La commission a tout d'abord procédé à l'examen des amendements au texte de la commission n° 57 (2009-2010) sur la proposition de loi organique n° 634 (2008-2009), modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin.
A l'article 1er (compétences fiscales de la collectivité), la commission a adopté un amendement de son rapporteur visant à supprimer la disposition du code général des collectivités territoriales relative à la compensation intégrale par l'Etat, pendant les cinq premières années d'application du statut de Saint-Martin, des pertes de recettes résultant pour la collectivité de l'application de la règle des cinq ans de résidence.
a précisé que la collectivité aurait, comme le prévoit la proposition de loi organique, la possibilité d'imposer, à raison de leurs revenus de source locale, les personnes physiques et morales dont le domicile fiscal n'est pas établi à Saint-Martin parce qu'elles y résident depuis moins de cinq ans. Dès lors, la règle des cinq ans n'entraînant plus de pertes de recettes pour Saint-Martin, la compensation n'a plus lieu d'être.
Sur l'ensemble des amendements, la commission a donné les avis suivants :
a indiqué que l'amendement n° 1 tendant à insérer un article additionnel après l'article premier, présenté par M. Louis-Constant Fleming, tendait à permettre à Saint-Martin de fixer les règles de recouvrement de la fiscalité qu'elle définit en s'inspirant des règles applicables en matière douanière à l'échelle nationale. Rappelant que Saint-Martin n'a pas de compétence normative en matière douanière, il a expliqué qu'elle détenait en revanche la compétence fiscale et pouvait, en ce domaine, définir les règles applicables sur son territoire en se référant, le cas échéant, aux règles définies par l'État en matière douanière. Il a jugé que l'amendement affirmait une compétence que Saint-Martin possédait déjà.
signalant que son amendement visait à préciser les compétences de la collectivité de Saint-Martin, a indiqué qu'il serait prêt à le retirer si le rapporteur et le Gouvernement confirmaient en séance publique que le statut de Saint-Martin lui permettait de se référer aux règles applicables en matière douanière.
a souligné que l'amendement n° 2 (article 2), présenté par M. Louis-Constant Fleming, visait à permettre au conseil exécutif de Saint-Martin de procéder à la détermination de l'assiette et à la liquidation des taxes liées aux autorisations d'urbanisme et de déléguer ces compétences au fonctionnaire responsable du service de l'urbanisme de la collectivité. Il a expliqué que cet amendement rétablissait donc en partie les dispositions de l'article 4, supprimées par la commission, sans revenir sur le fait que le conseil exécutif reste collégialement compétent pour délivrer les autorisations d'urbanisme.
Il a estimé qu'il n'était pas justifié de confier au conseil exécutif la liquidation des taxes liées aux opérations d'urbanisme et de lui permettre de déléguer cette tâche au responsable de l'urbanisme.
a précisé que l'amendement visait à améliorer le recouvrement de la taxe locale d'équipement par la collectivité de Saint-Martin.
a relevé que l'amendement entrerait en contradiction avec le II de l'article LO 6314-4 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, droits et taxes et autres prélèvements sont assurées, à Saint-Martin, par des agents de l'État, dans les conditions prévues par une convention entre l'Etat et la collectivité. Rappelant que le recouvrement était une compétence de l'État, il a jugé qu'il ne fallait pas attribuer au conseil exécutif une compétence concurrente de celle que le statut de la collectivité donne à l'État.
a expliqué que les amendements n° 3, 4 et 5 présentés par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendaient à supprimer le chapitre II de la proposition de loi organique, relatif aux compétences du président du conseil territorial et du conseil exécutif de St Martin. Estimant que les dispositions de ce chapitre ne présentaient pas le même caractère d'urgence que les dispositions relatives aux compétences fiscales de la collectivité, il a rappelé que la commission avait apporté plusieurs modifications à ce chapitre :
- elle a maintenu le principe d'information du conseil exécutif sur l'exercice des missions confiées à chacun de ses membres en matière d'animation d'un secteur de l'administration territoriale (article 3). Le principe de responsabilité des membres du conseil exécutif et de transparence de son fonctionnement est donc entièrement préservé ;
- elle a supprimé l'article 4, qui tendait à confier au seul président du conseil territorial la compétence en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme. La commission a souhaité maintenir, en ce domaine, le principe de collégialité de la décision, prise par le conseil exécutif.
