Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission nomme :
Louis Duvernois rapporteur sur la proposition de loi n° 330 (2012-2013) de Mlle Sophie Joissains et plusieurs de ses collègues, visant à ce que tous les élèves et les étudiants suivant des enseignements théoriques généraux scolaires ou universitaires préparent, parallèlement, une formation diplômante type BEP ou CAP ;
et Mme Claudine Lepage rapporteure sur la proposition de loi n° 348 (2012-2013) de Mme Dominique Gillot et plusieurs de ses collègues, relative à l'attractivité universitaire de la France.
La commission auditionne M. Gérard Proust, président de l'Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP).
M. Gérard Proust, président de l'Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP), ouvre notre série d'auditions sur ce qu'il est convenu d'appeler le conflit Presstalis.
L'UNDP fédère les diffuseurs de presse, qui constituent le troisième et dernier niveau de la chaîne de la distribution de la presse et demeurent, malgré le développement du postage et du portage, un acteur essentiel de l'accès à l'information sur l'ensemble du territoire national.
La diminution inquiétante de la vente au numéro des quotidiens comme des magazines, - qui a atteint 3,1 % en 2011 - supérieure aux prévisions les plus pessimistes, a eu pour conséquence une dégradation dramatique de la situation économique de nombreux marchands de presse, aggravée par les ruptures de livraison à répétition intervenues dans le cadre du conflit qui oppose depuis plusieurs mois la direction de Presstalis à certains de ses salariés.
Présentez-nous rapidement les enjeux de ce conflit pour les diffuseurs de presse. Notre collègue David Assouline, rapporteur pour avis des crédits de la presse, vous posera ensuite des questions plus ciblées.
Je suis honoré par votre invitation et flatté de pouvoir m'exprimer devant vous au nom des marchands de journaux de France. L'UNDP représente les marchands de journaux indépendants, kiosquiers ou en boutique, c'est-à-dire à l'exclusion des rayons intégrés et des magasins du groupe Relay, qui relèvent d'un tout autre statut.
Davantage que troisième et dernier, nous sommes le premier maillon de la chaîne, car sans les réseaux de vente, il n'y a pas de réforme valable de l'appareil de distribution.
La diffusion de la presse s'est, certes, partiellement déplacée sur le portage et le postage à la suite des États généraux de la presse écrite en 2008-2009. Les aides publiques affectées au portage avaient alors été considérablement augmentées - jusqu'à 70 millions d'euros. Les quotidiens nationaux et surtout régionaux en ont largement profité. Cela étant, la vente au numéro reste majoritaire.
Les chiffres de diffusion des journaux sont accablants. En 2012, la baisse des ventes a atteint 7 % en volume et 5 % en valeur. Ces chiffres proviennent de la filière de distribution elle-même, et non des réseaux de vente - distinction capitale car c'est ce chiffre qui fonde l'analyse de la situation. Or la diffusion de la presse est principalement affectée, non par Internet comme on l'entend souvent, mais par le phénomène inquiétant des fermetures des points de vente, qui éloigne les produits du consommateur. En 2012, année de tous les records - mais ils sont battus chaque année - 1 800 fermetures ont ainsi été recensées. La hausse est significative, tandis que le nombre de créations de points de vente ne cesse de baisser : elles étaient 710 l'an passé. En outre, la moitié de ces créations ont eu lieu dans la grande distribution. Sans en faire une obsession, il faut savoir que si la part de la grande distribution devait dépasser, selon les études réalisées sur ce sujet, les 25 % du marché, notre système perdrait l'originalité qui fait son efficacité : sa capacité à assurer aux éditeurs, en vertu de la loi Bichet, la maîtrise de la distribution de leurs titres jusqu'à l'acte final d'achat.
Les 400 créations restantes se sont essentiellement faites dans des points de vente de dépannage, aussi appelés supplétifs - dans les bars, épiceries, stations services, etc. Autrement dit, la profession remplace des points de vente exclusifs au chiffre d'affaires hebdomadaire moyen de 3 000 euros par des points de vente palliatifs réalisant difficilement, pour la part de leur activité relative à la presse, 420 euros par mois ! Ce changement de nature du réseau explique largement la dégringolade des chiffres de la diffusion. Vous le voyez : le papier n'est guère en cause : même les internautes en consomment, dans une logique de diversification des usages.
Les causes de l'hémorragie sont multiples. D'abord, certains points de vente ont disparu pour des raisons objectives, sociologiques ou urbanistiques, liées à l'appauvrissement de certains quartiers par exemple. D'autres ont pâti de la dégradation de la conjoncture économique. Mais la majorité des fermetures ont été le fait d'un renoncement à l'activité de diffuseur de presse, à une forme de démission. Les diffuseurs - ou pour employer un terme moins logistique, les commerçants de presse - ont pour mission de présenter une offre de presse correspondant le mieux aux besoins de sa clientèle potentielle. Tous les métiers du commerce s'emploient à cette tâche, dans les meilleures conditions possibles.
