Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, pour échanger sur plusieurs projets actuellement soumis à consultation : la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
C'est l'occasion pour notre commission d'apprécier les premières mesures d'application concrète de la loi Énergie-Climat, récemment adoptée, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé.
Madame la ministre, avant de donner la parole à mes collègues, qui vous poseront leurs questions, assurément nombreuses, je souhaiterais vous faire part de mon sentiment sur notre stratégie énergétique et climatique.
Avant d'en venir précisément aux dispositions des projets précités, je voudrais faire une réflexion de nature plus institutionnelle.
Sous la Ve République, le Parlement fixe, à travers la loi, les principes et objectifs de la politique énergétique française. L'exécutif décline et précise ces objectifs dans différents documents programmatiques.
Or, lors de l'examen de la loi Énergie-climat, nous avons eu le sentiment d'une inversion de la hiérarchie des normes, le Gouvernement nous ayant proposé de décliner dans la loi les objectifs préalablement déterminés dans le projet de PPE.
Le nouveau projet que vous nous présentez prend en compte les dispositions de la loi, sous réserve de quelques points que nous examinerons, mais reste le sentiment, à sa lecture, que l'essentiel des objectifs stratégiques figure encore dans le décret, alors même qu'il devrait logiquement relever de la loi.
Je vous dis cela, non pour ressasser le passé - nous avons déjà eu l'occasion d'échanger autour de ce sentiment -, mais dans la perspective de la « loi quinquennale ». Il faut réfléchir, ensemble, aux éléments qui relèvent du débat démocratique devant la représentation nationale, donc de la loi, et à ceux qui relèvent de l'exécutif, donc du décret. Cela sera sans doute l'un des objectifs du suivi de l'application de la loi Énergie-Climat que nous effectuerons.
Mais venons-en aux projets de PPE et de SNBC.
S'agissant de la PPE, qui fixera de 2019 à 2028 les modalités d'action permettant d'atteindre nos objectifs énergétiques, je suis frappée par trois séries d'imprécisions sur des sujets pourtant cruciaux.
En premier lieu, le projet est muet sur la reprise éventuelle de la hausse de la composante carbone des taxes intérieures de consommation, hausse suspendue par la loi de finances pour 2019 face à l'ampleur de la contestation sociale qu'elle avait suscitée.
Le projet de PPE se contente d'évoquer des « mesures supplémentaires » nécessaires pour « obtenir des effets similaires à ceux de la composante carbone », qui s'appuieront notamment sur « les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ».
Quelle est l'intention du Gouvernement sur ce point ?
Pourriez-vous nous éclairer sur la façon dont les propositions de la Convention citoyenne - je comprends qu'elles relèveront tantôt de la loi, tantôt du décret, voire du référendum - s'articuleront avec la loi que nous venons d'adopter et le décret que vous venez nous présenter ? Peut-on imaginer que, dans deux mois, ces propositions viennent chambouler ces deux textes, dont l'encre est à peine sèche ?
En second lieu, le projet de PPE est flou sur le devenir de la filière nucléaire.
Alors que l'atteinte de l'objectif de 50 % de production d'électricité nucléaire en 2035 correspond à la fermeture de 14 réacteurs, selon l'étude d'impact et l'avis du Conseil d'État annexés à la loi Énergie-climat, la PPE évoque davantage de fermetures.
Il est indiqué, sous certaines hypothèses, que « la fermeture de deux réacteurs additionnels pourra intervenir à l'horizon 2025-2026, sur la base d'une décision à prendre en 2023 ».
Pouvez-vous nous éclairer sur cette hypothèse ? Quels seraient les réacteurs concernés ?
Plus largement, des questions importantes ne sont pas tranchées.
L'opportunité de lancer un programme de renouvellement du parc nucléaire est renvoyée à plus tard, la PPE se contentant d'évoquer la conduite par le Gouvernement et la filière d'un « programme de travail d'ici mi-2021 » et le lancement en parallèle d'une étude sur « la faisabilité technique d'un scénario 100 % renouvelable ».
Quel est l'état de votre réflexion sur ce sujet ? Quand le Gouvernement entend-il prendre une décision ?
S'agissant de la réforme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), aucun élément tangible ne figure dans la PPE, laquelle prévoit simplement que « le Gouvernement proposera les modalités d'une nouvelle régulation ».
Où en sont les négociations sur la réforme de l'Arenh, en particulier avec la Commission européenne ?
On lit dans la presse que le nouveau mécanisme contraindrait EDF à vendre la totalité de sa production - contre un quart aujourd'hui - à ses concurrents, avec un prix variant dans un « corridor », contre 42 euros aujourd'hui. Confirmez-vous ce schéma ?
Dans l'intervalle, doit-on s'attendre à un relèvement du plafonnement à 150 TWh du mécanisme de l'Arenh ou de son prix en fonction notamment de l'inflation, ainsi que vous y autorise la loi Énergie-Climat ?
En matière de recherche nucléaire, seules sont prévues des études sur le potentiel des petits réacteurs modulaires, dont le coût est plus faible que les réacteurs classiques, et un programme de R&D concourant à la fermeture du cycle, c'est-à-dire au remploi des déchets nucléaires comme combustibles.
Pourriez-vous nous apporter des précisions sur les objectifs, le calendrier et le financement de ces programmes ?
Je relève en revanche que la PPE prévoit explicitement le maintien « d'un éventuel déploiement industriel de parcs nucléaires à neutrons rapides ». La vigilance de notre commission quant au devenir du projet Astrid n'est peut-être pas étrangère à la modification sur ce point du projet de PPE - c'est en tous cas ce que nous nous plaisons à croire...
Enfin, pour ce qui concerne l'effort de formation, je relève que la filière nucléaire n'est pas même évoquée.
C'est regrettable, dans la mesure où le PDG d'EDF a identifié devant notre commission un déficit de compétences, notamment de soudeurs, comme l'une des causes des difficultés du chantier de l'EPR de Flamanville.
Ne pourrait-on pas valoriser davantage la filière nucléaire, notamment dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences ?
En troisième et dernier lieu, le projet de PPE ne comporte que des éléments très parcellaires sur son financement.
Dès lors, comment atteindre les objectifs affichés ?
Je pense, en particulier, à la rénovation énergétique de 2,5 millions de logements d'ici à 2023, au doublement des énergies renouvelables électriques d'ici à 2028 ou à l'acquisition de 1,2 million de véhicules électriques d'ici à 2023.
