Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 9 juillet 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • fraude
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La réunion

Source

La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi portant reconnaissance et développement de l'économie sociale et solidaire, et nomme M. Jean Germain rapporteur pour avis sur ce texte.

La commission désigne M. Jean-Claude Frécon candidat au poste de sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Établissement public de financement et de restructuration.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. François Marc sur le projet de loi n° 690 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'Assemblée nationale a introduit dans ce projet de loi nombre d'amendements, sans doute puisés à bonne source, qui ont dilaté la partie relative à la procédure fiscale. La commission des lois, saisie au fond, élaborera son texte demain ; le rapporteur général présentera à nos collègues des lois nos amendements et leur fournira des éléments d'appréciation sur un projet de loi qui apporte des innovations importantes en droit fiscal. La commission des finances doit ici jouer tout son rôle. Je rappelle que la saisine porte sur les articles 3 bis A, 3 bis D, 10, 11 bis B, 11 bis D, 11 bis, 11 quinquies, l'article additionnel après l'article 11 septies, les articles additionnels après l'article 11 nonies,

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce texte fait partie du « paquet » adopté par le Conseil des ministres du 24 avril dernier et complété le 7 mai, qui comprend également deux projets de loi, organique et ordinaire, relatifs à la transparence de la vie publique et un projet de loi organique relatif au procureur de la République financier. Ces quatre textes ont été renvoyés au fond à la commission des lois. Les deux premiers font l'objet d'une discussion générale commune aujourd'hui même en séance publique ; le troisième fera l'objet d'une discussion générale commune, le 17 juillet prochain, avec le présent texte.

Celui-ci a été considérablement enrichi depuis son dépôt. Aux douze articles du projet initial se sont ajoutés neuf articles relatifs aux juridictions spécialisées en matière économique et financière, insérés par lettre rectificative adressée au président de l'Assemblée nationale le 7 mai, qui résulte de la création du procureur financier prévue par le projet de loi organique adopté le même jour en Conseil des ministres. Ils n'entrent toutefois pas dans le champ de notre avis. Surtout, l'Assemblée nationale a adopté un grand nombre d'amendements portant articles additionnels, portant leur nombre à 63.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Outre la fraude fiscale et les relations entre l'administration fiscale et la justice, nombre de ces articles concernent le code des douanes. Finalement, nous avons affaire à un texte portant « diverses dispositions relatives à la lutte contre les fraudes ». C'est, après tout, un support plus adapté qu'un collectif budgétaire pour traiter de questions assez techniques.

Au total, le champ de notre avis est passé de quatre à vingt-huit articles, de nature très diverse. Ils visent pour l'essentiel : à accroître les moyens d'investigation de l'administration fiscale ; à augmenter les obligations déclaratives et les contrôles pouvant être opérés ; à élargir les preuves pouvant être utilisées à l'appui des procédures de redressement fiscal ; à élargir le champ des infractions ou la prise en compte des circonstances aggravantes ; à renforcer les sanctions applicables aux délits.

Si le calendrier a pu être accéléré par les évènements du printemps - ce que l'on a appelé l'affaire Cahuzac - ce n'est pas pour autant un texte de circonstance. Le collectif budgétaire de fin 2012 comportait déjà un important volet de lutte contre la fraude, devant rapporter un milliard d'euros supplémentaire en 2013. Il faisait suite aux initiatives prises par le gouvernement précédent dans le collectif de fin 2011 et dans la première loi de finances rectificative pour 2012 : preuve que le sujet ne suscite pas de clivage politique, malgré des nuances, par exemple sur le rapatriement des avoirs non déclarés à l'étranger. Plusieurs députés UMP ont ainsi déposé une proposition de loi en faveur de l'amnistie, tandis que le ministre du budget a privilégié l'application du droit commun, avec un traitement moins dur toutefois que celui qui sera appliqué après l'entrée en vigueur de ce projet de loi, afin d'inciter les évadés fiscaux à revenir avant.

