La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Michel Roulet, président de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
a retracé les principales étapes de la prise de conscience, par les pouvoirs publics, des dangers des dérives sectaires en France, soulignant que le rapport du député Alain Vivien intitulé « Les sectes en France -expressions de la liberté morale ou facteurs de manipulations ? » avait marqué en 1983 le point de départ d'une volonté de l'Etat d'examiner avec attention le phénomène sectaire, après avoir longtemps considéré qu'il relevait de la sphère privée et de la liberté de conscience.
Cette volonté s'est affirmée ensuite avec la publication, en 1996, du rapport d'enquête des députés Alain Gest et Jacques Guyard. Intitulé « Les sectes en France », il établit une liste de 173 groupes et développe dix critères de dangerosité justifiant une vigilance à leur égard, dans un contexte marqué par les massacres, en 1994 et 1995, des membres de l'Ordre du Temple Solaire.
a précisé que ce rapport, qui avait connu à l'époque un fort retentissement, avait abouti à la création, en 1996, de l'Observatoire interministériel sur les sectes, auquel a succédé, en 1998, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), puis, en 2002, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
a ensuite rappelé la publication, en décembre 2006, du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale intitulé « L'enfance volée : les mineurs victimes de sectes », commission présidée par M. Georges Fenech et dont le rapporteur était M. Philippe Vuilque.
Il s'est enfin félicité de ce que les efforts conjugués des parlementaires (quatre députés et quatre sénateurs sont membres de la Miviludes), du gouvernement et des associations aient conduit aujourd'hui à une prise en compte satisfaisante de la situation des victimes de dérives sectaires.
a souhaité connaître l'ampleur du phénomène des « faux souvenirs induits » décrit dans le récent rapport annuel d'activité de la Miviludes.
a expliqué que ce phénomène, né dans la seconde moitié du vingtième siècle aux Etats-Unis, était le fait de thérapeutes liant systématiquement toutes les difficultés du patient à de faux souvenirs traumatiques qui avaient été occultés depuis la prime enfance, généralement un inceste. Il s'agit là d'un exemple dramatique de falsification et de détournement de la mémoire par des praticiens malintentionnés poursuivant des objectifs d'asservissement des personnes leur accordant leur confiance. Après avoir précisé que ces agissements tombaient sous le coup de la loi dite About/Picard, adoptée le 12 juin 2001, et destinée à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, il a jugé indispensable de bien informer la population sur les dangers de ces méthodes. Il a enfin souligné que ces praticiens incitaient parfois leurs patients à se former eux-mêmes à ces procédés thérapeutiques afin de constituer un « réseau de thérapeutes », présentant selon lui un caractère sectaire.
a souhaité savoir s'il existait une coopération européenne en vue d'harmoniser les législations en matière de lutte contre les dérives sectaires.
a signalé que, seuls, trois pays en Europe menaient actuellement une politique de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires aussi active que la France : la Belgique, l'Autriche et l'Allemagne. Il a ajouté que la Miviludes participait aux travaux de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) à Varsovie à l'occasion des Conférences annuelles d'examen de la dimension humaine et rappelé que l'année 2007 a été marquée, plus encore que les précédentes, par des actions de « lobbying » effrénées de la part des mouvements sectaires dans le cadre de cette instance internationale. Il a également mis en avant la nécessité de concilier la défense de la liberté de conscience et l'impératif de protection des personnes contre les procédés d'emprise mentale, citant M. Jean-Paul Costa, Président de la Cour européenne des droits de l'homme :
« Autant il faudra que la Cour continue de protéger efficacement la liberté de conscience et le pluralisme religieux, autant il lui faudra certainement se pencher sur les abus commis au nom de la religion (au sens le plus noble du terme), ou de pseudo-religions qui ne revêtent le manteau religieux que pour déployer plus tranquillement des activités nocives, voire abominables. De même que la liberté d'association ne doit pas servir à protéger les associations de malfaiteurs, de même la liberté religieuse ne doit pas assurer l'impunité aux coupables d'agissements délictueux ou criminels menés au nom de cette liberté ».
s'est inquiétée du développement du phénomène du « chamanisme d'entreprise » où l'entreprise peut être comparée à une tribu ou à un peuple traditionnel dans lesquels l'individu s'enferme et se coupe du monde extérieur.
Après avoir rappelé son appartenance à la délégation française de l'assemblée parlementaire de l'OSCE, M. Pierre Fauchon a regretté l'existence d'un différend entre cette assemblée et une autre instance de l'OSCE : le BIDDH (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme) et souhaité connaître la position de M. Jean-Michel Roulet sur ce point. Il s'est par ailleurs demandé si l'importance du mouvement sectaire aujourd'hui pouvait s'expliquer par une plus grande fragilité de l'état psychologique de la population que par le passé.
Après avoir constaté la tendance de certaines « techno-structures » européennes à confisquer le pouvoir des élus, M. Jean-Michel Roulet a déclaré que le mouvement sectaire, s'il n'avait pu se développer dans la période de l'après-guerre, marquée par l'effort de reconstruction du pays, avait tiré profit de l'enrichissement progressif de la population dans les années 1960 et 1970 et d'une certaine recherche de spiritualité. Il a souligné que le mouvement sectaire investissait aujourd'hui des domaines, d'une part, plus « utilitaires », d'autre part, marqués par des flux financiers structurels importants, tels que la santé, la formation, le développement personnel et le monde de l'entreprise, comme l'illustre le développement du chamanisme d'entreprise.
a souligné l'intérêt financier des mouvements sectaires pour les domaines de la formation professionnelle et du soutien scolaire. Elle a souhaité connaître l'ampleur du phénomène et relevé l'inquiétude de certaines directions des ressources humaines d'entreprises quant à l'influence des sectes dans les activités de formation.
