La commission a procédé à l'audition de M. Stéphan Brousse, conseiller spécial aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) de la présidence du MEDEF, président du MEDEF pour les Bouches-du-Rhône.
Rappelant que le MEDEF disposait de 154 sections territoriales et de 76 cellules de soutien aux PME sur l'ensemble du territoire national, M. Stéphan Brousse a observé que, comme dans l'ensemble des pays européens, tous les domaines d'activité, au-delà de la construction automobile et du secteur immobilier, sont touchés en France par la crise économique actuelle. La situation économique en 2009 sera, à ses yeux, incontestablement mauvaise, compte tenu notamment de la propension compréhensible des ménages à constituer une épargne de précaution plutôt qu'à consommer. Puis notant que les chefs d'entreprises ont l'habitude de réagir positivement aux difficultés et obstacles rencontrés, il a salué les mesures prises par le Gouvernement, qui donnent la priorité au soutien à l'investissement et non à la consommation. Il a insisté sur les spécificités financières des petites et très petites entreprises (TPE) qui disposent le plus souvent de fonds propres très faibles au regard de leur chiffre d'affaires. Ainsi le financement du développement des entreprises françaises est essentiellement assuré par les banques et plus secondairement par les familles et les proches des entrepreneurs. Il est absurde d'opposer de façon manichéenne les entrepreneurs « vertueux » des TPE aux banquiers « rigoristes » car il est légitime que les banques n'investissent qu'à condition que le chef d'entreprise lui-même prenne, à due proportion, une part de risque et engage son propre argent dans les projets. Contrairement à une idée largement répandue, il est plus coûteux pour un chef d'entreprise d'utiliser ses fonds propres plutôt que de recourir aux prêts des banques, en raison de contraintes liées au paiement de l'impôt sur la société. En outre, ces fonds ne sont pas considérables : plus d'un tiers des 350.000 entreprises françaises ne dégagent en moyenne que 40.000 euros de résultat net par an, ce qui explique que le moindre choc économique puisse mettre en péril la pérennité de nombreuses entités.
Puis M. Stéphan Brousse a abordé les moyens permettant de répondre à court terme à la récession actuelle. Il a appelé de ses voeux des assouplissements législatifs et réglementaires afin de permettre aux contribuables à l'impôt sur la fortune (ISF) d'investir davantage dans les petites entreprises sans être limités par le plafond actuel de 50.000 euros. Il s'est réjoui que la question des délais de paiement soit désormais mieux prise en compte grâce aux récentes modifications introduites dans ce domaine par la loi de modernisation de l'économie. S'agissant de l'assurance crédit, il a déploré que seulement un quart des entreprises françaises souscrivent de tels contrats, qui offrent pourtant une sécurité financière considérable en les protégeant du dépôt de bilan de leurs clients. Il s'est félicité de la récente annonce du Gouvernement de créer des compléments d'assurance-crédit public (CAP) en faveur des entreprises confrontées à des difficultés d'accès à l'assurance-crédit. La Caisse centrale de réassurance, qui finance le CAP, soutiendra ainsi les assureurs-crédits sous réserve que les entreprises clientes maîtrisent leur niveau d'encours et leurs crédits. A cette occasion, il a mentionné le rôle de pédagogue et d'intermédiaire du MEDEF pour familiariser les TPE avec cette nouvelle mesure à laquelle ont pour le moment accès essentiellement les grandes entreprises. Soulignant l'intérêt de suivre l'évolution du nombre de plans sociaux et des conventions de chômage partiel et technique pour prendre la mesure de la crise, il a indiqué que seulement un dixième des dossiers présentés par les entreprises au MEDEF traduisait de réelles difficultés financières. En outre, il a souhaité que de nouveaux échéanciers de remboursement des créances soient autorisés au cas par cas pour les entreprises rencontrant des difficultés conjoncturelles et que le dispositif de remboursement de TVA soit assoupli.