Il a souligné que ne restaient donc, dans ce chapitre II, que des dispositions qui ne remettent pas en cause l'équilibre du statut de 2007 et qui pouvaient être adoptées dans le cadre de cette proposition de loi organique.
indiquant qu'il maintiendrait ces trois amendements en séance publique, a rappelé que le groupe socialiste n'avait pu les déposer avant l'examen de la proposition de loi organique par la commission, en raison de délais particulièrement courts. Il a estimé que, si la procédure accélérée paraissait fondée s'agissant des dispositions relatives à la compétence fiscale de Saint-Martin à l'égard des revenus de source locale, rien ne justifiait l'adoption dans ce régime d'urgence de dispositions modifiant par ailleurs le statut organique défini en 2007.
Présidence de Mme Catherine Troendle, vice-présidente.
Puis la commission a procédé à l'examen, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, du rapport de M. Jean-Jacques Hyest sur la proposition de résolution européenne n° 72 (2009-2010), présentée par M. Hubert Haenel au nom de la commission des affaires européennes, sur le projet d'accord entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique portant sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière afin de combattre le terrorisme.
a indiqué que le Sénat avait été saisi, le 21 novembre 2007, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, d'un projet d'accord entre l'Union européenne et les États-Unis sur le transfert de données détenues par la société de messagerie financière internationale SWIFT.
Cet accord a pour but d'encadrer l'accès du département du Trésor américain à certaines données concernant les flux financiers ayant pour origine des donneurs d'ordre qui peuvent être européens, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
L'adoption de cet accord, qui est en cours de négociation et est susceptible de recevoir encore des modifications ou des changements substantiels, aura probablement lieu lors du Conseil Justice et affaires intérieures (JAI) des 30 novembre et 1er décembre 2009.
La commission des affaires européennes a examiné le 28 octobre 2009 ce projet d'accord et son président, M. Hubert Haenel, a présenté, en application de l'article 73 quater du règlement du Sénat, une proposition de résolution dont la commission des lois est désormais saisie.
Cette proposition de résolution offre en l'état, selon M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, une rédaction satisfaisante.
Toutefois, une question de procédure a conduit la commission des lois à l'examiner rapidement ainsi qu'à déposer un rapport.
En effet, il est nécessaire que ce texte devienne résolution du Sénat avant le 30 novembre, date de l'adoption probable de l'accord par le Conseil JAI européen.
Or, si la commission ne s'en était pas saisie et si, comme il est probable, cette proposition de résolution européenne n'avait pu être inscrite à l'ordre du jour du Sénat dans un délai très court, elle ne serait devenue résolution du Sénat que passé un délai d'un mois et trois jours francs suivant sa transmission à la commission, conformément à l'article 73 quinquiès du règlement du Sénat, soit le 3 décembre, donc après la réunion du Conseil JAI.
En revanche, l'examen de cette proposition de résolution par la commission des lois ce 16 novembre 2009 lui permet de devenir résolution du Sénat dans les trois jours si aucune demande tendant à son examen en séance publique n'est effectuée. Elle pourra ainsi être prise en compte lors des négociations en cours.
a ensuite exposé brièvement le fond du dossier.
Il a ainsi indiqué que la société SWIFT, société coopérative de droit belge, était un prestataire international de services informatiques, qui facilite les opérations financières grâce à un système de messagerie. Il s'agit d'une entreprise dominante dans son secteur et une grande partie des paiements de masse internationaux effectués par les institutions financières passe par elle.
Si la base de données de SWIFT est située aux Pays-Bas, il existe une duplication de sauvegarde en Virginie. Cette localisation a permis aux autorités américaines, en 2006, d'adresser des injonctions à SWIFT pour avoir accès à des données à caractère personnel contenues dans la base, au nom de la lutte contre le terrorisme. Ces données concernaient notamment des personnes et des entreprises européennes.
En novembre 2006, le groupe dit « de l'article 29 » -qui réunit les «CNIL» européennes- a émis un avis, selon lequel SWIFT, en répondant aux injonctions du Trésor américain, violait la législation communautaire en matière de protection des données.
Des négociations ont alors été engagées entre la Commission européenne et le département du Trésor, et ont abouti à des engagements unilatéraux américains, offrant des garanties telles que la limitation de l'utilisation des données à la seule finalité de lutte contre le terrorisme et un effacement des données transmises mais non utilisées dans le cadre d'une enquête.