S'agissant de l'influence de certaines sectes sur la formation continue, M. Jean-Michel Roulet a jugé préoccupant ce phénomène, appréhendé récemment par la Miviludes, et affirmé que salariés comme employeurs avaient aujourd'hui pleinement conscience du danger qu'il peut représenter pour l'entreprise. Il a également déclaré que la sous-traitance de certaines activités à des sociétés infiltrées par des mouvements sectaires pouvait constituer une menace, citant l'exemple d'une société de maintenance informatique susceptible de détourner des fichiers de données à caractère personnel. Sur le soutien scolaire, il a mis en avant l'inquiétude exprimée par les associations de parents d'élèves et déclaré avoir alerté le ministère de l'Education nationale et les collectivités territoriales.
s'est étonné de la diffusion gratuite, auprès de parlementaires, d'ouvrages très onéreux militant en faveur de la théorie créationniste.
a indiqué que ces ouvrages, qui stigmatisent la théorie évolutionniste darwinienne, sont édités par des membres de l'Islam radical situés au Proche-Orient. Après avoir souligné que d'autres organismes plus modestes étaient capables de publier des brochures dénonçant, au nom de la liberté de conscience, la lutte contre les sectes, il a souhaité que l'Etat cherche à connaître l'origine exacte de leur financement.
Citant la formule selon laquelle une religion serait une secte qui a réussi et soulignant que les Témoins de Jéhovah représentent la deuxième religion au Portugal, M. Hugues Portelli s'est interrogé sur les critères de distinction entre sectes et religions. Il s'est par ailleurs étonné qu'un mouvement dénommé « l'Eglise du Christ scientiste », comptant seulement quatre cents adeptes en France, dispose d'un représentant permanent à Bruxelles et a souhaité connaître le lien éventuel de ce mouvement avec l'Eglise de Scientologie.
a déclaré que certains mouvements sectaires ne troublaient pas l'ordre public et se conformaient aux principes républicains, tandis qu'à l'inverse, certains membres du clergé de certaines religions avaient pu commettre des actes répréhensibles. Il a souligné que la loi réprimait tous les agissements attentatoires aux droits de l'homme, aux libertés fondamentales, à la dignité humaine ou constituant une menace à l'ordre public, commis dans le cadre particulier de l'emprise mentale, et ce, quelle que soit la dénomination du mouvement dans le cadre duquel ils sont perpétrés.
a mis en avant la nécessité de coordonner, en matière de lutte contre les dérives sectaires, l'ensemble des moyens d'action des services de l'Etat aux plans départemental et ministériel.
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Etienne Apaire, président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT).
a observé qu'au cours des quinze dernières années, quel que soit le gouvernement, la lutte contre la consommation de drogue avait privilégié une approche sanitaire dirigée principalement contre les consommations abusives révélatrices d'une addiction, les consommations occasionnelles étant considérées comme moins graves.
Il a estimé que le bilan de cette stratégie démontrait ses insuffisances et son échec. Il a ainsi souligné que la France figurait parmi les plus gros consommateurs de cannabis, en particulier pour les moins de dix-sept ans -seuls les jeunes espagnols et tchèques en consommant plus- et que la consommation de cocaïne et de drogues de synthèse avait été multipliée par deux depuis 2002. En revanche, concernant l'héroïne, il a indiqué que 100.000 personnes étaient désormais sous produits de substitution et que la consommation était stabilisée.
A propos des drogues licites, s'il a jugé que des résultats encourageants avaient été enregistrés contre le tabagisme, en revanche, il a déploré le bilan en matière d'alcool. Il a indiqué que quatre millions de personnes avaient une consommation excessive supérieure à quatre verres d'alcool par jour. Il a également souligné l'évolution des modes de consommation avec la diminution chez les jeunes d'une consommation traditionnelle, dite « conviviale », au profit d'une consommation de « défonce » dont le seul but était de parvenir le plus rapidement possible à une ivresse très élevée. Il a relevé que cette tendance provenait des pays de l'Europe du nord.
a jugé que la distinction entre les drogues licites et illicites n'était pas le seul critère pertinent pour définir les priorités de la lutte contre les drogues. Il a notamment considéré que l'impact sur l'ordre public était une donnée essentielle et qu'à cet égard, l'alcool posait de très grandes difficultés et représentait un coût énorme pour la société. En outre, il a attiré l'attention sur le développement de la polytoxicomanie, notamment la consommation simultanée d'alcool et d'autres substances, laquelle tendrait à brouiller la frontière entre drogues licites et illicites. Il a indiqué que l'absorption concomitante d'alcool et d'autres drogues était à l'origine de près de 20 % des accidents du travail.
Après plus de quinze années d'une stratégie ciblée sur les consommations abusives, il a déclaré que l'adoption de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance avait constitué une rupture importante marquée par le souci que chaque infraction constatée en matière d'usage de stupéfiants reçoive une réponse pénale ferme et adaptée.
