La commission procède à l'audition de M. Alain Rousset, président de l'association des régions de France, sur le projet de loi n° 176 (2012-2013) relatif à la création de la banque publique d'investissement.
Nous avons le plaisir d'entendre M. Alain Rousset, président de l'association des régions de France qui pourra nous préciser, au regard du texte adopté par l'Assemblée nationale et de la concertation qui a pu s'établir par la suite avec le Gouvernement, le rôle que les régions sont amenées à remplir au sein de la banque publique d'investissement (BPI).
président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. - Pour me limiter à l'essentiel, je rappellerai que la commission du développement durable est particulièrement concernée par la création, très attendue, de la BPI puisqu'elle marque le début de la mise en oeuvre de la feuille de route, définie par le Président de la République, sur la transition écologique. Nous savons combien vous vous êtes impliqué pour garantir l'ancrage territorial de la BPI, les régions étant en première ligne dans ce domaine en raison de leurs compétences économiques.
Je m'efforcerai, en premier lieu, de brosser un rapide tableau des dispositifs existants au niveau régional car ce constat liminaire détermine à la fois notre réflexion et nos suggestions. Les régions ont mis en place, quelques huit cents dispositifs de financement, dont un tiers en fonds propres, en prêts ou en garantie pour les entreprises sur l'ensemble du territoire, d'une part, avec la Caisse des Dépôts, d'autre part, avec le secteur privé. Ces dispositifs financiers sont également mis en oeuvre dans le cadre de systèmes interrégionaux, ce qui permet de réaliser des opérations d'investissements en fonds propres à hauteur de trois ou quatre millions d'euros chacune. La palette des soutiens s'étend ainsi du prêt d'honneur d'un montant modeste, en économie sociale par exemple, aux prises de participation nécessitant un ou plusieurs « tours de tables ».
La première difficulté que nous rencontrons est de faire croître le capital de ces fonds d'investissements pour augmenter le montant des « tickets d'entrée ». En effet, les entreprises ont aujourd'hui besoin de processus de décision rapides, avec des montants en jeu élevés. Le « modèle californien », sur lequel il est intéressant de se pencher, est capable de mettre en place, dans des délais très brefs, des dispositifs de financement atteignant 50 à 100 millions de dollars.
La France accuse un très sérieux retard en matière de fonds d'investissements, d'abord parce que l'assurance-vie est soumise à une réglementation prudentielle - Solvabilité II - qui handicape sa capacité de financement des entreprises, ensuite parce que les fonds sont disséminés et enfin, plus généralement, parce que ces derniers ne correspondent pas encore à une tradition bien établie dans notre pays.
Dans ce contexte, l'enjeu de la BPI consiste d'abord, pour les régions, à prendre comme point de départ les dossiers qui sont d'ores et déjà gérés par ces dernières dans des domaines variés : l'investissement, l'innovation, la formation ou les avances remboursables. En Rhône-Alpes, le plan PME concerne, par exemple, cinq cents entreprises par an. Notre base de travail, c'est donc la connaissance du tissu d'entreprises sur les territoires. Si nous voulons réindustrialiser la France et faire croitre les PME pour qu'elles deviennent des entreprises de taille intermédiaires (ETI), il est avant tout nécessaire d'ouvrir leur capital à des apports extérieurs. Je rappelle que la part de financement des PME en capitaux propres se limite à 4,5 %, auxquels s'ajoutent 0,5 % de financements par le marché monétaire et 95 % de dettes bancaires. J'observe que les régions interviennent également de façon analogue à celle des banquiers, sous formes d'avances remboursables, qui jouent un peu le rôle de prêts à taux zéro.
La première demande des régions a donc été de proposer un dispositif inspiré du système allemand : les Länder y sont, en effet, les actionnaires de référence des Landesbank - qui sont des caisses d'épargne - et ces dernières sont les actionnaires principaux des entreprises de taille intermédiaire allemandes. C'est, sous réserve des quelques difficultés que connaissent les Landesbank allemandes, un modèle vertueux qui canalise l'épargne vers un tissu d'entreprises bien identifié et soutient une véritable démarche industrielle. Nous avons formulé des propositions pour que la BPI puisse s'orienter dans ce sens, ce qui implique une certaine transformation des mentalités chez nos concitoyens et une mutualisation des banques régionales, mais ce choix n'a pas été retenu par Bercy. Les régions se sont donc efforcées d'aboutir à un compromis selon lequel, d'après les indications du Gouvernement, 90% des dossiers feront l'objet d'une décision au niveau régional : pour l'application concrète de ce principe, c'est la future BPI qui devra elle-même mettre en place des mécanismes de délégation de pouvoir aux équipes territoriales, au sein desquelles la présence de représentants des régions est nécessaire.
Je signale au passage avoir été particulièrement surpris et, comme d'autres élus régionaux, « humilié » par les prises de position de certains députés dont le raisonnement peut suggérer que les régions seraient au mieux incompétentes et au pire clientélistes, comme si, depuis vingt ans, et plus encore depuis 2004 - date du transfert aux régions de la compétence relative à l'innovation - nous nous étions contentés de soutenir les « canards boiteux ». Or, je constate que sur les huit cents dispositifs mis en place par les régions, aucun n'est en difficulté. Je rappelle aussi, puisque le contre-exemple des Sociétés de développement régional a été évoqué, que celles-ci étaient dirigées par des banquiers. Dans le même sens, j'ajoute qu'aucune caisse régionale n'a été mise en difficulté ni ne s'est impliquée dans les opérations qui ont déstabilisé Dexia ou la Société Générale ou qui sont en relation avec le portage de la dette grecque. Il y a une explication - d'ailleurs regrettable - à ce phénomène : les organismes de financement régionaux « remontent » leurs excédents de trésorerie au niveau national et ces derniers sont réinvestis en produits structurés dans le monde entier. Ainsi, contrairement au modèle allemand, nous n'avons pas la possibilité de garder les excès de liquidité pour les réorienter vers l'appareil productif.
Il nous parait donc nécessaire que les régions soient intégrées dans les centres de décision d'allocation financière. Les équipes qui travaillent au niveau régional ont une connaissance approfondie des PME implantées sur leur territoire. A aucun moment la Cour des comptes ou les chambres régionales de comptes n'ont contesté l'efficacité de nos interventions. Fort heureusement, au plus fort de la crise, nous avons soutenu un certain nombre d'entreprises en mettant en place des dispositifs d'avances remboursables de plusieurs millions d'euros, sans quoi elles auraient périclité.
