Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Eric Tourneboeuf, secrétaire général de l'UNSA Transport.
a rappelé en guise d'introduction le souhait de la commission d'entendre les représentants des personnels du secteur ferroviaire, en complément des auditions des responsables d'entreprises auxquelles il a été procédé la semaine précédente.
a présenté brièvement l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), créée en 1994 par la fusion de plusieurs syndicats dont la Fédération de la maîtrise et des cadres de la SNCF. L'UNSA obtient environ 7 % aux différentes élections dans la branche commerce et services et, plus précisément, il est le deuxième, le troisième ou le quatrième syndicat dans les activités de transports. Concernant le projet de loi créant la Commission de régulation des activités ferroviaires (CRAF), il a rappelé qu'il s'agissait d'une obligation européenne et qu'il ne fallait pas attendre de cette nouvelle instance qu'elle règle tous les problèmes du secteur ferroviaire. Le but est de garantir un équilibre du système pour le présent et pour l'avenir, dans la perspective de l'ouverture partielle à la concurrence du transport de voyageurs à compter du 13 décembre 2009.
Il a estimé que la question essentielle était celle de la complexité de l'organisation ferroviaire, issue de la loi du 13 février 1997 créant Réseau ferré de France (RFF). Un système relativement fermé sur lui-même a été remplacé par une organisation qui repose sur le jeu combiné de différents acteurs. Il a fait valoir que l'UNSA n'était pas favorable au principe de l'ouverture à la concurrence dans le secteur et que cette évolution pouvait présenter de réels risques si elle était faite rapidement.
Le premier risque tient au retard pris par la législation sur la réalité du marché. Ouvrir à la concurrence un secteur où 95 % des agents de l'opérateur historique sont régis par un statut particulier ne devrait être envisageable que s'il existait un cadre social harmonisé pour les salariés de l'ensemble des entreprises ferroviaires. Or, tel n'est pas le cas.
Le second risque concerne la sécurité. En effet, si l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) constitue bien le cadre administratif dans lequel la sécurité devrait être garantie, force est de constater que cet établissement ne dispose pas des moyens d'exercer réellement ses compétences et que c'est donc le comportement quotidien des cheminots qui constitue aujourd'hui la principale garantie de sécurité du système. La sécurité ferroviaire est excessivement complexe puisqu'elle repose très largement sur l'action de chacun des acteurs et sur la prise en compte de réglementations très variables d'un type d'activité ou d'une zone géographique à l'autre. Pour cette raison, une des conditions du développement du secteur ferroviaire, affirmée par le Grenelle de l'environnement, exige le maintien d'une certaine stabilité des personnels en charge de l'activité ferroviaire. La sécurité exige que ceux-ci soient formés et expérimentés, ce qui devrait conduire à les fidéliser, notamment au moyen d'un cadre social harmonisé offrant un niveau de garanties suffisantes.
Sur le projet de loi lui-même, M. Eric Tourneboeuf a indiqué ne pas avoir de critiques particulières à formuler, dans la mesure où le cadre communautaire exige effectivement la mise en place d'un arbitre. Il a toutefois tenu à attirer l'attention sur l'importance de la question de l'allocation des capacités qui renvoie elle-même à celle de l'état du réseau ferroviaire français et au débat sur le mode de financement des investissements très lourds exigés pour la remise en état de cette infrastructure. Ceux-ci ne sauraient être seulement financés par les transporteurs et l'équilibre financier du réseau exigera donc toujours une intervention publique, ce qu'il ne faut pas perdre de vue au moment où on s'apprête à rentrer dans une logique de concurrence.
s'est demandé si le plus rationnel pour la SNCF ne serait pas de décomposer ses différentes activités en centres de gestion bien identifiés, respectivement en charge des TGV, des trains régionaux, des trains corail intercités, du fret, des gares classiques et, enfin, des gares de triage. Il a, en outre, estimé que la CRAF ne devait pas seulement jouer un rôle d'arbitre, mais qu'elle devait aussi avoir une approche économique du secteur ferroviaire et se prononcer notamment sur les investissements. Concernant la situation sociale des personnels, il a fait valoir que la négociation d'un cadre harmonisé relevait des partenaires sociaux et il s'est interrogé sur le devenir des agents de la SNCF en cas de transfert d'une activité de TER à un concurrent de l'entreprise publique.