S'agissant de la SNBC, qui plafonne nos émissions de gaz à effet de serre dans des « budgets carbone » de 2019 à 2033, deux questions se posent.
D'une part, l'ambition affichée est-elle suffisante pour atteindre la « neutralité carbone » à l'horizon 2050 ?
Sur ce point, je rappelle que le Haut Conseil pour le climat (HCC) s'est ému de la faiblesse de la SNBC dans la mesure où les budgets carbone prévus jusqu'en 2028 sont supérieurs aux budgets actuels.
D'autre part, comment les professionnels peuvent-ils être accompagnés ? En effet, la SNBC s'appuie sur une baisse des émissions de gaz à effet de serre de moitié pour le secteur du bâtiment et d'un tiers pour celui du transport. Or le budget carbone actuel a été dépassé de 6 %, du fait de résultats moins bons que prévu dans ces secteurs particuliers.
Je vous remercie de nous apporter des éléments de réponse aussi précis que possible sur ces différents points, qui conditionnent la réussite de notre transition énergétique pour les prochaines années.
Avant de vous entendre, je passe la parole à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie ».
». - Je ne reviendrai pas sur les propos de notre présidente quant au sort réservé par la PPE à l'énergie nucléaire : je les partage totalement.
Je voudrais évoquer les énergies renouvelables et alternatives, car le projet me paraît présenter cinq faiblesses dans ce domaine.
Pire, sur un certain nombre de points, il ne respecte pas l'intention du législateur, telle que nous l'avons collectivement exprimée à l'occasion de l'examen de la loi Énergie-Climat.
Mon premier motif d'inquiétude concerne la filière biogaz, dont je rappelle, d'ailleurs, que le soutien fiscal n'a été prorogé par la dernière loi de finances que grâce à l'action de notre commission !
La loi que nous avons votée fixe un objectif d'au moins 10 % de consommation de gaz renouvelable en 2030.
Or le projet de PPE prévoit un objectif de 7 % en cas de baisse de coûts permettant d'atteindre 75 euros par MWh en 2023 et 60 en 2030, l'objectif de 10 % n'étant retenu qu'en cas de baisses supérieures.
Par ailleurs, le niveau de biogaz injecté dans les réseaux est de 6 TWh en 2023 dans le projet de décret, contre 8 TWh dans celui qui est en vigueur !
Il s'agit de signaux tout à fait négatifs pour cette filière particulièrement dynamique, de surcroît porteuse d'externalités positives pour le secteur agricole.
Envisagez-vous de réviser à la hausse les cibles précitées ?
Mon deuxième sujet de préoccupation porte sur l'hydrogène.
Dans le cadre de la loi Énergie-Climat, notre commission a adopté l'objectif de porter en 2028 la part d'hydrogène décarboné entre 20 % et 40 % de la consommation totale d'hydrogène.
Or, dans le projet de décret, il n'est plus question que de la consommation d'hydrogène industrielle.
C'est donc une orientation moins ambitieuse, alors que l'hydrogène est un vecteur énergétique prometteur, notamment pour décarboner le secteur des transports.
Entendez-vous corriger l'objectif, étant rappelé que la Chine est très en pointe dans ce domaine et que, sans stratégie suffisamment offensive, nous risquons d'être dépassés ?
Le troisième enjeu que j'ai identifié porte sur l'éolien en mer.
Là encore, il est regrettable que la cible d'attribution de 1 GW par an de capacités installées de production d'ici à 2024, telle qu'adoptée par notre commission, soit doublement restreinte par le projet de décret : d'une part, l'échéance est décalée à après 2024 ; d'autre part, l'objectif est assorti de conditions, puisqu'il ne sera atteint que « selon les prix et le gisement, avec des tarifs cibles convergeant vers les prix de marché sur le posé ».
Pensez-vous supprimer ces contraintes réglementaires, qui affaiblissent l'ambition fixée par le législateur et nuisent à la lisibilité attendue par les professionnels ?
Je voudrais également vous alerter - et c'est mon quatrième point - sur la fin du soutien public à deux filières : la cogénération et la géothermie électrique.
Il est dommage de cesser de promouvoir la cogénération, qui se caractérise par des bénéfices environnementaux.
Dans la mesure où elle permet la production simultanée d'électricité et de chaleur, elle présente effectivement un rendement énergétique supérieur et des émissions de gaz à effet de serre moindres que dans le cas d'une production séparée.
Par ailleurs, la cogénération offre un débouché intéressant pour la filière bois, dont, tout comme vous, Madame la Ministre, je connais bien les difficultés !
S'agissant de la géothermie électrique, il est malvenu d'abandonner ce procédé intéressant, dont le bilan carbone est proche de la neutralité.
De plus, il permet l'extraction en parallèle de lithium, métal rare indispensable à la production des batteries.
Dès lors, pourquoi exclure ces énergies alternatives du projet de PPE ?
Enfin, cinquième et dernier sujet de préoccupation, je souhaiterais attirer votre attention sur un secteur oublié de la PPE : les biocarburants.
Certes, le projet de décret fixe des objectifs d'incorporation pour les biocarburants avancés dans les filières essence et gazole.
Le projet de PPE comporte par ailleurs quelques orientations sur les biocarburants, notamment sur leur utilisation dans les transports routier et aérien. Pour autant, ces recommandations sont rédigées de manière trop générale pour présenter une applicabilité immédiate.
Les indications portant sur les biocarburants de première génération sont de surcroît essentiellement négatives : cela se comprend s'agissant des biocarburants présentant un risque élevé en termes de changement d'affectation des sols, mais non pour tous les autres.
Dans ce contexte, un rapport d'information récemment publié par notre commission plaide pour inscrire dans la PPE un véritable cadre stratégique relatif aux biocarburants, qui pourrait comprendre des objectifs de déploiement, d'une part, de véhicules ou de technologies de conversion - comme c'est le cas pour les véhicules électriques ou hydrides - et, d'autre part, d'infrastructures de recharge - comme c'est prévu pour l'électricité, l'hydrogène, le GPL, le GNV ou le GNL.
Envisagez-vous de reprendre à votre compte cette proposition formulée par notre commission, en modifiant sur ce point le projet de PPE ?
Un volet de notre rapport concerne les biocarburants aériens.
