La commission auditionne les représentants de l'intersyndicale de Radio France. Sont représentés :
- M. Benoît Gaspard, représentant de l'Union syndicale solidaires (SUD) ;
- Mme Valéria Emanuele, secrétaire nationale du Syndicat national des journalistes (SNJ) ;
La colère des salariés n'est pas éteinte, la crise n'est pas terminée. Le dialogue a pu être renoué grâce au recours à la médiation, intervenue à l'initiative de la tutelle, qui a pris ses responsabilités. Les perspectives sont très sombres pour Radio France, qui risque de connaître des centaines de suppression d'emplois. Les moyens prévus par le contrat d'objectifs et de moyens (COM) n'ont pas été honorés depuis deux ans, ce qui représente 87 millions d'euros en moins. Il y a eu pourtant énormément d'efforts réalisés par les salariés puisque deux cents postes ont été redéployés. On constate des tensions très fortes dans certains services et on ne voit pas comment il pourrait être possible de travailler à périmètre constant avec des effectifs moins élevés. Il y a également des enjeux concernant l'avenir des deux orchestres ainsi que les antennes locales qui ont besoin de douze heures de programmes quotidiens.
Concernant le rôle du médiateur, le calendrier est serré, puisque sa mission est prévue pour deux mois. Les marges de manoeuvre sont limitées. La colère des salariés est toujours vive, ils ont besoin de réponses concrètes.
On sort d'un conflit très long, les solutions n'ont pas été trouvées. Le dialogue était rompu. Les préavis de grève ont été levés grâce à la médiation proposée par la tutelle. Cette médiation s'engage mal car la direction semble vouloir faire comme si rien ne s'était passé. Le COM doit être bouclé avant l'été. Or le calendrier de la négociation ne correspond pas à la feuille de route du COM. Nous avons la crainte d'économies drastiques qui prendraient la forme de diminutions de programmes et de suppressions de postes. Le pire des scénarios pourrait comprendre la suppression d'émissions en public et de programmes locaux ainsi que la fusion d'antennes. La direction continue à vouloir aller vite. Nous risquons ainsi de revenir au conflit si l'ensemble des alternatives ne sont pas examinées.
Le SNJ n'était pas membre de l'intersyndicale. Nous constatons que l'entreprise va très bien du point de vue de la radio. Nos stations ont en effet leur meilleur taux d'écoute. On fait des économies pour compenser les baisses de dotation. Nous avons découvert qu'il existait des difficultés financières seulement à l'occasion du conseil d'administration d'octobre 2014. Même si nous savons que la France ne va pas bien, nous avons été choqués d'apprendre la dégradation de la situation à Radio France. Comment faire avec 380 emplois en moins, sachant que toutes les nouvelles activités ont déjà été développées en procédant à des redéploiements d'effectifs ? Il existe une énorme inquiétude qui anime également les journalistes.
Les raisons du conflit sont à chercher dans le désengagement de l'État vis-à-vis des objectifs de ressources prévues par le COM. Les moyens ont été revus à la baisse, ce qui a suscité une exaspération des salariés confrontés à une dégradation de leurs conditions de travail. Alors que le budget pour 2015 prévoit un déficit de plus de 21 millions d'euros, l'augmentation de la masse salariale ne compte que pour trois ou quatre millions d'euros. Le chantier de rénovation de la Maison de la radio pèse sur les coûts de fonctionnement pour un montant qu'il est difficile d'évaluer mais qui a pu être estimé à 21 millions d'euros. Il est inacceptable que les emplois paient les conséquences du coût du chantier. Nous avons besoin des emplois dont on annonce la suppression et nous voulons pouvoir discuter de ce sujet.
Le médiateur est là pour rétablir le dialogue social. La ministre a déclaré que les emplois n'étaient pas la seule variable d'ajustement. Le calendrier ne nous rassure pas.
Le conflit est terminé depuis trois semaines. Or on ne fait qu'établir un calendrier de discussion. La direction ne veut pas discuter du plan stratégique. Nous constatons une remise en cause du modèle de radio fondé sur une offre de production de grande qualité. On assiste aussi à une remise en cause du réseau de Radio France et de l'antenne de France Musique.
Le chantier constitue un danger financier car les budgets ne sont pas distincts. Le coût des nombreux déménagements est pris en charge dans les dépenses de fonctionnement. De nombreux locaux techniques ne seront pas remplacés. La livraison du chantier représente une vraie difficulté compte tenu des nombreuses malfaçons et des échecs concernant la conception même des nouveaux locaux.
Le rapport de la Cour des comptes est très sévère concernant la situation financière de Radio France et pointe, en particulier, la dérive des coûts opérée entre 2004 et 2013, qui se traduit par exemple par une l'augmentation du budget des antennes de 27,5 % en 10 ans. La masse salariale a augmenté de 18 % entre 2006 et 2013, soit deux fois plus vite que les dépenses du budget général de l'État.
Que pensez-vous des conclusions de ce rapport ? Est-ce que vous acceptez l'idée d'une nécessaire maîtrise des coûts salariaux dans les années à venir ? Que pensez-vous notamment de la proposition de la Cour des comptes d'introduire dans le futur COM un objectif contraignant d'évolution de la masse salariale ?
Que pensez-vous de la gouvernance de l'entreprise ? La Cour des comptes a estimé que les statuts ne donnaient aucun pouvoir décisionnel au conseil d'administration sur des actes importants de la société, le conseil d'administration étant seulement consulté sur les conventions et accords collectifs de travail des personnels ou sur l'organisation générale de l'entreprise. Selon vous, qui dirige Radio France ? Est-ce que les responsabilités sont clairement établies entre la tutelle, la direction de la société et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ?
Concernant le chantier de la rénovation, les personnels sont-ils associés à la réflexion ? Alors que le coût a pratiquement doublé depuis le début des travaux, certaines voix évoquent un arrêt du chantier ou un décalage dans le temps. Qu'en pensez-vous ?
S'agissant de la masse salariale, la hausse constatée par le rapport de la Cour des comptes se situe dans la moyenne générale et n'est pas du tout spécifique à Radio France. Le personnel n'a pas eu d'augmentation de 18 % de salaire en dix ans. Des emplois peu qualifiés de femmes de ménage et d'agents de sécurité ont été redéployés pour recruter des personnes plus techniques et pointues comme, par exemple, des webmasters, entraînant une hausse de la masse salariale.
L'annexe 13 du bilan social montre une hausse de 58 % des postes de cadres de direction, qui s'élèvent à 198 contre 114 en 2003. A-t-on réellement besoin de 198 cadres de direction ?