Or le système actuel de diffusion contraint les commerçants à faire l'inverse : la presse est distribuée « à la fourche » ! Deux indicateurs illustrent ce propos : d'une part, celui des invendus rendus à la filière de distribution. A l'exclusion de la presse féminine, de la presse télévisuelle et d'information, la moitié des exemplaires proposés à la vente ne trouvent pas d'acheteurs. C'est autant d'espace et de temps gâché pour les déballer, les présenter et les remballer. D'autre part, le taux de rupture : un client sur cinq repart sans avoir rien acheté. Ce peut être dû à la confusion de l'offre, en raison de linéaires encombrés par exemple, mais aussi à une distribution de papier aléatoire qui ne prend pas en compte la demande exprimée. J'ai ainsi un confrère qui se plaint de recevoir, au centre d'Aix-en-Provence, onze exemplaires de Tracteur magazine, et un autre, au coeur de la Sarthe, qui en demande en vain un exemplaire depuis des mois ! En vérité, certains éditeurs, trop chanceux d'accéder à un système de distribution efficace et généreux, en ont abusé, et se sont opposés aux réformes que nous soutenions pour continuer à satisfaire les clients.
Certains commerçants de presse démissionnent car ils trouvent plus avantageux de vendre leur emplacement que leur fonds de commerce, dont la valeur est inférieure. Or celle-ci dépend de leur rémunération. Pour un diffuseur de base, hors Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux, elle équivaut à 13 % du montant de ses ventes, et peut grimper jusqu'à 15 % en vertu d'accords conclus en 1994, lorsque certains éléments additionnels de qualité de service sont respectés. En cas de prestation de services au public ou aux éditeurs, la rémunération peut dépasser 16 %. Les spécialistes de presse, selon l'expression consacrée, sont rémunérés en moyenne à hauteur de 17,7 % des ventes réalisées. Ce chiffre est bien loin de la moyenne européenne, supérieure à 20 %. Ces éléments de comparaison internationaux ont toutefois peu d'intérêt, puisque c'est aux autres métiers du commerce susceptibles de reprendre l'emplacement qu'il convient de rapporter ces éléments : leur rémunération est également supérieure à 20 %. Amélioration la rémunération moyenne de trois points, c'était déjà un objectif des États généraux de la presse. Il n'a pas été atteint. La crise n'y est pas pour rien, qui a affecté la diffusion autant que le marché publicitaire.
J'en viens à la réforme de Presstalis. Presstalis a été frappé de plein fouet par la crise. Or ni ses coûts fixes, ni son organisation, ni son modèle social n'ont été revus. Malgré les tentatives, aucune réforme n'a abouti, car l'entreprise et la collectivité des éditeurs ont affaire à un syndicat du livre qui détient tout pouvoir. Aujourd'hui, il n'est plus possible de reculer. A avoir trop attendu, les réformes à opérer sont devenues considérables : on parle d'un emploi menacé sur deux. A défaut de les conduire toutefois, Presstalis s'effondrera, et avec lui toute la filière : la majorité des éditeurs, l'autre messagerie de presse, l'ensemble des réseaux de distribution de niveau 2, c'est-à-dire les grossistes dont c'est l'activité quasi exclusive, ainsi que les diffuseurs, qui souffriront de l'interruption prolongée de l'approvisionnement et de la perte de leur coeur de métier.
Il est ici question de la presse et de l'application de la loi Bichet. David Assouline vous interroge donc en sa double qualité de rapporteur pour avis sur la presse et de président de la commission sénatoriale de contrôle de l'application de lois.
Un mot sur le cadre dans lequel ces auditions s'inscrivent : ce sujet n'est pas que conjoncturel ; le Sénat veut aussi être le lieu de la prospective, où des débats dépassionnés et privés d'enjeux de pouvoir peuvent se tenir pour préparer l'avenir avec tous les acteurs concernés. N'ayant pu organiser une table ronde, nous avons mis en place des auditions individuelles.
De nombreux rapports ont été rendus depuis les États généraux de la presse, qui tous ont estimé que vous étiez le maillon sacrifié de la chaîne.
Négligé, à tout le moins.
Vous n'avez en tout cas pas bénéficié des efforts publics autant que d'autres acteurs.
Vous avez évoqué la crise des vocations, liée à la faiblesse de la rémunération mensuelle des commerçants de presse. La crise est plus générale : la presse quotidienne a perdu 20 % de ses ventes. En 2012, on parle d'une chute de 8 %. Ne minorons pas l'impact de la révolution numérique, même si, j'en conviens, ce n'est pas le seul facteur explicatif : mais indiscutablement, Internet renforce le besoin de proximité, et la possibilité de lire la presse sur tablette au petit-déjeuner prive la presse papier de tout intérêt si elle n'est pas disponible au point de vente le plus immédiat.
Ce mardi, une partie des kiosquiers parisiens était en grève, à l'appel du syndicat national de la librairie et de la presse, pour protester contre les interruptions de livraisons à répétition qui vous affectent depuis le début du conflit Presstalis. Vous-même avez dénoncé dans le Figaro du 7 février dernier une « prise d'otages » des marchands de journaux, avez adressé une lettre ouverte au syndicat général du livre et lancé une pétition sur votre site Internet. Considérez-vous que Presstalis et, plus précisément, le syndicat du livre nuisent à votre existence ? Ou voyez-vous là une responsabilité plus générale ?
Outre la vente au numéro, les pouvoirs publics encouragent la vente par postage et par portage, sur le fondement de la loi Bichet. La vente par portage est très prisée par les Français, et reçoit des aides publiques massives. Est-ce pour vous une autre source de nuisance ? Peut-on mettre en place un système de livraison indépendant de celui de Presstalis ?