Votre ministère a récemment publié une « feuille de route » sur ce sujet, qui prévoit une cible de substitution de 2 % en 2025 et 5 % en 2030, et lancé un appel à manifestation d'intérêt.
Ces mesures vont dans le sens de nos préconisations, visant à favoriser l'émergence d'une filière française des biocarburants, de même que l'effort de recherche dans ce domaine.
Pour autant, je voudrais vous faire part d'un point de vigilance : il est nécessaire d'accompagner au mieux les compagnies aériennes dans ce changement.
Notre rapport préconise ainsi de fixer un objectif indicatif, plutôt qu'obligatoire, pour ce qui concerne le recours à ces biocarburants, dans un souci de souplesse : confirmez-vous que cela est bien le cas ?
Par ailleurs, il recommande de compenser aux compagnies aériennes le coût induit par leur utilisation, dans la mesure où ils sont 2 à 4 fois plus onéreux que le kérozène classique : entendez-vous agir dans cette direction ?
Au-delà des cinq faiblesses que je viens d'exposer, je voudrais compléter les propos de notre présidente sur la modestie des moyens prévus pour l'application de la PPE.
Le projet présente comme autant d'outils au service de la transition énergétique l'institution de la prime Ma prime Rénov', la revalorisation du fonds chaleur, le recours à la prime à la conversion ou encore l'alourdissement de la fiscalité sur le gazole professionnel.
Je veux nuancer cette présentation bien trop positive en rappelant les difficultés que j'ai identifiées lors de l'examen de la dernière loi de finances : la création de Ma prime Rénov' s'accompagne de la réduction aux deux tiers des bénéficiaires et du montant du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ; la révision des critères d'éligibilité à la prime à la conversion conduit à la baisse d'un tiers des véhicules concernés ; la hausse du Fonds chaleur a, pour l'heure, été financée par un recyclage d'anciens crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ; l'alourdissement de la fiscalité sur le gazole représente une charge pérenne de 1 milliard d'euros pour les professionnels.
Par ailleurs, dans la mesure où le coût du soutien aux énergies renouvelables d'ici à 2028 est évalué entre 122 et 173 milliards d'euros dans le projet de PPE, comment le Gouvernement entend-il garantir le financement de ce soutien ?
J'espère que le projet de PPE sera infléchi dans le sens que la présidente de la commission et moi-même avons indiqué, à commencer par le biogaz, l'hydrogène, l'éolien en mer et les biocarburants.
Vous pouvez compter sur la commission des affaires économiques du Sénat pour vous y aider.
Avec la promulgation de la loi Énergie-Climat, le 8 novembre dernier, notre pays s'est doté d'un objectif à la hauteur de l'urgence climatique : atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle. En trois mois, nous avons déjà bien avancé sur cette trajectoire.
Depuis trois semaines et jusqu'à demain, les projets de PPE et de SNBC sont soumis à consultation du public. Pour la première fois, nous présentons une stratégie nationale bas-carbone visant la neutralité, soit une ambition rehaussée, puisque cela revient à diviser nos émissions par 6 ou 8, au lieu de 4. Pour la première fois, aussi, nous avançons une PPE cohérente, notamment avec un objectif de 50 % d'énergie nucléaire à l'échéance de 2035, et non 2025, comme précédemment. Nous pouvons donc nous féliciter de ces deux projets.
Ces documents ont vocation à être enrichis à partir des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat, dont les 150 citoyens membres doivent définir les mesures permettant de réduire d'au moins 40 % nos émissions de gaz à effet de serre à la fin de la décennie. C'est pourquoi nous n'avons intégré aucune mesure de réintroduction d'une composante carbone, et je l'assume parfaitement : il importe que nous n'influions pas sur les travaux de la Convention.
Effectivement, ses propositions pourront être de nature réglementaire ou législative - dans ce dernier cas, le Parlement en débattra -, et le Président de la République a avancé l'hypothèse d'un référendum notamment sur des questions multiples. Parce que, pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, nous devons viser des comportements au coeur du quotidien de nos concitoyens, les travaux de cette Convention sont de première importance et, si des propositions fortes en sortent, il serait bon d'ouvrir le débat à tous les Français.
Nous avons bien sûr l'objectif de tenir nos ambitions - à l'échelle nationale, européenne et internationale - en matière de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.
Des premiers résultats ont déjà été obtenus. Le décret concernant la fermeture des dernières centrales à charbon d'ici à 2022 est publié depuis la fin du mois de décembre. Nous engageons également la trajectoire définie pour le nucléaire, avec l'arrêt d'un premier réacteur à Fessenheim dès la fin de cette semaine et l'arrêt complet de la centrale à la fin de juin - je reviendrai sur notre stratégie nucléaire. Le lancement de Ma prime Rénov', qui apporte un soutien renforcé aux gestes les plus efficaces et un meilleur accompagnement aux Français les plus modestes, doit par ailleurs nous permettre d'en finir avec les passoires thermiques d'ici à 2028.
Autre de nos objectifs, l'atteinte de 33 % d'énergies renouvelables à l'horizon de 2030.
Durant les débats parlementaires, vous aviez demandé que nos ambitions en matière d'éolien off-shore et de biogaz soient rehaussées ; nous y avons travaillé. Ainsi, l'enveloppe de soutien à la filière biogaz a été accrue de 2 milliards d'euros pour atteindre 10 milliards d'euros. Nous avons un objectif minimal de 6 TWh de biogaz en 2023 - c'est déjà beaucoup car cela représente un volume six fois plus élevé que celui injecté ces six derniers mois. Cet objectif pourra être revu à la hausse en fonction des prix sur le marché. Chacun a en tête que le prix du gaz est particulièrement bas, ce qui signifie que le soutien est d'autant plus important par rapport au prix encore élevé du biogaz. Nous devons en tenir compte et personne ne comprendrait que nous ne réfléchissions pas à l'affectation optimale de nos ressources. La PPE prévoit une refonte des mécanismes de soutien au biogaz : nous sommes en train d'y travailler pour définir de nouvelles modalités, entre des appels d'offres et des tarifs de rachat. Pour lever l'ensemble des freins, j'ai lancé récemment un fonds, abondé à hauteur de 15 millions d'euros par l'État, pour financer plus de 75 projets investissant dans le domaine sous 5 ans.
