La commission a procédé, dans le cadre de l'examen du projet de loi pénitentiaire n° 495 (2007-2008), à l'audition de M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
a tout d'abord indiqué avoir été sensibilisé à la question de la condition carcérale lorsqu'il était président d'Emmaüs France. Après avoir relevé de nombreuses similitudes entre les populations des centres d'hébergement, des hôpitaux psychiatriques et des prisons, il a insisté sur l'existence de parcours de réinsertion particulièrement réussis.
Il a ajouté avoir pris une part active, en 2007 et 2008, aux questions d'insertion et de lutte contre la pauvreté des personnes détenues, au travers de trois chantiers majeurs :
- la réflexion sur la réforme des politiques d'insertion dans le cadre du « Grenelle de l'insertion » ;
- la création du revenu de solidarité active (RSA) ;
- le projet de loi pénitentiaire, précisant que celui-ci reprenait certaines de ses propositions.
a constaté que le projet de loi sur le RSA n'avait pas intégré les personnes détenues. Selon lui, l'extension du dispositif à cette catégorie aurait eu un coût limité -huit millions d'euros sur dix milliards d'euros- dans la mesure notamment où elle n'aurait concerné que les détenus les plus démunis (35 % de la population pénale). Un tel système aurait eu pour objectif d'éviter des ruptures de droits à l'entrée et la sortie de prison. Sa mise en oeuvre serait intervenue dans le cadre d'un partenariat avec les collectivités territoriales.
Il a souligné, par ailleurs, la possibilité ouverte, par le projet de loi, aux entreprises d'insertion, d'intervenir en milieu pénitentiaire, nonobstant l'absence de contrat de travail.
Il s'est réjoui, d'une part, que l'article 3 du projet de loi prévoie la possibilité, à titre expérimental, de confier aux régions la gestion et le pilotage des actions de formation professionnelle auprès des détenus, d'autre part, que certaines régions se soient d'ores et déjà portées candidates.
Il a enfin insisté sur la nécessité de conduire des actions spécifiques en faveur des jeunes détenus, soulignant la création récente d'un fonds d'expérimentation en faveur de l'insertion des jeunes, pouvant en particulier servir à l'insertion par l'activité économique des jeunes détenus, avec le concours de l'administration pénitentiaire.
a tenu à rappeler que la prison constituait aujourd'hui un monde extrêmement violent, caractérisé par une inégalité redoutable entre ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas. Dans ces conditions, il a estimé que, si l'idée de la création d'un revenu minimum carcéral ne semblait pas recueillir aujourd'hui un assentiment suffisant, il existait des moyens de faire évoluer le projet de loi afin de renforcer la lutte contre l'indigence en prison : il a notamment fait référence à l'obligation d'activité, à l'octroi d'une aide en nature et à l'octroi d'une aide en numéraire en échange de l'engagement de suivre une formation, et a souhaité recueillir la position du Haut commissaire sur ces différents dispositifs. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a également souligné le fait que le projet de loi pénitentiaire ne contenait aucune évaluation des coûts induits par la mise en place des dispositifs d'insertion par l'activité économique, et a souhaité savoir quel serait l'effort budgétaire consenti par l'Etat pour la mise en oeuvre de cette obligation. Enfin, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, s'est félicité des efforts réalisés pour étendre les dispositifs de droit commun aux détenus, et s'est interrogé sur la place que pourraient être amenés à prendre les départements dans l'univers carcéral, soulignant notamment le rôle déterminant de lien entre l' « intérieur » et l' « extérieur » que pourraient jouer les assistantes sociales de secteur.
