La commission a tout d'abord entendu M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF).
En préambule, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé qu'il avait l'opportunité de suivre de manière approfondie la situation de cette entreprise grâce à sa participation à son conseil d'administration.
a indiqué que la France connaissait actuellement une demande très forte et sans précédent de développement du transport ferroviaire et collectif. Il existe en effet un besoin de financement très important pour assurer l'extension du réseau TGV, le développement d'un réseau de fret écologique, un renouveau du transport collectif dans les villes et les grandes agglomérations ainsi que la rénovation du réseau ferroviaire classique.
Puis il a souligné que, compte tenu des lois de décentralisation, les élus sont en première ligne pour réaliser l'ambition ferroviaire de notre pays. Or, le bouclage financier de celle-ci est loin d'être réalisé puisque les infrastructures de transport ferroviaire ne peuvent pas être seulement financées par ses usagers. En outre, le ferroviaire ne peut à lui seul financer le ferroviaire. C'est pourquoi la participation de la collectivité publique au financement des infrastructures de transport est indispensable, comme d'ailleurs pour le transport quotidien de personnes. Toutefois, cette participation ne peut s'étendre au fret ferroviaire, ouvert à la concurrence, conformément aux règles communautaires.
Il a ensuite souhaité apporter les précisions suivantes :
- en matière de trains d'aménagement du territoire d'abord, il a indiqué que l'Etat avait souhaité engager des travaux avec la SNCF en vue de conclure avant juin 2010 un contrat de service public conforme aux règles européennes et permettant de donner un avenir à ces trains. Ce contrat doit justement permettre de définir les trains Corail du futur, maillon essentiel du ferroviaire entre TGV et TER, et les modalités de leur financement. La SNCF pourrait, à l'avenir, ne pas être le seul exploitant car d'autres opérateurs pourront exploiter ces lignes lorsque l'Etat aura décidé de les mettre en concurrence ;
- s'agissant de l'ouverture à la concurrence, M. Guillaume Pepy, président, a fait valoir que la SNCF était très attentive à la définition de ses modalités concrètes, s'agissant notamment des questions sociales, de matériels et de qualité de service. A cet égard, il a constaté que l'ouverture à la concurrence dans le fret ferroviaire n'avait pas produit les résultats escomptés, mettant en évidence le risque que l'instauration de règles concurrentielles inéquitables nuise au développement du transport de voyageurs. Aussi a-t-il souhaité une augmentation de l'attractivité des transports ferroviaires de voyageurs et préconisé une amélioration de la qualité de service ;
- concernant le transport écologique de marchandises enfin, il s'est félicité de son développement croissant faisant valoir que les autoroutes ferroviaires ont multiplié leurs fréquences et que les autoroutes atlantique et alpine se mettent en place grâce à des opérateurs locaux de fret ferroviaire, opérateurs qui se développent également dans les places portuaires. Il s'est également félicité du développement des trains rapides de marchandises sur les voies à grande vitesse, observant que le transport écologique de marchandises était devenu un concept opérationnel. Toutefois, il a reconnu que ce développement prenait du temps en raison de sa complexité technique et surtout de son coût, bien plus élevé que celui de la route, surtout en période de crise. En définitive, il a réitéré l'engagement total de la SNCF en faveur du fret écologique et a appelé au concours de tous les acteurs concernés pour assurer son succès.
- rappelant son soutien au projet de loi sur le Grand Paris, il a insisté sur la nécessité absolue de moderniser rapidement les réseaux actuels de métro et de RER afin de répondre aux préoccupations quotidiennes des usagers. En outre, il a souligné la nécessité de promouvoir le fret ferroviaire dans la région francilienne.
