La commission procède tout d'abord à l'examen des amendements en nouvelle lecture sur le projet de loi de finances pour 2012, sur le rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.
Article 58
L'amendement n° II-2 de M. Collombat porte à 250 millions d'euros les ressources du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) pour 2012, que l'Assemblée nationale a ramenées à 150 millions en raison des incertitudes qui planent sur la mise en route de la péréquation. Cet amendement n'étant pas compatible avec la motion tendant à opposer la question préalable que nous avons adoptée la semaine dernière, je propose un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° II-2.
L'amendement n° II-3 tend à exonérer de contribution au Fonds les communes bénéficiaires de la dotation de solidarité rurale. M. Collombat, premier vice-président délégué de l'Association des maires ruraux de France, est dans son rôle. Mais en exonérant ainsi 10 000 communes, on augmenterait la contribution des autres...
Je suis du même avis que sur l'amendement précédent, pour les mêmes raisons. Si la question préalable est adoptée, ces amendements ne seront pas discutés en séance publique.
Mme la rapporteure générale souligne à juste titre que toute diminution des contributions est compensée par une hausse.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° II-3.
Une simulation de la répartition des contributions au FPIC et des versements, telle qu'elle résulte du texte adopté par l'Assemblée nationale, nous est parvenue hier après-midi et vous a été distribuée. Ces chiffres sont fondés sur le dernier état du texte du projet de loi de finances pour 2012. Je me suis expliquée la semaine dernière sur les choix qui ont présidé à cette répartition.
Ces chiffres tiennent-ils compte des ajustements de ressources intervenus en décembre ?
Nous n'avons pas de nouvelles à ce sujet, mais l'impact devrait être marginal.
Pour ce qui est du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et des rôles complémentaires, les ajustements ne sont pas négligeables, et favorisent plutôt les collectivités. Les équilibres du FPIC devraient s'en trouver modifiés.
- Présidence de M. Philippe Marini, président -
La commission procède ensuite à l'examen conjoint des rapports de Mme Nicole Bricq, rapporteure :
- sur la proposition de loi n° 695 (2010-2011) tendant à améliorer l'information du marché financier en matière de franchissements de seuils en droit boursier ;
- sur la proposition de loi n° 33 (2011-2012), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives.
La commission, ayant échappé à une nouvelle lecture du projet de loi de finances, dispose de quelque temps pour se consacrer à l'examen conjoint de la proposition de loi tendant à améliorer l'information du marché financier en matière de franchissements de seuils en droit boursier, que j'avais déposée en juin dernier, et de la proposition de loi dite « Warsmann IV » qui aborde, entre autres dispositions, cette matière.
Avec cette présentation, nous faisons effectivement d'une pierre deux coups ; espérons qu'il n'y aura pas de balle perdue !
Le texte du président Marini vise à mettre fin à l'abus que constitue l'utilisation de produits financiers complexes pour contourner légalement les obligations en matière de franchissements de seuils, mise en lumière par l'affaire LVMH - Hermès l'an dernier.
Quelle est la législation en vigueur ? Le régime des franchissements de seuils impose à tout investisseur de déclarer ses positions dans une société cotée dès lors qu'il dépasse certains seuils calculés en pourcentage du total du capital ou des droits de vote. Et ce, pour protéger tant les actionnaires de la société que la société elle-même. L'idée étant que les premiers sachent qui contrôle ou envisage de contrôler la société. Ces obligations constituent également un mécanisme d'alerte anti-OPA, de sorte que la société soit en mesure d'organiser le plus en amont possible une éventuelle riposte.
Concrètement, dès qu'un actionnaire dépasse un des onze seuils légaux, de 5 % à 95 %, il en avise la société et l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui rend l'information publique sur son site Internet. En moyenne, on dénombre 900 déclarations par an dont le contenu est précisé par le Règlement général de l'AMF - identité du ou des déclarants, nombre d'actions détenues et son équivalent en termes de capital et de droits de vote, raisons du franchissement de seuil.
Pour les seuils de 10 %, 15 %, 20 % et 25 %, soit à mesure que l'on s'approche des 30 % qui obligent au déclenchement d'une OPA, le déclarant est tenu de joindre une déclaration d'intention répondant à des questions listées par le code de commerce. Par cette déclaration, il s'engage pour six mois, toute modification de ses intentions devant donner lieu à une nouvelle déclaration à l'AMF.
Avec la sophistication de l'ingénierie financière, toute la difficulté réside en réalité dans le périmètre des instruments à prendre en compte pour le calcul des seuils. Que faire, par exemple, des options ou encore des obligations convertibles ? Pour l'heure, seuls les instruments financiers donnant accès de manière inconditionnelle à des actions et à la seule initiative de l'investisseur, sont comptabilisés, les autres étant déclarés à l'occasion d'un franchissement de seuil. Les premiers sont dits « assimilés » tandis que les autres bénéficient du système de « l'information séparée ».