Dans le budget pour 2015, la hausse de la masse salariale est de 0,8 %. Cela représente 2,5 millions d'euros de charges en personnel sur une hausse totale des charges de 25 millions d'euros, c'est-à-dire 10 %. Nous contestons donc l'analyse faite de l'évolution de la masse salariale.
Concernant la gouvernance, la répartition des rôles est totalement à revoir. M. Gallet est nommé sur un projet présenté au CSA qui n'est, à ce jour, pas encore arrêté. L'état des finances ne permet pas d'appliquer un projet, quel que soit le candidat qui aurait pu être nommé à l'époque. C'est l'Etat qui détient les cordons de la bourse, ce qui conduit à s'interroger sur l'articulation entre le CSA et la tutelle. Le conseil d'administration est une chambre d'enregistrement. Pour sa part, l'association des représentants du personnel, qui a alerté à de nombreuses reprises, déplore cette crise : nous recherchons un vrai dialogue.
Il n'existe pas de diagnostic partagé. Nous avons l'impression d'avoir été bernés. Le déficit budgétaire est de 21 millions d'euros. Le PDG nous dit avoir constaté cette dégradation depuis l'automne dernier.
Enfin, il existe des dérives sur le chantier par rapport à la volonté initiale. Des fautes ont été commises dans l'avant-projet de travaux qui figure dans le COM pour la période 2006-2009.
La question de la masse salariale est essentielle. Les personnels vivent très mal les attaques sur son niveau et son évolution.
En outre, l'organigramme de Radio France doit être plus transparent, alors que les directions se sont multipliées. S'il faut une remise à plat, nous regarderons en détail l'évolution et les perspectives de cette masse salariale. De nouveaux départs à la retraite approchent. D'ici cinq ans, de nombreux postes à salaire élevé, seront libérés. Nous voulons que toutes les informations concernant la masse salariale soit mises sur la table afin qu'elles ne soient pas contestables, d'autant que nous sommes stigmatisés sur ce point.
Sur la gouvernance, les rôles sont peu clairs et on assiste à un bras de fer entre le CSA et la tutelle. Radio France est au milieu. Et il n'y aura pas de bonne gouvernance sans le rétablissement du dialogue social. Les réflexions prennent du temps et nécessitent de la confiance.
S'agissant du chantier, nous attendons la stricte mise en sécurité des locaux de Radio France. Des projets se sont greffés dessus. Un diagnostic de la partie obligatoire des travaux est indispensable. Ce sera générateur d'économies.
Concernant les salaires, il y a une erreur dans le rapport de la Cour des comptes sur le nombre de journalistes. Il en dénombre 100 de plus que la réalité. Nous avons les mêmes salaires que la concurrence. Par contre, les salaires des développeurs informatiques sont inférieurs à la moyenne et restent peu longtemps au sein du groupe car le marché est très concurrentiel. C'est un vrai problème quand on a des sites à développer. Le PDG a été choisi sur un projet avant de connaître le budget dont il disposait. C'est aberrant. Nous n'avons pas toujours les informations qui nous permettraient d'avoir un avis. Nos préconisations ne sont pas entendues. On ne nous fait pas confiance. Nous avons l'impression d'être pris entre le ministère et le conseil d'administration. On ne sait pas qui commande, qui décide de quoi.
Notre commission demeure très attachée à la radio, notamment au caractère original de la radio publique, dont de nombreux acteurs se désintéressent au profit de médias considérés comme plus modernes. Le récent conflit au sein de Radio France a frustré les auditeurs - je pense en particulier aux fidèles des émissions matinales de France Inter -, preuve que l'attachement des Français au service public reste entier. Pourtant l'ampleur de la révolution audiovisuelle devait inévitablement avoir pour conséquence une évolution des métiers de la radio : cette évidence aurait dû conduire à une réflexion prospective qui aurait pu éviter la grève : votre conflit s'est installé sur des revendications salariales classiques ; en réalité, j'y vois le signe d'un malaise plus profond des professionnels quant à l'évolution de leurs missions. Vous, représentants du personnel, êtes-vous en mesure d'apporter une véritable analyse - j'ai particulièrement apprécié vos propos sur l'emploi au regard des conclusions de la Cour des comptes - sur les sujets relatifs à l'évolution de la masse salariale et aux réformes qu'il convient d'envisager en matière de métiers ? Sur ces questions, la médiation en cours a-t-elle permis de diffuser des éléments chiffrés ? A également été évoqué le problème de la tutelle de Radio France dont le terme apparaît lui-même délicat s'agissant d'un média réputé indépendant. Le législateur, je le rappelle, a souhaité que l'État diffuse une feuille de route avant que le CSA ne nomme tout président d'un média publique. Cette procédure n'existait pas lors de la nomination de votre actuel président, mais elle a été utilisée intelligemment à l'occasion de l'appel à candidatures pour la présidence de France Télévisions. Plus concrètement, qui du PDG ou du ministère de la culture et de la communication devrait diriger Radio France ?
Je salue ici les représentants du personnel de Radio France qui mènent avec exaltation et courage un conflit difficile avec leur direction. L'enjeu de la gouvernance de Radio France est intrinsèquement lié au rôle de la radio publique, dont on estime à 13 millions le nombre d'auditeurs, dans notre débat démocratique. Déjà victimes par le passé d'une politique d'austérité, vous êtes disposés aujourd'hui à discuter sereinement des évolutions budgétaires et salariales de votre entreprise. Afin que ce débat soit utile, les éléments de discussion devront être honnêtes, transparents et inclure également l'ensemble des coûts indus. Les pouvoirs publics et les responsables de Radio France doivent être à l'écoute des syndicats. Quelles sont d'ailleurs vos propositions pour permettre une sortie de crise ? J'estime, pour ma part, qu'un recours à l'emprunt équivaudrait à une aggravation progressive de l'endettement de l'entreprise. Ne faudrait-il pas plutôt envisager le versement d'une subvention exceptionnelle par la tutelle ?
Le déficit de Radio France approche 22 millions d'euros en raison notamment d'une diminution du montant de la participation de l'État à son budget. Nous désirons tous préserver l'avenir de Radio France, mais cela ne sera possible qu'à la condition d'une remise en cause profonde et préalable de son mode de fonctionnement. Le rapport de la Cour des comptes est formel : les postes de direction sont trop nombreux et les avantages consentis aux salariés - avancement garanti, mécanisme automatique de progression des carrières et congés supplémentaires octroyés en fonction de l'ancienneté - ne sont plus financièrement soutenables. Il est urgent que Radio France se réforme si l'entreprise veut éviter plusieurs centaines de suppression d'emplois, à l'heure où les difficultés budgétaires rencontrées par sa tutelle rendent illusoires toute aide financière de sa part.