a rappelé que l'ouverture à la concurrence du réseau intérieur n'était actuellement pas exigée par le paquet ferroviaire et que le règlement sur les obligations de service public ne prévoyait pas de mise en concurrence des trains de type TER. Il a aussi souhaité connaître l'opinion de M. Eric Tourneboeuf sur :
- la mise en place de la possibilité de cabotage intérieur pour les lignes internationales ouvertes à la concurrence à partir de fin 2009 ;
- la mise en place d'une véritable Europe sociale ferroviaire, notamment par l'instauration du certificat de conduite européen, mesure oubliée du projet de loi, sur laquelle M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a annoncé la semaine dernière qu'il y aurait un amendement.
s'est interrogé sur la façon dont les opérateurs privés pourraient rentabiliser l'exploitation de services ferroviaires alors même que tout démontre que ceux-ci sont aujourd'hui largement déficitaires. Il s'est demandé si l'ouverture à la concurrence ne risquait pas de se traduire par une diminution des coûts obtenue par un abaissement de la qualité des services et du niveau de sécurité.
a rappelé qu'elle n'était pas favorable au principe de l'ouverture à la concurrence, se demandant d'ailleurs si la réponse à la complexité actuelle du système ne passerait pas par un retour à une organisation intégrée, comme cela était le cas avant 1997. Soulignant l'importance primordiale du facteur humain dans le bon accomplissement des activités ferroviaires, elle a interrogé M. Eric Tourneboeuf sur les domaines dans lesquels l'harmonisation sociale lui paraissait aujourd'hui indispensable pour garantir la qualité de l'exploitation et maintenir le haut niveau de compétence des employés du secteur.
a répondu en apportant les précisions suivantes :
- concernant le découpage de la SNCF en centres de gestion, il a rappelé que l'entreprise était déjà composée de cinq branches d'activités distinctes présentant chacune une comptabilité identifiée, et ce en application de la loi de 1997 sur la séparation des activités assurées par la SNCF, de gestionnaire d'infrastructure délégué d'une part, et d'entreprise ferroviaire d'autre part. Les gares sont en train de faire l'objet d'une mise en place d'une comptabilité séparée ;
- s'agissant des activités de type train corail ou des lignes dites d'aménagement du territoire, leur situation financière particulière a déjà été pointée, notamment en 2005 lorsque le président de la SNCF a mis en exergue l'existence d'un déficit important sur ces lignes : 100 millions d'euros à l'époque, ramenés à environ 80 millions d'euros aujourd'hui. L'équilibre économique de ces services est une question éminemment politique puisque, en situation de concurrence, il existe un débat sur le point de savoir si c'est à la SNCF de financer ces activités déficitaires en procédant à des péréquations internes ou s'il ne serait pas du rôle de l'Etat d'intervenir financièrement au titre de ses obligations de service public et de l'aménagement du territoire. Il serait envisageable que la CRAF intervienne pour exiger une plus grande transparence du financement de ces lignes, en incitant par exemple l'Etat à rembourser à la SNCF les péages qu'elle verse pour l'exploitation de ces services à l'instar de ce qu'il fait déjà en compensant aux régions l'essentiel des péages payés par les TER. Le déficit financier le plus important pour ce type de lignes n'est pas constaté sur des liaisons transversales comme Bordeaux-Lyon, mais sur les trains desservant Paris, dans la mesure où ils arrivent dans la capitale aux heures où les péages sont les plus chers, sachant que de surcroît, en Ile-de-France, l'utilisation de l'infrastructure ferroviaire n'est pas payée au coût marginal mais selon la règle du coût complet ;
- l'application concrète du troisième paquet ferroviaire autorise le cabotage intérieur à titre accessoire, disposition qui sera sans doute concrètement très délicate à vérifier par la CRAF ; comment apprécier le caractère effectivement accessoire de telle ou telle montée ou descente de voyageurs dans les gares françaises, tout au long d'un trajet international ? ;
- le règlement sur les obligations de service public (OSP) n'impose pas l'ouverture à la concurrence du trafic régional. Toutefois, un certain nombre d'autorités organisatrices pourraient envisager de s'appuyer sur ce texte pour obtenir le droit de lancer des appels d'offres, quitte à aboutir à un contentieux devant la Cour de justice des communautés européennes. Au cas où cette mise en concurrence deviendrait un jour effective, il faut s'inspirer de l'exemple allemand pour répondre à la question du devenir des personnels de l'opérateur historique lors de la perte d'un marché par celui-ci. La Deutsche Bahn a décidé de ne transférer à ses concurrents ni son personnel, ni son matériel, et cette attitude a pu s'avérer contre-productive puisqu'elle a incité les entreprises privées à se substituer entièrement à l'opérateur historique en acquérant du matériel neuf et en repensant l'ensemble du mode d'exploitation du service, marginalisant encore un peu plus ce dernier. Le refus catégorique de la Deutsche Bahn ne constituera donc pas une réponse optimale et l'acceptation d'un transfert de personnels pourrait être un moindre mal.