Dans une période de crise où l'effort de redressement des comptes publics conduit à augmenter la pression fiscale, aucun revenu ne doit échapper frauduleusement à l'impôt. Cette préoccupation n'est d'ailleurs pas spécifiquement française, nous l'avons constaté lors de l'audition conjointe de Mme l'ambassadeur d'Autriche, de Pascal Saint-Amans et d'Edouard Marcus par notre commission, la semaine dernière. Je ne reviens pas sur les avancées en matière d'échanges d'information et sur les conséquences de la législation américaine.

Nous n'en avons sans doute pas fini avec notre travail législatif. Les progrès considérables de la coopération européenne et internationale auront forcément des conséquences en droit interne, et le Parlement s'est pleinement emparé du sujet - le Sénat en premier lieu, avec la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux, qui a inspiré bon nombre d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale. D'autres travaux devraient aboutir prochainement : les missions d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur l'optimisation fiscale des entreprises et sur la fraude fiscale des personnes physiques ; la commission d'enquête du Sénat sur le rôle des banques dans l'évasion des capitaux, dont Eric Bocquet est à nouveau le rapporteur. Le prochain projet de loi de finances comprendra des dispositions sur l'encadrement des prix de transfert, faisant suite au récent rapport de l'inspection des finances. Enfin, notre président Philippe Marini a déposé la semaine dernière une proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre l'évasion et la fraude fiscale des entreprises multinationales, qui traite des prix de transfert et de l'abus de droit.

Le débat à l'Assemblée nationale a notamment porté sur le monopole de l'administration fiscale pour les poursuites pénales en matière fiscale. La fraude étant une irrégularité ou une omission intentionnelle au détriment des finances publiques, la lutte contre la fraude vise d'abord à réparer ce préjudice et faire rentrer l'argent dans les caisses de l'Etat. S'il est légitime qu'il y ait des sanctions dissuasives, l'intervention de la justice n'est pas pour autant une panacée : elle maîtrise mal cette matière très technique qui exige d'établir l'assiette de l'impôt ; elle condamne à des amendes faibles et à très peu de peines de prison - une seule peine, d'un mois, ces dernières années - et la sanction définitive n'intervient qu'après plusieurs années. Afin de préserver le rendement et la rapidité des procédures, privilégions le pragmatisme plutôt que le dogmatisme, qui voudrait que seule l'intervention de la justice préserve l'équité de traitement et les libertés publiques.

Si le moment peut favoriser un « concours Lépine » de la lutte contre la fraude, il convient de garder à l'esprit le principe de proportionnalité de la peine et de ne pas imposer aux entreprises des contraintes qui ne seraient pas proportionnées à l'objectif de rendement visé.

Les douze amendements que je défendrai ne modifient pas la philosophie du texte. Ils tiennent compte des angles morts qui sont mis à profit par les fraudeurs, en renforçant l'accès à l'information des administrations fiscale et douanière et en augmentant les sanctions, notamment en cas d'obstruction aux contrôles.

L'amendement concernant la recevabilité des preuves fera sans doute débat. Le texte actuel ne permet pas à l'administration fiscale de fonder des redressements sur la base d'informations qui lui auraient été transmises directement, en dehors de son droit de communication : elle ne tient compte que des informations qui lui sont « régulièrement transmises ». Le Gouvernement craint en effet qu'un élargissement de la recevabilité de la preuve pose problème au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Ces craintes ne me semblent pas fondées. Il est utile, sans aller jusqu'à rémunérer les informateurs comme en Allemagne, ce qui pourrait être perçu comme un encouragement à la délation, de pouvoir exploiter des renseignements transmis par des informateurs ou « lanceurs d'alerte » ; l'histoire récente nous montre que de tels cas ne sont pas hypothétiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Qui sont ces « lanceurs d'alerte » ? Pour ma part, ce terme me fait surtout penser à l'Occupation...