S'agissant du résultat financier « très contrasté » de la SNCF, il a rappelé que le résultat courant était à l'équilibre grâce à une discipline financière stricte tandis que le résultat après éléments comptables exceptionnels affiche un déficit d'un milliard d'euros. A cet égard, il a indiqué que la SNCF souhaitait s'inscrire dans une politique de vérité des chiffres et estimer à leur prix de marché ses matériels. Ainsi, la dépréciation d'actifs de Fret SNCF, conséquence de la diminution importante des volumes transportés et du déficit structurel, s'élève à 721 millions d'euros. Les déprécations d'actifs de maintenance du réseau ferroviaire, conséquences du manque de rentabilité de la convention de gestion liant la SNCF et Réseau Ferré de France (RFF), s'élèvent à 245 millions d'euros.
Puis un large débat s'est instauré.
a insisté sur les spécificités du monde ferroviaire avec lesquelles la direction de la SNCF devait composer. Ainsi, la gestion du travail dans l'entreprise publique doit être décrite par arrêté du ministre du travail en vertu d'un texte réglementaire du 3 octobre 1940. En outre, le paysage institutionnel comprend de trop nombreux acteurs (SNCF, RFF, Autorité de régulation des activités ferroviaires) dont les compétences devraient être revues et coordonnées. S'agissant du coût des trains express régionaux (TER), il a indiqué que, selon ses propres calculs, les voyageurs ne paient que 20 % du coût global de ce transport, les 80 % restants étant supportés par la région. Dès lors, il apparaît que cette activité ne sera jamais rentable mais que la question essentielle à laquelle la SNCF doit apporter une réponse est celle de la qualité du service rendu. Dans ce cadre, il a souhaité savoir si la SNCF souhaitait s'engager dans l'établissement systématique de « comptes de lignes », synthétisant l'ensemble des coûts d'exploitation d'une ligne de transport, à l'instar de ce que fait déjà la RATP. Par ailleurs, M. Francis Grignon a souhaité savoir ce que recouvrait concrètement le résultat opérationnel excédentaire de la SNCF pour 2009. En outre, il a souhaité savoir si la direction envisageait de supprimer des lignes TGV. Il a ensuite demandé des précisions sur les 3,3 milliards d'euros d'investissements réalisés par la SNCF l'an passé. Il s'est également interrogé sur la possibilité de développer en France le « cadencement symétrique horaire » actuellement utilisé en Suisse avec succès. Enfin, il a demandé si le directeur du nouveau service chargé de la gestion des trafics et des circulations au sein de la SNCF avait été nommé.
rappelant les impératifs de service public de la SNCF ainsi que le grand professionnalisme de ses agents, s'est demandé pourquoi autant de locomotives anciennes étaient encore en circulation alors qu'il semblerait que certaines locomotives récentes soient peu ou pas utilisées. Il a estimé que la disparition des résultats très excédentaires de l'activité TGV s'expliquait essentiellement par la crise économique actuelle et par la hausse des péages d'infrastructures payés à RFF. La branche infrastructures ne dégage pour sa part qu'une marge opérationnelle très faible malgré une forte hausse du chiffre d'affaires, tandis que la branche fret voit son déficit sérieusement s'aggraver. Il a déploré à cette occasion l'abandon par la SNCF de 70 % de l'activité du wagon isolé ainsi que la fin de la participation de l'entreprise au groupement européen réunissant les autres compagnies ferroviaires dont l'objet est la promotion du fret ferroviaire. Rappelant les rapprochements actuels entre les grands opérateurs ferroviaires en France, il s'est demandé dans quel état d'esprit la SNCF travaillait avec la Deutsche Bahn, certains observateurs estimant que les deux compagnies ferroviaires nationales alternaient les phases de concurrence et celles de compétition au gré de leurs intérêts particuliers.
a insisté pour que la qualité du service rendu dans les TER soit à la hauteur des sommes très importantes investies par les conseils régionaux et à cet égard il a souhaité que la SNCF communique des évaluations réelles et détaillées des prestations demandées et prenne des engagements forts en matière de qualité du service. Il a estimé que la route bénéficiera constamment d'un avantage compétitif décisif par rapport au rail, notamment grâce à sa flexibilité plus importante, sauf si les pouvoirs publics obligent les transporteurs routiers à payer le coût total de leurs prestations. En outre, il a regretté que les régions disposant de faibles ressources budgétaires soient obligées de financer, plus largement que la moyenne des autres régions, les projets de construction des lignes à grande vitesse.
