Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 389 (2007-2008) instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire.
A titre liminaire, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a précisé que l'avis de la commission prendrait la forme d'un rapport oral.
Il a justifié la saisine pour avis de la commission en soulignant sa vigilance d'une part, sur toutes les dispositions susceptibles d'avoir un impact sur les comptes publics, d'autre part, sur celles qui peuvent affecter les finances des collectivités territoriales. Or, la mise en place d'un droit d'accueil au profit des élèves du premier degré serait, en effet, à la charge des collectivités territoriales en cas de grève, ce qui nécessite une attention particulière s'agissant du financement de cette nouvelle contrainte pour les communes.
Il a ensuite présenté l'économie générale du dispositif en rappelant, tout d'abord, que trois expérimentations avaient d'ores et déjà été menées cette année sur la base du volontariat des communes. Il a indiqué que 2.075 communes s'étaient portées volontaires au 24 janvier 2008, 2.866 au 15 mai 2008 et 2.884 au 22 mai 2008, touchant à chaque reprise entre 2 millions et 2,5 millions d'habitants.
Il a précisé ensuite les lignes directrices du projet de loi :
- la consécration d'un droit d'accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles ou élémentaires publiques, lorsque les enseignements ne peuvent pas être dispensés, y compris en cas de grève. Il s'agit de concilier deux libertés, la liberté de travailler pour les parents, la liberté de faire grève pour les enseignants ;
- la limitation de ce droit d'accueil à l'école élémentaire, qui se justifie par trois éléments : l'absence de personnels de surveillance spécifique, le principe d'un enseignant par classe, l'âge des élèves ;
- la mise en place d'un droit d'accueil effectif durant le temps scolaire obligatoire, et non d'un droit à l'enseignement ;
- une organisation du droit d'accueil, mise à la charge de la commune, lorsque 10 % des enseignants au moins de cette commune se sont déclarés grévistes.
S'agissant des modalités d'organisation, il a noté que les personnels enseignants devaient se déclarer grévistes 48 heures à l'avance, dans le but de permettre la mise en oeuvre du droit d'accueil, et qu'une procédure de prévention des conflits est proposée sur le modèle du service minimum dans les transports.
Il a observé lorsqu'elles sont tenues d'organiser cet accueil, c'est-à-dire lorsque le taux d'enseignants grévistes est supérieur à 10 %, les communes sont libres d'en choisir les modalités, en recourant soit à du personnel communal, soit à des associations, soit à des personnes extérieures.
a précisé les modalités de financement de droit d'accueil mis à la charge des communes en cas de grève.
L'article 8 du projet de loi prévoit le versement par l'Etat « d'une contribution financière à chaque commune qui a mis en place le service d'accueil au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de cet accueil » et que cette contribution est fonction « du nombre d'élèves accueillis. Son montant et les modalités de son versement sont fixés par décret ».
Il a apprécié cette disposition au regard de plusieurs éléments. Il s'est interrogé sur la conformité du projet de loi avec l'article 72-2 de la Constitution qui dispose que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Il a expliqué que la mise en place de ce droit d'accueil, à la charge des communes en cas de grève, représentait une création de compétences pour ces collectivités et non un transfert de compétences, dans la mesure où l'Etat n'assurait pas, à ce jour, cet accueil.
Dans cette perspective, il a souligné que le financement de l'Etat ne devait pas prendre la forme d'une compensation intégrale, mais devait s'appuyer sur des ressources dont le niveau était apprécié par le législateur au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales. Il a relevé que le législateur devait ainsi être attentif au niveau des ressources attribuées, un niveau trop faible pouvant entrer en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités. Au regard de ces éléments, il a proposé à la commission un amendement à l'article 8 tendant à remplacer le mot « contribution » par le mot « compensation » afin d'apporter une double assurance : d'une part, un respect plus assuré de la Constitution ; d'autre part, la garantie d'une corrélation entre le niveau de financement de l'Etat et le niveau des dépenses des communes.