- le dialogue est aujourd'hui bloqué en matière d'harmonisation sociale européenne entre, d'une part, la fédération européenne des travailleurs du transport (ETF), représentant la quasi-totalité de syndicats de personnel du ferroviaire, et, d'autre part, la confédération européenne des entreprises (CER), fédérant les organisations patronales. Le seul point concret ayant abouti est celui du certificat de conduite transfrontalier qui devrait effectivement être mis en place prochainement. Ce document est toutefois plus proche d'un permis de conduire de pilote de ligne que d'un permis routier puisqu'il n'est pas entièrement personnel et qu'une partie de sa validité dépend du rattachement à l'entreprise qui emploie le conducteur ;
- s'agissant des conditions de la concurrence, les nouveaux entrants ne sont pas dans la même situation que la SNCF puisqu'ils ne se positionnent, par définition, que sur des activités rentables, au détriment des autres, limitant ainsi au maximum les charges fixes liées au fonctionnement d'ensemble du système que la SNCF supporte aujourd'hui. Il est à craindre que la désintégration de l'organisation dans laquelle la SNCF joue l'ensemble des rôles ne se traduise par l'oubli pur et simple de certaines missions, ou au minimum par leur dégradation. Ainsi la SNCF consacre environ 7 % de son chiffre d'affaires à la formation professionnelle des agents, ce qui est très au-dessus des normes habituelles, quels que soient les secteurs considérés ;
- on peut se demander si les nouveaux opérateurs seront en mesure de construire un modèle préservant l'attractivité des métiers du ferroviaire, comme la SNCF a su le faire au travers du statut. A l'inverse, on peut craindre de voir transposer dans le domaine ferroviaire ce qui existe déjà dans le domaine routier, à savoir l'emploi de personnels d'Europe centrale avec des salaires moins élevés pour effectuer des missions de plusieurs jours qui, sous couvert d'aller-retour international, comprennent plusieurs jours de cabotage dans des pays comme la France. Un tel nivellement social par le bas présente des risques évidents en matière de sécurité ;
- concernant la situation de la SNCF en tant que gestionnaire d'infrastructure délégué, le système issu de 1997 a été fragilisé par la désintégration des fonctions de gestion de réseau et les difficultés qui en découlent n'affectent pas seulement les nouveaux entrants mais aussi la SNCF en tant qu'entreprise ferroviaire demandeuse de sillons.
A M. Francis Grignon, rapporteur, qui s'interrogeait sur les difficultés à être employé par RFF pour des agents relevant initialement de la SNCF, M. Eric Tourneboeuf a répondu que ce type de transfert avait déjà été réalisé puisque la moitié des 200 agents présents lors de la création de RFF étaient des employés de la SNCF sous statut. La mise en oeuvre de ces transferts pose néanmoins un problème précis : tout en conservant le statut de cheminots, les agents ainsi transférés ne bénéficient pas d'une continuité de leurs droits en termes de retraite et de protection sociale, dans la mesure où il n'existe pas de caisse générale pour l'ensemble des employés du secteur ferroviaire, à l'instar de ce qui prévaut pour le statut des industries électriques et gazières. Il peut en découler une pénalisation des agents qui ont ainsi cotisé à plusieurs régimes différents. A ce titre, on peut s'étonner de la politique du Gouvernement en matière de régime spécial qui consiste à diminuer pour l'avenir le nombre de cotisants au régime des cheminots, alors qu'il aurait plutôt fallu trouver une formule permettant d'étendre ce régime à l'ensemble des travailleurs du secteur ferroviaire dont le nombre est appelé à croître dans les années qui viennent.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-Marc Fontaine, membre du bureau fédéral de Sud Rail.