a souligné l'importance de la participation financière des collectivités territoriales qui supportent parfois la moitié du coût d'un projet de ligne ferroviaire. L'implication des collectivités territoriales dans le projet de ligne à grande vitesse reliant Bordeaux à Tours ne doit pas occulter les difficultés quotidiennes rencontrées par les usagers des lignes locales. Il est essentiel que le transport routier de marchandises paie l'intégralité des coûts qu'il engendre.
a estimé que la France avait besoin d'acteurs ferroviaires puissants pour remporter des marchés à l'étranger. S'agissant de la qualité du service rendu par les trains TER, il a rappelé les très grandes difficultés rencontrées par des usagers de la région PACA, ce qui nuit gravement à l'image de la SNCF. On peut se demander pourquoi le coût au kilomètre et par voyageur d'un TER en France est le double de celui observé en Allemagne. L'activité du wagon isolé est en plein essor aux Etats-Unis et connaît un développement satisfaisant en Europe. A ce sujet, la SNCF encourage-t-elle effectivement le développement d'opérateurs ferroviaires de proximité de droit privé ? Enfin, il faut pouvoir organiser des appels d'offres ouverts pour les trains d'aménagement du territoire.
a souligné qu'il ne fallait pas opposer le projet de double boucle prévu par le projet de loi sur le Grand Paris aux mesures d'amélioration du réseau actuel car la seule préoccupation qui doit prévaloir est celle de l'intérêt général des usagers. Il s'est en outre interrogé sur le tracé de la future ligne à grande vitesse reliant Paris au Havre qui devrait à ses yeux passer par le Mantois.
a relevé que les agressions des contrôleurs SNCF étaient très nombreuses, sous-estimées et concernaient également les lignes de TGV. Par ailleurs, il a déploré que certaines entreprises aient renoncé à conclure des contrats de fret ferroviaire suite à la politique d'abandon du wagon isolé initiée par la SNCF. En outre, il faut veiller à une meilleure articulation entre les directions régionales et la direction nationale de la SNCF. Enfin, on peut regretter que les bénéficiaires des billets ID-TGV soient contraints systématiquement d'utiliser les places réservées dans une rame spécifique sans aucune dérogation possible.
a déploré les récents dysfonctionnements des trains de la gare d'Austerlitz en direction de l'Auvergne. Par ailleurs la disparition de plateformes de tri ainsi que la suppression de 2 600 postes d'agents SNCF font craindre à terme l'abandon de l'activité fret par la SNCF. A ce titre, la mise en place d'outils statistiques pour calculer l'ensemble des coûts externes provoqués par le transport routier de marchandises est indispensable. Enfin, il convient de savoir combien d'années une ligne de chemin de fer peut rester désaffectée sans obérer définitivement toute possibilité de réutilisation.
a souhaité connaître le montant des investissements nécessaires pour remettre à niveau l'ensemble du réseau ferroviaire national en Ile-de-France. En outre, quelle est l'articulation entre les projets de contournement ferroviaire de Paris par TGV et le projet de double boucle défendu par le secrétaire d'Etat Christian Blanc ?
a rappelé que les critiques dont fait l'objet la SNCF ne doivent pas occulter ses très bonnes performances en termes de ponctualité et de sécurité. Au-delà, il conviendrait que la SNCF propose des offres nouvelles, notamment à destination du public scolaire. Enfin, l'avenir du fret ferroviaire dépend de la capacité de la SNCF à réduire au maximum les ruptures de charges.