Le président Marini modifie la ligne de partage entre ces deux catégories d'instruments pour faire rentrer dans le champ de l'assimilation les dérivés dénouables en espèces tels que ceux utilisés par le groupe LVMH. Du reste, les conclusions de l'AMF en 2008 sur cette pratique attestée depuis le début des années 2000 étaient sans ambiguïté. Toutefois, le Gouvernement ne les avait pas suivies dans l'ordonnance du 30 janvier 2009, ce que notre commission avait critiqué mais aucune modification n'avait été apportée lors de la ratification de l'ordonnance. La proposition de loi prévoit également un complément à la déclaration d'intention sur le dénouement de ces instruments, une nouvelle déclaration de franchissement de seuil en cas de modification du mode de détention ou de dénouement de ces instruments.
Ces points sont repris, sous réserve de quelques aménagements rédactionnels, à l'article 21 bis de la proposition de loi « Warsmann IV », ce que j'approuve totalement. Il en va autrement de l'aménagement du régime de la sanction administrative prononcée par l'AMF, de l'abaissement du premier seuil de déclaration à 3 % et, surtout, du maintien de l'alignement du mode de calcul des seuils entre le régime des franchissements de seuils et celui des offres publiques d'acquisition (OPA), autant de dispositions non retenues par les députés.
Considérant qu'un débat sur la version initiale du texte de M. Marini serait utile, je propose que la commission n'établisse pas de texte. Je tiens néanmoins à vous indiquer les principales options que je retiendrai au cas où cette proposition de loi viendrait en séance ou si le Sénat devait discuter, article par article, du texte de M. Warsmann. A ce stade, cette dernière option semble peu probable, mais nous serons fixés demain matin lors de la réunion de la commission des lois qui est saisie au fond.
Sur le fond, je suis favorable à l'aménagement du régime de sanction, sous réserve de bien expliciter l'intention du législateur, à savoir la clarification et l'explicitation du droit en vigueur et non la création d'une nouvelle sanction. L'AMF doit disposer d'une base juridique solide pour sanctionner les manquements relatifs aux obligations liées aux franchissements de seuils. Idem pour le nouveau seuil de 3 %, les craintes du Gouvernement de voir se multiplier les déclarations non pertinentes n'étant pas appuyées par des éléments tangibles, notamment chiffrés.
En revanche, je m'interroge sur l'alignement du mode de calcul des seuils parce que les régimes des franchissements de seuils et celui des OPA relèvent de deux logiques bien distinctes. Dans le premier cas, l'enjeu est la transparence. Il s'agit d'identifier le plus tôt possible les acquéreurs potentiels de la société. Peu importe qu'ils possèdent ou non des actions : ce qui nous intéresse, c'est la potentialité de les acquérir. Le but principal de la proposition de loi est justement d'élargir notre champ de vision sur un plus grand nombre d'acquéreurs potentiels.
Le régime des OPA relève d'une logique de contrôle. Or pour contrôler, il faut bien posséder « en dur » des actions et des droits de vote. A compter du seuil de 30 %, le législateur estime que le poids représenté par un tel actionnaire est tellement fort qu'il risque d'étouffer les autres actionnaires. On l'oblige, par le déclenchement d'une OPA, à leur proposer une porte de sortie.
Dans le droit applicable aujourd'hui, on prend en compte les mêmes instruments pour calculer les seuils dans le régime des franchissements de seuils et le seuil de 30 % dans le régime OPA. La proposition de loi change la donne puisque, dans le régime des franchissements de seuils, on inclut désormais les instruments offrant une position économique.
La question qui se pose est alors la suivante : le simple fait de détenir une exposition économique sur une société doit-il conduire au déclenchement d'une OPA ?
Je comprends la logique de M. Marini, qui considère qu'un investisseur dont la somme des expositions économiques et des expositions « en dur » dépasse les 30 % a une « idée derrière la tête ». Je comprends également que l'obligation de déclencher une OPA dès lors que l'on dépasse le seuil de 30 % sans détenir tous les titres « en dur » serait de nature à responsabiliser les investisseurs dans leur utilisation d'instruments financiers sophistiqués.
Mais, après réflexion, je ne partage pas ce point de vue car si l'on en revient à des principes simples, une exposition économique ne permet pas de contrôler la société et une telle obligation ne me semblerait donc pas conforme à l'esprit de la législation sur les OPA. Par ailleurs, si l'investisseur convertit sa position économique en actions et en droits de vote « en dur », il basculera immédiatement dans le régime de l'OPA. Enfin, comme nous avons élargi la transparence sur ces instruments, un investisseur détenant une forte exposition économique sera repéré en amont et ni la société, ni le marché ne seront pris au dépourvu, ce qui me paraît l'essentiel.
