les anticipations d'inflation, l'évolution des taux d'intérêt à long terme dépendait en grande partie de l'équilibre mondial entre offre et demande d'épargne. En réponse à M. François Trucy, il a indiqué que la réforme du réseau de la Banque de France devait être achevée en juin 2006. Il a précisé que l'objectif était de se limiter à une succursale par département, les moyens « pointus » d'analyse économique et financière étant regroupés au niveau régional. Il a considéré que la Banque de France devrait ensuite s'adapter en permanence, afin d'éviter de devoir faire de nouvelles réformes de grande ampleur. En réponse à M. Paul Girod, il a indiqué que la part de la dette publique possédée par des non-résidents, de l'ordre de 55 %, était évaluée par la Banque de France à partir d'enquêtes effectuées auprès des organismes détenant les comptes, comme les banques. Il a estimé qu'il n'était pas possible d'estimer de manière fiable quelle fraction de ces 55 % était possédée par des agents ne résidant pas dans la zone euro, du fait de l'existence de comptes intermédiaires. Il a souligné que l'internationalisation de la dette publique était un phénomène mondial. En réponse à Mme Nicole Bricq, il a estimé que si le crédit hypothécaire avait, en principe, pour effet d'accentuer l'impact des fluctuations du marché de l'immobilier sur la conjoncture, l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés était conçue de manière à limiter ce phénomène. Il a indiqué que la réforme de l'organisation des paiements des particuliers entre Etats de la zone euro était en cours et qu'elle impliquerait des investissements de grande ampleur.

En réponse à Mme Nicole Bricq et à M. Jean Arthuis, président, M. Christian Noyer a rappelé que le Conseil de la politique monétaire, créé en 1993, avait à l'origine une double fonction, puisqu'il était alors non seulement chargé de déterminer la politique monétaire, mais qu'il constituait, en plus, sous une forme élargie, le conseil général, chargé d'administrer la Banque de France. Il a indiqué que si la politique monétaire était désormais déterminée par la Banque centrale européenne, les membres du Conseil de la politique monétaire représentaient toujours la quasi-totalité des membres du conseil général. Il a précisé que ce Conseil de la politique monétaire remplissait trois autres fonctions. Il constituait un cercle de personnalités indépendantes où le gouverneur pouvait débattre de la politique monétaire, il assurait l'application de certaines décisions de la Banque centrale européenne, et il participait à la représentation de la Banque de France, en particulier au niveau local. Il a jugé que si, en raison de ce rôle multiple, le Conseil de la politique monétaire devait être préservé, il serait logique de le considérer comme une émanation du conseil général, ce dernier étant désormais le principal organe dirigeant de la Banque de France, alors qu'actuellement c'était le conseil général qui était, juridiquement, une émanation du Conseil de la politique monétaire. Il a rappelé que l'article 85 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002), inséré par le Sénat à l'initiative de la commission, avait réduit de six à quatre le nombre de membres du Conseil de la politique monétaire désignés par le gouvernement sur proposition du président du Sénat, du président de l'Assemblée nationale et du président du Conseil économique et social. Il a indiqué, en outre, que l'engagement pris par M. Jean-Claude Trichet, alors gouverneur de la Banque de France, de réduire les indemnités et les frais de fonctionnement, avait permis de diviser par deux le coût du Conseil de la politique monétaire. Il a considéré que l'intention manifestée par M. Jean Arthuis, président, dont la presse s'était faite l'écho, pourrait être l'occasion d'apporter quelques adaptations au statut de la Banque de France, dans une perspective de meilleure prise en compte du droit communautaire notamment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a estimé qu'on pouvait considérer que le Conseil de la politique monétaire avait vécu. Il s'est interrogé sur l'effectivité de son indépendance, évoquant notamment la réticence du gouvernement à prendre le décret nécessaire à la réforme du régime d'assurance maladie de la Banque de France. Il a considéré que, dans son esprit, il faudrait, par le biais d'une initiative législative ad hoc, préciser les missions d'intérêt général de la Banque de France. Il s'est, à ce titre, demandé quelles étaient actuellement ces missions, outre celle relative au surendettement.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué que, parmi ces missions d'intérêt général, la Banque de France était chargée de la tenue de divers fichiers, relatifs notamment aux incidents de paiement et aux entreprises. Elle assurait le suivi des économies régionales, en particulier à la demande des conseils régionaux, elle était le « banquier de l'Etat », et elle établissait la balance des paiements. Sur ce dernier point, il a estimé que le recours accru, par la Banque de France, à des enquêtes auprès de sociétés non financières, pour l'élaboration de la balance des paiements, pourrait rendre utiles quelques adaptations législatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