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Cette notion de lanceur d'alerte existe-t-elle déjà en droit français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Le texte issu de l'Assemblée nationale est intéressant, et perfectible. La commission d'enquête du Sénat sur l'évasion des capitaux, présidée par M. Dominati et dont M. Bocquet était rapporteur, s'était penchée sur les moyens de lutter contre la fraude fiscale. Nombre d'amendements de l'Assemblée nationale sont inspirés de ses conclusions, ce qui confirme l'intérêt de ces travaux d'investigation. Nous avions notamment perçu toutes les difficultés rencontrées par l'administration fiscale pour faire la preuve de la fraude. Sur ce point, le texte permet d'avancer. Pouvez-vous nous éclairer sur la capacité de l'administration fiscale à agir à partir des informations qu'elle reçoit ? Dans quel cas ces informations sont-elles exploitables ? Les informateurs sont-ils les salariés de l'administration fiscale qui tenteraient d'attirer l'attention sur tel ou tel dossier, ou des personnes extérieures ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La notion de lanceurs d'alerte a été consacrée par la loi du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte. Il s'agit donc ici d'une extension aux infractions financières.

L'administration fiscale française aurait eu connaissance des fichiers HSBC, dit-on, mais n'a pu les exploiter. En l'état actuel du texte, l'article 10 du projet de loi autorise l'administration fiscale à utiliser des preuves illicites uniquement si elles « sont régulièrement portées à sa connaissance » par l'autorité judiciaire, dans le cadre de son droit de communication par l'assistance administrative internationale. Cela ne permet pas d'exploiter sans risque les informations fournies, par exemple, par M. Falciani. Je propose un amendement pour remédier à cette insuffisance. En effet, quand la fraude fiscale en France est évaluée à près de 70 milliards d'euros - soit presque l'équivalent du déficit de l'Etat - tout est bon pour récupérer une partie de la recette, dans le respect des exigences morales, bien sûr.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Les enregistrements de conversations privées réalisés par le majordome de Mme Bettencourt relèvent-ils de l'alerte ou de la dénonciation ordinaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La disposition législative proposée par le rapporteur contourne une jurisprudence claire de la Cour de cassation, qui a estimé que des fichiers volés ne pouvaient servir de socle à des perquisitions fiscales.

Plusieurs personnes auditionnées par notre commission d'enquête sur l'évasion des capitaux imputaient la faible efficacité de notre système au monopole du ministre du budget en matière de poursuites. J'entends les arguments du rapporteur, mais puisqu'un procureur financier va être créé, il pourrait avoir l'initiative des poursuites. L'évaluation de l'assiette ne me paraît pas un obstacle...

On ne peut trancher des questions aussi sensibles sans débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Certes, il faut faire rentrer une partie au moins de ces 70 milliards, mais nous sommes un Etat de droit. Jusqu'ici, seules les informations obtenues légalement pouvaient servir de base à une action. On évolue vers une conception plus souple, permettant d'utiliser des informations obtenues de façon illicite. Aux États-Unis, les douaniers et les agents du fisc pratiquent l'infiltration, et même la provocation, pour faire tomber les fraudeurs. Mais dans un vieux pays catholique comme le nôtre, cela pose un problème moral.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

D'un côté, il faut lutter contre les fraudeurs qui ont amélioré leurs techniques ; de l'autre, maintenir l'Etat de droit... Je suis d'accord pour suivre le rapporteur, mais il faudra des garde-fous. C'est la menace de la sanction qui permet à l'administration fiscale d'obtenir une transaction. Ce système existe depuis peu en matière pénale : pourquoi ne pas l'adopter en matière fiscale ? Je ne vois rien qui s'y oppose. Le temps de l'administration fiscale n'est pas le temps du monde judiciaire.

