Je suis heureux d'accueillir Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui est accompagné de Michel Braunstein, président de section, de Stéphanie Bigas et de Daniel Vasseur, conseillers référendaires. Nous consacrons en effet cette première réunion de la Mecss de 2012 à la présentation par la Cour de l'étude qu'elle a réalisée, à la demande de notre commission des affaires sociales, sur les dépenses de l'assurance maladie hors prise en charge des soins. Cette enquête avait été sollicitée il y a un an par la présidente Muguette Dini, afin d'avoir une vision plus claire des différentes dépenses incombant à l'assurance maladie.
En dehors de la mission essentielle de remboursement des soins et des charges de gestion administrative, l'assurance maladie supporte en effet un certain nombre d'autres dépenses dont on parle moins et sur lesquelles nous manquons d'éléments d'analyse. Malgré des montants modestes au regard des grandes masses financières de l'assurance maladie, elles ne sont pas négligeables et peuvent susciter diverses questions. Est-il fondé de les imputer à l'assurance maladie ? Certaines sont-elles indues, l'Etat s'est-il déchargé de dépenses qui lui incombaient ? Quel est le poids financier de ces dépenses « accessoires » dans les comptes de l'assurance maladie ? Dans quelle mesure contribuent-elles à la progression globale des dépenses sociales ? Sont-elles suffisamment contrôlées et maîtrisées ? Enfin, répondent-elles aux buts poursuivis ? J'en suis persuadé, cette enquête va nous apporter des éléments de réponse et ouvrir des pistes d'amélioration et d'optimisation.
Il y a un an, votre commission nous a présenté une demande originale : examiner les dépenses prises en charge par le régime général d'assurance maladie qui ne correspondent pas directement à des remboursements de soins. Nous devions traiter des dépenses d'intervention et non pas des dépenses de gestion administrative. La Cour des comptes, qui n'avait jamais mené une telle approche, a donc examiné un agrégat de dépenses extrêmement diverses par leur nature comme par leur importance, allant de quelques dizaines de millions jusqu'à plusieurs milliards d'euros.
Ces dépenses sont non négligeables et leur diversité grandit. Elles se montent à 21 milliards, soit 13 % du total des dépenses d'assurance maladie du régime général. Cet agrégat correspond à des postes qui n'ont aucun rapport entre eux. Le plus important regroupe l'ensemble des transferts depuis le régime général d'assurance maladie vers d'autres organismes de sécurité sociale. A lui seul, il représente 18 milliards, dont 13 correspondent à la contribution de l'assurance maladie à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Les 3,4 milliards du deuxième bloc correspondent aux compensations démographiques entre régimes. Le troisième bloc (1,8 milliard) concerne la prise en charge de cotisations sociales de professionnels de santé conventionnés.
Parmi les autres actions, 850 millions sont consacrés à vingt-six fonds et entités diverses, deux fois plus nombreuses qu'il y a dix ans ; 400 millions vont aux actions de prévention ; les prestations régies par des conventions internationales représentent 350 millions ; enfin, 221 millions servent à des prestations d'action sanitaire et sociale. Il convient en outre de rajouter 1,1 milliard de pertes sur créances irrécouvrables - nous n'avons pas fait d'analyse particulière sur ces admissions en non-valeur, dont nous traitons au moment de la certification des comptes.
Il faut en réalité neutraliser une partie de ces dépenses pour appréhender la masse financière réelle. Les dépenses sont en effet artificiellement majorées par le fait que le régime général d'assurance maladie apporte depuis 2006 une contribution élevée - 12,9 milliards - à la CNSA, laquelle lui rembourse la prise en charge des soins en établissement pour les personnes âgées et handicapées. Le montant réel de dépenses hors soins se monte à 8,2 milliards, à comparer aux 140 milliards de prise en charge de soins : les ordres de grandeur sont extraordinairement différents.