Il a ainsi rappelé que la loi du 5 mars 2007 :
- avait élargi la possibilité de prononcer une injonction thérapeutique rénovée à tous les stades de la procédure, y compris à l'égard des mineurs ;
- permettait de prononcer une mesure d'injonction thérapeutique dans le cadre d'une composition pénale, désormais ouverte aux mineurs de plus de treize ans, en cas d'usage de stupéfiants ou de consommation habituelle et excessive de produits alcooliques ;
- avait étendu le champ d'application de la procédure de l'ordonnance pénale à l'usage de stupéfiant ;
- avait érigé en une circonstance aggravante le fait de commettre certaines infractions en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ;
- avait introduit à titre de peine complémentaire l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.
Concernant ces stages, M. Etienne Apaire a précisé qu'ils se mettaient progressivement en place et qu'ils seraient à la charge de la personne condamnée. Il a indiqué que sur 100.000 personnes actuellement interpellées chaque année pour usage de stupéfiants, 80.000 faisaient l'objet d'un simple rappel à la loi ou d'une admonestation. Ces personnes seraient désormais condamnées à accomplir ce stage de sensibilisation d'un coût estimé à 250 euros. Il a relativisé ce coût relativement élevé en le comparant avec les dépenses mensuelles moyennes d'un consommateur de cannabis et/ou de tabac comprises entre 80 et 160 euros.
Il a ensuite annoncé la présentation d'un plan gouvernemental à la fin du premier semestre 2008, ce plan devant s'inscrire dans la perspective d'une stratégie européenne de lutte contre les drogues.
Il a indiqué que ce plan serait en particulier axé sur la réaffirmation de la prohibition de toute consommation de stupéfiants. Il a estimé que chaque adulte devrait faire respecter l'interdit. Il a constaté que de nombreux parents avaient abandonné ce rôle, certains pensant même que la consommation de cannabis était désormais autorisée. Il a enfin déclaré que beaucoup d'adultes commettaient l'erreur de considérer la consommation de drogues comme une simple passade de jeunesse, alors que les études scientifiques démontrent qu'une addiction est d'autant plus forte et durable que la première consommation est précoce.
a ensuite expliqué que dans la lutte contre les stupéfiants la France devait faire face à plusieurs attaques extérieures.
Il a ainsi indiqué que notre pays devait se préparer à affronter un « tsunami de cocaïne », rappelant que d'ores et déjà la consommation de ce stupéfiant avait été multipliée par deux depuis 2002. Il a précisé que les cartels sud-américains considéraient l'Europe comme un nouveau marché à conquérir en raison de la stagnation, voire de la diminution, de la consommation aux Etats-Unis et du cours élevé de l'euro par rapport au dollar. Il a expliqué que l'essor de la cocaïne en France et en Europe était d'autant plus rapide que les réseaux de distribution étaient ceux du cannabis. Il a en outre ajouté que cette drogue et ses dérivés, comme le crack, risquaient de provoquer, dans certains quartiers difficiles aujourd'hui épargnés, des problèmes majeurs d'ordre public, en raison des propriétés excitantes de ces substances à l'inverse du cannabis.
Concernant l'héroïne, bien que l'Europe soit jusqu'à présent épargnée, il a observé que la production record de pavot en Afghanistan constituait un danger potentiel à moyen terme.
a conclu en soulignant la nécessité de mutualiser la lutte contre la drogue, la France ne pouvant seule faire face au défi.
a demandé si une action particulière était menée dans les établissements scolaires pour sensibiliser les enfants aux dangers de la drogue.
Faisant le bilan des campagnes d'information précédentes, M. Etienne Apaire a jugé que les messages mettant en avant les dangers pour la santé étaient inefficaces. En revanche, il a plaidé en faveur de campagnes axées sur la réaffirmation de la prohibition de la consommation et des sanctions encourues.
En outre, il a souhaité que les prochaines campagnes ne soient pas uniquement à destination des jeunes, mais également des adultes, qui sont les premiers garants du respect de la règle par les plus jeunes. Pour illustrer le bien-fondé de cette stratégie, il s'est référé aux succès remportés dans la lutte contre la violence routière depuis 2002.
Maire d'une commune de Seine-Saint-Denis, M. Jacques Mahéas s'est déclaré confronté chaque jour aux ravages de l'alcool pour la société et la sécurité. Une des principales difficultés résidait dans la multiplication des lieux de ventes d'alcool en dehors de tout contrôle sérieux des douanes. A toute heure de la soirée et du début de la nuit, il était possible de se procurer diverses sortes d'alcool.
a déclaré que la prévention ne suffisait pas et que la hausse spectaculaire de la consommation de cannabis depuis vingt ans s'expliquait également par le développement et la diversification des réseaux de trafiquants. Elle s'est interrogée sur l'efficacité de la lutte contre les réseaux criminels.
a indiqué qu'une stratégie fondée sur le rétablissement de la règle ne pouvait être crédible qu'à la condition qu'elle s'applique à tous les secteurs de la société, en particulier en matière économique. A cet égard, il a demandé si une action résolue avait été réellement engagée pour lutter contre le blanchiment de l'argent de la drogue et le financement des réseaux.
a demandé si la bienveillance de notre législation à l'égard de l'alcool n'était pas seulement justifiée par le fait que la France en est un producteur important. Il a craint que ce double langage n'affaiblisse considérablement la portée du discours tenu aux jeunes sur les autres drogues. A titre d'exemple, il a exprimé son étonnement face à la présence d'alcool dans les stations-service, y compris de premix, mélanges de soda et d'alcool. A titre de comparaison, il a indiqué que dans de nombreux pays européens, la vente d'alcool était limitée à certaines heures.