Sur l'hydrogène, vous avez souhaité inscrire dans la loi l'objectif de verdissement de ce vecteur énergétique. Il est effectivement essentiel que la France se positionne sur cette technologie d'avenir. Notre ambition est large dans le domaine de l'hydrogène vert, que ce soit pour l'industrie ou pour les mobilités, mais nous réfléchissons aussi aux utilisations de ce gaz en matière de stockage, et ce afin d'accroître la part d'énergies intermittentes.
Nous travaillons donc sur l'ensemble de ces champs : 50 millions d'euros par an sont prévus pour soutenir des projets de développement de l'hydrogène vert et nous avons engagé des concertations avec les acteurs pour trouver les modalités adéquates de soutien à l'utilisation de l'hydrogène sur la base de l'habilitation qui est prévue dans la loi Énergie-Climat.
En ce qui concerne l'éolien terrestre, l'objectif est de doubler la puissance installée d'ici à 2028. La puissance a déjà doublé entre 2014 et 2019. En 2019, en particulier, nous avons produit 21 % d'électricité d'origine éolienne de plus qu'en 2018. Nous avons donc doublé un objectif en cinq ans et prévoyons de le doubler à nouveau en dix ans. Nous avons certainement, mais j'y reviendrai, des enjeux de répartition et d'acceptabilité.
Sept parcs d'éolien en mer ont été attribués. La PPE prévoit une hausse de nos objectifs par rapport à ceux de la première PPE adoptée début 2019. On tire parti de la hausse des prix observée sur le dernier parc à Dunkerque. Nous avons répondu aux attentes de la filière de lancer la production d'1 GWh par an d'ici à 2024, grâce à l'ajout d'un parc flottant en 2022 et d'un parc posé avant 2023. Un débat public est déjà en cours en Normandie et un autre s'ouvrira prochainement en Bretagne.
S'agissant de l'éolien, j'ai bien en tête les enjeux d'acceptabilité. Une réunion a eu lieu cet après-midi avec les élus à mon ministère. La réflexion se poursuit sur ce sujet, dans le prolongement des mesures que j'avais déjà annoncées en décembre. Nous réfléchissons en particulier aux mécanismes permettant de parvenir à une meilleure intégration paysagère et aussi à une meilleure répartition géographique, car deux régions concentrent à elles seules plus de la moitié de la capacité installée, avec évidemment une saturation.
J'en viens à la consommation d'énergie. Notre priorité est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le recul de la mer de Glace, que chacun a pu constater, témoigne de l'urgence à agir pour le climat. Notre premier levier d'action concerne le secteur des transports, qui représente un tiers de nos émissions. On vise 4,8 millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables en 2028. Pour accélérer la transition et le renouvellement du parc, nous avons garanti pendant trois ans le bonus pour les véhicules électriques. Ces bonus sont en baisse et il est important que la filière donne des signes de sa capacité à baisser les prix, car il ne faudrait pas que la mise en place de bonus se traduise par une moindre baisse des prix. Nous attendons que le développement de la production des véhicules électriques en masse se traduise par des baisses de prix. La prime à la conversion a déjà permis de changer 600 000 véhicules. Nous sommes en train d'évaluer l'effet des mesures de recentrage prises l'été dernier. Il faut effectivement être attentif à ce que ce recentrage, qui correspondait à une exigence plus forte sur les émissions et la pollution des véhicules éligibles, continue bien à accompagner nos concitoyens. Nous visons 1 million de véhicules, voire 1,2 million, durant le quinquennat. Pour convaincre nos concitoyens, nous devons aussi déployer des infrastructures de recharge adaptées à ces nouveaux véhicules. La loi d'orientation des mobilités (LOM) a prévu une prise en charge significative des coûts de raccordement afin de tenir l'objectif de 100 000 bornes de recharge d'ici à la fin du quinquennat. J'ai aussi désigné récemment les nouveaux lauréats des appels à projets destinés à soutenir les mobilités partagées, propres et actives, dans le cadre du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE).
Notre deuxième levier d'action concerne le développement de la production de chaleur décarbonée. La production de chaleur représente en effet un cinquième de nos émissions. C'est un enjeu majeur pour la transition écologique de notre appareil productif. Le Fonds chaleur a été doté de 350 millions d'euros dès cette année. Nous avons étendu la possibilité d'utiliser les certificats d'énergie dans les secteurs soumis au système d'échange de quotas d'émissions (ETS). Il sera possible de cumuler les deux dispositifs du Fonds chaleur et des CEE. Nous voulons ainsi donner tous les outils à nos industriels pour décarboner leurs processus de production. Avec Bruno Le Maire, nous réfléchissons à d'éventuels mécanismes fiscaux supplémentaires dans le cadre de la préparation du pacte productif. La production de chaleur décarbonée est cruciale aussi dans le bâtiment. Nous avons l'objectif d'abandonner le recours au charbon dans les réseaux de chaleur d'ici à cinq ans, de supprimer trois millions de chaudières individuelles au fioul d'ici à 2028. Nous avançons selon la trajectoire voulue sur les chaudières individuelles grâce notamment aux « Coups de pouce ». Nous avons aussi soumis au Conseil supérieur de l'énergie (CSE) un dispositif pour accompagner le changement des chaudières collectives.
L'atteinte des objectifs de la loi Énergie-Climat et de la PPE pose nécessairement la question de nos capacités industrielles. L'objectif est que disposions des capacités de concevoir et de fabriquer sur notre territoire les vecteurs de notre transition énergétique. S'agissant de l'éolien en mer, une filière française est en train de monter en puissance. Je souhaite qu'il en aille de même pour l'ensemble des filières liées à la transition énergétique. Nous portons ainsi au niveau européen, notamment avec les Allemands, une initiative pour bâtir une filière européenne des batteries. C'est aussi ce que nous faisons pour structurer une filière hydrogène : des appels à manifestations d'intérêt ont été lancés, afin de faire émerger des projets à une échelle compétitive. Nous souhaitons aussi attirer de nouvelles usines de panneaux photovoltaïques en France. Il importe de montrer que la transition énergétique s'accompagne de créations d'emplois sur notre territoire.
En ce qui concerne la composante carbone, nous attendons les propositions de la conférence citoyenne.