La situation critique de Radio France résulte tant de l'augmentation de ses charges - chantier et masse salariale notamment - que de la faiblesse de sa gouvernance et de son management. Comment évaluez-vous la part respective de responsabilité de ces deux éléments ?
Nous souhaitons profondément apporter une aide à Radio France, mais ne savons pas réellement sur quels leviers il serait efficace d'agir. Les éclairages que vous nous avez apportés sur les causes du conflit en cours sont particulièrement utiles. Pour autant, êtes-vous en capacité de proposer des pistes de réforme pour envisager une issue favorable au conflit, dans un contexte où la situation budgétaire des pouvoirs publics est des plus tendues ? Les éléments que vous pourrez nous communiquer nous permettrons plus aisément de nous engager à vos côtés.
Le service public doit, à mon sens, être au service du public. En conséquence, je suis toujours chagriné qu'une longue grève prive nos concitoyens de tels services. Mais ne soyez pas trop inquiets des conclusions de la Cour des comptes dont les magistrats ont la fâcheuse habitude de se substituer aux élus. Un point cependant : à l'opéra de Marseille, pour lequel l'État verse une subvention de 400 000 euros, pour un coût annuel de fonctionnement de la structure approchant 18 millions d'euros, l'orchestre représente un budget d'un million d'euros. La ville est incitée à nouer des partenariats avec l'opéra d'Avignon. Pourquoi, dès lors, dans un contexte budgétaire contraint, Radio France dispose-t-elle de deux orchestres ?
La ministre de la culture et de la communication a commandé une étude sur le coût du chantier de Radio France afin de rassurer les personnels sur la sacralisation du budget de fonctionnement de l'entreprise, à séparer du financement des travaux responsables du déficit constaté de plus de 21 millions d'euros. Connaissez-vous, au terme de cette étude, le montant des travaux, y compris leurs coûts annexes, qui pèsent véritablement sur le budget de Radio France ?
Le coût du chantier de réhabilitation n'est pas identifié, notamment en ce qui concerne les frais de fonctionnement. Lorsque nous parlons de 21 millions d'euros c'est seulement parce que nous savons que le budget est déficitaire à cette hauteur. Il s'agit là d'une évaluation de notre expert qui rencontre des difficultés à regarder les comptes puisque ces derniers ne sont pas distingués. Celui-ci demande régulièrement des documents qu'il n'obtient pas forcément.
D'autre part, vous nous demandiez si les salariés étaient entendus. Hélas, l'absence d'écoute des salariés est une réalité. Je fais partie des quelques élus qui sont en fonction depuis le début du chantier. Ainsi, je suis en mesure de vous dire que nous avions annoncé tout ce qui s'est produit, toutes les malfaçons et cela plusieurs années à l'avance. Nos réflexions ont été balayées par le mépris des dirigeants et des représentants au conseil d'administration.
En conclusion, il y a un manque certain de contrôle de ce chantier et d'écoute des élus, alors que ces derniers sont des professionnels expérimentés. Pour exemple, aujourd'hui, 6 studios et 18 cabines de montages sont fermés en raison de l'insuffisance de l'appareillage de renouvellement d'air. Nous avions soulevé ce problème dès 2011, sans résultat. Cela met en exergue l'incapacité des directions successives de Radio France de dialoguer avec les représentants des salariés. Vous parliez tout à l'heure de la problématique du mode de management. Or, nous constatons aujourd'hui que la direction de Radio France ne veut absolument pas engager une discussion avec les salariés sur le projet stratégique. Pourtant nous voudrions bien pouvoir en discuter. D'autant plus que ce projet présente à nos yeux un certain nombre de problèmes que vous avez identifiés. Nous n'arrivons pas à obtenir cette discussion. Lors de la réforme des modes de production par la direction, cette dernière a préféré prendre conseil auprès d'un audit externe sans impliquer ni les experts ni les salariés de cette maison. Comment orchestrer une réforme de cette envergure sans impliquer les salariés, ne serait-ce que pour une question d'efficacité ? Cela me semble impossible.
On constate effectivement un malaise plus global ; les conditions de travail se dégradent depuis plusieurs années. Les salariés ont le sentiment d'éprouver de plus en plus de difficultés à effectuer correctement leur travail et à remplir leurs missions. Nous éprouvons des difficultés à nouer un véritable dialogue au sein des instances sur les questions fondamentales. La médiation ne durant que deux mois et les choses n'ayant pas été réglées avant, cela complique encore la discussion sur le fond de toutes les questions que nous venons d'évoquer.
D'ailleurs, nous ne savons pas quels secteurs sont touchés par le plan de départ. Il nous est simplement communiqué qu'il s'agit d'un plan de 380 départs volontaires. Il toucherait en priorité les séniors. Nous avons une petite idée des secteurs mais ce n'est pas dit clairement par la direction.
En matière de gouvernance, chacun devrait simplement être dans son rôle. La direction dirige et l'Etat prend ses responsabilités et donne les moyens à l'entreprise pour mener à bien son projet stratégique et les ambitions affichées. Une réflexion doit être menée quant au mode de nomination des PDG de l'audiovisuel public. Celui qui avait été instauré en 2008 ne nous satisfaisait pas mais revenir au mode de nomination précédent, avec une nomination par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), présente aussi des inconvénients. Nous pourrions peut-être observer ce qui se pratique ailleurs en Europe et nous en inspirer.
Des propositions pour une sortie de crise ? Je crois que, pour que l'on puisse faire des propositions, une totale transparence est nécessaire.
Les 21 millions pesant sur le fonctionnement résultent effectivement d'une estimation effectuée par le cabinet Tandem. Ce dernier estime ne pas avoir été en capacité de déterminer avec précision la part du chantier pesant sur le budget de fonctionnement.
Pourquoi les deux orchestres ? Nos deux orchestres ont vocation à avoir des répertoires artistiques différents. Si nous regardons ce qui se fait ailleurs, en Angleterre par exemple, nous nous apercevons qu'avoir deux orchestres pour une grande radio de service public ne semble pas aberrant. De plus, il y a assez peu d'orchestres en France. C'est pourquoi maintenir nos deux orchestres nous semble important.
