Séance en hémicycle du 12 juillet 2012 à 18h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • discrimination
  • genre
  • harcèlement
  • harcèlement sexuel
  • identité
  • pénal
  • sexuelle

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au harcèlement sexuel (projet n° 592, texte de la commission n° 620, rapport n° 619, avis n° 613).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 59 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 59 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 225-1 du code pénal est ainsi rédigé :

a) au premier alinéa, après le mot : « sexe, » sont insérés les mots : « de leur identité sexuelle, » ;

b) au dernier alinéa, après le mot : « sexe, » sont insérés les mots : « de l'identité sexuelle, ».

II. – À l'article L. 1132-1 du code du travail, après le mot : « sexe, » sont insérés les mots : « de son identité sexuelle, ».

III. – Au deuxième alinéa de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires, après le mot : « sexuelle, » sont insérés les mots : « de leur identité sexuelle, ».

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement a pour objet la mise en conformité complète du droit français à la directive 2006/54/CE.

En effet, la Cour de justice a considéré que le champ d'application du principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes ne saurait être réduit aux seules discriminations fondées sur l'appartenance à l'un ou l'autre sexe : « Eu égard à son objet et à la nature des droits qu'il tend à sauvegarder, ce principe s'applique également aux discriminations qui trouvent leur origine dans le changement de sexe d'une personne. »

Le Gouvernement a préféré l'expression « identité sexuelle ». Si cette formulation semble protéger les personnes ayant changé de sexe, elle ne couvre en revanche pas les individus pour qui le processus de changement n'est pas fini, sachant que l'« entre-deux », si je puis m'exprimer ainsi, dure en moyenne de six ans à neuf ans.

Les associations ont insisté auprès de nous sur l'urgence à adopter une telle formulation. Cette modification est nécessaire pour atteindre les objectifs de prévention de la discrimination par une information explicite sur les populations et sur les situations concernées.

Cet amendement vise à modifier par coordination les articles du code du travail et de la loi portant droit et obligations des fonctionnaires posant le principe de la non-discrimination. Il est donc plus complet que l'ensemble des amendements qui sont en discussion commune avec lui.

Hier soir, lors du débat sur l'amendement n° 58, dont l'objet était de créer une circonstance aggravante lorsque le harcèlement sexuel a lieu dans l'intention de nuire particulièrement à ces personnes, il a nous a été répondu que la prise en compte de la situation des transsexuels ne trouvait pas sa place dans l'examen des circonstances aggravantes, mais dans celui des discriminations.

Voilà pourquoi je vous propose cet amendement aujourd'hui.

À l'argument selon lequel la prise en compte de la discrimination des transsexuels est déjà couverte par la jurisprudence, nous répondons : si leur protection va sans dire, elle va tout de même mieux en le disant ! Dans ces conditions, pourquoi ne pas supprimer tous les critères de discrimination ?...

De plus, l'orientation sexuelle n'a rien à voir avec le changement de sexe.

Il est donc essentiel de voter cet amendement, ne serait-ce que pour des questions de sensibilisation, d'information et de prévention. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Les amendements n° 14 rectifié bis et 40 rectifié bis sont identiques.

L'amendement n° 14 rectifié bis est présenté par Mme Benbassa, M. Placé, Mmes Bouchoux, Lipietz et Archimbaud, M. Desessard, Mmes Aïchi et Blandin et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

L'amendement n° 40 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Milon et Cardoux, Mmes Lamure et Bruguière, MM. Grosdidier, B. Fournier et Doligé, Mme Mélot, M. Duvernois, Mmes Troendle, Farreyrol et Kammermann, MM. Bourdin, Fleming et Bécot, Mme Keller et MM. Fouché, Couderc, Savary et P. André.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « sexuelle, », sont insérés les mots : « de leur identité sexuelle, » ;

b) Au dernier alinéa, après le mot : « sexuelle, », sont insérés les mots : « de l'identité sexuelle, ».

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 14 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement a pour objet de reconnaître la transphobie parmi les discriminations prohibées par le code pénal en intégrant l'identité sexuelle à la liste des discriminations énoncées à l'article 225-1 du même code.

La notion d'identité sexuelle faisant de nos jours l'objet d'une revendication croissante au sein de la société civile, elle pourrait trouver légitimement sa place dans la loi. Un rapport sur l'identité des transgenres est d'ailleurs disponible sur le site internet du Sénat.

Cet amendement tend à opérer une coordination avec le 5° du III de l'article 1er du projet de loi, dont la liste des discriminations est issue de l'article 225-1 du code pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le sous-amendement n° 67, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 14 rectifié bis

1° Avant-dernier alinéa

Remplacer le mot :

après

par le mot :

avant

et remplacer les mots :

de leur identité sexuelle

par les mots :

ou identité

2° Dernier alinéa

Remplacer le mot :

après

par le mot :

avant

et remplacer les mots :

de l'identité sexuelle

par les mots :

ou identité

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque la garde des sceaux et moi-même avons affirmé hier, devant vous, que nous souhaitions, à bien des égards, nous en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, ce n'était pas une formule de politesse.

Après nos échanges d'hier soir, qui se sont poursuivis jusque tard dans la nuit, il est apparu que nous pourrions construire ensemble sur un certain nombre de sujets. C'est le cas pour la question qui nous occupe maintenant.

Christiane Taubira l'a précisé hier soir, le Gouvernement n'estimait pas opportun de créer une circonstance aggravante du délit de harcèlement sexuel fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité sexuelle.

Néanmoins, il importe que les discriminations fondées sur ces deux motifs soient très clairement réprimées.

Depuis la loi du 16 novembre 2001, l'article 225-1 du code pénal réprime les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle. Les magistrats ont interprété cette disposition de manière assez extensive afin de pouvoir également inclure les discriminations fondées sur l'identité sexuelle. J'en veux pour preuve la décision du 3 décembre 2009 de la cour d'appel de Douai, qui a prononcé une condamnation pour des violences commises en raison de l'orientation sexuelle de la victime alors qu'il s'agissait bien, en l'espèce, de transsexualité.

Pour autant, nous en convenons, le droit pénal français gagnerait à être plus explicite sur cette question sensible, afin que les discriminations commises contre les personnes transsexuelles ou transgenres soient expressément sanctionnées.

Je propose donc de sous-amender l'amendement n° 14 rectifié bis. Plutôt que d'ajouter les mots « identité sexuelle » après ceux « d'orientation sexuelle », ce qui donne l'impression que l'on ajoute à la loi alors que l'on ne fait que préciser le droit existant, déjà consacré par la jurisprudence, il paraît préférable d'utiliser les termes « d'orientation ou identité sexuelle ».

J'espère, madame Esther Benbassa, que vous y serez favorable.

Mme Esther Benbassa acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 40 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Cet amendement s'inscrit dans la droite ligne des amendements précédents.

Je m'étonne que tous les amendements en discussion commune n'aient pas été défendus avant que la ministre présente les deux sous-amendements du Gouvernement.

Nous avons tous été très sensibles, ici, aux témoignages des associations de transsexuels, qui représentent, même si nous n'avons aucun chiffre à ce sujet, 10 000 à 15 000 personnes en France. Ces personnes sont particulièrement concernées par les problèmes de harcèlement, et plus largement de discrimination.

Au-delà de la question de la discrimination, que nous devons régler aujourd'hui, se posera également un jour celle du parcours de ces personnes et des difficultés qu'elles rencontrent au quotidien dans leur changement d'identité.

Un premier pas a été franchi en rayant la transsexualité des affections psychiatriques. Il s'agissait d'une assimilation extrêmement choquante. Nous devons poursuivre dans cette voie, car la transsexualité est un sujet de société, qui nous concerne tous. C'est une question d'égalité, de dignité et de droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le sous-amendement n° 68, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 40 rectifié bis

1° Avant-dernier alinéa

Remplacer le mot :

après

par le mot :

avant

et remplacer les mots :

de leur identité sexuelle

par les mots :

ou identité

2° Dernier alinéa

Remplacer le mot :

après

par le mot :

avant

et remplacer les mots :

de l'identité sexuelle

par les mots :

ou identité

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud - Belkacem

Ce sous-amendement étant identique au sous-amendement n° 67, il est déjà présenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 48 rectifié quater, présenté par Mmes Meunier et Blondin, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « sexuelle, », sont insérés les mots : « de leur identité de genre, » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « sexuelle, », sont insérés les mots : « de l'identité de genre, ».

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

J'ai bien entendu Mme la ministre présenter les deux sous-amendements du Gouvernement.

Nos débats d'aujourd'hui sont un premier pas pour faire reconnaître la transphobie parmi les discriminations prohibées par le code pénal. Cependant, qu'il me soit permis d'insister sur l'identité de genre. Sans vouloir faire de la sémantique, parler d'identité sexuelle et d'identité de genre n'est pas exactement la même chose. On peut très bien être né avec un sexe assigné et ne pas avoir une orientation sexuelle en adéquation avec celui-ci.

Certes, madame Jouanno, si les associations de personnes transsexuelles représentent en France entre 10 000 et 15 000 personnes, notre pays compte également 60 000 individus concernés par le transgenre. Ce n'est pas parce que l'on est transgenre que l'on a forcément une identité sexuelle différente de celle du sexe assigné à sa naissance.

D'après la Commission nationale consultative des droits de l'homme et sa recommandation n° 2, le terme « genre » renvoie davantage aux attributs et au rôle de la femme et de l'homme, tels qu'ils sont définis par la société, ce qui engendre des discriminations sexistes.

Voilà pourquoi je vous propose de modifier l'article 225-1 du code pénal en insérant au premier alinéa, après les mots « sexuelle », les mots « de leur identité de genre ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Lorsqu'elle s'est réunie, la commission a émis un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.

Néanmoins, cet avis a pu évoluer – personnellement, je l'espère – dans la mesure où il a été décidé, au cours des débats d'hier, de réserver l'examen de cette question après l'article 2 plutôt que de l'aborder à l'article 1er.

Mme Jouanno l'a souligné à l'instant, nous avons tous été très impressionnés par la souffrance des personnes auditionnées. Elles méritent que nous prêtions une grande attention à leur situation.

Je ne reprendrai pas les explications que Mme la ministre a données tout à l'heure. Jusqu'à présent, nous considérions que les questions d'identité sexuelle étaient protégées par les textes sur l'orientation sexuelle. Mme la ministre a d'ailleurs fait référence à la jurisprudence. Elle a également souligné que le Gouvernement était prêt à être plus explicite s'il le fallait. J'y suis également personnellement favorable.

Néanmoins, nous devons faire attention à ne pas nous trouver pris à notre propre piège, car le risque existe. Il ne faudrait pas que les juridictions considèrent a contrario que les personnes transsexuelles ne sont pas couvertes par les dispositions relatives à la protection de l'orientation sexuelle parce que nous inscrivons dans ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel l'orientation sexuelle, l'identité sexuelle ou l'identité de genre comme un motif de discrimination.

Nous devons clairement affirmer ici que le fait d'ajouter le critère de l'identité sexuelle à la liste des discriminations énoncées à l'article 225-1 du code pénal ne signifie en aucun cas que nous abolissons la protection accordée aujourd'hui par la plupart des tribunaux à l'orientation sexuelle, qui couvre l'identité sexuelle.

Pourquoi ne pas étendre la précision que tendent à apporter les sous-amendements du Gouvernement aux quatre amendements qui ont été présentés ? C'est la raison pour laquelle je propose un nouvel amendement, qui reprendrait votre suggestion, madame la ministre, avec cette rédaction commune : aux premier et second alinéas de l'article L. 225-1 du code pénal, les mots « orientation sexuelle » sont remplacés par les mots « orientation ou identité sexuelle ».

Je laisse pour l'instant ouvert le débat sur l'identité sexuelle et sur l'identité de genre. Y a-t-il vraiment une différence importante entre les deux expressions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Les associations l'affirment, mais je n'en suis pas vraiment persuadé. En tout cas, l'observation que j'ai faite tout à l'heure figurera au procès-verbal de nos travaux.

La rédaction que nous proposons satisfait les quatre amendements en discussion commune et non uniquement deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis donc saisie d'un amendement n° 69, présenté par M. Anziani, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux premier et second alinéas de l'article L. 225-1 du code pénal, les mots : « orientation sexuelle » sont remplacés par les mots : « orientation ou identité sexuelle ».

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud - Belkacem

Monsieur le rapporteur, je vous remercie de cette nouvelle rédaction, qui me convient parfaitement.

Pour répondre à une question qui a été posée, j'indique qu'il faudra en effet travailler sur les autres textes dans lesquels figurent ces discriminations, notamment le code du travail ou le statut général de la fonction publique, de manière à y apporter de la même façon cette précision. Je propose que ce travail de toilettage ou d'enrichissement soit plutôt effectué par l'Assemblée nationale à l'occasion de la navette.

Sur la distinction entre « identité sexuelle » et « identité de genre », j'entends bien la demande qui est formulée, mais je ne suis pas persuadée que l'identité de genre soit forcément juridiquement plus précise ou mieux comprise par les magistrats que l'identité sexuelle.

La raison en est très simple : au fond, et c'est vrai en particulier pour les personnes transgenres et pour celles qui sont dans la démarche de transition que vous évoquiez tout à l'heure, Madame Meunier, ces personnes cherchent à obtenir l'identité sexuelle qu'elles se sont choisie. L'expression « identité sexuelle » me semble donc couvrir de façon plus précise leur situation.

Aujourd'hui, à ma connaissance, cela pourra vous être reprécisé, la notion de genre n'est pas reconnue en droit pénal. Par conséquent, introduire une notion qui pourrait faire l'objet d'interprétations divergentes en fonction des juridictions me semble un peu problématique. Je préfère donc que l'on en reste à la notion d'identité sexuelle.

Bien évidemment, je propose, comme M. le rapporteur, aux auteurs des quatre amendements en discussion commune de bien vouloir, à la lumière de cette discussion, les retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame David, l'amendement n° 59 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je me rallie à la proposition de Mme la ministre et à l'amendement de notre rapporteur qui apporte des précisions suffisantes.

Madame la ministre, j'ai écouté avec attention les éclaircissements que vous avez apportés sur le code du travail et le statut général de la fonction publique. Il me paraît important que les modifications soient également apportées à ces deux textes ; si elles peuvent l'être lors de l'examen de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, ce serait très bien.

Malgré notre divergence sur l'identité de genre, nous vous suivrons, parce qu'il est important que la disposition visée soit introduite dans le code pénal. J'entends l'argument juridique selon lequel le genre n'existe pas aujourd'hui dans le code pénal et qu'introduire cette notion risquerait d'amoindrir les choses. Il n'empêche que ce débat, qui est peut-être un débat de société, mérite d'être ouvert. Ce n'est peut-être pas aujourd'hui le bon moment pour l'aborder, mais ce passage, cet entre-deux, est un moment important pour ces personnes. Il faut les entendre, les respecter et trouver le moyen de prendre en compte cette transition dans leur vie en plein changement.

