Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 28 mars 2012 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

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  • hospitalier
  • hôpitaux
  • médecin
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La réunion

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission procède à l'audition des organisations syndicales de praticiens hospitaliers sur le financement des établissements de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous avons réuni ce matin plusieurs représentants des syndicats ou intersyndicales de praticiens hospitaliers :

- l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers, représenté par Mme Rachel Bocher ;

- la coordination médicale hospitalière, représentée par MM. François Fraisse et Rémy Couderc ;

- le syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics, représenté par MM. André Elhadad et Sadek Beloucif ;

- la confédération des praticiens des hôpitaux, représentée par M. Jacques Trévidic ;

- le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs, représenté par Mme Nicole Smolski.

Nous avons entendu au début du mois les représentants des commissions médicales d'établissement des hôpitaux publics et nous avons prévu d'auditionner leurs homologues du secteur privé. Mais il paraissait indispensable de recueillir plus largement le sentiment des praticiens hospitaliers, à travers leurs organisations syndicales, sur la mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A), ses incidences sur le fonctionnement et l'activité des services de soins.

Nous souhaiterions connaître votre appréciation générale sur ce mode de financement. La T2A induit de nouvelles exigences pour les services, en matière de codage des actes. Quelle évaluation peut-on en faire ? Que pensez-vous des modalités actuelles de contrôle par l'assurance maladie ?

Nous nous demandons également dans quelle mesure la T2A permet de prendre en compte les exigences de prise en charge des patients ? Pensez-vous souhaitable et possible d'introduire des indicateurs de qualité dans la détermination des tarifs, sans accentuer la complexité - déjà extrême - de celle-ci ?

En résumé, quels sont, à vos yeux, les avantages et les limites de ce mode de tarification, notamment du point de vue de la prise en charge des patients ? Quels correctifs faudrait-il le cas échéant y apporter ?

Nous souhaiterions également vous entendre sur les ressources qui ne relèvent pas de la T2A, notamment les dotations relevant des missions d'intérêt général. Le montant de ces dotations est-il déterminé selon vous de manière satisfaisante ? Pensez-vous qu'il faudrait augmenter, ou réduire, la part de ces dotations dans les ressources de ces établissements, par rapport à celles qui relèvent de la T2A ?

Notre rapporteur Jacky Le Menn va vous poser une première série de questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Initialement, les observateurs des établissements de santé auguraient qu'après un mode de financement reposant sur le prix de journée, puis sur la dotation globale, la méthode dite de la tarification à l'activité (T2A) couplée avec un financement spécifique pour les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), allait s'avérer un bon système car elle devait permettre, notamment, de comprendre la formation des coûts, et donc d'apporter des financements adaptés aux besoins de ces établissements tout en dynamisant leur gestion. Or, aujourd'hui, il semblerait que cette approche soit remise en cause par certains acteurs directement concernés, dont de nombreux médecins hospitaliers. Quelles sont les analyses de vos organisations professionnelles respectives vis-à-vis de cette méthode, en dégageant si possible ses points forts et ses points faibles ?

La T2A est-elle inflationniste et pousserait-elle à la conquête de « parts de marchés » ? J'emploie volontairement ce terme utilisé par une équipe de direction d'un grand CHU de province récemment visité, notamment par des médecins intégrés dans ladite équipe de direction. Que pensez-vous de cette conception ? Peut-elle conduire à une hyper spécialisation dans certains types de pathologies et à l'abandon d'autres pathologies, d'autres pratiques, d'autres secteurs, dans un souci de rentabilité pour maximiser les ressources des établissements de santé ?

Selon vous, l'objectif de dynamisation de la gestion des établissements de santé, visée par la T2A, est-il atteint ? Les restructurations opérées dans les hôpitaux publics ont-elles été efficientes, pourquoi et pour qui ?

Debut de section - Permalien
Rachel Bocher, présidente de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH)

La tarification à l'activité a été largement évoquée lors du dernier colloque organisé par l'INPH à l'Assemblée nationale en février dernier. L'ensemble des formations politiques qui se sont exprimées tout comme les représentants du Gouvernement ont souligné la nécessité d'opérer des ajustements. Il ne s'agit pas simplement du point de vue des praticiens hospitaliers, mais d'un constat partagé par le monde politique.

Au-delà des débats sur le mode de financement, il faut d'abord s'interroger sur la place de l'hôpital public dans notre système de santé. Comment les missions de l'hôpital public et les exigences d'excellence et de rentabilité qui lui incombent peuvent-elles lui permettre de répondre aux besoins de santé publique, en constante augmentation, d'une population qui vieillit ? A notre sens, ce sont les besoins de la population et le rôle assigné à l'hôpital public qui doivent déterminer le mode de financement.

Depuis plusieurs années, nous faisons face à un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) contraint. Il s'agit d'une enveloppe fermée et on observe des effets pervers. Les équipes hospitalières qui ont joué le jeu de la T2A ont finalement été pénalisées, puisqu'il a fallu baisser les tarifs pour rester dans l'enveloppe. L'introduction de la T2A a d'abord engendré une certaine dynamisation, puis les limites sont apparues avec un risque de démobilisation des équipes. Cela pose également la question de la pertinence des actes, car la T2A est nécessairement inflationniste.

L'enjeu principal réside bien dans les choix politiques effectués sur la place de l'hôpital public et le niveau des dépenses de la collectivité en faveur de la santé.

Il faut également s'interroger sur la part respective des financements assurés par la T2A et les missions d'intérêt général et aide à la contractualisation (Migac). Le système actuel a plutôt pénalisé les petits établissements.

Le monde hospitalier a subi un véritable diktat en vue du retour à l'équilibre en 2012. Les restructurations opérées ont exclusivement obéi à des objectifs comptables, sans tenir compte des objectifs de soins ou d'amélioration de parcours du patient. Je précise que certaines suppressions de postes de praticiens décidées dans le cadre des restructurations viennent d'être annulées.