Un mot enfin sur les réacteurs nucléaires. Notre objectif est de ramener la part du nucléaire à 50 % en 2035, cela suppose la fermeture de 14 réacteurs, en incluant les deux réacteurs de Fessenheim. Les diverses hypothèses envisagées dans la PPE ne concernent pas le nombre de réacteurs, mais le calendrier des fermetures. Si la rédaction n'est pas claire, nous sommes prêts à l'améliorer. Le principe est l'arrêt des réacteurs à l'échéance de leur cinquième visite décennale ; au moins deux réacteurs seront arrêtés par anticipation en 2027 et 2028, et, éventuellement, parmi les 14 réacteurs concernés, deux pourraient être arrêtés par anticipation en 2025 et 2026. Quant au calendrier, nous voulons avoir rassemblé à la mi-2021 tous les éléments permettant de choisir entre une stratégie incluant le renouvellement d'une partie du parc nucléaire et une stratégie 100 % renouvelable, en vue d'une décision sur la stratégie qui interviendrait après la mise en service de la centrale de Flamanville. Nous travaillons à la fois sur les petits réacteurs modulaires (SMR) et sur le projet de réacteur à neutrons rapides (RNR). Nous veillons à ce que la recherche ne se focalise pas sur le réacteur, mais concerne aussi l'ensemble du cycle. Dans les projets précédents, la recherche sur le réacteur avait pris de l'avance sur celle relative au cycle. Il est indispensable que les deux avancent au même rythme.
Je partage comme vous le souci de conserver les compétences dans le nucléaire. Le grand carénage représente un programme d'investissement très important. Je constate avec satisfaction qu'EDF et les acteurs de la filière se mobilisent pour transmettre les compétences. Je salue ainsi les efforts de formation déployés par les industriels, pour les soudures par exemple.
La trajectoire financière doit évidemment intégrer les besoins de soutien prévus dans la PPE. La SNBC permettra d'atteindre la neutralité carbone et nous intégrerons les propositions qui pourront être issues de la convention citoyenne.
Merci pour vos précisions, madame la ministre. J'avais la même interrogation que notre présidente sur l'articulation entre les propositions de la convention citoyenne ainsi que la loi et la PPE.
Pour réussir la transition énergétique, nous disposons de trois leviers : l'efficacité énergétique et la maîtrise de nos consommations ; la décarbonation des énergies et le développement des énergies renouvelables ; et le remplacement des énergies fossiles par le biogaz ou l'hydrogène vert. Il faut privilégier la complémentarité entre toutes les énergies décarbonées. La PPE semble donner plus de visibilité au développement de l'éolien, du photovoltaïque et, dans une moindre mesure, de l'hydroélectricité. Toutefois, le cadre économique des énergies renouvelables reste incertain. Ainsi, s'agissant de la chaleur renouvelable, il n'est plus question d'une baisse de financement en 2022, mais de stabilisation : le confirmez-vous ?
Autre point de satisfaction, la reconnaissance de l'éolien en mer. Nous avons l'opportunité de structurer une filière industrielle majeure. Il serait souhaitable d'obtenir le statut de projet important d'intérêt européen pour cette filière. Pourriez-vous aussi nous indiquer quand le projet prévu au large des côtes d'Occitanie entrera dans sa phase commerciale ?
Notre bouquet énergétique doit être varié. Le gaz doit avoir toute sa place. Il permet de compenser la pointe de consommation en hiver. Il faut aussi encourager le biogaz et l'hydrogène vert. Le soutien à l'hydrogène vert et au biométhane sera-t-il, à cet égard, suffisant pour permettre l'émergence de filières produisant à des coûts compétitifs ? La trajectoire des prix pour le biométhane ne doit pas pénaliser cette filière. Comment aussi favoriser l'incorporation de biocarburants avancés dans le kérosène ?
Enfin, si l'on veut développer les énergies renouvelables, il importe de simplifier les réglementations administratives et faire en sorte que les administrations préfectorales ne freinent pas des quatre fers dans les territoires...
Le Gouvernement a annoncé en juin le lancement d'un appel d'offres pour le projet d'éolien en mer au large de l'île d'Oléron. Pourriez-vous nous préciser le calendrier ?
Dans le cadre de l'examen du projet de loi Énergie-Climat, nous avons porté une proposition pour faciliter l'implantation de centrales photovoltaïques au sol dans les sites dégradés en zone littorale, avec l'unique objectif de dénouer des situations sans détricoter la loi Littoral ni urbaniser des terres agricoles. Des dossiers sont bloqués dans de nombreuses régions, en Nouvelle-Aquitaine, en Vendée, dans le Morbihan et à La Réunion. La disposition que nous avions adoptée au Sénat a été supprimée. Je remercie mon collègue Daniel Gremillet, rapporteur de ce projet de loi pour notre commission, pour son action et ses propositions afin de pouvoir faire évoluer le droit en vigueur dans ce sujet. L'Ademe, dans son rapport sur l'évaluation du gisement relatif aux zones délaissées et artificialisées propices à l'implantation de centrales photovoltaïques, classe les contraintes liées à la loi Littoral parmi les handicaps moyens : elles ne sont donc pas insurmontables ! Qu'en pensez-vous ? J'ai déjà posé cette question à M. Hulot et à M. de Rugy...
Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur l'article 42 de la loi Énergie-Climat. Il est nécessaire d'autoriser les avances en compte courant d'associé que les collectivités territoriales peuvent consentir aux sociétés locales de production d'énergie renouvelable dont elles sont actionnaires. Si on les exclut de la gouvernance de ces sociétés, le nouveau dispositif risque de freiner l'implication des collectivités territoriales dans les sociétés locales de production d'énergie renouvelable, alors qu'elles doivent jouer un rôle central dans la transition énergétique. Or, celle-ci ne peut se faire sans les territoires, notamment ruraux. Les risques économiques et financiers sont limités dans la mesure où ces projets sont éligibles aux mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, notamment l'obligation d'achat de l'électricité par un tarif garanti pendant quinze ou vingt ans. Quelles sont les propositions du Gouvernement en la matière ?
En France, l'hydroélectricité est la troisième source de production d'électricité, et la première pour les énergies renouvelables. Mais elle semble atteindre un plafond. Reste-t-il un potentiel de croissance ? Comment lever les obstacles à la construction de nouveaux ouvrages pour atteindre les objectifs fixés par la PPE en la matière ?
C'est bien de parler de la PPE, mais quel sera l'avenir de l'entreprise publique EDF ? Où en est le projet Hercule ? L'entreprise sera-t-elle scindée en deux entités : un « EDF bleu », public, qui porterait la dette nucléaire, d'un côté, et un « EDF vert », consacré aux renouvelables, privatisé et coté en bourse, de l'autre ? Le Parlement sera-t-il consulté ?