L'exigence du redressement industriel de la France doit s'accompagner d'une volonté régionale de soutenir le développement d'entreprises de taille intermédiaire. Dans l'ensemble, notre organisation reste profondément jacobine, ce qui correspond à un modèle industriel dominé par des grands groupes industriels entourés de PME sous-traitantes. A l'inverse, là où il y a des régions fortes, il y a des ETI fortes. Tout ceci se ramène donc à la volonté politique d'accompagner la croissance des PME en soutenant leur réorganisation, leur effort de formation. Dans la région que j'ai l'honneur de présider nous sommes en train de cibler les PME qui deviendront demain les ETI de l'Aquitaine, en favorisant les regroupements et en apportant des aides à l'embauche, avec les outils performants dont nous disposons. Bien entendu, toutes les régions ne sont pas au même niveau d'intervention mais comment faire avancer toutes les régions au même pas si on ne leur confie pas ces nouvelles responsabilités ? Il est donc nécessaire que les régions président les comités régionaux d'orientation de la BPI : or une telle avancée ne résulte pas de façon évidente du texte adopté par l'Assemblée nationale alors que le projet de loi comportait plus de garanties à ce sujet. Je compte donc sur le Sénat pour réintroduire dans la loi une disposition qui figurait dans le projet initial. Comme cela a été décidé pour le comité national d'orientation, il faut que les comités régionaux soient présidés de façon efficace.
S'agissant des comités d'engagement, je constate une levée de bouclier générale : à titre personnel, je ne les préside pas. Sur ce point, je m'en remets à la sagesse du Parlement, tout en estimant souhaitable que la région soit représentée, dans les comités d'engagement, au moins par un technicien faisant partie des équipes qui connaissent bien les PME et les accompagnent. Je saisis l'occasion pour souligner que la France a pris beaucoup de retard dans le domaine de l'accompagnement et les administrations centrales sont trop souvent partisanes du « laisser-faire » alors que les entreprises de taille moyenne en ont réellement besoin.
J'ajoute que, bien entendu, il est assez facile de trouver des financements pour les bons projets très rapidement rentables : les fonds communs de placement à risque (FCPR) ciblent particulièrement de tels dossiers. Cependant, les régions s'attachent aussi à soutenir les entreprises qui dégagent trois à quatre pour cent de marge et non pas vingt à trente pour cent. La force de l'Allemagne, c'est aussi de parier sur la durée et non pas seulement sur un retour sur investissement immédiat. Nous faisons donc face à un problème de gouvernance économique. Si on ne responsabilise pas les régions au sein de la BPI, son efficacité sera très limitée. Rien ne sera réglé si on ne conçoit la BPI que comme le rapprochement entre Oséo et le fonds stratégique d'investissement (FSI).
Certes, on rappelle souvent que le monde politique n'est pas issu en majorité de l'entreprise, mais rien n'empêche de s'entourer de techniciens compétents.
J'en termine en rappelant que nous avons étés entendus par le gouvernement sur un certain nombre de points, avec en particulier la présidence du comité national d'orientation et la présence de trois régions dans ce comité. Par ailleurs, il était, au départ, entendu que les régions devaient présider les comités d'engagement, ce que les techniciens appellent les « fonds de fonds » ; par la suite, on s'est éloigné de cette idée mais il me parait essentiel de préserver au minimum une présence de la région. En effet, le risque, si on écarte les régions du dispositif de la BPI, est tout simplement que ces dernières gardent la maitrise exclusive des mécanismes de soutien qu'elles ont mis en place.
En quelques mots, ma conviction est que nous devons faire en sorte que cette création de la BPI soit un des leviers décisifs pour régler le problème récurrent des fonds propres des PME et des ETI. Alain Rousset l'a dit, c'est un enjeu majeur aujourd'hui et les entreprises que nous entendons sur le terrain le confirment.
Evitons également que la création de la BPI soit une occasion pour les banques d'augmenter leur rentabilité tout en faisant supporter les risques à ce nouvel établissement financier.
Je partage l'idée que les régions disposent d'un savoir-faire qui doit être utilisé à sa juste dimension. De ce point de vue, je suppose qu'on a supprimé par erreur la disposition selon laquelle le président du conseil régional préside le comité régional d'orientation de la BPI : il faut réparer cette erreur et c'est la mission du Sénat que de veiller à la mise en valeur des compétences qui existent au niveau territorial.
Les économies trop centralisées connaissent des problèmes car elles se structurent encore autour de grands programmes définis il y a une dizaine d'années. Nous avons au contraire besoin d'une économie modernisée dans laquelle les territoires et les régions vont chercher les nouveaux leviers de croissance, là ou ils sont, et investissent dans de nouveaux projets : tel est le cas en Allemagne.
Dans cet esprit, je défendrai la position qui consiste à nous rapprocher de ce nouveau point d'équilibre en prenant suffisamment en compte le savoir-faire territorial existant.
Je partage les propos de Martial Bourquin sur la nécessité d'équilibrer l'accès aux ressources bancaires et aux fonds propres pour les PMI-PME. Un des objectifs essentiels de la BPI et une des clefs de sa réussite est de coordonner efficacement l'échelon central et l'échelon régional pour que l'ensemble du dispositif puisse s'inscrire dans une logique d'appui à l'économie locale. Je proposerai également dans mon rapport qu'on rétablisse la disposition qui confie au président de région la présidence du comité régional d'orientation de la BPI.
Si j'ai bien compris, vous souhaitez qu'on donne aux régions la responsabilité de l'animation des plateformes communes de financement des entreprises : compte tenu de la diversité des régions, souhaitez-vous que la composition des comités d'orientation soit adaptée à chaque territoire ? D'autre part, vous suggérez de faire siéger trois représentants des régions au conseil d'administration de la BPI : est-ce à dire qu'il faut augmenter le nombre d'administrateurs ou préconisez-vous cette rectification à effectifs constants ?
Il faut prendre en compte le rôle de chef de file que les lois de décentralisation ont attribué à la région en matière économique. Lorsqu'une grande entreprise vient lui demander un soutien pour mettre en place de grands projets, ce sont des centaines de petites et moyennes entreprises qui peuvent alors gagner en taille, si elles sont soutenues. Or, la discussion de ce texte révèle une certaine réticence concernant le rôle qui doit revenir à la région. Et pourtant, quel exemple pourrait-on citer de cas où la région aurait fait preuve d'un esprit partisan ? Les méthodes de fonctionnement prévues pour le comité d'orientation de la banque publique d'investissement sont déjà pratiquées dans les régions, qui ont un savoir-faire dont ne disposent pas toujours les autres niveaux de collectivités. Notons qu'il existe actuellement des fonds d'amorçage, des fonds de capital-développement, qui emploient à la fois des sources de financement publiques et privées : avec la création de la banque publique d'investissement, va-t-on multiplier ces outils ou au contraire les mettre en réseau ? D'une manière générale, la gestion de la région permet d'attribuer les aides de manière réactive une fois que le dossier est complet. Nous ne réclamons donc pas qu'un droit nouveau soit attribué aux régions, mais simplement que leur expérience soit mise au service de l'accompagnement économique.