Le PDG a toujours expliqué que les 380 départs toucheraient tous les secteurs, tous les emplois, tous les lieux de travail. Pour répondre à la question « qui doit commander », il est clair qu'il s'agit du PDG, qu'il soit bon ou mauvais. Cela dit, changer de PDG signifie changer des directeurs de chaînes, des directeurs de rédaction, de directeur des ressources humaines et de directeur général. Bref, tout est remis en cause. S'agissant de l'évolution de la masse salariale que vous avez été plusieurs à évoquer, il ne faut pas perdre de vue que les avancements garantis ont été bénéfiques lorsque l'inflation était forte. Au demeurant, ils ne figureront plus dans la nouvelle convention collective qui s'appliquera aux 750 journalistes que compte Radio France.
Vous avez également mentionné notre régime de congés. N'oublions pas que les congés constituent souvent des récupérations, par exemple les jours forfaitaires pour récupération des jours fériés. Les heures de travail de nuit sont les seules heures à rémunération majorée.
En matière de financement de l'audiovisuel public, il me paraît important de créer une redevance sur les ordinateurs et tablettes, non seulement pour la ressource supplémentaire qu'elle apporterait, mais aussi parce que cela éviterait que s'installe l'idée que la radio et la télévision sont gratuites, comme c'est déjà le cas pour la musique.
La question a été posée de la coexistence de deux orchestres. Je ne voudrais pas répondre par une boutade, en reprenant la formule « deux orchestres parce que je n'ai pas les moyens d'en avoir trois ». Plus sérieusement, sur la scène parisienne, on assiste actuellement à une recomposition, avec la création d'un pôle à l'est de la capitale, dans le sillage de l'ouverture de la Philharmonie. Un autre pôle au sud-ouest fait également sens, même si on peut repréciser les missions des uns et des autres. Les événements dramatiques du 7 janvier ont montré un besoin de culture, que Radio France peut d'autant plus apporter que le groupe dispose d'outils nouveaux - l'auditorium, le studio 104 - et s'appuie sur la puissance de transmission des chaînes qui composent son réseau.
Aborder la question de l'indépendance de l'audiovisuel public passe aussi par la définition de son financement.
À l'instar de ce qui se fait déjà en Allemagne, chacun doit apporter sa contribution au financement de l'audiovisuel public.
Je voudrais apporter quelques précisions quant à l'impact du coût du chantier de la rénovation de la Maison de la radio. Ces travaux pèsent très lourdement sur le budget, à tel point que les dépenses des programmes sont réduites afin de les payer. La responsabilité de l'absence de contrôle de la dérive des coûts depuis dix ans incombe aux pouvoirs publics. En tout état de cause, il faut revoir le niveau de la subvention d'investissement car il n'est pas acceptable de payer les hausses avec les emplois. N'oublions pas qu'au-delà du coût du chantier proprement dit, il existe un certain nombre de dépenses induites, telles que l'assistance à maîtrise d'ouvrage, la location de locaux externes pour héberger les équipes pendant la durée des travaux, le financement des investissements techniques de réfection des studios, qui n'est pas compris dans le coût de la réhabilitation de la Maison de la radio.
L'évolution de la masse salariale ayant été évoquée comme explication partielle de la situation financière de Radio France, je souhaiterais préciser que celle-ci n'augmentera que de 0,8 % en 2015.
Je souhaitais aussi souligner la nécessité de lutter contre la précarité : Radio France employant nombres de « cachetiers » ou de personnes sous contrats à durée déterminée, ce sont des personnes en situation précaire qui vont être le plus touchées par le plan de suppression d'emplois.
Enfin je voudrais aussi plaider pour que l'on revienne d'une logique de simple management à une logique éditoriale forte. Le retour à l'équilibre financier ne constitue pas une orientation stratégique.
Le point le plus important à nos yeux concerne la nécessité d'engager une réflexion véritable sur le devenir de Radio France. Or, le président actuel conduit des discussions à marche forcée avec pour seul objectif la signature du COM dans les plus brefs délais. Le semblant de dialogue qu'il propose se fait au gré de ses envies et de ses préoccupations de communicant.
Nous constatons qu'un certain malaise persiste et qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir, comme M. Leleux, notre rapporteur, l'a fait observer. Il est de la responsabilité collective des salariés, de la direction et du ministère de parvenir à un accord.
Nous sommes tous très attachés à la pérennité de l'audiovisuel public, qui doit adopter une attitude lucide et trouver les moyens de se réformer dans un contexte budgétaire très contraint. Ce type de réforme a déjà été entamé dans des groupes tels que France Télévisions ou France Médias Monde, ou chez nos voisins européens.
Nous suivrons avec la plus grande attention l'évolution des discussions et nous émettrons un avis sur le prochain contrat d'objectifs et de moyens de Radio France.
S'agissant de service public, nous devons avoir une réflexion sur la qualité du service effectivement rendu au public qui, je le note, a été assez peu évoqué ce matin. Les citoyens apportent pourtant leur contribution au financement de l'audiovisuel public, auquel se consacre actuellement une mission d'information effectuée en commun par notre commission et par la commission des finances.
La commission entend M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France.
Je souhaite la bienvenue à M. Mathieu Gallet, président de Radio France, qui s'exprimera dans un instant sur la situation de la société publique qu'il dirige, à l'issue d'un conflit de plusieurs semaines qui a mis en évidence un malaise au sein de la maison ronde. Nous aurions aimé tenir cette audition plus tôt mais les circonstances nous en ont empêchés. Vous connaissez notre attachement pour l'audiovisuel public, et, en particulier, pour la radio. Pouvez-vous nous éclairer sur les causes de ce conflit et sur les craintes que nourrissent encore les personnels de la société ?
Nous savons le rôle qu'ont pu jouer certaines accusations diffusées par voie de presse pour discréditer la direction de la société et alimenter le conflit. Les conclusions du rapport demandé par le Gouvernement à l'Inspection générale des finances ont établi la réalité des faits, notamment pour les dépenses relatives à la rénovation des bureaux de la direction et les conditions de recours à une prestation extérieure en matière de conseil en communication.
Quoi qu'il en soit, les événements récents concernant l'Institut national de l'audiovisuel (INA) sont venus rappeler l'exigence de transparence et d'exemplarité qui doit caractériser la gestion de tous les grands établissements culturels publics. Cette exemplarité est d'autant plus importante que Radio France est appelée à réaliser d'importants efforts, comme vient de le souligner un rapport récent de la Cour des comptes, selon lequel « les coûts ont augmenté significativement au cours des dernières années, sans recherche de coordination des activités ni de mutualisation des moyens ». La Cour considère par ailleurs que « la modernisation de la gestion est devenue impérative pour réaliser des économies structurelles ».