Cela étant dit, pour l'heure, nous retirons notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 59 rectifié est retiré.

Madame Benbassa, l'amendement n° 14 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je suis tout à fait favorable à la nouvelle rédaction qui nous est proposée.

En ce qui concerne le genre, permettez-moi de remarquer que nous sommes de nouveau tombés dans l'anglicisme. On commence en effet à parler en France de « genre », d'« études de genre », d'« études sur le genre ». C'est une traduction exacte de gender, transgenre étant la traduction de transgender. En France, on a déjà du mal à faire comprendre que les études sur le genre, ce sont les études sur les femmes. Si on y ajoute transgenre, on ne va plus s'y retrouver.

Pour l'heure, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 14 rectifié bis est retiré et, en conséquence, le sous-amendement n° 67 n'a plus d'objet.

Madame Jouanno, l'amendement n° 40 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je retire mon amendement, en me félicitant que cette modification de l'article 225-1 du code pénal puisse être intégrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 40 rectifié bis est retiré et, en conséquence, le sous-amendement n° 68 n'a plus d'objet.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cette solution est la bonne. Au départ, il avait été dit qu'on n'ouvrirait pas d'autres débats que ceux qui portent strictement sur le harcèlement. On peut aborder des tas de sujets ; après le débat d'hier sur les discriminations, et compte tenu des auditions du groupe de travail, il fallait agir.

Je trouve la proposition du Gouvernement opportune. Honnêtement, en s'appuyant sur l'amendement n° 59 rectifié, ou sur un autre d'ailleurs, on aurait presque pu régler le problème du code du travail et du statut de la fonction publique. On aurait pu le faire puisqu'il visait les trois textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce n'est pas la peine de compliquer. Cela sera fait par l'Assemblée nationale, c'est logique.

Le débat sur « l'orientation sexuelle » ou « l'identité de genre » peut paraître anodin. Vous savez très bien que le débat sur le genre – gender, comme l'a très bien rappelé Mme Benbassa – est un débat philosophique qui fait l'objet de nombreuses publications. On ne peut pas utiliser un terme qui est inconnu en droit, même en droit pénal. Il doit y avoir un débat de fond…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C'est ce que j'ai dit en parlant de « débat de société » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… et l'on ne peut pas, au détour d'un article, trancher la question.

Lorsque je ne passe pas mes soirées au Sénat, je lis un peu de philosophie, madame la ministre §: la question du genre est un vrai débat philosophique. Je préfère donc qu'on ne l'évoque pas à ce stade de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame Meunier, l'amendement n° 48 rectifié quater est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je retire moi aussi mon amendement.

J'ai noté ce premier pas, cette avancée significative par rapport à la transphobie. Cependant, je persiste et je pense que l'on reparlera de la notion de « genre ». Ce n'est pas un débat philosophique, monsieur Hyest. En intégrant « l'identité de genre » à la liste des discriminations, on appelle à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 48 rectifié quater est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud - Belkacem

Je souhaite apporter une précision et répondre à ceux qui se demandent pourquoi on n'insère pas tout de suite les modifications dans le code du travail et le statut de la fonction publique.

Après tout, il est vrai que vous avez perçu nombre des écueils qu'il nous faut éviter. Le problème, c'est qu'il y en a d'autres ; les modifications à apporter concernent non seulement le code du travail mais aussi d'autres dispositions du code pénal, le code de procédure pénale, le code du sport. Ce travail doit être mené de façon exhaustive pour rendre plus cohérente la définition de la discrimination dans l'ensemble de ces textes. Cela prendra un peu de temps. Nous demanderons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'y mettre et je pense que cela ne posera pas de problème à vos collègues députés.

Le débat sur l'identité de genre me passionne et j'espère que nous aurons d'autres occasions de le poursuivre. Toutefois, il me paraît plus sûr, dans le cadre de ce texte, de s'en tenir à l'identité sexuelle.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Benbassa, M. Placé, Mmes Bouchoux, Lipietz et Archimbaud, M. Desessard, Mmes Aïchi et Blandin et MM. Dantec, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 2-2 du code de procédure pénale, après les mots : « violences sexuelles », sont insérés les mots : «, contre le harcèlement sexuel ».

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L'article 2-2 du code de procédure pénale dispose que « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l'objet statutaire comporte la lutte contre les violences sexuelles ou contre les violences exercées sur un membre de la famille, peut exercer les droits reconnus à la partie civile […]. Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime. »

Actuellement, seules les associations dont l'objet statutaire comporte « la lutte contre les violences sexuelles » peuvent bénéficier de la faculté de se porter partie civile.

L'objet de notre amendement est d'étendre le champ d'application de l'article 2-2 du code de procédure pénale aux associations dont l'objet statutaire est uniquement la lutte contre le harcèlement sexuel de manière qu'elles puissent également se porter partie civile.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Vous avez opportunément perçu qu'il fallait ajouter dans cet article 2-2 du code de procédure pénale, pour les associations qui s'occupent ou s'occuperont en particulier du harcèlement sexuel, à côté des violences sexuelles et des violences exercées sur un membre de la famille, la possibilité de se porter partie civile.

Je rappelle, comme vous l'avez déjà fait en lisant une partie de l'article 2-2, que « l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime. » Vous connaissez le principe en vertu duquel « nul ne plaide par procureur ». Il faut donc que la victime soit intéressée, concernée et, bien entendu, qu'elle approuve l'action de l'association.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je n'ai pas sous les yeux le code de procédure pénale, mais vous le citez, madame Benbassa, dans votre exposé des motifs, ce qui m'a permis de constater que les articles 222-23 à 222-33 du code pénal étaient déjà visés par l'article 2-2 du code de procédure pénale. Les rédacteurs de cet article considéraient donc que le harcèlement faisait partie des objets des associations traitant des violences sexuelles, etc. Par conséquent, je m'interroge : cet amendement est-il utile ? Je n'ai pas d'objection sur le fond, mais je précise qu'une association pouvait déjà défendre une personne victime de harcèlement sexuel, sur le fondement de l'article 222-33.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

La différence porte sur l'objet statutaire de l'association !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David et Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2-6 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « ou sur les mœurs » sont remplacés par les mots : «, sur les mœurs ou sur l'orientation sexuelle » ;

b) Après les mots : « code pénal », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « et les articles L. 1146-1 et L. 1155-2 du code du travail, lorsqu'elles sont commises en raison du sexe, de la situation de famille, des mœurs ou de l'orientation sexuelle de la victime ou à la suite d'un harcèlement sexuel. » ;

2° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Toutefois, en ce qui concerne les discriminations commises à la suite d'un harcèlement sexuel, l'association ne sera recevable...

le reste sans changement

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Cet amendement a pour objet d'actualiser et de compléter l'article 2-6 du code de procédure pénale autorisant toute association déclarée depuis au moins cinq ans et dont l'objet est de combattre les discriminations fondées sur le sexe ou les mœurs à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les discriminations prohibées commises à raison du sexe, de la situation de famille ou des mœurs de la victime.

L'amendement substitue à la référence de l'ancien article L. 123-1 du code du travail, qui interdisait toute discrimination à l'embauche ou dans le déroulement de carrière fondée sur le sexe, la situation de famille ou la grossesse, les références comparables figurant aux articles L. 1146-1 et L. 1155-2 du nouveau code du travail. Le premier sanctionne la méconnaissance des dispositions relatives à l'égalité professionnelle ; le second sanctionnera, sous réserve de son adoption dans le projet de loi, les discriminations commises à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel.

S'agissant du deuxième alinéa de l'article 2-6, qui subordonne la recevabilité de l'action des associations à l'accord écrit de la personne intéressée, l'amendement précise que cette exigence doit s'appliquer dans les affaires concernant « les discriminations commises à la suite d'un harcèlement sexuel », substituant, dans un souci de clarté de la loi, une règle générale aux références obsolètes ou insuffisamment complètes et précises qui y figurent actuellement.

Enfin, l'amendement complète la liste des discriminations prohibées en ajoutant à celles qui sont fondées sur le sexe ou les mœurs, celles qui sont fondées sur l'orientation sexuelle de la victime.

Cette adjonction se traduira plutôt par une clarification du sens de la loi que par une extension véritable de son champ d'application, dans la mesure où la jurisprudence donne déjà une définition assez large de la notion de mœurs. Mais la référence à la notion plus moderne d'orientation sexuelle est de nature à faciliter la compréhension de la loi par le justiciable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je ne m'étendrai pas sur cet amendement qui vient d'être excellemment présenté.

Il a un double objet. D'une part, il s'agit de procéder à une amélioration rédactionnelle de l'article 2-6 du code de procédure pénale. D'autre part, il s'agit d'apporter une plus grande cohérence avec ce que nous venons de voter en intégrant « l'orientation sexuelle » dans cet article. L'avis de la commission est favorable.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, après tous les propos que nous avons tenus depuis le début de la discussion du projet de loi sur l'indispensable cohérence entre les textes et les codes, vous ne serez pas surpris que le Gouvernement apporte son entier soutien à cet amendement qui permet de toiletter le code de procédure pénale et d'améliorer le texte du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la ministre, vous avez bien raison d'insister sur les problèmes de cohérence des textes. Nous avons précédemment opté pour l'expression « orientation ou identité sexuelle ».

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Oui, mais en précisant que cela allait entraîner des modifications de textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il faudra reprendre cette expression si l'on modifie les articles correspondants dans le code du travail. Cela sera sans doute fait au cours de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, sinon nous y veillerons en commission mixte paritaire.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au dernier alinéa du 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale, après la référence : « 222-30 », il est inséré la référence : « 222-33, ».

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Cet amendement vise à permettre aux victimes de harcèlement sexuel de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, la CIVI, afin de demander, si leur agresseur se révèle insolvable, une indemnisation intégrale du préjudice qu'elles ont subi, et ce au titre de la solidarité nationale.

En commission, certains collègues ont évoqué l'article 40 de la Constitution. La commission des finances n'a pas souhaité faire application de cet article, qui est inopérant puisqu'il s'agit d'un fonds. J'ajoute que les sommes en jeu sont faibles puisque, comme cela a été rappelé dans la discussion générale, peu de condamnations sont prononcées chaque année sur la base d'une incrimination pour harcèlement sexuel.

Mon amendement tend à offrir aux victimes de harcèlement la même possibilité que celle qui est donnée aux victimes de viol ou d'agression sexuelle, lesquelles peuvent demander une indemnisation par la CIVI lorsque leur agresseur se trouve être insolvable.

Les auditions des représentants des associations de défense des droits des femmes nous ont montré les similitudes importantes qui existent entre les victimes de harcèlement et les victimes de violences physiques : répercussions psychologiques importantes, peur de porter plainte ou encore mise en doute de la parole des victimes. On le sait aussi, le harcèlement sexuel peut avoir des conséquences graves, avec le risque d'une mise à l'écart dans l'environnement professionnel.

Afin que les victimes puissent se reconstruire dans la dignité, il faut leur montrer que la solidarité nationale prend la mesure de leur souffrance et qu'elle entend, si l'auteur des faits se révèle insolvable, leur permettre de saisir la CIVI.

Je sais que le Gouvernement est très sensible à la situation des victimes. L'adoption de cet amendement serait un geste supplémentaire pour monter que nous sommes aux côtés des victimes, en leur permettant, si l'agresseur soit insolvable, de bénéficier de l'intégralité de l'indemnisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission est défavorable à cet amendement pour des raisons précises.

Pour l'instant, les textes qui régissent la CIVI visent des infractions d'une particulière gravité, qui sont fortement sanctionnées. En effet, les infractions qui donnent droit à la saisine de cette commission sont toutes les infractions ayant entraîné la mort, une incapacité permanente, une ITT égale ou supérieure à un mois, ou bien, plus spécifiquement, des agressions sexuelles, le viol, l'atteinte sexuelle sur mineur, la traite des êtres humains. Je rappelle que l'agression sexuelle est punie d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et le viol d'au minimum quinze ans de prison.

Cela dit, et là je me tourne vers vous, madame la garde des sceaux, il faut reconnaître qu'un grand désordre règne dans les textes relatifs à la CIVI. Je viens d'évoquer certaines infractions, pour lesquelles nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut faciliter l'indemnisation des victimes. Toutefois, il faut moderniser ce texte. Car, en dehors de ces infractions, un mineur de 15 ans victime d'un enlèvement ou d'une séquestration, une personne majeure victime d'une prise d'otage ne peuvent accéder à la CIVI.

Un jour ou l'autre, vous devrez, madame la garde des sceaux, intégrer dans le vaste programme de travail qui est le vôtre un accès plus rationalisé et modernisé des victimes à la CIVI. Nous pourrons à ce moment-là examiner de nouveau cette question qui mérite une réforme dans les meilleurs délais, les victimes étant bien évidemment au cœur de nos préoccupations.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J'ai entendu votre appel, monsieur le rapporteur, et je suis tout à fait d'accord avec vous. Un travail de fond doit être mené, notamment avec les associations représentantes des victimes, qui sont au nombre de 140 environ dans notre pays, regroupées dans l'INAVEM, l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation. Cette fédération très dynamique réfléchit, innove et expérimente. Nous allons travailler de plus en plus étroitement avec elle et parcourir tout le spectre des situations qui justifieraient le recours au fonds de la CIVI.

Vous avez eu raison, monsieur Kaltenbach, de faire remarquer que cet amendement n'est pas passé sous les fourches caudines de l'article 40, un article que députés – je parle d'expérience ! – comme sénateurs détestent singulièrement car il constitue à leurs yeux une entrave importante à l'initiative parlementaire.

En fait, si cet amendement a échappé aux fourches caudines de l'article 40, c'est parce que le fonds de la CIVI est assis sur une part des contrats d'assurance. Mais il faut savoir qu'une dotation budgétaire annuelle, c'est-à-dire une intervention de l'État, permet d'abonder ce fonds en cas de nécessité. L'amendement a échappé à l'article 40, mais un accroissement des interventions de la CIVI provoquerait presque mécaniquement une augmentation de la dotation de l'État, et donc des dépenses publiques. Voilà la réalité !

Cet argument budgétaire est difficile à opposer aux victimes. M. le rapporteur a rappelé les infractions pour lesquelles est ouvert le droit à indemnisation. Il est vrai que le harcèlement sexuel n'en fait pas partie. Je ne vous le cache pas : je suis très gênée que des victimes de harcèlement sexuel ayant obtenu une réparation au moins symbolique…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… et juridique de la part d'un tribunal ne puissent pas obtenir la réparation pécuniaire prononcée par ce tribunal.