S'agissant des modalités de financement, il s'est prononcé en faveur du système forfaitaire et de la prise en compte du nombre d'élèves effectivement accueillis, qui représentent, selon lui, des choix logiques et opportuns, permettant notamment d'éviter une dérive inflationniste du système.
Il a indiqué que les premières expérimentations conduites cette année avaient été financées sur la base d'un montant de 90 euros par groupe de 15 élèves accueillis, la somme ayant été versée 35 jours après que le maire eut fait connaître à l'autorité académique le nombre d'élèves ayant bénéficié du service.
Il a expliqué que le financement de l'Etat était lié aux retenues sur salaires des enseignants grévistes, l'Etat conservant un trentième de salaire pour chaque jour de grève effectué. Il a indiqué que la journée de grève du 24 janvier 2008 avait conduit à retenir sur les salaires des enseignants 21 millions d'euros, dont 8,2 millions d'euros au titre du premier degré. Il a ainsi estimé que le système pouvait s'autofinancer dès lors que le ministère était en mesure d'utiliser l'ensemble des fonds issus des retenues pour fait de grève dans l'enseignement du premier et du second degrés. En outre, il a relevé que la mise en place d'un droit d'accueil conduisait à flécher des ressources qui étaient, jusque là, utilisées en exécution budgétaire, librement, par le ministère.
Sous réserve de l'amendement présenté, il a proposé à la commission l'adoption du projet de loi.
Un large débat s'est ensuite instauré.
a rappelé que de nombreuses communes organisaient déjà, en pratique, cet accueil. S'agissant de l'amendement proposé par le rapporteur pour avis, il a observé que celui-ci était stricto sensu passible de l'article 40 de la Constitution dans la mesure où le mot « compensation » était plus contraignant que le mot « contribution » en termes de niveau de financement. Toutefois, il a indiqué que cette irrecevabilité ne s'appliquait pas, en l'espèce, puisque l'amendement reprenait la terminologie utilisée par le ministre de l'éducation nationale lors de son audition devant la commission des affaires culturelles le 18 juin 2008. Il a indiqué que, conformément à la décision prise par le bureau de la commission en juillet 2007, dont il était rendu compte pages 24 et 25 du rapport n° 401 (2007-2008) sur l'application de l'article 40, la prise en compte des intentions formelles du Gouvernement pouvait servir de base de référence pour l'appréciation de l'article 40.
a souhaité savoir dans quelle mesure il ne serait pas opportun de préciser « une compensation à l'euro l'euro » afin de s'assurer qu'aucune commune ne soit lésée, les dépenses pouvant se révéler élevées, notamment au regard des frais d'assurance et de responsabilité.
a rejoint ces préoccupations en proposant que le financement de l'Etat corresponde à un remboursement intégral des frais engagés par la commune.
a observé, d'une part, que la Constitution n'imposait pas de compensation intégrale, d'autre part, que le principe d'un remboursement intégral comportait un risque de surenchère inflationniste. En revanche, il a estimé que le principe d'un forfait, dont le montant devait être déterminé avec attention, permettait à la fois de maîtriser la dépense, tout en finançant correctement l'accueil des élèves. Il a également indiqué que le forfait assurait un traitement équitable de toutes les communes et ce, quelles que soient les modalités de l'accueil. Enfin, il a jugé qu'au regard des règles de l'article 40, il apparaissait difficile de qualifier la « compensation » sans aller au-delà des intentions du Gouvernement, mais que cette qualification pouvait faire l'objet d'un débat en séance publique avec le ministre.
