Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission entend MM. Jean-Loup Salzmann, président, Khaled Bouabdallah et Gérard Blanchard, vice-présidents de la Conférence des présidents d'université (CPU), sur le projet de loi n° 614 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.
La CPU a suivi avec beaucoup d'attention l'élaboration de cette loi, comme celle de la précédente d'ailleurs. À l'issue du processus de concertation, nous sommes globalement satisfaits sauf sur un point. Le sujet qui nous a le plus intéressé concerne la réussite des étudiants. Il y a plusieurs dispositifs originaux dans cette loi. Le premier concerne la possibilité d'expérimentation d'autres voies d'accès en médecine, comme la licence santé qui offre une entrée progressive ou l'utilisation d'une passerelle. Cette perspective de changement va éviter la sélection par l'échec et offrir de meilleures conditions de réussite. Le dispositif « bac -3/bac +3 » comprend toute une série de dispositions relatives aux classes prépa, aux bacs pro et aux bacs techno. Dernier point : l'accueil des étudiants étrangers non francophones et les cours dispensés en langues étrangères. Sur ce sujet, la position de la CPU est claire : la « loi Toubon » ne devrait pas s'appliquer aux universités. Encore une fois, il s'agit d'améliorer notre attractivité.
J'interviendrai sur la problématique de la gouvernance des universités. Actuellement, il existe trois conseils : le conseil d'administration, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire. La loi prévoit la fusion des deux derniers conseils en un conseil académique qui aura la charge du suivi individuel de la carrière des enseignants-chercheurs. La qualité de leur recrutement est stratégique.
Une autre question importante touche à la présence d'un président du conseil académique à côté d'un président d'université. Le risque lié à une direction bicéphale est une source d'inquiétude qui peut rendre l'université ingouvernable. Deux présidents, ça veut dire deux équipes et des inquiétudes sur le pilotage de l'établissement. À cette inquiétude sur la stratégie, vient s'ajouter celle relative aux capacités et aux moyens.
Concernant les communautés d'universités, notre position est favorable même si nous avons quelques interrogations. Le principe de base est que la construction doit être le fruit des acteurs territoriaux, cela doit être un projet partagé. Sur la gouvernance des établissements, la question de la représentation de ces établissements est fondamentale. Le conseil académique est une avancée mais il ne doit pas désorganiser l'ensemble. Il risque d'y avoir un conflit de légitimité. Un autre point qui me paraît important, c'est la place qu'occupent les établissements sans tutelle stricte de l'État.
Enfin sur le volet « recherche », je relève deux points. D'une part, la notion de transfert est importante. Il est normal de retourner vers la Nation le produit de nos recherches. Je suis très attaché à cette notion. D'autre part, le sort réservé à l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) nous préoccupe. Peu importe sa structure juridique, c'est son indépendance, la transparence de ses mécanismes de décision, la possibilité de s'appuyer sur ses avis qui importent. Nous sommes très attachés à ses trois missions - l'évaluation des établissements de recherche, l'évaluation de nos formations et l'évaluation de la gouvernance -, qu'elle doit exercer de façon concomitante. Nous restons très vigilants sur le devenir de la structure chargée de l'évaluation.
Depuis le passage à l'autonomie, qui a été une excellente chose, l'essentiel des moyens des universités provient de la subvention pour charge de service public. Elle couvre essentiellement les salaires des personnels titulaires des établissements et, en partie, les crédits de fonctionnement. Or cette année, les crédits de fonctionnement ont baissé à cause de la hausse de la masse salariale liée à la réforme des retraites et au glissement vieillissement technicité (GVT), insuffisamment compensés.
Nous commençons à comprendre les enjeux de ce texte de loi, à mesurer les avancées et les manques. Il reste des insatisfactions.
Sur la réussite étudiante, c'est la mission essentielle de l'université. Il y a une critique qui revient souvent sur ses nouvelles missions d'insertion et d'orientation professionnelle qui sont parfois perçues comme contradictoires avec l'enseignement supérieur. Que pensez-vous de la revendication d'une plus grande liberté dans la construction des parcours des étudiants ?
Sur l'accueil des étudiants étrangers, j'ai beaucoup travaillé à l'amélioration de cet accueil.
Comment envisagez-vous concrètement le dispositif d'orientation continue « bac -3/bac +3 » ?