a estimé que les pistes évoquées par M. Jean-René Lecerf étaient intéressantes et que leur mise en oeuvre était envisageable. Il a toutefois rappelé que la question de la création d'un revenu minimum carcéral suscitait, dans le monde politique, de très fortes réserves et de nombreuses oppositions, comparables aux critiques formulées à l'encontre du revenu minimum d'insertion. Dans ces conditions, il a estimé que la création d'un dispositif tel qu'un revenu minimum carcéral devrait nécessairement s'accompagner d'un réel travail de pédagogie : selon lui, il est nécessaire d'insister sur les contreparties et les obligations qui accompagneraient l'octroi d'une telle allocation, sur le faible coût qu'un tel dispositif représenterait pour les finances publiques, sur la diversité des publics qui pourraient être concernés, et enfin, sur son efficacité incontestable en termes d'insertion. De tels arguments permettraient sans doute, d'après lui, de vaincre une partie des préventions de la classe politique à l'égard d'un tel projet. M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a également souligné le fait que les collectivités territoriales (régions et départements essentiellement) étaient prêtes à prendre toutes leurs responsabilités en matière d'accompagnement des détenus, dont elles seraient en tout état de cause amenées à assurer, tôt ou tard, la prise en charge dans le cadre de l'exercice de leurs compétences propres. A cet égard, l'idée d'assurer une continuité des droits entre la prison et le monde extérieur lui a paru tout à fait pertinente. Abordant la question d'un éventuel surcoût induit par les dispositions du projet de loi relatives à l'insertion par l'activité économique, M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, n'a pas estimé que ces dispositions pourraient susciter des difficultés budgétaires, rappelant par ailleurs qu'il avait, pour sa part, mené un travail très fructueux de collaboration avec l'association nationale des directeurs des ressources humaines et que des expérimentations très prometteuses en matière d'insertion avaient été réalisées au Pays basque.
a tenu à rappeler que les collectivités territoriales avaient naturellement vocation à jouer un rôle dans les dispositifs destinés à favoriser la réinsertion des détenus et a exprimé le souhait que soient appliqués autant que possible les dispositifs du droit commun. A cet égard, il s'est interrogé sur les motifs pour lesquels le Gouvernement n'avait pas souhaité retenir le contrat de travail comme modalité d'exécution de l'obligation d'activité imposée aux détenus.
a rappelé que la question d'offrir aux détenus la possibilité de conclure un contrat de travail avait fait l'objet de nombreux débats et qu'elle avait suscité la crainte, chez les partenaires sociaux, de voir s'instaurer un contrat de travail « à géométrie variable ». Il a évoqué l'exemple de la légalisation récente du statut de compagnon d'Emmaüs, et l'institution à cette fin d'un statut sui generis, de préférence à un aménagement apporté à la formule du contrat de travail. Il a par ailleurs estimé que les dispositions permettant aux détenus de se faire domicilier à l'établissement pénitentiaire faciliteraient le maintien des droits durant la détention et la préparation précoce de la réinsertion à la sortie de prison, ce qui constitue à ses yeux un progrès essentiel.
a considéré que le recours à la formule du contrat de travail susciterait inévitablement des difficultés, rappelant notamment que, quels que soient les liens entretenus entre les entreprises et les détenus, l'administration pénitentiaire serait en tout état de cause appelée à intervenir dans l'organisation de l'activité. Il a également fait référence aux établissements pénitentiaires en gestion mixte, qui offrent des possibilités d'activité et de formation aux détenus. Il a ainsi estimé que l'acte d'engagement professionnel proposé par le projet de loi constituait une formule équilibrée.
a souhaité savoir s'il était possible d'intégrer des clauses particulières dans les marchés publics afin d'inciter les entreprises à s'investir dans la formation et l'activité des détenus.
a estimé que de telles clauses auraient un impact positif sur le développement des dispositifs d'insertion par l'activité économique. Il a de ce fait regretté que, pour le moment, l'Etat y ait peu recours pour ses propres marchés, rappelant qu'une telle démarche présentait une réelle efficacité, pour peu qu'on prenne le temps de la mettre en place.
a souligné que le recours au contrat de travail en prison susciterait de nombreuses difficultés, liées notamment à la détermination de l'employeur ou aux conditions d'exécution du contrat (hypothèses de rupture du contrat, responsabilité, démission, etc.). Il a également tenu à souligner que la région Aquitaine était prête à s'investir dans l'insertion professionnelle des détenus.
a estimé que la promotion de l'offre de travail à destination des détenus était prioritaire par rapport à la question du recours au contrat de travail. Il a également fait valoir qu'il conviendrait, à ses yeux, à partir du moment où les détenus seraient soumis à une obligation d'activité, d'« inverser la charge de la preuve » et de demander à l'administration, et non au détenu, de s'expliquer sur les motifs pour lesquels il ne serait pas proposé d'activité à ce dernier.
a souhaité attirer l'attention sur les transferts imprévisibles dont font l'objet les détenus et sur leur incompatibilité avec la continuité de l'activité des détenus.
a quant à lui considéré que l'administration pénitentiaire avait encore d'importants efforts à accomplir pour développer le travail en prison, faisant notamment référence aux réticences exprimées à ce sujet par certains directeurs d'établissement. Il a également appelé de ses voeux la généralisation, dans les procédures de passation des marchés publics, des clauses de préférence en faveur des entreprises employant des détenus.