Puis après avoir insisté sur l'intérêt du régime des exonérations de cotisations sociales en faveur des zones franches urbaines, M. Stéphan Brousse a estimé indispensable d'envisager des mesures structurelles pour renforcer le tissu productif français. En premier lieu, il faut poursuivre l'innovation même en période de récession afin de profiter pleinement de la phase de reprise. En deuxième lieu, il convient de chercher des relais de croissance à l'international, même si cette dernière hypothèse semble aujourd'hui plus compromise que par le passé compte tenu du caractère global de la crise. En troisième lieu, il serait utile de renforcer les fonds propres des entreprises françaises, d'alléger leurs charges et d'encourager les particuliers à investir dans leur développement. En dernier lieu, alors qu'il est toujours plus aisé de créer ou de supprimer des entreprises à l'étranger qu'en France, on peut espérer que la récente réforme du service public de l'emploi permette une plus grande fluidité du marché du travail en France. Enfin, il serait également opportun de réconcilier les Français avec le monde de l'entreprise, les entrepreneurs pâtissant malheureusement d'un déficit d'image qu'il conviendrait de corriger dès l'école.
Egalement convaincue de l'intérêt de renforcer l'esprit d'entreprise en France, Mme Odette Herviaux a déploré que certains organismes bancaires aient récemment restreint leurs conditions de crédit, en augmentant notamment leurs taux d'intérêt. Par ailleurs, elle a jugé anormal que les banques demandent aux collectivités territoriales d'accorder certaines garanties à des prêts, observant que ces collectivités étaient dans le même temps pressées d'augmenter leurs investissements, alors même que leurs ressources financières sont limitées. Constatant que tous les domaines d'activité étaient désormais touchés par la récession, y compris les industries agro-alimentaires, et tout en reconnaissant la nécessité de soutenir l'investissement, elle a déploré l'absence de relance de la consommation qui bénéficierait en premier lieu aux ménages à faible pouvoir d'achat.
a répondu qu'il ne fallait pas que les TPE paient les erreurs des banques, qui s'expliquent en grande partie par des « comportements individuels d'escroquerie ». Constatant que les coûts du crédit ont augmenté alors même que le taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) a diminué, il a craint que cette restriction du crédit pénalise gravement les entreprises françaises qui dégagent de faibles résultats nets. Puis il a salué le rôle de l'Etat qui garantit désormais les prêts accordés entre banques afin de rétablir la confiance entre les acteurs financiers. Cette mesure ne devrait pas in fine être trop onéreuse pour les comptes publics puisque pratiquement toutes les garanties devraient être couvertes. Considérant que le système capitaliste était, malgré ses défauts, celui qui avait permis de créer le plus de richesse, il a douté de la pertinence et de la viabilité d'une économie sociale et solidaire. Toutefois, le fonctionnement capitaliste devant s'inscrire dans un cadre régulé, il a salué la récente conclusion, sous l'égide du MEDEF et de l'Association française des entreprises privées (AFEP), d'un code de gouvernement d'entreprises à l'intention notamment des entreprises du CAC 40.
s'est interrogé sur l'opportunité de demander aux collectivités territoriales de garantir certains prêts aux entreprises.
a souhaité connaître les observations du MEDEF pour les mesures du Gouvernement annoncées pour lutter contre la crise économique.
a indiqué que son organisation portait un jugement très favorable sur l'action du Gouvernement et la rapidité avec laquelle avaient été débloqués 360 milliards d'euros au profit de l'économie. Le Président de la République agit, à ses yeux, comme un véritable chef d'entreprise, conscient des défis à relever et déterminé à agir rapidement et en toute transparence. Il s'est félicité de constater qu'il existait désormais un consensus au sein de la société française pour soutenir l'activité des entreprises. Abordant la question des relations entre le MEDEF et M. René Ricol, médiateur national du crédit des entreprises, il a précisé que l'organisation patronale jouait le rôle d'un « tiers de confiance » pour accompagner et conseiller les entreprises en difficulté et, plus globalement, pour remplir son rôle de coordinateur entre les banques privées, la direction de la Banque de France et les tribunaux de commerce. Après s'être félicité de l'implication des services de la Banque de France, il a estimé que les procédés de médiation actuels devant les tribunaux de commerce permettaient de garantir la confidentialité des difficultés rencontrées par les chefs d'entreprise.