Sur la gouvernance de l'université, apparaît une proposition intermédiaire entre l'association et la fusion, de création d'un organe confédéral qui garantisse une représentation équilibrée de l'instance supérieure avec une prise de décision collégiale. Comment aller vers une meilleure représentation des composantes des établissements ?
Sur l'intérêt de préciser les contrats de site, faut-il aller jusqu'à mettre en place un contrat d'objectifs et de moyens ? Les instituts universitaires de technologie (IUT) le réclament.
Concernant la recherche, l'introduction de la valorisation de la recherche par le transfert, qui a fait l'objet de nombreuses discussions, est une source d'inquiétude pour certains chercheurs. Y a-t-il d'autres formes de transfert qu'industriel ? Cette tendance est-elle portée par le milieu universitaire ?
Enfin, sur les moyens, le contexte économique étant ce qu'il est, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche doit être préservé même si les crédits de fonctionnement sont en baisse. Comment envisagez-vous de faire des économies d'échelles ?
La réussite des étudiants est pour nous une préoccupation permanente. Nous souhaitons que les mécanismes de promotion sociale supplantent les mécanismes de reproduction sociale. Nous sommes aussi attachés à la bonne insertion professionnelle de nos étudiants et nous n'avons pas attendu la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) pour agir en ce sens.
Cela dit, si l'insertion constitue une priorité, elle ne doit pas conduire à une sorte de formatage de personnes déterminé par les besoins du marché du travail : l'université doit élever les esprits, certes en dispensant des connaissances, mais aussi en transmettant une certaine culture de la recherche, du doute scientifique et de la pluridisciplinarité.
Nous, présidents d'universités, envisageons la recherche et l'élévation générale du niveau de connaissances comme les seuls moyens dont disposent les pays européens pour maintenir la compétitivité de leurs économies face à la concurrence des pays émergents. L'objectif défini au niveau européen est que la moitié d'une classe d'âge puisse parvenir à un niveau équivalent à la licence et que chacun puisse par ailleurs bénéficier de transferts de connaissances tout au long de sa vie professionnelle.
S'agissant des contrats d'objectifs et de moyens, nous sommes évidemment confrontés à certaines réticences émanant de nos propres composantes, mais nous voulons croire que ces difficultés pourront être surmontées par le dialogue sur les stratégies et sur la gestion.
Nos relations avec les IUT ont, elles aussi, constitué une difficulté, mais la situation s'est très nettement améliorée comparée à celle d'il y a cinq ans. Nous partageons un certain nombre d'objectifs avec les directeurs d'IUT et nous avons une grande considération pour les 25 % d'étudiants qui fréquentent leurs établissements. Si des problèmes persistent, ils sont le fait de difficultés relationnelles entre des personnes, qui sont du ressort du ministère plus que du domaine de la loi.
Sans pour autant « secondariser » l'enseignement supérieur, les universités doivent s'intéresser aux questions liées à l'orientation, voire à la ré-orientation, éventuellement vers l'alternance, pour favoriser l'insertion professionnelle. Faute de quoi nos étudiants préfèreront se diriger vers d'autres types d'établissements. La fonction de production et de diffusion de connaissances est compatible avec les objectifs d'insertion professionnelle. À la Rochelle où nous menons les deux de front, nos effectifs ont augmenté de 20 % en quatre ans.
La Conférence des présidents d'université se félicite du changement de climat qui s'est opéré quant à la façon d'envisager les étudiants étrangers, mais nous regrettons qu'aucune disposition concrète ne soit prise en leur faveur dans ce projet de loi - ce qui nous aurait permis d'agir dès la rentrée - et qu'il faille attendre un prochain texte.
Sur les nouvelles procédures de gouvernance, nous aurions souhaité que la diversité des pratiques des universités, qui sont le reflet de la diversité de nos territoires, soit mieux prise en compte par le projet de loi. On aurait pu aussi s'attendre à ce que les établissements membres des nouvelles structures soient mieux représentés dans leurs organes de décision.
Pour que la collégialité puisse s'appliquer, les rapports avec les composantes doivent être fondés sur le partage et non sur l'affrontement. Les contrats d'objectifs et de moyens doivent être vécus dans un contexte participatif et non défensif, car au sein des communautés d'universités et établissements, les économies d'échelle ne pourront s'opérer que si l'on passe d'une logique de compétition à une logique de coopération.
S'agissant aussi bien de la politique doctorale, que de l'international ou que du numérique, d'importants chantiers sont à ouvrir. Mais rien ne saurait être entrepris sans une clarification de la gouvernance, qui seule pourra éviter les conflits et les blocages.