S'agissant de la responsabilité, il a indiqué que ce sujet, traité par la commission des affaires culturelles saisie au fond, devrait faire l'objet d'une réflexion particulière dans le débat public.
a fait remarquer que la rédaction du projet de loi prévoit un droit d'accueil général, ce qui par définition ne comprend pas la seule hypothèse de la grève. A ce titre, elle s'est interrogée sur l'étendue des nouvelles compétences des communes.
a expliqué que la commune n'était responsable de la mise en oeuvre du droit d'accueil qu'en cas de grève. Il a toutefois remarqué que le texte mériterait d'être clarifié sur ce point, afin de bien identifier les cas où la commune est tenue d'organiser l'accueil des élèves.
a indiqué qu'en réponse aux inquiétudes d'un certain nombre d'élus locaux, un amendement de la commission des affaires culturelles proposerait un transfert de la responsabilité des communes à l'Etat pour les dommages commis ou subis par un élève du fait de l'organisation ou du fonctionnement du service d'accueil.
En réponse à M. Marc Massion qui a souhaité savoir quelle était la situation des personnels chargés de la surveillance des enfants en cas d'accidents, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a jugé que ce point devrait être clarifié en séance.
La commission a ensuite procédé à l'examen de l'amendement présenté par M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis.
Après les interventions de MM. Aymeri de Montesquiou, Marc Massion et de Mme Nicole Bricq, la commission a adopté, à l'article 8, un amendement tendant à remplacer le mot « contribution » par le mot « compensation ».
A l'issue de cet examen, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.
Présidence de M. Philippe Adnot, secrétaire.
Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Emmanuel Leprince, délégué général du Comité Richelieu, Pierre Pelouzet, président de la Compagnie des acheteurs de France et directeur des achats de la SNCF, et Ronan Bars, directeur général de la société Eurodécision et administrateur du Comité Richelieu.
a tout d'abord présenté l'activité du Comité Richelieu, association qui regroupe aujourd'hui 203 petites et moyennes entreprises (PME) innovantes. Il a estimé que le principal obstacle au développement des PME innovantes en France était leur difficulté à devenir fournisseurs des « grands comptes », c'est-à-dire des grandes entreprises privées et collectivités publiques.
Il a ensuite rappelé que la Commission européenne s'était opposée à la mise en place, en Europe, d'un dispositif semblable au « Small business act » américain. Pour y remédier, le Comité Richelieu a développé, en partenariat avec OSEO, un « pacte PME », présenté comme un « Small business act à la française », qui vise à associer les grands comptes à la démarche de soutien aux PME innovantes, sur la base du volontariat ; 47 grands comptes sont aujourd'hui signataires du pacte PME.
s'est interrogé sur l'absence de nombreuses entreprises du CAC 40 de la liste des grands comptes partenaires. M. Emmanuel Leprince a répondu que le Comité Richelieu se concentrait sur la satisfaction des entreprises signataires, plutôt que sur les actions de prospective visant à augmenter le nombre de signataires de ce pacte. M. Pierre Pelouzet, président de la Compagnie des acheteurs de France et directeur des achats de la SNCF a ajouté qu'une démarche de prospective commerciale auprès des grands comptes était vouée à l'échec, l'amélioration de la situation devant résulter d'une prise de conscience.
a demandé si le Comité Richelieu menait des actions spécifiques auprès des PME travaillant pour des équipementiers, celles-ci se trouvant souvent dans une situation particulièrement fragile du fait du nombre limité de leurs clients. M. Emmanuel Leprince a déclaré que des aides existaient pour les PME innovantes démunies de soutien financier afin de répondre aux demandes des acheteurs, notamment les équipementiers. Il a précisé que le dispositif des avances remboursables était apparu inefficace, puisqu'il aboutissait à demander aux PME de rembourser les aides au moment où elles avaient le plus besoin de se développer. Il a jugé que les subventions pouvaient se révéler plus efficaces, pour un coût budgétaire identique.
s'est par ailleurs interrogé sur le jugement porté par le Comité Richelieu sur les pôles de compétitivité. M. Emmanuel Leprince a regretté que les pôles de compétitivité ne soient pas des lieux qui favorisent davantage la négociation entre les grands comptes et les PME innovantes. Il a fait état, par ailleurs, d'un sondage mené auprès des PME participant aux pôles de compétitivité, indiquant que la majorité d'entre elles jugeait que les pôles de compétitivité ne les valorisaient pas suffisamment. M. Ronan Bars, directeur général de la société Eurodécision et administrateur du Comité Richelieu, a ajouté avoir, personnellement, une expérience plutôt positive de participation à un pôle de compétitivité, tout en estimant que les aides à la recherche et développement pourraient utilement être, en partie, réorientées des grands groupes vers les PME.