Les dynamiques de dépenses sont également différentes : entre 2001 et 2010, l'enveloppe hors soins a augmenté deux fois moins vite que celle dédiée aux soins : respectivement 22 % et 50 %. Au sein de cette enveloppe, les mouvements ont été divers : les charges de compensation et les charges liées aux cotisations sociales des praticiens auxiliaires médicaux ont fortement augmenté. Dans le même temps, les dépenses d'action sanitaire et sociale ont diminué sous l'effet d'un changement de périmètre et d'un transfert sur d'autres lignes budgétaires.
Pour résumer, un agrégat par défaut de 21 milliards en brut, 8 milliards en net ; une extrême diversité de prestations, rien ne reliant ces différentes enveloppes.
Quant à l'utilisation de ces financements, les charges dites indues nous ont semblé relativement peu importantes. La quasi-totalité des dépenses financées sur cette enveloppe de 8,2 milliards est en relation avec l'assurance maladie. Les charges indues tiennent à des compensations créées au début des années 60 afin de faire jouer la solidarité financière entre régimes. Ce système a évolué, notamment à la suite des propositions de la Cour des comptes dans son rapport sur l'application de la loi de financement pour 2010. La compensation généralisée a été supprimée par la loi de financement pour 2011, mais est resté en place le système des compensations bilatérales entre le régime général et quatre régimes spéciaux de salariés : ceux de la SNCF, de la RATP, des mines et des clercs de notaires. La Cour des comptes avait constaté en 2010 que ces transferts n'étaient pas calculés selon les dispositions règlementaires en fonction de la cotisation sociale généralisée (CSG) réellement perçue par les régimes bénéficiaires, mais sur le montant de la cotisation salariale qu'ils auraient touchée si la CSG n'avait pas été mise en place. La Cour considère que ces compensations bilatérales font peser sur la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) une charge injustifiée évaluée à 564 millions pour 2009. Ce dispositif a été maintenu, mais l'article 3 de la loi de financement pour 2012 prévoit un allègement de cette charge d'une centaine de millions.
Nous avons identifié des charges contestables : aucune doctrine ne distingue les structures appelées à être financées par l'Etat de celles relevant d'un financement par l'assurance maladie. Trois contributions de l'assurance maladie posent néanmoins problème, à commencer par la prise en charge du financement du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. Alors que cette gestion était auparavant assurée par la direction des hôpitaux, le financement de l'établissement public national administratif créé pour gérer le corps des directeurs d'hôpitaux et celui des praticiens hospitaliers a été imputé sur l'assurance maladie et non pas sur des crédits budgétaires.
La deuxième contribution problématique est versée à l'établissement français du sang pour la procédure amiable d'indemnisation des victimes contaminées par le virus de l'hépatite C lors de transfusions sanguines.
Créée en 2009 pour vingt ans, la troisième contribution controversée va au comité de gestion des oeuvres sociales des établissements hospitaliers. Il s'agit en réalité de permettre au système de retraite supplémentaire de survivre. Ce régime sur-complémentaire a été en grande difficulté : on a gelé les prestations, augmenté les cotisations et l'on a décidé que l'assurance maladie verserait la subvention nécessaire.
Les montants de ces trois contributions restent néanmoins modestes, respectivement 15, 35 et 14 millions d'euros.
Cette enveloppe pose surtout des problèmes de périmètre et de pilotage. La nature des dépenses qui lui sont assignées se modifie en effet rapidement. Tel est le cas pour le fonds national d'action sanitaire et sociale (Fnass) dont beaucoup de dépenses ont été mises à la charge du risque maladie, du fonds CMU ou du nouveau fonds d'actions conventionnelles qui est chargé, depuis 2011, de gérer les crédits de la formation professionnelle. Il faudrait aller jusqu'au bout de cette politique de recentrage : pour quelles raisons certaines dépenses de cure thermale restent-elles ainsi à sa charge ? De même, la typologie des aides financières individuelles pourrait être actualisée.