La Cour de cassation s'est prononcée contre l'utilisation de preuves illicites. On se heurte au problème de la loyauté de la preuve. Faisons aussi le départ entre dénonciation et délation, comme c'est le cas dans le régime des lanceurs d'alerte. Le statut général des fonctionnaires impose à ceux-ci de dénoncer les faits délictueux dont ils ont connaissance. L'histoire de notre pays nous invite à la prudence. On peut imaginer un lanceur d'alerte qui ne serait pas désintéressé... La préservation des droits individuels est partie intégrante de notre République, ne l'oublions pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Un lanceur d'alerte qui fournirait des informations délibérément fausses pour discréditer quelqu'un serait-il sanctionné ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La commission des lois du Sénat a supprimé toute sanction contre les lanceurs d'alerte qui communiqueraient des informations non fondées, ce qui ouvre la voie à bien des dérives. Cela me choque. Comment garantir que les lanceurs d'alerte seront toujours de bonne foi ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dans l'affaire HSBC, le juge civil a refusé l'utilisation de preuves litigieuses ; à l'inverse, dans l'affaire Bettencourt, le juge pénal a accepté l'utilisation des enregistrements du majordome, mais il ne s'agit pas là de matière fiscale. J'y insiste, la préoccupation, en matière fiscale, est de récupérer des ressources. En Allemagne, l'administration fiscale peut acheter de telles listes.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Les fichiers HSBC n'ont pas été achetés mais volés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il serait paradoxal de refuser des listes qui nous sont transmises gratuitement dans le cadre d'échanges d'information. Je ne propose pas que la France achète des informations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le gouvernement allemand ayant acheté ces listes, les informations sont disponibles dans le circuit d'échange entre Etats. La question de la licéité de la preuve est complexe. L'ampleur de la fraude mérite que l'on fasse évoluer le mode d'intervention de l'administration fiscale. Les lanceurs d'alerte sont précieux, nous l'avons vu en matière de médicaments - je songe à l'intervention d'une certaine femme médecin spécialiste de l'hôpital de Brest...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

C'est vrai, mais on a aussi connu des alertes de mauvaise foi... J'ajoute qu'en droit français, la dénonciation doit être désintéressée, elle ne peut être rémunérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L'Etat français peut-il acheter de telles listes ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Non, sauf en matière douanière. Je ne le propose d'ailleurs pas.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 3 bis A

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du groupe Gauche démocrate et républicaine, institue un contrôle de l'attribution des numéros de TVA intracommunautaire afin de faciliter la lutte contre la fraude dite carrousel, comme le préconisait le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion des capitaux. L'amendement n° 1 sécurise le dispositif de délivrance du numéro de TVA intracommunautaire et permet un contrôle a posteriori.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 3 bis D

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'amendement n° 2 porte de 22 à 28 le nombre de membres de la Commission des infractions fiscales (CIF). Celle-ci pourra ainsi s'organiser en quatre sections de sept membres, sans risque de partage égal des voix au sein de chaque section. Le nombre de magistrats honoraires à la Cour de cassation, de conseillers d'Etat et de conseillers maîtres à la Cour des comptes est porté de six à huit. En outre, deux personnalités qualifiées sont désignées par le président du Sénat, deux par le président de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Peut-on être à la fois qualifié et indépendant ? Que se passe-t-il si un membre désigné par le président d'une assemblée se révèle être en situation de conflit d'intérêts ? Sans doute ai-je l'esprit mal tourné, mais est-il indispensable qu'une commission quasiment pré-juridictionnelle comme la CIF, comporte des membres désignés par les présidents des assemblées ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le nombre de sections composant la CIF est de niveau réglementaire, mais avec 22 membres, pour avoir un même nombre de membres dans les différentes sections, la seule option est d'avoir deux sections de onze membres chacune. D'où cet amendement qui préserve une certaine flexibilité et assure une répartition homogène des magistrats et des personnalités qualifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Certes, mais est-il pertinent que les présidents des assemblées désignent des membres de la CIF ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Beaucoup de hauts fonctionnaires sont soumis à une obligation de déclaration de patrimoine et d'intérêts. Les membres de la CIF le sont-ils également ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il me semble que la CIF est considérée comme pré-juridictionnelle par la Cour européenne des droits de l'homme, qui la soumet donc au respect des principes du contradictoire et d'impartialité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Sur les 1 126 plaintes soumises par l'administration fiscale en 2012, la CIF en a validé 88 %. Cette proportion est stable dans le temps. La commission retient un seuil de minimis de 100 000 euros, qu'elle peut toutefois abaisser en cas d'intention frauduleuse manifeste, constitué par exemple par l'usage de logiciels de caisse par certains pharmaciens ne comptabilisant pas les recettes en liquide. La CIF n'est pas un organe pré-juridictionnel : elle ne fait qu'émettre un avis sur l'opportunité des poursuites. Elle représente une forme de garantie pour le contribuable, puisqu'elle rejette la proposition de l'administration dans environ 10 % des cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

A-t-on besoin d'accroître le nombre des hauts fonctionnaires de la Cour des comptes ou de la Cour de cassation ? S'il est besoin d'un multiple de quatre, vingt-quatre serait plus indiqué ; et les deux membres supplémentaires pourraient être désignés par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

En outre, avez-vous pensé à instaurer la parité dans cet organe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je serais favorable à la suppression des membres désignés par les représentants des assemblées.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article 10

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'amendement n° 3, auquel le rapporteur de la commission des lois ne sera pas favorable, est le plus significatif déposé sur ce texte.