Monsieur le sénateur, vous nous avez dit que cela représentait peu de cas par an. J'ai été la première à le dire à la tribune de l'Assemblée nationale. Toutefois, si nous légiférons aujourd'hui, c'est bien pour qu'il y en ait plus, non pas parce que nous voulons accroître la « productivité » du harcèlement, mais parce que nous créons les conditions permettant aux victimes de recourir à la justice en cas de harcèlement.

Le Gouvernement devrait normalement émettre un avis défavorable sur votre amendement. D'un point de vue strictement juridique, il n'y a pas de raison d'introduire le harcèlement sexuel dans la catégorie des incriminations qui donnent droit à indemnisation. Sauf à répondre aux conditions indiquées tout à l'heure par M. le rapporteur, à savoir une ITT de plus d'un mois, une incapacité ou la mort – les ayants droit peuvent alors agir –, les violences faites aux femmes, en tant que telles, ne permettent pas d'accéder à cette indemnisation.

Aussi, je m'en remets à la sagesse de votre assemblée. Je répète simplement que l'adoption de cet amendement provoquerait une dépense d'État, mais opposer un argument budgétaire à une telle demande de droits heurte mes valeurs. Je suis sûre que votre assemblée saura être sage…

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Pour être franc, je suis moyennement convaincu par les arguments qui ont été développés. M. le rapporteur avance que les condamnations encourues sont très différentes. Cependant, avec le dispositif que nous avons adopté, le harcèlement pourra être puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende en cas de circonstances aggravantes, contre cinq ans et 75 000 euros pour une agression sexuelle. La différence n'est pas si considérable.

Nous l'avons tous répété, le harcèlement sexuel est grave. On ne peut d'un côté tenir ce discours et, de l'autre, laisser tomber les victimes si l'agresseur est insolvable.

Cela étant dit, j'entends que la question de l'indemnisation des victimes que soulève cet amendement vient sans doute un peu trop tôt dans le débat et qu'il faudra l'approfondir.

J'invite le président de la commission à réfléchir à la création d'une mission d'information dont les travaux nous permettraient de faire un point complet sur les indemnisations dues aux victimes, de nourrir le débat et de faire en sorte que les victimes soient mieux prises en compte – j'insiste sur ce point –, non seulement sur le plan juridique, au travers des condamnations susceptibles d'être prononcées, mais également après la condamnation, dans l'hypothèse où le condamné est insolvable et ne peut payer l'indemnité.

Je crois que nous ferions alors un travail qui irait dans le bon sens et qui enverrait un signe fort en direction des victimes.

En conséquence, j'accepte de retirer mon amendement si et le Gouvernement et la commission s'engagent dans une démarche d'approfondissement du débat sur l'indemnisation des victimes – pour ce qui est de la commission, via la création d'une mission d'information – afin qu'il soit procédé aux modifications législatives nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur Kaltenbach, vous savez que nous créons beaucoup de missions d'information !

Hier matin encore, M. Yves Détraigne et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ont rendu compte du travail considérable qu'ils ont effectué sur la carte judiciaire.

Mme Chantal Jouanno se désigne du doigt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je peux également évoquer le rapport d'information de M. Jean-René Lecerf et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, fait au nom de la commission des lois et de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, sur la loi pénitentiaire.

D'autres missions d'information sont en cours.

Toutefois, je ne manquerai pas de proposer au bureau de notre commission d'étudier les modalités selon lesquelles nous pourrions, en lien avec vous, mesdames les ministres, et tout particulièrement avec vous, madame le garde des sceaux, travailler sur cette question de l'indemnisation car c'est un vrai sujet qui mérite la cohérence qui lui fait aujourd'hui défaut ; monsieur Kaltenbach, vous avez en cela tout à fait raison.

Soyez donc assuré que le retrait de votre amendement n'est pas un geste négatif dans la mesure où il pourra avoir des suites positives. Au demeurant, je sais que vous serez vigilant à cet égard.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Kaltenbach, je réaffirme ce que je disais tout à l'heure de façon informelle : il est nécessaire d'ouvrir ce chantier.

Je m'engage formellement à en prendre l'initiative. Bien entendu, cet engagement, qui sera consigné au Journal officiel, vaut pour le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur Kaltenbach, qu'advient-il de votre amendement n° 7 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Je le retire, madame la présidente, de manière que le débat puisse être poursuivi, dans le sens d'une meilleure prise en compte des victimes.

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 1152-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1152-1. – Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral tels que définis et réprimés par l'article 222-33-2 du code pénal. » ;

2° L'article L. 1153-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-1. – Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis et réprimés par l'article 222-33 du code pénal. » ;

3° L'article L. 1153-2 est complété par les mots : « y compris si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée. » ;

4° Le premier alinéa de l'article L. 1155-2 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel définis aux articles L. 1152-2, L. 1153-2 et L. 1153-3 du présent code. » ;

5° Les articles L. 1155-3 et L. 1155-4 sont abrogés ;

bis (nouveau) Au premier alinéa de l'article L. 2313-2, après les mots : « peut notamment résulter » sont insérés les mots : « de faits de harcèlement sexuel ou moral ou » ;

ter (nouveau) Au troisième alinéa de l'article L. 4622-2, après les mots : « sur le lieu de travail, » sont insérés les mots : « de prévenir le harcèlement sexuel ou moral, ».

6° Au 1° de l'article L. 8112-2, après la référence : « 225-2 du code pénal, » sont insérés les mots : « les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations du travail, par les articles 222-33 et 222-33-2 du même code ».

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous l'avons dit à de nombreuses reprises, non seulement au cours des auditions au sein de notre groupe de travail, mais aussi depuis le début de l'examen du texte en séance : les relations de travail, voire les situations d'accès au travail offrent un cadre propice aux actions néfastes des harceleurs, quels qu'ils soient.

Dans un rapport paru récemment, le Défenseur des droits, M. Dominique Baudis, indiquait que près de la moitié des dossiers portés devant lui en matière de discrimination concernaient l'emploi.

Plus près de nous, nous avons toutes et tous en tête de nombreux exemples de femmes qui ont été soumises à des pressions au moment de leur embauche ou qui ont subi périodiquement, voire quotidiennement, des propos, des gestes, des remarques déplacées, parfois même accompagnés de chantage à leur promotion ou, pire, à leur maintien dans un poste ou même dans leur emploi.

Aussi, je me réjouis que l'article 3 restaure la répression pénale du harcèlement sexuel subi à l'entreprise.

Néanmoins, j'irai un peu plus loin : je souhaite que soient inscrites dans le code pénal et dans le code du travail la même définition du harcèlement sexuel, ainsi que, dans ce dernier code, la notion de droits des salariés. C'est le sens de l'amendement que mon groupe va défendre dans un instant. Un simple renvoi au code pénal, tel que le prévoit aujourd'hui le texte du projet de loi, ne suffit pas.

Autre point important dans cet article 3 : la notion d' « acte unique », enfin reconnue. Ce que certains nomment « chantage sexuel » – personnellement, je n'aime pas cette expression – à l'embauche ou à la promotion, voire à l'acceptation de modification de son contrat de travail peut enfin faire l'objet de sanctions. C'est une excellente chose.

Combien de harceleurs profitent de la vulnérabilité d'une femme en recherche d'emploi pour tenter d'obtenir une relation sexuelle ? Bien sûr, le peu d'affaires jugées à ce jour pourrait nous faire croire qu'il s'agit de phénomènes isolés, voire marginaux.

Madame la ministre des droits des femmes, si, comme vous l'avez annoncé, une grande campagne nationale d'information et de sensibilisation est lancée dès le vote de la loi et si, comme pour d'autres textes importants, cette campagne franchit les portes de l'entreprise, de Pôle emploi ou des missions locales, je pense sincèrement que la peur pourra changer de camp !

Les femmes – car ce sont les principales victimes, même s'il s'agit, comme l'a dit hier Mme la garde des sceaux, d'un harcèlement de genre – pourront alors connaître leurs droits et leurs recours. Que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – les CHSCT –, les délégués du personnel, les inspecteurs du travail, la médecine du travail soient aussi dans la boucle est une excellente nouvelle. Une fois promulguée, la loi doit permettre aux salariées de se saisir de toutes les possibilités pour que les harceleurs se trouvent enfin isolés et condamnés.

Trop souvent, la souffrance renforce la solitude : on ne sait pas à qui parler ou comment faire pour que les choses cessent et pour que le harceleur soit réellement condamné. Il ne faut plus que ce soit à la victime que l'on propose une mutation ou un changement de bureau ou de site de travail, au prétexte que M. X, s'il est effectivement un harceleur, est tout de même un excellent collaborateur, dont les propos ou les actes ne sont peut-être que des galéjades ou des gauloiseries. Stop ! Tout cela doit cesser.

J'ai conscience que cette loi ne réglera pas tout et que cet article ne changera pas du jour au lendemain les relations de travail, encore par trop empreintes de machisme, mais elle peut être un rempart contre un des aspects les plus pernicieux et encore malheureusement les moins réprimés de la domination des hommes sur les femmes.

Il s'agit bien ici de mettre une nouvelle pierre à l'édifice de la société de réelle égalité que beaucoup d'entre nous espérons construire. Par ailleurs, je fais confiance aux organisations syndicales et aux instances paritaires dans les entreprises pour qu'elles travaillent, au-delà des questions de répression et de prévention, sur l'image de la femme et de l'homme dans l'entreprise et au sein de la société.

Mesdames les ministres, je le sais, c'est un chantier énorme mais nous sommes quelques-unes et quelques-uns à vouloir nous y atteler.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 52 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 1153-1. – I- Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte aux droits du salarié, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante.

« II. – Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user d'ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

« III. – Les faits visés aux I et II sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

« Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :

« 1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° Sur un mineur de quinze ans ;

« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

« 4° En profitant de la particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l'auteur ;

« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice. »

III. – Alinéa 12

Remplacer les références :

222-33 et 222-33-2 du même code

par les références :

L. 1152-1 et L. 1153-1 du présent code

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Cet amendement a pour objectif d'éviter un renvoi du code du travail vers le code pénal. Il supprime ainsi les renvois effectués, pour la définition du harcèlement moral, par les alinéas 2 et 3 et, concernant le harcèlement sexuel, par l'alinéa 5.

Nous proposons par ailleurs d'ajouter, dans la définition du code du travail, l'atteinte aux droits du salarié en tant qu'élément de l'infraction.

L'opportunité de la reprise de cet élément, intégré dans la définition européenne, a suscité de longs débats au sein du groupe du travail. Le choix a été fait de ne pas le retenir, en cohérence avec la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 2002, lequel a jugé que cette notion d'atteinte aux droits, alors introduite dans la définition du harcèlement moral, satisfaisait aux exigences constitutionnelles, sous réserve de considérer les droits du salarié auxquels les agissements incriminés sont susceptibles de porter atteinte comme visant les droits de la personne au travail.

Par conséquent, l'introduction de la notion d'atteinte aux droits dans la définition du code pénal n'est pas sujette à censure si elle vise spécifiquement les droits du salarié.

C'est la raison pour laquelle notre amendement tend à introduire cette notion dans le code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 1, présenté par Mmes Dini et Létard, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

salarié

insérer les mots :

de bonne foi

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

La Cour de cassation a rendu le 7 février dernier une décision importante en matière de harcèlement moral, aux termes de laquelle le salarié de bonne foi qui invoque des faits de harcèlement non reconnus par les juges ne peut être licencié pour ce motif.

En l'espèce, une vendeuse faisait état de harcèlement moral après un entretien de recadrage avec son supérieur hiérarchique, lequel lui reprochait des attitudes contraires à la bonne entente dans le magasin.

Là où la salariée insistait sur le harcèlement qu'elle subissait, son directeur ne voyait qu'une mise au point légitime d'ordre professionnel.

Devant les tribunaux, la discussion a été vive mais les juges n'ont pas reconnu le harcèlement. L'employeur s'est alors cru autorisé à licencier la salariée pour faute grave.

Pourtant, la vendeuse était de bonne foi. Elle avait réellement cru subir des agissements que la loi réprouve, c'est-à-dire ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits ou à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Compte tenu de sa sincérité, la Cour de cassation a décidé que la salariée ne devait pas être sanctionnée puisqu'elle était de bonne foi, notion que je souhaite introduire dans la loi relative au harcèlement sexuel.

En effet, la Cour a déclaré que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Surtout, la Cour a précisé, s'agissant de savoir ce qu'il faut entendre par le terme de mauvaise foi, que celle-ci ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce. Autrement dit, il faut que le salarié ait menti.

Mes chers collègues, cette décision de la Cour de cassation, saluée par la doctrine, souligne que, dans la plupart des cas, le salarié qui invoque un harcèlement moral, et bien sûr un harcèlement sexuel, n'invente pas les événements qu'il dénonce ; au pire, il les interprète mal.

Il est donc important que le texte de loi retienne cette notion de bonne foi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 4, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

Dans le cadre des relations de travail,

insérer les mots :

même en dehors du temps et du lieu de travail

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Cet amendement porte sur un sujet qui paraît anodin mais ne l'est pas du tout : le harcèlement sexuel en dehors du lieu ou des heures de travail, qui entre dans la définition du harcèlement sexuel au travail.

Le 19 octobre 2011, la Cour de cassation a, pour la première fois, reconnu clairement que des propos et des attitudes à caractère sexuel entre collègues en dehors du travail pouvaient être sanctionnés par l'employeur.

Jusque-là, des propos à caractère sexuel tenus par un salarié hors du cadre de travail – par exemple, à l'occasion de soirées organisées après le travail – ne caractérisaient pas des agissements de harcèlement sexuel. Selon les juges, ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne pouvaient constituer une faute dans l'exécution du travail.

La décision de la Cour de cassation du 19 octobre 2011 a mis un coup d'arrêt à ce courant jurisprudentiel.

Dans cette affaire, c'est le comportement du superviseur d'une équipe de standardistes qui a été sanctionné. Ce dernier suivait des salariées qui se rendaient aux toilettes et, à plusieurs reprises, a tenu des propos à caractère sexuel à l'intention de ses collaboratrices, sur MSN ou à l'occasion de soirées organisées après le travail. Informé de ces faits, l'employeur a licencié le salarié harceleur en se plaçant sur le terrain disciplinaire et a prononcé un licenciement pour faute grave, motif pris du harcèlement sexuel commis par celui-ci.

Le salarié s'est défendu en affirmant que les faits qui lui étaient reprochés en dehors du cadre de travail relevaient de sa vie personnelle et qu'ils ne pouvaient donc donner prise à une quelconque sanction, dès lors qu'ils ne constituaient pas une faute dans l'exécution du contrat de travail.

Cette argumentation a été fermement rejetée par la Cour de cassation. Les hauts magistrats ont estimé que les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées d'un salarié à l'égard de personnes avec lesquelles l'intéressé était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle.