En mars 2008, l'Union européenne a désigné M. Jean-Louis Bruguière pour évaluer le respect des engagements américains. Il a rendu un rapport concluant de manière positive sur ce respect.
Un nouvel élément a toutefois modifié l'équilibre ainsi trouvé et a rendu nécessaire la négociation d'un nouvel accord.
En effet, SWIFT est en passe de réorganiser ses activités en distinguant deux zones de traitement : la zone européenne et la zone transatlantique. En conséquence, les messages internes à l'espace européen seront traités et stockés exclusivement en Europe et ne seront plus accessibles aux Américains.
Or, le programme américain a permis aux États membres de l'Union de bénéficier d'informations qu'ils ont jugées utiles pour lutter contre le terrorisme. La Commission européenne a donc proposé l'ouverture de négociations avec les États-Unis en vue de conclure un nouvel accord qui assure la continuité du transfert de données malgré la nouvelle architecture de SWIFT.
En l'état actuel, le projet d'accord contient un certain nombre de garanties. En particulier, les transmissions de données en faveur des autorités américaines ne pourront avoir pour but que la lutte anti-terroriste. Surtout, les autorités américaines devront faire des demandes motivées et l'Etat européen concerné vérifiera la conformité de ces demandes avec l'accord bilatéral en matière d'entraide judiciaire signé en 2003.
Le projet d'accord contient néanmoins également quelques points qui appellent une certaine vigilance. C'est pourquoi la proposition de résolution de M. Hubert Haenel, qui a bénéficié de l'expertise en la matière de M. Alex Türk, membre de la commission des lois et président de la commission nationale informatique et libertés (CNIL), demande fermement que des garanties soient apportées concernant la finalité de la transmission des données, leur délai de conservation, l'existence d'une possibilité effective de recours pour les personnes concernées, enfin le caractère provisoire de l'accord en attendant le traité de Lisbonne .
En conséquence, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a proposé d'adopter la proposition de résolution sans modification.
a souhaité connaître les raisons qui rendront nécessaire la conclusion d'un nouvel accord une fois le traité de Lisbonne entré en vigueur. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a expliqué que l'accord en cours de négociation était rattaché au troisième pilier de l'Union européenne (justice et affaires intérieures), mais que le traité de Lisbonne prévoyait la suppression des piliers et l'extension de la procédure de codécision aux matières actuellement traitées dans le cadre du troisième pilier. En conséquence, un nouvel accord devra être négocié dans ce cadre juridique rénové.
a estimé que la rédaction de la proposition offrait toute satisfaction de par sa fermeté. Il a souhaité que les autres parlements européens émettent des avis semblables. Il a signalé que le G29, groupe rassemblant les « CNIL » des pays de l'Union, allait adresser à ces parlements la résolution du Sénat afin de les alerter et de leur donner un exemple de la manière dont peut se formuler un avis dans ce genre de négociations.
Il a indiqué que l'ouverture du site suisse de Swift devait permettre à l'origine d'éviter que les flux de données puissent être captés par le Trésor américain, de sorte que ceux-ci soient obligés de demander expressément les informations qui leur sont nécessaires. Pourtant, l'Union européenne a souhaité donner la possibilité aux autorités américaines d'accéder au site suisse, puis au site originel néerlandais, dont le site suisse est un « miroir ».
Il a par ailleurs expliqué que, bien que le rapport de M. Jean-Louis Bruguière sur le respect par les autorités américaines de leurs engagements ait été classé secret par les États-Unis, il pouvait être consulté par les parlementaires à Matignon. M. Alex Türk a indiqué qu'il avait, pour sa part, obtenu une synthèse très succincte du rapport.
Il a enfin marqué l'importance de demander -comme le fait la proposition de résolution- un renforcement des contrôles sur les transmissions de données.
A Mme Catherine Troendle, qui a souhaité savoir à qui la demande de données émise par le Trésor américain serait adressée, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a répondu que ce point n'était pas encore tranché et que la proposition de résolution demandait précisément que l'autorité désignée pour répondre aux sollicitations des autorités américaines offre toutes les garanties d'indépendance et soit à même d'exercer les contrôles nécessaires.
En conséquence, la commission des lois a constaté que l'adoption rapide de cette proposition de résolution, dont elle a approuvé la rédaction sans modification, était particulièrement souhaitable. Elle a proposé qu'elle devienne la résolution du Sénat à l'issu du délai de trois jours suivant le présent examen.