Nous nous inquiétons également des modifications en cours pour le financement de la permanence des soins. Les dotations vont relever des agences régionales de santé (ARS) dans le cadre du nouveau Fonds d'intervention régional (Fir). Elles risquent de constituer une variable d'ajustement. Nous souhaitons que l'on revienne sur cette mesure.

Debut de section - Permalien
Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar)

Il me semble en préalable nécessaire de clarifier le débat sur la T2A. Celle-ci n'est qu'un outil de tarification. Il ne faut pas confondre l'outil en lui-même et d'autres déterminants que sont le choix de faire financer l'intégralité des dépenses de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) par la T2A, le choix politique du niveau des dépenses d'assurance maladie à travers l'Ondam et les réformes managériales liées à la loi HPST.

Je souhaite également souligner que les dépenses de soins ne doivent pas uniquement être considérées comme une charge, mais qu'elles peuvent également constituer un investissement rentable pour la société. Une étude américaine établissait que pour un coût de 3 000 euros, une opération de la cataracte représentait un gain de 95 000 euros pour la société, en termes de bien-être, d'autonomie et de prévention.

La T2A est un outil de modélisation. Or il est très difficile, voire impossible, de modéliser l'humain. Soit l'on reste dans une modélisation de niveau macro-économique, soit l'on descend au niveau micro-économique et les patients sont tous différents les uns des autres. La T2A ne reflète pas la lourdeur des prises en charge. L'âge, la dépendance, l'accompagnement de la famille sont autant de dimensions qui ne sont pas prises en compte. Ce modèle nous détourne de l'humain et se concentre exclusivement sur la technicité.

Enfin, la T2A constitue le bras armé des restructurations, avec parfois un véritable effet de désorganisation de certaines structures, comme les blocs opératoires. Pour les managers, c'est un instrument de normalisation, or un soin normalisé ne peut pas être un soin de qualité.

Je citerai pour conclure les taux de vacance d'emplois statutaires tels que les a établis le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction : 37 % pour la radiologie, 39 % pour l'oncologie médicale, 26 % pour l'anesthésie, 24 % pour la chirurgie. Nous assistons à une véritable désertion de l'emploi de praticien hospitalier du fait du manque d'attractivité des carrières.

Debut de section - Permalien
François Fraisse, vice-président de la coordination médicale hospitalière (CMH)

Je confirme que l'on confond trop souvent la T2A et la façon dont elle est mise en oeuvre, dans le cadre d'une enveloppe fermée définie par l'Ondam. L'outil est très largement perfectible, mais c'est la manière dont on l'utilise qui est critiquable.

La T2A est éminemment inflationniste. L'hôpital n'a pas d'autre solution que d'accroître ses recettes, et donc son activité, pour atteindre l'équilibre. On entre alors dans une approche concurrentielle, non seulement entre secteur public et secteur privé, mais au sein du secteur public lui-même. Cela modifie évidemment les pratiques et les prises en charge, avec un découpage artificiel des séjours. Il n'en résulte pas nécessairement une hyper spécialisation. Les établissements vont plutôt privilégier les activités considérées a priori comme « rentables ». Ce sera plutôt la chirurgie que la médecine. Certaines activités hyper spécialisées sont très bien valorisées, notamment lorsqu'elles nécessitent un environnement en moyens technologiques lourds, mais ce n'est pas le cas de toutes : l'onco-hématologie et les greffes de moelle, par exemple, peuvent véritablement « plomber » le budget d'un établissement.

Il faudrait pouvoir se référer au coût global de prise en charge du patient, plus qu'au coût du séjour. Une stratégie de qualité peut générer des économies globales, tant au niveau de l'établissement qu'à celui du patient. Les pressions qui s'exercent actuellement sur les tarifs ont pour effet pervers de renforcer les pôles supposés rentables au détriment de ceux qui ne sont pas censés l'être. Mais à aucun moment n'intervient une véritable évaluation du service rendu. Enfin, on doit constater que la mise en place d'une politique territoriale, prévue par la loi HPST, reste balbutiante.

Debut de section - Permalien
Jacques Trévidic, vice-président de la confédération des praticiens des hôpitaux

Au début des années 2000, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que le système de santé français était le meilleur au monde. Le système hospitalier reposait alors sur deux modes de financement opposés mais complémentaires : le service public hospitalier, dont les praticiens sont salariés, était financé par dotation globale jusqu'en 2003 ; le système libéral en ambulatoire et en clinique était financé à l'acte.

Chacun des deux systèmes présente des qualités et des défauts. Le service public est moins productif mais prend en charge tous les patients, sans distinction d'origine sociale, géographique ou fondée sur la gravité des cas, et assure un service d'urgences vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le système libéral est quant à lui plus productif mais favorise la production d'actes inutiles. Il n'assure qu'une permanence des soins irrégulière, tend à trier les patients pour ne prendre en charge que les cas les moins lourds et les plus rentables. Seul, le service public créerait des files d'attente. Seul, le système libéral serait source d'inégalité d'accès aux soins. La réussite du modèle français tenait donc à la juxtaposition des deux systèmes, et non à leur fusion ou à leur convergence, les avantages de l'un compensant les défauts de l'autre.

Parce qu'elle a eu pour effet de supprimer les rentes de situation de certains établissements dont l'activité avait baissé au profit de ceux dont l'activité avait augmenté, la T2A a été initialement accueillie de façon assez favorable par les hospitaliers. Cet effet psychologique positif pour les établissements dynamiques a masqué les défauts inhérents à ce mode de tarification. Les règles et les niveaux des tarifs d'hospitalisation ne sont connus que très tardivement, ce qui est source d'opacité dans les prévisions budgétaires et contribue à paralyser les projets de soins et les investissements. Les choix d'activité tendent à dériver vers des prises en charge segmentées et centrées sur les pathologies les plus rentables. Le nombre d'actes augmente et avec lui celui des actes non pertinents. Plus la part de T2A dans le financement des hôpitaux est importante, plus il convient d'être précis au moment de la codification. Cela conduit, d'une part à une complexification du système, d'autre part à une augmentation du temps passé par les médecins à coder plutôt qu'à prendre soin des malades.