Dès lors, puisque ces agissements n'entrent pas dans le champ de la vie privée, ils peuvent être rattachés au cadre professionnel, cadre où l'employeur exerce pleinement son pouvoir disciplinaire.

Pour la Cour de cassation, peu importe le lieu et le temps de ces agissements, dès lors que les protagonistes se côtoient « en raison [du] travail ».

Ce lien suffit à ôter tout caractère d'ordre privé ou personnel aux faits commis et à les rattacher au travail. Dès lors, l'employeur, tenu de protéger ses salariés contre les harceleurs et les prédateurs sexuels, peut sanctionner l'auteur de tels faits.

Dans une décision plus récente, en date du 11 janvier 2012, la Cour de cassation a confirmé sa position, réaffirmant que cette dissociation entre vie professionnelle et vie privée était désormais inopérante. En effet, pour les hauts magistrats, « le fait pour un salarié d'abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail ».

Il conviendrait, selon moi, que cette précision figure dans la loi. Tel est donc l'objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 22, présenté par Mmes Meunier et Tasca, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Klès, Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Après les mots :

de harcèlement sexuel

insérer les mots :

ou de chantage sexuel

II. – Alinéa 8

Après les mots :

harcèlement moral ou sexuel

insérer les mots :

ou de chantage sexuel

III. – Alinéas 10 et 12

Après les mots :

harcèlement sexuel ou moral

insérer les mots :

ou de chantage sexuel

IV. – Alinéa 11

Après les mots :

harcèlement sexuel ou moral

insérer les mots :

ou le chantage sexuel

Cet amendement n'a plus d'objet, les amendements n° 18 et 19 rectifié bis à l'article 1er n'ayant pas été adoptés.

L'amendement n° 45, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 12

Remplacer la référence :

par la référence :

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 52 rectifié bis, 1 et 4 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 52 rectifié bis. En effet, cet amendement vise à réintégrer, dans le texte proposé pour la rédaction de l'article L. 1153-1 du code du travail, la définition adoptée pour le texte du code pénal, avec un ajout par rapport au texte que nous avons adopté hier, puisqu'il est précisé que les propos ou agissements à connotation sexuelle « portent atteinte aux droits du salarié ».

L'amendement n° 1, présenté par Mme Dini, est relatif à la bonne foi du salarié. Ma chère collègue, vous êtes une excellente juriste et vous nous avez parfaitement exposé la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais, précisément, est-il nécessaire d'intégrer dans la loi les acquis de la jurisprudence de la Cour de cassation ? Il me semble que tel n'est pas le cas.

En effet, vous nous avez très clairement expliqué que la Cour de cassation estime qu'il appartient au juge d'examiner la question de la bonne foi du salarié. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter cette précision au texte de la loi. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 4, la commission applique le même raisonnement. La Cour de cassation a estimé que l'expression « dans le cadre des relations de travail » pouvait parfois couvrir des faits commis en dehors du temps et du lieu de travail ; cette jurisprudence est constante et s'applique d'ailleurs dans d'autres contextes. La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Les auteurs de l'amendement n° 52 rectifié bis défendent l'idée que la reproduction, dans le code du travail, de la définition du harcèlement figurant dans le code pénal serait plus efficace qu'un simple renvoi au code pénal, comme c'est le cas aujourd'hui. Je ne suis cependant pas convaincue par cet argument.

La solution retenue par le Gouvernement, qui consiste à insérer dans le code du travail un renvoi à la définition du code pénal, est la plus rigoureuse en réalité, puisqu'elle évite que des incohérences entre les deux codes n'apparaissent au fil du temps, notamment en raison d'interprétations divergentes du texte du code du travail, d'une part, et de celui du code pénal, d'autre part.

Enfin, les associations qui demandent cette modification le font parce qu'elles s'inquiètent des incidences éventuelles sur la procédure civile d'un renvoi au code pénal. Je tiens à les rassurer : la procédure civile et la procédure pénale continueront à obéir à des règles très différentes, notamment en termes d'aménagement de la charge de la preuve. En réalité, le juge civil – en l'occurrence, le conseil des prud'hommes – n'aura aucunement à attendre qu'une décision soit prise par le juge pénal avant de statuer.

J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 1, je ne suis pas non plus convaincue par vos arguments, madame Dini. Il me semble que l'introduction de cette précision pourrait constituer un frein au témoignage du salarié : celui-ci pourrait craindre de se voir reprocher sa mauvaise foi s'il témoigne de ce qu'il a vu et entendu. Quand on sait combien il est difficile de témoigner et d'apporter des preuves dans des affaires de ce type, il est clair que l'ajout d'une telle précision dans le texte même de la loi risque de bloquer beaucoup de salariés dans leur volonté de témoigner. D'une manière plus générale, il appartient aux juges d'apprécier la bonne ou la mauvaise foi des salariés : mieux vaut donc s'en tenir au texte actuel qui prévoit que, dans la relation de travail, aucun salarié ne doit subir de fait de harcèlement.

Quant à l'amendement n° 4, madame Dini, j'ai bien entendu les craintes que vous exprimiez. J'ai examiné les compléments que vous m'aviez remis, en particulier cette décision du 11 janvier 2012 de la Cour de cassation qui, en réalité, confirme le bien-fondé de la position du Gouvernement. Comme vous l'avez rappelé vous-même, la Cour de cassation a bien retenu que le fait, pour un salarié, d'abuser de son autorité hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel, même si les agissements en cause sont survenus en dehors du temps et du lieu de travail. Il me semble donc qu'il n'y a pas de doute à avoir et que la formulation proposée par le Gouvernement répond à votre souci, madame la sénatrice. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame Dini, les amendements n° 1 et 4 sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

En ce qui concerne l'amendement n° 1, je me rallie bien volontiers à l'avis de la commission et du Gouvernement et je le retire donc.

Je retire également l'amendement n° 4, sans être toutefois convaincue par les arguments qui me sont opposés. Le fait que les agissements reprochés aient été commis en dehors du cadre du travail est souvent invoqué comme argument de défense. Si la précision que je suggérais d'ajouter était incluse dans le texte de la loi, la personne poursuivie ne pourrait pas arguer du caractère purement privé de son comportement. Je ne suis donc pas persuadée de ne pas avoir raison malgré tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Les amendements n° 1 et 4 sont retirés.

L'amendement n° 16, présenté par Mme Benbassa, M. Placé, Mmes Bouchoux, Lipietz et Archimbaud, M. Desessard, Mmes Aïchi et Blandin et MM. Dantec, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

3° L'article L. 1153-2 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « entreprise », sont insérés les mots : «, aucune personne en période de formation ou en période de stage » ;

b) Il est complété par les mots : « y compris si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée » ;

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le présent amendement complète le 3° de l'article 3 du projet de loi, en ajoutant les stagiaires et apprentis à la liste des personnes protégées prévue à l'article L. 1153-2 du code de travail. Ces personnes « ne peuvent être sanctionnées ni faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte » à la suite d'un harcèlement sexuel. En effet, seul le salarié et le « candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise » sont actuellement concernés par l'article L. 1153-2 du code du travail, mais non les stagiaires et les personnes ayant déjà débuté leur formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 17, présenté par Mme Benbassa, M. Placé, Mmes Bouchoux, Lipietz et Archimbaud, M. Desessard, Mmes Aïchi et Blandin et MM. Dantec, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À l'article L. 1153-3, après le mot : « salarié », sont insérés les mots : «, aucune personne en période de formation ou en période de stage » ;

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il s'agit d'un amendement de coordination, visant également à protéger les personnes en période de formation ou en période de stage. Son adoption permettrait d'inclure ces personnes dans le champ de l'article L. 1153-3 du code du travail. Le texte proposé pour cet article serait donc ainsi rédigé : « Aucun salarié, aucune personne en période de formation ou en période de stage, ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Bien que l'amendement n° 54 ne fasse pas l'objet d'une discussion commune avec les deux précédents, son objet est très proche et il est en partie identique à l'amendement n° 16. J'estime donc qu'il convient de l'appeler en discussion pour la clarté des débats.

L'amendement n° 54, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article L. 1153-3 est complété par les mots : « y compris si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée. » ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Il me semble effectivement que cet amendement complète les deux précédents, car il effectue une coordination.

En effet, l'alinéa 6 de l'article 3 du présent projet de loi modifie l'article L. 1153-2 du code du travail qui dispose qu'« aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ».

Le texte du projet de loi élargit cette protection aux personnes confrontées à un acte unique de harcèlement ayant eu des conséquences discriminatoires. C'est une bonne chose.

Le présent amendement tend à compléter de la même manière l'article L. 1153-3 du code du travail, qui vise la protection des personnes ayant témoigné ou relaté des agissements de harcèlement sexuel, en élargissant son champ, c'est-à-dire en y incluant le cas où ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 16 qui apporte des précisions utiles.

L'amendement n° 17 étant un amendement de coordination, il recueille également un avis favorable.

En revanche, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 54, présenté par Mme Cohen. Elle a en effet considéré que, puisque le code du travail renvoie aux dispositions du code pénal qui distinguent clairement entre l'acte unique et les agissements répétés, les auteurs de cet amendement avaient déjà obtenu satisfaction.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

L'amendement n° 16, présenté par Mme Benbassa est particulièrement bienvenu. En effet, alors que les apprentis, qui sont des salariés, sont déjà couverts par les dispositions en vigueur, tel n'est pas le cas des stagiaires. J'émets donc un avis favorable.

L'amendement n° 17 est un amendement de coordination. L'avis du Gouvernement est également favorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 54, le Gouvernement estime que la précision qu'il apporte n'est pas nécessaire, parce que les agissements de harcèlement dont peut témoigner le salarié sont précisément les mêmes que ceux contre lesquels le code pénal protège la victime. Il me semble donc que le texte du projet de loi peut être conservé en l'état. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mme la ministre et M. le rapporteur ont émis un avis défavorable sur l'amendement n° 54 présenté par Mme Cohen. J'observe cependant que l'amendement n° 16 présenté par Mme Benbassa a un double objet. Premièrement, il couvre les stagiaires ; deuxièmement, il ajoute la précision suivante : « y compris si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée ». Or on vient de nous expliquer, pour justifier le rejet de l'amendement n° 54, que cette précision était inutile puisque la référence au code pénal suffisait !

Autant je suis d'accord avec la première partie de l'amendement n° 16, autant j'estime qu'il faudrait supprimer sa seconde partie, au nom de la cohérence. Je ne sais pas ce qu'en pense M. le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

J'avais bien précisé tout à l'heure que les amendements n° 16 et 54 n'étaient qu'en partie identiques !

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je ne souhaite pas allonger inutilement nos débats, mais j'avoue que j'ai du mal à percevoir une cohérence dans les avis rendus par la commission et le Gouvernement. Je ne comprends pas pourquoi les amendements n° 16 et 17 recueilleraient un avis favorable, alors que celui que j'ai défendu devrait être rejeté.

J'aime bien comprendre, afin de pouvoir voter en connaissance de cause. Si quelqu'un peut nous montrer la cohérence de ce que nous allons voter, ses explications seraient utiles à tous !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je rends hommage à la sagacité de M. Hyest, mais, en réalité, ce n'est pas le même article qui est visé.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Non, car dans l'amendement présenté par Mme Cohen est visé l'article L. 1153-3 du code du travail, donc la protection des témoins, tandis que dans l'amendement présenté par Mme Benbassa est visé l'article L. 1153-2. N'ajoutant rien au texte de la commission, qu'il ne fait que reprendre, son amendement ne pose pas de difficultés.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David et Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre V du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1154-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1154-3. – Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les violences sexuelles peuvent exercer en justice toutes les actions résultant des dispositions des articles L. 1153-1 à L. 1153-4.

« Elles peuvent exercer ces actions en faveur d'un salarié dans les conditions prévues par l'article L. 1154-1, sous réserve de justifier d'un accord écrit de l'intéressé.

« L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre fin à tout moment. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

De par leur expérience, les associations de défense des droits des femmes sont à même d'apporter aux victimes de harcèlement sexuel une aide précieuse devant les tribunaux.

Le code de procédure pénale leur offre déjà la possibilité d'ester en justice dans les procès pénaux, mais seules les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ont actuellement la possibilité d'ester en justice aux côtés des victimes dans les procès civils, notamment devant les juridictions prud'homales.

Lors de leur audition devant le groupe de travail sénatorial, les représentants des organisations syndicales n'ont pas jugé souhaitable de maintenir ce monopole, d'autant que le harcèlement sexuel au travail peut aussi survenir dans de petites entreprises, qui ne disposent pas nécessairement d'une représentation syndicale.

Aussi la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a-t-elle recommandé d'étendre aux associations luttant contre les violences envers les femmes la possibilité d'ester en justice dans les procès civils, aux côtés des victimes, avec leur consentement.

Le présent amendement tend à apporter une traduction législative à cette recommandation, qui, je vous le rappelle, a été adoptée à l'unanimité de la délégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a donné un avis défavorable à cet amendement pour une raison non pas de fond, mais de procédure, à savoir l'absence de concertation.

Aujourd'hui, devant le conseil des prud'hommes, un salarié ou une salariée peut se faire assister par un représentant syndical de son choix.

Vous proposez qu'il ou elle puisse se faire également assister par le représentant d'une association, dont l'objet social serait la lutte contre le harcèlement sexuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La discussion mérite d'être ouverte, mais il faudrait tout de même s'assurer que, du côté des organisations syndicales, il n'y a pas d'objections particulières. Nous en avons parlé en commission des lois et le président Sueur a rappelé que, à l'occasion des auditions, deux organisations syndicales nous avaient déclaré qu'elles n'étaient pas défavorables à cette mesure. Néanmoins, il est évident qu'une telle évolution de la procédure nécessite un travail plus profond.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous entendons bien l'intention, qui est incontestablement louable.

Vous avancez deux arguments. Tout d'abord, vous mentionnez le fait que les associations peuvent ester en justice devant les juridictions répressives. Effectivement, dans le cadre de la justice pénale, c'est possible, mais la raison en est que la logique même du procès pénal est de réprimer une atteinte au corps social, c'est-à-dire qu'un intérêt collectif est en jeu.

Devant les juridictions civiles ou sociales, l'intérêt en cause est privé. Donc, autant devant les juridictions pénales, il est concevable qu'une association puisse ester en justice en se constituant partie civile, puisque l'agression subie par une victime est une transgression des règles de vie en société et constitue une atteinte au corps social, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… autant devant les juridictions civiles et prud'homales, la situation est différente.

Ensuite, vous évoquez à juste titre l'hypothèse des petites et très petites entreprises, dans lesquelles il n'existe pas de représentation syndicale. Si j'ai bien compris votre amendement, vous parlez de la possibilité non pas seulement d'assister, mais d'ester en justice.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin acquiesce.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Qu'on ne prenne pas le propos qui va suivre comme un procès d'intention envers les petites et très petites entreprises, lesquelles forment le tissu économique et social pérenne : elles ne délocalisent pas et se débrouillent pour affronter les périodes difficiles de turbulence, de crise. Nous savons donc parfaitement ce que notre société leur doit. Néanmoins, leur taille fait que, parfois, on y trouve une dimension parfois affective dans les relations de travail. Il y a donc aussi, dans ces unités économiques, des risques de harcèlement sexuel.