Le fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS) connaît aussi des problèmes de périmètre. Ses crédits ont augmenté au cours des dix dernières années, en raison des dotations de l'assurance maladie à l'institut national de prévention et d'éducation en santé. Le problème tient au financement par ce fonds des centres d'examen de santé des caisses locales d'assurance maladie à hauteur de 154 millions en 2010. Cette somme est en progression importante depuis dix ans. Dans son rapport sur l'application des lois de financement pour 2009, la Cour avait regardé leur gestion et leur apport, et conclu que leur utilité pouvait apparaître contestable et qu'il était souhaitable de les transformer en centres de soins. Pour autant, ce fonds ne recouvre qu'une part infime des dépenses de l'assurance maladie en faveur de la prévention sanitaire. En septembre, nous avons remis à la Mecss de l'Assemblée nationale un rapport sur la prévention sanitaire où nous avons essayé de quantifier l'effort en matière de prévention de l'assurance maladie. L'essentiel de la contribution de l'assurance maladie à la politique de prévention passe directement par le risque (les consultations des généralistes et des spécialistes mais aussi les dépistages). Cet effort global de l'assurance maladie en faveur de la prévention ne fait pas l'objet d'évaluations très précises : la dernière remonte à 2002 et l'évaluait à 5,7 milliards. Or, la dotation du FNPEIS est d'un montant dix fois inférieur. Il ne retrace donc pas la politique de prévention menée par l'assurance maladie.
Problèmes de périmètre, donc, mais aussi de pilotage. Le principal concerne le rôle de l'assurance maladie face aux vingt-six fonds et entités qu'elle finance. Si l'assurance maladie n'a pas de politique d'ensemble, ses contributions sont focalisées sur trois secteurs : 200 millions concernent des établissements et des fonds agissant dans le secteur hospitalier ; 325 millions financent des institutions intervenant dans le domaine de la santé publique ; enfin, un ensemble beaucoup plus disparate concerne des organismes destinés à promouvoir l'optimisation des soins et mobilise 430 millions.
L'évolution de ces fonds est assez erratique. Une partie de ces financements est soumis à un encadrement pluriannuel mais beaucoup sont hors objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). Ces dotations devraient faire l'objet d'un encadrement pluriannuel dans le cadre de la convention d'objectif et de gestion entre l'Etat et la Cnam en intégrant des mécanismes de révision et en clarifiant les règles de répartition entre l'Etat et l'assurance maladie. Cela semble d'autant plus nécessaire que divers fonds ont constitué des réserves. C'est notamment le cas du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp) qui percevait chaque année 347 millions. Une partie de sa réserve a fait l'objet d'une utilisation discutable : les pouvoirs publics ont attribué à des établissements ou à des institutions publiques et privées des subventions exceptionnelles qui auraient du être financées dans des conditions de droit commun. Le dispositif a été modifié à l'occasion de la loi de financement pour 2010 et ces fonds ont été en partie récupérés. La loi de financement pour 2012 vient de ramener la dotation du Fmespp de 347 millions à 290 millions, suivant la règle de déchéance quadriennale. La Cour a constaté que l'article 65 de la loi de financement pour 2012 crée un fonds d'intervention régional pour une dépense plus efficiente du point de vue de la continuité et de la qualité des soins. Financé en 2012 grâce à une partie des crédits dévolus au Fmespp ainsi qu'à d'autres fonds, ce Fir assurera une fongibilité des dotations de l'assurance maladie sous la responsabilité des directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS).