Il faut améliorer l'offre d'emprunts : les contraintes de Bâle III sont dramatiques et le fonctionnement d'Oséo est en pratique lié à l'intervention d'une banque privée. Je trouve d'ailleurs que le fonds stratégique d'investissement ou CDC Entreprises exigent des taux de rentabilité interne exorbitants. Je confirme également que les régions apportent une partie de la solution concernant les petites et moyennes entreprises : il faut établir des plateformes qui les guident et les orientent vers les bonnes structures. Je souhaite que la BPI puisse mettre en place de telles politiques ; les députés ont été très allants sur cette question. Il appartient à la région de mettre en place des stratégies industrielles, notamment lorsque sont installés sur son territoire de nombreux sous-traitants ou des secteurs d'activité spécifiques. S'agissant du comité régional d'orientation, j'aurais préféré qu'il soit écrit que le président de région et le président du conseil économique, social et environnemental régional déterminent la liste de ses membres, sous réserve de la règle de parité, car nos régions sont différentes les unes des autres et des comités composés de manière uniforme ne reflètent pas cette diversité. Je souhaite enfin que le président du conseil régional préside le comité régional d'orientation.
Si 90 % des engagements sont portés au niveau régional, quelle est la place de l'État stratège vis-à-vis des filières et comment se coordonnent les échelons régional et national ?
Les régions devront structurer des filières industrielles à leur échelle. L'État peut pour sa part lancer de grandes stratégies industrielles : stockage de l'énergie, développement de médicaments, fusion nucléaire, Ariane 6... Sur le plan territorial, quand une grande entreprise vient demander une aide pour développer un projet, la région peut par exemple cofinancer la recherche en s'assurant que les PME seront impliquées dans l'activité résultante : voilà un exemple de stratégie industrielle régionale. La région intervient là où l'État n'a pas à intervenir.
Le vrai problème, c'est la simplicité : les dispositifs complexes échouent. Fallait-il regrouper des dispositifs qui fonctionnent : Oséo, le fonds stratégique d'investissement et CDC Entreprises ? Par ailleurs, ne faut-il pas regrouper et faire coopérer les régions afin d'atteindre la taille des Länder ou des grandes régions espagnoles ? Enfin, est-il utile de faire entrer les banques privées au capital d'une filiale, à hauteur de 10 %, au risque de leur donner un accès privilégié aux dossiers ?
La BPI aura-t-elle des ressources suffisantes pour accomplir ses missions ou faudrait-il l'irriguer avec l'épargne populaire ? Ne devrait-elle pas bénéficier de l'expertise de la Banque de France ? Ne serait-il pas nécessaire par ailleurs d'assigner aux entreprises bénéficiaires des objectifs sociaux ou environnementaux ? Enfin, pratiquez-vous un contrôle a posteriori des aides apportées ? Les entreprises devraient se sentir liées au territoire ; or elles ne rendent pas suffisamment de comptes.
À mon sens, la place des régions au sein de la BPI doit être en cohérence avec celle que le gouvernement entend leur donner dans le cadre de la future réforme territoriale, c'est-à-dire une place majeure.
La création de la BPI est une nécessité. On dit que CDC Entreprises et Oséo sont efficaces : or cela n'a pas toujours été le cas et il a fallu que les conseils régionaux interviennent auprès des PME. La perspective d'une implication trop grande de la région suscite pourtant des réticences auprès de certaines départements ou agglomérations. On pourrait, afin de les rassurer, proposer que ces collectivités soient représentées à la BPI, sans pour autant remettre en cause la responsabilité de la région, et évaluer dans un an les modalités de la coopération entre les acteurs locaux, régionaux et nationaux.
La BPI devrait-elle avoir une mission spécifique en matière d'économie sociale et solidaire ? Pensez-vous par ailleurs opportun que la fédération des entreprises publiques locales soit présente dans le comité national et les comités régionaux d'orientation, compte tenu de la place occupée par ces entreprises dans les financements publics ?
Des régions comme l'Aquitaine conduisent une politique industrielle lisible, où les services savent très bien soutenir le tissu d'entreprises et l'innovation - dès 2004, par exemple, nous avons aidé le développement numérique. Cependant, si les régions devenaient les interlocuteurs privilégiés de la BPI, comment intégrer les conseils généraux et les communautés de communes ou d'agglomération ? Ces collectivités interviennent déjà, leur connaissance du tissu économique est essentielle, comment leur conférer un rôle de véritable partenaire dans le dispositif ?
Pour l'information de Marc Daunis, l'économie sociale et solidaire est déjà prise en compte, à l'article premier, huitième alinéa.
La création de la BPI est indissociable de l'acte III de la décentralisation, qui va lui aussi conforter le rôle économique des régions : c'est une bonne chose, quoique nous devrions conserver une certaine souplesse au dispositif, pour tenir compte des spécificités locales.
Je m'interroge, cependant, sur le risque d'effet d'aubaine pour les banques privées, qui nous ont déjà montré leur habileté à ne plus prendre de risques dès que la puissance publique se propose d'en prendre à leur place : comment s'en prémunir ?
Le président de l'ARF est dans son rôle en plaidant pour la prééminence des régions dans la gouvernance de la BPI, mais il ne nous fera pas oublier que nous avons besoin d'un certain équilibre entre les territoires, entre les collectivités. Je m'interroge sur le rôle de la BPI vis-à-vis des territoires ruraux : dans quelle mesure sera-t-elle outillée pour les développer ? De même, pourra-t-elle devenir un levier pour la transition écologique de notre économie ? En aura-t-elle les moyens, ou bien ne faudrait-il pas la doter à mesure des ambitions qu'on lui prête ? La BPI verrait son budget doubler si 3% seulement des fonds d'assurance vie lui étaient fléchés...
Est-il pertinent de rassembler Oséo, la CDC et le FSI ? Oui, à condition, et c'est aussi l'objectif, de simplifier le soutien aux entreprises, de faire qu'il soit plus réactif qu'aujourd'hui. Dans notre modèle encore bien trop jacobin, il faut parfois un an avant que l'entreprise obtienne une réponse fiable pour une aide, là où quelques semaines suffisent aux États-Unis, c'est tout à fait disproportionné. Du reste, et j'en ai un exemple chez moi avec une entreprise de bois, le problème rencontré par l'entreprise dans son développement n'est pas toujours ou pas seulement financier, comme les patrons de PME peuvent le croire, mais c'est bien plus souvent un manque d'outillage face à tout ce que demande la mutation d'une PME en ETI ; pour passer d'une organisation où la secrétaire de direction et le comptable s'occupaient de tout, il faut passer à des départements fonctionnels, un bureau de R&D, nommer un responsable export, mieux responsabiliser les équipes... Le défi concerne d'abord l'organisation du travail. Or, l'appareil productif français est vieux, y compris dans sa tête : nous avons bien des progrès à faire de productivité, avant même de parler de compétitivité... Les entreprises ont besoin d'une plateforme unique pour obtenir une réponse rapide et transversale, avec un suivi dans le temps. Le monde bancaire français ne joue pas suffisamment ce rôle : contrairement à ce qui se passe, par exemple en Californie, il manque de compétences techniques pour aider efficacement les entreprises et nous devons le suppléer.