Les directions bicéphales semblent être source de difficulté et il apparaît que les instances de gouvernance proposées par le projet de loi laissent peu de place à la collégialité.
Le débat est encore ouvert quant à la nature fédérale ou confédérale des communautés d'universités et établissements. Par ailleurs, ne faudrait-il pas envisager une pondération des voix exprimées dans les conseils, pour éviter qu'un établissement ayant peu d'effectif pèse autant qu'un établissement accueillant de nombreux étudiants ?
Je souhaiterais aussi avoir des éclaircissements sur la notion de transfert promue par le texte qui m'apparaît floue et ambiguë.
Ma première question porte sur le volet du projet de loi relatif à la réussite des étudiants, dont il me semble que les dispositions ne sont pas suffisamment ambitieuses au regard des enjeux de l'orientation post-baccalauréat. En effet, si le droit et la médecine continuent à attirer les étudiants, qui ne peuvent suivre ces enseignements que dans le cadre de l'Université, tel n'est pas le cas des filières scientifiques, littéraires et économiques. Quelles sont les stratégies d'attractivité mises en place par les universités pour y favoriser l'inscription des meilleurs étudiants plutôt qu'en écoles de commerce ou dans les classes préparatoires ?
Je souhaiterais ensuite connaître votre opinion sur l'efficacité des mesures prises ces dernières années en vue d'améliorer la réorientation des étudiants en situation d'échec à l'issue de la première année de médecine.
Enfin, et ce sera ma troisième question, quelle est votre opinion sur la présence des collectivités territoriales dans les contrats de projet et les contrats de plan État-Région ? Les collectivités désirent en effet être associées à leur élaboration s'agissant du volet relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche. De la même manière, êtes-vous favorable à l'association des collectivités territoriales à l'élaboration des contrats de site ?
Il est exact que le GVT induit des frais croissants pour les universités, conduisant un quart d'entre elles à connaître une situation financière déficitaire.
Le projet de loi a pour ambition de remettre de l'ordre dans le système de gouvernance de l'enseignement supérieur et de la recherche. De nombreuses incertitudes planent toutefois sur la signification concrète du dispositif proposé : comment vont être mises en place les communautés universitaires ? Comment l'État assurera-t-il une offre de formation variée et de qualité sur l'ensemble du territoire ? Comment s'organisera la collaboration entre des établissements de statuts différents ? Comment seront pilotées ces nouvelles structures d'un périmètre considérable en termes de personnel et de nombre d'étudiants ? À ces questions s'ajoute la difficulté que représentera la présidence bicéphale des universités. Je m'interroge, enfin, sur l'ouverture du collège électoral du président du conseil d'administration à des personnalités extérieures, qui me semble constituer une brèche dans l'autonomie des établissements et des communautés d'établissements.
Vous avez insisté sur les progrès réalisés ces dernières années en faveur de l'Université et notamment sur l'augmentation des moyens budgétaires dont elle a bénéficié, même si la situation financière des établissements est actuellement plus délicate. À cet égard, l'augmentation des frais de scolarité, et à quel niveau, vous semble-t-elle constituer une solution à considérer pour assainir leur bilan ?
Concernant la gouvernance des universités et le risque de blocage lié à une direction bicéphale, vous semble-t-il important de modifier le dispositif du projet de loi ?
Les universités se sont saisies efficacement des nouveaux outils créés en leur faveur, il y a cinq ans. Si certains d'entre eux nécessitent probablement une révision, il me semble qu'une transformation complète du système mis en place n'est pas souhaitable.
Enfin, puisque vous avez évoqué le sujet des études de médecine, quelle serait, selon vous, la solution pour remédier aux déserts médicaux sur le territoire national ?
Les présidents d'université estiment que la démocratie universitaire, c'est-à-dire l'élection d'un président et d'une équipe sur la base d'un programme par des collèges d'enseignants et d'étudiants et suivant des règles de pondération, est un gage d'efficacité. Mais si la collégialité constitue un mode de gouvernance obligatoire dans la culture universitaire, il convient de prendre garde de ne pas créer de contre-pouvoirs qui conduiraient à des situations de blocage.
S'agissant de l'intégration de personnalités extérieures à ces collèges électoraux, après avoir estimé qu'elles devaient être strictement choisies par les collèges eux-mêmes, la CPU s'est rangée à une position de compromis : certaines personnalités extérieures (les représentants des collectivités territoriales et des organismes de recherche) seraient inscrites dans les statuts de l'établissement, les autres (les représentants des employeurs, par exemple) désignées par le conseil d'administration.