Les montants en jeu avec les cotisations sociales des praticiens et auxiliaires médicaux sont importants : 1,8 milliard pour le régime général et 2 milliards pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie. Voilà des avantages sociaux importants résultant du cumul de mesures prises à différents moments. En 1960, la quasi-totalité des cotisations d'assurance maladie dues par les professionnels du secteur 1 a été prise en charge afin d'inciter les professionnels à se conventionner. De plus, la cotisation personnelle d'allocation familiale due par les médecins de secteur 1 est partiellement prise en charge : 5 points sur 5,4 points sous le plafond de la sécurité sociale et 2,9 points au-dessus ; cette prise en charge a été instituée en 1990 en contrepartie du gel du secteur 2. Enfin, les cotisations des praticiens auxiliaires médicaux du secteur 1 dues au titre des différents régimes obligatoires d'assurance vieillesse complémentaire sont prises en charge à hauteur des deux tiers.
Le coût de ces prises en charge a augmenté de 13 % depuis 2003 et devrait continuer à croître, dans la mesure où il s'agit d'une indexation sur la masse des honoraires sans dépassement. Elles représentent une part substantielle mais très inégale du revenu des professionnels concernés : 7 % du revenu des chirurgiens dentistes et 18 % de celui des médecins généralistes du secteur 1 qui en sont les principaux bénéficiaires.
Pour l'assurance maladie, ces prises en charge ont contribué à la revalorisation des revenus des professionnels et elles ont l'avantage de ne pas peser directement sur les assurés sociaux, car il n'y a évidemment pas de ticket modérateur comme pour la revalorisation des lettres clés. Pour un médecin du secteur 1, la prise en charge des cotisations sociales correspond à une majoration de la lettre C de 3,38 euros en-dessous et de 2,90 euros au-dessus du plafond de la sécurité sociale, montant qu'il faut rapprocher des 23 euros de la consultation.
La Cour des comptes estime que ces sommes, malgré leur montant, ne jouent plus qu'un rôle mineur dans la politique conventionnelle menée par l'assurance maladie. Les justifications historiques ont progressivement disparu et ces prises en charge n'ont aucune incidence sur les adhésions à la convention médicale, d'autant que seul un petit nombre de médecins peut aujourd'hui adhérer au secteur 2. De plus, elles ne limitent en rien le coût des soins pour les patients, faute de régulation des dépassements conventionnels. La Cour a suggéré l'an dernier une modulation en fonction du lieu d'implantation des professionnels de santé : ceux installés dans les zones les plus denses bénéficieraient d'une prise en charge réduite et ceux s'installant dans les déserts médicaux, de taux majorés. Un tel système serait progressif et reposerait sur une cartographie rénovée.
La Cour des comptes s'est également interrogée sur la liberté de choix d'affiliation laissée aux professionnels de secteur 2 qui peuvent, c'est une singularité, adhérer au système du régime social des indépendants (RSI), plus avantageux que le régime général. Cette liberté de choix n'est pas équitable car elle n'a pas pour contrepartie la régulation des dépassements des honoraires du secteur 2.
Ces différents constats nous conduisent à formuler onze recommandations : les deux premières visent à clarifier les périmètres du Fnass et du fonds national de prévention ; les quatre suivantes ont pour objet de mieux encadrer les dotations de l'assurance maladie aux fonds et entités extérieures ; la septième concerne le mode de calcul des compensations bilatérales pour éviter les charges indues ; les quatre dernières portent sur la façon dont pourrait être réexaminée la prise en charge conventionnelle des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux.
Merci pour cet exposé.
Les médecins du secteur 1 sont obligatoirement affiliés au régime des praticiens conventionnés alors que ceux du secteur 2 peuvent choisir entre ce régime et le RSI dont les taux de cotisation sont inférieurs d'environ un tiers, avez-vous dit. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette singularité ?
Dans le rapport, vous indiquez que certains revenus des professionnels de santé peuvent échapper aux cotisations sociales. Pouvez-vous indiquer les types de revenus concernés et les raisons de cet état de fait ? L'assurance maladie prendrait parfois en charge indument des remboursements relatifs à ces revenus : pouvez-vous préciser ?