a exposé d'emblée le désaccord de son syndicat avec le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Il a considéré que la création d'une autorité de régulation rendrait encore plus complexe l'organisation du secteur, déjà marquée par la séparation entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF). Redoutant une déstructuration du service public ferroviaire, il a plaidé pour une réintégration de la gestion des infrastructures et de celles en charge du transport ferroviaire au sein d'une structure unique. En outre, il a estimé que la création de RFF avait permis à l'Etat d'éviter de reprendre la dette des transports ferroviaires.
S'agissant de l'ouverture à la concurrence, M. Jean-Marc Fontaine a craint que les employés des nouveaux opérateurs ne bénéficient pas d'une formation suffisante et que la multiplication des structures ne permette plus d'assurer la sécurité maximale qui constitue la priorité des cheminots. Il a aussi souligné le problème posé par le mauvais entretien du réseau et les difficultés récurrentes sur les caténaires.
a enfin considéré que l'existence d'une société unique favoriserait les synergies entre les acteurs et a déploré qu'un service public soit régi par des considérations uniquement marchandes.
a d'abord demandé à M. Jean-Marc Fontaine si la présence d'un régulateur n'était pas nécessaire pour éviter la survenance de distorsions de concurrence, une fois celle-ci mise en place. Il l'a également interrogé sur les deux rapports relatifs au système ferroviaire, remis par M. Hubert Haenel au Premier ministre, ainsi que sur l'ouverture éventuelle à la concurrence de certaines lignes de trains express régionaux (TER).
S'agissant du fret, M. Michel Teston a rappelé que, selon les propos tenus devant la commission par M. Joachim Fried, directeur de la stratégie de la Deutsche Bahn, l'émergence d'acteurs de grande taille se ferait par la cession des activités des entreprises ferroviaires historiques. Il s'est interrogé sur la possibilité pour la SNCF de faire partie de ces entreprises qui joueraient un rôle de premier plan sur le marché.
a estimé que la séparation comptable a toujours précédé la segmentation entre les activités rentables et celles qui ne le sont pas. Elle a demandé à M. Jean-Marc Fontaine sa position sur l'harmonisation sociale de la situation des employés et sur l'éventualité d'un transfert du personnel vers des structures privées.
Abordant la question de la formation, M. Jean-Jacques Mirassou s'est demandé comment faire en sorte que la séparation entre des opérateurs distincts ne porte pas atteinte au bon fonctionnement du système.
a apporté les réponses suivantes :
- sur le fret ferroviaire, la SNCF a modifié plusieurs fois sa politique relative aux wagons isolés ; par ailleurs, le transport ferroviaire n'est pas traité à égalité avec le transport routier, ce dernier ne participant pas de manière appropriée au financement des infrastructures qu'il utilise ;
- le transfert des personnels d'aiguillage à une filiale de la SNCF proposé par le rapport de M. Hubert Haenel n'est pas une solution satisfaisante et le rapport final n'a pas répondu aux intentions qu'il avait exprimées au départ, s'agissant notamment de la préservation du service public ;
- à propos des ambitions de la SNCF en terme de développement de l'entreprise, il conviendrait d'assurer d'abord que certains segments, tels que le transport public, sortent du système marchand, sans prendre pour modèle le système ferroviaire anglais ;
- l'harmonisation sociale se fait dans le mauvais sens, comme en témoigne un décret récent instituant des dérogations au temps de travail ; la réglementation SNCF, pourtant insuffisante, apparaît comme supérieure à celle du secteur privé ;
- en matière de la formation professionnelle, il faut environ seize mois pour former un mécanicien ; or, désormais, l'ouverture du transport à des opérateurs privés risque de limiter la compétence des mécaniciens à un nombre limité de matériels sur certaines lignes, ce qui pourrait porter atteinte à l'efficacité du travail quotidien comme à la sécurité du transport.