Sur le problème de la consommation d'alcool, M. Etienne Apaire a indiqué que dans le cadre de la préparation d'un plan « Santé des jeunes », des discussions avaient été engagées avec les distributeurs pour mieux contrôler la vente d'alcool aux mineurs. Concernant le point particulier de l'interdiction de la vente d'alcool dans les stations-service, il a précisé que la décision de principe avait été prise lors de la réunion du dernier comité interministériel de la sécurité routière.
Sur la question de l'efficacité de la lutte contre les trafiquants, il a estimé que la distinction entre consommateur et revendeur était souvent très ténue, de nombreux consommateurs réguliers, en particulier les plus jeunes, commençant à trafiquer pour satisfaire leurs besoins personnels. Par ailleurs, il a jugé que la législation en matière de lutte contre le blanchiment était satisfaisante dans l'ensemble. Il a toutefois indiqué que la confiscation des avoirs criminels était encore trop complexe et mériterait d'être simplifiée en passant d'une procédure civile à une procédure pénale. Il a annoncé la présentation d'un projet de loi sur ce sujet.
a également observé que l'action des policiers était culturellement ciblée sur la saisie de stupéfiants et l'interpellation des trafiquants, et non sur la saisie des avoirs criminels. Il a indiqué qu'un changement de culture et d'approche permettrait certainement des progrès importants, comme en Espagne et en Italie. Néanmoins, il a estimé que l'argent de la drogue était souvent placé à l'étranger et qu'il était donc souvent difficile d'obtenir des résultats rapides.
a souligné que la lutte contre le blanchiment avait beaucoup progressé et que notre législation était constamment perfectionnée.
s'est fait l'écho de l'incompréhension de nombreux citoyens face à l'incapacité de l'Etat à endiguer la consommation d'une drogue illicite comme le cannabis, alors que simultanément la lutte contre le tabagisme, drogue licite, rencontre certains succès. Il a demandé si ce paradoxe avait une explication.
a répondu que la lutte contre la consommation de stupéfiants ne pouvait réussir qu'à la condition que chaque citoyen en prenne sa part. A cet égard, il a jugé que les stages de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants allaient transformer la réponse pénale et amener des familles entières à réfléchir aux dangers de la drogue. En effet, il a indiqué que ces stages exigeraient la présence des parents aux côtés de leur enfant.
Concernant l'alcool, il a précisé que si la décision d'interdire la vente d'alcool aux mineurs était prise, celle-ci vaudrait pour tous les lieux de vente.
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Alain Bauer, président du conseil d'orientation de l'observatoire national de la délinquance (OND).
Rappelant que l'Observatoire national de la délinquance avait été imaginé à la suite des travaux parlementaires de MM. Christophe Caresche et Robert Pandraud en juin 2002, M. Alain Bauer, président du conseil d'orientation de l'observatoire national de la délinquance, a indiqué que sa création effective avait eu lieu sous le gouvernement suivant, traduisant ainsi la préoccupation partagée de disposer de données fiables en matière de délinquance.
Il a souligné que la situation prévalant avant sa création n'était pas satisfaisante, l'autorité chargée de produire, diffuser et commenter les statistiques étant celle chargée de lutter contre la délinquance.
Estimant que l'examen des seuls chiffres globaux de la délinquance était insuffisant pour en saisir la réalité, il a souligné que les enquêtes de victimation développées par l'observatoire permettaient dorénavant de comparer les crimes ou délits que les victimes subissaient et la manière dont elles ressentaient ces agressions par rapport aux faits constatés par les forces de l'ordre dans l'état 4001.
A cet égard, il a rendu hommage à M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur en 1999, qui avait initié à cette époque la première enquête de victimation. Il s'est félicité de ce que ces enquêtes soient devenues régulières depuis 2003 et n'aient cessé de se perfectionner. Il a en particulier indiqué que l'enquête menée en 2007 était la plus grande enquête statistique conduite en France après celle du recensement. Il a précisé que ces enquêtes se déroulaient en face à face, ce qui permettait en particulier de sonder les violences intrafamiliales.
Indiquant que les enquêtes de victimation avaient porté pour la première fois en 2007 sur les atteintes physiques aux personnes, il a déclaré que les violences intrafamiliales constituaient à l'heure actuelle la première catégorie de violences constatées.
a expliqué que dans un premier temps l'OND avait accompli un travail d'analyse des statistiques issues de l'activité des forces de l'ordre afin en particulier de leur rendre une cohérence et une lisibilité. Ainsi, à propos des violences aux personnes, il a observé que l'état 4001 ne comportait pas un indicateur de ces violences, les vols avec violence étant par exemple comptabilisés dans les atteintes aux biens et les non-paiements de pensions alimentaires dans les atteintes aux personnes. Il a indiqué que cette situation avait conduit l'OND à créer son propre outil de mesure des violences aux personnes.
Constatant que les incertitudes sur la fiabilité des statistiques résultaient notamment de certaines pratiques des services de police et de gendarmerie, il a indiqué que la collecte des statistiques de la délinquance par ces derniers obéissait à un phénomène de « tas de sable », selon lequel pendant la première année de service, le responsable prenant ses fonctions devait apurer le tas de sable des statistiques laissé par son prédécesseur, pendant la deuxième année, les statistiques collectées étaient à peu près fiables, et pendant la troisième année, le responsable, soucieux de quitter le service en obtenant une promotion, avait tendance à reporter l'enregistrement des actes de délinquance portés à sa connaissance pour montrer une amélioration de ses résultats.