Peut-on, grâce à la prise en charge des cotisations, limiter les dépassements d'honoraires et réguler la répartition territoriale des professionnels ? Le directeur général de la Cnam estime qu'une modulation des prises en charge ne ferait que pénaliser les praticiens du secteur 1 et accentuer l'attractivité du secteur 2.
Que lui répondez-vous ? La réforme du secteur optionnel va-t-elle se traduire, pour l'assurance maladie, par une prise en charge accrue de cotisations de praticiens du secteur 2 ?
La liberté de choix d'affiliation des médecins du secteur 2 constitue la seule exception au principe d'affiliation obligatoire à un régime donné. La quasi-totalité des médecins du secteur 2 sont affiliés au RSI qui assure désormais une protection équivalente à celle du régime général avec des cotisations inférieures. Il en résulte des moins-values de recettes pour le régime général et les assurés n'en tirent pas bénéfice car l'affiliation au RSI n'a pas de contrepartie conventionnelle, ce qui n'est pas acceptable. Il convient sans doute de s'interroger sur une telle situation au regard de l'égal accès aux soins dans des conditions compatibles avec le niveau de revenu des intéressés.
Les revenus des professionnels de santé qui pourraient échapper aux cotisations sociales proviennent d'actes non remboursables qui ne figurent pas sur la feuille de soins. Il appartient aux praticiens concernés de les déclarer aux services fiscaux comme à l'Urssaf. Nous ne pouvons savoir si c'est effectivement le cas. Le système doit donc être affiné, notamment en prévoyant que tous les honoraires figurent sur les feuilles de soins.
Une prise en charge des cotisations en fonction de la démographie médicale ne se heurterait ni à des obstacles techniques, ni à des questions de principe. Une modulation continue encouragerait l'installation des médecins en zones sous-denses. Avec un système progressif, l'assurance maladie, qui dépense 2 milliards pour ces cotisations, pourrait fixer des objectifs précis.
Il est un peu tôt pour se prononcer sur la réforme du secteur optionnel. Elle devrait se traduire par une prise en charge supplémentaire de cotisations puisque les professionnels du secteur 2 en bénéficieront. En contrepartie, les dépassements seront réduits. Nous redoutons que cette réforme n'attire que des praticiens pratiquant des dépassements peu fréquents et peu élevés.
La gestion des vingt-six fonds démontre un certain laxisme de l'Etat. Vous soulignez l'absence de prévisibilité des dépenses ainsi que, le plus souvent, de clef de financement préétablie entre l'Etat et l'assurance maladie. Les contributions de l'assurance maladie sont souvent surestimées au regard des crédits consommés. Les dépenses augmentent, alors que la programmation semble inexistante. L'Etat ne se défausse-t-il pas de ses responsabilités sur l'assurance maladie ?
La proposition consistant à réserver le financement des cotisations sociales des médecins et des auxiliaires médicaux à certaines zones géographiques me laisse très sceptique; cela aboutirait à ce que des professionnels installés des deux côtés d'une même rue aient des niveaux de cotisations différents. C'est un faux problème, alors que l'on assiste à une diminution de l'assurance vieillesse supplémentaire d'année en année.
Ce type de mesure, qui ne saurait répondre au problème de la démographie médicale, poserait aussi et surtout la question très difficile de la définition du zonage pertinent. Sera-t-il régional, départemental, communal, voire infracommunal ? Ces discriminations entre les médecins seraient sans doute très problématiques d'un point de vue constitutionnel.
S'agissant de la participation au financement des vingt-six fonds et organismes extérieurs, vous évoquez l'exemple de l'établissement français du sang. La participation hors règlementation n'est-elle pas tout à fait minime par rapport à la dépense ? La question du financement de l'établissement des préparations et des réponses aux urgences sanitaires (Eprus) n'est pas nouvelle. Il en est de même de la constitution éventuelle d'un fonds de réserve. Il serait également intéressant de savoir si l'assurance maladie doit intervenir dans le financement de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) ou s'il incombe à l'Etat de s'en charger. Pour ma part, j'estime que si une contribution financière de l'assurance maladie peut être envisagée, dans la mesure où des établissements de ce type peuvent dégager des économies, leur supervision relève davantage de la responsabilité de l'Etat.
