La commission a tout d'abord examiné le rapport de M. Christian Cointat et le texte proposé par la commission sur le projet de loi organique n° 467 (2008-2009), relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et sur le projet de loi n° 468 (2008-2009), relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances.
a regretté que la commission n'ait disposé que d'une semaine pour examiner les deux projets de loi après leur adoption en Conseil des ministres, textes dont il a souligné, en outre, la complexité. Il a estimé qu'en l'espèce le Gouvernement avait atteint un record en matière de précipitation du travail législatif, le rapporteur ayant été conduit à réaliser ses auditions et à élaborer ses propositions en quelques jours. D'une manière générale, il a jugé la banalisation de la procédure accélérée contraire à l'esprit de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 censée renforcer les moyens du Parlement et lui donner la capacité de jouer le rôle de « coproduction législative » par un examen approfondi des textes de loi.
a objecté que le Gouvernement avait dû attendre le renouvellement du congrès de Nouvelle-Calédonie pour le consulter sur les projets de loi et que le délai très court d'examen par la commission permettait à l'ensemble des sénateurs de disposer d'un délai de deux semaines après la réunion de commission et la publication du rapport avant la séance publique.
a présenté les deux objets du projet de loi organique :
- modifier la loi organique du 19 mars 1999 afin, d'une part, de faciliter les transferts de compétences prévus par l'accord de Nouméa du 5 mai 1998, d'autre part, de moderniser l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, conformément aux propositions approuvées par le Comité des signataires de l'accord de Nouméa lors de sa réunion du 8 décembre 2008 ;
- donner une reconnaissance législative au choix exprimé par la population de Mayotte en faveur de la départementalisation, lors de la consultation du 29 mars 2009.
Sur le volet « transferts de compétences en Nouvelle-Calédonie », il a rappelé que la loi organique du 19 mars 1999 avait prévu que le congrès devait, par l'adoption de lois du pays, avant le 30 novembre 2009 à la majorité des 3/5èmes de ses membres, décider et organiser le transfert de certaines compétences (police et sécurité en matière de circulation aérienne intérieure et de circulation maritime dans les eaux territoriales, enseignement du second degré public et privé, santé scolaire, enseignement primaire privé, droit civil, état civil, droit commercial et sécurité civile). Il a souligné que le projet de loi organique reportait le délai d'adoption de lois du pays relatives au transfert des compétences en matière de droit civil, de règles concernant l'état civil, de droit commercial et de sécurité civile, conformément au souhait exprimé le 8 décembre 2008 par le Comité des signataires de l'accord de Nouméa, au regard de la complexité d'un tel transfert, qui suppose que la Nouvelle-Calédonie se dote de moyens techniques et humains considérables. Celui-ci n'aurait plus à être décidé avant le 30 novembre 2009 et procèderait du vote d'une loi organique, demandée par une résolution du congrès adoptée à la majorité simple. Les autres transferts de compétence (police, sécurité, enseignement...) devront, eux, être décidés d'ici au 30 novembre 2009, l'échéancier du transfert relevant de la loi du pays.
Il a également souligné que le projet de loi organique :
- précisait les compétences de l'Etat dans les domaines des contrats publics, du recensement de la population et de la sécurité de la circulation aérienne extérieure ;
- étendait les compétences de la Nouvelle-Calédonie à la réglementation des appareils à pression ;
- modifiait les règles de calcul de la compensation financière des transferts de compétences, afin de les aligner sur celles qui ont été retenues en métropole par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Abordant la modernisation de l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, M. Christian Cointat, rapporteur, a signalé que le projet de loi organique :
- renforçait l'efficacité, la lisibilité et la transparence des procédures budgétaires applicables en Nouvelle-Calédonie ;
- actualisait les dispositions de la loi organique du 19 mars 1999 relatives au statut des élus calédoniens ;
- renforçait les garanties encadrant les changements de statut civil. En effet, la loi organique du 19 mars 1999 permet, dans certaines conditions, la renonciation au statut civil coutumier et, par dérogation à l'article 75 de la Constitution et en application de l'accord de Nouméa, le passage du statut civil de droit commun au statut civil coutumier.
Abordant le volet « Mayotte » du projet de loi organique, il a précisé que ce dernier consacrait le choix de la départementalisation exprimé par les électeurs de Mayotte lors de la consultation du 29 mars 2009. La collectivité départementale deviendrait donc, à compter de son prochain renouvellement triennal en 2011, une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues au département et à la région d'outre-mer et prenant le nom de « Département de Mayotte ».
Il a enfin souligné que le projet de loi organique était accompagné d'un projet de loi ordinaire complétant les dispositions institutionnelles relatives à la Nouvelle-Calédonie et ratifiant six ordonnances.
Présentant ses amendements au projet de loi organique, il souligné qu'ils visaient principalement à :
- prévenir tout risque d'inconstitutionnalité en matière de transferts de compétences ; en effet, il a estimé que, confiant au législateur organique la décision sur le transfert des compétences en matière de droit civil, d'état civil, de droit commercial et de sécurité civile, le projet de loi organique pourrait être jugé contraire aux orientations de l'accord de Nouméa aux termes desquelles ces compétences « seront transférées à la Nouvelle-Calédonie », « au cours des second et troisième mandats du congrès » et que « le congrès, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, pourra demander à modifier l'échéancier prévu des transferts de compétences, à l'exclusion des compétences de caractère régalien. ».
Après avoir souligné qu'ainsi le report du transfert ne devait pas procéder d'une inaction du législateur organique, toujours possible, mais d'une décision expresse du congrès, il a souhaité modifier le projet de loi organique, afin, d'une part, de conditionner le transfert de ces compétences au vote d'une loi du pays adoptée par le congrès à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, d'autre part, de prévoir que le congrès doit adopter la loi du pays définissant les compétences transférées et l'échéancier du transfert au plus tard le dernier jour de la deuxième année suivant le début de son mandat commencé en 2009, soit avant le 30 mai 2011.
Par ailleurs, il a souhaité que soit prise en compte l'hypothèse où le congrès n'adopterait pas de loi du pays relative au transfert dans le délai requis, par exemple parce que la majorité des trois cinquièmes de ses membres ne pourrait être atteinte. Dans ce cas, afin d'éviter une crise politique, le congrès pourrait adopter, au cours de la troisième année suivant le début de son mandat commencé en 2009 et à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, une résolution tendant à ce que ces compétences soient transférées à la Nouvelle-Calédonie par une loi organique ultérieure avant la fin du mandat du congrès commencé en 2009 ;
- renforcer les garanties apportées à la Nouvelle-Calédonie en matière de compensation des transferts de compétences et de mise à disposition des personnels de l'enseignement, dans les limites -très contraignantes- de l'article 40 de la Constitution, à propos duquel il a, au demeurant, souhaité la mise en place d'une instance d'appel en cas de divergence de vues avec la commission des finances ;
- compléter les règles relatives à la consultation du congrès sur les projets et propositions de loi et sur les projets d'ordonnance, en s'inspirant du dispositif retenu pour la Polynésie française ;
- conforter la place du sénat coutumier dans les institutions calédoniennes, en prévoyant, d'une part, la possibilité pour cette instance de désigner l'un de ses membres pour présenter l'avis du sénat coutumier devant le congrès, d'autre part, une réponse systématique des institutions saisies d'une demande du sénat coutumier, dans les trois mois suivant la saisine ;
- renforcer les garanties de transparence dans le fonctionnement des institutions calédoniennes ;
- clarifier le dispositif relatif à la départementalisation de Mayotte, d'une part, en créant, au sein de la partie du code général des collectivités territoriales relative aux départements, un chapitre intitulé « Département de Mayotte », d'autre part, en précisant que la collectivité départementale de Mayotte deviendrait le département de Mayotte à compter de la première réunion suivant le renouvellement de l'assemblée délibérante en 2011. Il a précisé que le Pacte pour la départementalisation de Mayotte prévoyait en effet que l'assemblée délibérante de Mayotte serait renouvelée dans son intégralité au printemps 2011, puisqu'il s'agissait de créer une nouvelle collectivité, régie par l'article 73 de la Constitution.
Sur le projet de loi ordinaire, il s'est prononcé en faveur de la ratification de l'ordonnance du 14 mai 2009 portant diverses dispositions d'adaptation du droit outre-mer sous réserve de deux corrections (portant, l'une, sur application de la loi du 1er juillet 1901 à l'outre-mer, l'autre sur le champ d'application des décrets Mandel) et d'une précision (sur le financement public des aumôneries protestantes en Polynésie) mais a souligné que cette dernière devait être supprimée de l'amendement envisagé en raison de l'interprétation de la commission des finances sur l'article 40 de la Constitution.
a relevé que de nombreux amendements du rapporteur avaient été rectifiés pour tenir compte de l'avis de la commission des finances au regard de l'article 40 de la Constitution.
a regretté la brièveté du délai imposé au congrès de Nouvelle-Calédonie pour se prononcer sur les projets de loi. Il a expliqué que la concertation qui devait être organisée entre l'Etat et les partenaires calédoniens sur les projets de textes après le Comité des signataires de décembre 2008 et avant les élections provinciales n'avait pas eu lieu, si bien que le congrès avait assorti son avis favorable et adopté à l'unanimité, de nombreuses demandes de modification.
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi organique.
a apporté son soutien à cet amendement, le jugeant conforme à l'accord de Nouméa.
a jugé inutile la précision apportée par l'amendement n° 38, M. Jean-Jacques Hyest précisant que l'urbanisme commercial n'était pas assimilable au droit commercial.
s'est déclaré peu convaincu par la partie de l'amendement n° 3 tendant à prendre en considération l'hypothèse où le congrès n'adopterait pas dans le délai requis une loi de pays portant transfert des compétences. En premier lieu, il a jugé peu probable que, dans l'hypothèse où le congrès ne parviendrait pas à adopter à la majorité des trois cinquièmes de ses membres une loi du pays définissant les compétences transférées et l'échéancier du transfert, il puisse réunir cette même majorité qualifiée pour demander au législateur organique de trancher. En second lieu, rappelant que l'accord de Nouméa rendait obligatoire le transfert des compétences non régaliennes avant 2014, il a estimé que le Gouvernement pourrait, si le congrès n'adoptait pas de loi du pays relative au transfert dans le délai prévu par la loi organique, « reprendre la main » en présentant un projet de loi organique organisant le transfert. Il a souligné que la solution proposée par l'amendement risquait de ne pas faire l'objet d'un consensus de la part des partenaires calédoniens et devait par conséquent être retirée. Il a rappelé que la loi du pays relative au transfert devait seulement en fixer l'échéancier, et pouvait par conséquent prévoir l'entrée en vigueur de ce transfert quelques années après son adoption.
tout en jugeant plausible le scénario selon lequel la majorité des trois cinquièmes ne serait pas atteinte pour le transfert de compétences -l'actualisation du droit civil s'avérant inachevée par exemple dans le délai- mais le serait pour saisir le législateur organique, a rectifié son amendement pour engager une réflexion avec M. Bernard Frimat sur une proposition alternative d'ici à la séance publique. La commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.
s'est étonné de l'application de l'article 40 de la Constitution à cet amendement n° 65, jugeant qu'elle était fondée sur une présomption de malhonnêteté du Gouvernement.
a ajouté que le Gouvernement lui-même ne comprenait pas les raisons de l'irrecevabilité financière de cet amendement.
a déclaré souhaiter pouvoir faire toute confiance à l'expertise de la commission des finances en matière d'interprétation de l'article 40.
a indiqué que l'amendement n° 22 était un amendement d'appel qui visait à prendre en considération dans le statut de la Nouvelle-Calédonie la prochaine mise en oeuvre de l'exception d'inconstitutionnalité. Cette exception pourra en effet porter sur les lois du pays.
a souligné que cet amendement avait le mérite d'obliger le Gouvernement à prendre position, en séance publique, sur l'application à la Nouvelle-Calédonie de la future réforme sur l'exception d'inconstitutionnalité et à anticiper ainsi sa réflexion en la matière.
et M. Patrice Gélard ont souhaité que cet amendement ne soit pas intégré au texte de la commission mais soit présenté au stade de l'examen des amendements à celui-ci.
Après avoir précisé qu'il avait obtenu du Gouvernement l'assurance qu'un projet de loi organique spécifique à Saint-Martin serait déposé à la rentrée 2009, M. Louis-Constant Fleming a retiré son amendement n° 1.
a craint que l'adoption de lois organiques spécifiques à chaque collectivité d'outre-mer ne mette à mal le principe, fondamental en France, d'uniformité du droit.
a estimé possible d'adopter une même loi organique pour plusieurs collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, l'essentiel étant que chacune conserve un statut propre.
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi ordinaire.
a présenté les deux objets de son amendement n° 3 rect bis :
- supprimer de la liste des ordonnances à ratifier celle du 15 février 2006 portant extension et adaptation de la loi du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. En effet, cette ordonnance a déjà été ratifiée par l'article 136 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;
- ratifier l'ordonnance du 14 mai 2009 portant diverses dispositions d'adaptation du droit outre-mer, sous réserve de deux corrections et d'une précision. Au titre des corrections, l'amendement, d'une part, prévoit l'inapplication aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie de l'article 18 de la loi de 1901 sur la liberté d'association, afin que l'ordonnance ne puisse être comprise comme la volonté de dissoudre toutes les congrégations religieuses existantes dans ces collectivités, d'autre part, rétablit la Guyane dans la liste des collectivités entrant dans le champ des décrets « Mandel » de 1939, ce département d'outre-mer ayant été oublié dans l'énumération de l'ordonnance. Quant à la précision, il a indiqué que l'amendement précisait et complétait le toilettage juridique que cette même ordonnance de 2009 a effectué en matière d'organisation des églises protestantes en Polynésie française. En effet, l'ordonnance avait omis d'abroger le décret du 23 janvier 1884, devenu obsolète, mais avait abrogé dans sa totalité le décret du 5 juillet 1927, alors que doit être maintenu son article 7, qui prévoit, comme en métropole, le financement public des aumôneries protestantes dans les prisons, hôpitaux et armées.
Sur ce dernier point, il a informé la commission des lois que la commission des finances avait estimé que l'article 40 était applicable. Son raisonnement, a-t-il expliqué, est le suivant : l'ordonnance a prévu l'abrogation du financement public des aumôneries protestantes en Polynésie. Or, l'ordonnance est entrée dans notre droit depuis sa publication le 14 mai dernier. En conséquence, rétablir la possibilité de financement public dans les aumôneries revient à créer une charge nouvelle pour les finances publiques au regard du droit positif.
Il a appelé l'attention de la commission sur les effets pervers d'un tel raisonnement, qui conduit à interdire au Parlement, lors de la ratification d'une ordonnance, de revenir sur une suppression de charge publique opérée par ladite ordonnance et donc à remettre en cause les pouvoirs du Parlement en matière de ratification d'ordonnances.
Il a ajouté qu'en l'espèce, l'ordonnance concernée avait été prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution qui contient une habilitation permanente et générale et que, à défaut de ratification par le Parlement dans un délai de 18 mois à compter de sa publication, elle deviendrait caduque. Autrement dit, l'absence de ratification par le Parlement conduirait, paradoxalement, à faire revivre la disposition sur le financement public des aumôneries que l'amendement propose de rétablir.
En conséquence, la commission des lois a estimé que la seule solution pour respecter l'irrecevabilité financière opposée par la commission des finances tout en rétablissant, à terme, le financement public des aumôneries protestantes en Polynésie était de ne pas ratifier l'ordonnance du 14 mai 2009 dans sa totalité.
Le rapporteur a donc rectifié en ce sens son amendement, devenu 3 rect ter. La commission l'a adopté.
La commission a adopté les deux projets de loi ainsi rédigés.
Enfin, la commission a examiné le rapport pour avis de M. François Pillet sur le projet de loi n° 462 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.
a d'abord rappelé que la commission des lois s'était saisie pour avis des seuls articles 12 à 14 du chapitre VI du projet de loi relatif à la programmation militaire, modifiant les dispositions du code de procédure pénale, du code pénal et du code de la défense concernant les perquisitions judiciaires et le secret de la défense nationale. Il a relevé que ces modifications répondaient aux recommandations formulées par le Conseil d'Etat dans un avis du 5 avril 2007 et visaient à établir des règles procédurales garantissant un équilibre satisfaisant entre deux objectifs constitutionnels d'égale portée : la sauvegarde des intérêts de la nation et la recherche des auteurs d'infractions pénales.
Le rapporteur pour avis a observé que les éléments classifiés intéressant une procédure judiciaire pouvaient être obtenus par deux voies : la réquisition et la perquisition. Si la première ne risquait pas d'exposer le magistrat à l'infraction de compromission du secret de la défense nationale, tel n'était pas le cas de la seconde qui comporte deux difficultés :
- l'accès aux zones comportant des éléments classifiés -hormis l'accès aux enceintes militaires, régi par l'article 698-3 du code de procédure pénale- est susceptible d'exposer le magistrat au délit de compromission du secret de la défense nationale du seul fait de sa présence sur les lieux ;
- la connaissance de documents classifiés résultant d'opérations de perquisitions reste soumise, comme le Conseil d'Etat l'a indiqué dans son avis, à plusieurs incertitudes : le magistrat n'est pas, en principe, autorisé à accéder à ces documents (l'officier de police judiciaire ne saurait, par ailleurs, se prévaloir d'une habilitation au secret défense pour les recueillir) tandis que le dépositaire de ces éléments ne doit pas les communiquer, sauf à tomber sous le coup du délit de compromission. Selon le Conseil d'Etat, la protection de ces secrets « impose notamment que les pièces saisies, qui ne peuvent être versées au dossier de l'enquête avant une éventuelle déclassification, soient maintenues sur place et que le chef de service ou d'établissement soit désigné en tant que gardien des scellés ».
a indiqué que le projet de loi s'efforçait de répondre à ces difficultés. S'agissant de l'accès aux lieux, le texte distingue trois catégories :
- les lieux classifiés définis comme ceux « auxquels il ne peut être accédé, sans que, à raison des installations et des activités qu'ils abritent, cette accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ». Les modifications introduites par l'Assemblée nationale ont permis d'encadrer une notion qui, dans le projet de loi initial du Gouvernement, avait suscité de vives inquiétudes : d'une part, la décision de classification résulterait d'un arrêté du Premier ministre qui serait publié au Journal officiel et pris après avis de la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) ; d'autre part, cette classification serait prise pour une durée de cinq ans ;
- les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale. Grâce aux modifications introduites par l'Assemblée nationale, le choix de ces lieux résulterait d'une procédure précise comportant trois garanties : ces lieux figureraient sur une liste établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre ; cette liste serait régulièrement actualisée et communiquée à la CCSDN ainsi qu'au ministre de la justice qui la rendraient accessible aux magistrats de façon sécurisée ; les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale seraient déterminées par décret en Conseil d'Etat ;
- les lieux neutres, soit tous ceux qui ne relèveraient pas des catégories précédentes et où, vraisemblablement, des informations classifiées se trouveraient de façon tout à fait irrégulière.
a présenté les conditions qui seraient requises pour une perquisition dans ces trois catégories de lieux :
- s'agissant des lieux classifiés, trois conditions seraient requises : la présence d'un magistrat et du président de la CCSDN, une décision écrite et motivée du magistrat transmise en amont au président de la CCSDN et une déclassification temporaire, totale ou partielle des lieux ;
- s'agissant des lieux abritant un secret de la défense nationale, deux conditions seraient requises : la présence du magistrat et du président de la CCSDN, la nécessité d'une décision écrite du magistrat, qui indiquerait au président de la CCSDN les informations utiles à l'accomplissement de ses missions -les raisons et l'objet de la perquisition lui étant communiqués au moment où celle-ci commence. Selon le rapporteur pour avis, ce dispositif ne devait traduire aucune défiance vis-à-vis de la CCSDN. En effet, selon lui, l'esprit d'indépendance et d'équilibre avec lequel le président de cette institution et les autres membres s'acquittent de leur mission garantit qu'un lien de confiance s'établisse tout au long de la procédure entre la CCSDN et l'autorité judiciaire. Il a noté qu'un dialogue pourrait ainsi s'engager dès le moment où les « informations utiles » seraient transmises au président de la commission consultative ;
- s'agissant des perquisitions amenant la découverte fortuite de documents classifiés dans les lieux neutres, le texte initial du Gouvernement qui prévoyait une suspension de la perquisition a été très opportunément modifié par les députés afin que la perquisition puisse se poursuivre et que soit simplement prévue la mise sous scellés des éléments classifiés.
a indiqué que le déroulement de la perquisition dans les lieux abritant des éléments classifiés et dans les lieux classifiés obéirait aux mêmes principes : seul le président de la CCSDN ou son représentant pourrait prendre connaissance d'éléments classifiés ; ces derniers seraient inventoriés puis placés sous scellés par le président de la CCSDN qui en deviendrait le gardien ; la déclassification et la communication des documents mentionnés dans l'inventaire interviendraient selon les règles actuelles prévues dans le cadre de la procédure de réquisition.
Le rapporteur pour avis a également noté que le projet de loi prévoyait de nouvelles incriminations liées à l'institution des lieux classifiés. Il a relevé que les députés avaient également souhaité prendre en compte le risque que les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale soient utilisés à des fins détournées pour dissimuler des éléments non classifiés et les soustraire ainsi au régime de perquisition de droit commun ; un délit créé par le texte permettrait de réprimer de tels faits.
En conclusion, M. François Pillet, rapporteur pour avis, a souligné que les modifications introduites par l'Assemblée nationale avaient beaucoup amélioré le texte des articles 12, 13 et 14 qui, dans sa rédaction initiale, n'était pas satisfaisant. Par ailleurs, il a relevé que le cadre juridique fixé par le projet de loi exclurait à l'avenir l'existence de lieux sanctuarisés et non identifiés comme tels. Il a ajouté que les procédures de perquisition s'inscrivaient dans une logique proche de celle retenue par l'article 56-1 du code de procédure pénale pour les avocats. En outre, ce dispositif conférait un rôle accru à la CCSDN dont chacun s'accordait à saluer le rôle qu'elle exerçait depuis sa mise en place en 1998.
Il a invité en conséquence la commission à proposer d'adopter sans modification les articles 12 à 14 du projet de loi.
a estimé que la manière dont la CCSDN s'était acquittée de sa mission ne pouvait donner lieu à aucune suspicion. Il a observé que, si des améliorations techniques pourraient encore être apportées aux trois articles dont la commission s'était saisie, il ne lui paraissait néanmoins pas souhaitable que soit rouvert à l'Assemblée nationale un débat sur l'équilibre difficile qui avait été obtenu au cours de la première lecture.
a noté que la notion d'« information utile » communiquée par le magistrat au président de la CCSDN devait être entendue de manière ouverte dans le cadre d'un échange constructif entre le juge et le président de la commission consultative.