Toutefois, il a estimé que la récurrence de ces discordances statistiques n'aboutissait pas pour autant à masquer les grandes tendances de l'évolution de la délinquance sur le long terme. Il a ajouté qu'en matière de délinquance, les chiffres mensuels ou annuels étaient rarement significatifs en eux-mêmes, seules, les tendances à moyen et long terme étant véritablement intéressantes.
a précisé que l'examen des mains courantes informatisées dans les commissariats, qui recensent des faits ne donnant pas lieu à dépôt de plainte, avait permis à l'observatoire de prendre connaissance d'environ 1 million d'actes de délinquance supplémentaires et de constater l'importance des violences intrafamiliales ou de l'alcoolisme sur la voie publique.
Il a ajouté que l'observatoire avait également recueilli des informations auprès des organisations professionnelles afin de collecter les données relatives aux violences sur les arbitres, sur les sapeurs-pompiers ou encore sur les personnels hospitaliers.
Estimant que les tendances relevées par l'observatoire, issues de la comparaison entre ces statistiques et les enquêtes de victimation étaient plutôt fiables, il a noté que les atteintes aux biens étaient en diminution et que les atteintes aux personnes se stabilisaient à un niveau élevé.
Il a déclaré que le principal chantier en cours à l'OND portait sur la notion d'élucidation des crimes et des délits, cette notion étant abusivement assimilée à un indicateur de l'efficacité des services. Il a indiqué que le taux d'élucidation n'était pas un taux de succès.
a expliqué que le taux d'élucidation serait désormais analysé par catégorie d'infractions et qu'il serait subdivisé en taux d'identification, taux d'interpellation et taux de déferrement.
A plus longue échéance, il a indiqué espérer la mise en oeuvre de connexions entre les données statistiques des ministères de l'intérieur et de la justice de manière à reconstituer la continuité statistique de la chaîne pénale. Toutefois, il a fait observer que les statistiques du ministère de la justice étaient peu fiables et qu'un travail similaire à celui entrepris sur les statistiques de la police et de la gendarmerie restait à mener sur les statistiques de la justice. Il a déclaré que l'OND était prête à accomplir ce travail si on le lui demandait.
Concernant le taux d'élucidation, il a indiqué, d'une part, que pour des infractions ne nécessitant pas le dépôt de plainte, le constat de l'infraction allait de pair avec son élucidation et que le taux d'élucidation pouvait ainsi être de 100%, et, d'autre part, que l'observatoire avait même relevé des anomalies dans les statistiques de la gendarmerie nationale où les taux étaient parfois supérieurs à 100%.
Rappelant que les enquêtes de victimation actuelles ne concernaient que des personnes âgées de quinze ans et plus, il a affirmé que l'observatoire tentait de mettre en place une enquête nationale de victimation scolaire en concertation avec le ministère de l'éducation nationale, afin de répondre aux inquiétudes des personnels enseignants craignant que cette procédure ne soit à l'origine d'une stigmatisation des établissements visés par cette enquête.
Il a également indiqué que l'observatoire menait actuellement une analyse de la collecte statistique des faits de délinquance à la préfecture de police de Paris. Il a déclaré qu'entre un quart et un tiers des transcriptions des mains courantes sur document papier en mains courantes informatisées étaient entachées d'erreurs, en particulier sur les adresses. Il a notamment expliqué ces résultats par le manque de motivation et de qualification des personnels.
Il a précisé que l'observatoire travaillait à la constitution d'un dispositif de cartographie de la délinquance à Paris et qu'un tel dispositif pourrait par la suite être instauré au plan national.
a estimé que l'outil statistique en matière de délinquance restait peu fiable, indiquant que les tendances qu'il mettait en exergue ne correspondaient en particulier pas à la situation vécue en Seine-Saint-Denis.
Relevant que l'informatisation des mains-courantes constituait certes un progrès, il s'est interrogé sur leur maintien, soulignant qu'à sa connaissance la gendarmerie nationale n'en disposait pas. Il a estimé que l'état 4001 n'était pas un outil statistique satisfaisant.
Il a critiqué le fait que l'OND dépende du seul ministère de l'intérieur. Il a jugé souhaitable que, comme l'avaient suggéré MM. Christophe Caresche et Robert Pandraud, cet organisme soit placé sous la tutelle conjointe des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'économie, du budget, ainsi que de la défense.
Il a estimé par ailleurs qu'un consensus politique pouvait être trouvé pour abandonner définitivement l'état 4001, ce système statistique présentant beaucoup trop de défauts.
a mis en exergue le fait que la recherche d'une augmentation du taux d'élucidation pouvait avoir pour effet d'augmenter le taux de délinquance, en particulier dans le cadre des infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ou relatives à l'usage de stupéfiants. Il a souligné que les statistiques dépendaient alors de la seule activité des services de police ou de gendarmerie.
Il a indiqué que, si formellement la gendarmerie nationale ne disposait pas de mains-courantes, elle utilisait un outil semblable, constitué de messages d'information. Il a relevé que les services de gendarmerie étaient ainsi à l'origine de plus du quart du nombre total des mains-courantes sur l'ensemble du territoire.
Il a rappelé que les mains-courantes étaient à l'origine des outils de gestion des ressources humaines dans les services de police et de gendarmerie, qui permettaient notamment de retracer les activités qui ne se rattachaient pas directement à la recherche d'une infraction, citant l'exemple du transfèrement des détenus qui occupe de 25 à 30 % des effectifs des directions départementales de la sécurité publique.
Il a ajouté que l'OND estimait qu'environ 120.000 délits figuraient dans les mains-courantes, qui ne devraient pourtant pas y être mentionnés.