Aujourd'hui l'administration ne peut engager de redressement ni même d'enquête sur le fondement d'une information transmise directement par un tiers à l'administration fiscale, comme ce fut le cas dans l'affaire HSBC. Or l'exemple allemand a montré l'efficacité et le caractère dissuasif de l'achat d'une liste de fraudeurs.

L'article 10 prévoit que les documents que l'administration utilise ne sauraient être écartés au seul motif de leur origine. L'amendement n° 3 élargit le dispositif à tout mode de preuve, et notamment au cas de transmission directe par des particuliers. Aucun instrument, dès lors qu'il est légal et proportionné, ne doit être écarté pour lutter contre la fraude fiscale. Pour autant, contrairement à ce qui se pratique dans les services douaniers ou dans d'autres pays, aucun mécanisme de rémunération des éventuelles sources n'est prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les « aviseurs » des douanes ont existé de toute éternité. Et cela choquerait en matière fiscale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Cet amendement contourne la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux fichiers volés, qui concerne d'ailleurs de nombreux autres sujets. Les fichiers achetés ne posent pas de problème, mais vous visez les fichiers volés, autrement plus problématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'intérêt général étant en jeu, la fin justifie peut-être les moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale importe : les gens ne comprennent pas que tout le fisc soit au courant de fraudes et ne puisse agir. Dès lors, ne nous étonnons pas que la fraude fiscale se dilate...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les fraudeurs seraient dissuadés de frauder s'ils savaient que leurs secrets peuvent être percés par tout moyen voire par la commission d'un délit dans le pays où leurs avoirs se trouvent. Est-ce si immoral que cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Le dispositif proposé est non seulement illégal, mais encore impossible à mettre en oeuvre et potentiellement contraire aux objectifs affichés, car autoriser l'administration à faire des choses illégales dans un but moral ou éthique, c'est menacer purement et simplement l'Etat de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si nous en restons à la distinction de Jean Germain entre la dénonciation et la délation, cela sera au détriment de l'efficacité dont nous avons besoin dans la lutte contre la fraude.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le juge pénal accepte déjà les preuves volées : nous ne sommes pas là dans le registre de l'illégalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'Etat ne doit-il pas adapter ses modes d'intervention à la gravité des faits qui portent atteinte à l'intérêt et à l'ordre publics ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les écoutes sont-elles des informations volées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Non, elles sont autorisées selon l'intérêt public que l'on poursuit. Sans elles, il y aurait davantage d'insécurité et de drames dans notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Si l'on admet les écoutes, de quoi débat-on ici ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je me pose la même question. Restons-en là pour cet amendement. Le rapporteur pour avis a un rôle ingrat. Je rappelle que le texte initial ne comportant que quelques dispositions fiscales, il a été envoyé au fond à la commission des lois. Depuis, de nombreuses dispositions fiscales ont été introduites. Nous aurions également pu demander à la commission des lois de nous déléguer l'examen au fond de certains articles, mais celle-ci aurait de toute façon gardé le dernier mot sur le texte.

L'amendement n° 3 est adopté.

Article 11 bis B

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet article autorise l'administration des douanes agissant dans le cadre du code des douanes à recourir à des experts - car la fraude est de plus en plus sophistiquée. Mais le dispositif adopté à l'Assemblée nationale n'a pas prévu le cas dans lequel les douanes interviennent dans le cadre de leurs attributions fiscales. L'amendement n° 4 pallie cette lacune, notamment en matière de contributions indirectes.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article 11 bis D