a regretté la disparition des liens de confiance traditionnellement noués entre les responsables de TPE et leurs banques. Alors que les directeurs des établissements bancaires étaient souvent des conseillers avisés pour les chefs d'entreprise, on observe aujourd'hui, en particulier dans les petites villes de province, une très grande mobilité et un rajeunissement important du personnel des banques, ce qui empêche d'avoir une vision à long terme du développement des entreprises françaises.
après avoir également déploré cette détérioration des relations entre les banques et les chefs d'entreprise, qui sont pourtant indispensables pour réaliser des « investissements de rupture » permettant un saut quantitatif et qualitatif substantiel pour la croissance de l'entreprise, a indiqué que certains employeurs vivaient difficilement ce qu'ils percevaient comme une certaine arrogance de la part de leurs banquiers. Il a conclu en incitant les chefs d'entreprise à recourir à l'expertise de la Banque de France, dont les notations peuvent constituer un outil précieux pour négocier des prêts avec les banques privées.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME).
Soulignant que les petites et moyennes entreprises (PME) avaient été confrontées à des difficultés de financement dès la fin de l'année 2007, M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, a considéré que la crise ferait pleinement sentir ses effets au cours de l'année 2009. Même si la majorité des PME françaises sont en bonne santé économique, plusieurs milliers d'entre elles, appartenant aux secteurs de la sous-traitance automobile, du transport routier ou du petit commerce de proximité, vont sérieusement pâtir du ralentissement de l'activité économique au cours des prochains mois.
Tout en se réjouissant que le Gouvernement ait décidé d'intervenir très en amont avec la mise en oeuvre du plan bancaire au cours du mois d'octobre, lequel va permettre d'injecter près de 22 milliards d'euros de liquidités dans l'économie, dont 5 milliards par l'intermédiaire d'Oséo, il a déploré le fait que les banques tardent à faire connaître auprès de leurs agences les dispositifs mis en place, retardant d'autant pour les PME les effets bénéfiques induits par ces mesures. Il a par ailleurs relevé que la France devrait bénéficier d'une partie des 30 milliards d'euros de prêts distribués par la Banque européenne d'investissement (BEI) et que le fonds stratégique d'investissements, récemment mis en place par le Gouvernement, devrait distribuer près de 20 milliards d'euros.
Après avoir jugé délicate la formulation d'une appréciation générale sur la situation des PME françaises, il a estimé que celle-ci montre la nécessité de redynamiser les circuits bancaires. Une enquête réalisée par la Banque de France a montré que 75 % des établissements bancaires ont, avec la crise, durci les conditions d'octroi de crédits et, simultanément, augmenté leurs marges. Il a en conséquence jugé indispensable que les banques assouplissent les conditions d'octroi de crédits aux entreprises. De même, il apparaît souhaitable que les banques communiquent aux entreprises le jugement qu'elles portent sur leur situation économique et financière. En effet, bien que la Banque de France procède, à la demande des entreprises, à l'analyse de leur bilan, cette pratique n'est pas systématiquement suivie par les chefs d'entreprise. Enfin, il serait intéressant que les banques rendent publics les encours de crédit qu'elles accordent.
Evoquant ensuite la question de l'assurance-crédit, M. Jean-François Roubaud a jugé souhaitable de modifier les conditions dans lesquelles ces organismes peuvent retirer leur garantie. Ainsi, il convient de fixer une obligation de prévenir le client, au moins soixante jours à l'avance, du retrait d'une garantie et d'en informer également le consommateur final. A cet égard, un accord a été conclu avec une société d'affacturage afin que soit respecté un délai de trente jours, ce qui constitue une première étape.