Lorsque l'on évoque la transition énergétique, il faut poser la question du coût de production de l'électricité, évidemment, mais aussi celle de son prix pour les usagers. Or les tarifs réglementés viennent d'augmenter de 2,4 % en février, après une hausse de 6 % l'an passé. Quel sera donc le prix de l'électricité et de l'énergie pour les usagers dans les dix prochaines années ? Il y a deux sujets d'avenir : la transition énergétique et le prix payé par les usagers. Je redis mon opposition totale au principe de l'Arenh. La hausse des tarifs réglementés ne sert pas à financer la production d'énergie, mais la Commission de régulation de l'énergie (CRE) répond à une injonction des opérateurs privés, pour qu'ils puissent proposer un tarif libre au même prix qu'EDF ! C'est le prix de l'Europe libérale !
Enfin, on parle beaucoup de la réforme du code minier ? Pourriez-vous nous dire à quelle échéance ? Oserai-je vous demander si vous comptez organiser un référendum sur le sujet, ou alors poser une seconde question sur ce point lors du référendum à choix multiples...
Un maire héraultais vous a présenté le grand projet d'ombrières sur le bassin de Thau : entendez-vous autoriser une expérimentation ? Les acteurs souhaiteraient aussi assurer son suivi au niveau local, sous le contrôle de l'État.
Ma seconde question concerne l'action des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM). De nombreux maires ruraux essaient, pour développer les énergies renouvelables, d'obtenir des financements nouveaux pour installer des panneaux photovoltaïques au sol avec des opérateurs : ainsi, à Creissan, le maire a le projet d'installer une petite centrale de panneaux photovoltaïques sur une ancienne décharge, mais il se heurte à l'opposition de la DDTM, alors qu'il ne s'agit que d'un petit projet de cinq hectares... Si le Gouvernement veut atteindre ses objectifs, il devra demander à ses administrations d'être plus conciliantes et d'aider davantage les territoires.
Le stockage de l'électricité est une question centrale. Les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), que nous connaissons bien dans les territoires de montagne, permettent de produire 5 GWh en moins de dix minutes. Plusieurs projets existent en Ariège, en Corrèze et dans l'Aveyron qui restent dans les cartons depuis vingt ans et qui permettraient de produire autant que quatre réacteurs nucléaires de première génération. Or la PPE affiche seulement un objectif de 1,5 GWh pour les STEP. Pourquoi si peu d'ambitions ? Cette technologie a fait ses preuves et permet de répondre au caractère intermittent des énergies renouvelables. De plus, ces STEP permettent de créer des emplois et ont un intérêt économique. Envisagez-vous de revoir à la hausse les objectifs ?
Dans la Loire, quatorze moulins produisent l'électricité de 2 800 foyers. Pourtant, l'administration reste peu favorable aux nouveaux projets, au motif que les seuils des moulins détruiraient la continuité écologique, en bloquant la circulation des poissons ou des sédiments. C'est faux : les retenues des moulins permettent de retenir l'eau en période de sécheresse et de préserver la vie aquatique même en période d'étiage. Les gaz à effet de serre sont responsables de l'assèchement des cours d'eau et empêcher le développement des moulins revient à se priver d'une source de production d'énergie renouvelable. Prévoyez-vous de faire une place à ces microcentrales ?
L'énergie solaire réclame du foncier, mais il est aussi possible de déployer des panneaux solaires sur les toitures. Or, les installations de ces panneaux sur ces toitures sont soumises à la procédure d'appels d'offres quand leur puissance dépasse les 100 kW. Ces procédures ne sont pas adaptées pour les petits projets. Ne serait-il pas souhaitable de relever ces seuils ?
La PPE fixe un objectif de biogaz injecté dans les réseaux de 6 TWh en 2023. Cette trajectoire est bien inférieure au potentiel des projets déjà constitués, en file d'attente, qui s'élève, en 2019, à 22 TWh, avec une perspective, en 2023, de plus de 24 TWh. La PPE imposera donc des arbitrages entre les projets pour ne pas dépasser le niveau de 6 TWh en 2023 et constituera un coup d'arrêt majeur à l'essor de la filière. Compte tenu de l'urgence climatique, n'y a-t-il pas lieu de revoir cette trajectoire peu ambitieuse, comme le souhaitent l'ensemble des acteurs et notamment les agriculteurs, acteurs incontournables de la transition énergétique ?
Lors de la visite du Président de la République dans les Alpes, il a été question du transport de marchandises par la route, et on a évoqué les couloirs de camions qui asphyxient les vallées. Cela concerne au premier chef la vallée du Rhône puisqu'entre Marseille et Lyon une voie de l'autoroute est complètement préemptée par les files de camions. Pourtant, il y a deux alternatives, ferroviaire et fluviale, toutes deux sous-utilisées. Lorsque vous êtes venue visiter le port de Lyon, vous avez évoqué cette question avec la présidente de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Le Rhône est utilisé à un tiers de sa capacité. Or une barge sur le Rhône qui transporte des containers, c'est l'équivalent de 400 camions ! Il y a donc vraiment une marge de progression. Le Président de la République a indiqué que l'État allait investir dans le ferroviaire. Y a-t-il un plan à cet égard ? Que pensez-vous du développement du transport fluvial ? Comment faire avancer ce dossier ? Voilà la troisième fois que je pose la question : je l'ai posée à votre prédécesseur et au prédécesseur de votre prédécesseur ! Il me semble que, si le constat est fait, il n'y pas d'avancée.