De la réorientation des étudiants à la mutualisation des concours médicaux et paramédicaux, les différentes tentatives pour remédier à l'échec en première année de médecine ont échoué depuis quarante ans. À cet égard, il convient de saluer l'expérimentation proposée par le projet de loi, qui devra en tout état de cause faire l'objet d'une évaluation avant toute généralisation.
Pour répondre aux craintes exprimées sur les regroupements d'universités et sur le pilotage des structures ainsi créées, je souhaite rappeler que les pôles de recherche et d'enseignement supérieur existent d'ores et déjà et comprennent parfois un très grand nombre d'étudiants (par exemple 120 000 au sein du Pres Lyon-Saint-Étienne). Pour autant, la question de l'efficacité du pilotage, que nombre d'entre vous avait évoquée, est essentielle : la pondération doit être élaborée de façon à ce que les établissements les plus modestes ne soient pas en mesure de bloquer l'ensemble du système. La mise en place de ces règles doit toutefois être laissée aux acteurs : elle ne ressort pas du domaine de la loi.
En réponse à la question de M. Maurice Vincent sur la position de la CPU à propos du rôle des collectivités territoriales dans l'élaboration des différents contrats, j'indiquerai que les débats ont été vifs au sein de notre instance sur le risque que pouvait comporter une « régionalisation » de l'Université. En effet, les universités souhaitent rester des établissements de l'État et conclure avec lui seul les contrats de site, même si le dialogue et la collaboration avec les collectivités territoriales, qui participent au financement de certains équipements universitaires, demeurent indispensables.
Les universités ont mis en place de nombreuses démarches pour attirer les étudiants. Ainsi, les instituts d'administration des entreprises (IAE) concurrencent efficacement les écoles de commerce. Dans la même logique, plusieurs masters en ingénierie ont également été créés ainsi que des formations en double cursus (numérique et droit ou numérique et histoire, à titre d'exemple).
Concernant les moyens budgétaires consacrés à l'Université, j'indiquerai à Mme Colette Mélot qu'il ne serait ni souhaitable ni efficace de redéployer, à enveloppe constante, les moyens disponibles entre les établissements. Au contraire, une augmentation de trois cents millions d'euros du budget annuel de l'enseignement supérieur et une compensation intégrale du GVT permettraient aux universités françaises de fonctionner de façon satisfaisante.
Pour répondre enfin aux interrogations suscitées par les dispositions du projet de loi relatives à la gouvernance, il semble à la CPU qu'il conviendrait que le président du conseil d'administration préside également le conseil académique ou, à tout le moins, soit chargé de proposer un candidat.
Dans la loi, l'État s'engage à l'égalité territoriale. C'est une mission nouvelle mais nous faisions déjà du transfert sans le savoir. La plupart des universités se sont engagées dans des sociétés d'accélération du transfert de technologie en partenariat avec les collectivités locales et les organismes de recherche. Et, cela marche très bien. La plupart ont déjà transféré toute une série de savoirs. Il apparaît normal que l'État obtienne des retombées sur le tissu industriel et dans les universités.
Il me semble très important de montrer les débouchés et le taux d'insertion, pour attirer les étudiants.
Je m'intéresse à la place des IUT dans la gouvernance. Il existe des inégalités de traitement sur le territoire même si la situation s'améliore. Un tiers des IUT n'ont pas de budgets propres intégrés de niveau 2 et deux tiers des IUT ne bénéficient pas d'un contrat d'objectifs et de moyens qui garantisse leur capacité à réaliser leur mission. Par ailleurs, la place des élus dans cette gouvernance est très importante, y compris les conseils généraux, qui ont leur place dans les conseils d'administration et dans le financement.
L'une des priorités me semble être l'ascension sociale. Le barrage de l'argent existe-il toujours ? La démocratisation progresse-t-elle ? Quel est le taux de réussite ? Je suis très favorable au développement des passerelles. Est-ce que l'université répond aux besoins de tous les jeunes ?
Les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) vont succéder aux IUFM, qu'en pensez-vous ? La formation des enseignants laissait à désirer. La professionnalisation des enseignants devra être développée.