a regretté que ces dispositions, qui relèvent de la compétence de la commission des lois, soient intégrées dans une loi de programmation militaire renvoyée au fond dans son ensemble à la commission des affaires étrangères et de la défense nationale. Il a relevé que les objections soulevées par ce texte ne mettaient nullement en cause le rôle de la CCSDN et de son président. Il a craint que la définition par le projet de loi d'une nouvelle catégorie de lieux classifiés ne favorise la possibilité de mettre à l'abri de toute perquisition des informations qui seraient susceptibles d'intéresser le juge, en particulier lorsqu'elles touchent à des faits de corruption. Il a indiqué que le groupe socialiste voterait contre ce texte.
a considéré que les difficultés soulevées par ces procédures tenaient beaucoup moins à l'existence de lieux classifiés ou abritant des informations couvertes par le secret de la défense nationale qu'aux hommes eux-mêmes. Selon lui, aucune suspicion ne devait s'attacher par principe au travail du magistrat. Le juge devait être en mesure d'accomplir pleinement sa mission aux côtés du représentant de la CCSDN dans le cadre des perquisitions.
a observé que l'examen de ce texte s'inscrivait dans un contexte particulier marqué, d'une part, par des affaires pour lesquelles le secret de la défense nationale avait été invoqué pour empêcher des investigations sur des faits de corruption, d'autre part, par le projet de supprimer les juges d'instruction et de dépénaliser le droit des affaires. Dans ces conditions, le découragement dont certains magistrats se font l'écho lui paraissait compréhensible. Il a demandé au rapporteur pour avis si l'avis du Conseil d'Etat imposait que soit reconnue dans notre droit la catégorie des lieux classifiés. En outre, il s'est interrogé sur la compatibilité du dispositif prévu par ces articles avec l'article 5 de la convention de l'OCDE contre la corruption.
a d'abord partagé le sentiment de M. Bernard Frimat sur le caractère inadéquat de l'insertion de dispositions concernant la procédure pénale dans un projet de loi de programmation militaire. Par ailleurs, il a relevé que des lieux sanctuarisés existaient de fait aujourd'hui et que les incertitudes du droit les protégeaient. Les dispositions prévues par les articles 12 à 14 auraient ainsi le mérite de fixer un cadre juridique clair autorisant l'accès du juge à ces lieux. Il a rappelé que la composition de la CCSDN formée de trois magistrats -choisis par le Président de la République sur une liste de six établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat, le Premier président de la Cour de cassation et le Premier président de la Cour des comptes- ainsi que de deux parlementaires, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition, constituait une forte garantie d'indépendance.
a ajouté que l'avis du Conseil d'Etat invitait le Gouvernement à instituer la notion de lieux classifiés ; il mentionne en effet le risque de compromission du secret de la défense nationale « qui pourrait résulter du seul fait d'une présence dans cette zone, sous peine d'encourir des sanctions pénales qui assurent la protection de ce secret ». Il a estimé qu'il n'existait pas de contradiction entre l'article 5 de la convention de l'OCDE et les dispositions du projet de loi, relevant qu'il appartiendrait à la CCSDN d'indiquer les éléments qui lui paraissaient justifier une déclassification. Il a souhaité enfin rappeler que, entre 2005 et 2006, sur vingt-quatre demandes de déclassification traitées par le ministère de la défense, trois seulement avaient fait l'objet d'une perquisition préalable. Il a noté, en outre, que le Gouvernement suivait intégralement, dans la très grande majorité des cas, les avis de la commission consultative.
a observé que la liste des lieux classifiés concernerait un nombre très limité de sites essentiels pour la défense. Il a estimé par ailleurs que l'introduction d'une telle catégorie dans notre droit permettrait de mieux garantir la protection des agents de l'Etat qui y travaillent.
La commission a alors décidé de proposer l'adoption conforme des articles 12, 13 et 14 dont elle s'est saisie.