Les aides à la modernisation des points de vente de presse - espace de vente, mobilier, informatique de gestion - accordées depuis 2004 et renforcées à l'issue des États généraux, sont passées de 2 millions d'euros en 2008 à 13,3 millions d'euros en 2009, tandis que le système était réformé pour être rendu plus incitatif. Depuis 2012, le système est censé prendre progressivement fin. L'enveloppe allouée en 2013 a été ramenée à 4 millions d'euros. Ces aides ont-elles permis une modernisation effective, et une diversification des activités ?
La rémunération des diffuseurs de presse s'est-elle améliorée après l'octroi des aides directes exceptionnelles en 2009 ? Appelez-vous de vos voeux le versement régulier d'une telle aide ? Qu'attendez-vous de la saisine annoncée de la Commission des normes et bonnes pratiques professionnelles par le conseil supérieur des messageries de presse en matière de rémunération des diffuseurs ? Quels espoirs placez-vous dans le groupe de travail confié à M. Roch-Olivier Maistre, mis en place au mois de janvier par la ministre de la culture et de la communication ? Quel bilan tirez-vous de la réforme de l'assortiment et du plafonnement mise en oeuvre en 2012 après l'intervention de l'autorité de régulation de la distribution de la presse ?
Notre discussion anticipe les travaux de préparation du budget de l'année prochaine, dans lesquels sera envisagée une remise à plat de tout le système des aides à la presse. Faut-il les orienter davantage vers les kiosques au détriment d'autres modes de diffusion ? Le problème se trouve-t-il ailleurs ?
Je comprends que le syndicat du livre défende les intérêts de ses mandants. Il n'est pas seul responsable, mais la réforme inéluctable de l'entreprise sera d'autant plus brutale qu'elle est retardée.
Dans la lettre ouverte que j'ai écrite à la veille de notre congrès, j'ai indiqué que le syndicat du livre bloquait la distribution du papier, ce qui avait pour effets de fragiliser le réseau de vente et d'éloigner le consommateur des produits que nous vendons - peut-être définitivement. Or nous ne vendons pas des produits anodins : ce n'est pas dans cette salle que j'expliquerais en quoi la presse est essentielle à la qualité du débat démocratique. Je me suis donc inquiété des moyens utilisés, qui revenaient pour ainsi dire à prendre notre réseau en otage.
Les fonctions papier et tablette sont, en matière de presse, plus complémentaires qu'exclusives. Monsieur le sénateur Assouline, vous voyez les choses de là où vous êtes. L'usage de la tablette est plus répandu chez ceux qui vivent dans un environnement où l'information circule naturellement et pourvus d'un niveau d'éducation qui leur permet d'y faire le tri. Mais ces personnes savent aussi diversifier les usages, et ne se détournent pas du papier pour autant. Dans ce contexte, aux éditeurs de jouer la carte de l'utilité du papier, puisqu'eux-mêmes avouent ne pas trouver leur modèle économique dans le numérique, et à eux de diversifier leurs contenus papier.
Dans ce domaine, les pouvoirs publics ont une immense responsabilité : entretenir dans l'esprit du jeune public l'idée que l'information peut être instantanée et gratuite, revient à le pervertir. A un colloque de la Documentation française, j'avais fait remarquer à MM. Joffrin et Beuve-Méry que les deux dangers qui menacent la presse imprimée sont la fermeture des points de vente et l'ignorance par la jeunesse de sa fonction particulière, démocratique et culturelle ; la sociologue québécoise (Dominique Payette) me répondit que j'avais raison, et que cette ignorance était le résultat du désinvestissement citoyen de la jeunesse, mesurée au travers du taux d'abstention enregistré aux élections. J'ai rétorqué qu'à mon sens, les choses étaient à l'inverse, le désinvestissement citoyen étant plutôt le résultat de la méconnaissance par la jeunesse des instruments d'une information curieuse et approfondie.
Il est exact que les marchands travaillent douze heures par jour et six jours par semaine. Je vous ai en outre apporté de la documentation relative à la rentabilité du métier. Les chiffres, qui datent des États généraux, mériteraient d'être légèrement actualisés. Ils font apparaître que le résultat d'exploitation moyen d'un marchand de journaux-libraire s'élève à 21 000 euros par an, soit moins de 2 000 euros par mois.
Vous dites que le portage est très prisé des Français. C'est un mythe savamment entretenu. Le cabinet mandaté par la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) pour évaluer les aides au portage avait conclu à un lourd retard français par rapport à ses voisins européens et même par rapport aux États-Unis. C'est faire abstraction des différences culturelles qui nous séparent des autres nations : l'importance du petit-déjeuner, la place que tient la radio à cette occasion, notamment. Historiquement, la France a un réseau de proximité, concentré sur la diffusion de la presse. A cela s'ajoutent d'autres considérations géographiques et urbanistiques, qui font que jamais, j'en prends le pari, le portage n'atteindra les niveaux observés ailleurs. Les chiffres de la DGMIC attestent d'un transfert des ventes au numéro vers le portage ou l'abonnement, mais au profit de la presse quotidienne nationale et locale, qui a profité de l'effet d'aubaine créé par ces aides. Ce n'est pas le signe d'un rattrapage des autres pays.
Heureusement que les aides à la modernisation des kiosques ont existé. Elles ont encouragé la modernisation des espaces de presse, notamment en province. Leur diminution, dans les proportions que vous avez indiquées, ne me choque pas outre mesure : je connais les contraintes budgétaires auxquelles l'État est confronté ; en outre, la modernisation a été engagée, ne reste qu'à prolonger le mouvement pour toucher un maximum d'acteurs.
