La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de MM. Yvon Collin, rapporteur spécial, sur la mission « Aide publique au développement » et Edmond Hervé, rapporteur spécial, sur les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des Etats étrangers » et sur le compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
Je ferai d'abord quelques observations sur le contexte dans lequel s'inscrit aujourd'hui notre aide publique au développement.
En 2009, et malgré la crise, les apports des pays développés à l'aide publique au développement se sont accrus, tous types d'aide confondus, de 0,7 % par rapport à 2008. Hors allègements de dettes, cette progression atteint 6,2 %. Quelque 119,6 milliards de dollars ont été ainsi versés par les pays riches aux pays en développement. Les Etats-Unis ont conservé leur premier rang parmi les donateurs, avec près de 29 milliards de dollars. La France, avec un effort de 9 milliards d'euros, soit 0,46 % du revenu national brut, s'est hissée au deuxième rang des donateurs en volume, devant l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon. Mais, dans le classement en valeur, c'est-à-dire en fonction de l'effort d'aide au développement rapporté à la richesse nationale, notre pays n'est qu'à la onzième place, juste derrière le Royaume-Uni et la Suisse, et devant l'Espagne et l'Allemagne. Les Etats-Unis ne sont que dix-neuvièmes, entre le Portugal et la Grèce.
L'année 2010 devrait donner lieu à une nouvelle progression de l'aide française, à hauteur de 9,7 milliards d'euros, soit 0,5 % du revenu national brut. Toutefois, pour 2011, un repli est anticipé, avec 9,5 milliards d'euros d'aide, soit 0,47 % de la richesse nationale, dont 7,1 milliards portés par le budget général de l'Etat.
En tout état de cause, la France semble encore loin de pouvoir traduire en actes son engagement, pourtant renouvelé en 2008, de consacrer à l'aide publique au développement, en 2015, 0,7 % de la richesse nationale. Pour 2010 déjà, notre pays n'honorera pas son engagement d'au moins 0,51 % du revenu national brut, alors que le Royaume-Uni devrait y parvenir. Il est vrai que nous ne serons pas seuls dans cette situation de défaut, que connaîtra également, entre autres, l'Allemagne.
La part bilatérale « programmable » de l'aide publique au développement française est minoritaire. En effet, l'aide multilatérale et européenne - environ 4 milliards d'euros - représente 45 % de notre aide globale, mais cette proportion dépasse la moitié si l'on ne tient pas compte des dépenses bilatérales dites « non programmables », c'est-à-dire constatées « ex post ». Cette répartition est préjudiciable à l'aide « de terrain » - aide aux projets, coopération technique, etc. Or il en va du rayonnement international de notre pays car, grâce à son aide bilatérale, la France est visible à l'étranger, et d'abord auprès des populations bénéficiaires ; dans la masse de l'aide multilatérale, son rôle passe souvent inaperçu. De ce point de vue, il est heureux que la France ait obtenu, pour la période 2011-2013, une baisse de sa clé de contribution au Fonds européen de développement (FED). En 2011, cette contribution représentera tout de même 804 millions d'euros.
En outre, la comptabilisation en « aide publique au développement » de certaines dépenses non programmables est sujette à caution, comme l'aide versée à Wallis-et-Futuna, de l'ordre de 85 millions d'euros par an, l'aide au développement visant normalement les Etats étrangers. En revanche, on note un progrès : du fait de la transformation de Mayotte en département en 2011, l'aide versée à cette île - environ 300 millions par an - ne sera plus comptée en aide au développement.
De même, on peut contester que soient considérés comme « aide au développement » les frais d'écolage des étudiants en France ressortissants des pays en développement et les aides accordées aux réfugiés originaires de ces pays - soit respectivement, en 2009, 670 millions et 270 millions d'euros. À l'inverse, certaines dépenses publiques, qui concourent pourtant de façon effective au développement, ne sont pas comptabilisables comme telles selon les normes de l'OCDE, notamment la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale.
L'aide bilatérale française bénéficie principalement à l'Afrique subsaharienne - 49 % du total - et aux pays à revenu intermédiaire. Toutefois, en 2009, la Chine et la Turquie ont respectivement occupé le deuxième et le cinquième rangs des bénéficiaires. Là encore, on peut s'interroger sur la qualification d'« aide au développement »...
Cela dit, notre dispositif d'aide publique au développement se trouve, actuellement, dans une phase de rationalisation. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), lors de sa réunion du 5 juin 2009, a resserré les priorités géographiques et clarifié les priorités sectorielles. À la suite, un document cadre, élaboré tout au long de 2010 et finalisé par le Gouvernement au début de ce mois-ci seulement, nourrit l'ambition de « refonder » la politique de coopération au développement, pour répondre aux défis du monde contemporain. Le Parlement a été invité à participer à la réflexion et le Sénat y a pris une large part. Au mois de mai dernier, conjointement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avons organisé une « table ronde », puis auditionné le ministre des affaires étrangères. En juin, je vous ai présenté une communication sur le projet de document cadre, et les recommandations auxquelles a donné lieu notre débat ont été adressées au ministre. Enfin, le 4 novembre dernier, le Sénat a tenu un débat sur la politique de coopération et de développement, qui s'est notamment appuyé sur le rapport d'information entre temps publié par nos collègues rapporteurs pour avis, et auquel j'ai pris part.
Le document cadre a le mérite de présenter la doctrine française d'aide publique au développement. Il considère que cette aide ne doit pas relever de la charité, ni de la seule compassion, mais d'une stratégie géopolitique, dans laquelle on considère non seulement la nécessité de soulager la pauvreté, mais également les intérêts de notre pays dans le monde. Néanmoins, il n'aborde que de façon très parcimonieuse les aspects financiers, le choix ayant été fait de dissocier l'exposé de la stratégie et la programmation des moyens budgétaires. Bien que compréhensible, cette organisation n'en nuit pas moins à la crédibilité des ambitions affichées.
En outre, le statut du document cadre reste indéterminé : ce texte n'a pas de valeur juridique, et le CICID n'a pas été convoqué pour son adoption formelle. Dans ces conditions, et à ce stade, on peut douter de l'autorité politique qu'il revêtira en pratique. Pour prévenir le risque du « voeu pieu », je pense qu'il faut inviter le Gouvernement, en séance, à donner à ce nouvel outil les formes appropriées d'adoption et de publicité officielle qu'il requiert.
J'en viens à la mission « Aide publique au développement », mission interministérielle qui se compose de trois programmes, dont les deux plus importants, par le volume de crédits, sont pilotés, l'un, par le ministère chargé de l'économie et, l'autre, par le ministère des affaires étrangères. Le troisième programme relève du ministère chargé de l'immigration, c'est-à-dire, à présent, du ministère de l'Intérieur.
Je m'en tiendrai ici à des observations de portée générale, renvoyant pour le détail à mon rapport écrit.
Une modification de périmètre clarifie la répartition des crédits gérés par le ministère des affaires étrangère entre la mission « Aide publique au développement » et la mission « Action extérieure de l'Etat », répartition jusqu'à présent peu lisible. En conséquence de ce changement, l'essentiel des crédits de la coopération culturelle - les bourses, ainsi que le fonctionnement des services de coopération et d'action culturelle et des établissements culturels - relèvera désormais du rapport de notre collègue Adrien Gouteyron.
Sur le fond, le projet de loi de finances prévoit, pour la mission « Aide publique au développement », 4,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,4 milliards en crédits de paiement (CP). Cette dotation représente 47 % des CP du budget général prévus pour 2011 qui seront comptabilisables en aide publique au développement - soit 7,1 milliards d'euros au total. La politique transversale de l'aide au développement, en effet, repose, à titre principal, sur quatorze programmes et sept missions du budget général. Ainsi, la mission « Recherche et enseignement supérieur » devrait contribuer à cette politique, l'année prochaine, à hauteur de 965 millions d'euros, dont 669 millions d'euros au titre de l'écolage des étudiants en France ressortissants des pays en développement.
Mais la mission « Aide publique au développement » ne représente, elle, que 35 % du total de l'aide publique au développement française estimée pour 2011. Le reste de l'effort national en la matière proviendra, outre les crédits du budget général, des crédits hors budget général, que va présenter Edmond Hervé ; d'opérations de traitement de dettes des pays pauvres qui n'ont pas directement d'impact budgétaire ; de la coopération décentralisée des collectivités territoriales - 70 millions d'euros en 2009 ; enfin, du produit de la contribution de solidarité sur les billets d'avion - 170 millions l'année dernière.