évoquant le projet de ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, a souhaité savoir si la branche sud de cette ligne serait raccordée à Lyon. En outre, il a considéré que la bataille du rail contre la route n'était pas perdue d'avance à condition de privilégier le fret ferroviaire sur les distances supérieures à 300 km. A cet égard, quelle serait la position du président de la SNCF si le Parlement votait une disposition interdisant le transfert de marchandises par camions sur des distances supérieures à 300 km, dès lors qu'il existe une autoroute ferroviaire permettant d'assurer cette prestation ?
a souhaité savoir si la SNCF s'était fixé des objectifs de parts de marchés par rapport à ses concurrents. En outre, s'agissant de la ligne grande vitesse Lille-Paris-Clermont Ferrand, il a insisté sur la nécessité d'assurer un maillage territorial cohérent.
a estimé que la SNCF avait réalisé des progrès remarquables en matière de communication mais il a souhaité que les messages à destination des usagers soient plus nombreux, plus explicites et si possible diffusés également en langue étrangère.
a souhaité connaître l'état d'avancement du projet de TGV sud et le montant des pénalités imposées à la SNCF par les régions pour les retards dont elle est directement responsable. Enfin, il s'est demandé qui, de l'Etat, de la SNCF ou des collectivités territoriales, devait prendre en charge les dépenses liées à la sécurité à bord des trains.
a mis en garde contre le risque d'un « désert français ferroviaire de la grande vitesse ». A cette occasion, il a rappelé que dans la loi dite Grenelle I, avait été inscrit le projet de construire, après 2020, une nouvelle ligne grande vitesse reliant Paris à Lyon en passant par Orléans et Clermont-Ferrand, afin de répondre à la saturation prochaine de la ligne TGV Paris-Lyon.
s'est également interrogé sur l'avenir du wagon isolé et a souhaité savoir sur quels postes de dépenses la SNCF avait réalisé des économies. Par ailleurs, il a souhaité connaître l'état d'avancement de la ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan.
a appelé de ses voeux le vote de dispositions législatives permettant d'ouvrir à la concurrence la création des trains d'aménagement du territoire. En outre, il s'est dit favorable à un partenariat entre la Deutsche Bahn et la SNCF, afin de promouvoir le fret ferroviaire en Europe. Enfin, abordant le projet de tunnel Lyon-Turin, il s'est dit hostile au projet intermédiaire actuellement évoqué par les autorités politiques italiennes nouvellement élues.
Puis M. Guillaume Pepy, président, a apporté les éléments de réponse suivants :
- les décisions d'investissement dans le réseau ferré national sont prises par l'Etat et les élus et relèvent de la compétence de RFF et non pas de la SNCF ;
- l'ambition de la SNCF est de faire plus de service public, à un coût acceptable pour la collectivité
- la SNCF a réalisé l'an passé plus de 550 millions d'euros de mesures d'adaptations et d'économie dont plus de 300 millions sur le poste des achats, 170 sur la masse salariale. A cet égard, il convient de remarquer que la réduction de la formation continue a permis de poursuivre les embauches et de ne pas bloquer la progression des salaires. Enfin, la SNCF a dégagé 70 millions d'euros d'économies grâce à des actions spécifiques visant à accroître les recettes (billets prem's) ;
- Avant prise en compte des éléments exceptionnels, la SNCF présente un résultat positif pour 2009. Cependant, compte tenu de la faiblesse structurelle des activités fret et infrastructure, la SNCF a procédé à des tests de valeurs pour apprécier ses actifs au prix du marché ;
- il n'est en aucun cas question de supprimer des dessertes de TGV ;
- il n'est pas envisageable de développer en France le « cadencement symétrique horaire » actuellement utilisé en Suisse, la SNCF réfléchissant avec RFF plutôt à introduire à partir de décembre 2011 un « service rythmé », peut-être moins ambitieux mais plus réaliste ;
- la gestion des gares et des postes d'aiguillage est désormais assurée dans des entités autonomes au sein de la SNCF conformément aux prescriptions de la loi d'organisation et de régulation des transports ferroviaires du 8 décembre 2009 ;
- il existe actuellement 800 locomotives immobilisées dans l'Union européenne dont quelques dizaines en France. La SNCF, consciente du vieillissement de celles affectées au transport de voyageurs, poursuit leur renouvellement car il n'est pas possible d'utiliser des locomotives fret sur ce segment ;