Faut-il rebasculer une partie des aides à la presse vers le réseau ? A l'évidence oui. Les aides au portage représentent environ 45 millions d'euros en 2013, ce qui est considérable, comparé aux aides à la modernisation. Il faut consolider le réseau de vente. Des subventions ou des allocations peuvent y pourvoir. Faut-il les prolonger ? Contrairement au syndicat qui se dit national et qui se dit des libraires, nous ne l'avons pas demandé, car ce n'est pas ainsi qu'une corporation fonctionne. Il me semble plus intéressant d'ouvrir les aides au portage aux diffuseurs de presse eux-mêmes. Le Figaro mène en ce moment une expérience dans quarante villes de France : une centaine de mes confrères portent 6 millions d'exemplaires du journal chaque année, ce qui leur vaut d'engranger 6,5 millions de commissions et renforce ainsi substantiellement leur modèle économique. Le taux de satisfaction des lecteurs portés est en outre très élevé, sans comparaison avec le taux dont peut se flatter La Poste.
Le Figaro livre des paquets d'exemplaires à des confrères, qui effectuent le portage ou le sous-traitent. Mon rêve serait que nous réussissions, sans allonger la tournée, à densifier les zones de portage déterminée par l'éditeur autour de son point de vente et à diversifier les titres - Les Échos semblent intéressés par l'opération, comme d'autres, information, télévision ou magazines féminins. La rémunération des diffuseurs pourrait en bénéficier. Les aides au portage aux flux et aux stocks pourraient être complétées par des aides aux diffuseurs multi-titres, concentrées sur ces derniers afin d'évincer les sociétés commerciales de portage de papier en tout genre. J'ai d'abord envisagé l'idée de fonder cela sur le statut de travailleur indépendant, avant de réaliser que nombre de mes confrères ne l'étaient pas. Imaginons un autre critère qui remplisse ces objectifs.
Le problème est très préoccupant. La présence de distributeurs de presse fait partie de la qualité de vie à la française, et des éléments d'une bonne information du public.
J'ai consacré du temps, dans le passé, à la situation de Presstalis et des différentes messageries de presse. Les espoirs de stabilisation que je formulais alors ont été déçus par l'état de Presstalis, par les tiraillements entre les acteurs de la profession, par les opérations de blocage conduites par le syndicat du livre. J'ai participé à une émission récente sur le sujet, dans laquelle j'ai souhaité qu'un médiateur soit nommé par le Gouvernement. Cette proposition a été réalisée. Puisque le sort de Presstalis et le vôtre sont mêlés, qu'attendez-vous de ce médiateur ? Le problème n'est-il que financier ? Beaucoup d'argent public a déjà été débloqué. Y a-t-il matière à légiférer pour rendre le système plus efficace ?
En matière fiscale et sociale en effet, beaucoup a déjà été fait. Ce qui manque, c'est un complément de rémunération, destiné à permettre aux commerçants de vivre de leur activité. Le portage du Figaro est rémunéré ad valorem, c'est-à-dire en fonction de la valeur faciale du titre. Si d'autres se joignaient à lui, la rémunération serait logistique. Son calcul doit donc être consolidé pour qu'elle soit attractive : il faudrait ajouter aux aides au portage un troisième volet à l'attention des diffuseurs de presse en boutique, ciblés de telle sorte que cela suscite une plus grande adhésion à l'activité.
Les difficultés des marchands de journaux sont structurelles. Les Messageries jouent ici un rôle, qui contraint les marges de manoeuvre des diffuseurs.
Cela rejoint la question de l'assortiment et du plafonnement. A ce propos, merci à ceux qui ont soutenu et permis la réforme de la loi Bichet en 2011. Deux notions clés ont été introduites : assortiment et plafonnement. Elles ne disent rien au grand public, mais permettent de remédier au grand défaut de notre système, qui est une machinerie fantastique à distribuer le papier, mais qui ne l'amène pas au bon endroit.
L'assortiment, cela signifie que le diffuseur est associé au choix des titres qu'il vend. J'ai toujours été opposé à ce que l'éditeur ne soit plus maître de la distribution de son produit : c'est le système du référencement. L'assortiment permet au contraire un dialogue commercial fructueux entre les deux acteurs, au terme duquel se retrouvent en rayon les familles de presse qui correspondent le mieux à la demande locale. Le conseil supérieur des messageries de presse l'a érigé en norme professionnelle en avril 2012. Opérationnel depuis septembre 2012, ce principe n'est appliqué que sur 4 000 points de vente, tous gérés par Presstalis. Pour des raisons partisanes ou politiques, les Messageries lyonnaises de presse (MLP) n'appliquent cette norme nulle part. Les choses vont dans le bon sens, mais insuffisamment vite pour enrayer le découragement des professionnels.
Le plafonnement vise quant à lui à limiter les quantités servies aux points de vente en fonction des ventes constatées auparavant. Ce système, tout aussi intelligent et pertinent, est aussi battu en brèche par des éditeurs qui profitent de la générosité et du libéralisme du système. Le conseil supérieur vient d'inscrire cette question à son agenda : elle devrait être réglée d'ici un mois ou deux.