a enfin regretté que l'article 23 du projet de loi étende le champ d'une concession accordée à une société autoroutière, tout en accordant la gratuité aux usagers locaux, alors que c'est le transport ferroviaire qu'il conviendrait de privilégier.
a alors souligné que le Grenelle de l'environnement avait proposé des mesures pour favoriser le transport ferroviaire.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Thierry Roy, secrétaire fédéral de la Confédération générale du travail (CGT), accompagné de MM. Daniel Geneste et de Henry Wacsini.
a précisé que le projet de loi comportait trois volets et que deux nouveaux points y seraient probablement introduits à l'initiative du Gouvernement :
- l'un en matière de transport aérien concernant la limite d'âge maximum de départ à la retraite des personnels navigants ;
- et l'autre relatif à une réforme du conseil national des transports, du conseil supérieur du service public ferroviaire, ainsi que des conseils de la marine marchande et de l'aviation civile.
La partie ferroviaire du projet de loi marque une étape supplémentaire dans le processus de libéralisation du secteur au-delà même de la seule création de la commission de régulation des activités ferroviaires (CRAF). Il a rappelé l'opposition de principe de la CGT à cette évolution qui, du reste, est loin d'avoir fait la preuve de son efficacité dans ce domaine comme dans d'autres.
Il a aussi regretté que ce projet de loi n'ait fait l'objet d'aucune concertation préalable avec le Gouvernement, rappelant que par ailleurs l'ensemble du syndicalisme européen demande depuis plusieurs années que soit engagé un bilan de la libéralisation des chemins de fer.
En outre, il est difficile de dissocier l'examen de ce projet de loi du débat plus large sur le système ferroviaire français en général et sur le bilan négatif de la réforme de 1997 en particulier.
Il a ensuite fait part de ses observations sur les principaux éléments du texte.
Le titre I transpose des éléments des premier, deuxième et troisième paquets ferroviaires s'agissant de l'ouverture à la concurrence pour le transport de voyageurs, ce qui n'est pas sans soulever un certain nombre d'interrogations du point de vue de la sécurité.
Plus précisément, il est à craindre que les articles 1er et 2 ne remettent en cause le haut niveau d'exigence de sécurité qui a fait la force du système ferroviaire français, celui-ci risquant d'être la victime de la volonté d'ouverture à la concurrence des opérateurs privés.
En outre, le projet de loi donne la possibilité à Réseau ferré de France (RFF) de céder à des « opérateurs de proximité » des missions de gestionnaire d'infrastructure actuellement assurées par la SNCF, ce que conteste la CGT pour laquelle cette disposition apporte une preuve supplémentaire du fait que la séparation imposée entre la gestion de l'infrastructure et son utilisation constitue bien un problème. Or, curieusement, cette séparation est envisagée comme une solution dans le cas de ces opérateurs de proximité alors qu'elle est généralement présentée comme un facteur de problèmes lorsque l'on évoque d'autres aspects du secteur ferroviaire. Cette mesure risque de se traduire par un désengagement supplémentaire de l'Etat, puisqu'elle vise à transférer tout ou partie des charges d'infrastructures des lignes sans voyageurs classées 7 à 9 par l'Union internationale des chemins de fer (UIC), soit près de la moitié du réseau.
Le titre III traite de la régulation des activités ferroviaires à proprement parler et institue la CRAF, chargée en fait de superviser l'ensemble des acteurs tels que RFF, la SNCF, les autres opérateurs, mais aussi l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). En outre, le texte crée des possibilités d'intervention pour de nouveaux acteurs même lorsque leur activité n'est pas le transport ferroviaire.
Nonobstant l'analyse de la CGT sur la libéralisation elle-même, M. Thierry Roy a considéré qu'il y avait une certaine cohérence à ce que la CRAF dispose de prérogatives équivalentes, voire supérieures, à d'autres autorités de régulation telles que celle mise en place dans le secteur de l'énergie. En revanche, la mise sous tutelle de l'EPSF serait susceptible de porter atteinte à la sécurité, alors qu'il s'agit d'une dimension fondamentale du système ferroviaire.