Par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2010, on constate une forte hausse des autorisations d'engagement (+ 59 %). Cette hausse tient au hasard du calendrier de la reconstitution des fonds multilatéraux auxquels la France contribue. En particulier, la reconstitution triennale du capital de l'Association internationale de développement, fonds de la Banque mondiale, justifie l'ouverture de 1,2 milliard d'euros.
Les crédits de paiement de la mission, en revanche, sont quasiment constants, d'un exercice à l'autre ; et la programmation pour 2011-2013 assure cette stabilité sur l'ensemble de la période, notamment en faveur du programme géré par le ministère des affaires étrangères. Ce dernier point est important, car ce programme concentre la part de l'aide la plus visible, pour les populations bénéficiaires, notamment les dons-projets mis en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD). L'orientation budgétaire ainsi retenue témoigne de la priorité que le Gouvernement a choisi de donner à la politique d'aide au développement ; le rapporteur spécial ne peut que s'en réjouir.
Les dépenses de personnel de la mission, qui sont d'ailleurs exclusivement relatives au programme du ministère des affaires étrangères, s'élèvent pour 2011 à 221 millions d'euros. Le plafond d'autorisations d'emplois correspondant est fixé à 2 517 équivalents temps plein travaillé, soit par rapport au plafond autorisé pour 2010, à périmètre constant, une diminution de 1,75 %. Cette évolution confirme les efforts précédents de réduction des effectifs du programme mis en oeuvre par le ministère.
Enfin, deux catégories de dépenses fiscales se trouvent rattachées à la mission. Il s'agit d'une part, du prélèvement libératoire à taux réduit sur les produits de placement dans le cadre d'un mécanisme d'épargne solidaire et, d'autre part, de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des sommes épargnées sur un compte épargne « co-développement ». Mais ces dépenses fiscales devraient être proches de zéro, l'année prochaine comme les années antérieures, faute de souscripteurs pour les dispositifs en cause. En effet, le compte épargne et le livret d'épargne « co-développement » ont été conçus pour un public « cible » qui, dans les faits, ne dispose pas de l'épargne nécessaire. L'utilité du maintien de ces instruments financiers est donc douteuse. Quant à l'abrogation de niches fiscales toutes théoriques, elle ne servirait pas à grand chose dans la perspective de réduire le déficit budgétaire.
La commission des finances s'est beaucoup investie dans la réflexion sur le projet d'accord cadre, notamment en organisant deux auditions conjointes avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
J'observe que la France entend maintenir son niveau d'aide publique au développement, même s'il est inférieur à ses engagements.
Le compte spécial « Accords monétaires internationaux » concerne les accords qui nous lient à quinze pays de la zone franc. Comme les trois années précédentes, il n'est doté d'aucun crédit pour 2011, le Trésor estimant que les réserves détenues par les banques centrales de cette zone sont confortables. Mais cet équilibre monétaire ne saurait cacher la chute des cours des matières premières, ni la progression des dépenses de ces pays et leurs difficultés à exporter du fait de la valorisation de l'euro par rapport au dollar.
Le compte spécial « Prêts à des Etats étrangers » concerne les prêts pratiqués par la France en faveur de l'aide au développement et, depuis mai 2010, dans le cadre du soutien financier décidé par les Etats membres de la zone euro, en faveur de la Grèce. Il est doté de 936 millions d'euros en AE et de 6,881 milliards en CP, dont 6,143 milliards de CP au titre du prêt à la Grèce. Ce compte sera déficitaire de plus de 6,236 milliards, en 2011, du fait ce dernier prêt. Il est organisé en quatre sections, dont les dépenses sont retracées par autant de programmes.
Le premier programme vise les prêts consentis à des pays émergents pour le financement d'infrastructures dont la réalisation doit faire appel à des biens et services français. À ce titre, sont prévus 400 millions d'euros en AE et 350 millions d'euros en CP. Ces crédits concernent notamment la ligne à grande vitesse du Maroc, le tramway de Rabat, les métros du Caire et de Hanoï et des projets concernant l'eau et l'environnement en Arménie, en Mongolie ou au Pakistan par exemple. Par rapport à 2010, les crédits de paiement augmentent de 50 millions, mais on peut s'interroger sur la modestie de la présence de nos industries dans ces pays. Je ne comprends pas pourquoi la coopération décentralisée pratiquée par nos collectivités locales, en matière d'urbanisme ou de transport, n'entraîne pas davantage, dans son sillage, les entreprises françaises dans ces pays...
Le deuxième programme (156 millions d'euros en AE et en CP) concerne la consolidation de la dette des pays en développement et s'exerce tant dans le cadre multilatéral du Club de Paris que sur un fondement bilatéral.
Je précise qu'à la fin de 2009, les remises de dettes accordées par notre pays dans le cadre multilatéral avaient atteint plus de 14 milliards d'euros, la France étant le premier contributeur du Club de Paris. En 2011 et 2012, devraient être traitées les créances françaises sur la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo et le Soudan.
Au niveau bilatéral, fin 2009, les remises atteignaient plus d'un milliard d'euros. Ces allègements se traduisent soit par une annulation intégrale, soit par des dons qui prennent la forme de « contrats de désendettement et de développement ». À l'issue du premier semestre de 2010, onze pays bénéficiaient de tels contrats. Le coût du dispositif pourrait être de 198 millions en 2011. Les sommes versées par la France sont affectées à des secteurs bien définis : santé, éducation, agriculture, environnement, lutte contre la pauvreté ou infrastructures.
L'article 37 du projet de loi de finances relève à 18,7 milliards et 2,65 milliards d'euros les plafonds respectifs des annulations multilatérales et bilatérales. J'appelle votre attention sur les lourds enjeux économiques et humains qui s'attachent à ces opérations et sur le sort souvent dramatique qu'endure la population des pays concernés. Un million de personnes à travers le monde ne mangent pas à leur faim. Les causes sont à rechercher dans l'inégale répartition des matières premières agricoles, dans l'absence d'infrastructures de transport et dans la variation incessante des cours des céréales et du pétrole.
Le troisième programme est relatif aux prêts de l'Etat à l'AFD, pour lesquels sont prévus 380 millions d'euros en AE et 232 millions en CP. Les prêts très concessionnels et contracycliques de l'Agence, qui permettent d'adapter les remboursements aux circonstances économiques, sont maintenus.
Enfin, 6,143 milliards d'euros de CP sont prévus pour le quatrième programme, visant le prêt à la Grèce, dont l'engagement a été décidé par la loi de finances rectificative du 7 mai 2010. Pour 2010, le montant de CP consommés à ce titre devrait atteindre 5,825 milliards d'euros, soit un dépassement de 1,925 milliard par rapport à la prévision inscrite dans la loi de finances rectificative précitée, sans que cela remette en cause le niveau global de l'engagement de notre pays.
J'en viens au nouveau compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », que crée le projet de loi de finances afin de permettre à la France de respecter ses engagements pris lors de la conférence de Copenhague. Pour le climat en général, la quote-part de notre pays s'élève à 1,26 milliard d'euros. Cette aide se concrétisera par le canal multilatéral et le canal bilatéral. En ce qui concerne le volet « lutte contre les déforestations », cet engagement représente 250 millions d'euros. Le Gouvernement se propose de couvrir 150 millions, entre 2010 et 2012, par la vente d'une partie des quotas d'émission de gaz à effet de serre nationaux. La France est en effet un « bon élève » en la matière, grâce à sa maîtrise des rejets de ces gaz : on rejette annuellement en France six tonnes de dioxyde de carbone par habitant contre quinze aux Etats-Unis et dix en Allemagne.
Par ailleurs, je m'associe aux propos d'Yvon Collin en ce qui concerne la nécessité de mieux définir et de clarifier le périmètre de l'aide française au développement. La situation est sur le point de s'améliorer avec la départementalisation de Mayotte, mais je persiste à penser que l'aide aux étudiants étrangers ne relève pas de ces crédits, mais du budget du commerce extérieur. Il faut aussi distinguer entre les crédits de solidarité et ceux qui sont de nature économique et commerciale. Enfin, s'agissant des critiques parues dans la presse sur notre aide au développement, je souhaite, avec votre permission Monsieur le Président, aborder la question en séance.
La nouveauté, dans ces crédits, c'est l'engagement de la France dans le plan de soutien à la Grèce. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que celui-ci suffise à régler les difficultés. Et d'autres pays de l'Union sont confrontés à de fortes tensions...
La commission de la culture plaide pour le rattachement des crédits de la francophonie à la mission « Action extérieure de l'Etat ». En effet, le programme de l'Organisation internationale de la francophonie ne s'adresse pas seulement aux pays en développement mais, de plus en plus, aux pays de l'Europe de l'Est et aux grandes organisations internationales. Par souci de sincérité budgétaire et de modernité, je défendrai en séance publique cette position unanime de notre commission.