S'agissant des conséquences de la crise économique, il a considéré que la mise en oeuvre du plan de relance était de nature à soutenir la conjoncture économique au cours des prochains mois, facilitant la réalisation de projets déjà conçus, mais dont l'exécution est bloquée, notamment dans le secteur de la construction. De même, les interventions du médiateur du crédit, qui ont permis de résoudre près de 60 % des dossiers qui lui ont été soumis, constitue un outil efficace. Son organisation territoriale devrait cependant être modifiée afin que se mettent en place des équipes d'accompagnateurs dans chaque département afin d'assister les entreprises éprouvant des difficultés.
s'est interrogé sur le caractère homogène, au plan territorial, des interventions du médiateur du crédit.
En réponse, M. Jean-François Roubaud a estimé nécessaire d'étoffer ses équipes dans les différents départements et d'élargir leurs compétences, au-delà des strictes questions de crédit, à d'autres aspects de l'activité des entreprises.
Relevant que les secteurs de l'agro-alimentaire et de la logistique étaient également particulièrement touchés par la crise économique et financière, Mme Odette Herviaux s'est interrogée sur les stratégies conduites par les entreprises et sur les moyens mis à leur disposition pour relancer leurs activités, au-delà des mesures du plan de relance qui présentent un caractère conjoncturel. En particulier, il apparaît indispensable d'aider les PME à se tourner vers de nouveaux marchés à l'exportation et de développer leurs activités de recherche et développement. Elle a ensuite souligné qu'y compris au sein des pôles de compétitivité, où les activités de recherche et développement ont une importance déterminante, les difficultés rencontrées par les grandes entreprises avaient un impact sur les PME. Enfin, elle a demandé si la CGPME disposait de statistiques sur le nombre de créations d'entreprises et des dépôts de bilan.
a indiqué que le plan de relance s'adressait en priorité aux secteurs économiques disposant de projets pouvant être mis en oeuvre très rapidement, comme dans le secteur du logement ou des bâtiments industriels et commerciaux, ce qui suppose également de modifier certaines règles, notamment ayant trait aux marchés publics. S'agissant de la recherche de nouveaux marchés, il a relevé que la crise avait des répercussions mondiales et que, dès lors, la relance ne pouvait s'appuyer sur la seule hausse des activités à l'exportation. En revanche, il convient que les entreprises profitent de marchés finalisés, notamment dans le secteur des infrastructures routières ou ferroviaires. En ce qui concerne les pôles de compétitivité, il a souscrit aux réflexions de Mme Odette Herviaux, même s'il a reconnu que les PME n'étaient pas, à une exception près, fortement représentées dans ces pôles et intervenaient plutôt en qualité de sous-traitant. Il a néanmoins jugé indispensable de faire évoluer cette situation afin que les PME soient traitées équitablement, jugeant par exemple pertinent de nommer, dans chaque pôle, un « correspondant des PME ». Enfin, il a précisé qu'à la fin du mois de novembre 2007, il était constaté une hausse de 17 % du nombre de dépôts de bilan sur un an et que les créations d'entreprises étaient en légère baisse. Il a cependant souligné que les créateurs d'entreprise étaient mieux aidés et soutenus, ce qui confortait leur pérennité.
a estimé que la frilosité des établissements bancaires à accorder des crédits aux PME ne constituait pas un fait nouveau et a déploré que les banques profitent de la crise économique pour assainir leur situation financière. Il a également estimé que les sociétés d'assurance-crédit et d'affacturage ne répondaient pas nécessairement aux besoins des entreprises et qu'il appartenait aux banques d'apporter à celles-ci de la liquidité.