La BPI disposera-t-elle de moyens suffisants ? On commence tout de même avec 30 à 40 milliards, c'est très loin d'être négligeable au moment où le crédit bancaire se rétrécit. Cependant, et j'y veillerai avec la plus grande attention, il ne faudrait pas qu'Oséo soit utilisé pour combler le manque de fonds propres des entreprises. Les entreprises françaises subissent les fonds d'investissements cannibales et nous payons cher le manque de passerelle directe entre l'épargne des ménages et l'investissement des entreprises - comme il en existe avec les fonds de pension - mais ce n'est pas un motif pour détourner Oséo de ses fonctions.
Faut-il que les régions se regroupent pour soutenir efficacement leur tissu économique ? Je ne crois pas que le problème soit celui de la taille des régions. Voyez ce qui se passe en Espagne, ou en Allemagne : l'Aragon compte deux millions d'habitants, un tiers de moins que Midi-Pyrénées, mais dispose de moyens bien supérieurs et d'une politique exemplaire de soutien aux entreprises aragonaises ; même chose pour la Navarre, qui a su bâtir à Pampelune une filière des plus dynamiques dans les énergies renouvelables ; voyez encore le land de Hambourg, qui compte 1,8 million d'habitants mais qui peut aider les PME deux fois plus que l'Aquitaine et Midi-Pyrénées réunies ! Le vrai problème n'est pas la taille des régions, mais l'inachèvement de la décentralisation : la France est le seul pays d'Europe à avoir conservé un système de type napoléonien ! A-t-on besoin de fonctionnaires dans tous les secteurs, y compris l'activité économique ? Les compétences des préfets sont-elles bien adaptées au développement économique ?
L'intervention de la BPI risque-t-elle de se substituer à celle des banques ? Nous devons effectivement limiter du mieux possible tout effet de substitution. Les régions interviennent déjà en garantie d'emprunt, jusqu'aux trois quarts ou aux quatre cinquièmes du risque, c'est déjà très important. Certaines régions, du reste, en sont venues à envisager la mise en place d'un service public bancaire, ce qui est tout à fait compatible avec le droit européen, en passant par l'appel à manifestation d'intérêt - cinq pays européens se sont déjà pourvus d'un tel dispositif.
Comment mobiliser davantage l'épargne populaire pour investir dans les entreprises françaises ? L'idée est ancienne, Alain Savary le premier s'y était essayé en Midi-Pyrénées, j'ai voulu suivre sa voie en Aquitaine mais j'ai essuyé un échec, les banquiers de la place ayant littéralement refusé de jouer le jeu... Les Allemands sont parvenus à créer une structure idoine, où les épargnants voient directement la destination des fonds qu'ils placent dans les entreprises locales, en connaissance du risque et des perspectives de rémunération. Pourquoi n'y parviendrions-nous pas ? Je crois qu'avant de regarder l'épargne comme une possibilité d'investir dans l'économie, nous devrons passer par une véritable révolution culturelle... Il ne faut pas perdre de vue, non plus, le caractère risqué de tout investissement : quand un grand parent place de l'argent en assurance vie pour les études de ses petits-enfants, il compte dessus et il préfère ne pas courir le risque de voir son capital fondre avec celui d'une entreprise qui échouerait !
La BPI travaillera-t-elle avec la Banque de France ? C'est certain, je ne me fais aucun souci sur la question : l'expertise sera partagée.
Doit-on soumettre les prêts à certaines conditions sociales ou environnementales ? Attention à ne pas se substituer à la négociation sociale. La BPI doit de soucier d'abord de l'efficacité économique, de la stratégie de l'entreprise, de la façon dont elle doit se structurer pour se développer.
Quelle articulation avec la décentralisation ? La question mérite à elle seule un vrai débat. Je crois qu'en tout état de cause, nous devrons aller plus loin dans la décentralisation, car notre organisation actuelle nous coûte trop cher en doublons, en retards, en opacité et en complexité, autant de défauts qui disparaissent lorsqu'on fait confiance à l'intelligence territoriale pour trouver les meilleures solutions. Je ne connais pas un pays qui ait regretté la décentralisation, y compris sur le plan de l'égalité territoriale : confiez une compétence à la région, les inégalités territoriales reculent ! Regardez ce qui s'est passé avec les maisons de retraite en Limousin : la décentralisation a permis de combler les carences. Que la BPI dispose de comités d'orientation, très bien, mais à condition que leur composition ne soit pas dictée depuis Paris !
Le texte fait déjà mention de l'économie sociale et solidaire, le président Raoul l'a rappelé.
La BPI aidera-t-elle au développement des territoires ruraux ? Cela me paraît d'autant plus naturel que 60 % des emplois industriels y sont aujourd'hui localisés : c'est un fait peu connu mais bien réel, et les territoires ruraux ont encore tout le potentiel pour développer leur emploi industriel. En revanche, je m'inquiète de voir les agglomérations revendiquer les pouvoirs économiques confiés à la région : car si demain les agglomérations avaient tous les pouvoirs, les territoires entreraient de nouveau dans une compétition fratricide ! Les agglomérations ont déjà bien des leviers, attention à ne pas leur donner aussi les aides directes, confiées aux régions : les entreprises peuvent délocaliser à des milliers mais aussi à quelques kilomètres seulement, avec des effets négatifs très importants, ne l'oublions pas ! Je crois donc essentiel de conserver la compétence régionale pour les aides directes, à charge pour les régions de définir des stratégies de développement.
Des entreprises migrent de Languedoc Roussillon en Midi Pyrénées parce que l'Aveyron dispose d'aides fiscales que nous n'avons pas en Lozère, du fait qu'ayant moins de jeunes - car ils partent en ville - nous aurions moins besoin de développement : ces critères sont insensés, il faut les reconsidérer pour aider réellement le développement des territoires ruraux. La BPI sera confiée aux régions, son rôle sera de remplacer les banquiers qui se défilent quand il faut prêter non pas à ceux qui ont déjà de l'argent, mais à ceux qui en ont réellement besoin. Encore faut-il que le président de région puisse réellement décider de ce que fera la BPI : à vous entendre, c'est loin d'être gagné !