J'aimerais qu'en tant que grands responsables universitaires, pas forcément très intéressés par les problématiques de la régionalisation, vous nous indiquiez si le texte que l'on nous présente suscite chez vous un accord profond. Est-ce qu'il répond, selon vous, aux exigences d'élévation du niveau de nos étudiants ? Est-ce qu'enfin vous trouvez normal que la 5e puissance économique mondiale concentre ses efforts sur l'école plutôt que sur l'enseignement supérieur ?
Le groupe socialiste est favorable au projet de loi, qui aborde des sujets non traités par la loi LRU.
Vous aurez l'occasion de dire cela ce soir lors de l'audition de Mme Fioraso et mercredi prochain pendant l'examen du rapport de notre collègue Dominique Gillot.
Je voulais préciser que les articles 48 et 49 traitent de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. On pourrait certes considérer que le nom et l'organisation de la structure chargée de cette mission importe peu si la fonction perdure, mais ces changements peuvent s'avérer préjudiciables dans la mesure où la nouvelle instance aura besoin de temps pour construire sa crédibilité.
En réponse à l'intervention énergique de M. Daniel Percheron, je reconnaîtrai qu'à l'évidence, le texte qui nous est proposé ne constitue pas une réforme d'envergure pour l'enseignement supérieur et la recherche. Comme en 1981, où le projet d'intégrer les grandes écoles à l'Université avait été abandonné rapidement face à l'opposition ferme des grands corps, les obstacles à une telle réforme sont encore nombreux. En guise d'illustration, j'indiquerai que, lors des réunions interministérielles consacrées au présent projet de loi, le sujet le plus âprement débattu concernait la possibilité, pour les docteurs, d'intégrer l'École nationale d'administration (ENA). La CPU aurait pour sa part souhaité une loi ambitieuse, qui aurait permis à l'Université française d'atteindre les standards internationaux en rassemblant aussi bien les grandes écoles que les organismes de recherche. Une telle ambition nécessite des moyens budgétaires (il conviendrait à tout le moins que l'État dépense autant pour un étudiant que pour un lycéen), mais également une évolution des mentalités (le titre de docteur devrait être la référence ultime pour les entreprises, ce qui est loin d'être le cas). À défaut, la CPU a travaillé du mieux possible sur les dispositifs proposés par le projet de loi.
Concernant la réforme de l'Agence d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche (AERES), nous considérons qu'elle aurait pu se limiter à une révision de son règlement. Malheureusement, certains ont préféré revenir à un système où les chercheurs s'évaluent « entre amis ».
La « mastérisation » de la formation des enseignants a constitué une expérience difficile pour les universités. À cet égard, la CPU se félicite de la création des ÉSPÉ par la future loi de programmation et d'orientation pour la refondation de l'école de la République, même si le calendrier de mise en oeuvre de la réforme est extrêmement contraint : la loi n'est pas encore votée mais les ÉSPÉ doivent être capables d'ouvrir leurs portes le 1er septembre.
Je rappellerai à Mme Maryvonne Blondin que les IUT ont été intégrés aux universités il y a quarante ans, avec des garde-fous afin que ces dernières ne les dépècent pas. Des précautions identiques ont été prises à l'égard des facultés de médecine : elles disposaient à l'origine de la personnalité morale, puis l'ont progressivement abandonné tandis que se formait un lien de confiance avec leurs universités d'accueil. Les relations entre les IUT et les universités dont ils dépendent sont en général satisfaisantes. A contrario, ces relations sont parfois difficiles avec les facultés de droit. Les IUT bénéficient également d'un réseau national et disposent tous d'un contrat d'objectifs et de moyens, même s'il est vrai que tous n'ont pas été actualisés. Sur ce point, la CPU propose que cette actualisation, longue et de peu d'intérêt, ne soit réalisée que tous les cinq ans. Enfin, les directeurs d'IUT sont ordonnateurs de droit, alors que les directeurs de composante ne sont qu'ordonnateurs secondaires.
Alors que la France et l'Union européenne affichent un objectif de 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur, le résultat n'atteint aujourd'hui que 40 %. Il faut donc plus d'ambition et davantage de moyens pour améliorer notre performance car le potentiel existe : à titre d'exemple, à la Rochelle, malgré une proportion importante d'étudiants boursiers, l'échec à l'issue de la première année s'est considérablement réduit et le taux d'insertion professionnelle n'a cessé de croître.
La commission décide de saisir pour avis la délégation aux droits des femmes sur le projet de loi n° 614 (2012-2013) adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Coprésidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente, et de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques -