Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Marc Touati, directeur des études économiques de Natexis Banques Populaires, et Nicolas Sobczak, directeur exécutif du service de la recherche économique de Goldman Sachs, sur la situation conjoncturelle de l'économie française.
a souligné la nécessité, au début de la discussion budgétaire, de pouvoir entendre des économistes sur les perspectives de croissance à court terme de l'économie française. Il a rappelé que si M. Marc Touati avait déjà été auditionné par la commission, c'était la première fois que la commission entendait M. Nicolas Sobczak.
Il a déclaré que la commission économique de la Nation, qui réunissait les principaux conjoncturistes français, et leur permettait de confronter leurs analyses avec celles du gouvernement, s'était réunie le mardi 3 octobre 2006. Il a indiqué que le gouvernement prévoyait une croissance du PIB de 2,25 % en 2006, contre 2,3 % pour le consensus des conjoncturistes, tout comme Goldman Sachs et Natexis Banques Populaires. Il a ajouté que la croissance du PIB en 2007 serait de 2 % selon le consensus des conjoncturistes, contre 2,25 % selon le gouvernement. Il a précisé que les prévisions pour 2007 de MM. Nicolas Sobczak et Marc Touati étaient respectivement au-dessus et en dessous du consensus, puisqu'elles étaient respectivement de 2,3 % et de 1,8 %. Il a souligné qu'il s'agissait, dans le cas de M. Marc Touati, de la prévision la plus faible de tous les conjoncturistes, alors que celle de M. Nicolas Sobczak était quasiment la plus élevée, le seul organisme à avoir une prévision supérieure ou égale étant JP Morgan, avec une prévision de croissance de 2,5 %.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Marc Touati a affirmé que si l'économie mondiale croissait à un taux de l'ordre de 3 % par an en moyenne, il prévoyait une forte croissance mondiale en 2006 et en 2007, de respectivement 5 % et 4,2 %. Il a estimé que cette forte croissance de l'économie mondiale permettrait à l'économie de la zone euro de croître de 2,5 % en 2006 et 1,8 % en 2007. Il a souligné l'importance des aléas, s'interrogeant en particulier sur les conséquences que pourraient avoir, en 2007, une diminution du taux d'épargne des ménages, ou une diminution brutale des prix de l'immobilier. Il a considéré qu'en sens inverse, le prix d'équilibre du baril de Brent étant compris entre 50 et 60 dollars, l'évolution du prix du pétrole constituait un « aléa positif », alors que le gouvernement et lui-même prévoyaient un prix du baril de Brent de respectivement 70 dollars et 61 dollars en 2007. Il a souligné, à cet égard, que les économies contemporaines étaient bien moins dépendantes de l'évolution du prix du pétrole qu'il y avait une ou deux décennies, du fait d'une moindre intensité énergétique, de la diminution de la part des industries manufacturières dans le PIB, et de la relative déconnexion de l'inflation et des fluctuations du prix du pétrole. Il a considéré que la faiblesse de l'inflation dans les pays européens, conséquence d'une concurrence nationale et internationale accrue, n'était d'ailleurs pas sans susciter certains problèmes, la recherche de gains de productivité qui en découlait rendant la croissance moins « riche en emplois ».
a déploré la « désindustrialisation » de la France. M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que la faiblesse des créations d'emplois concernait la seule Europe continentale.
a indiqué que, contrairement à ce qui s'était produit lors des cycles précédents, l'Europe ne s'était pas « raccrochée » en 2002 à la reprise de la croissance mondiale. Il a considéré que la croissance de l'économie française était soutenue par le dynamisme de la consommation, qui présentait l'inconvénient de susciter davantage d'importations. Il a estimé que l'économie des Etats-Unis connaîtrait en 2007 un scénario d' « atterrissage en douceur », la baisse des prix immobiliers prévue pour 2007 devant selon lui être, en partie, compensée par celle des taux directeurs de la Banque centrale des Etats-Unis. Après avoir indiqué que, selon lui, les « pays émergents » devaient désormais être appelés les « pays submergeants », du fait de leur part croissante dans le PIB et dans les exportations mondiales, il a jugé que la Chine verrait son PIB croître à un taux de l'ordre de 10 % en 2007, malgré un léger ralentissement. Il a souligné que la zone euro connaissait un taux de croissance du PIB inférieur depuis 2002 à celui des Etats-Unis, et depuis 2003, à celui du Japon. Il a indiqué que si le progrès technique, mesuré par la croissance de la productivité totale des facteurs de production, s'accélérait aux Etats-Unis depuis le début des années 1990, du fait de la « nouvelle économie », il se ralentissait en revanche régulièrement dans la zone euro depuis le début des années 1970. Il a considéré que l'augmentation de 3 points de la TVA allemande au 1er janvier 2007 aurait pour effet d'accroître la consommation à la fin de l'année 2006 et de la réduire au début de l'année 2007, suscitant une moindre croissance en 2007, avec un niveau de l'ordre de 1,2 % en 2007, contre 2,3 % en 2006. Il a jugé que la formule de M. Helmut Schmidt, chancelier de la République fédérale d'Allemagne de 1974 à 1982, selon laquelle « les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain », ne s'était pas vérifiée, depuis 2005, dans le cas de l'Allemagne, les profits et les investissements ayant été élevés, alors que l'emploi total augmentait peu. Il a exprimé son scepticisme quant à la capacité de la France à résorber à court terme son déficit public, rappelant que les administrations publiques avaient été en déficit chaque année depuis 1980.
a précisé que le budget général de l'Etat avait été voté en équilibre pour la dernière fois en 1975.
a considéré que, du fait de l'augmentation de l'endettement brut des ménages, et de la diminution de leur épargne brute, la consommation ne pourrait être durablement maintenue en l'absence de reprise de l'emploi. Il a jugé qu'il existait une « bulle immobilière » en France, et estimé que les prix commenceraient à baisser dès 2007. Il a cependant estimé que le faible niveau des taux d'intérêt permettait d'écarter le risque de krach.
a considéré que la baisse du taux de chômage observée depuis un an, de l'ordre d'un point, provenait essentiellement des modalités de « traitement statistique du chômage ».
a considéré que cela réduisait les dépenses d'indemnisation du chômage.
a souligné l'impact du vieillissement de la population sur la diminution du taux de chômage.
a déploré que la diminution du taux d'endettement public affichée par le gouvernement, selon lequel ce taux reviendrait de 66,6 % du PIB en 2005 à 64,6 % du PIB en 2006 et 63,6 % du PIB en 2007, découle de la diminution de la trésorerie, et non de celle du déficit public, et soit donc purement optique.
La commission a alors entendu M. Nicolas Sobczak, directeur exécutif du service de la recherche économique de Goldman Sachs.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Nicolas Sobczak a considéré qu'il convenait de minorer les différences entre ses prévisions et celles de M. Marc Touati. Il a cependant indiqué qu'il jugeait, contrairement à ce dernier, que la différence des taux de croissance du PIB observée sur le long terme entre la France et les Etats-Unis provenait non d'une plus grande productivité totale des facteurs aux Etats-Unis, mais de la démographie, responsable d'environ 1 point de croissance d'écart chaque année. Il a estimé que le principal problème auquel l'Europe était confrontée était son taux de chômage.
En ce qui concernait les perspectives économiques à court terme, il a jugé que deux facteurs, en particulier, étaient favorables à la croissance en Europe : l'assainissement de l'économie allemande, et la forte consommation des ménages en France, permise par le recours au crédit. Il a cependant estimé que l'Allemagne et l'Italie verraient leur croissance significativement réduite en 2007, du fait de l'ampleur de leur ajustement budgétaire, le déficit de leurs administrations publiques devant revenir, dans le cas de l'Allemagne, de 3,3 % du PIB en 2006 à 2,5 % du PIB en 2007, et, dans celui de l'Italie, de 3,5 % du PIB en 2006 à 2,8 % du PIB en 2007. Il a souligné la différence avec la France, menant une politique budgétaire qu'il a qualifiée de « modérément expansionniste », avec un déficit public qui resterait selon lui de l'ordre de 3 % du PIB en 2006 et en 2007, contre respectivement 2,7 % du PIB et 2,5 % du PIB selon le gouvernement.
a estimé que certains aspects de l'économie française étaient sources d'inquiétude : la diminution des exportations, résultant d'un mauvais positionnement, tant sur le plan géographique que sur celui des gammes de produits, la faiblesse des intentions d'investissement des entreprises, la faible confiance des ménages, résultant du modique nombre de créations d'emplois (environ 100.000 par an, contre 500.000 autour de l'an 2000), résultant selon lui, en partie, des effets retardés de la réduction du temps de travail menée par la précédente législature. Il a considéré, contrairement à M. Marc Touati, que le marché immobilier resterait porteur en France en 2007. Il a souligné à cet égard qu'en France, une partie des ménages, comme les jeunes, n'avait pas accès au crédit, ce qui constituait une différence importante par rapport aux Etats-Unis, en particulier dans le cas du financement des études.
a considéré que le coût des études était nettement plus élevé aux Etats-Unis qu'en France, de sorte que les situations n'étaient pas comparables.
En réponse, M. Nicolas Sobczak a estimé que si les droits d'inscription à l'université étaient plus élevés aux Etats-Unis, le coût global des études était analogue, du fait des autres dépenses, comme le logement et l'alimentation.
Il a jugé que la faible confiance des ménages venait en particulier de la situation difficile où se trouvaient les classes moyennes. D'un côté, les classes moyennes profitaient peu de la mondialisation, dont l'un des principaux effets était de susciter l'augmentation du prix des matières premières, alors que les baisses de prix des produits de consommation importés étaient souvent « captées » par le système de distribution. De l'autre, les salariés payés au SMIC avaient vu depuis 1997 leur rémunération horaire nettement augmenter du fait de la réduction du temps de travail. Il a considéré que ce phénomène était l'une des causes de la faible confiance des Français envers leurs dirigeants, telle que la mesuraient les sondages. Il a par ailleurs indiqué que, selon une enquête, moins de 40 % des Français considéraient l'économie de marché comme « le meilleur système pour l'avenir du monde », contre environ 70 % pour les Chinois, les Américains, les Britanniques, les Allemands, les Espagnols et les Polonais, ce qui la plaçait en outre après l'Italie, le Brésil, la Turquie et la Russie.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé que les exposés de MM. Marc Touati et Nicolas Sobczak étaient complémentaires, le second étant selon lui « très influencé par l'esprit anglo-saxon ». Il s'est interrogé sur la viabilité du modèle de croissance français, qui reposait sur la consommation, dont une part importante était importée, alors que celui de l'Allemagne reposait davantage sur l'investissement et les exportations. Il a jugé souhaitable un « atterrissage en douceur » du marché de l'immobilier.
En réponse, M. Marc Touati a indiqué que, depuis 1998, le taux de croissance de l'économie française était supérieur d'un point en moyenne à celui de l'économie allemande. Il a cependant indiqué que l'Allemagne avait profité de cette période pour rendre le partage de sa valeur ajoutée plus favorable aux entreprises, ce qui le rendait plus optimiste, à long terme, sur les perspectives de l'économie allemande que sur celles de l'économie française, considérant que l'écart de croissance actuellement observé allait probablement disparaître, voire s'inverser. Il a estimé que 100 euros de consommation supplémentaire suscitaient 40 euros supplémentaires de produits importés.
a considéré que la consommation était un moindre facteur de croissance que l'investissement.
a estimé que si une baisse des prix immobiliers pouvait bénéficier aux ménages les moins aisés, qui n'étaient pas encore propriétaires, aucune économie au monde n'avait connu de baisse des prix immobiliers sans traverser de récession.
a déclaré craindre que certains dispositifs d'incitation à la construction de logements locatifs ne favorisent la chute des prix de l'immobilier, considérant que les propriétaires de ces logements pourraient les vendre lorsqu'ils seraient parvenus au terme de la durée minimale de détention nécessaire pour bénéficier de ces dispositifs.
a considéré que M. Marc Touati avait exposé une vision « très industrielle » de l'économie. Il a indiqué qu'il ne convenait pas, selon lui, de privilégier le « modèle allemand » par rapport au « modèle français », reposant sur des services dynamiques, et où la dérégulation des services permettait à ceux-ci de croître plus rapidement qu'en Allemagne. Il a estimé que la « stratégie » adoptée par l'Allemagne provenait en grande partie de la réunification, qui avait rendu nécessaire l'intégration de nombreux travailleurs peu productifs. Il a jugé que les importations n'étaient pas une « mauvaise chose », dès lors que les consommateurs bénéficiaient du moindre prix des importations. Il a cependant déploré que tel ne soit pas suffisamment le cas en France. Il s'est pour cette raison déclaré favorable à une réforme de la « loi Galland ».
s'est réjoui de ce que M. Nicolas Sobczak semble suggérer l'existence d'une « stratégie » française dans le domaine économique.
s'est interrogé sur la dépendance du marché immobilier vis-à-vis des taux d'intérêt, sur les conséquences qu'une productivité insuffisante était susceptible d'avoir sur le niveau des exportations, et sur les modalités de mesure du pouvoir d'achat.
a considéré que l'audition de MM. Nicolas Sobczak et Marc Touati conduisait à relativiser « l'autosatisfaction du gouvernement » en matière économique. Elle s'est inquiétée des conséquences de l'absence de coordination des politiques économiques en Europe, et de l'insuffisance de l'investissement en France.
a souligné que l'achat de biens immobiliers par des étrangers était diversement apprécié dans les zones rurales, et que le développement de l'économie espagnole au cours des dernières décennies avait été considérable.
a estimé que les évolutions économiques étaient « plus subies que pilotées ». Il a néanmoins jugé que, dans le cas de l'Allemagne, les réformes structurelles réalisées par la précédente majorité commençaient à porter leurs fruits. Il s'est interrogé sur le poids du secteur du bâtiment dans la croissance économique, et sur l'intérêt d'accroître le pouvoir d'achat des ménages, alors que celui-ci suscitait davantage d'importations, et que cet objectif pouvait parfois sembler contradictoire avec celui de lutte contre le chômage.
En réponse, M. Marc Touati a considéré qu'il faudrait, en France, créer environ 400.000 emplois par an pour susciter une augmentation durable du pouvoir d'achat, génératrice d'investissement. Il a jugé que si les délocalisations d'activité n'étaient pas néfastes par elles-mêmes, il importait de conserver les activités recourant à une main-d'oeuvre qualifiée. Il a estimé que la France devait, comme l'Allemagne, réaliser d'importantes réformes de son marché du travail et de sa fiscalité.
a souligné que le marché immobilier était très sensible aux taux d'intérêt, et qu'il ne devrait pas non plus se produire de krach l'année prochaine, aucune augmentation de ceux-ci n'étant prévue en 2007. Il a considéré que pour augmenter durablement le pouvoir d'achat, la France devait déréguler davantage son économie, en particulier en ce qui concernait le marché des biens et le marché du travail. Il a, par ailleurs, jugé que le problème en France n'était pas tant le niveau du pouvoir d'achat que son partage, l'un des enjeux étant en particulier de permettre aux salariés de mieux bénéficier des revenus du capital.
La commission a ensuite entendu une communication de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur la formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion.
a indiqué qu'après s'être intéressé, l'année dernière, à la question essentielle des frais de justice, il avait souhaité aborder, dans le cadre de ses travaux de contrôle, le thème de la formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion.
Il a, tout d'abord, rappelé que les impératifs d'une bonne gestion des crédits étaient, aujourd'hui encore plus qu'hier, au coeur des enjeux de la justice et que, dans ces conditions, la formation à la gestion devenait une dimension incontournable du cursus des acteurs de l'institution judiciaire.
Il a indiqué que les conclusions qu'il soumettait à l'approbation de la commission s'appuyaient sur des auditions menées à l'occasion de ses déplacements à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) et à l'Ecole nationale des greffes (ENG), ainsi que sur des rencontres avec les équipes pédagogiques, les élèves en cours de formation et les acteurs de la vie des juridictions.
a insisté sur la nécessité de consolider le lien de confiance entre la Nation et ses magistrats, à l'heure où un divorce semble se dessiner entre l'opinion publique et le corps de la magistrature.
Il a indiqué que la formation à la gestion des magistrats et des greffiers en chef consistait, en formation initiale, à les sensibiliser aux problématiques et aux outils de gestion. Elle était ensuite complétée par une approche plus pratique et plus directement opérationnelle, en formation continue.
Décrivant le cursus des auditeurs de justice et des élèves de l'ENG, il a précisé que pour ces élèves, dont la culture et le profil étaient essentiellement juridiques, la gestion constituait souvent une découverte, pour laquelle leur appétence était relativement faible. Concernant la scolarité des auditeurs de justice à l'ENM, il a expliqué qu'une série de modules de formation consacrés aux techniques budgétaires et aux enjeux financiers était proposée aux élèves. Revenant, ensuite, sur la formation dispensée à l'ENG, il a indiqué que la gestion y revêtait une importance toute particulière, les élèves greffiers en chef ayant à mobiliser, dans leurs futures fonctions, des compétences en gestion administrative et budgétaire, en gestion du personnel, en organisation, en management et en communication. Il a ajouté que la réforme de l'ENG, menée en 2003, avait permis, avec l'allongement de la durée de scolarité, un fructueux « reprofilage » des programmes et s'était accompagnée d'une revalorisation des cours de management et de gestion. Il a cité, parmi les thèmes traités par ces formations, les frais de justice, la collecte de l'information statistique, la conception de tableaux de suivi, la maîtrise de l'outil informatique et la prévision budgétaire.
S'agissant de la formation continue, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que les deux acteurs majeurs étaient l'ENM et l'ENG, certaines formations étant, d'ailleurs, mises en place en partenariat entre ces deux écoles. Il a précisé que, à côté de cette offre de formation à vocation nationale, coexistait une offre « déconcentrée », conçue et proposée à l'échelle des cours et des juridictions, via les Magistrats délégués à la formation (MDF) et les Responsables de la gestion de la formation (RGF). Il a, également, évoqué l'administration centrale, amenée à développer, ponctuellement, des programmes de formation spécifiques sur des problématiques de gestion identifiées comme prioritaires.
Concernant la formation continue des magistrats, il a souligné qu'il n'y avait pas, pour les magistrats en poste, d'obligation à se former au cours de leur carrière, mais qu'ils disposaient d'un droit à la formation de cinq jours par an. Il a insisté sur l'adéquation entre les modules proposés et les attentes de la part des magistrats. Il a précisé que cette formation avait pour objectif d'accompagner les magistrats dans leurs changements de fonction, de répondre à leurs besoins de formation à l'encadrement et de les aider à mieux appréhender les réformes législatives ayant un impact sur la gestion des juridictions. A cet égard, il a estimé que les parlementaires devraient, avant toute réforme législative, se fixer pour règle de procéder à des simulations sur l'impact des textes en discussion ayant des conséquences sur le travail des juges.
a cité, à titre d'exemple, une session sur les « Frais de justice », un cycle de formation portant sur « La LOLF, les contrats d'objectifs et les indicateurs d'activité », un atelier consacré au « Plan de formation des cadres » et un module dédié à l'« Actualité des cours d'appel ». Etant lui-même intervenu dans le cadre du cycle consacré à la LOLF, le 18 mai 2006, il a témoigné de la qualité d'écoute des magistrats, de la haute tenue des échanges et du souci de l'ENM d'aborder, à cette occasion, les vrais sujets de préoccupation de l'institution judiciaire.
Décrivant la formation continue des greffiers en chef, il a indiqué que ceux-ci bénéficiaient de dix jours de formation obligatoire par an, sur une période de cinq ans à compter de la titularisation. Il a précisé que, par la suite, ils continuaient de se voir proposer une offre de formation à la gestion, mais cette fois sur la base du volontariat.
s'est félicité que certaines de ces formations, comme par exemple celle relative à la LOLF, soient ouvertes tant aux greffiers en chef qu'aux magistrats. Il a estimé que de tels partenariats permettaient de bénéficier, à la fois, d'économies d'échelle dans l'organisation de ces modules et de synergies grâce aux échanges d'expériences qu'elles favorisaient.
Il a souligné que les méthodes pédagogiques mises en oeuvre à l'ENM et à l'ENG se caractérisaient par une réelle professionnalisation et que, face au défi de la technicité et de la complexité de la gestion appliquée à la justice, cet enseignement remplissait son contrat. Il a estimé que cette formation avait su prendre le tournant de la modernité et de l'efficacité, notamment en tirant profit des compétences internes au ministère de la justice et en ayant judicieusement recours aux partenariats.
s'est, en outre, félicité que les formations offertes reposent largement sur l'intervention et l'expérience des praticiens, en citant l'exemple de l'ENM, où l'équipe pédagogique était constituée de trente cinq magistrats expérimentés et était renforcée par des conférenciers occasionnels, issus des juridictions ou extérieurs au ministère de la justice, venant partager leur expertise.
Il a, par ailleurs, porté un jugement très positif sur les conditions de travail offertes par les deux écoles, à Bordeaux et à Paris, pour l'ENM, et à Dijon, pour l'ENG. Il a, également, salué le recours aux stages et à une politique de partenariats dynamique, gage de qualité de l'enseignement.
a, toutefois, jugé perfectible cette formation à la gestion et a fait part à la commission des améliorations qui, selon lui, étaient envisageables.
Il a, tout d'abord, évoqué l'évaluation de la formation, qui ne devait plus se limiter à une évaluation « à chaud », c'est-à-dire immédiatement à l'issue du cours reçu, mais, au contraire, permettre la prise de distance. Dans cette perspective, il a estimé souhaitable de la compléter par une évaluation a posteriori, dans une période de six mois à un an après la sortie des élèves de l'école ou la fin de la session de formation continue. Il a indiqué que l'ENG avait, d'ailleurs, déjà commencé à s'engager dans cette voie. Il a ajouté que cette évaluation devait, aussi, procéder à un tour d'horizon plus complet des acteurs concernés par la formation (chefs de cour, magistrats, chefs de greffe, coordonnateurs de SAR) et non plus être uniquement tournée vers le « formé ».
a indiqué qu'une autre amélioration résidait dans la diversification des profils à l'entrée des deux écoles. A cet égard, il a précisé que les candidats reçus aux concours n'avaient que rarement un profil gestionnaire, et que la majorité présentait un profil très juridique. Il a estimé qu'une telle homogénéité pénalisait la diffusion souhaitable d'une culture de gestion au sein de l'ensemble de l'institution judiciaire. Aussi, afin d'attirer un plus grand nombre de diplômés en gestion, a-t-il préconisé la présence de l'ENG et de l'ENM sur les campus de recrutement, organisés par la plupart des écoles et des universités de gestion, ainsi qu'une évolution des épreuves du concours d'entrée de ces deux écoles, en y introduisant une composante liée à la gestion.
Il a, en outre, rappelé que les nouvelles technologies devaient être encore mieux mises au service de la formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion. Il a précisé que les deux écoles avaient, d'ores et déjà, commencé à tirer profit de l'apport des nouvelles technologies dans la pédagogie qu'elles mettaient en oeuvre. Dans cette perspective, il a cité l'exemple de l'ENM mettant à la disposition de chaque auditeur de justice un ordinateur portable. Il a, néanmoins, considéré que tout le potentiel de cette révolution technologique était loin d'être épuisé. Evoquant l'éloignement géographique entre les deux écoles et la journée de train nécessaire pour aller de l'une à l'autre, il a estimé que la « visioconférence » et le « e-learning » constituaient les prochaines étapes à franchir.
a souligné que la formation à la gestion des magistrats et des greffiers en chef devait, également, pouvoir s'enrichir d'approches différentes et d'expériences encore plus diversifiées. De ce point de vue, il a souhaité que la politique de partenariats et de stages soit encore densifiée pour aller chercher l'expertise en matière de gestion là où elle se trouvait le plus développée : dans les écoles de commerce, les universités et les entreprises. Il a précisé que l'ENM travaillait d'ailleurs, d'ores et déjà, sur une telle collaboration, avec l'école des Hautes études commerciales (HEC) et l'Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), l'objectif étant d'impliquer les enseignants de ces écoles dans la direction de certaines sessions de formation et de favoriser les transferts de savoir-faire pédagogiques.
Il a, par ailleurs, regretté que la distinction fondamentale entre la gestion et le management ne soit pas clairement établie dans les formations proposées. Il a rappelé que l'enseignement de la gestion, au sens strict, renvoyait à l'acquisition de techniques, tandis que la formation au management correspondait à des savoir-être : savoir motiver une équipe, savoir encadrer, savoir imaginer des solutions nouvelles... Il a indiqué que la formation à la gestion des magistrats et des greffiers en chef tendait, jusqu'à présent, à privilégier la gestion, stricto sensu, au management. Aussi, a-t-il jugé utile un rééquilibrage de la formation, au profit de l'enseignement du management, l'une des clefs de succès des réformes engagées au sein de l'institution judiciaire résidant dans la capacité des magistrats et des greffiers en chef à s'impliquer et à mobiliser les équipes.
a, également, appelé de ses voeux une plus grande valorisation des efforts de formation dont faisaient preuve les magistrats et les greffiers en chef. Il a insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte ces efforts dans l'évaluation des personnels et leurs déroulements de carrière.
Il s'est félicité que la formation à la gestion tienne, désormais, une place essentielle dans les enseignements dispensés aux auditeurs de justice, aux élèves de l'ENG, ainsi qu'aux magistrats et aux greffiers en chef en fonction. Il a souligné, à cet égard, les efforts très significatifs, engagés au cours des dernières années, au sein de l'ENM comme de l'ENG, pour prendre la mesure de ce nouvel impératif et l'inscrire dans des programmes déjà très chargés. Il a affirmé que la gestion n'était plus le « parent pauvre » de ces cursus et a insisté sur cette révolution culturelle, qui marquait autant la volonté de s'adapter à la nouvelle donne budgétaire que la capacité à mener à bien ce défi. Il a considéré que l'entrée en application de la LOLF expliquait certes, en partie, cette volonté, mais qu'il fallait également voir dans ce mouvement une véritable prise de conscience et une adhésion aux nouvelles règles budgétaires.
Il a estimé que ce constat encourageant n'était pas neutre, à l'heure où la Nation semblait douter de la Justice, comme des hommes et des femmes qui la rendaient. Il a affirmé qu'il fallait y voir le signe de la capacité d'adaptation de l'institution judiciaire, de son souci de bien faire et de rester en phase avec les attentes que les Français nourrissaient à son égard.
Pour conclure, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souhaité que cette mission de contrôle puisse efficacement contribuer à renouer le lien si précieux qui unissait, au sein de la République, la justice et le justiciable, le service public de la justice et l'administré, le magistrat et le citoyen. S'appuyant sur l'expérience d'un stage réalisé, au cours du mois de mai 2006, à la Cour d'appel de Paris, il a estimé que le Sénat était perçu par les magistrats comme un interlocuteur de qualité, fiable et sérieux.