s'est interrogé sur l'avenir du livret A. Il s'est félicité de ce que, depuis un arrêté du 28 juillet 2003, le taux du livret A soit désormais déterminé par référence à l'inflation et aux taux d'intérêt à court terme, comme l'avaient préconisé MM. Christian Noyer et Philippe Nasse dans leur rapport remis le 29 janvier 2003 à M. Francis Mer, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et comme la commission le souhaitait depuis plus de dix ans. Il s'est, en outre, demandé si les liens entre la consommation des ménages en produits manufacturés et la dégradation de la balance commerciale s'étaient modifiés en France au cours de la période récente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a considéré que la détermination du taux du livret A faisait partie des missions d'intérêt général de la Banque de France. M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que tel était également le cas des travaux que menait la direction générale des études et des relations internationales de la Banque de France.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué qu'il considérait toujours que le taux du livret A devait être déterminé par référence aux taux d'intérêt à court terme, comme cela était le cas depuis juillet 2003. Il a considéré qu'il convenait de distinguer deux débats : celui relatif au bien-fondé de l'existence d'un produit tel que le livret A et celui relatif au respect des règles de concurrence entre organismes de crédit. Il a considéré, à cet égard, que si le droit communautaire ne faisait pas obstacle à l'existence du livret A, il était en revanche nécessaire de permettre, à moyen terme, à l'ensemble des organismes de crédit de le distribuer. Estimant que le lien entre consommation des ménages et importations ne s'était pas modifié ces dernières années, il a souligné que la dégradation récente de la balance commerciale provenait d'un décrochage des exportations, qui s'expliquait largement par la faiblesse de la consommation allemande. Il a jugé que les véritables enjeux de politique économique étaient la faiblesse des exportations et celle de l'investissement. Il a indiqué qu'il transmettrait à la commission des études réalisées, sur ce sujet, par la Banque de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

s'est demandé si les statistiques relatives aux importations permettaient d'identifier celles provenant d'entreprises françaises elles-mêmes situées à l'étranger.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué ne pas disposer de telles données.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a considéré que la France pouvait avoir intérêt à sous-traiter une partie de sa production dans des pays à faibles coût de main-d'oeuvre, comme l'Allemagne le faisait en Europe centrale. Il a souhaité obtenir des précisions quant au montant des ventes d'or réalisées par la Banque de France en 2004 et en 2005, et sur les conséquences sur l'économie mondiale des « déficits jumeaux » des Etats-Unis, à savoir leur déficit budgétaire et leur déficit commercial.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a considéré qu'il convenait de distinguer les simples délocalisations de production des délocalisations ayant pour fonction de permettre la conquête d'un marché, déplorant le retard pris par la France pour ce dernier type de délocalisations. Il a indiqué que la Banque de France avait vendu environ 40 tonnes d'or en 2004 et 160 tonnes d'or en 2005. Il a précisé que si le produit de ces ventes avait été conservé par la Banque de France, celle-ci avait placé les sommes correspondantes. Ce revenu serait intégralement récupéré par l'Etat à travers l'impôt sur les sociétés et le dividende versé par la Banque de France. A la fin du processus de vente, il devrait être de l'ordre de 200 millions d'euros par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

s'est demandé qui, concrètement, prenait la décision de vendre l'or de la Banque de France.

Debut de section - Permalien
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué qu'il était juridiquement le seul à prendre la décision. En réponse à la question de M. Jean Arthuis, président, relative aux « déficits jumeaux » des Etats-Unis, il a estimé que la situation actuelle était plus dangereuse que celle des années 1995-2000, marquées par un déficit commercial, mais pas budgétaire, des Etats-Unis. Il a considéré, en effet, que le financement de l'économie américaine était désormais rendu vulnérable, car il reposait sur une détention croissante de bons du Trésor par les pays asiatiques et les pays producteurs de pétrole, ce qui pourrait peser sur le taux de change du dollar, et donc sur les taux d'intérêt à long terme. Il a jugé que la stabilisation du système financier mondial impliquait une augmentation de la consommation des pays asiatiques, en particulier de la Chine, ce qui supposait certaines réformes structurelles, comme la mise en place de systèmes de retraites.