Il sera intéressant d'avoir, sur ce sujet, l'avis du nouveau ministre de la coopération, notre ancien collègue Henri de Raincourt. Peut-être les crédits de la francophonie permettent-ils d'arrondir ceux de l'aide publique au développement !
Il y a, dans le budget de l'aide publique au développement pour 2011, des éléments de satisfaction et des éléments qui peuvent susciter la curiosité, voire l'inquiétude.
Dans les éléments de satisfaction, je note d'abord, comme le rapporteur spécial, la préservation du niveau de ce budget dans un contexte de restriction budgétaire. Une autre satisfaction tient au rééquilibrage opéré entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale : ces deux canaux de notre coopération ont leur légitimité, et chacun a son efficacité, mais l'accroissement de l'aide multilatérale s'est effectué au détriment de notre coopération bilatérale dans des proportions regrettables. Le projet de loi de finances pour 2011 et la programmation budgétaire pour 2011-2013 marquent un léger infléchissement en la matière. Grâce à une économie faite, d'une part, sur le FED et, d'autre part, sur notre contribution à la Banque mondiale, les crédits de l'aide bilatérale sont légèrement augmentés.
Les éléments d'inquiétude concernent d'abord les engagements internationaux de la France. La programmation budgétaire ne permettra pas à la France d'atteindre l'objectif de 0,7 % de la richesse nationale consacrée à l'aide publique au développement en 2015, surtout si l'on prolonge de 2013 à 2015 les tendances actuelles. D'ailleurs, dès 2012, notre effort d'aide risque de baisser. La fin d'une vague d'annulations de dettes et le début du remboursement des très nombreux prêts consentis ces dernières années vont mécaniquement diminuer l'aide française. De ce point de vue, nos administrations n'ont pas intérêt à accroître les prêts dans le seul but d'augmenter cette aide car, s'ils sont comptabilisés lors de leur engagement, ils sont soustraits de l'aide lors du remboursement. Pour faire de l'aide au développement nette par des prêts, il faut toujours prêter plus qu'on ne nous rembourse et, à long terme, c'est bien sûr insoutenable.
Nous n'atteindrons donc pas 0,7 %, et cela met en cause la crédibilité de la parole de la France, nos responsables politiques continuant à déclarer que nous serons au rendez-vous. C'est un problème parce que des pays comme le Royaume-Uni, qui ont adopté une stratégie de long terme, déclarent, eux, qu'ils atteindront l'objectif, alors même que, d'une part, ils ne font que des dons et, d'autre part, ils ont adopté une politique de restriction budgétaire particulièrement sévère.
Un deuxième sujet de préoccupation concerne l'engagement de la France d'augmenter de 20 % et de porter à 360 millions d'euros sa participation au Fonds mondial de lutte contre le sida. Cet engagement n'est pas budgété ; on évoque la possibilité de recourir à la taxe sur les billets d'avion, qui finance actuellement la Facilité internationale d'achats des médicaments (UNITAID). Or, aujourd'hui, le produit de cette taxe diminue du fait de la diminution du trafic. Prélever sur ce produit, ce qui consiste à « déshabiller Paul pour habiller Pierre », c'est donc créer une incertitude sur le financement.
Par ailleurs, la mortalité infantile est une de nos priorités affichées or, selon l'Organisation mondiale de la santé, d'autres maladies que le sida, telles que la diarrhée et la pneumonie, sont des causes beaucoup plus meurtrières. Une diversification des objectifs eût été préférable à cette concentration des moyens sur un fonds certes utile, certes visible, mais déjà bien pourvu.
Un autre sujet de curiosité concerne la globalisation des lignes budgétaires relatives à l'AFD, aux organisations non gouvernementales (ONG) et au Fonds de solidarité prioritaire. On n'a plus qu'une ligne budgétaire alors même que l'aide au Pakistan et à l'Afghanistan d'un côté, et celle à Haïti d'un autre côté, font l'objet de lignes distinctes. Il serait préférable que les arbitrages soient faits avant le vote de la loi de finances, de sorte que le Parlement puisse se prononcer sur la répartition et non sur un montant global.
Un dernier sujet concerne les fonds consacrés à la préservation des biens publics mondiaux en général et à la préservation de la biodiversité en particulier. Un nouveau compte d'affectation spéciale, grâce aux produits de la vente des quotas carbone de la France, va permettre de financer des projets relatifs à la déforestation. J'observe qu'à Copenhague, il a été prévu que les financements de la lutte contre le réchauffement climatique seraient additionnels, par rapport à ceux consacrés au développement, la crainte des pays en développement étant que ces financements soient prélevés sur ceux bénéficiant à la lutte contre la pauvreté. Or les crédits du nouveau compte d'affectation spéciale sont comptabilisés dans notre effort global en faveur du développement...
Pour finir, je propose aux rapporteurs spéciaux de s'associer à une demande au nouveau ministre de la coopération, visant à entreprendre la révision du document de politique transversale (DPT), qui accompagne le projet de loi de finances et retrace l'ensemble des financements concourant à notre aide au développement.
Le projet annuel de performances de la mission « Aide au développement » ne retrace que 35 % de cet effort, le DPT est donc essentiel pour avoir une vue d'ensemble. Or, aujourd'hui, ce document n'est pas satisfaisant. Si M. de Raincourt souhaite vérifier la répartition géographique de nos interventions, l'équilibre entre subventions et prêts ou la concentration de nos engagements en Afrique subsaharienne, il ne les trouvera pas dans ce document. Sur environ quatre-vingt dix pages, il y en a soixante pour décrire les vingt-six programmes qui concourent à l'aide au développement, et une vingtaine, en annexe, dont deux ou trois seulement contiennent des informations pertinentes. Nous pourrions ensemble demander au Gouvernement une refonte de ce document, pour qu'il permette aux parlementaires de disposer de l'information utile.
Je souscris naturellement à cette idée. Le DPT doit être plus clair et plus précis sur la réalité et la nature de l'aide publique au développement apportée par notre pays. Je souscris également à la proposition de la commission de la culture relative au rattachement budgétaire des crédits de la francophonie.
Nous nous efforçons d'en obtenir une vision précise, ce qui n'est pas aisé du faite de leur nature interministérielle. Ils représentent environ 900 millions d'euros au total, répartis sur différentes lignes budgétaires.
Lorsque la France accorde des dons ou des prêts, quelles sont les retombées concrètes, sur le terrain ? Il semble qu'il y ait beaucoup de pertes en cours de route... Songez, il est vrai, qu'on dénombre environ 4 500 ONG dans la seule région parisienne !
Les rapporteurs spéciaux procèdent à des contrôles sur pièces et sur place pour mesurer l'efficacité de nos aides. Récemment, ainsi, je me suis rendu en Tunisie ; les fonds et prêts m'y ont paru bien employés. Par exemple, il s'agissait de restructurer des quartiers populaires, en apportant l'assainissement, l'eau, l'électricité. Peut-on généraliser cette bonne impression ? Pour que notre institution puisse constater sur place ce qu'il en est, il nous faut du temps. En tout cas, en Tunisie, j'ai vu des équipes et une ambassade motivées.
Les appels d'offre se font selon les règles et nous n'avons pas constaté de pertes en ligne. Mais la Tunisie constitue sans doute un pays particulièrement fiable.
Mais, souvent, davantage de crédits sont affectés au fonctionnement qu'aux réalisations sur le terrain...
Il est du devoir de nos ambassades d'étudier sur place l'utilisation de nos dons et prêts. On ne peut demander aux parlementaires de faire ce travail.
Par ailleurs, le périmètre de l'aide au développement est réduit mais, si on y ajoute toutes les coopérations des collectivités locales et l'affectation de fonctionnaires dans les pays en développement, on parvient à un total qui va bien au-delà des crédits considérés.
J'ajoute que le premier impératif de toute coopération décentralisée, c'est d'en prévenir nos ambassadeurs, dont l'un des rôles consiste à recevoir ceux de nos compatriotes qui interviennent dans ces pays.
En Tunisie, j'ai demandé si la population connaissait le rôle de la France dans ces opérations. Nos ambassades devraient faire un effort de communication en ce domaine, pour mieux affirmer la présence de notre pays.
Toutes les opérations d'aide française au développement sont validées par les ambassadeurs, mais j'ai l'impression que, dans l'exécution, ces affaires leur échappent.
Il est vrai qu'il y a beaucoup d'ONG, mais leur champ d'action est fort vaste. Il faut rendre hommage à leur travail car, dans certains pays, les structures étatiques sont faibles, voire « douteuses » et, dans ces cas-là, les ONG représentent une garantie. Même si elles sont perfectibles, on ne peut nier leur utilité.