Où en est le conflit ? Comment s'engage la préparation du contrat d'objectifs et de moyens (COM) ? Quelles difficultés persistent ?
Merci pour votre accueil. Je suis ici accompagné de M. Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes, Mme Maïa Wirgin, ma directrice de cabinet et M. Christian Mettot, directeur général adjoint chargé du dialogue social et des ressources humaines.
Le conflit, qui a duré quatre semaines, nous a amenés à rétablir un dialogue social sous l'égide du médiateur nommé par le Gouvernement, M. Dominique-Jean Chertier. Un calendrier de réunions a été présenté cette semaine, qui court jusqu'à l'été, pour traiter des sujets soulevés pendant le conflit : la réforme du réseau France Bleu - je sais le Sénat très attentif au maillage territorial de notre service public -, le mode de production, des revendications plus catégorielles, émanant notamment des fonctions support, ménage, accueil ou sécurité, enfin, la question des formations musicale et de la présence des deux orchestres, du choeur et de la maîtrise en notre sein.
Après une première phase qui a permis la reprise du dialogue, le médiateur nous accompagnera jusqu'à fin juin. Du coup, nous travaillons sous une contrainte temporelle forte, d'autant plus que nous devons élaborer notre COM, qui sera transmis à votre commission avant approbation. Les enjeux sont multiples.
Permettez-moi de revenir sur les grandes lignes du projet et des convictions que j'avais défendus devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). D'abord, Radio France doit maintenir sa position de premier groupe radiophonique en France dans un paysage très concurrentiel, malgré les bouleversements induits, notamment pour France Info, par les nouvelles technologies et les nouveaux usages des auditeurs : un tiers des moins de 25 ans écoutent la radio sur un téléphone portable ou une tablette. Cela peut être une opportunité, pour diffuser nos productions qui font notre richesse à un public encore plus large. Ce que nous faisons n'existe pas ailleurs : les documentaires, les grands magazines d'investigation, la fiction radiophonique sont des genres qui n'existent qu'à Radio France. L'information de service public n'est pas comparable à celle que diffusent les chaînes commerciales. Je veillerai à la soutenir, et plus largement à promouvoir la diversité et la richesse de nos programmes.
Cela requiert une bonne stratégie éditoriale : M. Frédéric Schlesinger y veille, avec les sept directrices et directeurs de nos chaînes. Nous avons recruté cette année un nouveau directeur en charge du numérique, M. Laurent Frisch, issu de France Télévisions. Il devra établir de vraies passerelles avec cette entreprise.
La Maison de la radio, à laquelle nous sommes tous très attachés - l'incendie d'octobre dernier l'a montré - coûte cher à rénover, mais c'est un atout. Je souhaite que ce lieu soit ouvert et se positionne comme une maison de la culture. Notre production doit être diffusée le plus largement possible, sur le réseau classique comme sur le réseau numérique, pour toucher le plus grand nombre, mais aussi à travers la Maison de la radio. Concerts, émissions publiques, ateliers pédagogiques, journées portes ouvertes autour du livre, de la musique ou du sport sont autant de manières de toucher de nouveaux publics. Les hommes et les femmes de Radio France font plus que de la radio, il faut mettre cette richesse au service du public. Nous sommes un service public au service de tous les publics.
Je n'oublie pas le public de nos régions. Les 44 stations de France Bleu constituent un maillage territorial important, que je souhaite développer. Par exemple, en Midi-Pyrénées, France Bleu n'est présente qu'à Toulouse. À Lyon, elle est absente. Loin de nous tenir sur la défensive, nous avons donc des ambitions éditoriales.
Mais nous sommes confrontés à la nécessité de faire des économies. Depuis 2012, notre dotation a diminué, et ne progressera plus jusqu'en 2017. L'une des raisons de la crise récente a sans doute été l'annonce d'un déficit budgétaire important à la fin de l'année dernière, ce qui était une première. En 2015, notre déficit sera de plus de 21 millions d'euros. Notre actionnaire, l'État, nous impose de revenir à l'équilibre en deux ans : c'est une exigence forte, complexe à mettre en oeuvre, qui nous impose de faire des choix. Comme je l'ai annoncé au comité central d'entreprise en mars, l'une des pistes sera de réduire la masse salariale, qui représente environ 60 % de nos dépenses. Proportion qui n'a rien d'anormal, car la radio est faite par nous ; nous n'achetons pas nos programmes, comme cela se fait à la télévision. Mais la masse salariale augmente automatiquement de quelque 4 millions d'euros chaque année. Et nous devons absorber cette hausse alors que nos revenus sont contraints.
Heureusement, nous disposons de relais de croissance. Je souhaite que le volume de publicité reste modéré, car l'absence de pollution publicitaire est l'un de nos avantages compétitifs. Cependant, le type d'annonceurs auxquels nous avons droit - public, collectif ou d'intérêt général - est trop restreint. Le cahier des charges date de 1987 ; depuis, le périmètre de l'État a considérablement changé. Il serait bon que nos recettes publicitaires puissent augmenter légèrement. La Maison de la radio doit également permettre de dégager des recettes complémentaires. La commercialisation des concerts, en particulier, doit être optimisée, pour augmenter les recettes de billetterie. Nous pouvons aussi louer des espaces, accueillir de nouveaux services.
Nous devons repenser notre fonctionnement pour tenir dans l'épure budgétaire qui nous est imposée tout en dégageant des moyens pour financer nos priorités. Par exemple, nous ne consacrons que 1 % de notre budget au numérique ! C'est pourtant un secteur clé pour conquérir de nouveaux publics. À l'issue de mon mandat, je souhaite que le service public de la radio soit encore plus en phase avec la société française et avec ses modalités d'accès au savoir, à l'information et à la culture.
Merci pour cet exposé, qui a bien montré la difficulté de trouver un équilibre entre une ambition affirmée de service public, de nouveaux enjeux et les contraintes qui pèsent sur votre action. L'audition des représentants syndicaux à laquelle nous venons de procéder a bien montré que les choses ne sont pas réglées : une certaine tension est encore palpable.