- la SNCF ne supprime pas le wagon isolé mais passera d'une logique de transport de « produit à l'unité » à une logique de « transport par lots ». Aucune ligne de fret pour le wagon isolé n'a été supprimée à l'heure actuelle. Le plan de transport de la SNCF sera adopté avant l'automne. En outre, la SNCF maintiendra le wagon isolé pour le transport de marchandises dangereuses, contrairement à l'Italie ;
- s'agissant des relations entre la SNCF et les autres compagnies ferroviaires européennes, l'entreprise historique française privilégie la voie de la coopération. Toutefois, toute décision d'une compagnie étrangère tendant à concurrencer la SNCF en France s'accompagne systématiquement d'une réponse proportionnée de la SNCF pour concurrencer cette entreprise sur son propre territoire ;
- s'agissant des TER, leur succès s'explique par l'implication remarquable des conseils régionaux. Quant à la qualité du service rendu, cinq régions bénéficient actuellement de prestations de très bonne qualité avec un taux de ponctualité atteignant 94 %. Il est vrai toutefois que toutes les régions ne bénéficient pas d'une même qualité de service. Le TER de la région PACA enregistre les performances les moins satisfaisantes, ce qui plaide pour l'organisation rapide de négociations entre les syndicats, les élus locaux et la SNCF qui vient d'ailleurs de nommer un nouveau directeur à Marseille ;
- s'agissant des coûts d'exploitation du TER, ils sont supérieurs seulement de 15 à 20 % par rapport à ceux des trains allemands, notamment en raison d'une plus forte fréquentation. A cet égard, les conseils régionaux pourraient diminuer les dépenses liées aux TER s'ils acceptaient de supprimer la circulation de trains sur certains créneaux horaires peu utilisés ;
- la SNCF est favorable au développement des opérateurs de proximité quel que soit leur statut juridique. A cet égard, il convient d'insister sur les différences entre la situation des États-Unis et celle de la France résultant de la taille du territoire et de la dimension des trains américains de fret qui mesurent jusqu'à 3,5 km de long et comportent deux étages, contrairement aux trains français ;
- la SNCF attend les conclusions du comité des parties prenantes présidé par M. Francis Grignon, relatives aux modalités d'ouverture à la concurrence des services régionaux de voyageurs ;
- concernant le projet de ligne à grande vitesse reliant Paris à la Normandie, le Préfet Jean-Pierre Duport préside un comité de pilotage réunissant notamment les élus normands, et chargé de réfléchir au tracé de la ligne, question qui demeure actuellement totalement ouverte. Il est clair cependant que Mantes la Jolie sera desservie par la ligne RER E, dite Eole ;
- les problèmes de sécurité doivent être réglés par l'État et la police nationale, en coopération avec la Surveillance générale de la SNCF dont les agents assurent principalement des missions de prévention dans les gares et dans les trains ;
- s'agissant des coûts de construction de lignes, il convient de rappeler qu'un kilomètre de ligne nouvelle coûte environ 15 millions d'euros, tandis qu'un kilomètre de rénovation ou d'électrification ne représente qu'un million d'euros. Plus généralement, on estime que les besoins pour mettre à niveau le réseau ferroviaire en Île-de-France dans les dix à quinze prochaines années s'élèvent à plus de 2 milliards d'euros pour la rénovation des voies et plus de 2 milliards d'euros pour le renouvellement du matériel roulant ;
- le contournement de Paris par les lignes à grande vitesse constitue un avantage comparatif décisif et permet de relier les régions entre elles ;
- le transport combiné possède un fort potentiel de développement en France ;
- s'agissant de l'affectation de la branche sud du TGV Rhin-Rhône, il existe actuellement un débat sur lequel la direction de la SNCF n'a pas encore pris de position : certains plaident pour une ligne réservée au transport de voyageurs à une vitesse moyenne de 320 kilomètres heure, tandis que d'autres défendent l'idée d'une ligne mixte permettant le transport de marchandises mais réduisant la vitesse des trains de voyageurs et engendrant un surcoût de construction de 20 % ;