La dépense fiscale attachée à l'épargne solidaire et au compte épargne « co-développement » est quasi nulle, faute de contributeurs. Dans ces conditions, je propose que la commission présente un amendement, dans le cadre des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances, pour abroger ces dispositions.
A l'issue de ce débat, après avoir pris acte de l'absence de crédits inscrits dans le compte spécial « Accords monétaires internationaux », la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Yves Krattinger, rapporteur spécial, sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
La mission « Direction de l'action du Gouvernement » est de nature si variée qu'il est difficile, à première vue, d'en définir la politique, au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Elle rassemble, en effet, d'une part, des services administratifs participant à la fonction d'état-major et d'autre part, des autorités administratives indépendantes (AAI) promouvant la protection des droits et libertés. Les premiers regroupent plus de 81 % des crédits pour un montant d'un peu plus d'un milliard d'euros en crédits de paiement en 2011, contre 91 millions pour les AAI.
La seconde constatation, outre le caractère très hétérogène des entités que la mission rassemble, c'est la constante évolution de son périmètre, au gré des réformes. La maquette a en effet à nouveau été modifiée en 2011. Ainsi après avoir accueilli les crédits de la Présidence française de l'Union européenne, elle compte un nouveau programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ». Placé sous la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement, ce programme met en oeuvre la réforme relative à la nouvelle architecture de l'administration territoriale de l'État, afin de simplifier le fonctionnement des nouvelles directions départementales interministérielles (DDI). Il regroupe aussi les crédits immobiliers non seulement des nouvelles DDI, mais aussi des directions régionales des ministères concernés par ces DDI, des préfectures et de certains services de l'éducation nationale, tout cela dans un souci de rationalisation des dépenses.
Avec le programme 333, le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » fédère un certain nombre d'entités autour de la fonction d'état major, de stratégie et de prospective. Le périmètre de ce dernier est également élargi à la suite, notamment, du rattachement des crédits et des emplois destinés à la rémunération des membres du ministère chargé des relations avec le Parlement, du Commissaire général à l'investissement ou encore de l'Académie du renseignement.
Quant au programme 308 « Protection des droits et libertés », il accueille un nouveau venu, « le Défenseur des droits des enfants », dans l'attente de la mise en place du Défenseur des droits. Le projet de loi organique, après examen du Sénat, a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en juin dernier.
Les crédits du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » progressent de près d'un quart par rapport à 2010, en raison de l'extension du champ d'intervention du programme. Cette hausse est essentiellement imputable à l'action « administration territoriale » à laquelle est rattachée la rémunération des directeurs départementaux interministériels. Les crédits du programme 129 en faveur de la « Coordination de la sécurité et de la défense » croissent également en réponse à la montée en puissance de l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information en charge de la veille face à la « cyber menace ».
Je déplore néanmoins qu'en période de restriction budgétaire, l'exigence d'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement n'ait pas été répercutée sur l'ensemble des services du premier ministre. En effet, je m'étonne d'une augmentation des crédits destinés au sondage d'opinions de 10,2 %, pour un montant de crédits de 4,3 millions d'euros au bénéfice du service d'information du Gouvernement (SIG). Je suis perplexe d'une manière générale sur le montant d'un budget de communication aussi important, de l'ordre 19,7 millions d'euros. Les réponses au questionnaire ne m'ont pas paru suffisamment documentées pour déterminer la finalité et l'utilisation de la dotation budgétaire.
En revanche, les crédits de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ont été réduits de près de 20 %. C'est regrettable.
Quant au programme 308, il rassemble douze AAI différentes, en matière de protection des libertés dont la CNIL (15,8 millions d'euros en crédits de paiement), la HALDE ( 13 millions d'euros ), le Médiateur de la République ( 12,7 millions d'euros ), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ( 4 millions d'euros ), le CSA ( 38,2 millions d'euros ) et le Défenseur des enfants ( 3,1 millions d'euros ). Ce programme voit ses crédits de paiement augmenter globalement de 2,6 % en 2011. En effet, le renfort des effectifs des différentes autorités se poursuit en 2011, conduisant même à une hausse globale des crédits de personnel de 6,33 %. En revanche, les dotations de fonctionnement du programme 308 sont en moyenne réduites de 1,16 %, conformément à l'objectif de réduction de la dépense publique.
Je tiens tout particulièrement à saluer la gestion rigoureuse du Médiateur de la République qui parvient à optimiser ses moyens tout en renforçant son action. Il constitue un exemple que chaque AAI devrait suivre. Tout en reconnaissant que la plupart d'entre elles ont été ces dernières années confrontées à une augmentation des réclamations à traiter, leur gestion doit avoir pour objectif, a fortiori, de toujours progresser davantage en efficience.
Cette remarque nous conduit naturellement à débattre de la question de « l'État locataire » parfois dispendieux, que notre collègue Nicole Bricq a fort justement développée dans son rapport d'information. Là encore, nous avons « les bons et les moins bons élèves ». Le Médiateur de la République et le CSA sont parvenus à renégocier leur contrat de bail alors que la HALDE a échoué en dépit de réels efforts. La Haute Autorité se trouve captive d'un contrat qu'elle n'a pas négocié. Ce constat m'amène à espérer qu'outre le grand centre du gouvernement promis pour 2015, avenue de Ségur, dans le quinzième arrondissement de Paris, des règles de pilotage de la gestion de l'hébergement des services du Premier ministre et des Autorités administratives indépendantes seront clairement définies afin de réduire les coûts des implantations. Ce pilotage ne devrait pas se contenter de vérifier les conditions financières des baux mais conduire à l'élaboration de « clauses contractuelles type » communes à l'ensemble des baux afin de prendre en compte la nature particulière de services publics des autorités hébergées.
Sous le bénéfice de ces observations je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Merci pour cette présentation. Ces crédits concernent le précédent gouvernement, mais je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'attendre à des modifications considérables pour le gouvernement qui vient d'être désigné.
Le Défenseur des droits devrait bientôt remplacer le Médiateur, la HALDE et la commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS). Comment la nouvelle entité s'organisera-t-elle et où sera-t-elle installée ?
Il ne s'agit pas seulement des locaux, mais aussi des personnes : le Médiateur a été nommé au Conseil économique, social et environnemental ; la présidente de la HALDE est arrivée au Gouvernement.
La nécessité de rationaliser l'hébergement est manifeste, car des baux quelque peu irréfléchis ont été signés en 2003 et 2004. J'ignore les modalités du regroupement au sein du futur grand centre du gouvernement. À ma connaissance, les arbitrages n'ont pas encore été rendus.
Ils sont en cours de préparation. Cette affaire me fait penser au rapprochement du Centre nationale des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et du Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux (EGIDE), dont l'audition conjointe par la commission des finances a été un grand moment qui a montré que leur coordination était perfectible...
Madame André, vous cherchez sans doute une raison supplémentaire de voter les crédits ?
Je souhaite seulement insister sur le fait que si certaines AAI ont échoué dans la renégociation des loyers, c'est principalement parce qu'elles sont captives des clauses contractuelles du bail.
Nous avons demandé aux autorités administratives de quantifier leurs interventions. En ce domaine, les progrès observés sont réels. Comme elles sont de plus en plus sollicitées, il faudra leur attribuer plus de personnel, sauf à ne jamais résorber les stocks. Les indicateurs de performance sont bien plus présentables qu'il y a un ou deux ans. Il fallait ainsi plus d'une année à la CNIL pour accuser réception d'une demande ; ce processus est aujourd'hui très rapide. À mon sens, il faut maintenir la pression.
Aujourd'hui, sa gestion est exemplaire.
Mes questions sur la communication gouvernementale sont restées sans réponse, notamment pour ce qui est des sondages. Nous pourrions insister sur ce point.
Le Premier ministre. Il est malaisé d'appréhender l'opinion publique à travers des sondages... Je souhaite pouvoir bénéficier d'une présentation consolidée des frais exposés par le Gouvernement en matière de sondages.
On ne gouverne pas avec les sondages ! Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli ont d'ailleurs cosigné un rapport intéressant sur ce sujet.
Nos concitoyens doivent savoir que toute nouvelle autorité indépendante veut s'établir loin du ministère, mais dans les meilleures conditions possibles. Un plafond a été fixé : douze mètres carrés par personne, pour un loyer n'excédant pas 430 euros du mètre carré.
Certes, mais le Contrôleur des lieux de privation de liberté est le seul à ne pas atteindre le niveau maximal de 400 euros, parce qu'il s'est installé dans le dix-neuvième arrondissement de Paris.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Puis la commission examine le rapport de Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Nous abordons un sujet d'une toute autre dimension financière, puisque 82 milliards d'euros sont demandés au titre de cette mission, la première du budget général. Elle échappe à la norme « zéro volume», car ces crédits répondent essentiellement à une logique de recettes.