Dans son rapport récent, la Cour des comptes estime que « la baisse de la dotation par rapport aux moyens prévus par le COM, à partir de 2012, ne s'est pas accompagnée de l'identification des économies à réaliser et a retardé la prise de conscience de la nécessité d'engager des réformes de structure ». Elle estime également que « compte tenu des informations disponibles, l'État et l'entreprise auraient dû tirer, dès 2012, toutes les conséquences du nouveau contexte budgétaire ». Aviez-vous, personnellement, conscience de la situation réelle de Radio France lorsque vous avez été candidat à la présidence de la société ? De quelles informations disposiez-vous ?
Parmi les différentes raisons qui expliquent la dégradation de la situation financière de Radio France, la Cour des comptes évoque un développement mal maîtrisé, illustré notamment par « l'augmentation du budget des antennes de 27,5 % en dix ans de 2004 à 2013 ». Le budget du Mouv' a ainsi doublé en dix ans et vous avez engagé une relance de cette antenne. Compte tenu de la situation de Radio France, est-ce bien raisonnable ? Y a-t-il un tabou à remettre en cause l'existence d'une antenne qui n'a pas rencontré son public ? Quelles sont les raisons qui pourraient vous amener à remettre en cause l'existence de cette antenne ?
La Cour des comptes estime que l'État n'a demandé aucun effort de productivité dans le COM 2010-2014 et rappelle que la masse salariale a augmenté de 18 % entre 2006 et 2013, soit deux fois plus vite que les dépenses du budget général de l'État. Une meilleure maîtrise des charges salariales apparaît donc comme un des leviers pour desserrer la contrainte financière qui pèse sur l'entreprise. Des évolutions sont possibles grâce aux mutations technologiques. Quel objectif pensez-vous raisonnable de vous fixer d'ici la fin de votre mandat concernant l'évolution des effectifs et de la masse salariale, et leur restructuration en fonction des nouveaux enjeux ?
Le coût du chantier est passé de 230 millions d'euros, en 2004, à 430 millions d'euros, soit un quasi-doublement, notamment du fait d'une programmation et d'une gestion des coûts déficiente. À l'automne dernier, vous envisagiez de conduire la fin du chantier le plus vite possible afin de mettre un terme à une situation jugée très difficile par les salariés et coûteuse du fait des frais de location. Quelle est aujourd'hui l'option la plus réaliste sur l'avenir de ce chantier ?
Vous avez évoqué des mutualisations possibles entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public. Manifestement, elles restent très limitées alors même que le numérique crée un nouveau média qui pourrait permettre de rassembler leurs forces. Quels rapprochements vous sembleraient envisageables ? Peut-on imaginer la création d'un service commun d'information sur Internet ? Le projet Info 2015 réunissant les rédactions de France 2 et France 3 est en cours. L'équivalent est-il envisageable pour Radio France et ses partenaires, ou bien sommes-nous condamnés à financer deux fois le même service ? Est-il envisageable de mettre un terme à l'organisation en silo qui caractérise votre société ?
Lorsque j'ai rédigé mon projet, j'ignorais la situation financière réelle de l'entreprise. J'ai compilé les données publiées dans des rapports parlementaires ou dans les rapports d'activité déposés auprès du CSA. Mais, fin 2013, les informations les plus récentes dataient de 2012. En septembre 2014, lorsque le montant de la dotation qui nous serait versée nous a été notifié, nous avons rapidement pris conscience du déséquilibre structurel entre des recettes qui stagnaient à un niveau inférieur à celui de 2012 - 601 millions d'euros en 2015 contre 610 millions d'euros alors - et des dépenses dont l'augmentation était inéluctable. Mon prédécesseur avait renégocié certains contrats nous liant à nos fournisseurs et diffuseurs, dont le coût annuel dépassait les 70 millions d'euros, dégageant quelque cinq millions d'euros d'économies. Malheureusement, ceux-ci nous ont été débasés, nous n'en avons pas bénéficié. Et nos relais de croissance sont insuffisants pour compenser l'effet de ciseaux. Une première alerte a été émise lors du conseil d'administration d'octobre 2014, qui a constaté qu'il manquerait deux millions d'euros sur l'exercice 2014. En 2015, le déficit dépasse les 21 millions d'euros.
J'assume le maintien de Mouv', et sa relance depuis le 2 février : dans une économie de l'offre, le service public ne peut se dispenser de développer une offre spécifique pour les jeunes. Certes, au cours des dernières années, le budget de programme de Mouv' a beaucoup augmenté, sans que l'audience ne s'améliore, au contraire. Avec M. Bruno Laforestrie, et sous l'égide de M. Frédéric Schlesinger, nous avons souhaité redéfinir la position de Mouv' en en faisant une radio musicale à destination des jeunes, tournée vers les cultures urbaines, le tout avec un budget contraint. Si malgré cette relance, l'évolution de son identité, de sa marque, de son nom, cette radio ne trouve pas son public dans les dix-huit mois, nous devrons réfléchir sans tabou à sa diffusion, car 32 fréquences en FM, cela a un coût. Pour l'heure, nous avons entamé un tour de France des grandes villes, pour aller à la rencontre du public : après Toulouse et Marseille, nous irons à Lyon.
La Cour des comptes a examiné l'évolution des effectifs en partant des années 2000. L'accord sur les 35 heures avait débouché sur environ 150 embauches. Puis, jusqu'en 2007, la volonté de réduire la précarité a conduit à intégrer des intermittents du spectacle qui effectuaient des tâches techniques. La dernière vague d'intégrations a concerné les réalisateurs de radio, ceux que nous appelons les « metteurs en ondes ». Parallèlement, nous avons signé un accord interdisant le recours aux intermittents pour les parties techniques. L'évolution de la masse salariale est liée au glissement vieillesse-technicité, qui entraîne une augmentation automatique de 4 millions d'euros chaque année.
Le chantier de la Maison de la radio est complexe et coûteux. Il a commencé en 2009 et devrait s'achever courant 2018. C'est un sujet sensible. Faire de la radio - donc produire du son - dans un site en cours de réhabilitation n'est pas évident ! Selon la Cour des comptes, la hausse du coût jusqu'à 390 millions d'euros résulte en partie de changements de périmètre et de retards. Il a connu de nombreux soubresauts, lots infructueux, nouveaux appels d'offre... Notre bâtiment fait 120 000 mètres carrés : c'est un chantier complexe, source de tensions. Une mission a été confiée à l'opérateur des programmes immobiliers de la culture (OPPIC), qui récapitulera d'ici le 15 juin ce qui est indispensable en termes de mise aux normes de sécurité et nous indiquera ce qui pourrait ne pas être fait. La note pourrait s'en trouver allégée. Nous nous efforcerons toutefois de présenter bien distinctement nos résultats financiers et le coût du chantier.