- dans le cadre du Grenelle de l'environnement, la France s'est fixé comme objectif extrêmement ambitieux d'augmenter de 20 à 25 % les parts de marché du transport fluvial et ferroviaire. Cet objectif doit être poursuivi pour éviter l'asphyxie du pays et notamment de ses métropoles et des points nodaux ;
- il faut veiller à faire payer aux transporteurs routiers de marchandises et aux véhicules particuliers l'ensemble des coûts externes qu'ils génèrent. Dans ce cadre, il est essentiel que la révision de la directive dite « Eurovignette II » réponde aux préoccupations du gouvernement français. En outre, il convient de relancer les investissements sur les lignes dédiées au transport de marchandise ;
- la SNCF poursuit ses efforts pour améliorer l'information de ses clients, en utilisant notamment les outils de communication moderne ;
- à l'échelle du pays, les pénalités payées par la SNCF aux régions lors des disfonctionnements des TER qui lui sont imputables, s'équilibrent avec les bonus qu'elle perçoit dans d'autres régions ;
- le projet d'une nouvelle ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon, qui relève d'une décision de l'Etat et de RFF, est indispensable à terme pour répondre à la saturation de la ligne actuelle. Elle constitue un enjeu majeur d'aménagement du territoire et permettra le désenclavement du Massif central et du Limousin ;
- le projet de ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan, qui constitue le maillon manquant de la ligne européenne reliant Amsterdam à Séville, pourrait voir le jour à l'horizon 2020 ;
- enfin, s'agissant du projet Lyon-Turin, les projets intermédiaires actuellement évoqués par les autorités italiennes méritent une attention toute particulière compte tenu des enjeux économiques et de sécurité de ce dossier très complexe.
La commission a ensuite désigné M. Alain Chatillon comme titulaire pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'aviation civile, créé en application de l'article D. 370-4 du code de l'aviation civile.
Enfin, la commission a entendu M. Jean-René Buisson, président de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA).
Dans son intervention liminaire, M. Jean-René Buisson a présenté le point de vue de l'ANIA sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) :
- l'ANIA espérait que ce projet de loi prendrait en compte l'ensemble de la filière agro-alimentaire. Or, le texte présenté est avant tout une loi agricole. Si les questions alimentaires sont présentes, ce dont on peut se féliciter, elles sont néanmoins insuffisamment prises en compte ;
- l'application de la loi de modernisation de l'économie (LME) soulève de graves difficultés et l'examen du projet de LMAP pourrait être l'occasion de les résoudre. En effet, les règles de la négociation commerciale dans la distribution fixées par la LME imposent une contractualisation annuelle prenant pour point de départ les conditions générales de vente du fournisseur. Par rapport à ce point de départ, les remises accordées à un client doivent correspondre à une contrepartie réelle. Or, on constate que les pratiques commerciales de la grande distribution s'affranchissent des règles légales, puisque les fournisseurs se voient imposer une renégociation permanente des tarifs contractuels ou des prix de vente, sans rapport avec les conditions générales de vente. Ces difficultés concernent essentiellement les petites et moyennes entreprises de l'agro-alimentaire ;
- le titre II du projet de loi prévoit la transmission de données techniques et économiques à l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, afin de mieux appréhender le processus de formation et de répartition de la valeur au sein de la filière. Cette transparence doit cependant se concilier avec le respect de la confidentialité des informations transmises, car celles-ci sont des éléments déterminants de la compétitivité des entreprises ;
- l'ANIA considère que la contractualisation entre producteurs et transformateurs est souhaitable pour les agriculteurs, car ces derniers ne peuvent prendre de décisions économiques pertinentes s'ils se trouvent dans une incertitude radicale concernant le volume et le prix futurs attendus par leurs clients. Cet effort de contractualisation ne doit cependant pas déboucher sur un système de prix figés, car cela handicaperait les transformateurs qui, soumis à la concurrence internationale, doivent pouvoir s'adapter aux évolutions du marché européen et mondial.