En ce qui concerne le transfert à la CNSA, confirmez-vous qu'il s'agit bien d'une opération dont l'impact financier est quasiment neutre ?
Ensuite, comment expliquez-vous la baisse du montant de la prise en charge des cotisations des praticiens au cours des années 2006 à 2008, puis sa remontée ? Enfin, s'agissant de la proposition de soumettre la prise en charge des cotisations pour les médecins en secteur 1 à des critères d'installation, que se passerait-il pour ceux qui sont déjà installés ?
Vous reconnaissez que les possibilités d'installation en secteur 2 se sont réduites, et je me suis même demandé si vous n'iriez pas, en conséquence, jusqu'à nous proposer purement et simplement la suppression de l'avantage bénéficiant aux médecins installés en secteur 1. Mais pas de procès d'intention : vous ne l'avez pas fait. Quoiqu'il en soit, il me semble essentiel de garder à l'esprit que cet avantage accordé aux praticiens est avant tout une compensation du blocage de la tarification de l'acte, la rémunération des actes cotés C ou Commission spéciale n'ayant par exemple pas progressé depuis plus d'une vingtaine d'années.
En illustration des propos précédents, j'indiquerai que lorsque j'étais jeune médecin, en 1978, mes actes étaient tarifés 37 francs, soit seulement trois fois moins que les niveaux actuels : le coût de la vie a augmenté bien plus vite.
S'agissant des centres d'examen, il m'est arrivé de recevoir des bilans de santé révélant des pathologies que je traitais depuis des années. Sans un meilleur ciblage, ces coûteux outils de dépistage resteront inefficaces.
Enfin, vous n'abordez pas la question des transports sanitaires. Comment répartir entre les conseils généraux et les caisses d'assurance maladie la prise en charge des transports sanitaires ? Commencer par appeler les pompiers est devenu un réflexe. Les interventions des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ont augmenté de 5 % ! La charge devient prohibitive pour les conseils généraux. Il faudrait trouver une solution.
Cette communication tout à fait intéressante n'aborde pas les véritables problèmes. Certes, l'assurance maladie est en règle générale réduite à un rôle de financeur obligé et passif, les règles de partage des financements entre l'Etat et l'assurance maladie sont insuffisamment formalisées, et l'on surestime souvent les contributions de l'assurance maladie au regard des crédits réellement consommés, mais n'oublie-t-on pas le problème de fond ? Notre système repose sur deux principes économiquement incompatibles, alliant une prescription libérale et des prestations socialisées. Tant que nous n'aurons pas trouvé un équilibre, nous aurons à faire face à des difficultés.
Je confirme le coût de l'augmentation des transports de personnes par les Sdis : dans mon département de la Meuse, sur neuf mille sorties par an, il y en a eu cinq cents de plus pour secours à personne par carence. Leur remboursement est bien passé de 105 à 112 euros, mais ce montant reste trois ou quatre fois inférieur au coût réel supporté par les Sdis, partant par le budget des collectivités - pour le plus grand bénéfice des organismes qui remboursent. En outre, les sapeurs-pompiers sont tenus d'être au nombre de trois alors que les ambulanciers privés ne sont généralement que deux.
Comment expliquer le niveau des cotisations RSI, inférieur d'un tiers à celui du régime général ? J'étais d'ailleurs persuadé que les prestations étaient de 50 % et non de 70 %.
Pourriez-vous nous préciser ce qu'il en est des critères d'inclusion des subventions dans le champ de l'Ondam et de son incidence sur la portée du contrôle parlementaire ? Quel est votre sentiment quant à l'évolution des fonds d'intervention régionaux constitués auprès des ARS ?