Pour le mener à terme, nous devons trouver 145 millions d'euros, sans compter la réfection des studios moyens, des toitures, des façades... Pendant la durée du chantier, les coûts de fonctionnement sont majorés car nous devons louer des locaux, ce qui coûte plus de 6 millions d'euros par an, un tiers du bâtiment étant inutilisable. Nous discutons avec notre actionnaire sur la manière de combler ce besoin de financement : dotation en capital, complément de contribution à l'audiovisuel public ou emprunt - ou une combinaison des trois pour pouvoir dépasser le point bas de notre trésorerie, que nous atteindrons cette année, sans interrompre le chantier.
Avec France Télévisions, nous pourrions envisager, dans le cas du numérique notamment, d'acheter ensemble auprès d'un certain nombre de prestataires. Globalement, nous devons être plus complémentaires, travailler davantage ensemble dans le domaine de l'information. Je regrette que la marque Francetv Info ait été lancée et dotée de moyens considérables - dix fois supérieurs à nos quelque 6 millions d'euros consacrés au numérique - alors que France Info existe depuis 1987. Je me réjouis des déclarations de Mme Delphine Ernotte, car nous devons nous renforcer les uns les autres. Depuis la réforme de France Info, le public est au rendez-vous. Notre expertise en matière d'information en continu est unique en France. Certes, chaque chaîne a sa propre rédaction, mais un vrai travail de coordination est effectué. Nous veillons à ce que ce que propose chaque chaîne en matière d'information soit spécifique. Lors de grands événements sportifs - par exemple le Tour de France ou les Jeux olympiques - les moyens sont mutualisés. Bref, qu'on se rassure : il n'y a pas de doublons à tous les étages ! Le numérique et la présence sur les réseaux sociaux nous aidera à conquérir un nouveau public, plus jeune, qui fait sa revue de presse sur Twitter puis écoute la radio en réaction à un push. Nous devons évoluer techniquement et dans notre façon de travailler pour mieux diffuser, mais ce n'est pas pour autant que Radio France fera de l'« infotainement » !
Un conflit est toujours multicausal, multifactoriel. L'héritage, les difficultés économiques, financières et donc budgétaires ont été évoquées. Les délégués syndicaux ont aussi mentionné des problèmes de gouvernance et un mode de management qui ajoute une composante humaine à la dimension structurelle et conjoncturelle de la crise. Avec le recul, en espérant que la médiation sera fructueuse, ne voyez-vous pas un déséquilibre entre votre communication externe, brillante, et une communication interne plus malaisée, plus difficile, qui a conduit à une rupture du dialogue ? Ne voyez pas malice à ma question, mais n'envisageriez-vous pas d'échanger votre talentueux conseiller en communication contre un conseiller en ressources humaines et en communication interne ? Dans un conflit, l'aspect humain compte beaucoup !
Commençons par cela, en effet. Ces sujets sont très complexes : toutes les grandes maisons de l'audiovisuel sont bousculées et doivent s'adapter, et toutes les mutations entraînent des difficultés humaines. Mais à Radio France, il y a eu le sentiment que les choses n'étaient pas suffisamment dites, que la confiance était insuffisante entre la direction et les organisations syndicales pour que les problèmes sur lesquels les diagnostics s'étaient partagés soient résolus. Je vous interpelle donc sur le dialogue social. Je me rappelle des grandes difficultés qu'avait connues Mme Saragosse lors de sa nomination à France Médias Monde : fusion, déménagement, grève, suppression de personnels à RFI, bref, une situation chaotique, dont l'entreprise s'est néanmoins sortie, moyennant des rendez-vous hebdomadaires associant tous les employés pour définir ensemble un avenir commun. Envisagez-vous de telles méthodes ? La solution ne peut être exclusivement financière ; elle résultera d'un élan commun.
J'ai été membre du conseil d'administration de Radio France pendant quelque temps. Je m'étonne que vous ne vous soyez rendu compte qu'en septembre 2014 du caractère structurel du déficit. Une tendance structurelle se détecte en amont si l'on n'est pas incompétent. Qui est responsable de cet aveuglement ?
Lorsque vous dites que la radio est « faite par nous », de qui parlez-vous ? Certes, la masse salariale ne peut qu'être proportionnellement importante. Mais, en regard de son augmentation globale de 18 %, comment expliquez-vous la hausse de 54 % de la masse salariale de la direction ? La question mérite d'être posée dès lors que vous envisagez de supprimer 380 emplois pour réduire la masse salariale... J'ai remarqué la même tendance à France Télévisions et ailleurs : est-il normal d'augmenter autant les personnels de direction alors que ce sont les créateurs et les techniciens qui sont responsables de la création ?
La situation est complexe : nouvelles technologies, réduction des marges budgétaires depuis 2012... Dans ce contexte de mauvais fonctionnement du dialogue social et de manque d'écoute des organisations de salariés, qui ont pourtant émis nombre d'alertes et même d'appels au secours, faire peser l'effort de rigueur budgétaire sur le personnel devient un véritable handicap. Le coût du dérapage du chantier a sans doute beaucoup pesé dans leur colère et le déclenchement du conflit : 380 millions d'euros supplémentaires...
C'est le coût final qui devrait atteindre 385 millions d'euros.
Dans le même temps, vous prévoyez 380 suppressions d'emplois, sans qu'on sache où ou qui. Pour assainir votre budget, vous misez aussi sur l'endettement, ce qui est une fuite en avant : un emprunt n'est pas gratuit. Pourquoi ne vous tournez-vous pas exclusivement vers l'État ? Actionnaire principal, il pourrait apporter une contribution extraordinaire. Pourquoi faire supporter aux salariés les conséquences des erreurs de l'équipe dirigeante, alors qu'ils n'ont pas été associés aux décisions ? Un tel geste de l'État aiderait beaucoup à rétablir le dialogue et la confiance. On pourrait mettre à profit les quelques jours qui restent avant l'adoption du COM pour trouver une sortie par le haut. Radio France n'est pas une radio commerciale : c'est un outil de démocratie à protéger, c'est l'intelligence, la citoyenneté, le partage.
Pardon si ma question est un peu brutale - je suis sénateur des Landes. Sans être un spécialiste de votre domaine, et sans mettre en cause vos qualités qui sont connues, il me semble que vous devriez vous demander si vous êtes bien en mesure de poursuivre cette discussion jusqu'à son terme et de continuer, après le départ du médiateur, à diriger cette grande maison dans la sérénité requise.