Si nous voulons prévoir la possibilité, pour ces associations, dans toutes les situations, de pouvoir ester en justice, il faudrait modifier le code du travail pour préciser que, dans l'hypothèse où il n'y a pas de représentation syndicale dans l'entreprise, les associations que vous mentionnez pourraient ester en justice. Or vous comprenez bien que nous ne pouvons pas le faire ici. Nous avons l'obligation, du moins pour ce qui concerne le Gouvernement, même si le Parlement n'y est pas astreint, de consulter de façon très formelle et officielle les organisations syndicales représentatives pour recueillir leur avis.

Pour ces raisons, qui ne mettent pas en cause le bien-fondé de votre démarche, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Cet amendement aura au moins eu le mérite d'ouvrir un débat sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous avez raison, ma chère collègue, de dire que l'assistance par des représentants d'associations ou d'organisations syndicales devant les prud'hommes est possible. Les avocats n'y ont pas le monopole.

Toutefois, je vous rends attentif au fait que vous parlez d'un procès civil, car, que je sache, les prud'hommes sont bien des juridictions civiles. La possibilité d'y plaider par procureur serait d'une grande originalité et ouvrirait des perspectives intéressantes !

Certes, en matière de procédure pénale, nous avons multiplié ces cas de constitution de partie civile par des associations. Vous savez ce que j'en pense : on peut se demander si l'action publique a encore un sens quand on multiplie le nombre d'associations capables de la déclencher. Mais le cas que vous visez au travers de votre amendement est différent et je pense que ce sujet mérite une réflexion approfondie sur les règles de procédure civile dans notre pays.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 56 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucune modification des conditions de travail ou de la charge de travail ne peut être imposée à un salarié sans son autorisation, lorsque cette modification a pour effet de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Les victimes de harcèlement sexuel en milieu professionnel, ainsi que les associations qui les défendent et les accompagnent, ont mis en lumière combien l'employeur était imaginatif dès lors qu'il s'agissait de punir un salarié, ou plus souvent une salariée, qui aurait refusé ses avances ou aurait fait connaître cette situation.

Cela peut prendre la forme d'une « mise au placard », comme l'on dit familièrement, d'un abaissement du profil de poste ou bien, tout au contraire, d'une augmentation massive de la charge de travail, ou encore d'une modification des rythmes et des conditions de travail.

Ces processus différents visent un même objectif : la déstabilisation du ou de la salariée concernée, dans l'espoir de la réalisation d'une faute pouvant justifier une procédure de licenciement.

Cette réalité, les salariées ne la connaissent que trop et sont souvent désarmées lorsqu'ils y font face. Il est en effet particulièrement difficile de prouver que les nouvelles conditions de travail que leur imposent leurs employeurs est une forme de harcèlement.

Aussi, afin d'éviter cette situation, il convient, et c'est le sens de cet amendement, de réaffirmer dans la loi le principe selon lequel la modification du contrat de travail nécessite l'accord exprès du salarié, particulièrement lorsque cette modification peut avoir pour effet de porter atteinte au respect de sa vie privée et familiale et de son droit au repos.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. C'est un cavalier qui a belle allure, mais cela reste un cavalier !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Madame la sénatrice, la question que soulève votre amendement est évidemment très importante, mais vous conviendrez avec moi qu'elle dépasse largement le champ de ce texte sur le rétablissement du délit de harcèlement sexuel.

Je souhaite quand même vous rassurer : lorsqu'un élément essentiel du contrat de travail est affecté, l'accord du salarié doit être demandé. Il est vrai que ce n'est pas systématiquement le cas pour chaque modification, mais il appartient justement au juge de vérifier s'il y a eu, ou non, atteinte au respect de la vie privée et familiale du salarié.

Bref, considérant de manière générale que cet amendement est sans rapport avec le projet de loi, je vous demande de bien vouloir le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je retire l'amendement, madame la présidente !

L'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir :

« a) soit des propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant ;

« b) soit des ordres, menaces, contraintes ou toute autre forme de pression grave, même non répétés, accomplis dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation de nature sexuelle, que celle-ci soit recherchée au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ; »

2° Au 2°, les mots : « ces agissements » sont remplacés par les mots : « les agissements de harcèlement sexuel mentionnés au 1° » ;

3° Au 3°, les mots : « de tels agissements » sont remplacés par les mots : « d'agissements de harcèlement sexuel mentionnés au 1° » ;

4° À l'avant-dernier alinéa, après le mot : « agissements », sont insérés les mots : « de harcèlement sexuel ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 60 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« …° Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements de harcèlement sexuel constitué :

« a) soit par des propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant ;

« b) soit par le fait d'user d'ordre, de menace, de contrainte ou de tout autre forme de pression à connotation sexuelle qui, même non répété, est d'une gravité telle qu'il porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou crée à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant. » ;

2° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement sexuel visés au premier alinéa ; »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je présenterai en même temps les amendements n° 60 rectifié, 55 rectifié et 57 rectifié.

Ces amendements sont, pour deux d'entre eux, à savoir les amendements n° 60 rectifié et 55 rectifié, des amendements de coordination.

L'article 3 retranscrit la définition du harcèlement sexuel dans la loi relative au statut des fonctionnaires. Ces amendements ont pour objet de retenir une autre définition du harcèlement constitué par un acte unique, telle que nous l'avons défendue à l'article 1er.

Sur la forme, les trois amendements tendent à réécrire l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983. Ils sont certes rédactionnels, mais ils revêtent une grande importance symbolique.

Nous proposons de commencer par poser le principe de l'interdiction formelle du harcèlement sexuel et, ensuite seulement, de réprimer toute discrimination, comme le fait d'ailleurs l'article 6 quinquies du même texte pour le harcèlement moral.

Si les amendements n° 60 rectifié et 55 rectifié, qui modifient la définition retenue par le projet de loi, sont rejetés, nous vous demanderons d'adopter l'amendement n° 57 rectifié, dont l'objet est simplement rédactionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« ...° Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements de harcèlement sexuel constitué :

« a) soit par des propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant ;

« b) soit par un propos, comportement ou tout autre acte à connotation sexuelle qui, même non répété, est d'une gravité telle qu'il porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou crée à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant. » ;

2° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement sexuel visés au premier alinéa ; »

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« ...° Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements de harcèlement sexuel constitué :

« a) soit par des propos ou agissements à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ;

« b) soit par des ordres, menaces, contraintes ou toute autre forme de pression grave, même non répétés, accomplis dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ; »

2° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement sexuel visés au premier alinéa ; »

Cet amendement a également été défendu.

L'amendement n° 41 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Milon et Cardoux, Mmes Lamure, Bruguière et Deroche, MM. Gilles, Doligé, B. Fournier, Duvernois et Grosdidier, Mmes Farreyrol et Kammermann, MM. Bourdin et Fleming, Mmes Mélot, Sittler et Keller, M. Bécot, Mme Troendle et MM. Savary, Portelli et P. André, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer le mot :

répétés

II. - En conséquence, alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Toujours dans la même logique, nous souhaitons supprimer le mot « répétés », afin de ne retenir qu'une seule définition du harcèlement dans la loi de 1983 relative aux fonctionnaires et agents publics non titulaires. Nous ne sommes pas, ici, dans le droit pénal. Il convient de reprendre plus précisément l'esprit de la directive européenne et que l'on s'en tienne à une seule définition.

Si cet amendement n'est pas retenu, j'en ai un autre de repli juste après !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 29, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« b) soit tout propos, comportement ou autre acte à connotation sexuelle qui, même non répété, est d'une gravité telle qu'il porte atteinte à la dignité d'une personne en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou crée à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant ; »

Cet amendement n'a plus d'objet du fait du rejet de l'amendement n° 25 à l'article 1er.

L'amendement n° 42 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Cardoux et Milon, Mme Lamure, M. Beaumont, Mmes Deroche et Bruguière, MM. Gilles, Grosdidier, Doligé et Duvernois, Mmes Farreyrol et Kammermann, M. Bourdin, Mme Mélot, M. Fleming, Mme Keller, MM. B. Fournier, Bécot et Couderc, Mme Troendle et MM. Savary, Portelli et P. André, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« b) soit un seul de ces agissements s'il est d'une particulière gravité, dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation de nature sexuelle ; »

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Voilà justement mon amendement de repli ! Au cas où le Sénat déciderait de conserver la première définition du harcèlement, exigeant que les actes soient répétés, il conviendrait de modifier l'alinéa 5 de l'article 3 bis, s'agissant d'un acte unique, pour retenir ce dernier « s'il est d'une particulière gravité, dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation de nature sexuelle ».

Par conséquent, je propose de supprimer l'exigence de menaces, d'ordres ou de contraintes, qui, comme je l'ai exprimé à plusieurs occasions, est trop proche de ce qui relève de l'agression sexuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 23, présenté par Mmes Meunier et Tasca, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Klès, Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 8

Après les mots :

de harcèlement sexuel

insérer les mots :

ou de chantage sexuel

Madame Meunier, les mêmes causes produisant les mêmes effets, cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité hiérarchique prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Si M. le rapporteur en était d'accord, cet amendement pourrait être discuté tout à l'heure, avec nos amendements n° 31 et 32.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Il en est ainsi décidé.

L'amendement n° 43 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, M. Milon, Mme Farreyrol, MM. Beaumont et Cardoux, Mmes Kammermann, Lamure, Mélot, Bruguière et Deroche, MM. Bourdin, Gilles, Duvernois et Fleming, Mme Troendle, MM. B. Fournier, Doligé, Grosdidier et Fouché, Mmes Sittler et Keller et MM. Bécot, P. André, Savary et Portelli, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité hiérarchique prend toutes les dispositions en vue de prévenir les actes visés au 1°. »

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Mesdames les ministres, mes chers collègues, vous devriez apprécier cet amendement, dont l'objet est beaucoup plus simple. Il s'agit d'exiger de l'autorité hiérarchique, dans le cadre de la fonction publique, qu'elle prenne toutes les dispositions visant à prévenir le harcèlement sexuel, comme c'est d'ailleurs déjà le cas dans les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani, rapporteur. J'ai cru comprendre que les auteurs des amendements n° 60 rectifié, 55 rectifié et 57 rectifié avaient une préférence pour le dernier.

Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Laurence Cohen acquiescent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

En revanche, elle est défavorable à l'amendement n° 41 rectifié bis, madame Jouanno, toujours pour les mêmes raisons. Je vous vois discuter avec M. Hyest : tant mieux, car c'est bien de l'architecture globale du texte qu'il est question ! Mais je ne referai pas tout le développement…

S'agissant de l'amendement n° 43 rectifié bis, peut-être pourrions-nous l'examiner tout à l'heure, en même temps que les amendements portant articles additionnels après l'article 3 bis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a deux membres de l'UMP en séance, et autant de courants de pensée. Voilà qui est intéressant, car, chez nous aussi, il peut y en avoir plusieurs. Mais nous ne sommes pas sûrs qu'il y ait autant de pensées que de courants !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Je veux d'abord remercier le Sénat d'avoir enrichi le texte en introduisant, au travers de l'article 3 bis, des dispositions relatives au statut des fonctionnaires qui manquaient indéniablement.

Je propose, comme M. le rapporteur, de retenir l'amendement n° 57 rectifié, considérant qu'il répond à la nécessité d'interdire formellement le harcèlement sexuel dans la fonction publique.

En tout cas, je trouve intéressant de présenter trois amendements d'un coup : cela triple les chances que l'un d'entre eux soit retenu !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En conséquence, l'article 3 bis est ainsi rédigé, et les amendements n° 60 rectifié, 55 rectifié, 41 rectifié bis et 42 rectifié bis n'ont plus d'objet.

J'appelle maintenant en discussion les amendements n° 31 et 32, présentés par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin.

L'amendement n° 31 est ainsi libellé :

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité hiérarchique prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. »

L'amendement n° 32 est ainsi libellé :

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, après le mot : « violences, », sont insérés les mots : « harcèlements sexuel et moral, ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je remercie M. le rapporteur d'avoir accepté que soient examinés ensemble l'amendement n° 30 rectifié et ces deux amendements n° 31 et 32 portant articles additionnels après l'article 3 bis.

Tous ont en effet un objet commun : créer une obligation de prévention des agissements de harcèlement sexuel et moral reposant sur l'autorité hiérarchique, obligation jusque-là inexistante dans la fonction publique.

Cette question a notamment emporté l'adhésion de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, qui en a fait sa recommandation n° 7. Sur ce domaine si important de la prévention, l'État se doit d'être exemplaire, tout comme les collectivités territoriales, en prenant toutes les dispositions nécessaires à la prévention du harcèlement sexuel et moral dans le secteur public, placé sous sa responsabilité.

Il serait en effet incompréhensible qu'une telle obligation, déjà imposée aux employeurs privés, n'existe pas dans la fonction publique et ne soit donc pas inscrite dans la loi au travers de la modification de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. C'est d'autant plus souhaitable et possible qu'il ne s'agirait, en réalité, que de consacrer dans la loi une obligation que la jurisprudence applique déjà.

Deux possibilités de rédaction se sont offertes à nous : soit viser séparément les articles 6 ter et 6 quinquies de la loi de 1983, portant respectivement sur le harcèlement sexuel et sur le harcèlement moral, en les complétant par le biais, pour le premier, de l'amendement n° 30 rectifié, et, pour le second, de l'amendement n° 31 ; soit viser l'article 11 de cette même loi, qui concerne à la fois le harcèlement moral et sexuel, comme nous le proposons dans l'amendement n° 32.

Aussi, nous souhaitons pouvoir bénéficier de l'éclairage et de l'avis de M. le rapporteur quant à la meilleure façon de faire figurer cette obligation dans la loi de 1983.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis un avis défavorable, mais je veux m'en expliquer, m'adressant particulièrement à Mmes Cohen et Jouanno.

La prévention en ce domaine dans la fonction publique est une préoccupation effectivement très importante, mais elle nous semble satisfaite aujourd'hui.

La loi du 13 juillet 1983 comporte un article 11, qui, en son alinéa 3, précise : « La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. »

Il est certain que le Conseil d'État a déjà admis que les faits de harcèlement étaient inclus dans le champ de ces dispositions. Je citerai notamment l'arrêt du 12 mars 2010.