Vous avez indiqué que les actions du FNPEIS, qu'elles soient financées par l'Etat ou par l'assurance maladie, ne constituent qu'une fraction très limitée des dépenses de prévention ; une ventilation différente n'apporterait-elle pas davantage de cohérence et de lisibilité ?
Comment les choses se passent-elles dans les régions dépourvues de centre d'examens de santé ? Y a-t-il des formules susceptibles de compenser cette absence ?
Enfin, pourriez-vous nous indiquer la part du financement des cures thermales prise en charge au titre de la prévention des risques d'une part, et par le Fass d'autre part ?
Les domaines d'action des organismes et fonds extérieurs ne sont jamais sans lien avec l'intérêt financier de l'assurance maladie, mais le dynamisme de la dépense tient aussi à ce qu'elle est amenée à la financer sans avoir véritablement été partie prenante à la décision. On aurait pu se saisir de ce déséquilibre dans la convention d'objectif et de gestion qui la lie à l'Etat. Un phénomène d'échappement rend une régulation a priori encore plus nécessaire, ces sommes étant exclues de la norme de dépense de l'Etat, mais aussi de l'Ondam. Cela concerne les relations entre le pouvoir exécutif et l'assurance maladie, et intéresse le contrôle parlementaire.
La prise en charge des cotisations sociales des médecins et auxiliaires médicaux est considérée par les partenaires conventionnels eux-mêmes comme une dépense au service des objectifs conventionnels, même si elle est une manière autre qu'une revalorisation de la consultation d'assurer un revenu aux professionnels. C'est ainsi qu'il a fallu attendre notre rapport pour que, pour la première fois, on la mette en regard du coût de remboursement des tarifs des actes. De même, le niveau de ces tarifs n'a jamais été évoqué dans les récentes discussions autour de l'abondement de 190 millions d'euros sur trois ans pour renflouer l'assurance vieillesse supplémentaire. Pour notre part, nous considérons qu'il convient de décider clairement si ces prises en charge de cotisations constituent un élément complémentaire de revenu ou si, comme l'affirment les partenaires, elles demeurent un instrument au service de la convention d'assurance maladie et de son principal objectif, qui est traditionnellement la question entêtante d'un meilleur équilibre de l'implantation des professionnels de santé sur le territoire.
Toutefois, la modulation des cotisations ne constituerait alors qu'une action parmi d'autres, puisqu'il faudrait aussi traiter de l'isolement des professionnels, de la question de leur adossement à une structure, de la situation du conjoint...
Tout à fait. Mais l'intérêt est de préserver le choix de s'établir, chaque médecin définissant ce qui est le plus intéressant pour lui. Telles sont les conclusions auxquelles nous sommes parvenus dans le dernier rapport sur l'application de la loi de financement, tout en notant que l'augmentation du numerus clausus ne serait pas de nature à corriger les inégalités territoriales, au moins au cours des trente ans à venir.
La Cour des comptes vient de publier un rapport public thématique sur les Sdis en général. L'examen plus précis des transports sanitaires fera l'objet d'un chapitre du rapport sur l'application de la loi de financement que nous vous remettrons en septembre prochain.
Le fonds d'investissement régional ? A priori, l'idée de regrouper des financements afin de contribuer localement à l'amélioration de l'offre de soins, des actions de prévention ou encore de l'accompagnement des malades semble intéressante, mais nous jugerons l'arbre à ses fruits...
Le FNPEIS n'est peut-être pas un bon instrument. Il me semble surtout essentiel de mieux identifier la contribution de l'assurance maladie à la prévention. Il serait même utile que le Parlement dispose d'un document de politique transversale, rendant compte de cette politique fragmentée entre un nombre trop important de financeurs, et plus encore d'acteurs.