Leurs décisions ayant un impact direct sur les ressources de leur établissement, les praticiens hospitaliers tendent à davantage prendre en compte l'intérêt de la structure plutôt que celui du patient. La pression des dirigeants hospitaliers se fait croissante au point que ceux-ci veulent « intéresser » les praticiens en intégrant une part variable dans leur rémunération. Or l'objectif principal de la médecine n'est pas la production de soins mais la conservation ou la restauration de la santé de nos concitoyens, ce qui passe parfois par l'abstention thérapeutique (primum non nocere). Pourtant celle-ci n'est pas valorisée.

La pertinence de certains actes, notamment chirurgicaux (prostate, sein, césarienne, appendicite...), est de plus en plus douteuse. Même si ces actes inutiles sont effectués dans de très bonnes conditions de qualité, il existe un risque que la course à l'activité dans les hôpitaux publics ne conduise inévitablement à l'éclosion de nouveaux scandales sanitaires. A cet égard, la facturation individuelle au fil de l'eau que les pouvoirs publics veulent mettre en oeuvre ne peut qu'aggraver les choses, en rapprochant jusqu'à les confondre les ressources de l'établissement de la décision de soins.

La convergence des tarifs hospitaliers publics et privés accentue encore la recherche de productivité des hôpitaux publics au détriment du temps passé à la décision médicale. Au final, ce sont les cliniques privées elles-mêmes qui risquent d'en pâtir car les hôpitaux publics leur reprennent des « parts de marché ».

Le choix doit-il se résumer au « tout budget global » ou au « tout T2A » ? C'est l'excessive domination de l'un ou de l'autre des deux systèmes qui a créé les problèmes rencontrés. Nos préférences iraient vers un système mixte (pour l'activité MCO hors Merri). Un socle de dotation globale, lié à des facteurs démographiques, épidémiologiques et d'offre de soins, représenterait approximativement 50 % du financement. Il serait complété à parts égales par un financement lié à l'activité, sur la base d'un modèle T2A simplifié, et par un financement fondé sur des indicateurs de qualité et de pertinence des soins. Les modalités de ce nouveau système restent bien évidemment à définir.

Afin de redonner une certaine lisibilité aux décideurs hospitaliers, il faut également revenir sur le système de l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) et faire en sorte que le budget de l'année soit défini en fonction des indicateurs de l'exercice précédent. Cela évitera que les décisions individuelles de soins ne soient influencées par la crainte de perdre trop de ressources de financement. La moindre part de T2A permettra de simplifier le système et de diminuer le temps passé au codage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Le socle de dotation globale de 50 % que vous proposez inclurait-il les Migac ?

Debut de section - Permalien
Jacques Trévidic, vice-président de la confédération des praticiens des hôpitaux

Oui nous incluons les Migac hors Merri. A vouloir être trop précis, le recensement actuel des Migac conduit en pratique à exclure des activités qui, telles la prévention, pourraient théoriquement en faire partie mais ne figurent pas sur la liste.

Debut de section - Permalien
Sadek Beloucif, membre du conseil d'administration du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), président du syndicat des professeurs des universités praticiens hospitaliers d'anesthésie réanimation

Vous le voyez, il existe de nombreux points de convergence entre nos différentes organisations. J'ai été l'un des deux rapporteurs d'un avis du comité consultatif national d'éthique sur les implications éthiques des contraintes économiques en milieu hospitalier dont je reprends ici plusieurs éléments. Dans ce texte, nous citions une phrase du prix Nobel d'économie Amartya Sen : « L'économie est une science morale ». Les contraintes économiques qui pèsent sur le milieu hospitalier rendent nécessaires des arbitrages qui doivent faire l'objet d'un débat de société.

Le concept de rentabilité ne peut être entendu de la même façon pour les hôpitaux publics et pour des activités commerciales ordinaires. La reconnaissance des tâches multiples qu'accomplit l'hôpital public constitue un enjeu essentiel. Au-delà des actes techniques, l'hôpital public exerce des missions sociales dont la valorisation dans un système de T2A est problématique. Face à cette diversité, la notion de parcours de soins constitue un élément clé qui doit permettre de différencier le prix, le coût et la valeur et de s'interroger sur la pertinence des actes. Il convient par ailleurs de distinguer la cotation et l'évaluation. La difficulté est de parvenir à considérer à la fois l'organisation des soins dans son ensemble et les pratiques individuelles des professionnels de santé pour aller vers une médecine sobre en actes. Or la T2A, alliée aux difficultés du dialogue social dans les hôpitaux, conduit à une désappropriation de l'esprit de qualité. Un médecin devrait normalement se poser la question de ce qu'il doit faire et de ce qu'il devrait faire, c'est-à-dire de l'idéal de qualité des soins vers lequel il devrait tendre. Dans un système idéal, il n'y a pas de discordance réelle entre le « doit » et le « devrait ». Avec la T2A, le médecin ne peut choisir qu'entre ce qu'il peut et ce qu'il doit faire.

Je retiens six points d'attention. En premier lieu, il convient de développer des modèles spécifiques pour les actes purement techniques et les autres actions de prévention, d'accueil, de recherche, d'innovation, etc. Le deuxième point d'attention porte sur la nécessité de davantage relier le sanitaire et le social. Il s'agit là d'une promesse non tenue de la loi HPST. En troisième lieu, il faut éviter d'affecter des systèmes de cotation à des usagers pour lesquels cela n'est pas pertinent. Au-delà de la quantification d'éléments techniques, d'autres éléments qualitatifs doivent être appréhendés afin de pouvoir distinguer clairement coût, prix et valeur. Quatrièmement, plutôt que de se centrer uniquement sur le soin en lui-même (le cure), il est nécessaire de ne pas négliger la dimension « prendre soin » (le care). Un cinquième point d'attention est de rendre aux arbitrages leur dimension politique sans les déléguer aux seuls responsables hospitaliers administratifs et d'approfondir la concertation entre les responsables décisionnels et l'ensemble des acteurs de santé. Le divorce actuel entre la logique administrative et la logique médicale est une des conséquences de la loi HPST et le décret à paraître relatif aux commissions médicales d'établissement (CME), qui sont les parlements des hôpitaux, illustre bien cette situation. Alors que la CME donnait auparavant un avis, ce qui engageait la responsabilité des médecins, elle ne sera plus qu'informée et deviendra donc une simple chambre d'enregistrement. Or nous ne pourrons avancer sereinement que si le dialogue social fonctionne correctement au sein des hôpitaux. Dans certains centres hospitaliers, il n'y a plus aujourd'hui de candidats à la présidence de la CME. Nous comprenons qu'il faille donner au directeur de l'établissement un véritable rôle décisionnel mais cela n'est concevable que si la concertation en amont a été effectuée correctement. Enfin, il faudrait assurer une double tutelle de la part d'organismes reconnus comme la Haute Autorité de santé - le National institute for clinical excellence anglais (Nice) a sur ce sujet effectué un travail remarquable - et de commissions paritaires régionales qui sont de bons outils de dialogue social.