Peut-être allez-vous m'objecter que l'obligation de protection diffère de l'obligation de prévention. Or le texte de l'article 11 que je viens de citer ajoute à cette obligation de protection une obligation de réparation. À mon sens, il y a donc bien, dans la première partie de l'alinéa 3 précité, une obligation de prévention qui pèse déjà sur la collectivité publique. Voilà pourquoi les amendements sont satisfaits.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Je comprends, bien évidemment, une telle demande visant à prévoir une action de prévention dans la fonction publique, mais j'avoue ne pas partager le moyen utilisé, à savoir un affichage législatif, et je n'en vois pas vraiment l'intérêt, pour une raison très simple.

En effet, la logique de prévention existe déjà dans la fonction publique de manière générale. Je dirai même qu'elle est intrinsèque à la responsabilité exercée par toute autorité administrative. Je rappellerai en particulier l'article 2-1 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 applicable à la fonction publique de l'État, qui pose une obligation générale en précisant : « Les chefs de service sont chargés […] de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. »

Cette même obligation générale s'applique dans les deux autres versants de la fonction publique. Je vous renvoie, pour la fonction publique territoriale, à l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985, rédigé exactement dans les mêmes termes.

À mon avis, introduire aujourd'hui une disposition législative de plus ne changerait pas le cadre de l'action et pourrait avoir un effet pervers : admettre, a contrario, que, partout où cela n'aura pas été prévu, l'autorité concernée ne se sentira pas impliquée. Je ne crois pas que telle soit votre intention.

En revanche, pour ce qui est de la prévention et de la façon dont on peut avancer, il y a un certain nombre de bonnes pratiques qui se diffusent aujourd'hui dans les ministères, par le biais de circulaires, notamment à l'éducation nationale et aux affaires sociales.

Il faudra sans doute renforcer les actions de prévention, ce à quoi nous travaillerons avec Marylise Lebranchu, ainsi que les actions de formation existantes en matière de santé au travail, incluant d'ailleurs la prévention du harcèlement sexuel. Là encore, c'est un sujet que nous avons évoqué avec les partenaires sociaux lors de la conférence sociale qui s'est tenue en début de semaine.

Des messages de communication et de sensibilisation seront également utiles. Comme je l'ai indiqué ici même, hier, une grande campagne sera menée et s'adressera évidemment à tous les pans de la vie dans lesquels le harcèlement sexuel peut advenir.

Pour toutes ces raisons, je suis plutôt défavorable à l'inscription d'une telle disposition dans la loi. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame Cohen, les amendements n° 30 rectifié, 31 et 32 sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, les explications qui m'ont été fournies me permettent de retirer ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Les amendements n° 30 rectifié, 31 et 32 sont retirés.

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote sur l'amendement n° 43 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je n'ai pas été convaincue par les explications de Mme la ministre, et ce pour une raison simple. S'il a été jugé nécessaire d'inscrire explicitement une telle obligation dans le code du travail, s'agissant des relations de droit privé, il n'y a pas de raison qu'elle ne soit pas non plus inscrite explicitement s'agissant des textes régissant les fonctionnaires et agents publics non titulaires. Je ne vois pas pourquoi il y aurait deux poids, deux mesures.

J'ai eu la chance de travailler au ministère de l'intérieur. Je vous invite à y chercher les plans de prévention en matière de harcèlement sexuel ! Je vous le dis honnêtement, vous pouvez y passer un certain temps !

Dans le cadre d'une obligation générale, qui, d'ailleurs, existe pour les entreprises privées, peut-être irait-il de soi de prendre de tels plans de prévention dans la fonction publique. Pour autant, tel n'est pas concrètement le cas. Dans les entreprises privées, il y a bien une obligation générale, mais il a tout de même été nécessaire de préciser dans la loi que les entreprises devaient prendre des plans de prévention.

Donc, c'est exactement la même chose. Pour avoir vécu la réalité de l'intérieur – j'ai eu l'honneur d'être chef du bureau de la fonction publique territoriale –, je ne vois pas la raison pour laquelle on exonérerait au sens large la fonction publique de ce type de prévention.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote sur l'amendement n° 43 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J'ai une objection simple au raisonnement de Mme Jouanno. Cette objection va, j'en suis sûr, lui revenir instantanément en mémoire.

Quand on est dans le droit du travail et qu'on régit la situation des rapports hiérarchiques dans une entreprise, on doit concilier le droit du travail avec le droit de propriété, et donc tout est législatif, ce qui explique la taille du code du travail par rapport au statut de la fonction publique.

En matière de fonction publique, l'essentiel de l'exercice du pouvoir hiérarchique est réglementaire, et tout ce que vous cherchez est, en général, dans des décrets en Conseil d'État.

Par conséquent, il est tout à fait normal qu'il n'y ait pas de parallélisme juridique entre la rédaction applicable aux salariés du privé ou à leurs employeurs et la rédaction applicable aux salariés du public et à leurs autorités hiérarchiques.

Le code du travail applicable à Mayotte est ainsi modifié :

1° Le titre V du livre préliminaire est ainsi modifié :

a) L'article L. 052-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 052-1. – Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral tels que définis et réprimés par l'article 222-33-2 du code pénal. » ;

b) Le chapitre III est ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Harcèlement sexuel

« Art. L. 053-1. – Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis et réprimés par l'article 222-33 du code pénal.

« Art. L. 053-2. – Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel, y compris si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée.

« Art. L. 053-3. – Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.

« Art. L. 053-4. – Toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L. 053-1 à L. 053-3 est nul.

« Art. L. 053-5. – L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel.

« Art. L. 053-6. – Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire. » ;

c) Le chapitre IV est ainsi modifié :

- Au premier alinéa de l'article L. 054-1, après les références : « articles L. 052-1 à L. 052-3 », sont insérées les références : « et L. 053-1 à L. 053-4 » ;

- Le premier alinéa de l'article L. 054-2 est complété par les références : « et L. 053-1 à L. 053-4 » ;

d) Le chapitre V est ainsi modifié :

- Le premier alinéa de l'article L. 055-2 est ainsi rédigé :

« Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel définis aux articles L. 052-2, L. 053-2 et L. 053-3 du présent code. » ;

- Les articles L. 055-3 et L. 055-4 sont abrogés ;

bis (nouveau) Au premier alinéa de l'article L. 432-2, après les mots : « peut notamment résulter » sont insérés les mots : « de faits de harcèlement sexuel ou moral ou ».

2° La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 610-1 est complétée par les mots : « et les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations du travail, par les articles 222-33 et 222-33-2 du même code. » ;

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 24, présenté par Mmes Meunier et Tasca, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Klès, Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 8 à 10

Après les mots :

de harcèlement sexuel

insérer les mots :

ou de chantage sexuel

II. – Alinéa 22

Après les mots :

harcèlement sexuel ou moral

insérer les mots :

ou de chantage sexuel

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 46, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :

Alinéas 8 et 22

Remplacer la référence :

par la référence :

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 70, présenté par M. Anziani, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

1° Alinéa 9

Après le mot :

entreprise

insérer les mots :

, aucune personne en période de formation ou en période de stage

2° Alinéa 10

Après le mot :

salarié

insérer les mots :

, aucune personne en période de formation ou en période de stage

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il s'agit d'un amendement de coordination puisque nous avons adopté tout à l'heure un amendement de Mme Benbassa concernant les personnes en formation ou en période de stage. Bien évidemment, il faut aussi appliquer les dispositions que nous avons votées pour Mayotte. Donc, c'est un amendement de coordination avec les dispositions précédemment adoptées à l'article 3.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Nous sommes évidemment favorables à cet amendement.

L'amendement est adopté.

L'article 4 est adopté.

Les articles 1er et2 de la présente loi sont applicables à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 49, présenté par Mme Meunier, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les articles 1er et 2 de la présente loi sont applicables sur l'ensemble du territoire de la République et feront l'objet d'une observation locale régulière et d'un rapport annuel national présenté le 25 novembre de chaque année.

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je peux considérer que cet amendement est satisfait puisqu'il avait pour objet de demander un rapport annuel et une observation locale régulière. Or, hier, Mme la ministre nous a annoncé son intention de créer un observatoire sur les violences envers les femmes. Je retire donc cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n ° 49 est retiré.

Je mets aux voix l'article 5.

L'article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'Outre-mer est ainsi modifiée :

1° Après l'article 2, sont insérés trois articles ainsi rédigés :

« Art. 2-1. – I. - Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral tels que définis et réprimés par l'article 222-33-2 du code pénal.

« II. - Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

« III. - Toute disposition ou tout acte contraire aux I et II est nul.

« IV. -L'employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

« V. - Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.

« Art. 2-2. – I. - Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis et réprimés par l'article 222-33 du code pénal.

« II. - Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel y compris si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée.

« III. - Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.

« IV. - Toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des I à III est nul.

« V. - L'employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel.

« VI. - Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire.

« Art. 2-3. – Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel définis au II de l'article 2-1 et aux II et III de l'article 2-2. » ;

Après le cinquième alinéa de l'article 145, il est inséré un antépénultième alinéa ainsi rédigé :

« Constate les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus par les articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous vous souvenez que dans sa rédaction initiale, l'article 5 indiquait que le texte était applicable sur l'ensemble du territoire de la République. Et un article était consacré au département de Mayotte.

L'article consacré au département de Mayotte transposait dans le code du travail local de Mayotte les dispositions de notre texte de loi concernant le harcèlement sexuel, aussi bien dans sa dimension pénale que dans sa dimension code du travail. En effet, le statut de Mayotte est actuellement en transition. Nous sommes en train de l'ajuster par voie d'ordonnance et de mettre au niveau de la législation départementale toute une série de dispositions.

Pour le reste des outre-mer, il était simplement indiqué, aux termes d'une disposition ajoutée par sécurité par le Conseil d'État, que le texte était applicable sur l'ensemble du territoire de la République.

Le ministère de l'outre-mer a considéré que sont également concernées les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises où se trouvent, outre une population de manchots et de dauphins, des scientifiques…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n'ai rien entendu.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Quoi qu'il en soit, l'objet de cet article est la transposition à ces territoires des dispositions du projet de loi.

Ai-je été assez claire ?

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 20, présenté par Mmes Tasca, Klès et Meunier, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Projet de loi relatif au harcèlement sexuel et au chantage sexuel

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous nous félicitons du travail mené grâce aux propositions de loi, au groupe de travail et à la bonne coordination entre la commission des lois et le Gouvernement, notamment. Nous sommes parvenus à rédiger un texte équilibré, efficace et porteur d'une grande sécurité juridique. Ce point est extrêmement important, le manque de sécurité juridique ayant été à l'origine de l'annulation par le Conseil constitutionnel.

J'insisterai sur le fait que les craintes sur la définition du harcèlement et sur l'assimilation me paraissent peu fondées. Le rapporteur, les ministres l'ont dit et répété, et je crois qu'il n'y a pas de risques. Cela permet, au contraire, de viser des actes parfois uniques mais qui sont de nature d'une agression sexuelle. Sans quoi, on ne retient plus le mot harcèlement mais je ne sais pas comment on aurait pu le définir.

Nos travaux ont aussi porté sur les déclinaisons dans le code du travail et dans le statut de la fonction publique. Je me réjouis de cette concordance.

Mon groupe votera le texte. Il est important d'aller vite et la rapidité du vote de ce texte permettra, au moins pour les victimes de ce qui n'est pas prescrit, d'engager à nouveau des poursuites. En ce sens, elles auront plus de satisfaction qu'elles n'en ont eue, hélas ! du fait de la décision du Conseil constitutionnel.

Je tiens de nouveau à féliciter la commission et Alain Anziani pour l'excellent travail juridique qu'il a fait. §

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je serai brève car j'avais, d'entrée de jeu, annoncé que mon groupe et moi-même voterions ce projet de loi.

Je me réjouis du travail qui a été fait au Sénat et de la collaboration entre les deux commissions et la Délégation aux droits des femmes. Il aboutit à un texte dont, je pense, le Gouvernement s'est inspiré. C'est un bon texte, qui doit, je l'espère, pouvoir être mis en œuvre très rapidement.

Je souhaite que ce texte – bien meilleur que le précédent – encourage les victimes à révéler leur harcèlement, à oser porter plainte, à être soutenues par leur hiérarchie, par les associations et par toutes les personnes qui peuvent le faire.

Je souhaite, et j'espère, que ce texte à présent très sévère va faire prendre conscience à certaines personnes, en particulier à certains hommes qu'ils sont des harceleurs. En effet, je suis persuadée qu'une partie d'entre eux n'en a pas conscience. C'est un point important. J'espère que le risque d'être condamnés retiendra leurs agissements néfastes.

Je me réjouis de pouvoir voter ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

À mon tour de me réjouir, non sans émettre un petit regret. Je regrette que nous ne soyons pas plus nombreuses et nombreux dans l'hémicycle. Quand on a un travail de cette qualité et de cette intensité, il est vrai que plus nous serions nombreuses et nombreux, et plus nous aurions l'impression d'être utiles.

« Utile », c'est vraiment le sentiment partagé ici après avoir rédigé ce texte qui a été amélioré, enrichi dans le seul but d'être le plus pertinent possible.

Je pense aux victimes. Je pense, comme Mme Dini, aux auteurs. Je partage avec elle cette intention, cette volonté de nous situer dans l'éducatif, dans le regard différent à l'autre, dans le respect et dans la plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

Avec ces avancées faites pendant ces dernières heures, avec le travail qui sera fait à l'Assemblée nationale, nous pourrons revenir ici voter le texte de manière pleine et entière.

Je termine en évoquant le lien de ma collègue Bernardette Bourzaï, sénatrice de la Corrèze, qui s'excuse de ne pouvoir être là. Membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, elle m'a demandé, mesdames les ministres, de vous adresser une petite sollicitation.

Vous le savez sûrement, la France a signé le 11 mai dernier la convention d'Istanbul initiée par le Conseil de l'Europe. Mais elle n'a toujours pas été ratifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Cette convention, qui concerne la prévention de la lutte contre les violences faites aux femmes, comporte un article 40 consacré au harcèlement sexuel. Elle entrera en vigueur dès lors que dix pays l'auront ratifiée. Plus les États seront nombreux à le ratifier, plus tôt les femmes des quarante-sept pays membres pourront en bénéficier.

Ce que je voulais vous dire, mesdames les ministres, c'est que plus vite on ratifiera de cette convention, et plus vite on donnera un signal encore plus fort que celui que nous donnons aujourd'hui et que nous donnerons demain autour de ce projet de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Après un débat très riche, aussi bien au sein du groupe de travail que dans cet hémicycle, nous aboutissons à un projet de loi qui, même s'il peut encore évoluer, devrait permettre aux victimes de harcèlement sexuel d'être mieux protégées, et aux associations de disposer de points d'appui plus solides.

Le groupe CRC a contribué à faire évoluer le texte de départ et se réjouit d'avoir pu « coconstruire », avec Mmes les ministres, un texte meilleur à l'arrivée.