Sur une longue période, les dégrèvements et remboursements représentent une part croissante des recettes fiscales brutes, attestant la place grandissante des dépenses fiscales. Pour 2011 toutefois, on observe un recul de 13 %, expliqué par la dissipation des effets du plan de relance, mais aussi par l'impact de la réforme de la taxe professionnelle.
Je commencerai mon analyse par les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État.
Les montants liés à l'impôt sur le revenu avoisinent 7,4 milliards d'euros en 2011, dont 2,6 milliards concernent la partie restituée de la prime pour l'emploi (PPE). La baisse de 200 millions constatée à ce titre s'explique essentiellement par la montée en puissance plus lente que prévu du revenu de solidarité active - complément d'activité, qui s'impute sur la PPE, mais aussi par l'aménagement du crédit d'impôt « Développement durable ». Le taux de ce crédit d'impôt passera de 50 % à 25 % pour les équipements d'électricité photovoltaïque. Mon rapport relève que cette dépense fiscale a présenté un coût croissant très mal anticipé. Une première analyse du dispositif devrait être disponible avant la fin du premier semestre 2011. Je souhaite que l'on examine à cette occasion l'opportunité de concentrer l'avantage fiscal sur les foyers les plus modestes.
Les remboursements et dégrèvements associés à l'impôt sur les sociétés diminueront de 4,8 milliards d'euros, soit 27,9 % du montant révisé pour 2010. Cette réduction résulte de deux causes : la fin de la restitution anticipée des créances non imputées du crédit d'impôt recherche et l'amélioration attendue du bénéfice des entreprises en 2010, selon les estimations gouvernementales.
En très légère progression de 800 millions d'euros, les remboursements et dégrèvements de TVA s'élèvent à 44,4 milliards, en raison d'une reprise lente du crédit et de la moindre propension des entreprises à demander des remboursements, vu l'amélioration de leur trésorerie.
Enfin, le coût du bouclier fiscal devrait baisser de 5 %, pour s'établir à 665 millions d'euros, car les revenus distribués, notamment les dividendes, seront désormais intégrés pour leur montant brut avant abattement. A la veille d'une refonte globale de la fiscalité patrimoniale, une meilleure connaissance des bénéficiaires demeurant nécessaire. Je poursuivrai donc les travaux de contrôle initiés, en 2010, sur ce thème, afin de rapporter devant la commission au premier semestre de l'année prochaine.
J'en viens aux remboursements et dégrèvements d'impôts locaux.
La réduction de 4,8 milliards par rapport à 2010, soit 30,2 %, est principalement imputable à la réforme de la taxe professionnelle, qui se traduit par une diminution notable du dégrèvement lié au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, non totalement compensée par la création du dégrèvement en fonction du barème de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
En raison de sa politique fiscale, l'État demeure le premier contribuable local, en acquittant un cinquième du produit des principaux impôts locaux - ce que les collectivités territoriales n'ont jamais demandé.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite à adopter sans modification les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », qui retranscrit pour une large part les conséquences des décisions prises dans le cadre d'autres missions. À titre personnel, je m'abstiendrai, car je désapprouve la politique suivie.
Je rends hommage à votre engagement. Nous examinons ici la traduction budgétaire de la mécanique fiscale ou de la dépense fiscale.
Il m'a parfois été difficile d'obtenir les informations nécessaires, car il faut souvent croiser plusieurs documents budgétaires. Cela ne favorise pas la bonne information des parlementaires.
Je ne reviens pas sur l'analyse technique exposée page 17 du projet de rapport, mais je note ce que vous écrivez à propos des justifications fournies pour 2011 : vous estimez qu'elles ne permettent pas d'y voir très clair. Dans ces conditions, comment fonder son opinion ?
L'information dont dispose l'administration ne permet pas de rattacher un remboursement et dégrèvement à une dépense fiscale. Nous sommes frustrés, c'est le terme !
Le RSA « Complément d'activité » est considéré comme un acompte non remboursable à valoir sur la PPE.
La PPE est un crédit d'impôt. Le RSA est versé par les caisses d'allocations familiales, qui transmettent une partie de la facture aux conseils généraux et l'autre à l'État.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, sur la mission « Culture » et l'article 68 quater du projet de loi de finances pour 2011 et entend une communication du rapporteur spécial sur le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).
Les autorisations d'engagement sont demandées à hauteur de 2,7 milliards d'euros, pour des crédits de paiement atteignant 2,67 milliards. La dualité du ministère explique l'intervention de deux rapporteurs spéciaux : votre serviteur pour la culture, Claude Belot pour la communication. La maquette est profondément remaniée cette année, puisque les crédits du livre rejoignent la mission « Médias, livres et industries culturelles ». Certes, le ministère met ainsi fin à l'éparpillement budgétaire de la politique du livre, mais cette présentation exprime aussi les progrès toujours plus avérés de la numérisation de tous les contenus culturels, qui aurait pu conduire à la fusion pure et simple des missions « Culture » et « Médias ». Cette évolution aura aussi des conséquences fiscales.
Les éditeurs demandent que le livre numérique et sa version imprimée soient soumis au même taux de TVA.
Le danger est de voir tous les opérateurs du livre numérique s'installer au Luxembourg.
Liseur classique, je n'ai plus qu'à verser des larmes...
Toujours au titre de la maquette, les crédits de personnel sont regroupés sur l'action « Fonctions de soutien » du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », ce qui est probablement commode pour les gestionnaires, mais nous éloigne encore du schéma de la LOLF.
On a longuement débattu pour savoir si les crédits augmentaient ou diminuaient. Le ministère présente une hausse en valeur de 1,1 % avant transferts. Je me réfère à l'évolution en volume, qui fait apparaître une baisse de 0,6 % avant transferts et de 1,3 % après transferts. Cette évolution atteste la nécessité pour le ministère de financer ses priorités dans un contexte budgétaire contraint, rendant dérisoires les querelles sur l'augmentation ou la diminution des budgets.
Indicateur de la soutenabilité budgétaire des politiques culturelles, le montant des autorisations d'engagement non couvertes par des crédits de paiement augmente de 34 % en deux ans, passant de 851 à 1 140 millions d'euros. Les lourdes opérations de travaux, souvent pluriannuelles, accroissent l'inertie des dépenses.
J'achèverai ces observations générales par quelques mots sur le budget triennal 2011 - 2013. Les crédits destinés aux monuments historiques et aux musées diminueront ; les subventions de fonctionnement versées aux opérateurs du spectacle vivant et des arts plastiques ne seront pas revalorisés ; le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » verra seul ses crédits augmenter en valeur pour absorber la hausse des pensions de retraite, alors que les dépenses de fonctionnement subiront une forte diminution.
J'en viens à quelques observations par programme.
Avec 848 millions d'autorisations d'engagement et 868 millions de crédits de paiement, le programme « Patrimoines » enregistre un léger recul des crédits destinés au patrimoine monumental, alors que les musées territoriaux et les chantiers d'envergure nationale bénéficieront d'un effort substantiel.
Comme vous le savez, les jeunes de 18 à 25 ans peuvent visiter gratuitement certains musées et monuments, les pertes de recettes étant compensées par des transferts budgétaires en provenance de la mission. Il apparaît aujourd'hui que certains musées ou monuments ont bénéficié de surcompensations, pour un total de 3,7 millions d'euros. Bien que limité, ce phénomène atteste un pilotage et un contrôle insuffisant du dispositif.
Thème récurrent de ce budget, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)...
subit une crise inédite de trésorerie. L'inefficience de son financement est ainsi avérée. Une refonte globale de la redevance d'archéologie préventive est attendue, sur la base du rapport remis le 18 octobre par l'inspection générale des finances. Monsieur le Président, merci d'avoir demandé au ministre de transmettre ce rapport dont j'attends avec impatience la teneur et la traduction opérationnelle.
Pour le programme « Création », 753 millions d'euros sont demandés en autorisation d'engagement et 737 millions en crédits de paiement. Je note la stabilisation des concours au spectacle vivant, dans le prolongement des Entretiens de Valois. De grands chantiers sont engagés, mais avec des fortunes diverses : les travaux sur les espaces intérieurs du palais de Tokyo s'ouvrent au moment où le chantier de la Philharmonie de Paris est arrêté faute de crédits de paiement. Une cacophonie interministérielle semble être à l'origine de ce retard, mais je ne dispose pas, pour l'heure, d'une explication convaincante. Nous y reviendrons en séance, car, pendant que le Gouvernement tergiverse, le trou censé recueillir les fondations se remplit d'eau. Les premières parois de béton pourraient également subir le gel hivernal.