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet article a été adopté à l'initiative des députées Karine Berger et Valérie Rabault. Il institue une obligation de justification, par les grandes entreprises, de leurs prix de transfert. Ce dispositif se greffe à des obligations de mise à disposition de documents lors des contrôles sur place. Conformément à la volonté des auteurs du dispositif, il est proposé une nouvelle rédaction de l'article afin de créer une nouvelle obligation déclarative à part entière figurant dans le code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J'aurai moi aussi un amendement à présenter, compatible avec celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les centrales d'achat des enseignes de grande distribution obligent leurs fournisseurs français à payer des redevances qui varient de 1 % à 2 % de leur chiffre d'affaires, les sommes étant payables à Zurich, Genève ou Bruxelles. Je conteste ces pratiques depuis plusieurs années, car elles s'apparentent à des transferts.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les prix de transfert sont ceux pratiqués entre deux entités d'un même groupe, mais immatriculées dans des territoires différents. Dans le cas que vous mentionnez, il y a rémunération d'un service.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ne faudrait-il pas prévoir quelque chose pour prévenir ces pratiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Sans doute, mais indépendamment de l'amendement du rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Oui, car on peut légiférer tant que l'on veut sur les contrats commerciaux, la loi sera contournée. Le fiscal en revanche, c'est du sérieux.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 11 bis

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La dernière loi de finances rectificative avait modernisé la procédure de perquisition fiscale afin d'autoriser les saisies informatiques. L'article 11 bis dote les douanes du même pouvoir, mais il a omis de sanctionner l'opposition aux opérations d'accès, de lecture ou de saisie des données informatiques lorsque les agents interviennent dans le cadre de leurs attributions douanières. L'amendement n° 6 y remédie en insérant une telle sanction dans le code des douanes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faudra un jour nous expliquer pourquoi il existe un code des douanes distinct du code général des impôts. N'ont-ils pas vocation à converger, sinon à fusionner ? Impôts et douanes récupèrent tous deux des taxes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le problème est celui de la fusion entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Fusionner les dispositions procédurales n'emporterait pas automatiquement celle des directions. Cela pourrait certes y préparer, ce qui serait sans doute vu avec méfiance par les administrations concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Leurs champs de compétences sont sensiblement différents : les douanes s'occupent également de contrefaçons et de stupéfiants.

L'amendement n° 6 est adopté.

Article 11 quinquies

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cet article instaure un droit de communication de l'administration fiscale à l'égard de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP). L'amendement n° 7 l'étend à l'Autorité des marchés financiers (AMF). Celle-ci, en accédant à des documents non transmis à l'administration fiscale, peut en effet être amenée à présumer une fraude fiscale. Son président, Gérard Rameix, ne semblait guère convaincu de l'importance des sommes en jeu lorsque nous l'avons auditionné le 2 juillet : il parlait de « miettes ». Pourtant, ce point mérite discussion.

En outre, ACP et AMF appartiennent à un même système de régulation, qu'il faut envisager globalement : il n'y a aucune raison que l'information accessible à un service de l'Etat ne le soit pas à un autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Il existe tout de même un organisme dénommé Commission nationale de l'informatique et des libertés...

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La loi bancaire prévoit déjà des échanges de données entre l'ACP, l'AMF, l'administration fiscale et la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous allons donc bien dans la même direction.

L'amendement n° 7 est adopté.

Article additionnel après l'article 11 septies

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'amendement n° 8 autorise les agents des douanes, en cas de constatation de manquement à l'obligation déclarative de mouvements transfrontaliers de capitaux, à retenir ou prendre copie des documents relatifs aux sommes en infraction. Ces pièces peuvent se révéler utiles à l'enquête douanière et aux éventuelles investigations judiciaires ou fiscales menées par la suite. Ainsi, lorsqu'un contribuable passe une mallette de billets à l'étranger sans la déclarer, les douanes pourraient conserver les éléments de preuve qui s'y trouvent - type de sac, numéros des comptes à l'origine et à destination, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cet amendement est de bon sens. Il est surprenant qu'une telle disposition n'existe pas déjà.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous avons été alertés de la carence en la matière.

L'amendement n° 8 est adopté.

Articles additionnels après l'article 11 nonies

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le collectif de la fin 2012 a autorisé l'administration fiscale à examiner, en dehors d'un contrôle fiscal externe, les relevés de compte des contribuables ayant omis de déclarer des comptes bancaires ou des contrats d'assurance-vie souscrits à l'étranger. Toutefois, le dispositif proposé ne concernait que les relevés de comptes demandés à des tiers par l'administration. L'amendement n° 9 élargit la procédure aux relevés de compte produits spontanément par des tiers, comme la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Et allège les procédures.