En outre, il serait souhaitable que l'article 5 du projet de loi soit amendé afin de renforcer la composition de la CRAF dans un sens plus social.
Quant à la partie routière du projet de loi, elle marque, au travers du paragraphe III de l'article 23, une étape supplémentaire dans la mise en concession du réseau, ce qui est difficilement acceptable. Cette démarche n'a aucune justification et n'est pas cohérente avec la fin du principe de l'adossement autoroutier. Si la concession d'une route nationale (RN 205) constitue une première, il ne peut échapper à personne que cela ouvre probablement la voie à un processus de privatisation plus large, ce qui justifie une demande de retrait de cette disposition.
Un débat s'est instauré.
s'est interrogé sur les améliorations susceptibles d'être apportées au projet de loi. Il a souhaité obtenir des précisions sur ce qu'il fallait entendre par la mise sous tutelle de l'établissement public de sécurité ferroviaire par la CRAF et l'existence de compétences sociales de la CRAF.
a demandé si les garanties accordées par le texte en matière de cabotage étaient suffisantes. Il a aussi souhaité savoir s'il ne serait pas préférable que les opérateurs de proximité prévus soient plutôt constitués à l'initiative d'acteurs publics ou parapublics, tout en estimant important que RFF conserve la propriété des infrastructures ferroviaires.
a indiqué qu'elle partageait l'essentiel de l'analyse livrée par M. Thierry Roy et l'a interrogé sur les actions à entreprendre pour assurer le développement du transport ferroviaire tout en garantissant la sécurité.
a souhaité savoir comment il était possible pour la SNCF de demeurer très performante tout en continuant d'assurer ses missions de service public.
a apporté les éléments de réponses suivants :
- l'intervention de la CRAF en matière de sécurité ne doit pas remettre en cause les prérogatives de l'EPSF, en particulier à un moment où les réclamations des opérateurs privés contre des décisions de cet établissement pourraient induire une pression en faveur d'un abaissement des exigences. La sécurité ferroviaire est en effet un facteur de coût très important pour les entreprises du secteur ;
- le projet de loi apporte des précisions utiles à la mise en oeuvre des textes communautaires au sujet du cabotage dans le cadre de liaisons internationales. L'ouverture à la concurrence à laquelle la CGT est opposée va poser un certain nombre de questions en matière d'accès des opérateurs aux services qualifiés par les textes européens de « facilités essentielles » et en particulier aux gares.
En complément, M. Daniel Geneste a explicité le rôle social de la CRAF en estimant nécessaire que cette dernière comprenne au sein de son collège un représentant des personnels des entreprises ferroviaires, à l'instar de ce qui existe déjà pour la commission de régulation de l'énergie (CRE).
a fait part de ses interrogations sur les risques « d'écrémage » du trafic consistant pour les nouveaux opérateurs à n'exploiter que les parties du service répondant à leurs critères de rentabilité au détriment des autres.
faisant référence aux auditions précédentes, s'est demandé si l'ouverture à la concurrence allait réellement se traduire par l'arrivée brutale de nouvelles entreprises sur le marché du transport de voyageurs, compte tenu du niveau d'investissement exigé.
a estimé nécessaire de préciser les situations dans lesquelles l'arrivée de nouveaux opérateurs se ferait par le biais de la réponse à un appel d'offres.
a évoqué le risque de voir le système de péages sur les sillons conduire les entreprises privilégier leurs demandes pour les trafics les plus rentables, ce qui impliquerait à terme un manque de capacités pour assurer des liaisons financièrement moins intéressantes.
après en avoir appelé à une directive européenne en faveur des services d'intérêt économique général, s'est interrogé sur la façon dont les concurrents de la SNCF pourront utiliser les gares.