Dans le cadre de la loi sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, l'engagement est pris d'arriver à un mix énergétique comportant 50 % d'énergie renouvelable et 50 % d'énergie nucléaire en 2035. Nous sommes actuellement à 70 % de nucléaire et 30 % d'énergie renouvelable. Nos centrales nucléaires sont vieillissantes. Après la fermeture de Fessenheim, il est prévu de fermer quatorze tranches dans diverses centrales. Dans la Drôme, sur le site du Tricastin, deux tranches sur les quatre existantes seront fermées d'ici à 2035. Pourtant, depuis plus de cinquante ans, l'histoire de la région s'écrit avec celle de l'énergie nucléaire, un domaine de haute technologie qui fait vivre 6 500 personnes en Drôme et génère 18 000 emplois directs et indirects sur le bassin étendu de Tricastin à Marcoule. Le site du Tricastin est emblématique de notre production d'énergie électrique décarbonée, symbole de notre indépendance énergétique. Pouvez-vous nous indiquer quand des décisions seront prises sur la fermeture éventuelle de deux tranches sur ce site et nous rassurer en ce qui concerne ses perspectives de reconversion ? Quand seront prises les décisions éventuelles d'implantation d'un EPR de nouvelle génération ? Je tiens à réaffirmer l'engagement des élus locaux, dont je fais partie, qui seraient prêts à accompagner l'implantation de deux réacteurs EPR de seconde génération, sur des terrains déjà disponibles. Il conviendrait de s'appuyer sur l'existence de compétences élevées et le fait qu'un très grand nombre d'acteurs majeurs sont déjà présents sur le territoire, et notamment EDF, Orano, Framatome, et diverses PME spécialisées.
Sur les éoliennes, vous avez récemment parlé d'un problème d'acceptabilité sociétale. Dans mon département, à Ally-Mercoeur, il y a 27 éoliennes depuis 2005, exploitées par la société Boralex en partenariat avec la communauté de communes du Haut-Allier, qui est l'une des plus pauvres du département de la Haute-Loire. Il a été envisagé d'installer onze éoliennes supplémentaires, mais la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) n'a cessé de poser des questions et de mettre des bâtons dans les roues. Pourtant, l'acceptabilité sociétale était là, et aucune remarque n'a été faite par le commissaire enquêteur, qui a donné un avis favorable. La Dreal a demandé que dix-huit communes soient consultées : dix-sept ont donné un avis favorable, et la seule qui a donné un avis défavorable est la commune la plus éloignée du parc éolien ! La Dreal a demandé à ce que le raccordement soit pris intégralement à la charge de Boralex, ce que Boralex a accepté : 36 kilomètres de réseau, sur du terrain public, et toutes les communes ont accepté le passage du câble ! Alors que la Dreal était prête à donner un avis favorable, un changement du personnel a fait que, comme par enchantement, l'avis favorable devient défavorable. Pourquoi ? Pour le milan royal, auquel, pourtant, les 27 éoliennes fonctionnant depuis 2005 n'ont posé aucun problème. Madame la Ministre, les fonctionnaires ne sont pas neutres, ce sont des intégristes, dont les dogmes environnementaux transpirent chaque jour dans les décisions qu'ils prennent !
Vous avez, aussi, parlé du photovoltaïque sur les bâtiments et annoncé que vous alliez intervenir sur les bâtiments agricoles. Pourriez-vous nous donner des précisions ? Après l'échec de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim), ceux qui ont fait tant de mal à l'agriculture sont peut-être ceux qui, demain, pourraient lui faire du bien.
Il faudrait que vous veilliez à ce que le développement du photovoltaïque sur les bâtiments agricoles ne se passe pas de manière trop anarchique. On voit fleurir les réflexions des professionnels et, en parallèle, se construire des projets de parcs éoliens. Sur la saturation des postes sources, où en est-on ? Nous avons besoin d'une ingénierie au niveau local pour organiser l'ensemble de ces projets, de manière à ce que les agriculteurs des exploitations isolées, qui sont en recherche de diversification, puissent s'engager dans des projets consolidés.
Où en sont les discussions sur la réglementation environnementale 2020, qui doit remplacer la réglementation thermique 2012 ? Celle-ci pourrait privilégier l'usage de matériaux biosourcés, et donc de bois, dans la construction, ce qui est une disposition très attendue par la filière, et qui servirait notre volonté publique de meilleure captation du carbone. Beaucoup d'entreprises de transformation de bois souhaiteraient mettre en place des dispositifs de cogénération, évoqués par mon collègue Daniel Gremillet, dans le cadre de leur circuit fermé. Fabriquant de la chaleur, ce circuit pourrait fabriquer l'électricité nécessaire pour faire fonctionner leur entreprise. De tels projets reçoivent un accueil favorable des Ademe régionales, mais sont aujourd'hui bloqués. Cela mériterait que vous vous penchiez sur la question.
Le développement de l'éolien terrestre est aujourd'hui très décrié. Nombre d'associations luttent contre les éoliennes, et la population est souvent remontée contre leur implantation. La capacité de développement de l'éolien terrestre est donc très limitée, alors que les objectifs de la PPE sont très ambitieux. Compte tenu de ces éléments, ceux-ci sont-ils atteignables ? Vous êtes favorable au relèvement du seuil à partir duquel les projets de photovoltaïque en toiture devront se soumettre à la procédure d'appel d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Ces appels d'offres nationaux obéissent à une procédure centralisée, lourde et décourageante pour les petites structures. Le relèvement permettrait notamment l'émergence de projets photovoltaïques sur les bâtiments agricoles. Quel sera le nouveau seuil et quand comptez-vous le relever ?
Notre pays vise un objectif de 23 % d'électricité renouvelable dans sa consommation finale d'électricité. À cet égard, l'hydroélectricité est une source d'approvisionnement cruciale. L'application du principe de concurrence imposé par l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne concerne directement la quasi-totalité de nos concessions, majoritairement gérées par l'opérateur EDF, et qui arrivent prochainement à échéance. Dans un rapport de 2013, des parlementaires avaient déjà alerté sur le danger pour la sécurité des usagers et pour celle des approvisionnements du pays. Face à cette ouverture à la concurrence par l'eau, le paysage risque de s'affaiblir et de se morceler, ce qui conduira à une multiplication des acteurs tournés vers la seule recherche de rentabilité, au détriment de notre potentiel hydroélectrique. Au-delà de l'aspect énergétique, ces équipements jouent un rôle majeur pour les territoires et leur développement à plusieurs titres : soutien d'étiage à l'irrigation, à la pêche, au tourisme, au refroidissement des réacteurs nucléaires et à la prévention des risques d'inondation. Les 400 barrages exploités à 80 % par EDF ont une fonction dépassant largement le cadre énergétique - d'où l'inquiétude bien légitime des élus et des populations. Le 3 octobre dernier, je vous ai interrogée sur ce sujet lors d'un débat sur le réchauffement climatique. Vous m'aviez alors répondu que ces éléments étaient au coeur des discussions actuellement menées avec la Commission européenne. Où en sont ces discussions ? Avez-vous pu progresser vers un traitement dérogatoire ?