a souhaité connaître la position de l'ANIA sur trois points : la possibilité de mettre en place une contractualisation entre producteurs et transformateurs sur des durées plus longues ; l'intérêt d'une organisation interprofessionnelle incluant le segment aval des filières et, enfin, l'insuffisant développement en France des outils de transformation des produits de la pêche.
a soulevé trois questions : l'opportunité de mettre en place une organisation « longue » des filières, en y incluant la distribution ; la nécessité de mieux prendre en compte dans la loi le point de vue des consommateurs, notamment en ce qui concerne les facilités d'accès aux aliments ; enfin, l'insuffisance des moyens dont dispose la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF).
est revenue sur les problèmes d'application de la LME dans le domaine des relations commerciales. Elle a estimé qu'une moralisation de ces relations est indispensable et que la LMAP peut permettre d'apporter les correctifs nécessaires. Concernant le rôle de la DGCCRF, elle a souligné que cette dernière fait son travail, et qu'elle a notamment assigné en justice plusieurs enseignes de la grande distribution en raison de leurs pratiques commerciales. Un des freins à l'action de la DGCCRF est, cependant, que les fournisseurs hésitent à la saisir de crainte d'être déréférencés du catalogue des distributeurs. Enfin, abordant la question de la nutrition, elle a souhaité savoir comment les industriels de l'agro-alimentaire réagissent devant le développement des messages nutritionnels incitant à limiter la consommation de sucre et de graisse.
a fait part de sa volonté d'inviter Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, à venir devant la commission, pour l'entendre sur les conditions d'application de la LME.
a formulé les remarques suivantes :
- son groupe politique n'a jamais considéré la LME comme une bonne loi et a attiré l'attention, dès la discussion du texte devant le Parlement, sur des risques de dérives qui se confirment aujourd'hui ;
- les pratiques de la grande distribution s'apparentent, dans certains cas, à du racket et à des pratiques mafieuses. Il est indispensable de faire respecter la loi de la République ;
- la révision générale des politiques publiques sape les moyens de la DGCCRF et l'empêche de mener à bien ses missions ;
- si l'on observe effectivement une réduction des délais de paiement en application de la LME, on constate cependant que le coût de cette réduction est reporté sur les fournisseurs, du fait des pratiques commerciales de la grande distribution.
a souligné que, si la LMAP n'a pas vocation à corriger les imperfections de la LME, les dysfonctionnements du secteur de la distribution touchent indirectement la production agricole. La LME vise à renforcer les contrôles sur les relations commerciales, dans le nouveau cadre instauré par la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel », mais son application se heurte à la mauvaise volonté des opérateurs. Les difficiles relations commerciales entre la distribution et ses fournisseurs ne se retrouvent d'ailleurs pas dans d'autres pays européens, où les centrales d'achats sont pourtant également très concentrées. Par ailleurs, en matière de délais de paiement, les pratiques de la grande distribution sont moins respectueuses de la loi que celles de l'industrie. Le législateur risque d'être toujours en retard sur les pratiques inventives des distributeurs pour contourner leurs obligations légales.
s'est inquiété de la répercussion sur le secteur agro-alimentaire des baisses de production agricole en France. Par ailleurs, si les contrats entre producteurs et transformateurs sont nécessaires, le transformateur doit aussi pouvoir écouler sa propre production. Par ailleurs, selon le rapport de l'autorité de la concurrence d'octobre 2009, les transformateurs du secteur laitier ont augmenté leurs marges, mais les chiffres avancés conduisent à mettre en doute la fiabilité du dispositif d'observation des prix et des marges. En outre, face à la compétition internationale, tous les produits ne sont pas soumis à la même pression concurrentielle, et l'étiquetage carbone ou encore l'indication de l'origine pourraient changer la donne. Enfin, il n'est pas certain que les grandes et moyennes surfaces condamnées dans le cadre de contentieux commerciaux aient réellement payé leurs amendes.