Enfin, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » devrait bénéficier de 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Le soutien aux établissements d'enseignement supérieur et aux établissements spécialisés est maintenu, mais les crédits de fonctionnement courant du ministère diminuent de 5 %. Je salue cet effort, conforme aux engagements gouvernementaux. En visitant les conservatoires de Paris et de Lyon, nous avons rencontré un corps enseignant passionné par sa mission.
Globalement, la diminution des effectifs de la mission se traduit par la quasi-stabilisation en valeur de sa masse salariale. Néanmoins, la nouvelle grille dont bénéficieront les agents non titulaires coûtera 4,2 millions d'euros pendant la période triennale. Son extension aux opérateurs pourrait susciter des tensions sur leur budget. Un suivi attentif s'impose donc.
J'en viens à l'article 68 quater, rattaché à la mission « Culture ».
Introduit par l'Assemblée nationale, cet article demande au Gouvernement de remettre, avant le 30 juin 2011, un rapport sur la gestion des ressources humaines dans les musées. Ayant constaté, via l'enquête diligentée par la Cour des comptes sur le Centre des monuments nationaux, que la gestion des ressources humaines dans les établissements publics culturels ne semblait pas au-dessus de tout reproche, je vous propose d'adopter cet article sans modification.
Merci pour ce rapport rigoureux. Au demeurant, peut-on gouverner la culture ?
Je ne formulerai pas de jugement de valeur, mais je suis un peu déçu par l'évolution constatée ces dernières années.
Je n'en propose pas moins de voter les crédits...
Je mesure sur le terrain les difficultés induites par l'affaiblissement du ministère : qu'il s'agisse des arts de la rue ou de la musique. Avec la baisse des ressources locales, le secteur culturel traversera une passe extrêmement difficile, alors qu'il contribue à l'image de marque internationale de la France. De nombreuses compagnies de la rue cesseront toute activité. Idem pour d'excellents groupes musicaux.
Nul n'évitera la rigueur budgétaire. Au demeurant, cette mission ne regroupe pas l'ensemble des moyens publics soutenant l'action culturelle, puisqu'il faudrait ajouter l'assurance chômage des intermittents du spectacle, pour combien de millions de plus ?
Comme le ministre propose aux collectivités territoriales un partenariat augmentant leur participation, je lui ai écrit en qualité de président de conseil général, pour lui demander s'il avait bien lu les instructions du Premier ministre, qui préconise une réduction des dépenses.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Culture » ainsi que de l'article 68 quater.
Nous allons maintenant prendre connaissance du rapport de Yann Gaillard, consacré à l'archéologie subaquatique et sous-marine.
Nous devons cette enquête au rapporteur général, qui a attiré notre attention sur le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). Nous avons été confortés dans notre intérêt par la découverte dans le Rhône d'un buste de César exposé dans le magnifique musée départemental Arles antique, dont je recommande la visite à chacun, car il est parfait !
Issue d'un service créé par Malraux, le DRASSM doit inventorier, protéger et promouvoir le patrimoine sous-marin. Quelque 5 000 épaves ont été répertoriées, mais leur nombre effectif est estimé à 20 000. Avec la ratification par la France de la Convention de l'Unesco du 20 novembre 2001 sur le patrimoine subaquatique, le nombre d'épaves sous juridiction française serait compris entre 100 000 et 150 000.
J'en viens au plan budgétaire. Les dépenses de fonctionnement et d'intervention du département représentent 1 million d'euros ; la rémunération des 38,4 équivalents temps plein coûte 2,4 millions. Les nouveaux locaux du DRASSM sont situés sur la plage de l'Estaque, à Marseille.
L'archéologie terrestre a vingt ans d'avance sur l'archéologie subaquatique. Ce retard est imputable aux difficultés techniques propres à la discipline, mais aussi au fonctionnement longtemps autarcique du département, qui a pu retarder l'éclosion de partenariats scientifiques fructueux.
Par ailleurs, je relève que l'archéologie préventive demeure embryonnaire en milieu immergé, faute d'opérateur et en raison de la faible diffusion du « réflexe préventif » chez les aménageurs et dans les services de l'Etat.
Le soutien financier apporté par le DRASSM se concentre sur un faible nombre de structures ; les opérations qu'elle accompagne sont fréquemment placées sous la responsabilité directe de ses agents. Nous aboutissons ainsi un milieu fermé très particulier.
Malgré la réalité des succès remportés, notamment avec le fameux buste de César, il semble que leur médiatisation soit parfois approximative. Le DRASSM doit donc promouvoir une vulgarisation de qualité.
Le contrôle effectué nous a permis d'appréhender les tensions existant entre professionnels et bénévoles. Le rapport écrit en explicite les causes en détail.
Le DRASSM est en quelque sorte une « petite entreprise qui ne connaît pas la crise ». Ainsi, le ministère de la culture et de la communication a publié le 30 avril 2009 un communiqué relatif à la construction du navire André Malraux. En effet, l'Archéonaute, ancien navire du DRASSM, a été désarmé en 2005, pour cause de vétusté. Le nouveau navire sera très performant. Il utilisera des robots d'intervention profonde et des submersibles et disposera d'un système de positionnement dynamique. Il devra pouvoir loger une dizaine de scientifiques loin du rivage et soutenir plusieurs mois une équipe de plongeurs.
En période de disette budgétaire, on peut être sceptique à propos de cet équipement coûteux. Nonobstant l'intérêt que présente l'exploration des épaves profondes, l'essentiel de l'archéologie subaquatique se déroule le long de la frange côtière. Le directeur du DRASSM évoque un espace de recherche couvrant 11 millions de kilomètres carrés, mais 95 % de cette zone échappent à la capacité du nouveau navire. Le DRASSM aurait pu investir dans un bateau plus léger, quitte à louer occasionnellement un navire plus sophistiqué pour travailler en eau profonde. La Comex, qui s'inquiète d'ailleurs de la concurrence, était prête à coopérer. Selon le ministère chargé de la mer, peu enthousiasmé par cet investissement, le DRASSM aurait aussi pu reconvertir un thonier, ce qui aurait coûté bien moins cher.
Sur un autre plan, la RGPP conduit à mutualiser les moyens d'intervention de l'Etat en mer. Le bateau du DRASSM sera nécessairement intégré, volens nolens, à la fonction garde-côtes.
Enfin, on peut s'interroger sur le financement de cette affaire. La recherche d'un mécénat privé ayant été infructueuse, l'Etat payera tout ! Cet investissement coûtera 8,6 millions d'euros. Je précise que la construction est financée par redéploiement de crédits, sans avoir jamais été retracée dans un document soumis au Parlement. Pour conduire le projet à terme, il manque toutefois 5,6 millions d'euros en crédits de paiement, qui seront demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. L'autorisation parlementaire ne sera donc formellement sollicitée qu'une fois le bateau construit.
Je vous remercie pour cette enquête, conforme à la mission de contrôle parlementaire. Le ministre de la culture devra rendre compte de cette opération et de ses modalités de financement.
Ceci me rappelle la lutte menée il y a quelques années par les archéologues contre les chercheurs de trésors enterrés. La création de l'INRAP a mis un terme aux exploits des innombrables laboureurs amateurs.
« Travaillez, prenez de la peine,
C'est le fonds qui manque le moins. »
C'est comparable sauf que c'était moins dangereux que dans le milieu aquatique, où il faut être organisé et sportif ou « aventurier ».
La commission donne acte de sa communication au rapporteur spécial et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Serge Dassault, rapporteur spécial, sur la mission « Travail et emploi » et les articles 88 à 97 du projet de loi de finances pour 2011.
Les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèvent à 11,46 milliards d'euros, comme en 2010, et sont destinés, en principe, à réduire le chômage et développer l'emploi. En réalité, ce sont 51,4 milliards que le Gouvernement consacrera en 2011 à la politique de l'emploi, soit plus de la moitié du déficit budgétaire, pour un résultat très contestable. On multiplie des aides sociales qui ne créent aucun emploi au lieu de favoriser la création d'emplois nouveaux et la formation des jeunes aux emplois recherchés par les entreprises.
À l'heure où le Gouvernement cherche à faire des économies, il convient d'étudier de plus près les dispositifs qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité en matière d'emploi. Aux 11,46 milliards d'euros de la mission s'ajoutent : les dépenses fiscales, pour 10,51 milliards ; les allègements généraux de cotisations patronales, pour 24,43 milliards, dont 21,2 milliards d'allègements « Fillon » et 3,23 milliards d'euros au titre des exonérations relatives aux heures supplémentaires, instaurées par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) ; enfin, les exonérations ciblées, pour 5,04 milliards.