Un large débat s'est alors instauré.
approuvant les analyses de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, et soulignant la grande qualité de son travail, a rappelé l'importance du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire. Il a souligné que les impératifs de bonne gestion des crédits n'entraient pas en contradiction avec cette règle constitutionnelle. Se souvenant d'avoir exercé les fonctions de rapporteur spécial des crédits de la justice pendant trois ans et rappelant tout l'intérêt qu'il y avait trouvé, il a souhaité que la commission continue de travailler au renforcement du lien de confiance unissant l'ordre judiciaire et le Parlement.
a salué l'utilité de la mission de contrôle menée par M. Roland du Luart, rapporteur spécial, dans la perspective d'une future réforme de la justice. Evoquant l'expérience tirée de son stage au sein du tribunal de grande instance de Pontoise, il a confirmé le peu d'appétence pour la gestion chez les jeunes auditeurs de justice. Il a, toutefois, relativisé ce comportement, jugeant qu'il évoluait ensuite favorablement avec le temps. Il a, enfin, fait part de ses craintes de voir la Nation divorcer de ses magistrats, tout en soulignant qu'il était parfaitement possible de porter un jugement sur le fonctionnement de l'institution judiciaire sans remettre en cause le principe de son indépendance.
a insisté sur la volonté des élus locaux d'aider la justice, en s'insérant, par exemple, au sein de la chaîne pénale ou en jouant un rôle dans le cadre des condamnations à un travail d'intérêt général. Il s'est, par ailleurs, félicité des bonnes relations entretenues par le procureur du tribunal de grande instance de Bobigny avec les élus de son ressort de juridiction. Il a, enfin, rappelé que la LOLF pouvait, parfois, être abusivement tenue pour responsable des difficultés matérielles auxquelles se trouvait confronté l'ensemble des personnels de l'institution judiciaire.
a salué l'initiative de M. Christian Poncelet, président du Sénat, permettant aux sénateurs d'effectuer des stages en juridiction, et a estimé que cette démarche contribuait fortement à l'image positive des élus de la Haute Assemblée auprès des magistrats.
Il a affirmé que, progressivement, les juridictions avaient intégré les principes de la LOLF. Evoquant l'actualité récente en Seine-Saint-Denis et rappelant le stage qu'il avait effectué, en 2005, au sein du tribunal de grande instance de Bobigny, il a souhaité que la commission suive avec une grande attention ces questions et soit ainsi à l'écoute du malaise gagnant actuellement l'ordre judiciaire. Evoquant les dysfonctionnements de la justice, et notamment l'affaire dite d'Outreau, il a considéré qu'il convenait, également, de porter au crédit de l'institution judiciaire la résolution rapide d'affaires complexes, comme celle survenue il y a quelques mois à Angers.
a estimé fondamental de réduire la fracture apparaissant entre certains responsables politiques et les juges, et a souhaité que les conclusions de sa mission de contrôle puissent y contribuer.
Il a, par ailleurs, salué l'ouverture d'esprit et la conscience vive des nouveaux enjeux budgétaires, dont faisaient preuve les directeurs de l'ENM et de l'ENG. Il a, en outre, estimé souhaitable de ne pas engager de réforme de la justice trop hâtive, afin d'éviter des conséquences contraires aux résultats espérés.
Revenant sur les propos de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, M. Jean Arthuis, président, a notamment rappelé le rôle considérable du greffier en chef au sein des juridictions, celles-ci ne se limitant pas à une dyarchie composée du président et du procureur.
A cet égard, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a rappelé que l'urgence, dans les juridictions, n'était pas tant un besoin de nouveaux magistrats qu'un manque de greffiers. Il a expliqué que le déficit actuel en greffiers résultait de l'effet d'une pyramide des âges défavorable et était renforcé par les conséquences de l'allongement de la scolarité de l'ENG, celle-ci étant passée de douze à dix-huit mois à l'occasion de la réforme de l'école en 2003.
a considéré, s'agissant du tribunal de grande instance de Bobigny, qu'il conviendrait de s'intéresser aux conditions matérielles dans lesquelles cette juridiction exerce ses fonctions.
La commission a alors donné acte, à l'unanimité, à M. Roland du Luart, rapporteur spécial, de sa communication et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information.