s'est interrogé sur le jugement porté par la Comité Richelieu sur le dispositif de déplafonnement du crédit d'impôt recherche. M. Emmanuel Leprince a souhaité que les dispositifs ouverts aux jeunes entreprises innovantes (JEI), notamment le remboursement immédiat de leur créance d'impôt recherche, soient étendus à l'ensemble des PME. Il s'est, par ailleurs, déclaré très favorable à la possibilité offerte aux acheteurs, qui le désirent, de réserver certains marchés à des PME innovantes, regrettant toutefois que le plafonnement de cette mesure soit trop strict pour aboutir à de réels effets. M. Pierre Pelouzet a approuvé ce jugement et ajouté qu'il demandait que ce dispositif s'applique également aux entreprises publiques, ce que ne permettent pas les dispositions européennes actuelles. Il a souhaité qu'une initiative, en ce sens, soit prise dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
a par ailleurs jugé que le « Small business act européen », annoncé par la Commission européenne, n'était que la reprise de dispositifs existants et ne comportait aucune mesure nouvelle améliorant l'accès au marché pour les PME.
a demandé à M. Emmanuel Leprince de détailler le fonctionnement du Comité Richelieu et des partenariats passés dans le cadre des pactes PME. M. Emmanuel Leprince a précisé que le Comité Richelieu était une association relevant de la loi de 1901 et comportant 203 entreprises membres. Il a souligné que les grands comptes signataires de ce pacte s'engageaient sur la transparence de leurs marchés d'achat et sur la mise en place d'indicateurs relatifs à l'association des PME à ces marchés. M. Ronan Bars a ajouté que le suivi effectué par le Comité Richelieu auprès des PME permettait de mieux informer les grands comptes partenaires sur les exigences et les besoins de ces PME.
s'est interrogé sur la capacité exportatrice des PME innovantes françaises. M. Emmanuel Leprince a précisé que le Comité Richelieu disposait d'une plate-forme d'aide à l'exportation. Il a fait valoir que les grands comptes avaient fortement intérêt à ce que leurs fournisseurs se renforcent en se développant à l'export. Il a souligné que le problème ne consistait pas en la faible création de PME françaises, mais résultait de leur difficulté à atteindre une taille critique et à devenir « leaders » sur leurs marchés.
Enfin, M. Philippe Adnot, président, s'est interrogé sur l'utilisation du dispositif législatif récemment adopté pour favoriser l'investissement dans les PME des contribuables soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune. M. Ronan Bars a affirmé ne pas avoir relevé d'utilisation de ce dispositif, mais que ces nouveaux investisseurs pourraient offrir aux PME, au-delà de leur aide financière, une expertise très utile.
Enfin, la commission a entendu une communication de M. André Ferrand, rapporteur spécial, sur les administrations chargées de l'immigration économique.
a rendu compte de son contrôle sur pièces et sur place des administrations responsables de la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration professionnelle.
Il a rappelé, tout d'abord, que l'immigration professionnelle correspond à un axe fort de la politique du Président de la République : porter la part de l'immigration économique jusqu'à 50 % des flux totaux d'immigration. Il a indiqué qu'il avait souhaité savoir comment les services de l'Etat mettant en oeuvre cet objectif et quelles difficultés éventuelles ils rencontrent. Il a précisé qu'il s'agissait d'un rapport d'étape, puisque le ministère de l'immigration avait un an à peine, son administration centrale ayant été créée au 1er janvier 2008.