Nous sommes bien sûr partisans de la protection des points de vente de proximité.
Vous proposez une évolution du métier, en faisant du kiosquier un porteur. C'est donc que le portage est prisé ! J'ignorais que cette proposition était sur la table, je la trouve tout à fait intéressante.
Ni le postage ni le portage ne se sont véritablement développés au détriment de la vente au numéro. La demande du public dans ce sens n'est pas considérable. Néanmoins, le postage sera bientôt hors de prix pour les éditeurs. C'est là que nous pouvons jouer la carte très intéressante du portage.
La commission entend ensuite MM. Marc Norguez, secrétaire général, et Laurent Joseph, délégué syndical de Presstalis au Syndicat général du livre et de la communication écrite (SGLCE-CGT).
Depuis 2010, la société Presstalis est confrontée à des difficultés financières récurrentes, qui l'ont contrainte à mettre en oeuvre deux plans successifs de sauvegarde, dont le dernier, pour la période 2012-2015, suscite l'ire de votre syndicat. Depuis plusieurs mois, les négociations, émaillées d'actions syndicales répétées et dénoncées par les éditeurs comme par les diffuseurs de presse, sont dans l'impasse. Ce blocage a d'ailleurs conduit le Gouvernement à nommer récemment un médiateur en la personne de M. Raymond Redding et à confier une mission sur la distribution de la presse à M. Roch-Olivier Maistre.
Pourriez-vous nous présenter vos positions dans le cadre de ce conflit ?
Nous nous félicitons de ces auditions. La presse est un sujet suffisamment grave et important pour que les politiques s'en mêlent, d'autant que la distribution de la presse ou le sort réservé à ses salariés n'ont pas toujours bénéficié de pareille attention.
Depuis juillet 2012, notre organisation syndicale, la CGT, est majoritaire au sein de Presstalis : ni hégémonique, ni monopolistique, elle a simplement remporté les élections, grâce notamment à son travail auprès des salariés. Cela dit, il existe d'autres organisations syndicales qui mériteraient tout autant d'être entendues.
Nous sommes opposés au plan de restructuration qui prévoit le licenciement d'un salarié sur deux de 2012 à 2015, soit 1 250 emplois sur le total de 2 400 emplois, filiales comprises, de Presstalis. La brutalité de ce plan suscite l'interrogation et l'opposition des salariés. Certes, les ventes au numéro connaissent une érosion : d'après la direction, elles devraient chuter de 5 % d'ici à 2015, et atteindraient au maximum, selon le nombre d'années prises en compte, 15 à 20 % : mais nous sommes loin d'une diminution de 50 %, celle qui est prévue pour les effectifs. De même, la charge de travail ne va pas diminuer dans de telles proportions.
Ce qui est surprenant, c'est que ce plan social s'appuie sur un accord entre l'Etat, les éditeurs et Presstalis, dont nous ne connaissons même pas la date exacte de signature : pour nous, il s'agit d'un accord secret. Il a permis d'éviter le dépôt de bilan à l'automne 2012, notamment grâce à l'aide de l'État. Il comprenait en outre une participation de la messagerie concurrente, les Messageries lyonnaises de presse (MLP), au fonctionnement et à l'équilibre de la filière, et surtout, le plan social. Or, à aucun moment nous n'avons été avertis ou consultés. Il y a de quoi s'interroger...
Dans la mesure où le travail ne disparaît pas, nous avons l'impression de vivre une délocalisation sur place : des contrats à durée indéterminée de Presstalis, employés dans la filiale de la SAD (Société d'agence et de diffusion), les agences de diffusion de province, ou même dans la filiale Soprocom (Société pour la promotion et la communication), dans les dépôts de l'ensemble du territoire, vont disparaître, au profit de contrats intérimaires pour le compte de compagnies de transport : Géodis pour Presstalis ou DHL pour les MLP. Un système régulé, organisé, où les salariés sont correctement rémunérés, grâce à des années d'activités sociales et syndicales, n'aurait plus droit de cité, et devrait être remplacé par des salariés deux fois moins rémunérés travaillant dans des conditions dégradées.
Presstalis est la colonne vertébrale de la distribution de la presse ; la concurrence avec les MLP est une fausse concurrence. L'essentiel du réseau, tout notre savoir-faire, celui de la maison Hachette, serait abandonné et confié à des sous-traitants qui gèreraient entre eux la distribution de la presse. Ce n'est pas une bonne idée. Presstalis, qui a succédé aux Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), est en effet l'entreprise qui garantit à tous les titres, quels que soient leurs orientations, leurs propriétaires ou leur budget, et à partir du moment où leurs contenus sont légaux, d'être distribués dans les mêmes conditions, sur nos 30 000 points de vente. Abandonner ce système, c'est accepter que la presse soit considérée comme une marchandise comme les autres. Certains s'entendront et concluront des contrats ; d'autres seront laissés de côté.