S'agissant de l'observatoire national des violences envers les femmes, ce qui a été obtenu constitue une avancée importante pour les associations. Je veux en remercier Mme la ministre des droits des femmes. Il ressort de nos débats que cet observatoire sera non seulement chargé d'élaborer des rapports et de procéder à des études sexuées, mais aussi, au-delà, de coordonner les politiques publiques permettant la lutte contre les violences faites aux femmes. Je pense qu'il sera indispensable également qu'il élabore des propositions d'action et mette en œuvre la collaboration nécessaire entre les différents acteurs, en coordonnant les observatoires présents dans les différents échelons territoriaux.

Ces points sont tout à fait positifs.

Pour permettre à cet observatoire d'être efficace, il sera nécessaire de veiller à la participation des acteurs institutionnels de lutte contre les violences faites aux femmes, qu'il s'agisse des collectivités territoriales, des associations de femmes spécialisées dans cette lutte ou des organisations syndicales.

Il sera également nécessaire de travailler en partenariat avec les délégations régionales aux droits des femmes, ce qui implique de leur donner des moyens d'actions. C'est aussi une bataille importante.

Ce texte est l'aboutissement de l'engagement de nombreuses associations et militantes féministes. Nous nous réjouissons des avancées qu'il consacre, mais nous resterons vigilants.

Nous avons entendu avec satisfaction la ministre des droits des femmes, Mme Vallaud-Belkacem, s'engager à aller plus loin, notamment en présentant une loi-cadre contre les violences faites aux femmes. C'est une très bonne nouvelle, d'autant que le Gouvernement peut s'appuyer sur le travail particulièrement important du Collectif national pour les droits des femmes, le CNDF, afin de produire un texte qui corresponde aux besoins des femmes.

S'agissant de l'article 1er, je veux attirer l'attention sur deux points.

Je me félicite, tout d'abord, de la prise en considération de la vulnérabilité économique ou sociale de la victime dans la liste des motifs d'aggravation du délit grâce à un amendement du Gouvernement qui a introduit dans le texte la notion de « précarité de la situation économique ou sociale ».

Je tiens à insister, ensuite, sur le refus de la commission des lois de prendre en considération notre analyse relative à « l'acte unique grave », ce que je regrette.

Limiter la caractérisation de cet acte unique grave aux seuls cas de contraintes, menaces, pressions dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est, selon nous, une erreur. Une telle définition, mesdames les ministres, risque en l'état de s'apparenter à celle de l'agression sexuelle, de la tentative de viol, ce qui fait peser la menace d'une « déqualification » de ces actes criminels. La définition que nous avions proposée permettait, me semble-t-il, d'éviter précisément ce risque. Les travaux qui seront menés à l'Assemblée nationale permettront, je l'espère, de remédier au problème.

Nous regrettons également de ne pas avoir convaincu la commission des lois du bien-fondé de notre proposition de supprimer la limitation de la circonstance aggravante aux mineurs de quinze ans.

Nous nous félicitons en revanche du débat qui a été ouvert sur les discriminations, le Sénat ayant accepté de le repousser à aujourd'hui, comme nous l'avions proposé hier soir. Ce délai supplémentaire nous a permis d'aboutir à une définition qui, sans aller jusqu'à la notion d'identité de genre, représente un pas en avant.

Nous avons donc travaillé de façon tout à fait positive.

Certes, les hommes ne sont pas tous des prédateurs et les femmes ne sont pas toutes des proies, mais nous vivons dans un système qui perpétue la domination masculine, ce qui peut, hélas, trouver à s'exprimer dans des violences infligées aux femmes. Nous avons tenté de nous attaquer à ce problème à l'occasion de la discussion de ce projet de loi contre le harcèlement sexuel.

Nous devons continuer sur la voie ainsi tracée et élaborer des lois qui prennent en compte l'éducation, la prévention, l'information, l'accompagnement et la protection des victimes, outre la sanction des auteurs. Pour y parvenir, il faut conjuguer volonté politique et moyens importants, en s'appuyant sur l'intervention des associations et des élus que nous sommes.

Ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel constitue un moyen de faire reculer le sexisme et de redonner espoir à celles, trop nombreuses, qui en sont victimes. C'est dans cet esprit que nous le voterons.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Vous aurez pu le constater, mesdames les ministres, le Sénat aime à travailler les textes de façon approfondie. Sur de tels sujets, d'ailleurs, les clivages ne reflètent pas nécessairement les sensibilités politiques et peuvent traverser les groupes eux-mêmes. Au final, nous parvenons toujours à trouver des solutions qui servent l'intérêt général.

J'avais constaté, lorsque je siégeais à votre place au banc du Gouvernement - je le constate plus encore à celle que j'occupe désormais ! -, que la vision du Sénat était en réalité plus progressiste que celle de l'autre assemblée. Vous en ferez sans doute l'expérience aussi s'agissant de ce texte.

Je tiens, à mon tour, à remercier MM. Anziani et Sueur, même si mes amendements n'ont pas toujours été reçus avec l'amabilité souhaitée !

J'ai souvent dit qu'il fallait éviter de créer une forme de continuité entre le viol, l'agression sexuelle et le harcèlement sexuel, car l'objectif de l'auteur est radicalement différent dans le dernier cas.

J'espère vivement que la définition retenue n'empêchera pas la répression de l'acte unique grave ou, pire encore, ne permettra pas de « déqualifier » l'agression sexuelle en harcèlement sexuel. Sur ce point, il serait utile que vous puissiez, un an après la mise en œuvre de la loi, évaluer son application de façon précise, afin de nous rendre compte d'éventuelles dérives et de nous fournir l'occasion d'apporter au texte les corrections nécessaires.

Cela étant, ce projet de loi reste un grand progrès pour les victimes, y compris en ce qui concerne les discriminations.

À l'issue de ces quelques remarques, dont la réitération confinerait presque au harcèlement §mon groupe votera ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je tiens, tout d'abord, à remercier Mmes les ministres, les coprésidents du groupe de travail sur le harcèlement sexuel, et enfin, last but not least, M. Sueur, qui a dirigé ces débats avec son calme habituel et l'éloquence de linguiste que nous lui connaissons.

Nous nous réjouissons, alors même que l'image des politiques auprès de nos concitoyens est si dégradée, d'avoir donné ensemble, quelle que soit notre sensibilité, une leçon de démocratie et d'entente sur une question primordiale, qui est source de bien des souffrances et des humiliations.

Nous avons remédié à la carence législative née de l'abrogation du texte incriminant le harcèlement sexuel. Nous l'avons fait ensemble, hommes et femmes, toutes sensibilités confondues, avec beaucoup de soin, et ces dizaines d'heures de travail en commun ont tissé des liens entre nous.

Nous avons pu trouver un accord, également, sur l'introduction dans le code pénal de la notion de « transphobie ». Nous avons fait progresser, certes très modestement, le droit en la matière, mais il s'agit tout de même d'une avancée.

Comme nous avions beaucoup de retard sur les discriminations et d'autres sujets sociétaux, notre groupe se réjouit de voter ce projet de loi, en conscience et avec une grande ferveur, même si nous ne sommes pas très nombreux, ce soir, dans l'hémicycle.

Je veux également vous remercier, madame la présidente, ainsi que tous ceux qui ont travaillé sur ce texte, notamment les administrateurs du Sénat, qui nous sont indispensables.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je vous remercie à mon tour, madame Benbassa.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, il est vrai que le vote qui va avoir lieu, et dont je ne doute pas qu'il nous rassemblera tous et toutes, est un moment important pour nous.

Ce que nous avons chacun vécu depuis le 4 mai, au Sénat, est l'exemple même de ce qui fait le véritable travail parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour avoir participé à d'innombrables débats tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, je suis de plus en plus frappé de constater que l'on attend du Parlement non pas qu'il opine aux propositions faites par l'exécutif, qui fait toujours, ou le plus souvent, son travail avec conscience, non pas qu'il s'oppose systématiquement, mais qu'il élabore la loi avec indépendance, dans le respect des solidarités existantes – elles sont nécessaires et nous rassemblent -, ainsi que des valeurs que nous portons.

Il est important, à cet égard, que nous ayons pris l'initiative, avec Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Annie David, de mettre en place ce groupe de travail, qui a suscité beaucoup de débats, d'auditions, de réflexions, et nous a permis d'avancer.

Le texte auquel nous parvenons ce soir n'est ni celui du groupe de travail, ni celui des auteurs des sept propositions de loi, ni celui du Gouvernement. C'est finalement une synthèse, un nouveau texte nourri de tous les autres.

Chacun a apporté sa pierre à l'édifice, même s'il a pu être battu sur tel ou tel amendement. Ceux qui se pencheront sur ce travail législatif pourront constater que les mots retenus dans ce texte viennent de partout : du Gouvernement, du Parlement, de tous les groupes politiques, qui ont été traversés par des débats intenses et utiles.

Nous devons continuer à travailler ainsi, car il est nécessaire, dans notre République, de rétablir l'équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. C'est lorsque le pouvoir législatif exerce pleinement son rôle que l'on aboutit à cet équilibre nécessaire auquel, je le sais, le Président de la République est très attaché. C'est pourquoi je me permets de faire référence, en cet instant, à cette importante notion de l'équilibre des pouvoirs.

Le texte que nous avons élaboré, même s'il n'est pas parfait, présente de nombreux avantages.

Ainsi, il donne une définition très précise, détaillée et complexe du harcèlement sexuel, qui prend en compte les diverses situations possibles.

Ensuite, il prend en compte les deux modalités du harcèlement.

Le harcèlement - si l'on s'en tient à ce mot - implique une pluralité d'actes. C'est simple, et chacun le comprend ainsi. Il était donc nécessaire de fonder en droit l'acte unique pouvant entraîner des conséquences lourdes, graves et traumatisantes.

Je tiens à répéter, à cet égard, ce que notre rapporteur, Alain Anziani, auquel je rends hommage, a dit avec beaucoup de force, et ce que notre rapporteur pour avis, Christiane Demontès, avait également rappelé : si nous n'avions pas pris en compte les différentes modalités du harcèlement, on nous l'aurait reproché.

Certes, on peut toujours nous dire que le projet de loi risque d'être détourné, mais vous remarquerez que cela vaut pour tout texte.

À partir du moment où l'agression sexuelle et le viol sont définis par des actes physiques, il n'est pas possible de considérer que le projet de loi serait une manière de permettre un détournement de la loi.

Toute loi peut être détournée, mais notre volonté n'est pas qu'elle le soit. Ni l'état d'esprit dans lequel nous avons travaillé ni, selon nous, la réalité du projet de loi que nous allons adopter n'autorisent qu'elle le soit.

Je crois donc qu'un certain nombre de débats ne reposent sur aucun fondement et sont étrangers au projet de loi tel que nous l'avons collectivement écrit.

Toujours au nombre des avantages que représente ce texte, je citerai la prise en compte de la vulnérabilité économique et sociale, qui constitue une nouveauté. Que, dans le harcèlement sexuel, le rapport du fort au faible soit en jeu, c'est tellement évident, et depuis si longtemps, que nul ne peut le nier.

Je veux donc remercier Mmes les ministres parce que c'est à elles que nous devons cette avancée importante. En effet, c'est sur votre initiative, madame Taubira, madame Vallaud-Belkacem, qu'une solution a été trouvée pour que cette vulnérabilité économique et sociale, cette précarité, soient prises en compte.

De même, nous avons avancé sur le droit des associations et les possibilités qu'elles ont d'assister les personnes.

Nous avons considérablement progressé pour ce qui est de la prise en compte de l'identité et de l'orientation sexuelles, qui représente une autre nouveauté dans notre droit.

En outre, nous avons avancé sur des questions de vocabulaire, comme la distinction des agissements et du comportement, sans oublier, cher Alain Anziani, celle de l'environnement et de la situation. Ces querelles ne sont pas anodines, parce que les mots ont un sens et pèsent de tout leur poids.

Il n'y a pas de formulation parfaite, mais nous avons choisi les termes de sorte que les magistrats puissent se fonder sur des faits, sur des actes, sur la réalité, puisque, pour juger, il est nécessaire d'avoir des preuves et des témoignages.

Enfin, une cohérence a été assurée, au prix peut-être de la redondance – mais le débat n'est pas terminé –, entre le code pénal, le code du travail et le statut général de la fonction publique, dont les rédactions seront ainsi homogènes.

Pour ce travail au total très positif, je tiens à remercier à mon tour nos rapporteurs, les commissions, qui ont pris une part active au débat, et Mmes les ministres, qui ont beaucoup contribué à ce travail commun.

Je forme le vœu que nous puissions souvent et longtemps travailler de cette manière au Parlement. Je crois, en effet, que c'est la manière la meilleure de servir la République.

Je terminerai ce soir par là où j'ai commencé hier : soyons fidèles à ce qu'attendent de nous et de la loi les victimes et tous les êtres humains qui aspirent à un procès équitable.

M. le rapporteur applaudit, ainsi que Mmes Michelle Meunier et Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Après de tels propos, et sur toutes les travées, je ne doute absolument pas de l'issue du vote…

Mais avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je veux dire, sur un plan personnel, combien j'ai été heureuse et fière de présider ces séances.

Le Conseil constitutionnel, peut-être involontairement, nous a donné l'occasion de parfaire la loi et de durcir la répression du harcèlement sexuel pour faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes. Ce faisant, nous avons été à l'écoute de la société et nous avons suivi ses évolutions.

Je me réjouis également du climat dans lequel l'ensemble de nos travaux se sont déroulés – du climat, mais aussi de l'environnement, voire de la situation…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. De l'atmosphère !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur et vous tous, mes chers collègues, je vous remercie de la manière dont vous nous avez permis de mener, ensemble, ce combat pour l'égalité, car l'égalité est et restera toujours un combat.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission, modifié.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. Je constate que le projet de loi a été adopté à l'unanimité, une belle unanimité dont je me réjouis !

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Madame la présidente, il aurait été inconvenant de ne pas répondre à tous les intervenants que nous venons d'entendre.

À mon tour, je me félicite de la tournure que nos débats ont prise. Si seulement tous les débats parlementaires pouvaient ressembler à celui-là !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mais j'ai quelques doutes…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Oui, cette loi devra beaucoup au Sénat, et je le dis sans flagornerie aucune.

En effet, le Gouvernement s'est beaucoup appuyé sur les propositions de loi que vous avez déposées. Nos échanges ont toujours été constructifs et nos débats des deux derniers jours ont indéniablement permis d'enrichir le projet de loi.

Je constate que tous les groupes ont contribué à notre travail de façon égale puisqu'ils ont vu l'adoption chacun de un à trois de leurs amendements, ce qui est tout de même assez remarquable.

Ce soir, chacun l'a dit, nous aboutissons à une définition précise du harcèlement sexuel, à une répression renforcée et à une protection élargie des victimes.