Il s'est félicité d'avoir bénéficié, en application de l'article 58-1 de la LOLF, de l'assistance de M. le préfet Jean-Yves Audouin, rapporteur à la 5e chambre de la Cour des comptes, pour bâtir son programme d'auditions et de déplacements, ainsi que pour l'élaboration d'un questionnaire qu'il avait adressé à un échantillon de 15 préfectures et de 14 consulats. Il a reçu, par ailleurs, les résultats d'une étude comparative sur les administrations de l'immigration professionnelle dans six pays de l'OCDE, commandées à la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) par la commission.
tout en précisant que l'immigration professionnelle constitue une nécessité, a indiqué qu'elle correspond à trois priorités distinctes et complémentaires :
- attirer en France des talents, des « accélérateurs de croissance » ;
- répondre aux besoins des secteurs économiques face à une pénurie de main d'oeuvre. L'immigration est une solution de complément à l'offre de travail en France face aux tensions de recrutement dans certains secteurs, qui pourraient se développer à l'avenir. Selon les fédérations professionnelles, il s'agit bien d'une solution de complément et la politique du Gouvernement doit d'abord favoriser le retour à l'emploi des publics les plus éloignés ;
- favoriser l'intégration professionnelle des primo-arrivants au titre, par exemple, du regroupement familial.
Il a déclaré que, face à cette reconnaissance du développement de l'immigration professionnelle, notre pays souffre d'un certain retard par rapport à des pays qui sont, par essence, des pays d'immigration, comme l'Australie, le Canada ou les Etats-Unis, mais aussi l'Espagne ou le Royaume-Uni.
Ces pays ont mis en place, depuis plusieurs années, une politique particulièrement aboutie d'attraction des talents et des compétences, cette politique reposant sur une immigration professionnelle tant qualifiée que non qualifiée.
a ensuite jugé que notre pays souffre de plusieurs faiblesses. Ainsi, en 2006, sur 191.475 titres de séjour délivrés, seuls, 13.471 l'ont été pour un motif économique, soit 7 %. Ce pourcentage a atteint 9,7 % en 2007 grâce aux migrations issues des nouveaux Etats membres de l'Union européenne soumis à dispositions transitoires, il serait même de 16 % sur les cinq premiers mois de l'année 2008. Il a précisé que les instruments de la politique de l'immigration professionnelle ne sont pas encore à l'oeuvre, mais que le changement de cap du Gouvernement rencontre, d'ores et déjà, des échos de la part des ressortissants étrangers.
Il a également souligné que le taux d'immigration économique pour les ressortissants des pays tiers à l'Union européenne est plus faible et qu'il s'établissait à 5,8 % en 2006.
Il a aussi indiqué que, surtout depuis 2003, plus d'un travailleur permanent sur deux admis au séjour n'entre pas physiquement sur le territoire national, mais bénéficie d'un changement de statut, cette proportion atteignant 68,5 % en 2006. Il a observé que l'immigration professionnelle n'est donc pas fondamentalement aujourd'hui une immigration directe, mais l'aboutissement d'un parcours d'immigration commencé, par exemple, comme étudiant.
Concernant les immigrés venus en France pour des raisons familiales, l'incitation à la recherche d'emploi constitue le « parent pauvre » du processus d'intégration : 61,4 % des signataires du contrat d'accueil et d'intégration en 2006 déclarent avoir eu une activité professionnelle avant leur arrivée en France, mais 30,6 % seulement confient en exercer une en France. Il a noté que les 98,9 millions d'euros de crédits prévus, au titre de l'intégration des migrants, par l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances (Acsé) en 2008 pour les associations, font l'impasse sur le secteur de l'intégration professionnelle active.
s'est ensuite interrogé sur la mise en oeuvre, par les administrations, de la nouvelle politique de l'immigration professionnelle. Il a indiqué que les préfectures et les directions du travail, de l'emploi et de la formation constituent le volet « autorisation de travail » et « carte de séjour » sur le sol national de la nouvelle politique, mais qu'elles doivent disposer d'un bras armé à l'étranger pour attirer en France des candidats potentiels au travail. Il a précisé que l'Agence nationale pour l'accueil des étrangers et des migrants (ANAEM) joue, par ailleurs, un rôle d'animation de l'ensemble du dispositif, ainsi qu'une fonction d'accueil et d'intégration de l'ensemble des migrants.