Concédant que 75 % des banques se déclaraient, en novembre dernier, moins enclines à accorder des prêts et plus exigeantes en matière de garanties, M. Jean-François Roubaud a toutefois rappelé que ces établissements étaient aussi des entreprises commerciales qui ne pouvaient pas prendre des risques supplémentaires et inconsidérés en période de crise. Il a néanmoins reconnu que les chefs d'entreprise et les banques devaient améliorer leurs relations, à charge pour ces dernières de développer un « suivi client » plus personnalisé et un dialogue plus régulier avec leurs clients afin de disposer d'une information de qualité sur la situation économique des entreprises concernées. A cet égard, il a estimé que les banques devaient s'efforcer de garantir une certaine stabilité de leur personnel sur le même portefeuille de clients afin d'être en phase avec les attentes et les besoins des chefs d'entreprise.
a indiqué qu'il avait participé à une réunion avec des sociétés de capital-investissement qui regrettent de ne pouvoir trouver des petites et moyennes entreprises (PME) qui acceptent de laisser des investisseurs prendre des participations dans leur capital, alors que cela permettrait d'apporter des financements à la recherche et à l'innovation et de contribuer à la création d'emplois. Il a également fait valoir que lors d'une réunion à l'association des régions de France (ARF), certaines régions ont affirmé ne pas être touchées directement par la crise, à l'image des régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Ile-de-France, à l'inverse d'autres comme la Haute-Normandie, la Basse-Normandie, la Franche-Comté ou Rhône-Alpes, confrontées aux difficultés du secteur automobile et de ses sous-traitants. Evoquant ensuite le plan de relance du Gouvernement il a regretté que les comités mis en place par l'Etat n'associent pas les collectivités territoriales, alors que celles-ci pourraient opportunément accompagner les entreprises.
Puis il a exposé que les nombreuses entreprises qui ont anticipé les difficultés économiques et ont souhaité, dès l'annonce du plan de relance, vouloir bénéficier des soutiens mis en place, se sont ravisées parce qu'elles ont constaté que cela avait un impact négatif sur leur notation bancaire, et donc sur leur capacité à accéder au crédit. Il a toutefois salué, parmi les mesures annoncées dans le cadre du plan de relance, l'assouplissement des règles des marchés publics, trop contraignantes et trop complexes aujourd'hui pour les collectivités, alors que celles-ci ont par ailleurs réalisé des progrès en matière de réduction des délais de paiement ou d'avances immédiates sur les opérations mises en oeuvre. Enfin, s'agissant des pôles de compétitivité, il a relevé que ceux-ci accueillaient de nombreuses PME ainsi que des grands groupes, à l'image du pôle nucléaire de Saône-et-Loire où sont implantées des entreprises comme Areva ou Alstom qui fournissent une activité pour de nombreux sous-traitants. A cet égard il a estimé que la proposition de M. Jean-François Roubaud de désigner un correspondant des PME dans ces pôles de compétitivité était particulièrement pertinente.
a reconnu qu'il y avait effectivement une difficulté pour mettre en adéquation l'offre de capitaux des sociétés de capital risque et la demande des entreprises, et qu'il fallait améliorer la mise en relation des investisseurs avec les entreprises familiales, notamment, qui sont encore réticentes, par culture, à ouvrir leur capital. S'agissant des règles de passation des marchés publics, il a estimé qu'il était en effet nécessaire de poursuivre leur simplification afin de faciliter leur accès pour les PME.
a ajouté qu'il fallait, dans le plan de relance, privilégier, prioritairement, les projets immédiatement réalisables, en évitant de sélectionner des projets dont l'échéance de réalisation paraîtrait trop lointaine ou peu envisageable dans l'immédiat, afin de donner à ce plan un contenu opérationnel en partenariat avec les régions et les départements.