Il est certain que la T2A conduit à réorienter l'activité vers des actes répétitifs et vers la chirurgie ambulatoire, ce qui contribue à redessiner le parcours de soins des patients. Il faut cependant se poser la question de la pertinence stratégique des actes réalisés. L'hôpital dans lequel j'exerce en Seine-Saint-Denis est situé dans une zone très défavorisée où les pathologies cancéreuses sont fréquentes. Or les incitations au développement des actes en ambulatoire et bien cotés détournent les chirurgiens thoraciques et vasculaires du temps qu'ils devraient consacrer à la prise en charge des cancers du poumon. La T2A ne permet pas de définir les actes stratégiques des hôpitaux en fonction des caractéristiques de leur territoire. Le rapport Leonetti sur l'évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie apporte un éclairage intéressant sur le caractère inflationniste de la T2A. Deux types d'actes chirurgicaux ont été comparés avant et après l'introduction de la T2A : concernant les chirurgies de l'hypophyse, le nombre d'actes réalisés est resté stable ; pour ce qui est des chirurgies de la vésicule biliaire, le nombre d'actes a explosé en raison d'une incitation mécanique liée au mode de financement.

Je développerai quelques pistes de réflexion pour le futur. Tout d'abord, nous allons vers le développement de comportements bien plus consuméristes de la part des patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Ces comportements traduisent aussi le fait que les patients sont davantage informés.

Debut de section - Permalien
Sadek Beloucif, membre du conseil d'administration du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), président du syndicat des professeurs des universités praticiens hospitaliers d'anesthésie réanimation

En effet, la moitié des patients qui viennent consulter dans mon hôpital se sont renseignés au préalable sur Internet. L'information est en soi une bonne chose mais elle peut avoir des effets pervers si elle conduit à l'apparition de niches pour certains types de pathologies. Il est fréquent de dire que la qualité de l'offre de soins pour le cancer de la prostate est sans doute liée au fait que les élus qui font la loi sont en général des hommes d'âge mur.

Un deuxième point d'attention pour le futur découle de la révolution de la relation entre soignants et soignés. Elias Zerhouni, avant de diriger le National Institutes of Health (NIH), a réalisé une étude montrant qu'à la fin des années 1970, un patient était en moyenne soigné par 2,5 ETP, médecins et infirmiers, contre plus de quinze à la fin des années 1990. Se pose la question des mécanismes de régulation du parcours de soins et d'optimisation de la communication entre les soignants pour éviter d'entrer dans une logique qui ne sera plus seulement inflationniste mais source de gaspillage. On retrouve ici la nécessité de réfléchir à un parcours de soins qui soit capable d'assurer la pertinence des actes et de lutter contre les effets inflationnistes de la T2A.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je retiens l'idée développée par Nicole Smolski selon laquelle la France, contrairement aux Etats-Unis, ne prend pas suffisamment en compte les gains pour la société des actes médicaux. Je note également la distinction qui a été faite entre l'intérêt de l'établissement et celui des patients, qui ne se recoupent pas nécessairement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Il ressort de vos interventions que la mise en oeuvre de la T2A ne peut pas être dissociée de l'économie d'ensemble de la loi HPST. Selon vous, le volet « qualité des soins » est inexistant - il n'y a d'ailleurs pas d'indicateurs de qualité - et l'approche comptable peut induire une course à l'activité, voire une sélection des pathologies, dans l'intérêt de l'établissement, mais au détriment de la prise en charge globale du patient. A vos yeux, cela n'est pas étranger au désintérêt croissant pour les carrières de praticiens hospitaliers et nous avons constaté l'ampleur du taux d'emplois statutaires vacants lors d'une récente proposition de loi relative au recrutement de médecins étrangers.

Pouvez-vous nous donner votre avis sur le mécanisme complexe, et par certains côtés très technocratique, permettant d'établir les 2 300 tarifs en vigueur dans les établissements de santé à l'issue de chaque campagne tarifaire, suite au travail croisé de l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) et de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) ? L'échantillon d'établissements volontaires sélectionnés par l'Atih pour établir une échelle nationale des coûts (ENC) doit-il être simplement amélioré ou plutôt complètement revu ?

Il nous a été précisé par Atih qu'une nouvelle méthodologie avait été mise en oeuvre en 2011 pour établir les tarifs afin de leur donner plus de lisibilité et d'éviter un changement systématique d'une année sur l'autre. Avez-vous perçu les effets de cette nouvelle méthode ?

Constatez-vous que certaines activités sont sur-financées par rapport à l'échelle des coûts ? Et si oui, suggéreriez-vous que ce sur-financement profite en particulier aux CHU lorsqu'ils exercent des activités d'hôpitaux de proximité ? Pourrait-on dire par ailleurs que ces sur-financements sont organisés à dessein pour prendre en compte des exigences de santé publique ?

Debut de section - Permalien
André Elhadad, président-adjoint du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP)

Nous avons 2 300 GHS. Cela peut paraître beaucoup, mais l'Allemagne en a huit mille à neuf mille. Je crois que nous sommes parvenus à un compromis raisonnable qui permet de tenir compte de la variété de la pratique médicale et d'éviter la tyrannie des moyennes. En revanche, la méthodologie d'établissement des coûts reste opaque et les utilisateurs finaux sont trop peu associés. Il faudra corriger cela. L'enquête nationale des coûts s'appuie sur un échantillon beaucoup trop réduit. Il faut mettre en place des incitations, d'autant que la comptabilité analytique est aujourd'hui pratiquement généralisée dans les hôpitaux.