Tout en faisant observer qu'une politique nouvelle nécessitait du temps pour se mettre en place, il en a relevé les difficultés : certains outils ne viendraient à maturité qu'en 2010 et, si cet horizon paraissait lointain sur un plan politique, il était proche, compte tenu des lourdeurs administratives qui aujourd'hui se manifestent lors d'un changement dans l'appareil d'Etat.
Il a ensuite noté que les nouveaux instruments sont mis en oeuvre de manière progressive : sur cinq accords de gestion concertée des flux migratoires négociés, un seul accord passé avec le Gabon a vu sa ratification autorisée par le Parlement le 12 juin 2008, et un délai d'un an reste nécessaire entre la signature de l'accord et la ratification.
Il a précisé que la restructuration de l'ANAEM en un opérateur global de l'immigration et de l'intégration, prévue par la révision générale des politiques publiques (RGPP), ne déboucherait pas avant 2009.
Les listes de métiers dits « en tension » constituent un premier pas mais, pour s'adapter à l'évolution de la demande des entreprises, une actualisation annuelle est indispensable. Il a souhaité que leur méthode d'élaboration soit affinée pour mieux prendre en compte le vécu des entreprises, et ne pas se limiter au rapprochement entre les offres et les demandes d'emploi publiées par l'ANPE.
Il a également constaté que certains instruments connaissent des débuts difficiles, comme la carte « Compétences et talents » ; 44 de ces cartes ont été délivrées à ce jour par rapport à un objectif de 2000 en 2008 (1.000 par les préfectures et 1.000 par les ambassades). Pour éviter l'échec de ce système, il faut que la commission « Compétences et talents » apporte quelques améliorations, les critères apparaissant en effet trop restrictifs. Il a cité l'exemple d'un sportif qui, pour obtenir cette carte en vue des sports olympiques individuels, doit d'abord avoir été champion national dans son pays d'origine l'année sportive précédant la demande ou avoir participé comme membre titulaire aux championnats continentaux ou mondiaux.
Dans les préfectures, la carte « Compétences et talents » fait en partie double emploi avec les dispositifs prévus en faveur des étudiants et des scientifiques. Dans les postes à l'étranger, le « marketing » des ambassades en la matière est peu dynamique, voire inexistant, alors que c'est d'abord à l'étranger que la carte devait être promue.
Cette carte parait, enfin, très contraignante vis-à-vis des candidats des pays de la zone de solidarité prioritaire : elle devrait donc être toilettée de ses aspects relatifs au codéveloppement et pouvoir être renouvelée au-delà de trois ans, comme le prévoient déjà plusieurs accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires. Il a considéré qu'un même outil ne pouvait à la fois servir deux objectifs : attractivité et codéveloppement.
a jugé qu'avant de produire tous ses effets, la nouvelle politique de l'immigration professionnelle doit régler, au cas par cas, la situation d'un certain nombre de travailleurs présents sur notre sol de manière irrégulière, mais employés de manière régulière par des entreprises de bonne foi. Il a estimé qu'il fallait tenir compte de la nature des entreprises, car certains bassins d'emploi peuvent être sous tension, même dans des métiers peu qualifiés. Il a souligné qu'en contrepartie des régularisations, des efforts paraissent nécessaires de la part des fédérations professionnelles : elles doivent résoudre leurs difficultés actuelles de recrutement par une meilleure attractivité des métiers et plus de discernement dans la vérification des documents d'identité de leurs travailleurs.