L'amendement n° 9 est adopté.

L'article L.188 A du livre des procédures fiscales visant le délai de reprise applicable en cas de formulation d'une demande de renseignements dans le cadre de l'assistance administrative internationale est obsolète. L'amendement n° 10 réactualise le dispositif de manière à ce que celui-ci soit adapté aux délais de reprise spécifique qui ont été institués en matière de fraude fiscale internationale. L'administration fiscale aura ainsi davantage de temps pour récolter les informations utiles et lutter plus efficacement contre la fraude fiscale internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le retour d'information est en effet sans utilité si le délai de reprise est trop rapproché. Le contribuable doit néanmoins être informé de la demande de renseignements.

L'amendement n° 10 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Lorsque la révélation d'actifs non déclarés à l'étranger rend le contribuable redevable de l'ISF, l'administration applique une majoration de 10 % des sommes éludées. Or, pour celui qui est déjà assujetti, la majoration est de 40 %. L'amendement n° 11 aligne les sanctions à 40 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Tout ceci part d'un excellent sentiment, mais renforcer sans limites les pénalités risque de freiner le rapatriement spontané des capitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il ne s'agit que d'homogénéiser les pénalités, dans un but dissuasif.

L'amendement n° 11 est adopté.

L'amendement n° 12 comble une autre faille de notre droit en matière de lutte contre la fraude fiscale. Le non respect des obligations déclaratives par les entreprises reste faiblement sanctionné, alors qu'il limite fortement la qualité des contrôles conduits par l'administration. Le manquement à l'obligation générale de déclarer est seulement sanctionné, après un premier rappel à l'ordre, d'une amende de 15 euros par omission ou inexactitude. L'amendement n° 12 relève à 10 % des droits rappelés, 1 500 euros au moins, l'amende applicable. Mais ce, après mise en demeure ; il ne s'agit donc nullement d'un couperet instantané.

S'agissant des obligations déclaratives des entreprises détenant des filiales dans des Etats à fiscalité privilégiée, l'amende est portée de 40 % à 80 % des droits rappelés, et au minimum 1 500 euros par manquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La première partie de cet amendement peut avoir des conséquences dramatiques pour les petites entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La sanction sera précédée d'une mise en demeure : petites et grandes entreprises auront tout loisir de se mettre en règle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pouvez-vous nous rappeler de quelles obligations déclaratives il s'agit ? Vous semblez en viser en particulier celles relatives aux actionnaires et aux filiales et participations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le champ de l'amendement est large : il s'agit de plusieurs obligations déclaratives dont le non-respect reste, à ce jour, peu sanctionné.

L'amendement n° 12 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Un assujetti français héritant d'avoirs à l'étranger peut se trouver placé en infraction avec la loi fiscale française. Il m'a été exposé que dans ce cas de figure, l'héritier pouvait être amené à payer plus de 100 % de l'actif dont il a été bénéficiaire. Il peut alors soit refuser la succession, soit renoncer au rapatriement de ses biens. Ne faudrait-il pas trouver les moyens de faciliter le retour des capitaux dans la légalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Une circulaire du 21 juin 2013 évoque ce cas. Elle indique que le taux de pénalité pour manquement délibéré peut être modulé par l'administration : il est de 30 % pour les fraudeurs directs mais 15 % pour les fraudeurs dits passifs. De même, l'amende proportionnelle pour défaut de déclaration d'avoirs à l'étranger sera plafonnée respectivement à 3 % et à 1,5 % du montant de ceux-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous pensez donc qu'on ne peut atteindre 100 %, même avec les pénalités et intérêts de retard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cela encourage l'héritier à souhaiter la disparition de celui qui lui transmettra son patrimoine... Et le fisc est complice !

La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie, tels que modifiés et complétés par ses amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je vous propose d'autoriser le rapporteur pour avis à redéposer en vue de la séance publique les amendements qui n'auraient pas été retenus par la commission des lois dans son texte.

Il en est ainsi décidé.