Autre sujet de préoccupation, plus polémique : la loi Bichet a été modifiée en juillet 2011, au moment où le groupe Hachette-Lagardère a décidé d'abandonner son rôle d'opérateur. Pendant des décennies, de 1947 à 2011, le groupe Hachette a joué le rôle de « tampon » entre les éditeurs, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. A partir de 2011, les éditeurs sont devenus maître du système de distribution. On a vu le résultat : en dix-huit mois, le marché de la messagerie a été mis en pièces. Nous n'avons pas pour vocation de défendre le groupe Hachette, mais à son départ, les comptes étaient équilibrés. Dix-huit mois plus tard, fin septembre-début octobre 2011, l'entreprise était ruinée, au bord du dépôt de bilan, et le nouveau Gouvernement a dû agir dans l'urgence. Une mission de service public ne doit pas être laissée aux mains d'intérêts privés ! La presse a besoin d'être aidée, le groupe d'études sur les aides à la presse qui vient d'être créé fera un bilan à ce sujet. Il ne s'agit pas d'aider la presse en permanence, mais de l'aider à franchir un cap difficile pour que Presstalis ne soit pas acculé au dépôt de bilan.
Nous demandons que l'ensemble des acteurs attachés au système actuel de diffusion de la presse soient réunis pour trouver des solutions pérennes et permettre à la vente au numéro de garder son rôle essentiel. A la différence du portage et de l'abonnement, qui sont acquis, c'est en effet au kiosque que se gagne le lecteur.
Évidemment, les arrêts de travail sont préjudiciables, tant pour la démocratie que pour les travailleurs en grève, qui, j'insiste, ne sont pas rémunérés, mais nous sommes contraints d'agir ainsi pour que le débat prenne de la hauteur.
Nous avons rencontré hier les kiosquiers parisiens lors de leur journée d'action ; nous comprenons leurs problèmes.
Ce que nous souhaitons, c'est l'arrêt du plan Presstalis et l'ouverture rapide, sous l'autorité des pouvoirs publics, de négociations portant sur les économies, les réformes et l'amélioration du système, pour que l'entreprise poursuive sa mission. L'État a son mot à dire, même si les aides à la presse font l'objet d'un débat, notamment suite à leur évaluation à 1,2 milliard d'euros par la Cour des comptes. Les syndicats d'éditeurs contestent ce chiffre : il n'en demeure pas moins que l'aide de l'État est importante.
Le Sénat s'est toujours intéressé à la presse et à la distribution, et a travaillé sur le sujet, notamment dans le cadre de la réforme de la loi Bichet. Ces auditions sont menées dans l'intérêt général : face à cette crise, il est de notre responsabilité de délivrer des informations précises. Nous aurions préféré que celle-ci émerge de façon contradictoire à partir d'une table ronde ; malheureusement il n'a pas été possible de réunir l'ensemble des acteurs autour de la table.
La crise ne date pas, comme vous semblez l'indiquer, de la modification de la loi Bichet. Un problème de contentieux a empêché le bon fonctionnement des messageries. Quant à l'organisation bicéphale, que nous avions proposée avec M. Legendre, elle n'a pas aggravé la situation, au contraire.
Presstalis est en crise ; cet été, la société était au bord du dépôt de bilan. Après l'alternance, l'État est intervenu en urgence, alors que les nouveaux gouvernants n'étaient guère responsables d'une situation que leurs prédécesseurs avaient laissé dégénérer : 20 millions d'euros de prêts ont été consentis et les apports directs pour 2012 et 2013 ont été augmentés, en contrepartie d'une réforme. En effet, il n'est pas sain, ni pour Presstalis, ni pour la presse en général, de laisser s'accumuler des déficits en comptant sur l'État. Vous avez raison : la presse et le pluralisme sont nécessaires à la démocratie, et le pluralisme consiste également à ce que tout ce qui est écrit soit mis à disposition des citoyens.
Cependant, vous n'abordez qu'en partie les questions qui se posent. Dans la communication sur ce conflit, vous êtes à armes inégales : vous ne rechignez pas, à un moment où la presse est en crise, à employer des méthodes attentatoires à sa liberté de diffusion, ce qui fait de vous des accusés, et cependant, vous ne détenez pas la presse et n'êtes pas maître de son contenu : de ce fait, votre point de vue est peu entendu.
Nous comprenons qu'un syndicat considère inacceptable la suppression d'un emploi sur deux. Mais certains vous reprochent d'avoir négligé, malgré votre grande connaissance de l'entreprise et du marché, d'entreprendre plus tôt une réforme qui aurait pu se faire en douceur. Vous auriez été complice du statu quo qui impose aujourd'hui des mesures drastiques. Je ne porte pas personnellement cette accusation, je me contente de la relayer.
Vous êtes seulement majoritaire, mais exercez un pouvoir de cogestion, notamment à l'embauche. Michel Françaix, rapporteur pour avis à l'Assemblée nationale, souligne dans son rapport « le poids dans ce déficit des surcoûts sociaux liés au statut des ouvriers du livre présents chez Presstalis ». Il ne s'attaque pas directement à la rémunération, mais à tout ce qui vient en sus : ce que vous avez obtenu, au terme de luttes certainement, mais qui, dans ce contexte, constituent des charges extraordinaires : primes de casse-croûte, de pénibilité, de jours fériés... Le salaire d'un ouvrier du livre atteindrait ainsi 3,5 fois le smic brut.
De votre point de vue, qu'est-ce qui pourrait permettre de sortir du blocage ? Vous dites refuser de négocier sans retrait préalable du plan social. Mais si tout le monde scie la branche sur laquelle il est assis, la presse écrite nationale, en situation déjà difficile, va disparaître... Il n'y aurait alors plus de raison de distribuer !
Vous appelez à une réforme, et indiquez qu'avec l'évolution prévisible des ventes, l'activité ne peut être maintenue au même niveau. Comment comptez-vous aborder, de façon constructive, les discussions avec le médiateur ?