Le rapporteur spécial a relevé qu'un certain attentisme administratif constitue un autre obstacle à surmonter. Il existe un écart significatif entre la volonté politique d'un changement de cap et la nécessité de passer par des administrations aux cultures de travail très diverses, parfois contradictoires, et sur lesquelles le ministère de l'immigration n'a pas toujours une complète autorité. Il a constaté que les administrations privilégient une « logique de guichet passive » plutôt qu'une démarche plus active de prospection, puis de sélection des immigrants économiques, qualifiés ou non. Il a ajouté qu'un changement de culture paraît nécessaire au sein des directions départementales du travail, car elles ont été incitées, depuis 1974, à freiner l'immigration de travail. Ainsi, dans les services de l'Etat à l'étranger, la démarche active de recrutement de talents pour une immigration professionnelle reste encore très éloignée du quotidien.
a proposé plusieurs pistes pour activer davantage l'immigration économique, la première étant de faire preuve de réactivité face aux besoins des entreprises et des salariés. En ce qui concerne les entreprises, il a souhaité qu'un guichet soit dédié à l'immigration économique et que les partenariats avec les chambres de commerce et d'industrie et les services territoriaux de développement économique soient multipliés. Pour les salariés, il a proposé que le titre de séjour soit remis lors de leur passage sur les plateformes de l'ANAEM, dans une logique de guichet unique. Il a considéré que la visite médicale obligatoire réalisée à l'ANAEM paraissait inutile et rallongeait les délais. Le certificat médical devrait donc pouvoir être réalisé par tout médecin.
Par ailleurs, il a souligné que la procédure d'autorisation de travail peut se compter en mois selon la qualité du dialogue que la direction du travail entretient avec la société concernée et la réactivité de l'inspection du travail. Il a donc proposé de rendre le délai de traitement des demandes d'autorisation de travail opposable à l'administration, l'autorisation étant accordée faute de réponse de la direction départementale du travail dans un délai de deux mois.
a indiqué qu'il fallait aussi lever l'obstacle fiscal en divisant par deux la fiscalité de l'immigration professionnelle. Il a rappelé que l'immigration de travail représente 9,4 % des titres de séjour en 2007 et 40 % des taxes sur les migrations, affectées à l'ANAEM. Deux taxes étaient applicables aux employeurs de main d'oeuvre étrangère : une redevance forfaitaire de 168 euros et une « contribution forfaitaire » pour l'emploi de travailleurs d'une durée supérieure ou égale à 12 mois. Cette contribution s'élève à 893 euros si le salaire brut est inférieur à 1.525 euros et à 1.612 euros au-delà.
Si cette fiscalité se révèle marginale dans le cas de l'embauche de travailleurs qualifiés, elle est dissuasive pour les travailleurs peu qualifiés, pour lesquels le total des taxes représente un mois de salaire. De nombreux employeurs préfèrent donc faire appel à la prestation de service internationale ou à l'intérim à l'étranger, voire à des solutions moins avouables, afin d'éluder ces taxes.
Il a donc proposé de diviser la fiscalité de l'immigration professionnelle par deux et de la compenser par un relèvement limité des droits applicables à l'immigration familiale ou une amélioration du taux de recouvrement de la contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière. Il a également proposé d'affecter à l'ANAEM une fraction des frais de visas.
La troisième piste consiste à dynamiser les administrations. Ainsi, dans les préfectures, les contacts avec les fédérations professionnelles et les entreprises demanderaient à être développés de façon volontariste.
Au niveau du réseau français à l'étranger, il a regretté que la compétence partagée sur les services des visas entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'immigration ait introduit de la confusion au sein des consulats, là où la création du ministère de l'immigration doit introduire de la cohérence. Il a souhaité que ce réseau soit plus mobilisé : certaines ambassades restent en attente d'un accord de gestion concertée des flux migratoires pour débuter leur action, alors que des outils, tels que les listes de métiers en tension ou les cartes « Compétences et talents », sont déjà à leur disposition.