À cette dernière question, la réponse est : oui. J'ai été nommé pour cinq ans, il m'en reste quatre.
Il faudra la poser au CSA, qui m'a nommé à l'unanimité il y un an, et qui est seul en mesure de me retirer le mandat qu'il m'a confié.
Madame Gonthier-Maurin, le coût du chantier en investissement s'établit entre 385 et 390 millions d'euros en valeur 2008, soit 430 millions d'euros en euros courants. Ce chantier, complexe, pèse sur l'entreprise. Nous ne pourrons le mener à terme sans une aide exceptionnelle de l'État, sous la forme d'une dotation en capital, d'un complément de contribution à l'audiovisuel public, voire d'une part d'emprunt. La discussion est en cours avec le gouvernement, j'ai confiance qu'il nous enverra un signal positif. Radio France n'a pas de dette et peut recourir à l'emprunt sur une courte période, par exemple six ou sept ans.
Monsieur Assouline, ayant été membre du conseil d'administration de Radio France, vous savez que l'information financière n'y est guère détaillée. J'ai notamment découvert que Radio France n'élaborait pas de budget révisé en cours d'année pour tenir compte d'éventuels aléas - contrairement à ce qui se fait à l'INA en juillet, après la clôture des comptes semestriels. Il est vrai que les ressources de Radio France étaient, en principe, stables... Nous allons y remédier, car nous devons mieux communiquer, faire davantage de pédagogie : la transparence évitera les incompréhensions et les fantasmes.
À France Médias Monde, la reprise du dialogue est intervenue après non pas un mais deux plans de départs à RFI, soit la suppression de centaines d'emplois ! Nous n'en sommes pas là à Radio France, où nous avons annoncé un plan de deux à trois cents départs volontaires. Le conflit ne trouve pas sa source dans la question des départs.
Que le dialogue social puisse être amélioré, c'est une évidence. Après quatre semaines de grève, difficile de dire le contraire ! Qu'il y ait un déficit de communication interne, c'est certain. L'équipe des ressources humaines ne comporte que deux personnes et un contrat d'apprentissage, pour une entreprise de 4 500 personnes. Je souhaite par ailleurs rétablir le bulletin d'information interne sur l'évolution du chantier, qui existait il y a quelques années.
La direction des ressources humaines est très sollicitée, le dialogue social est nourri mais tendu, la Cour des comptes le dit ; il est particulièrement complexe d'établir la paye, compte tenu de la multiplicité des statuts. Des compétences supplémentaires en ressources humaines, pourquoi pas ? Il nous faudra vivre ensemble une fois la médiation achevée.
Permettez-moi d'ajouter quelques éléments factuels sur l'encadrement et la masse salariale, qui sont ceux communiqués aux partenaires sociaux dans le cadre du bilan social. L'écart entre les 10 % des rémunérations les plus élevées et les 10 % des moins élevées était de 3,01 en 2012, de 2,95 en 2013 et de 2,93 en 2014. Dans beaucoup d'entreprises, cet écart est de 4, voire de 5 ou 6. En 2012, la somme des dix rémunérations les plus élevées atteignait 1,777 million d'euros ; en 2014, elle est de 1,715 million. Les cadres de direction sont liés par la convention collective, leur rémunération mensuelle moyenne n'a pas évolué au cours des trois dernières années ; elle se situe autour de 6 000 euros.
Ils étaient 189 en 2012, 198 en 2013 et 203 en 2014.
La période évaluée par la Cour des comptes est plus large.
En effet, elle part de 2000. L'évolution constatée est à mettre en perspective avec l'intégration en contrat à durée indéterminée de collaborateurs auparavant rémunérés au cachet, dont bon nombre ont été intégrés, avec le statut de cadre.
Un effectif de 198 cadres de direction pour une entreprise de 4 600 équivalents temps plein (ETP), cela représente 4 %. Ce n'est pas une armée mexicaine ! J'ignore quelle est la proportion dans les autres entreprises de l'audiovisuel public...
Je n'ai pas le sentiment qu'un tel taux soit problématique.
En effet, madame Bouchoux, la crise sociale a un aspect multifactoriel. Je prends ma part de responsabilité. Il est vrai que j'ai un profil inhabituel par rapport à mes prédécesseurs, de par mon âge et mon parcours : je ne suis pas haut fonctionnaire, je viens de l'entreprise, j'ai travaillé dans l'industrie musicale puis à Canal+ avant de travailler pour l'État. Généralement, on fait plutôt le chemin inverse, de la fonction publique vers le privé - et rarement par amour du service public. Sans doute dois-je faire évoluer mon style, être plus expansif... J'ai choisi Radio France car c'est un groupe unique, sans équivalent au monde, pas même la BBC. Voyez le formidable succès d'audience de France Inter, la diversité, la qualité de ce qui y est produit. Une chaîne comme FIP devrait disposer de davantage de fréquences. Je pourrais citer toutes nos chaînes... Bref, on ne va pas travailler à Radio France par hasard. J'ai rédigé personnellement mon projet, et je ne lâcherai pas le gant car j'ai véritablement envie de porter une ambition, avec l'ensemble des collaborateurs, pour cette belle entreprise.
Merci pour cet échange franc. Nous aurions aimé l'avoir plus tôt, et avons déjà auditionné Mme Pellerin. Nous avons suivi ce dossier avec beaucoup d'attention, étant très attachés à l'audiovisuel public, d'autant que nous émettrons un avis sur le COM. On voit qu'il reste du chemin à parcourir, qu'un certain malaise persiste. Le dialogue doit être intensifié, approfondi, pour une meilleure compréhension réciproque des enjeux. Merci d'avoir évoqué le public, c'est pour lui que l'on fait la radio ! Il faut être lucide sur les nécessaires réformes qui doivent être engagées à Radio France comme elles l'ont été dans d'autres groupes de l'audiovisuel public. C'est une responsabilité collective, je l'ai dit à l'intersyndicale.
Manifestement, il existe un réel problème de gouvernance. Il y a un problème d'articulation entre le CSA, la direction et la tutelle, a dit l'intersyndicale. Que la direction ait été choisie sur la base d'un projet avant que le budget ne soit connu pose problème, tout comme l'absence de contrôle par le conseil d'administration. Autant de sujets de réflexion pour le Parlement.
Le CSA vous a renouvelé sa confiance. Nous attendons que Radio France se mette enfin sur les rails pour assurer la pérennité du service public et serons très attentifs aux évolutions à venir. Merci.
La réunion est levée à 12 h 20.