Je ne suis pas d'accord avec vous, ensuite, sur la décentralisation : je crois qu'elle creuse plutôt qu'elle ne répare les inégalités, car elle favorise partout les métropoles, au détriment des territoires ruraux ! J'espère que la BPI ne va pas conforter ce mouvement, mais l'inverser : ce ne sera que justice, puisque les territoires ruraux contribueront à son financement !
L'exode rural est un phénomène ancien puisqu'il remonte au XIXème siècle, il est largement étudié, on connaît ses causes et la décentralisation n'y est vraiment pour rien ! L'action des collectivités locales ne creuse pas les inégalités, elle les répare : voyez tout ce que nous faisons pour maintenir les écoles, les équipements de santé, la formation, les transports... Les collectivités locales sont même les derniers remparts contre l'aggravation du fossé entre les territoires, après les mille tentatives de l'Etat qui nous a parlé longtemps d'aménagement du territoire, de métropoles d'équilibre, de villes nouvelles, de tous ces outils de rééquilibrage qu'il n'utilise plus assez aujourd'hui, laissant les collectivités locales bien seules pour compenser ! Je ne peux donc vous laisser dire que la décentralisation creuse les inégalités : c'est inexact, et vous vous faites du mal en le disant...
La commission procède à l'audition de M. Etienne Guyot, Préfet, président de la « Société du Grand Paris ».
Je salue le préfet Guyot, président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP), grand serviteur de l'Etat qui a occupé de nombreux postes, notamment dans le Gers et plus récemment au ministère de l'aménagement du territoire. Il va nous présenter l'évolution du projet du Grand Paris.
Le schéma d'ensemble du Grand Paris Express comporte quatre nouvelles lignes de métro. Les lignes rouge, bleue et verte sont sous maîtrise d'ouvrage de la SGP, la ligne orange dépendant du syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif). Au total, ce sont 200 kilomètres de nouvelles lignes qui seront construites ainsi que 72 gares, dont 57 relevant de la maîtrise d'ouvrage de la SGP.
Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d'intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de la région Île-de-France et s'appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs. Il changera fondamentalement la vie quotidienne des Franciliens, des Français, des visiteurs étrangers.
La loi sur le Grand Paris a aussi fixé un objectif de construction de 70 000 nouveaux logements chaque année. Dans un rayon de 400 mètres autour des gares du Grand Paris Express, 22 millions de mètres carrés de foncier sont directement mobilisables.
C'est un projet national de développement économique et social : il renforcera l'attrait du territoire et suscitera des gains de compétitivité, il mettra en réseau les principaux pôles scientifiques, technologiques, économiques, culturels et sportifs d'Ile-de-France et ses effets se feront sentir bien au-delà de la région capitale.
La mission principale de la Société du Grand Paris est de « concevoir et élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer la réalisation ». La SGP peut aussi être aménageur, soit dans le cadre de contrats de développement territoriaux (CDT), soit, en l'absence de tels contrats, dans un rayon de 400 mètres autour des gares dont elle assure la maîtrise d'ouvrage. Dans tous les cas, elle agira en partenariat avec les collectivités : ce sera sa marque de fabrique.
Durant l'année 2012, sa deuxième année d'existence seulement, la SGP a adopté le schéma d'ensemble à l'unanimité du conseil de surveillance où siègent notamment les présidents de la région et des conseils généraux d'Ile-de-France et un maire de la région. Nous avons mis en place, pour chacune des gares dont nous assurons la maîtrise d'ouvrage, un comité de pilotage co-présidé par le maire et incluant notamment le président du groupement intercommunal. Tous les emplacements des gares, les émergences et les souterrains, seront définis avant fin 2012.
Un climat consensuel est indispensable pour mener à bien un tel projet. Le nouveau gouvernement a confirmé qu'il le poursuivait, ce qui faisait logiquement écho aux déclarations du candidat François Hollande. Une dynamique positive est enclenchée.
Cette année, nous avons installé notre comité stratégique, troisième enceinte de gouvernance de la SGP après le conseil de surveillance et le directoire. Il est composé de cent vingt membres : tous les maires concernés, les présidents des intercommunalités, des parlementaires de la région, des représentants du Conseil économique et des organismes consulaires. Sa contribution est précieuse. Il a déjà créé des groupes de travail sur les gares, sur l'environnement des gares, sur la qualité de service du réseau. Le 14 décembre prochain, ceux-ci rendront compte de leurs travaux, auxquels auront participé concrètement les élus.
La SGP a en outre choisi un architecture-conseil, Jacques Ferrier, qui durant les sept années à venir définira les lignes directrices de l'architecture et du design des gares. Il travaillera avec les architectes retenus pour la construction de chaque gare, l'objectif délicat étant de traduire tout à la fois l'appartenance au réseau et la personnalité propre du territoire local. Le cabinet Barton Willmore a été choisi pour nos six sites industriels de maintenance, réalisations du XXIème siècle appelées elles aussi à marquer le paysage.
Les études préliminaires sont achevées, les premières consultations de maîtrise d'oeuvre lancées. Les premiers appels d'offre portent sur le tronçon sud de la ligne rouge. Il s'agit de sélectionner les groupements d'ingénierie chargés de la conception des gares et des tunnels. Au total, douze consultations sont en cours, représentant plusieurs centaines de millions d'euros. Les premières signatures interviendront début 2013.
Depuis la fin du débat public en janvier 2011, la SGP a maintenu un contact étroit avec les élus, le public et les entreprises. Dès le mois de mars, les premiers comités de pilotage de gares se sont réunis - plusieurs centaines de réunion ont eu lieu... Six conférences de tronçon ont été tenues en avril, associant les collectivités locales concernées, les chambres de commerce et d'industrie, l'Etat, le Stif et les opérateurs de transport. Le tronçon sud de la ligne rouge, soit 33 kilomètres et 16 gares entre Pont-de-Sèvres et Noisy-Champs, sera prochainement soumis à l'enquête publique. Pour préparer cette nouvelle phase, 21 réunions ont été organisées dans toutes les communes concernées, entre le 15 septembre et le 15 novembre, et elles ont attiré en moyenne 300 personnes. Le dossier d'enquête publique a été transmis au préfet fin juillet et la ministre, Mme Duflot, a saisi l'autorité environnementale, qui a rendu son avis le 24 octobre. Nous mettons la dernière main au dossier en prenant en compte ces avis et observations.