Pour cette réussite, je tiens à féliciter et à remercier bien sûr le rapporteur, M. Anziani, mais aussi Mmes Demontès et Gonthier-Maurin, M. Sueur, Mme David et l'ensemble des sénatrices et des sénateurs.

À mon tour, je veux souligner que nous avons réussi, grâce à vos apports, à introduire dans le projet de loi deux dispositions qui l'enrichissent indéniablement, la première sur la vulnérabilité économique et sociale, dont l'adoption montre à quel point votre assemblée est en prise avec la réalité de la société, la seconde sur l'identité sexuelle conçue comme un facteur de discrimination possible, disposition qui nous aidera collectivement à lutter contre la transphobie, un autre vrai sujet de société. Soyez-en remerciés.

Pour finir, madame Meunier, je vous signale que la convention d'Istanbul sera à l'ordre du jour d'une réunion interministérielle lundi prochain. Je tiens évidemment à accélérer le processus de ratification, et c'est d'ailleurs ma tâche, en ce moment, au sein du Gouvernement.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je tiens à mon tour à vous remercier, ainsi que Mme la présidente de la commission des affaires sociales et Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, qui se sont très fortement impliquées dans la préparation du projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la qualité et la richesse de nos débats ont été rendues possibles par la très forte implication dont vous avez fait preuve bien en amont de notre débat en déposant sept propositions de loi.

Mme Jouanno a regretté que le Gouvernement ait déposé un projet de loi. Je rappelle que vos propositions de loi n'étaient pas identiques. Leurs différences ont d'ailleurs été une véritable richesse.

La cinquantaine d'auditions auxquelles vous avez procédé nous ont permis d'aborder de façon d'autant plus accélérée, mais aussi approfondie, tous les aspects de la question du harcèlement sexuel.

Le projet de loi, qui va maintenant poursuivre son cheminement devant les députés, est déjà de grande qualité : plus précis dans la définition de l'incrimination, il est aussi plus clair, grâce au travail que vous avez accompli pour réajuster les I et II à l'article 1er, et plus équilibré dans le quantum des peines et les circonstances aggravantes.

Donc, enrichi par vos travaux en amont et par les débats menés depuis hier, le projet de loi l'a été aussi, comme M. le président de la commission des lois vient de le rappeler, par nos discussions passionnées sur certains problèmes d'ordre sémantique – car nous ne nous sommes privés d'aucun plaisir…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C'est ainsi que nous nous sommes penchés sur la distinction entre « situation » et « environnement », entre « comportement » et « agissements ».

Vous avez eu raison, monsieur le président de la commission des lois, de souligner que ces termes ne se valent pas exactement. Nous avons donc été obligés de choisir.

Nous avons aussi mené des explorations sémantiques un peu plus audacieuses : je n'oublie pas les explications que vous nous avez fournies depuis la tribune sur les nuances extrêmement subtiles entre « connotation » et « dénotation »…

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Lorsque les juges auront quelques doutes, ils pourront se référer à nos travaux préparatoires pour savoir dans quel sens trancher. Aussi je vous remercie, monsieur le président de la commission des lois, de la contribution que vous avez ainsi apportée à l'efficacité de nos juridictions pénales !

À propos de la vulnérabilité économique et sociale, qui est une question extrêmement importante, nous avons très précisément caractérisé une circonstance aggravante. C'est une preuve de la productivité du Sénat et de l'efficacité de son travail législatif.

Nous avons également débattu de l'importante question des discriminations. Cette notion, qui avait disparu du code du travail, est maintenant rétablie, et sous une forme plus précise.

Nous avons abordé de façon assez approfondie la question des mineurs, animés que nous sommes du souci de les protéger, dans le monde de l'entreprise comme ailleurs. Je crois que nous avons bien avancé sur la perception que nous avons de la double logique du code pénal : celle de la protection et celle de l'engagement.

Nous avons cherché, dans chaque texte, à assurer la protection des mineurs avec efficacité, sans pour autant introduire d'incohérences dans le code pénal.

Il ne s'agit pas de vénérer le code pénal comme une bible ou comme les tables de la loi. Simplement, le code pénal fixe nos règles de base - la définition des incriminations est sous-tendue par un certain nombre de valeurs - et, pour éviter des interprétations intempestives, le code de procédure pénale précise dans quelles conditions il doit être appliqué.

C'est pour respecter la cohérence et la structure du code pénal que nous sommes attentifs, particulièrement s'agissant des mineurs, à la différence entre la protection et les capacités d'engagement.

Nous avons également abordé les questions d'orientation et d'identité sexuelles. Nous avons eu, à ce sujet, un débat extrêmement nourri et instructif qui, selon moi, alimentera d'autres débats, cette fois dans la société civile - on la voit souvent s'emparer des questions soulevées à l'occasion des travaux parlementaires.

D'ailleurs, cela nous alerte, nous qui avons la haute et lourde responsabilité de faire la loi, parce que chaque parole que nous prononçons aujourd'hui ici peut nous être opposée demain ailleurs et pourrait prendre une ampleur si extraordinaire que, l'aurions-nous méconnue, nous serions bien vite rappelés à la réalité de l'œuvre importante que nous accomplissons.

À propos de l'indemnisation des victimes, je me suis engagée, au nom du Gouvernement, à « mettre à plat » les différentes situations. Il s'agit, sans que nous puissions répondre pour autant à toutes les nécessités d'indemnisation intégrale, d'introduire plus de justice dans les procédures d'indemnisation.

Un certain nombre de sujets n'ont été qu'effleurés et nous serons amenés à explorer plus avant les voies ainsi ouvertes. Nous le ferons, parce que les débats ont prouvé que nous sommes conscients de l'œuvre que nous avons accomplie ensemble.

Par les exemples qu'ils nous ont livrés hier à la tribune, Mmes Demontès, Benbassa et Dini ainsi que M. Courteau nous ont très bien rappelé, dès le début de notre discussion, que nous ne traitons pas de concepts juridiques abstraits ou théoriques : nous répondons par l'arme de la loi et du droit à des situations de grande détresse. N'oublions pas en effet que, dans le harcèlement sexuel, il y a de la souffrance, il y a de l'inégalité sociale, et toutes ces représentations, ces clichés, ces préjugés de notre société que nous devons interroger aussi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux témoignages que vous avez produits, grâce aux rappels auxquels vous avez procédé à l'orée de notre débat, nous avons été ramenés au cœur de notre sujet, ce dont je vous remercie infiniment.

Je ne peux manquer de saluer avec une gourmandise particulière le vote sur l'ensemble du texte, obtenu à l'unanimité. Il avait été précédé d'augures favorables : l'adoption par tous les sénateurs de l'amendement relatif à la vulnérabilité économique ou sociale et à la précarité, ainsi que de l'amendement sur l'identité sexuelle. Du reste, le ton et le contenu de vos interventions montraient que chacun y mettait du sien pour que nous puissions converger et aboutir à un texte dont nous ayons toutes les raisons d'être fiers, ce qui est le cas, me semble-t-il.

Il reste bien entendu des questions à approfondir, et vos interventions y contribueront de façon tout à fait significative, car le travail commun engagé entre le Sénat et le Gouvernement se poursuivra à l'Assemblée nationale, puis, très probablement, en commission mixte paritaire. En effet, si un vote conforme n'est pas totalement exclu, il faut respecter la liberté de l'Assemblée nationale. En outre, vous avez soulevé des problèmes qui, à mon avis, devraient être repris par les députés. Il est probable que nous pourrons encore enrichir ce texte.

Ainsi, madame Benbassa, vous avez évoqué un cas de double procédure, disciplinaire et judiciaire. Derrière cet exemple, il y a la question de la place des réseaux dans notre société, des connivences, des rapports de force, tout ce qui fait qu'une espèce de chape pèse parfois sur la victime, y compris quand celle-ci prend sur elle et engage des procédures. Nous examinerons avec la plus grande attention cette question, qui sera débattue de nouveau à l'Assemblée nationale, et le Gouvernement prendra ses responsabilités.

Pour ce qui me concerne, je travaillerai avec les responsables de l'École nationale de la magistrature et les représentants des magistrats et des autres catégories de fonctionnaires présents dans les tribunaux, notamment les greffiers, pour voir s'il est nécessaire et faisable de créer un nouveau module de formation à la déontologie spécifiquement consacré, celui-là, à ces questions.

Au-delà des services de la justice, dont je suis amenée à parler plus particulièrement, je crois qu'un travail doit être mené dans toute la fonction publique. D'autres ministères sont concernés à l'évidence. La ministre des droits des femmes vous a d'ailleurs déjà indiqué les initiatives qu'elle comptait prendre ; vous connaissez l'ambition qui est la sienne et le soin qu'elle apporte à l'exercice de sa mission.

Des politiques publiques seront lancées pour informer, sensibiliser, mobiliser. Nous ferons progresser la société non seulement par la loi, mais aussi par une prise de conscience collective, en rappelant combien il est important de respecter la dignité et l'intégrité de la personne. Ainsi pourrons-nous avancer vers cette égalité réelle des femmes et des hommes que nous appelons de nos vœux, tout en assurant la protection des personnes les plus vulnérables.

Puisque nous avons évoqué à l'envi l'apport du Sénat - il faut en prendre toute la mesure, car elle est considérable – le souci de l'élégance m'oblige à rappeler également les efforts accomplis par le Gouvernement.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Ce fut le cas à l'article 3 bis, par exemple, que vous avez introduit dans le projet de loi.

Devant la commission, nous avons abordé la question du statut de la fonction publique. Madame Jouanno, vous avez parfaitement raison de considérer que les obligations des fonctionnaires sont au moins égales à celles des salariés du privé, que ceux-ci soient des cadres dirigeants, des cadres intermédiaires ou des agents d'exécution, d'ailleurs.

L'argument de M. Richard était tout à fait fondé : ces catégories sont régies par des textes d'une autre nature juridique. Toutefois, votre intervention dans ce débat contribue à nous alerter : je le répète, nous devons veiller à ce que la fonction publique soit au moins aussi exemplaire que le secteur privé. En tout cas, notre niveau d'exigence ne doit pas être moindre.

Cette fonction publique, nous ne l'avons pas ignorée. Vous le savez, dans le texte original du projet de loi, un article lui était consacré, que le Conseil d'État avait d'ailleurs validé. Toutefois, le Gouvernement a souhaité être prudent, car il lançait dans la même période la conférence sociale ; la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique a pris elle-même l'initiative de la consultation.

Nous agissions dans l'urgence ; nous le savions et l'avions tous admis. Nous voulions tous aller très vite tout en étant très efficaces. Une consultation formelle des représentants de la fonction publique, comme le prévoit la loi, aurait pesé sur notre calendrier. Nous avons choisi de respecter la loi – la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique mène les consultations nécessaires, mais, dans le même temps, le Sénat a pu introduire cette disposition. Il y a véritablement eu « cofabrication » de ce texte de loi, et c'est tout légitimement que nous pouvons nous réjouir du résultat obtenu.

Pour finir, je rappellerai que j'ai pris l'engagement de publier une circulaire d'application, dès que la loi aura été promulguée, pour que les parquets soient bien informés.

Premièrement, ce texte appellera à porter une attention toute particulière aux mineurs de quinze à dix-huit ans qui seraient victimes de harcèlement sexuel. Dans de tels cas, les réquisitions devront être très fermes.

Deuxièmement, la circulaire traitera de la qualification des infractions concernées. Plusieurs sénatrices et sénateurs se sont inquiétés des conséquences de l'introduction, dans la définition du harcèlement sexuel, de l'acte unique. Ce dernier répond à une demande ancienne, déjà exprimée lors de la première introduction de cette incrimination dans le code pénal, en 1992. Lors les débats parlementaires, le ministre délégué à la justice de l'époque, Michel Sapin, avait indiqué que l'acte unique était bien visé par ce texte. Toutefois, la notion n'ayant pas été inscrite formellement dans le texte, elle était privée de la force de la loi.

Nous répondons donc à une demande ancienne, qui correspond à une réalité bien identifiée depuis plusieurs années.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai entendu vos inquiétudes quant aux risques d'un usage abusif de l'acte unique de harcèlement sexuel et d'une sous-qualification de faits plus graves. C'est pour cette raison qu'il est important de caractériser cet acte unique, en maintenant les deux critères de la gravité et de la finalité. Toutefois, dans la circulaire d'application, je préciserai aux parquets que, quand ils hésitent entre l'acte unique de harcèlement sexuel, d'une part, et l'agression sexuelle ou le viol, d'autre part, ils doivent retenir la qualification la plus grave. L'application de cette loi ne doit pas en effet conduire à atténuer la gravité des faits reprochés.

L'acte unique doit permettre de qualifier des situations qui, aujourd'hui, ne seraient pas couvertes par la définition du harcèlement sexuel stricto sensu, lequel n'est pas non plus équivalent à l'agression sexuelle ou au viol. Je suis d'accord avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit non pas d'une gradation d'actes de même nature, mais d'actes de nature différente. Le délit d'agression sexuelle ou le crime de viol sont plus graves : le harcèlement sexuel, notamment sous la forme de l'acte unique, pourrait peut-être constituer une première étape avant passage à l'agression sexuelle ou au viol, mais il ne s'agit tout de même pas de la même catégorie d'infractions. Les magistrats peuvent parfaitement définir la nature des actes dont il s'agit.

Troisièmement, enfin, la circulaire évoquera la situation des victimes. Madame Dini, vous m'avez alertée sur le cas des personnes qui ont été déboutées en raison du vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel et parce que les faits dont elles avaient été victimes sont parfois impossibles à requalifier. Je veillerai à ce que les parquets informent les personnes dont la plainte a été classée qu'elles peuvent recourir à la procédure civile. En général, elles le savent déjà, mais je prendrai cette précaution supplémentaire.

Nous avons réalisé indiscutablement un très beau travail. L'essentiel a été fait avec le rétablissement de l'incrimination de harcèlement sexuel. L'Assemblée nationale prendra sa part de ce travail – vous avez eu l'extrême générosité de lui en laisser un peu

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Tous les textes n'illustrent pas la noblesse et la beauté de la loi, mais le présent projet de loi doit être rangé au nombre de ceux qui y parviennent en ce qu'il traduit clairement cette très belle maxime de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, […] c'est la liberté qui opprime et la loi qui protège. »

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, avec le texte relatif au harcèlement sexuel, nous avons fait une loi qui protège !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 17 juillet 2012 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011 (655, 2011-2012) ;

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (658, 2011-2012).

3. Débat sur les orientations des finances publiques ;

Rapport d'information de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (659, 2011-2012) ;

Rapport d'information de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (661, 2011-2012).

Mes chers collègues, avant de lever la séance, je voudrais remercier de nouveau tous ceux qui nous ont assistés dans notre tâche, particulièrement les fonctionnaires des comptes rendus.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.