Certaines activités qui répondent pourtant à des besoins très bien identifiés sont sous-tarifées : la néonatologie, la réanimation, certaines chirurgies lourdes, la neurochirurgie ... Il faut rappeler que la T2A n'a pas vocation à refléter un coût moyen, car les tarifs doivent inciter les hôpitaux à se réorganiser et à améliorer leur performance. La plupart l'ont fait, mais beaucoup d'espoirs avaient été mis, avec la loi HPST, dans une approche territoriale de la performance, par des restructurations et mutualisations au niveau régional. Les résultats sont en deçà des attentes, même s'il faut tenir compte de la montée en puissance encore inachevée des ARS.

Faut-il remplacer la T2A par une tarification au parcours ? L'idée est extrêmement séduisante, mais je mets en garde mes confrères qui, dans le même temps, réclament de la stabilité après plusieurs années de réforme de la tarification. La tarification d'un parcours de soins poserait des problèmes identiques à ceux que nous connaissons pour la tarification des séjours. Il faudra de surcroît établir des clefs de répartition entre les différents types de prise en charge. On peut sans doute mener des expérimentations, et essayer d'en tirer le meilleur. Mais ne croyons pas que ce serait la panacée.

Commençons par apporter à la T2A les correctifs qui s'imposent en matière de pertinence et de qualité des soins. Accélérons résolument les travaux sur la mise en place d'indicateurs de qualité. Enfin, intégrons dans les missions d'intérêt général la dimension sociale, la prévention, la recherche effectuée dans les hôpitaux généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Vous préconisez finalement une part de financement accrue pour les missions d'intérêt général, au détriment de la T2A, puisque tout ceci se conçoit dans une enveloppe fermée qu'est l'Ondam.

Debut de section - Permalien
André Elhadad, président-adjoint du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP)

Nous butons en effet sur la contrainte économique. Mais il faut pouvoir répondre plus précisément à des besoins qui ne sont pas pris en compte par la T2A. La France est l'un des seuls pays à avoir opté pour un financement intégral à l'activité. Dans les autres pays, et indépendamment des missions d'intérêt général, la part de tarification à l'activité s'établit à 65 % ou 70 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

S'agissant de l'opacité des tarifs, nous avons été alertés sur les difficultés liées à la tarification respective de la réanimation, des soins intensifs et de la surveillance continue.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

L'admission en soins intensifs ou en surveillance continue est subordonnée à l'accomplissement de certains actes marqueurs figurant sur des listes qui sont modifiées d'une année sur l'autre, selon des critères peu compréhensibles.

Debut de section - Permalien
Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar)

Effectivement, cela rend le fonctionnement des services particulièrement difficile, puisqu'il faut se reporter à une nomenclature complexe d'actes marqueurs pour admettre les patients en réanimation, en soins intensifs ou en surveillance continue.

Debut de section - Permalien
François Fraisse, vice-président de la coordination médicale hospitalière (CMH)

Ce type d'activité est financé par une indemnité journalière qui se surajoute au séjour. L'accès à la tarification en réanimation est subordonné à des actes marqueurs de gravité. L'ambigüité est beaucoup plus grande entre les soins intensifs et la surveillance continue. Certaines activités de soins intensifs supposent des moyens lourds, par exemple en cardiologie interventionnelle ou en neurovasculaire. D'autres ne requièrent pas de tels moyens et ne présentent pas de réelle spécificité par rapport à une unité de surveillance continue. Il sera nécessaire de revoir cette classification. Ce type d'activité est conditionné par une certaine masse critique de patients, qui justifie la mise en place de moyens lourds, d'équipes médicales spécialisées et d'une permanence des soins. Les situations varient selon la nature de l'établissement et son dimensionnement.

Je reviens sur les imperfections de l'enquête nationale des coûts. Actuellement, nous ignorons quel est l'écart type entre les différents hôpitaux de l'échantillon pour chaque groupe homogène de malades (GHM). C'est une donnée essentielle, car si les données de coûts sont regroupées, on peut supposer qu'elles sont représentatives pour l'ensemble des établissements. En revanche, un écart type important témoigne d'une grande hétérogénéité des coûts. Celle-ci tient moins aux différences de pratiques médicales, qu'à la nature des séjours et des patients. Ainsi, la part des séjours non programmés peut varier de 25 % à 60 % selon les établissements, or ce type de séjours induit des coûts bien supérieurs. De même, le pourcentage de patients admis en hospitalisation après s'être présentés aux urgences est révélateur d'un environnement social qui pèse sur la prise en charge.

J'estime qu'il n'était pas judicieux de financer les surcoûts liés à la précarité par une mission d'intérêt général. De surcroît, les critères retenus, à savoir la proportion de bénéficiaires de la couverture maladie universelle ou de l'aide médicale d'Etat, ne sont pas les plus pertinents. Il existe de bien meilleurs indicateurs de la précarité ou de la vulnérabilité sociale, notamment l'indice Epices (évaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les centres d'examens de santé). Le niveau de dépendance d'un patient conditionne également la capacité à retourner rapidement au domicile. La précarité devrait faire l'objet d'une prise en compte individuelle, et non d'un financement indemnitaire à travers les missions d'intérêt général (Mig).

Debut de section - Permalien
Rémy Couderc, secrétaire général de la coordination médicale hospitalière (CMH)

La T2A devait en théorie, non seulement améliorer l'efficience des établissements de santé, mais aussi assurer une plus grande transparence du financement des soins et ce faisant une plus grande équité, les actes équivalents percevant une rémunération identique. Mais l'équité ne peut être réelle que si la classification des patients est suffisamment fine.