Les acquisitions foncières portent sur 5 500 parcelles, dans 90 % des cas situées en sous-sol, entre 15 et 40 mètres de profondeur : or les tréfonds, en droit français, appartiennent aux propriétaires de la surface. Le prix que nous proposons est validé par France Domaines. Il faut, dans le cas d'un immeuble collectif, réunir l'accord de tous les copropriétaires... Un premier opérateur a été choisi pour les 1 800 parcelles du sud de la ligne rouge et ces acquisitions devraient monter en puissance en 2013. Nous privilégions les opérations à l'amiable, faute de quoi nous sommes contraints de recourir aux déclarations d'utilité publique et à l'expropriation.
J'en viens au coût du projet. Pour la maîtrise d'ouvrage, le rapport de Pascal Auzannet indique une augmentation de 2,5 %, à périmètre constant, par rapport à ce qui figure dans l'accord entre l'Etat et la région de 2011. Nous restons dans les clous.
Quelles sont nos perspectives pour 2013 ? Le conseil de surveillance ayant voté le 5 juillet dernier l'engagement échelonné des enquêtes publiques, 2013 sera l'année de la montée en puissance - le rythme dépendra des priorités de réalisation et des choix budgétaires que fera le gouvernement. Inaugurant l'exposition sur l'architecture et le design des gares le 26 juin dernier, la ministre de l'égalité des territoires et du logement avait fixé trois exigences : la proximité, l'efficacité et la définition de priorités, car « tout ne pourra pas se faire tout de suite ni en même temps ». Pascal Auzannet est chargé de faire le point sur le Grand Paris Express et de proposer des priorités. Le gouvernement aura tous les éléments pour décider début 2013.
Le 23 novembre dernier, le conseil de surveillance a adopté le budget 2013, construit sur les hypothèses d'un engagement des marchés sur le tronçon sud, d'acquisitions foncières limitées à ce tronçon et de la réalisation d'enquêtes publiques supplémentaires. Tout ceci est prévu à effectif constant, la SGP étant soumise à un plafond d'emplois de 105 équivalents temps plein. Ce budget comprend des subventions à des projets où la SGP n'est pas le maître d'ouvrage : prolongation de la ligne 14, adaptation des stations entre les Olympiades et Saint-Lazare afin qu'elles puissent accueillir des rames de huit et non plus six voitures, ou encore, études sur la ligne orange. A 203 millions, ce budget double par rapport à 2012. La montée en puissance se poursuit. Nous sommes dans les starting blocks, dans l'attente des choix du gouvernement.
Les maires franciliens concernés sont suspendus au verdict du rapport Auzannet et aux décisions gouvernementales qui suivront.
Qu'en est-il du fameux milliard d'euros attendu pour la SGP mais qui n'a pas été inscrit dans la programmation budgétaire triennale ? Dans quelle mesure est-il nécessaire et à quelle échéance ? Vos autres recettes vous permettront-elles de minorer vos besoins ? Certains organismes considèrent avec envie votre opulente trésorerie. Avez-vous réfléchi à l'utilisation qui pourrait en être faite ? Le paradoxe est que vous avez trop d'argent trop tôt ; et plus tard vous n'en aurez plus assez.
Qu'en est-il de l'interopérabilité avec la ligne orange ? Les modalités techniques ne bouleverseront-elles pas le calendrier de réalisation du tronçon rouge ? La réserve émise par l'autorité environnementale peut-elle être surmontée ?
Comment associerez-vous les collectivités locales aux consultations et appels d'offres que vous lancez pour la maîtrise d'oeuvre des gares ?
Dans un groupe de travail au Sénat, j'avais insisté sur la nécessité d'une bonne connexion entre le futur réseau et les réseaux existants, métro, tramway, trains, en particulier TGV. Or l'interconnexion demeure imparfaite en divers points. Avez-vous avancé sur cet aspect fondamental ?
Avez-prévu une desserte pour le fret ferroviaire, même si ce n'est pas la finalité assignée au réseau du Grand Paris ? Cela éviterait qu'un trop grand nombre de camions ne circulent à Paris.
Quel est le périmètre de vos responsabilités ? L'interconnexion avec le grand port maritime du Havre, destiné à devenir le port maritime de Paris, et la ligne grande vitesse Paris-Normandie étaient intégrées dans les réflexions initiales. Comment s'articulent-elles avec le projet actuel ?
Dans le schéma d'ensemble, rien n'est prévu au Nord-Ouest de Paris. Pourquoi ?
Si toutes les décisions sont prises et si tous les financements sont disponibles, quand la première tranche reliant le Pont de Sèvres à Noisy sera-t-elle opérationnelle ? Le projet a-t-il été pensé dans la perspective d'accueil des Jeux olympiques ? Enfin, le TGV Est s'arrêtera-t-il à Bondy, avec une interconnexion permettant de contourner Paris ?
Une réflexion est-elle menée sur les aires de stationnement autour de Paris, pour désengorger la capitale ?
Les réponses apportées par Mme Duflot et par le Premier ministre, le 30 octobre dernier, sur le financement du projet sont tout à fait rassurantes. Si le besoin de un milliard d'euros en 2015 se confirme, une fois les coûts remis à plat et les priorités redéfinies dans le temps, la dotation sera bien versée, a précisé M. Ayrault.
Créée il y a moins de deux ans, la SGP dispose de ressources fiscales aujourd'hui supérieures à ses dépenses. C'est en 2015 qu'apparaîtra un besoin de financement complémentaire. Les dotations en capital et l'emprunt, qui constituent les deux autres ressources possibles, pourraient être mobilisées de façon concomitante, si nécessaire.
Notre fonds de roulement suscite quelques convoitises. Toutefois cet argent est placé, sans intérêt, au Trésor. Il est dans les caisses de l'Etat. Nous l'emploierons en 2015. J'ajoute que la société utilise déjà ses ressources pour financer des réseaux de transport : elle a accordé une avance en capital de 20 millions d'euros aux départements de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine, pour l'extension de la ligne 14 entre Saint-Lazare et Mairie de Saint-Ouen, augmentant temporairement sa participation de 30 à 42 % - avec un retour à 30 % prévu en fin de travaux.
L'interopérabilité, c'est à dire la possibilité pour un train de la ligne rouge de rouler sur la ligne orange et réciproquement, améliore le confort des voyageurs. Elle implique un même dimensionnement des infrastructures, les mêmes gabarits, les mêmes diamètres et les mêmes matériels roulants. C'est bien le moins, dans la même région... Le gouvernement a décidé une première mise en oeuvre de cette interopérabilité à Champigny : nous travaillons avec le Stif sur différents scénarios. Les critères de choix entre les différentes options seront le coût, la qualité pour l'usager, l'impact des travaux et les délais de réalisation.
La concertation s'engagera au début de l'année prochaine sur la ligne orange ; après, nous rechercherons la meilleure solution d'interopérabilité.