Suite à ces interventions, M. Thierry Roy a fait état des éléments suivants :
- l'ouverture à la concurrence du transport régional ne constitue nullement une obligation européenne et toute décision en ce sens ne pourra donc procéder que d'une décision politique nationale. Seul ce type de trafic pourrait être dévolu au moyen d'appels d'offres ;
- le risque « d'écrémage » du trafic peut s'illustrer à travers l'exemple d'un concurrent de l'Eurostar privilégiant les horaires les plus porteurs et abandonnant les autres à la société publique ;
- le bon niveau de sécurité actuel du système résulte à la fois du réseau, du matériel et de l'organisation humaine. Ainsi existe-t-il des marges sur lesquelles des opérateurs soucieux de rentabilité pourraient être tentés de faire porter la réduction des coûts ;
- les règles actuelles de tarification tendent essentiellement à orienter les usagers vers un remplissage homogène des trains et s'écartent de la logique d'un accès égal à tous les trains pour tous, quels que soient leurs moyens financiers ;
- tous les intervenants sur le marché ne supportent pas, au même titre que la SNCF, les coûts liés aux frais fixes du système ferroviaire ou à l'acquisition d'un haut niveau de sécurité, par exemple au travers de la formation de leurs personnels ;
Par ailleurs, M. Daniel Geneste a précisé que l'émergence des opérateurs de proximité ne devait pas consister en un désengagement des acteurs publics et il a rappelé qu'un amendement avait été déposé sur le projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, actuellement en discussion, tendant à assurer que la SNCF soit présente aux côtés de ces nouveaux opérateurs de gestion du réseau.
Il s'est inquiété de la possibilité, prévue par le projet de loi, de laisser d'autres entités que les entreprises ferroviaires demander des sillons, ce qui pourrait leur permettre éventuellement de les transférer ensuite à d'autres opérateurs.
Sur ce dernier point, M. Jean-Paul Emorine, président, a fait valoir que toutes les entreprises étaient à égalité dans la mesure où le prix des sillons était le même pour tous.
Puis en réponse à une question de Mme Evelyne Didier, M. Thierry Roy a rappelé que la SNCF était à la fois une entreprise ferroviaire et le gestionnaire délégué de l'infrastructure agissant pour le compte de RFF. Concernant cette seconde mission, il a estimé que le projet de loi risquait de permettre à des opérateurs de proximité de jouer, seuls, le rôle normalement dévolu au gestionnaire d'infrastructure.
a apporté plusieurs précisions sur la façon dont l'infrastructure était aujourd'hui gérée, indiquant que les équipes qui en avaient la charge étaient de toute façon rémunérées directement ou indirectement par le paiement des péages, quelle que soit la forme juridique que pourrait prendre la structure accueillant ces équipes.
a fait valoir qu'à partir du moment où le secteur ferroviaire était entré dans une logique de concurrence, il était essentiel de bien distinguer ce qui relève de la responsabilité propre de RFF, quitte à ce que cet organisme délègue ensuite une partie de ses missions à une autre entité, telle que la SNCF.
a estimé que la question de savoir dans quelles conditions les équipes de la SNCF délégataires de RFF assuraient effectivement un égal accès au réseau à tous les opérateurs pouvait éventuellement concerner les horairistes, chargés de prévoir les trafics et d'instruire les demandes de sillons, mais en aucun cas les personnels chargés de l'application de ces décisions comme par exemple ceux en charge des centres d'aiguillage, tant il est évident que ces derniers assurent un traitement identique aux trains de la SNCF et à ceux de la concurrence.
a ensuite fait part d'un doute sur la lecture du projet de loi concernant l'identité exacte de l'autorité administrative mentionnée au 6° du paragraphe III de l'article 8.
A propos de la gestion des gares, il a rappelé que la SNCF isolait les comptes liés à ces équipements au sein de la comptabilité de l'entreprise, alors que la CGT souhaitait que la SNCF conserve la propriété des gares tout en garantissant un égal accès aux autres opérateurs.
Il a également rappelé que les différentes branches de la SNCF n'étaient pas propriétaires de leurs équipements ni même des recettes ou des liquidités qu'elles produisent.
La commission a enfin demandé à être saisie pour avis sur la proposition de loi n° 34 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.
Elle a ensuite nommé M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis sur cette proposition de loi, sous réserve de la décision de la Conférence des Présidents.