Pour finir, quelques mots de la proposition de loi dite « Warsmann IV ». La commission des lois nous a délégué l'examen au fond de huit articles et nous nous sommes saisis de deux articles supplémentaires. Sept d'entre eux concernent le droit boursier ou financier, deux portent sur la procédure fiscale et le dernier facilite l'accès des services de Bercy aux donnés relatives au crédit d'impôt recherche. Je suggère, bien que je devine votre frustration, d'attendre le vote de la commission des lois demain matin pour engager le débat. S'il se confirme que celle-ci adopte une question préalable, je préconiserai de la suivre et de ne pas procéder à l'examen des articles dont nous sommes saisis.
Merci pour cet exposé clair et pédagogique, malgré la fatigue de la session budgétaire et l'examen conjoint de ces deux propositions de loi.
En règle générale, mieux vaut demander plus que moins. D'où cette proposition de loi volontairement maximaliste ; je savais que les trois points supprimés à l'Assemblée nationale ne faisaient pas l'objet d'un consensus total au sein des milieux économiques - je pense en particulier au Trésor. Nous avons une divergence de vue quant à l'alignement entre les procédures d'information et d'OPA : j'ai préféré à l'approche classique en termes de droit des sociétés, tout à fait fondée, une démarche économique, plus dissuasive à l'égard de l'utilisation des outils conditionnels en ce qu'ils sont considérés comme des titres « en dur ».
Quoi qu'il en soit, je me réjouis que la commission des finances ait apporté son éclairage avant que le vote d'une motion de question préalable par le Sénat ne vienne clore le débat.
Dans l'affaire LVMH-Hermès, il y a eu une décision de justice. Quelle était la position des tribunaux sur le bloc d'instruments à prendre en compte ?
Les tribunaux se fondent sur le droit positif existant que nous considérons, en l'espèce, lacunaire...
Le lacunaire éclaire, lui aussi !
Sans être un spécialiste, ce texte me semble faire l'impasse sur le problème des actions de concert, qui sont au moins aussi redoutables que les produits dérivés, et celui des banques porteuses, interdites aux Etats-Unis mais autorisées chez nous.
Quelle est la position du premier acteur concerné par les franchissements de seuil, l'AMF ? Le texte aborde-t-il le sujet des offres publiques de retrait (OPR) ?
Monsieur Delattre, l'affaire LVMH-Hermès n'a pas fait l'objet d'une décision de justice, contrairement à l'affaire Wendel-Saint-Gobain à suivre de près puisque le groupe Wendel, condamné en première instance, a fait appel.
Les actions de concert sont comptabilisées dans le calcul des seuils.
Le plus souvent, elles sont déclarées mais le code de commerce définit les cas dans lesquels un concert est présumé exister. En cas de manquement, le contrevenant s'expose à d'assez lourdes sanctions. Les affaires reposent sur la confiance...
Quant aux banques porteuses, elles n'ont pas, par définition, l'intention de prendre le contrôle de la société. Le danger vient plutôt de la structure du capitalisme français, extrêmement marqué par la présence des banques.
Monsieur Bourdin, Jean-Pierre Jouyet, le président de l'AMF, à qui Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois, a consacré sa dernière audition hier soir, a dit son accord avec l'article 21 bis de la proposition de loi Warsmann et son opposition à l'alignement des régimes de l'information et de l'OPA en ce qui concerne le calcul des seuils.
Enfin, la proposition de loi de M. Marini traite des franchissements de seuils, non des OPR.
Je vous propose d'adopter le rapport sur mon texte. Quant à la proposition de loi « Warsmann IV », nous aviserons en fonction de la position qu'adoptera la commission des lois demain matin. Pour ma part, je regretterai l'adoption d'une question préalable, les textes fourre-tout étant souvent l'occasion pour le Sénat de gratter dans les coins et d'affirmer son rôle législatif.
La commission décide de ne pas adopter de texte sur la proposition de loi n° 695 (2010-2011) tendant à améliorer l'information du marché financier en matière de franchissements de seuils en droit boursier afin que la discussion en séance publique porte sur le texte initial de la proposition de loi et décide que les observations formulées par la rapporteure pourront être traduites en amendements dans la perspective de cette discussion.
Elle décide enfin de réserver sa position sur la proposition de loi n° 33 (2011-2012) relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives jusqu'à son examen au fond par la commission des lois.
La commission désigne enfin Mme Nicole Bricq rapporteure sur la proposition de résolution européenne n° 179 (2011-2012) portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement (E 6787).