Il a indiqué que le conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance avait déjà émis une proposition tendant à le placer sous la tutelle des ministères compétents, ajoutant que la présence du ministère de la santé serait aussi souhaitable.
Enfin, il a déclaré que l'OND n'avait jamais été complaisant à propos de la fiabilité de l'état 4001. Il a ajouté que les résultats obtenus en parallèle par le biais des enquêtes de victimation avaient considérablement enrichi la connaissance de la délinquance. Il s'est félicité de ce que ces enquêtes figurent désormais parmi les plus réputées dans le monde.
a critiqué le fait que les publications les plus récentes de l'Observatoire pouvaient faire croire à une baisse des violences aux personnes, alors qu'en réalité seul un ralentissement de l'augmentation de ces violences est constaté.
s'est demandé si le mode de comptabilisation des faits de délinquance retenu par l'Observatoire était pertinent pour retracer les évolutions mensuelles de la délinquance.
a souligné que les statistiques de l'Observatoire commentaient les évolutions de la délinquance sur les 20 derniers mois, et ne portaient pas sur les chiffres bruts. Il a fait observer que ce choix permettait d'éviter les difficultés de comptabilisation rencontrées auparavant, considérant que des analyses seulement mensuelles ou même annuelles n'étaient pas susceptibles de dégager les évolutions réelles de la délinquance, lesquelles ne pouvaient être appréhendées que dans un temps long.
Il a ajouté que l'outil statistique devait en tout état de cause être sans cesse réévalué et, le cas échéant, reconstruit.
Il a indiqué qu'à titre personnel il aurait souhaité la disparition de l'état 4001. Il a néanmoins relevé que la réforme de cet outil statistique ainsi que sa correction grâce aux résultats des enquêtes de victimation avaient eu pour effet d'atténuer ses défauts les plus criants.
s'est félicité de ce qu'un organisme tel que l'OND ait été institué en France, soulignant que jusqu'alors les données statistiques, aux mains du ministère de l'intérieur, témoignaient d'une « fantaisie » orchestrée par les gouvernements. Il a jugé cette création d'autant plus salutaire que les données statistiques font, par nature, l'objet d'une intense exploitation politique. Il a en conséquence souhaité que l'Observatoire accède à un statut réellement pluridisciplinaire tout en étant soumis à la tutelle conjointe des ministres de la justice, de l'intérieur et de la défense.
Il a plaidé en faveur d'un traitement uniforme des données brutes que sont les faits portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie, afin d'éviter la situation actuelle qui se caractérise par l'appréciation au cas par cas, par l'autorité de police ou de gendarmerie, de l'opportunité d'enregistrer ou d'inscrire en main-courante les faits qui leur sont relatés.
a confirmé son souhait que l'Observatoire ait un statut interministériel, insistant pour que cette évolution se réalise dans le cadre d'une mutualisation des moyens des instituts existants, tels que l'Institut national des hautes études de sécurité, et indiquant que si cette voie était choisie, les crédits attribués à l'Observatoire pourraient être réduits.
Il a estimé nécessaire de mettre en place un système de dépôt de plaintes informatisé ainsi qu'un fichier central de dépôt des plaintes ne permettant aucun choix d'opportunité des autorités de police ou de gendarmerie. Il a jugé, dans un tel cas, qu'il faudrait alors créer, à l'instar du Canada, un comité de contrôle dont la mission serait de décider si la plainte est légitime ou non.
se référant à sa propre fonction de président de la CNIL, a ensuite questionné M. Alain Bauer sur le contrôle de la vidéosurveillance, ce dernier étant également président de la commission nationale de la vidéosurveillance.
Il a déclaré qu'une grande confusion régnait sur le régime juridique de la vidéosurveillance. Il a en particulier noté que les systèmes de vidéosurveillance installés depuis ces dernières années étaient désormais quasiment tous des systèmes numériques dont l'exploitation se prêtait plus facilement soit la constitution de fichiers, soit à une connexion avec un fichier préexistant. Par ailleurs, il a indiqué qu'il fallait anticiper sur le développement prochain de systèmes de vidéosurveillance à reconnaissance faciale.
Il a ensuite fait état d'un sondage indiquant que si 71 % des personnes sondées étaient favorables à la vidéosurveillance, 79 % étaient également attentives à ce que le respect de la liberté individuelle et de la vie privée soit garanti.
Il a jugé que le dispositif légal en vigueur n'était pas satisfaisant avec, d'une part, des commissions départementales chargées de rendre un avis sur les demandes d'installation de système de vidéosurveillance souvent débordées et, d'autre part, une compétence marginale de la CNIL.
Se faisant l'écho de la proposition récente de M. Alain Bauer de créer une nouvelle autorité administrative indépendante en charge de la vidéosurveillance, il a jugé qu'il serait préférable de confier cette compétence à la CNIL qui jouit d'une notoriété importante et qui a d'ores et déjà acquis une certaine autorité sur ces questions. Il a ajouté que dans une période de rigueur budgétaire il serait plus coûteux de créer une nouvelle autorité.
a rappelé qu'en 1992 il avait défendu l'attribution à la CNIL de la compétence en matière de vidéosurveillance.
Toutefois, il a indiqué que le phénomène avait pris un essor particulier depuis quinze ans et qu'il n'était pas certain que la CNIL puisse faire face au surcroît de travail. Il a également posé la question du principe de spécialité des autorités administratives indépendantes.
En outre, il a expliqué que le fait que les systèmes de vidéosurveillance sont désormais numériques n'impliquait pas automatiquement la compétence de la CNIL.