En revanche, cette mission ne présente pas de crédits pour aider les entreprises à se moderniser, à étudier et créer de nouveaux produits, alors que ce sont elles qui créent des véritables emplois productifs ! Résultat, de plus en plus d'entreprises disparaissent, faute de commandes, au profit de pays émergents, et le chômage va croissant...
Les allègements de charges sociales, compensés par l'État, sont en réalité des aides sociales qui n'ont rien à faire dans le budget de l'emploi. L'État s'endette pour financer des charges de fonctionnement : c'est une hérésie ! Ce n'est pas ainsi que l'on va moderniser notre industrie, relancer la croissance et équilibrer notre budget !
Cette situation découle de la funeste application des 35 heures de Mme Aubry... On ne travaille pas assez en France, quand d'autres pays sont à 40 ou 45 heures ! Il a fallu compenser le manque à gagner des entreprises : depuis 1998, 200 milliards ont été dépensés au titre des allègements de charge, dont 125 milliards directement liés aux 35 heures. Sortons de ce piège. Revenir aux 39 heures nous ferait économiser au bas mot 25 milliards par an. Si l'on veut créer des emplois, il faut travailler plus et encourager les entreprises à investir, plutôt que de financer leur personnel. C'est une question de survie.
Le Gouvernement propose plusieurs économies. La dotation pour charges de service public de Pôle emploi reste stable, à 1,36 milliard, pour un budget global de 4 milliards. Les crédits des maisons de l'emploi baissent de 45 % : tant mieux, car elles ne font rien pour l'emploi des jeunes. On supprime l'exonération de 15 points pour les particuliers employeurs - qui créent pourtant de l'emploi - et les avantages en nature dans la restauration, pour une économie globale de 600 millions. Cette dernière mesure avait été adoptée par notre commission l'année dernière, mais rejetée en séance. Tout cela va dans le bon sens, mais il faut faire plus.
La prime pour l'emploi (PPE) n'a aucun effet sur le retour à l'emploi et sa suppression économiserait près de 3 milliards d'euros. Je vous proposerai de la réduire dans un premier temps. Il faudrait aussi supprimer l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires instituée par la loi TEPA, ce qui rapporterait 1,4 milliard. Sur ces économies, 1 milliard d'euros pourrait être affecté au développement des entreprises ; le reste irait réduire le déficit.
Je vous propose d'abonder de 40 millions les crédits des missions locales, qui vont au contact des jeunes les plus défavorisés, et de 10 millions le Fonds d'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ), qui finance des actions efficaces en faveur des jeunes : aide au permis de conduire, prospection d'entreprises, prêt de scooter, etc. Enfin, je souhaite augmenter de 11 millions d'euros les crédits consacrés aux écoles de la deuxième chance, qui forment et intègrent des jeunes difficiles. Ces 61 millions seraient pris sur le financement des chômeurs en fin de droits. D'ailleurs, cesser tout bonnement de financer ces chômeurs en fin de droits économiserait 1,6 milliard d'euros...
J'en viens maintenant à la présentation des crédits de la mission « Travail et emploi ». Celle-ci est composée de quatre programmes. Les crédits du programme 102, « Accès et retour à l'emploi », s'élèvent à 6,19 milliards d'euros, dont 1,36 milliard pour Pôle emploi, dont les résultats sont contestables, et 1,6 milliard pour indemniser les chômeurs en fin de droits, ce qui relève de l'aide sociale.
Les crédits du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », s'élèvent a 4,45 milliards. Malgré un intitulé prometteur, il s'agit essentiellement de la compensation à la sécurité sociale d'exonérations de charges : crédit d'impôt et réduction d'impôts pour les salariés à domicile, exonérations d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires. Nous proposons de ne pas y toucher.
Le programme 111, « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », doté de 77 millions, ne comporte aucune action en faveur de l'emploi.
Enfin, le programme 155, « Conception, gestion et évaluation de la politique de l'emploi et du travail », doté de 744 millions, regroupe les dépenses de personnel et de fonctionnement. Avec 60 000 équivalents temps plein, dont 46 000 pour Pôle emploi, il y a sans doute matière à économies. Je propose que cette mission fasse l'objet d'un audit, afin de repérer les dépenses inutiles ainsi que celles qui relèvent de l'aide sociale et non de l'emploi.
Si les jeunes étaient mieux formés, on ne dépenserait pas autant à faire travailler ceux qui n'ont pas de qualification. C'est pourquoi ce budget pourrait financer davantage la formation professionnelle et l'apprentissage. Avec 140 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme, l'échec de l'Éducation nationale est patent. En leur proposant une formation professionnelle dès 14 ans, on aiderait des jeunes, qui sinon auraient sombré dans la délinquance, à trouver un emploi.
En résumé, l'État pourrait économiser 25 milliards d'euros en revenant aux 39 heures et 5 à 10 milliards en supprimant des crédits qui relèvent plus de l'aide sociale que de l'emploi. Cela vaut la peine d'y réfléchir : si notre déficit budgétaire ne passe pas sous la barre des 70 milliards en 2011, la France risquera de perdre sa note AAA !
On n'accusera pas M. Dassault de proposer des formules convenues ! On reconnaît ici toute la conviction qui l'anime. Je ne sais si la commission pourra le suivre sur tous ses amendements, mais ils amélioreraient à coup sûr le déficit prévisionnel !
En supprimant la dotation de l'État pour les chômeurs en fin de droits, vous poussez ces derniers vers le revenu de solidarité active (RSA), financé - à grand peine - par les départements. Or ceux-ci ne peuvent plus lever d'impôt : comment vont-ils faire ? Il faudrait verser ces crédits au financement du RSA !
Il faut inciter ces chômeurs en fin de droits à chercher du travail. Il n'y a qu'en France que l'on verse des allocations chômage quasiment illimitées ! Des aides, des aides, encore des aides : résultat, nous sommes en faillite ! Attention au déficit, d'autant qu'il nous va falloir financer l'Irlande et le Portugal...
Que proposez-vous pour les départements, qui ne pourront supporter la hausse du RSA que votre mesure entraîne ?
Peut-être faudrait-il supprimer le RSA... Nous n'avons pas les moyens de notre générosité. À force de payer les gens à ne rien faire, ils ne font rien ! Il faut les inciter à trouver un emploi, par les missions locales et la formation professionnelle.
Le dynamisme économique de l'Aube est tel qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de chômeurs, a fortiori en fin de droits...
Je suis embarrassé : M. Dassault, fidèle à lui-même a exposé, avec courage, un plan cohérent, mais politiquement inapplicable !
Je vous présente, à présent, mon avis sur les articles rattachés. L'article 88 cible sur les structures de moins de dix salariés l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les organismes d'intérêt général ayant leur siège social dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). L'Assemblée nationale a supprimé cet article. Je vous propose de confirmer cette suppression.
L'article 89 supprime les exonérations fiscales et sociales applicables aux indemnités de rupture versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le très faible nombre de départs volontaires prouve que le dispositif dérogatoire n'a guère d'effet. Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
L'article 90 supprime l'abattement forfaitaire de 15 points sur les cotisations sociales dues par les particuliers employeurs et la franchise de cotisations patronales dont bénéficient les prestataires intervenant auprès de publics « non fragiles ». Contre l'avis du Gouvernement, la commission élargie de l'Assemblée nationale a maintenu l'abattement forfaitaire, en le ramenant de 15 à 10 points. C'est l'une des rares mesures qui créent de l'emploi ! Je vous propose d'adopter cet article sans modification, si l'Assemblée nationale confirme sa position.
Je vous propose de réserver le vote sur cet article jusqu'à jeudi matin, quand nous aurons le texte définitif de l'Assemblée nationale.
L'article 91 supprime l'exonération de cotisations patronales sur l'avantage en nature que représentent les repas des salariés dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants. Je me réjouis que le bien fondé de cette mesure, que nous avions proposée l'an dernier, soit enfin reconnu par le Gouvernement et vous propose d'adopter cet article sans modification.
Quelle est la position du rapporteur général sur la TVA dans la restauration ? Reste-t-on à 5,5 % ?
Momentanément. Un amendement du rapporteur général proposera de porter ce taux à 7 % ; un autre, du président de la commission, à 10 %.
Au bout d'un an à peine, on remet en cause l'engagement passé avec les restaurateurs. Une telle politique en accordéon est incohérente.
Pour l'instant, il n'y a pas d'amendement modifiant le taux de 5,5 %. L'article 91 est recevable, d'autant que notre commission avait déjà voté cette mesure l'année dernière.