L'autorité environnementale a émis des réserves sur quatre points. L'évacuation des déblais de chantier, des millions de mètres cube, d'abord : mais nos prévisions sont inscrites dans le schéma d'élimination des déchets de chantier, le Prédec. Les bouleversements hydrologiques, ensuite : rabattement des nappes, franchissement de la Seine, de la Marne et des eaux de surface, prise en compte de la nature géologique des différents sols : nous apportons des éléments de réponse très complets dans le cadre des travaux en cours, avant l'enquête publique. L'autorité a considéré que le dossier actuel, 4 000 pages, devrait être rendu plus lisible et maniable pour nos concitoyens qui le consulteront au moment de l'enquête. Nous ferons le nécessaire. Enfin, il faudra associer les collectivités : telle est bien notre intention, comme je l'ai expliqué précédemment.
Oui, la connexion entre ce nouveau réseau et l'existant est absolument fondamentale. Aujourd'hui 70 % des gares sont interconnectées avec un RER, le Transilien, le métro parisien, ou encore des tramways ou des bus. Nous avons rencontré les représentants de la profession de taxi. Ils participeront bien sûr aux comités de pilotage gare par gare.
Les nouvelles gares engloberont une gare RATP ou SNCF, ou se situeront à côté - le financement des correspondances fera alors l'objet d'une négociation avec les collectivités et les autres opérateurs. Nous avons lancé des études pour connaître les coûts des ouvrages de connexion.
Si l'intérêt du fret ferroviaire est réel, nous avons, en toute connaissance de cause, décidé que le Grand Paris Express ne serait pas un métro de fret. Il circulera toutes les deux minutes : on ne peut y insérer des rames de marchandises ! En revanche, comme nous souhaitons que ces gares soient des centres de vie dotés de commerces et de services, il faudra prévoir la possibilité d'y assurer des livraisons.
La loi confie à la Société du Grand Paris la création d'un nouveau réseau de métro automatique, à l'exclusion du RER, du Transilien ou de la liaison avec Le Havre... Nous avons déjà beaucoup à faire ! En revanche, il est important que l'organisation des ouvrages soit coordonnée, comme à Nanterre entre Eole, la gare du Grand Paris Express et la gare de la LGV Paris-Normandie.
Rien au Nord-Ouest, note M. Grignon. Rappelons qu'il y avait au départ deux projets, celui de l'Etat, le Grand Paris, celui porté par la région, Arc Express. Au cours des quatre mois de débat public, les citoyens ont demandé aux protagonistes de se mettre d'accord : « avoir deux projets, c'est ne pas en avoir », faisaient-ils remarquer. Le projet est ainsi passé de 39 à 57 gares et le nombre de kilomètres a beaucoup augmenté : la ligne verte est passée de 4 à 11 kilomètres. L'objectif est d'avoir à la fois un instrument de vie quotidienne, reliant les bassins d'emploi entre eux, et un instrument de développement économique, reliant les clusters, tels le Territoire de la création à Saint-Denis, la Cité Descartes à Noisy-Champs, le plateau de Saclay, etc. Seul l'un des huit clusters franciliens n'est pas relié au réseau mais il devrait être desservi par le RER E.
Les délais de réalisation dépendront des priorités du gouvernement mais sur le tronçon Pont-de-Sèvres-Noisy-Champs, les premières mises en service pourraient intervenir fin 2018, et surtout en 2019 ou 2020. Nous avons prévu l'intervention de sept tunneliers. Sept communes ont accepté des puits de départ sur leur sol : c'est un geste important.
La question des Jeux olympiques me dépasse ! Cela dit, les lignes rouge, bleue et orange accueilleront des métros de forte capacité pouvant transporter mille personnes par rame. Ce nouveau réseau est construit pour des décennies, voire des siècles.
L'interconnexion avec le TGV à Bondy est une question à poser à RFF ou à la SNCF.
Enfin, le stationnement des automobiles est un aspect très important, nos concitoyens pourraient nous reprocher un manque d'anticipation. Nous nous inscrivons dans le cadre du plan régional de stationnement élaboré par la région et le Stif. L'objectif est d'éviter un afflux de voitures en zones denses. En zones moins denses, on peut à l'inverse démultiplier les parcs relais et associer paiement du stationnement et ticket de métro. Le tronçon sud de la ligne rouge traverse surtout des zones denses ; or les élus locaux ne souhaitent pas la création des parcs de stationnement supplémentaires. Tel n'est pas le cas dans les zones non denses notamment à Noisy-Champs, point d'entrée des habitants de toute la Seine-et-Marne. A Saint-Maur, la construction de la gare occasionnera la destruction d'un parking de six cents places : nous nous engageons à le reconstruire. Parking supplémentaire ou non, nous ferons en sorte de faciliter l'accès aux gares du Grand Paris.
J'entends bien que vous n'êtes pas responsable des lignes de TGV, vers la Normandie ou ailleurs. Néanmoins la nécessité, pour aller d'une région à une autre, de transiter par le coeur de Paris contribue à y alourdir la circulation. En termes d'interconnexions ferroviaires, comment comptez-vous faire pour éviter cela ?
Entre l'agglomération parisienne et les grandes villes de province, il y a des différences mais aussi des ressemblances. Tous nos systèmes sont d'une telle complexité que nous aurons de plus en plus de mal à les gérer. La SGP vient se juxtaposer au Stif, à la région, aux départements, aux communes... Si chaque structure a sans doute sa justification, en créer une nouvelle ne fait qu'ajouter de la complexité à la complexité. Au sein du groupement des autorités responsables de transport (Gart), nous plaidons pour la création d'une autorité organisatrice de la mobilité durable (AOMD) maîtrisant l'ensemble de la boîte à outils. Il faut raisonner sur la gestion des flux mais aussi sur les modèles de développement urbain. La dispersion des compétences conduira à des impasses.
Oui le stationnement détermine souvent le choix modal. La localisation des parcs est plus ou moins incitative. Centrale, elle est plus rentable mais moins pertinente en termes de mobilité. Bien sûr, tous les gestionnaires de parkings plaideront pour une implantation au coeur des villes mais ce serait une grave erreur.
Pour mettre en oeuvre une politique harmonieuse de la mobilité, il faut prendre en compte tous les aspects, voirie, urbanisme, transports publics, vélo partagé, auto-partage, stationnement. La supervision de l'ensemble doit être confiée à des autorités disposant des leviers correspondants. Je crains qu'en région parisienne, les rapports entre la SGP et le Stif ne constituent une source supplémentaire de difficultés.
Comment travaillerez-vous avec le Stif, une fois votre vitesse de croisière atteinte ? Pouvons-nous espérer, avec l'acte III de la décentralisation, de vraies réformes de simplification ?