La méthode de construction des coûts est historiquement fondée sur un panel d'une cinquantaine d'établissements représentatifs. Si elle est peu coûteuse, cette méthode pêche par une très grande hétérogénéité des coûts pour les pathologies les moins fréquentes. Le coût de l'accouchement par voie basse, pathologie très fréquente, a été établi à partir d'un échantillon de 30 000 à 33 000 données. Pour la leucémie aigüe lymphoblastique de type B, seuls 150 cas ont été analysés, ce qui entraîne nécessairement de l'hétérogénéité. Compte tenu des progrès accomplis par les établissements de santé en matière de comptabilité analytique, ne serait-il pas intéressant, pour les pathologies les moins fréquentes, de construire l'échelle de coûts, non pas à partir d'un panel d'hôpitaux, mais à partir des prises en charge effectivement constatées dans l'ensemble des établissements.

Debut de section - Permalien
Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar)

On fait peser sur les cliniciens des charges démesurées. Coder n'est pas notre métier, cela prend beaucoup du temps et la sanction pour l'établissement en cas de mauvais codage est immédiate. Je me pose par ailleurs la question des moyens donnés aux départements d'information médicale et du statut des médecins et des techniciens d'information médicale : comment s'assurer de la qualité de leur formation et de leur indépendance ? Ces personnels subissent des pressions fortes de la part de l'administration qui les oblige parfois à externaliser une partie de leur activité de traitement des données auprès de sociétés qui ne sont pas soumises au secret médical. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), que nous avons interrogée sur ce sujet, n'a pas été en mesure de nous apporter une réponse. Cela montre bien que la question pose problème. Certes, le codage est une responsabilité médicale et le médecin soignant doit y participer activement. Mais je crois qu'il faut réfléchir à une nouvelle articulation entre les intervenants afin de donner plus de place aux techniciens d'information médicale, pour une saisie au fil de l'eau.

Concernant l'échantillon utilisé pour construire l'échelle nationale des coûts, il est en effet nécessaire de le revoir. Pour prendre l'exemple des services de réanimation, le fait qu'ils soient dans l'ensemble sous-financés interpelle sur la façon dont sont calculés les coûts.

Je pense en effet qu'il existe des activités sur-financées, en particulier l'ambulatoire, pour le développement duquel s'exercent des pressions très fortes, au détriment d'une réflexion sur la qualité et la sécurité de la prise en charge des patients. On tente de suivre le modèle américain alors que les conditions de suivi des patients ne sont pas les mêmes : aux Etats-Unis, après une opération en ambulatoire, le patient est accueilli dans un hôtel hospitalier proche de l'établissement ; en France, il est directement renvoyé à son domicile.

Pour ce qui est de la permanence des soins, la tendance est à une division du travail de nuit et des week-ends entre la permanence des soins, qui sera financée, et la continuité des soins qui ne le sera plus. Il s'agit là d'une évolution dramatique car elle conduit à une désorganisation des hôpitaux : certains hôpitaux auront les crédits pour assurer la permanence des soins des patients extérieurs à l'hôpital alors même que la continuité des soins pour les patients déjà hospitalisés dans l'établissement ne sera plus financée. Certains hôpitaux sont d'ores et déjà en train de fermer des services de réanimation par manque de crédits. Effectuer une distinction entre permanence et continuité des soins constitue une mesure purement bureaucratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Vous abordez là un point important, pouvez-vous nous apporter plus de précisions ?

Debut de section - Permalien
François Fraisse, vice-président de la coordination médicale hospitalière (CMH)

La permanence des soins doit normalement s'appliquer aux patients qui se sont présentés aux urgences dans les douze heures précédentes. Elle ne couvre donc absolument pas les besoins structurels de suivi des malades. Or un service de réanimation, qu'il accueille ou non de nouveaux malades, doit assurer une permanence des soins pour suivre les patients déjà en réanimation. Je souscris totalement à ce qu'a dit Nicole Smolski : distinguer permanence et continuité des soins n'a pas de sens et va à l'encontre d'une sécurisation globale de l'hôpital.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Si je prends l'exemple d'un hôpital de taille moyenne, l'existence de son service des urgences n'est pas remise en cause. Il existe un service de traumatologie orthopédie avec des gardes assurées entre 18 heures et 8 heures du matin. Si l'on supprime le financement permettant d'assurer la continuité des soins, il n'y aura plus de gardes assurées la nuit pour ce service ?

Debut de section - Permalien
Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar)

Si l'on s'en tient à la définition administrative - qui n'est pas tout à fait la nôtre - la continuité des soins correspond à la prise en charge des patients qui présentent un problème médical alors qu'ils sont déjà hospitalisés tandis que la permanence des soins concerne la prise en charge des patients nouvellement admis. Avec l'évolution actuelle, il existera des financements pour les nouveaux patients et pas pour les patients déjà hospitalisés. On en arrive à des aberrations : par exemple, une femme hospitalisée en raison d'une grossesse pathologique et accouchant quatre jours après son admission relève de la continuité des soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Sur ce point, il me semble que l'existence même d'une maternité implique, selon la réglementation, l'existence d'une permanence des soins

Debut de section - Permalien
André Elhadad, président-adjoint du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP)

C'est la même chose pour les services de réanimation. Les hôpitaux ayant un service de réanimation sont aussi ceux qui doivent assurer la permanence des soins et leur financement pour cette mission doit relever d'une enveloppe dédiée.

Debut de section - Permalien
Sadek Beloucif, membre du conseil d'administration du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), président du syndicat des professeurs des universités praticiens hospitaliers d'anesthésie réanimation

Concernant le codage, le système est devenu trop technocratique et source d'une grande hétérogénéité. Je comprends qu'il faille être en mesure de couvrir l'ensemble des pathologies mais nous n'avons pas sur le terrain les outils pour coder correctement. Des dossiers identiques cotés par des médecins différents peuvent donner lieu à des écarts de codage allant jusqu'à 35 %. J'ai exercé pendant deux ans et demi aux Etats-Unis, eux sont parvenus à régler ce problème d'hétérogénéité du codage.