Déclarant qu'il partageait cette analyse, M. Jean Paul Emorine, président, a indiqué que la commission des affaires économiques auditionnerait, le 17 décembre, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme et des services, et, au début du mois de janvier prochain, M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance, afin de les interroger notamment sur les projets prioritaires à conduire dans le cadre de ce plan.
a reconnu que M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, devra tout d'abord recenser les projets prioritaires en identifiant ceux qui sont immédiatement réalisables, en particulier dans le secteur du bâtiment et notamment les travaux programmés par les sociétés HLM.
après avoir rappelé que la loi de modernisation de l'économie avait permis de réduire les délais de paiement pour les entreprises, s'est interrogé sur la façon dont celles-ci avaient accueilli cette mesure.
a expliqué que si, pendant de nombreuses années, la majorité des PME se prononçaient en faveur d'une diminution des délais de paiement, tel n'est paradoxalement plus le cas aujourd'hui dans le contexte de crise économique, mais il a considéré, pour sa part, qu'il s'agissait d'une mesure saine et nécessaire.
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Luc Darlix, candidat proposé à la nomination à la fonction de président du Haut conseil des biotechnologies.
a indiqué que c'est en application de l'article L.531-4 du code de l'environnement tel que modifié par la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) que la commission est appelée à se prononcer sur la candidature de M. Jean-Luc Darlix à la présidence du Haut conseil des biotechnologies.
La loi relative aux OGM poursuit deux objectifs principaux :
- d'une part, mettre le droit national en conformité avec les exigences communautaires en achevant la transposition des directives du 26 octobre 1998 relatives à l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés et du 12 mars 2001 relatives à la dissémination volontaire d'OGM à propos desquelles la France était poursuivie pour défaut de transposition ;
- d'autre part, finaliser un cadre juridique fondé sur trois principes : expertise, transparence et responsabilité, afin de garantir la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM.
En application de ces principes, il a relevé que la première conclusion du Grenelle de l'environnement tendait à l'institution d'une Haute autorité sur les OGM permettant d'assurer une expertise indépendante et pluridisciplinaire, nécessaire pour une juste application du principe de précaution.
Quant à la loi adoptée quelques mois plus tard, elle a confirmé le rôle purement consultatif de cette instance, désormais dénommée Haut conseil des biotechnologies.
Cet organisme comprend :
- un comité scientifique réunissant des personnalités reconnues pour leurs compétences en matière de génétique, de protection de la santé publique, de sciences agronomiques, mais aussi en droit, en économie et en sociologie ;
- et un comité économique, éthique et social composé des représentants des associations habilitées à saisir le Haut conseil, des représentants d'organisations professionnelles, d'un membre du comité consultatif national d'éthique, d'un député et d'un sénateur ainsi que des représentants des associations de collectivités territoriales. Le président du Haut conseil est un scientifique, membre de droit des deux comités.
Le comité scientifique rend un avis à l'autorité administrative sur toute demande d'utilisation d'OGM, comme l'exigent les directives communautaires. Lorsque la demande concerne une utilisation en milieu ouvert et non confiné, l'avis du comité scientifique est assorti des recommandations du comité éthique, économique et social qui l'aura préalablement examiné et pourra en avoir débattu avec le président du comité scientifique et un de ses membres.
a alors présenté sa candidature, déposée à la demande du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT). Il a détaillé son parcours dont les principales étapes ont été l'obtention de son doctorat d'Etat en sciences naturelles en 1970, un poste de professeur à l'Université Paul Sabatier de Toulouse en 1986 puis la fondation et la direction d'un laboratoire de l'unité de virologie humaine commun à l'INSERM-Ecole normale supérieure de Lyon et situé au sein de cette dernière.
C'est en 1982 que M. Jean-Luc Darlix a débuté ses travaux sur la création et la manipulation d'organismes génétiquement modifiés. Ceux-ci ont notamment porté sur la mise au point des premiers vecteurs rétroviraux puis aux développements de certains vecteurs lentiviraux en collaboration avec la société Transgène, dans les deux cas à des fins de transgénèse comme par exemple celle des cellules neuronales de la souris.