Faisant le constat que, faute d'effectifs, beaucoup de consulats ne souhaitent pas prendre en charge la responsabilité de l'immigration professionnelle, il a proposé que les délégations de l'ANAEM à l'étranger constituent le pivot de l'immigration économique sans, pour autant, devenir un nouveau réseau autonome, et qu'elles soient donc hébergées dans les consulats.
s'est enfin demandé comment opérer le rapprochement entre l'offre et la demande d'emploi par delà les frontières. Constatant qu'il manque aujourd'hui, pour assurer le développement de l'immigration économique, un organisme de placement international de la main d'oeuvre, il a estimé que la meilleure source d'information résiderait dans la création, par l'ANPE, d'un site Internet recensant les demandes et les offres d'emploi dans le domaine de l'immigration de travail. Il a ajouté que les accords de gestion concertée des flux migratoires pourraient confier aux administrations des pays d'origine l'organisation de la présélection des candidats, l'initiative privée mettant ensuite en oeuvre le recrutement définitif des travailleurs.
a enfin abordé la professionnalisation de l'immigration familiale. Il a constaté que la signature du contrat d'accueil et d'intégration donne lieu à une information des droits des personnes concernées, mais à aucune incitation concrète à la recherche active d'un emploi. Il a estimé, par conséquent, que l'ANAEM doit organiser une prise de rendez-vous systématique avec des conseillers de l'ANPE au moment de la signature du contrat d'accueil et d'intégration.
après avoir remercié le rapporteur pour son exposé, a salué la présence de M. Jean-Yves Audoin, préfet, rapporteur à la 5e chambre de la Cour des comptes, qui a assisté le rapporteur spécial dans certains aspects de son enquête.
Un débat s'est ensuite instauré.
M. Jean-Yves Audoin, préfet, rapporteur à la 5e chambre de la Cour des comptes, a relevé l'intérêt de l'intervention du rapporteur spécial, en particulier sur l'origine des informations issues de nombreuses sources très diverses, et cela, dans un contexte mouvant, puisque l'administration centrale du ministère de l'immigration ne date que de janvier 2008 et que l'ANAEM elle-même n'a que deux à trois ans d'existence.
Il a souligné que l'immigration économique présente un double aspect, car elle concerne à la fois les travailleurs réguliers et irréguliers, mais aussi les personnes qui sont déjà dans le pays et n'ont pas accès à l'emploi. Il a précisé que le rapport fait valoir un certain nombre d'observations relevées par la Cour des comptes, et qu'il existe des potentialités dans l'administration qui devaient se développer.
a souhaité savoir à partir de quel moment on se voyait attribuer le statut d'immigrant professionnel et si le passage d'un statut de salarié à celui de chef d'entreprise était possible. Il s'est également interrogé sur l'incidence de l'immigration professionnelle sur le taux de chômage.
Après que M. François Trucy se fut déclaré très intéressé par les pistes de réforme évoquées, M. Philippe Adnot, président, s'est interrogé sur l'existence d'éléments statistiques en matière de définition des besoins.
En réponse, M. André Ferrand, rapporteur spécial, a indiqué qu'il n'avait pas donné de chiffres, mais que les besoins étaient identifiés par le biais des listes fournies par les fédérations professionnelles. D'une manière générale, les principaux secteurs concernés sont le bâtiment et les travaux publics, la restauration, le nettoyage et les services à la personne. Il a regretté que ces besoins ne soient pas ajustés régulièrement, comme cela est pratiqué en Espagne tous les six mois.
A M. Christian Gaudin, le rapporteur spécial a rappelé les trois catégories concernées par l'immigration professionnelle. En premier lieu, figurent les « talents », y compris des chefs d'entreprise qui viennent investir, et qui bénéficient d'un traitement favorable, puis les travailleurs relevant de secteurs professionnels en déficit, et pour lesquels 150 qualifications professionnelles ont été identifiées ; enfin, la dernière catégorie, et la plus importante, relève de l'immigration familiale.
a souhaité connaître le statut d'un scientifique invité. En réponse, le rapporteur spécial lui a indiqué qu'une telle personne se voyait attribuer une carte de séjour temporaire scientifique, d'une durée d'un an renouvelable, et valable uniquement dans l'organisme d'accueil.
La commission a ensuite donné acte au rapporteur de sa communication et a donné à l'unanimité son accord pour sa publication sous la forme d'un rapport d'information.