Debut de section - Permalien
Jacques Trévidic, vice-président de la confédération des praticiens des hôpitaux

Il ne faut pas oublier que la T2A n'est qu'un outil. Plus l'importance qu'on lui donne dans le financement des hôpitaux est importante, plus il est nécessaire de réduire l'hétérogénéité et d'augmenter le nombre de tarifs. Si l'on ramenait la part de financement T2A à une plus juste proportion, ces besoins seraient sans doute moins importants et le temps médical passé à coder serait réduit. L'établissement des tarifs est en effet particulièrement obscur, ce qui est sans doute lié au manque de représentativité de l'échantillon d'établissements.

Les sur-financements découlent quant à eux naturellement du fait d'afficher des tarifs : ceux-ci sont par nature plus ou moins favorables au développement de l'activité à laquelle ils s'appliquent.

Je partage les réserves exprimées par André Elhadad sur la tarification au parcours de soins. Se pose en particulier la question des clés de répartition qui devraient être appliquées entre les intervenants.

Debut de section - Permalien
Rachel Bocher, présidente de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH)

L'obsession pour les questions de financement et de comptabilité est source de perplexité chez les soignants. De surcroît, la loi HPST n'a pas permis d'adapter le système de santé aux besoins des patients. Nous avons évoqué les sur-financements, il existe également des sous-financements pour certaines spécialités, notamment l'addictologie, que je connais bien. Ces questions de financements contribuent à alimenter une guerre entre les pôles et ne permettent d'aborder les vrais enjeux que de façon parcellaire. Il y a un véritable problème d'organisation et d'adaptation des soins à des évolutions de long terme telles que la hausse du nombre de pathologies chroniques. Sur ce point, il convient de trouver des solutions de prise en charge en aval de l'hospitalisation. La question centrale est bien celle de la durée moyenne de séjour à l'hôpital et de l'organisation globale des soins qui est proposée aux patients.

Debut de section - Permalien
Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar)

Il faut avoir conscience que les Hospices civils de Lyon en sont désormais à comparer publiquement le nombre d'actes T2A produits par chaque médecin.

Debut de section - Permalien
Sadek Beloucif, membre du conseil d'administration du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), président du syndicat des professeurs des universités praticiens hospitaliers d'anesthésie réanimation

Je vous suggère d'assister à une démonstration de codage par un médecin. Les logiciels que nous utilisons sont préhistoriques ! Vous pourriez également auditionner les représentants syndicaux des internes. La désaffection des jeunes générations pour l'hôpital public s'explique moins par les questions de rémunération que par les difficultés du dialogue social et les contraintes bureaucratiques qui pèsent sur les praticiens. Je ne suis pas payé pour passer 25 minutes à coder les actes après une nuit de garde en réanimation !

Debut de section - Permalien
André Elhadad, président-adjoint du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP)

La misère de nos systèmes d'information constitue en effet un problème fondamental. Les logiciels sont rudimentaires, rigides, ils nous font perdre du temps. Ils n'ont tout simplement pas été conçus en tenant compte des besoins des utilisateurs.

Debut de section - Permalien
Sadek Beloucif, membre du conseil d'administration du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), président du syndicat des professeurs des universités praticiens hospitaliers d'anesthésie réanimation

Je mets plus de temps à coder les actes qu'à rédiger les comptes rendus médicaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous avons assisté à une démonstration à Lille à partir du logiciel Cora. Le système est en effet très complexe.

Debut de section - Permalien
François Fraisse, vice-président de la coordination médicale hospitalière (CMH)

Cette complexité vient notamment du fait que, plus la situation du patient est grave, plus les possibilités de codage sont nombreuses. Pour des patients en réanimation qui présentent plusieurs défaillances d'organes, il est nécessaire d'effectuer plusieurs hypothèses de diagnostic principal, d'associer en fonction de ces hypothèses des comorbidités, avant de choisir le codage le plus adapté. Les variations entre hypothèses de codage, si elles sont moins nombreuses qu'autrefois, restent aujourd'hui importantes.

Par ailleurs, concernant les malades lourds, le système actuel de codage ne permet pas, une fois que le diagnostic principal et donc le GHS ont été déterminés, de distinguer le patient dont la situation est grave de celui dont la situation est gravissime et nécessite la mobilisation de moyens humains beaucoup plus importants. Cela conduit certains services à mêler soins continus et réanimation de façon à mieux adapter les personnels mobilisés aux besoins. Il s'agit pourtant là d'une aberration par rapport à l'esprit de la T2A.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

L'existence de certaines normes en matière de nombre de médecins ou d'infirmière a été citée pour les services de réanimation. En est-il de même pour les blocs opératoires ? Il semblerait que ceux-ci aient été affectés par des réductions de personnels liées aux restructurations.

Debut de section - Permalien
Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar)

Effectivement, il n'existe malheureusement pas, pour les blocs opératoires, de normes analogues à celles imposées pour les services de réanimation. Je peux témoigner des pressions qui s'exercent, dans certains établissements, sur les praticiens anesthésistes-réanimateurs, afin qu'ils interviennent simultanément sur plusieurs salles d'opérations. C'est une possibilité que nous pouvons envisager au cas par cas, en fonction du type de chirurgie et de patient, et s'il y a au moins un infirmier anesthésiste dans chaque salle. On veut désormais que cette simple possibilité organisationnelle devienne la norme, au risque d'exposer dangereusement la sécurité des patients et de nuire à la sérénité des équipes chirurgicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

S'agissant du codage, s'il n'est pas suffisamment complet, l'établissement est pénalisé sur ces ressources. A l'inverse, le sur-codage expose à un redressement par l'assurance maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Les contrôles de l'assurance maladie s'effectuent-ils dans un climat de suspicion ?

Debut de section - Permalien
Sadek Beloucif, membre du conseil d'administration du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), président du syndicat des professeurs des universités praticiens hospitaliers d'anesthésie réanimation

Généralement, les révisions opérées par l'assurance maladie correspondent à des erreurs de codage, et non à des surévaluations intentionnelles.