L'article 92 abroge le dispositif spécifique actuellement en vigueur pour l'Allocation de solidarité active (ASS), comprenant notamment une prime de retour à l'emploi de 1 000 euros, et le remplace par les dispositifs de droit commun applicables à l'ensemble des bénéficiaires de minima sociaux. Je vous propose de l'adopter sans modification.
L'article 93 supprime l'exonération de cotisations sociales patronales applicable aux anciens contrats initiative-emploi (CIE) conclus avant le 31 décembre 2001. Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
Pour les conseils généraux, ce serait un transfert de charge de même montant ! Je suis opposé à l'adoption de cet article.
Il s'agit des contrats conclus avant le 31 décembre 2001. C'est donc un dispositif déjà en extinction.
À la suite de l'accord du 8 juillet 2009 sur la gestion sociale des conséquences de la crise sur l'emploi, l'article 94 crée un contrat expérimental d'accompagnement renforcé (CAR) au profit de personnes en situation précaire, notamment dans les bassins d'emploi de Douai, Montbéliard, Mulhouse, Les Mureaux-Poissy, Saint-Dié et de la Vallée de l'Arve. C'est un prolongement de l'expérimentation réussie du CTP. Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
Cela coûterait 21,6 millions d'euros, dont 10,8 millions à la charge de l'Etat et le même montant à la charge de l'UNEDIC.
L'article 95 prolonge pour 2011 le taux d'aide dérogatoire accordé aux ateliers et chantiers d'insertion en 2010. Ces structures sont utiles pour l'emploi. J'y suis favorable.
L'article 96 prélève 300 millions d'euros sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), afin d'abonder les actions de formation professionnelle de l'AFPA, de l'ASP et de Pôle Emploi. Or, aux termes de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle, « les sommes dont dispose le FPSPP au 31 décembre de chaque année constituent, l'année suivante, des ressources de ce fonds ». L'article 96 contrevient en outre aux termes de la convention-cadre État-FPSPP du 15 mars 2010. Mieux vaut que les actions de formation soient financées directement par le FPSPP dans le cadre d'un conventionnement que via un prélèvement de l'État. Je vous propose donc de supprimer l'article 96.
Bien. Pourquoi ces crédits ne sont-ils pas répartis dans le budget ? Débudgétiser n'est pas lolfien !
Ce prélèvement est une débudgétisation. Si l'on supprime l'article, les organismes visés ne seront plus financés !
S'il y a trop d'argent, qu'on le prélève au bénéfice de l'État. Rappelons que les règles de la Lolf n'autorisent pas ce genre d'arrangement.
L'article 97 transfère à l'AGEFIPH la gestion de plusieurs dispositifs relevant de la compétence de l'État. Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
Revenons maintenant aux crédits. L'amendement n°1 du rapporteur spécial abonde le programme « Accès et retour à l'emploi » de 15 millions d'euros, prélevés sur l'action « Développement de l'emploi » du programme 103.
Je souhaiterais que cet amendement mobilise 61 millions d'euros en faveur de l'insertion des publics les plus en difficulté, notamment les jeunes sans qualification ou résidant dans des zones urbaines sensibles. Il s'agit d'abonder les missions locales de 40 millions, les écoles de la deuxième chance de 11 millions et le fonds d'insertion professionnelle des jeunes de 10 millions. Je prends ces crédits sur les indemnités versées aux chômeurs en fin de droit.
Le gage est recevable pour 15 millions, pas pour 61 millions, et porte sur les exonérations de charges sociales compensées par le budget de l'Etat, pas sur les allocations de fin de droit.
Je partage les réserves qu'avait exprimées M. Adnot. En supprimant les indemnités des fins de droits, on pousse tout le monde vers le RSA, et les départements devront faire face. La situation ne serait pas gérable.
On parle d'un milliard d'un côté et, de l'autre, de 61 millions pour favoriser l'accès des jeunes à l'emploi. Le financement des chômeurs en fin de droits relève de l'aide sociale, pas de la mission « travail et emploi » !
Les 15 millions sont pris sur la dotation pour les auto-entrepreneurs. Comment l'État va-t-il tenir ses engagements à leur égard ?
A l'occasion de ce débat sur les missions locales, j'aborde un autre problème. Il faut augmenter la dotation pour les maisons de l'emploi, que l'État nous a incité à mettre en place. Diminués de moitié, les crédits serviront surtout à payer les indemnités de licenciement du personnel ! Or les maires jugent les maisons de l'emploi utiles, face à un Pôle emploi de plus en plus lourd et syndiqué, qui assure un suivi très inégal. L'Assemblée nationale a fait un geste de 10 millions ; faisons de même, quitte à approfondir la question du gage.
L'amendement ne porte pas sur les maisons de l'emploi, mais sur les missions locales.
J'ai pris la présidence de la maison de l'emploi de mon département. Elle n'a pas vocation à se substituer à Pôle Emploi mais à l'évaluer, le mettre sous pression. Pour ma part, j'ai demandé que l'on divise par deux le coût de la maison de l'emploi : une partie des crédits permettra de licencier du personnel.
J'ai créé la maison de l'emploi de Compiègne ; elle n'est pas trop grosse, et apporte une concurrence bienvenue à Pôle emploi. Le temps des monopoles d'Etat à la soviétique est révolu !
Je suis hostile aux doublons. Chez moi, la maison de l'emploi est au pain sec !
Ces maisons de l'emploi étaient une bonne initiative du plan de cohésion sociale de M. Borloo, ministre toujours imaginatif...
Pardonnez-moi d'irriter votre fibre sociale, monsieur le Rapporteur général !
Le Gouvernement divise par deux les crédits des maisons de l'emploi. C'est peut-être trop, mais cela va dans le bon sens. D'ailleurs, l'Assemblée nationale a abondé leurs crédits de 10 millions d'euros supplémentaires.
Ce n'est pas supportable. À Compiègne, la maison de l'emploi est efficace ! Restons au contact des réalités locales, grâce auxquelles nous ne faisons pas que copier les fonctionnaires.
Pour en revenir à l'amendement n° 1, il me paraît difficile d'aller au-delà de 15 millions, d'autant que les crédits pour les chômeurs en fin de droits ne sont pas limitatifs : s'ils se révélaient insuffisants, la sincérité budgétaire serait en cause.
Ce serait une proposition personnelle de votre part : la commission ne peut vous accorder que 15 millions et nous ajouterions aux missions locales et au fonds d'insertion professionnelle des jeunes, un bénéficiaire supplémentaire de cet abondement : les écoles de la deuxième chance.
La commission adopte l'amendement n° 1 du rapporteur spécial, dont l'objet est rectifié, à l'article 48 (Etat B annexé) du projet de loi de finances pour 2011.
Puis, elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » ainsi modifiés.
La commission décide de proposer au Sénat de maintenir la suppression de l'article 88.
Elle décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 89.
La commission décide de réserver sa position sur l'article 90 dans l'attente du vote définitif du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale.
Puis, elle décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des articles 91, 92, 93, 94 et 95.
Elle adopte l'amendement n° 2 du rapporteur spécial et décide de proposer au Sénat la suppression de l'article 96.
Puis, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 97.
Mon amendement n° 3, portant article additionnel après l'article 97, abaisse le plafond d'éligibilité à la prime pour l'emploi (PPE) de 1,4 SMIC à 1,2 SMIC. La PPE n'a que peu d'effet sur la création d'emplois. Cette mesure dégagerait une économie de 1,1 milliard d'euros à compter de 2012 ; une suppression totale de la PPE rapporterait 3 milliards.
La PPE a été conçue pour encourager les gens à reprendre le travail. Ce que vous proposez est lourd de conséquences.
Comment réaliser des économies si on refuse celles qui sont possibles ?
Je suis favorable à ce que l'on rabote la PPE mais, en l'état, l'amendement vise un peu long...
Un coup de rabot de 10 % serait en effet plus cohérent avec notre démarche d'ensemble.
Tant que perdurera le bouclier fiscal, on ne pourra faire plus. Il faudra déjà beaucoup de conviction pour faire passer une diminution de 10 % en séance publique. Nous modifierons le taux pour parvenir à ce pourcentage de réduction.
La commission adopte l'amendement n° 3 ainsi rectifié.
Mon amendement n° 4, portant article additionnel après l'article 97, supprime l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires et complémentaires instituée par la loi TEPA.
Là encore, cela va trop loin. Comme on ne peut réduire partiellement une exonération totale, c'est tout ou rien.
Commencer à défaire la loi TEPA, cela aurait de l'allure... Je suis tenté ! Mais il faudrait supprimer les 35 heures, passer à la TVA sociale... Vous aurez du mal à trouver une majorité pour un tel amendement. C'est un déchirement, mais nous ne vous suivrons pas. Si vous déposez cet amendement à titre personnel, nous l'examinerons avec attention.