Presstalis emploierait 2 400 personnes, dont 500 au siège, 200 à 300 pour le groupage, et 1 600 dans les dépôts de province. Quels postes peuvent être renforcés ou allégés ? A quelles conditions ? Vous savez que le plan social est inévitable, et même contraints, vous avez déjà accompagné des plans sociaux dans le passé. Dès lors, sur quelles autres bases conventionnelles acceptez-vous de rentrer dans une discussion constructive ?
Le dépôt de bilan n'était souhaitable pour personne, en particulier pour les salariés. Nous ne pouvons ignorer les responsabilités des uns et des autres. Au moment du départ du groupe Lagardère, les éditeurs ont agi sur les barèmes : un certain nombre de charges, liées au transport par exemple, ne sont ainsi pas prises en compte. Il existe d'autres pistes de ressources que celles qui touchent les salariés : ce sont celles que nous souhaitons étudier. En outre, même si le médiateur a été nommé pour faciliter le dialogue, il n'y a pas eu de rupture entre les syndicats et la direction.
Il est faux de nous présenter comme refusant le dialogue social car nous avons fait des propositions.
En 1989, nous étions 10 000 salariés dans le périmètre concerné, contre 2 147 aujourd'hui. Les négociations pour gérer les évolutions du réseau et la baisse des ventes ont déjà eu lieu. Aujourd'hui, la direction veut se séparer d'une partie de ses salariés, alors que l'activité perdure. Pour nous syndicalistes, ce n'est évidemment pas acceptable.
Nous savons gérer la réforme en douceur et des résultats ont été obtenus. Notre organisation syndicale est présentée comme ayant le monopole de l'embauche. Mais depuis 1989, il n'y a pas eu une seule embauche à Presstalis.
Le statut des ouvriers du livre concerne seulement 375 salariés toutes catégories confondues (cadres, employés et ouvriers) sur les centres d'exploitation d'Ile-de-France. Dire qu'il constitue un obstacle est donc faux. Preuve en est que la réforme concerne l'ensemble de la filière : les centres d'exploitation au niveau 1, le siège social, mais aussi les dépôts de province où les salariés sont rémunérés au niveau du smic.
Concernant les réformes possibles, nous constituons une force de proposition pour nos différents niveaux d'exploitation. La direction a accepté le principe de revenir sur l'externalisation de la totalité des activités, en dehors de l'Ile-de-France. De notre côté, nous avons accepté le principe d'une régionalisation et d'une rationalisation des traitements, à condition que les activités soient traitées par des salariés de la SAD. Nous sommes parvenus à un accord pour 80 % du territoire, hors Ile-de-France.
Le médiateur a une mission complexe : depuis plusieurs mois, nous nous heurtons à notre direction qui, sans contester les propositions industrielles, se dit bloquée, d'une part, par le mandat de son conseil d'administration, désormais constitué d'éditeurs, et, d'autre part, par l'accord tripartite signé en octobre entre l'État, la direction de Presstalis et les éditeurs.
Enfin, dans les propositions que nous faisons, figurent un certain nombre d'interventions financières de pouvoirs publics.
Autre difficulté : les éditeurs votent des barèmes à la baisse en tant que client, alors qu'en tant qu'actionnaires ils sont chargés de gérer l'entreprise.
Sur le plan comptable, n'est-il pas choquant que nous ayons à prendre en charge un surcoût de 2,5 millions d'euros pour la distribution d'un quotidien l'après-midi alors que ce dernier reçoit une aide de l'Etat de 17,5 millions d'euros ?
Tout le monde l'aura compris.
Le Monde bénéficie d'une distribution spécifique et à ce titre ne profite pas de la mutualisation. Cela a été souligné dans le rapport Françaix.
Nous proposons également d'étudier le coût du transport, notamment la charge de 5,9 millions d'euros laissée au dépositaire parisien, la SPPS (Société presse Paris services), qui demeure le seul en France à ne traiter qu'une messagerie. Pourquoi ? Le manque à gagner pour Presstalis atteint environ trois millions d'euros. Si on veut l'équilibre, ne regardons pas uniquement du côté des salariés, cherchons des ressources supplémentaires. Elles sont connues et font partie des propositions que nous avons mis sur la table. La direction les refuse, pour des raisons que nous considérons à la limite du conflit d'intérêt, et parce qu'elle n'aurait pas mandat pour les accepter.
Je me réjouis de cette forme un peu particulière de table ronde, puisque nous recevons les représentants de la distribution de la presse les uns après les autres.
Nous abordons un sujet qui préoccupe pareillement la majorité et l'opposition, et ce n'est pas la première fois, puisqu'en 2011, nous avions travaillé en commun dans cette commission pour améliorer la loi Bichet. Cet état d'esprit prouve notre farouche attachement à ce que les Français puissent recevoir la presse de leur choix dans de bonnes conditions.
Une réforme est en cours chez Presstalis. Nous espérions un rééquilibrage plus précoce qui n'a pas eu lieu. Vous avez souligné que Presstalis était la colonne vertébrale de la distribution de la presse : elle semble bien mal en point et les initiatives actuelles ne contribuent peut-être pas à la redresser. Je comprends la position de votre syndicat ; c'est pourquoi j'avais souhaité avec vous, en particulier lors d'une émission de télévision à laquelle nous étions conviés, qu'un médiateur soit nommé.