Il a en revanche déclaré qu'il était convaincu de la nécessité de confier à une autorité administrative indépendante des pouvoirs de contrôle et de sanction en matière de vidéosurveillance.
Puis la commission a nommé M. Patrice Gélard rapporteur sur le projet de loi n° 308 (2006-2007) portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale.
La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Jean-Patrick Courtois, à l'examen d'un amendement à la proposition de loi n° 197 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux conditions de commercialisation et d'utilisation de certains engins motorisés.
Avant l'article premier (commercialisation des véhicules non soumis à réception par des professionnels - Interdiction de leur vente aux mineurs), la commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Claude Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel afin que le préfet aide chaque département à élaborer un plan départemental des itinéraires de randonnée motorisée.
a expliqué que depuis la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels, les départements étaient responsables de la mise en place de ces plans, mais que ces dispositions étaient restées inappliquées faute notamment d'une concertation entre tous les acteurs concernés : Etat, département, communes, associations.
Il a indiqué que son amendement visait à interroger le gouvernement sur les moyens de relancer ce dispositif. Il a notamment souhaité connaître les résultats du groupe de travail créé en 2006 sur ce sujet.
a indiqué que cet amendement relevait du niveau de la circulaire. Sur le fond, tout en comprenant l'objet de cet amendement, il a précisé que les itinéraires de randonnée motorisée ne concernaient que les véhicules soumis à immatriculation qui n'étaient pas l'objet du présent texte.
Sur la proposition de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission a décidé de demander le retrait de cet amendement au bénéfice des explications du gouvernement sur les conclusions du groupe de travail créé en 2006.
Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Zocchetto sur la proposition de loi n° 171 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines.
a rappelé que cette proposition de loi, présentée par MM. Jean-Luc Warsmann et Etienne Blanc, reprenait les principales propositions à caractère législatif du rapport issu de la mission d'information sur l'exécution des décisions de justice pénales créée par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 29 juillet 2007. Ce texte, a-t-il poursuivi, comportait trois volets :
- créer de nouveaux droits pour les victimes d'infractions ;
- encourager la présence des prévenus à l'audience et améliorer l'efficacité de la signification des décisions ;
- améliorer l'exécution des peines d'amendes et de suspension ou de retrait du permis de conduire.
Le rapporteur a observé que le système actuel d'indemnisation des victimes d'infractions était particulièrement protecteur en raison du rôle joué par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) instituée par la loi du 3 janvier 1977. Il a précisé que la réparation était subordonnée à plusieurs conditions : la victime devait être de nationalité française ; dans le cas contraire, les faits devaient avoir été commis sur le territoire national à l'encontre d'une personne ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne ou en situation régulière au jour des faits ou de la demande ; enfin, la réparation pouvait être réduite ou refusée à raison de la faute de la victime.
a souligné que la réparation était intégrale pour les victimes de faits qui ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois, ou qui constituent un viol, une agression sexuelle, une atteinte sexuelle sur mineur ou une infraction de traite des êtres humains. La réparation était, en revanche, limitée pour les atteintes à la personne ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois et pour certaines atteintes aux biens : vol, escroquerie, abus de confiance, extorsion de fonds, destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à la victime. Dans ce cas, la réparation était subordonnée à deux conditions : d'abord, la victime devait être dans une « situation matérielle ou psychologique graves » ; ensuite, elle devait disposer d'un niveau de ressources inférieur au plafond prévu pour bénéficier de l'aide juridictionnelle (1.311 euros par mois). La réparation était alors plafonnée au triple du montant mensuel de ce plafond. Le versement de l'indemnisation était assuré par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI).
Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi complétait ce dispositif en instituant une aide au recouvrement des dommages et intérêts pour toute personne qui, victime d'une infraction, ne pouvait bénéficier d'une indemnisation par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions. Cette aide, versée par le FGTI, dont les missions seraient ainsi étendues, prendrait deux formes : le versement d'une avance, plafonnée à 3.000 euros, sur les dommages et intérêts dus à la partie civile ; la prise en charge, à la place de la victime, des démarches de recouvrement. M. François Zocchetto, rapporteur, a estimé que l'aide au recouvrement devrait surtout concerner les préjudices matériels d'une gravité limitée, mais susceptibles de concerner un grand nombre de personnes. Il a ajouté qu'il conviendrait de prêter une attention particulière à l'articulation de ce dispositif avec les régimes actuels d'indemnisation ainsi qu'au financement de l'aide au recouvrement. Il a noté à cet égard que le FGTI, qui traitait actuellement, au titre du fonds « infractions », quelque 17.000 dossiers par an, était financé à hauteur de 240 millions d'euros par les contributions des assurés (3,30 euros par contrat d'assurance de biens), 50 millions d'euros par les actions récursoires conduites par le fonds -principalement sur l'auteur des faits- et 30 à 40 millions d'euros par le produit des placements.
a relevé que l'aide au recouvrement pourrait se traduire par la prise en charge de 35.000 dossiers supplémentaires par an, soit un besoin de financement estimé par les représentants du ministère de la justice à 20 millions d'euros (chacun de ces dossiers devant représenter un montant limité).
Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi favorisait également l'indemnisation des victimes d'une destruction volontaire de leurs véhicules en assouplissant le dispositif actuel : d'une part, la condition de « situation matérielle ou psychologique graves » causée par l'infraction, requise pour les infractions contre les biens entrant dans le champ d'application de la CIVI serait écartée ; d'autre part, le plafonds de ressources que la victime ne devait pas dépasser pour pouvoir prétendre à une indemnisation serait relevé de 50 %. Tout en jugeant ce dispositif utile, dans la mesure où la voiture est un instrument de travail souvent indispensable, M. François Zocchetto, rapporteur, a relevé que le système proposé avait suscité plusieurs réserves, notamment de la part des représentants des compagnies d'assurances : ainsi, la mesure ferait reposer les conséquences du défaut d'assurance des uns sur ceux qui s'assurent ; elle pourrait également favoriser une certaine déresponsabilisation des propriétaires de véhicules ; enfin, elle susciterait un risque de dérive financière. Il a souligné, par ailleurs, qu'il conviendrait de veiller à ce que le système proposé n'introduise pas d'inégalités injustifiées de traitement avec les victimes d'autres dommages aux biens, voire de dommages corporels, qui restaient indemnisées dans les conditions plus strictes actuellement prévues par le code de procédure pénale. Il a indiqué qu'il soumettrait à la commission des propositions pour mieux encadrer ce dispositif.
Abordant alors le volet consacré à l'exécution des décisions pénales, M. François Zocchetto, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi visait d'abord à inciter le prévenu à être présent à l'audience ou, à défaut, à s'y faire représenter ; le texte prévoyait à ce titre de majorer le droit fixe de procédure dû par le condamné en cas d'absence injustifiée à l'audience. En outre, le texte fixait aux huissiers de justice un délai maximal de quarante-cinq jours pour procéder aux significations de jugement, tout en leur conférant des moyens supplémentaires pour procéder à cette signification, avec notamment la faculté de procéder à la signification à leur étude. Il a indiqué que la proposition de loi comportait également plusieurs dispositions destinées à améliorer l'exécution des peines d'amendes ou de suspension ou de retrait du permis de conduire.
A l'issue de son intervention, M. François Zocchetto, rapporteur, interrogé par M. Pierre-Yves Collombat, a précisé que les conditions de signification des décisions de justice revêtaient une importance particulière, car les délais d'appel couraient à compter de la date de la signification.
La commission a alors examiné les amendements proposés par le rapporteur.
A l'article premier (institution d'un dispositif d'aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infractions), dans le texte proposé pour l'article 706-15-1 du code de procédure pénale (champ d'application), elle a adopté un amendement précisant que l'aide au recouvrement pouvait être sollicitée, y compris si l'auteur de l'infraction faisait l'objet d'une obligation d'indemnisation de la victime dans le cadre de sa peine ou d'une décision d'aménagement de la peine.
Dans le texte proposé pour l'article 706-15-2 du code de procédure pénale (conditions de saisine du fonds de garantie), elle a adopté deux amendements rédactionnels, ainsi qu'un amendement portant à deux mois le délai à compter duquel la victime peut saisir le fonds de garantie après la décision définitive allouant des dommages et intérêts. Elle a en outre adopté un amendement prévoyant qu'en cas de refus opposé par le fonds de garantie à la demande de la victime tendant à être relevée de la forclusion, une voie de recours était ouverte devant le président du tribunal de grande instance statuant par ordonnance sur requête.
Elle a adopté un amendement de coordination dans le texte proposé pour l'article 474-1 du code de procédure pénale (information du condamné sur l'obligation de paiement des dommages et intérêts), ainsi qu'un amendement tendant à compléter le texte proposé pour l'article 706-5 du code de procédure pénale (aménagement du point de départ du délai dans lequel une demande d'aide au recouvrement peut être présentée par une victime dont la demande a été rejetée par la CIVI) afin de reporter le point de départ du délai dans lequel une victime, dont la demande a été jugée irrecevable par la CIVI, peut demander une aide au recouvrement.
Elle a adopté un amendement de coordination complétant l'article premier.
A l'article 2 (mise en oeuvre de l'aide au recouvrement), elle a modifié le texte proposé pour l'article L. 422-7 du code des assurances (modalités de paiement des dommages et intérêts) afin de porter d'un à deux mois le délai dans lequel le FGTI doit verser l'avance accordée dans le cadre de l'aide au recouvrement, ainsi qu'un amendement de coordination. Elle a également adopté un amendement de coordination dans le texte proposé pour l'article L. 422-9 du code des assurances (pénalités au titre des frais de gestion).
A l'article 3 (amélioration des conditions d'indemnisation d'un propriétaire de véhicule détruit), elle a adopté un amendement tendant, d'une part, à limiter le champ d'application aux seuls véhicules détruits par incendie criminel et, d'autre part, à exiger que le propriétaire ait satisfait aux obligations liées à l'assurance de responsabilité civile.
A l'article 5 (délai de quarante-cinq jours fixé aux huissiers pour signifier les décisions pénales), elle a adopté un amendement donnant au procureur de la République la faculté de porter jusqu'à trois mois le délai dans lequel peut intervenir la signification de décision par huissier.
Par ailleurs, elle a adopté un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article 6 (avis de passage et signification de la décision à l'étude du notaire) afin de simplifier le dispositif proposé et de supprimer la signification à la mairie sur le modèle de la récente réforme de la procédure civile.
Elle a par ailleurs adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 6 afin d'apporter plusieurs précisions sur les conditions de signification des décisions de justice.
De même, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 11 afin de prévoir un réexamen d'ensemble de la loi par le Parlement dans un délai de trois ans.
Enfin, à l'article 11 (dates d'entrée en vigueur), elle a adopté un amendement tendant à porter au premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la loi l'entrée en vigueur des dispositions concernant l'aide au recouvrement et l'indemnisation des véhicules incendiés.