En dépit des tentatives de réorientation vers les populations en situation précaire, les centres d'examen de santé ne sont peut-être plus adaptés aux nouvelles priorités de la politique de santé publique. Les contrôles sur le terrain, effectués par exemple au centre d'examen de santé de Bobigny - caisse qui fait pourtant figure de référence - ont ainsi mis en évidence les difficultés à identifier les personnes prioritaires puis à les faire venir aux rendez-vous. En outre, la moitié des effectifs est constituée de personnels administratifs, n'intervenant pas directement dans les actions de prévention, tandis que le coût moyen des examens est en augmentation continue : il dépasse les 250 euros à Bobigny. L'accompagnement des personnes en situation de précarité serait aujourd'hui mieux réalisé dans le cadre de consultations de santé publique plutôt que par des rendez-vous dans ces centres d'examen.
La prise en charge des cures thermales est assurée au titre du risque pour les honoraires médicaux, par l'octroi d'un forfait thermal accordé sans condition de ressources. Le Fnass peut prendre en charge le transport et l'hébergement, sous condition de ressources. Il nous semblerait plus judicieux de laisser ces prestations à l'appréciation de chaque caisse primaire.
Quant à l'équilibre entre prescription libérale et prise en charge socialisée, c'est me semble-t-il l'objet du système conventionnel que de chercher à l'atteindre. Depuis les années 50, chaque convention a marqué une nouvelle étape. C'est ainsi que la précédente a vu la mise en place des contrats d'amélioration des pratiques individuelles, et par la forte participation des seize mille médecins signataires à des actions de santé publique - toutefois, ce dispositif, qui va être remplacé, ne pourra donner lieu à évaluation.
A la CNSA, seulement 500 millions viennent en section 2, pour compenser l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa), le reste va au forfait soin dans les établissements médico-sociaux et en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Je m'étonne que cette anomalie n'ait pas été ciblée.
Nos travaux portaient sur les dépenses de l'assurance maladie et non sur le financement de la CNSA.
Nous nous en sommes tenus à la question dont nous avions été saisis, ce qui a déjà été relativement complexe. En effet, alors que l'on a généralement tendance à se concentrer sur le financement des soins, qui constitue le coeur de l'action de l'assurance maladie, vous nous avez amenés à nous intéresser aux autres dépenses en les abordant d'une façon nouvelle, en nous demandant si elles répondaient à une logique précise ou si elles s'inscrivaient dans une dynamique particulière. Je crains que malgré nos efforts, nous n'ayons pas retrouvé que des morceaux du fil d'Ariane.
Nous vous remercions de la qualité et de la précision de vos réponses, et sommes assez satisfaits de voir que le thème retenu a pu être source d'interrogations et de perplexité, y compris pour la Cour des comptes.
La Mecss désigne :
Yves Daudigny, président, rapporteur sur l'étude de la Cour des comptes relative aux dépenses de l'assurance maladie hors prise en charge des soins ;
Jacky Le Menn et Alain Milon rapporteurs sur le financement des établissements de santé ;
Jean-Pierre Godefroy et Catherine Deroche rapporteurs sur le financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Je saisis l'occasion de ces nominations de rapporteurs pour vous indiquer que, compte tenu du calendrier annoncé pour l'examen d'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale sur les médecins étrangers, nous devons désigner très rapidement notre rapporteur. En effet, ce texte devrait venir en commission dès le 19 janvier pour un passage en séance publique le 24 janvier.
Il s'agit d'adopter en urgence une mesure que nous avions déjà votée en PLFSS l'an dernier mais qui a été invalidée par le Conseil constitutionnel au titre des cavaliers sociaux.
Pour ces motifs, je vous propose, si vous en êtes d'accord, que notre rapporteur général, Yves Daudigny, en soit le rapporteur. Nous confirmerons bien sûr cette nomination lors de notre prochaine réunion de commission du 18 janvier mais nous lui permettons ainsi de pouvoir commencer à travailler dès à présent.
Il en est ainsi décidé.