Il a ensuite fait état de son appartenance à deux instances :
- d'une part, la commission de génie génétique présidée par le docteur Roland Rosset et chargée depuis sa création en 1992 d'évaluer les dangers et les risques que présentent les organismes génétiquement modifiés et les procédés utilisés pour leur obtention ainsi que les dangers et risques potentiels liés à l'utilisation de techniques du génie génétique ;
- et d'autre part, la commission du génie biomoléculaire qui a pour mission d'évaluer, au cas par cas et avant toute autorisation, les risques pour la santé publique et l'environnement, liés à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés.
Puis M. Jean-Luc Darlix a présenté sa vision du futur Haut conseil des biotechnologies, en précisant notamment :
- il reviendra au président de procéder à la synthèse des travaux du comité scientifique et technique et du comité économique, éthique et social afin de formuler des propositions d'avis aux différents ministères ;
- il sera essentiel que le Haut conseil suive une procédure d'examen rigoureuse en se prononçant sur des dossiers complets contrairement à ce qui se produit parfois au sein de la commission de génie génétique ;
- il serait enfin indispensable que la nouvelle instance dispose des moyens de mener pleinement ses missions à bien compte tenu, en particulier, de la croissance très rapide du nombre de vecteurs mis à disposition, qui pourrait atteindre 100.000.
A l'issue de cet exposé, M. Daniel Raoul, tout en notant que M. Jean-Luc Darlix présentait sa candidature à la demande du MEEDDAT, a souhaité savoir quelles étaient les motivations plus personnelles de cette démarche. Il l'a aussi interrogé sur la question de la dissémination des organismes génétiquement modifiés, qui concerne plus directement le débat politique actuel que la recherche en milieu confiné. Enfin, il a souhaité connaître la position éthique de M. Jean-Luc Darlix sur la notion de réparation de l'homme grâce aux thérapies géniques.
En réponse, M. Jean-Luc Darlix a témoigné de sa très grande motivation qui repose :
- d'une part sur son enthousiasme pour la recherche dans un domaine où il a été précurseur il y a plus de 25 ans et qui est aujourd'hui porteur de nombreux espoirs de mise au point de vecteurs-médicaments ;
- d'autre part, sur sa volonté d'assurer une meilleure prise en compte de l'éthique dans le développement de certaines innovations, alors que dans certains cas, des recherches sont aujourd'hui conduites sans précautions suffisantes quant aux risques d'une dissémination des vecteurs, ce qui peut engendrer des épidémies.
Sur la question de la dissémination, il a indiqué qu'en tant que membre du comité de préfiguration de la haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés il partageait la position de son président M. Jean-François Le Grand, estimant qu'il convenait de porter un jugement équilibré prenant en compte à la fois les avantages attendus et les risques de telles pratiques. En tant que virologue, il est particulièrement sensible à ces questions de dissémination d'organismes dans la nature.
a tenu, au début de son intervention, à rappeler avec la plus grande fermeté que, contrairement à ce qu'avait indiqué M. Jean-Luc Darlix, les deux comités au sein du Haut conseil des biotechnologies avaient des vocations tout à fait distinctes et qu'il n'était nullement question d'opérer une quelconque synthèse entre leurs travaux. En effet, le comité scientifique a pour mission de rendre un avis sur la dangerosité des organismes en se fondant sur les connaissances disponibles et sans intégrer d'autres considérations. Quant au comité économique, éthique et social, il a pour mission très différente d'adresser des recommandations aux ministères compétents en prenant en considération les avantages et les inconvénients que présenterait telle ou telle pratique impliquant des organismes génétiquement modifiés.
a rappelé à son tour l'importance de la différenciation des rôles de chacun des deux comités, sujet qui avait fait l'objet de débats très nourris lors du vote de la loi.
après avoir indiqué qu'il avait fondé son interprétation du fonctionnement du Haut comité sur ses discussions avec le cabinet de la ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur, a reconnu qu'il avait peut-être fait, personnellement, une confusion sur ce point et qu'il était tout à fait disposé à intégrer les remarques formulées par les membres de la commission.