Guillaume Pépy l'a dit récemment, si l'on passe beaucoup de temps sur les questions institutionnelles, c'est pour régler ce meccano ! La prévision d'augmentation des coûts, 2,5 %, est limitée. Mais qu'en est-il du frottement entre les gares existantes et les nouvelles : qui paiera le passage de l'une à l'autre ? Comment parvenir à la gare unique où le voyageur trouvera son train, le RER, le métro Grand Paris Express ? Les gares sont un objet de demain. Doivent-elles rester la propriété de la SNCF ?
Je reviens sur les livraisons. Je préside un club « du dernier kilomètre » : dans certaines villes d'Europe, les tramways sont employés, en dehors des heures d'affluence, aux livraisons en milieu urbain, en lieu et place des camions. Pourquoi réserver ce mode de transport aux voyageurs ? Utopie, direz-vous : mais regardez ce qui se fait ailleurs ! Il serait dommage d'écarter cette piste.
Le TGV Paris-Normandie s'arrêtera à la gare de Nanterre-La Défense, avec une correspondance sur la ligne rouge, pour des trajets de banlieue à banlieue ; et de l'arrêt suivant, au centre de Paris, gare saint-Lazare, on rattrapera la ligne 14 pour Orly. Autrement dit, on ne passera pas forcément par le centre de la capitale.
La loi est claire : la SGP est chargée de construire un nouveau métro, mais elle n'est pas une autorité organisatrice de transport ! Notre rôle consiste à construire des gares, des tunnels, des sites de maintenance. Nous pouvons être aménageurs si l'Etat et les collectivités le décident. C'est la RATP qui sera gestionnaire de l'infrastructure. La répartition est similaire à celle qui existe entre RFF et la SNCF. Le Stif exerce ses prérogatives d'autorité organisatrice et lorsqu'il suggère tel emplacement de gare, qui améliore une correspondance avec le RER ou le métro parisien, son avis a tout son sens.
Vous demandez : qui fait quoi ? Je préfère me demander : est-ce que nous avançons ? Oui, nous avançons, et tambour battant : c'est ce qui compte. Il y a deux ans, la SGP n'existait pas ; aujourd'hui, nous abordons la première enquête publique. Nous n'avons pas avancé seuls ; un tel projet ne peut réussir que grâce à une bonne concertation avec les collectivités et les opérateurs. Lors des 21 réunions publiques organisées sur la ligne rouge sud, étaient présents non seulement le public et les élus, mais également le Stif, la RATP, la SNCF, RFF. Nous avons préparé ensemble les réunions ; les questions ont porté sur la nouvelle infrastructure mais aussi sur le fonctionnement actuel du RER ou du métro. Je crois que nos concitoyens ont eu le sentiment que les pouvoirs publics fonctionnaient dans l'harmonie. Soulignant à plusieurs reprises qu'il existait un accord entre l'Etat, la région et les autres collectivités, Pierre Serne, vice-président du conseil régional en charge des transports et vice-président du Stif, ne disait pas autre chose. De même, le 26 juin dernier, Mme Duflot indiquait que les questions de gouvernance viendraient en leur temps : dans l'immédiat, l'important était d'avancer.
L'augmentation de 2,5 % s'entend à périmètre constant. Les coûts d'interconnexion entre nouvelles gares et gares existantes ne seront pas énormes. La répartition du financement des travaux sera l'objet de discussions, mais cela ne se chiffrera pas en milliards d'euros. Le plus important, c'est que les voyageurs n'aient pas à subir de désagréments parce que la gare SNCF ou la station RATP n'auraient pas été redimensionnées avant la mise en service du nouveau réseau, qui augmentera nécessairement les flux.
Une seule gare ? Tout dépend des situations. Dans tel cas, il faudra construire une nouvelle gare, avec une unité signalétique et de mobilier : nous la prendrons en charge. Dans d'autres cas, la gare unique ne sera pas possible : l'enjeu fondamental sera la qualité des correspondances avec la gare SNCF ou RATP existante. Dans les réunions, les questions du public sont très pratiques et portent le plus souvent sur le temps de correspondance - personne n'est jamais intervenu pour dire que notre système était absurde.
Vos propos prouvent que le projet dépasse la ville de Paris et même la région Ile-de-France. Tous ceux qui voudront se rendre à un aéroport en mesureront les bienfaits. Il contribuera au rayonnement de la capitale, et de l'ensemble du pays.
Certaines expériences de fret marchandises sont en effet menées avec les tramways. Je n'ai quant à moi rien contre le fret ! Mais le mélange de plusieurs sillons créé des difficultés de fonctionnement. Lorsque le schéma d'ensemble sera réalisé, les métros se succèderont à une fréquence d'environ deux minutes...
Non ! Aux heures de pointe nous descendrons à 85 secondes ! Insérer d'autres trains, même en dehors des heures de pointe, n'est pas simple. Et les plages horaires disponibles, celles de la nuit, seront réservées en priorité à l'entretien.
A ce jour, ni trains ni métros de fret ne sont donc prévus. Nous nous efforçons pour l'instant de garantir un service de qualité aux voyageurs et les contraintes sont déjà nombreuses. La ligne rouge, par exemple, longue de 100 kilomètres, sera entrecoupée de terminus intermédiaires, pour des raisons d'exploitation et de qualité de service - car plus la distance est grande, plus les difficultés techniques ont de conséquences. Dans le projet de Christian Blanc, la ligne bleue partait d'Orly et remontait jusqu'à Roissy : une ligne directe de 55 kilomètres ! Nous avons décidé de la couper à Saint-Denis Pleyel. Enfin, un autre facteur empêche l'intégration du fret, il s'agit de la vitesse : il est prévu 60 kilomètres par heure en moyenne, avec des pointes à 110. Le tramway va beaucoup moins vite...
Je suggérais que l'on n'écarte pas l'hypothèse a priori. Ces obstacles ne sont peut-être pas insurmontables.
Je resterai humble sur ce sujet. Plusieurs points pourront être revus avec l'autorité organisatrice, qui a le choix de l'exploitant. A elle de décider. Enfin, je le répète, des zones de livraison et des conciergeries sont prévues en gare, pour retirer les paquets qui auront par exemple été commandés sur internet.
Quand on a vu comment les livraisons se passent à Venise, on sait que tout est possible !
Lorsque je suis devenu président de la compagnie des transports strasbourgeois en 1989, j'ai découvert avec stupeur qu'un des actionnaires, une société d'économie mixte, était une entreprise de sucrerie d'Erstein. C'est que dans l'entre deux-guerres, on transportait la betterave de l'ouest au sud de Strasbourg par tramway de fret ! Ce que je cherche, c'est le moyen d'éliminer ou réduire la circulation des camions de 20 tonnes qui bloquent la circulation du centre-ville.