a souligné que les producteurs de lait, après avoir d'abord accusé la politique de marges de la grande distribution, s'en prennent désormais à l'industrie. Le déséquilibre des forces entre les acteurs est tel que les plus faibles ne sont plus en mesure de faire valoir des droits pourtant reconnus par la loi. Enfin, on peut se demander si les règles de la concurrence sont appliquées avec la même sévérité dans tous les pays européens.
a apporté les réponses suivantes :
- La contractualisation portant sur des quantités et des prix peut être mise en oeuvre pour la durée d'une année, par exemple dans le secteur des légumes. En revanche, sur une période plus longue, la contractualisation sera plus imprécise et, notamment, ne pourra contenir d'engagements fermes de prix, à l'exception de clauses de prix-plancher. Par ailleurs, la contractualisation devrait encourager la mise en réserve des résultats, afin de sécuriser le producteur. Il est cependant illusoire de compter sur une contractualisation longue, allant jusqu'à la distribution, qui serait trop compliquée à mettre en place.
- Les industries agro-alimentaires n'ont pas la maîtrise du prix offert au consommateur. Or la perception du prix normal des produits est brouillée par les stratégies des distributeurs de prix promotionnels permanents, empêchant les comparaisons et tirant les prix industriels vers le bas. Il est donc nécessaire de réguler cette stratégie de prix promotionnels.
- Les difficultés de la grande distribution proviennent de l'épuisement de son modèle économique. Celui-ci est fondé d'une part sur de faibles marges compensées par des volumes de vente importants et croissants et, d'autre part, sur des recettes de trésorerie. Or les ventes de la grande distribution ne progressent plus, et la loi a réduit les délais de paiement. En conséquence, la grande distribution cherche à préserver ses profits en faisant pression sur ses fournisseurs, ce qui est possible en France du fait d'une plus grande concentration de la distribution que dans les autres pays européens. La Grande-Bretagne est un cas particulier, où la grande distribution ne commercialise pratiquement que des marques de distributeurs (MDD).
- Afin de lutter contre l'impunité de fait des distributeurs qui ne respectent pas la loi, l'ANIA a changé ses statuts pour pouvoir ester en justice à la place des industriels. Elle souhaite également que l'État mette en oeuvre, à travers l'action de la DGCCRF, les moyens de contrôle et de sanction dont il dispose.
- La mise en application de l'étiquetage environnemental au 1er janvier 2011 paraissant impossible, un nouveau compromis est en cours d'élaboration à l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle II ». En outre, M. Yves Jégo a été chargé de mener une réflexion sur le label « Made in France », dont l'application paraît également difficile, tant en ce qui concerne les produits bruts que les produits transformés.
a déploré que des produits importés puissent bénéficier d'une Indication Géographique Protégée (IGP) et estimé qu'afin de mieux informer le consommateur, l'origine des produits bruts devrait figurer sur les étiquettes.
a indiqué que ce sujet est loin de faire consensus, et relève par ailleurs de la compétence communautaire, et non nationale. Il a estimé que des efforts doivent être entrepris pour simplifier les mentions figurant aujourd'hui sur les étiquettes devenues illisibles compte tenu de la multitude d'informations demandées par les pouvoirs publics. L'idée de permettre au consommateur d'accéder à une « carte d'identité » du produit semble intéressante.
Enfin, même si des efforts ont été faits, notamment sur le lait, l'observation des prix et des marges reste difficile à mettre en oeuvre et doit être interprétée avec prudence.
Enfin, M. Jean-Paul Emorine a souligné les effets pervers d'une stratégie de prix toujours plus bas, qui ne bénéficie ni aux consommateurs, ni aux producteurs, ni même, finalement, aux transformateurs.