Avez-vous le sentiment que le médiateur désigné par le Gouvernement puisse formuler des propositions acceptables par tous ? Il faudra bien faire un pas : la situation de blocage n'est pas tenable !
Comment travaille ce médiateur ? L'avez-vous rencontré ? A-t-il eu la chance de rencontrer toutes les parties ensemble ? Comment instaure-t-il le dialogue ?
Nous avons rencontré M. Redding lundi dernier. Nous lui avons tenu le même discours qu'aujourd'hui et exprimé la même volonté constructive. Nous avons rappelé notre position sur les licenciements contraints, notamment compte-tenu de la charge de travail, et notre refus de la sous-traitance. Presstalis étant la colonne vertébrale du système de distribution, il ne faut pas l'amputer de ses activités.
Jusqu'à présent, les réformes qui nous étaient proposées étaient toujours accompagnées de plans sociaux : à la dizaine près, grâce aux reclassements, aux départs volontaires et anticipés, nous acceptions les chiffres de la direction. Nous nous battions pour que notre entreprise reste forte, au nom d'un système mis en place dans les années quarante et cinquante. Aujourd'hui, il s'agit de licenciements secs dans les secteurs d'exploitation et il est envisagé de sous-traiter des activités comme l'informatique et la comptabilité. C'est inacceptable !
Nous avons accepté la logique industrielle et logistique sur le plan national : il n'y aura plus de dépôts par département, mais des plateformes régionales accueillant la totalité des publications et à partir desquelles s'effectuera la redistribution. La charge de travail n'est pas sous-traitée ; elle est réorganisée et déplacée.
Nous allons jouer notre rôle d'organisation syndicale pour convaincre les salariés et pour éviter les licenciements. Compte-tenu de la pyramide des âges, nous devrions éviter la « casse sociale ».
Il nous reste un noyau dur : la structure parisienne. Il y a encore dix-huit mois, le travail s'organisait autour de quatre centres de traitement. Il en reste aujourd'hui trois. Nous aurions bien aimé, avoir deux ans devant nous pour traiter de l'avenir de la distribution. Mais depuis dix ans, nous connaissons des restructurations en rafales. Le financement des plans sociaux des années passées met à mal la trésorerie de l'entreprise.
Si des mesures sociales peuvent être envisagées, c'est une bonne chose. Nous ne demandons ni hausses des salaires, ni embauches, mais la simple conservation des emplois.
Il nous est reproché d'être déficitaires, mais nous l'avons toujours été. En 2002, le déficit s'élevait à 32 millions d'euros. Aujourd'hui, il s'élève à 12 millions d'euros : 12 millions de trop, certes, mais la presse a toujours été en déficit : l'aide à la presse via la Poste s'élève à 200 millions d'euros, l'aide au portage - qui ne fait pas gagner de lecteurs, mais de l'argent à certains titres de presse quotidienne régionale -, représente 55 à 60 millions d'euros. Et l'aide au numéro augmente de 23 millions d'euros cette année... Le déficit de 12 millions est donc regrettable, mais doit être relativisé.
J'ai lu dans la presse que le syndicat de la presse quotidienne nationale conteste les travaux de la Cour des comptes. Or, en lisant le rapport du député Michel Françaix, nous nous apercevons que c'est l'aide de l'État qui finance les études commandées à des cabinets privés par la presse quotidienne nationale pour se moderniser. Autant d'anomalies auxquelles nous sommes attentifs...
Nous sommes de bonne volonté et optimistes quant à la mission du médiateur ; nous attendons la reprise des discussions.
Nous avons accepté la logique de la réforme en province. A Paris, nous acceptons la même logique : refus de la sous-traitance, un minimum de centres de traitement pour garantir l'existence de Presstalis. Dans ces conditions, nous pourrions nous mettre d'accord sur une organisation qui permette de sortir du conflit. Tout le monde le souhaite, notamment les salariés qui sont sous pression depuis des mois.
Pourriez-vous nous envoyer la grille salariale de Presstalis ? Vos chiffres sur les ouvriers du livre me surprennent...
Un ouvrier parisien gagne 2 600 euros nets, sur treize mois. Le même ouvrier à Lyon gagne 1 600 euros nets. Je vous enverrai les chiffres.
Comment se répartissent les départs proposés entre Paris et la province ?
Nous vous remercions de bien vouloir nous communiquer ces informations. Le parlement ne joue pas le rôle de médiateur, mais il doit être sûr de ses diagnostics pour aiguiser ses interventions.
Un dernier mot au sujet de la fragilisation du rôle de Presstalis. Un certain nombre de titres ont été transférés vers la messagerie concurrente, les MLP. Cela constitue un élément de fragilisation de Presstalis, à prendre en compte dans le cadre de la réforme. En 2012, 1 700 points de vente ont été fermés par notre direction, sur des critères purement économiques. Devons-nous continuer dans cette logique ?
Je vous remercie. Mme Couderc et M. Rey étant dans l'impossibilité d'être présents pour Presstalis, notre réunion de demain à 10 heures est annulée. L'audition de 11 heures est maintenue.
Nous allons procéder au dépouillement.
Mes chers collègues, les résultats du vote à bulletin secret sur la proposition de nomination de M. André Syrota sont les suivants :
- nombre de votants : 20
- nombre de suffrages exprimés : 20
- pour : 20.