a ensuite interrogé M. Jean-Luc Darlix sur :
- ses intentions, en matière d'information et de dialogue du Haut conseil des biotechnologies avec la société ;
- la possibilité, pour le Haut conseil, de réagir officiellement à certains articles publiés dans la presse grand public afin de bien préciser que les informations diffusées sont beaucoup moins rigoureuses que celles des revues scientifiques à comité de lecture ;
- sa position quant à la mise en place éventuelle de méthodes d'évaluation des risques plus rigoureuses que celles des instances européennes ;
- la façon dont il envisageait de traiter le cas du maïs transgénique Monsanto 810 pour lequel la France a mis en oeuvre la clause de sauvegarde alors que 23 études et deux avis officiels -de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'agence européenne de sécurité des aliments- concluant à son innocuité ont déjà été rendus.
après avoir rappelé la nécessité d'un dialogue avec l'opinion publique pour effacer des appréhensions infondées, a demandé si les virus ne faisaient pas, au final, partie intégrante de l'équilibre d'un écosystème. Elle a souhaité obtenir des précisions sur le mode de communication des avis qui seront rendus par le Haut conseil. Elle a enfin souhaité savoir si cette instance serait en état d'être informée de toutes les innovations.
En réponse à ces questions, M. Jean-Luc Darlix a apporté les éléments suivants :
- le dialogue avec le grand public constitue une priorité et il a déjà une certaine expérience, notamment des associations avec lesquelles il débat régulièrement ;
- il serait tout à fait judicieux de rectifier certaines contrevérités parfois diffusées dans certains journaux, dès lors qu'une telle démarche aurait recueilli l'accord des ministères ;
- concernant l'évaluation des risques, il convient de rappeler que par un avis du 5 décembre dernier, les autorités communautaires demandent aux Etats membres d'assurer le suivi des évaluations auxquelles ils procèdent, ce qui est particulièrement nécessaire en France. Le Haut conseil des biotechnologies n'a toutefois pas vocation à procéder à lui seul à ce suivi qui ne peut être mené à bien que par l'engagement des différents ministères concernés tels que ceux chargés de la recherche, de la santé et de l'agriculture et du développement durable ;
- sur le maïs Monsanto 810, il serait sans doute nécessaire de procéder à de nouvelles évaluations, car de nombreux travaux ont été publiés depuis un an, certains scientifiques ayant même changé d'opinion sur le sujet ;
- à propos du rôle joué par les virus dans leur milieu, il est évident que ceux-ci occupent une place tout à fait particulière comme en témoigne l'exemple des biofilms marins ;
- la communication des avis du Haut conseil dépendra de l'accord du ministère auquel ces avis sont destinés ;
- le Haut conseil doit être informé de toutes les découvertes et de toutes les recherches à travers un rigoureux travail de documentation, notamment via internet, mais il est indispensable de procéder à une analyse systématique et rigoureuse des nouvelles informations, d'autant plus que l'on est parfois confronté à de fausses expériences présentant des résultats sans aucune valeur scientifique.
Après que M. Jean-Luc Darlix a été raccompagné, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé dans quel cadre s'inscrivait l'avis que la commission est appelée à rendre.
tout en faisant valoir son plus grand respect pour les compétences scientifiques en virologie de M. Jean-Luc Darlix, a confirmé son étonnement quant à la façon dont ce dernier perçoit le rôle des deux comités du futur Haut conseil, puisqu'elle revient à une transgression de l'esprit de la loi. Il s'est aussi interrogé sur le degré d'indépendance qui pourrait être celui de M. Jean-Luc Darlix par rapport au MEEDDAT.
a marqué son accord avec le point de vue exprimé par M. Jean Bizet en insistant sur le fait que M. Jean-Luc Darlix était principalement compétent en matière de virologie alors que les principaux enjeux liés aux OGM concernent la génomique végétale.
Après une courte suspension de séance, la commission s'exprimant à bulletin secret a émis un avis défavorable à la nomination de M. Jean-Luc Darlix à la présidence du Haut conseil des biotechnologies.