Debut de section - Permalien
François Fraisse, vice-président de la coordination médicale hospitalière (CMH)

Pour ma part, j'estime que les contrôles de l'assurance maladie s'apparentent à un véritable racket. C'est exactement comme les radars placés dans les zones où les limitations de vitesse sont les moins faciles à respecter ! Les contrôleurs ont un objectif de rendement. Ces contrôles ne tiennent aucun compte du bon sens clinique dans la prise en charge des patients. Il y a beaucoup plus de situation de sous-codage que de sur-codage. La Cnam privilégie les contrôles sur les séjours pour lesquels la tarification comporte des ambigüités ou les situations marginales. Par exemple, en matière d'intoxication médicamenteuse, la tarification est uniforme, que le patient ait seulement absorbé quelques comprimés en excès ou qu'il soit dans un état gravissime à la suite de la prise volontaire de doses massives. Or dans les deux cas, le niveau de prise en charge n'est évidemment pas le même. Les contrôleurs ciblent cette faille de la tarification, puis ils extrapolent les corrections à l'ensemble des séjours dans le GHM considéré.

Debut de section - Permalien
Jacques Trévidic, vice-président de la confédération des praticiens des hôpitaux

Nous constatons une grande hétérogénéité des contrôles selon les régions. Cela n'est pas normal. L'absence de caractère contradictoire pose également un problème, alors que la décision finale revient au payeur.

Debut de section - Permalien
Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar)

Il serait nécessaire de réfléchir à la pertinence des actes au niveau régional. Ce travail devrait être effectué en amont par l'assurance maladie. Il existe des différences injustifiées entre régions sur la fréquence de certains actes, comme les endoscopies digestives.

Debut de section - Permalien
Rachel Bocher, présidente de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH)

La méthodologie des contrôles de l'assurance maladie est à revoir. Ces contrôles pourraient avoir une véritable valeur pédagogique. Ils devraient être plus fréquents, plus précoces, et s'effectuer dans un esprit de dialogue.

Debut de section - Permalien
François Fraisse, vice-président de la coordination médicale hospitalière (CMH)

Les mémoires en défense des médecins DIM ne sont pas réellement examinés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Les représentants des commissions médicales d'établissement n'ont pas remis en cause le principe de la T2A, tout en estimant qu'il fallait en améliorer les modalités. Comment rendre le système plus intelligent ?

Debut de section - Permalien
Jacques Trévidic, vice-président de la confédération des praticiens des hôpitaux

Nous ne remettons pas en cause la T2A, mais la part qu'elle a prise dans le financement des établissements. Par ailleurs, le codage est excessivement consommateur en temps médical. Il faut introduire des éléments de qualité et de pertinence - deux notions bien distinctes - dans la tarification.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La T2A ne représente pas 100 % du financement des établissements.

Debut de section - Permalien
André Elhadad, président-adjoint du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP)

Elle représente l'intégralité de la part du financement soumise aux tarifs, hors Migac. En Allemagne, les financements autres qu'à l'activité représentent 30 % des ressources des établissements. En France, nous sommes loin de ce chiffre. Il faut accroître la part consacrée aux Mig, entendues dans le sens large d'une enveloppe de service public. Celle-ci ne devrait pas privilégier les CHU, mais prendre en compte, pour tous les établissements, les facteurs liés à l'environnement social des patients, à l'isolement ou à la mission de prévention.

Debut de section - Permalien
Sadek Beloucif, membre du conseil d'administration du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), président du syndicat des professeurs des universités praticiens hospitaliers d'anesthésie réanimation

La T2A se justifie pour les actes techniques, mais il faut un meilleur encadrement pour ceux qui présentent un caractère répétitif. Je citerai le cas extrême d'une patiente qui avait consulté soixante psychiatres en deux mois, sans que l'assurance maladie ne fasse obstacle aux remboursements. De même, la prise ne charge est limitée à trois échographies par obstétricien durant la grossesse, mais rien n'empêche de consulter plusieurs obstétriciens et d'être remboursé. C'est pourquoi il faut impérativement lier le financement au parcours de soins.

Debut de section - Permalien
Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar)

La T2A est adaptée aux actes modélisables, mais tous ne le sont pas, et il faut laisser une part à l'humain. La pertinence des soins, appréciée aux niveaux national et régional, et la qualité des soins, sont des facteurs à prendre en compte.

Debut de section - Permalien
Rémy Couderc, secrétaire général de la coordination médicale hospitalière (CMH)

La T2A n'est qu'un outil. C'est sa mise en oeuvre dans le contexte plus général de la loi HPST qui crée des difficultés. Il faut remettre le médecin au coeur de l'organisation de l'hôpital.

Debut de section - Permalien
Rachel Bocher, présidente de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH)

Le problème est moins la T2A que la loi HPST. La T2A est un meilleur outil que la dotation globale.

Debut de section - Permalien
François Fraisse, vice-président de la coordination médicale hospitalière (CMH)

Les aides à la contractualisation soulèvent également des difficultés. Certaines activités innovantes ont été développées grâce à des aides à la contractualisation qui ont été brutalement interrompues par la suite.

Debut de section - Permalien
Rémy Couderc, secrétaire général de la coordination médicale hospitalière (CMH)

Je voudrais également mentionner la situation spécifique de la biologie. Les actes ne sont pas tarifés, mais sont couverts par un pourcentage forfaitaire sur chaque GHM. Il existe cependant des actes de biologie spécialisés hors nomenclature, qui entrent en principe dans les dotations Migac. Il est difficile d'admettre que des actes bien identifiés, dont on peut mesurer les coûts, relèvent d'une enveloppe qui peut être remise en cause pour des raisons politiques ou économiques, avec le risque potentiel qu'ils ne soient finalement pas payés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je vous prie de bien vouloir excuser mon arrivée tardive, due à des perturbations du trafic ferroviaire. La loi HPST a été mise en cause. Je rappelle que le Sénat a largement rectifié le texte issu de l'Assemblée nationale, qui faisait aux médecins une place encore mois importante que celle prévue par la loi définitive. M. Elhadad estime qu'il serait raisonnable d'aboutir à un rapport 70 %-30 % entre le financement à l'activité et les dotations forfaitaires. Il me semble que nous n'en sommes pas si loin en France actuellement.