Je souhaite attirer votre attention sur la coexistence d'activités de production d'énergie renouvelable de source photovoltaïque avec les cultures. Dans le Gers, un ingénieur, avec des élus locaux et des agriculteurs, développe un projet de cultures de plantes aromatiques et médicinales qui pourraient coexister avec la présence, sur les sols concernés, de panneaux photovoltaïques, l'ombre étant utilisée pour favoriser les cultures. Mais la réglementation de la politique agricole commune (PAC) ne permet pas de faire coexister des aides avec les revenus correspondant aux productions d'électricité de source photovoltaïque. Votre ministère et celui de l'agriculture peuvent-ils envisager la coexistence de ces activités ? Ces dispositions pourraient ne s'appliquer qu'à certaines productions agricoles.
Monsieur Duplomb a raison : un certain nombre d'administrations liées à l'environnement ou à la police de l'eau sont parfois un peu plus militantes que fonctionnaires - et c'est grave.
L'art du politique, c'est de prévoir, ce qui n'est pas toujours facile, en particulier dans le domaine du remplacement des énergies. Pour les véhicules à moteur, l'orientation électrique semble intéressante, surtout en ville. Je ne la conteste donc pas. Je souhaiterais toutefois savoir si nous disposons d'études techniques précises comparant l'hydrogène et l'électricité - je parle d'hydrogène décarboné. Il semblerait que des bilans prévisionnels puissent être faits. Dans le futur, l'hydrogène sera sans doute une solution, en particulier pour les parcours plus longs.
L'éolien terrestre a maintes qualités, mais son acceptabilité n'est pas toujours acquise. Il est vrai qu'en Nouvelle-Aquitaine, les parcs éoliens sont presque tous situés dans l'ancien Poitou-Charentes, ce qui est un peu gênant. Si des parcs éoliens sont bienvenus, des forêts d'éoliennes le sont moins. Si certaines zones sont pauvres, elles sont tout de même riches de paysages et de patrimoines. On voit parfois dans des villages un début de guerre civile. Quelqu'un a même sorti un fusil ! Le repowering est certainement une bonne chose, surtout s'il s'agit de retravailler sur des sites existants. Dans le sud-est de la Vienne, que vous connaissez bien, madame la ministre, il y a peu de vent, ce qui pousse à construire de très hautes éoliennes - jusqu'à 180 mètres. Mais il faut des éoliennes, et le repowering est bienvenu. La suppression de quatorze réacteurs nucléaires m'inquiète, cela dit. Il faudra bien de l'électricité pour alimenter les véhicules électriques. Vous avez prévu un mix énergétique varié, c'est vrai... Quid de l'EPR ? C'est un dossier douloureux. Où va-t-on ?
Les centrales à charbon seront fermées en 2022. Qu'en est-il du reclassement du personnel et de la reconversion des sous-traitants et de leurs salariés ? Souvent, les sous-traitants sont beaucoup plus nombreux que les employés titulaires de la centrale. Or, si EDF a à coeur de reclasser son personnel, c'est souvent beaucoup plus difficile pour les sous-traitants. Ces centrales à charbon, qui étaient très polluantes et que vous avez raison de fermer, avaient un grand avantage, leur souplesse, qui permettait de répondre rapidement aux pics de consommation. Quelles solutions avez-vous envisagées pour répondre à ces pics ?
Nous avons bien prévu de maintenir 350 millions d'euros sur le fonds chaleur au-delà de 2020. Nous n'allons certes pas développer des biocarburants en concurrence avec les productions alimentaires, ni en générant de la déforestation dans d'autres pays. Notre objectif à dix ans est d'atteindre 3,2 % en biocarburant avancé sur le gazole et 3,8 % sur l'essence. Les filières ne sont pas encore finalisées. Lors d'une récente visite à Toulouse, j'ai vu que tous les acteurs de l'aéronautique, les opérateurs des hydrocarbures comme Total, mais également ceux qui gèrent des déchets, se sont mis autour de la table à l'occasion de l'appel à manifestation d'intérêt que j'avais lancé sur les biocarburants aériens. Mais pour l'instant, nous avons plus des pistes que des solutions. Pour atteindre notre objectif de 50 % d'incorporation de carburant alternatif en 2050 pour l'aérien, nous ne devrons pas exclure des carburants de synthèse, produits par exemple à partir de la captation du CO2 dans l'atmosphère, en complément de ce que pourront produire les filières de biocarburant avancé.
Pour le projet d'éolien au large de l'Occitanie, l'appel d'offres devrait être lancé en 2021, pour une attribution fin 2022.
Peut-on ou non implanter du photovoltaïque sur les terrains dégradés malgré la loi Littoral ? Le débat a eu lieu, notamment en CMP. En principe, il serait utile de faire cette ouverture. Cela suppose qu'on arrive à rassurer tous ceux qui s'inquiètent dès qu'on parle de toucher à cette loi.
J'y serais favorable. Il y aura certainement d'autres points d'adaptation de ce type-là. En conseil de défense écologique, nous avons évoqué les décisions à prendre pour mieux accompagner les territoires victimes d'un recul du littoral. Nous pourrions être amenés à relocaliser des activités, ce qui supposera que, pour des projets très encadrés, il puisse y avoir des souplesses dans la loi, puisqu'on ne va pas réinstaller des constructions menacées par des submersions et l'érosion du trait de côte en continuité de l'urbanisation existante. Ces sujets devront donc être débattus, avec toutes les précautions nécessaires quand on parle de la loi Littoral.
Sur le projet d'éolien au large de l'île d'Oléron, nous allons relancer des concertations et des travaux préparatoires cette année et saisir la Commission nationale du débat public (CNDP) l'an prochain. Un appel d'offres devrait être lancé en 2022, pour une attribution en 2023. Cela fait partie des projets qui sont dans la perspective de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
Nous n'avons pas un potentiel très important de petit hydraulique.
J'ai pu constater, quand j'étais préfète, que cette question d'arasement des seuils, y compris de ceux qui existent depuis quelques centaines d'années, peut laisser perplexe. Il faut du pragmatisme. Je suis ouverte à ce que l'on regarde des projets particuliers.
En effet, je partage la perplexité que l'on peut avoir lorsque l'on parle de restaurer des continuités écologiques qui n'existent plus depuis quelques siècles... Cela méritera que l'on regarde avec pragmatisme un certain nombre de cas. En tout cas, je vous confirme que nous avons bien pour projet de réaliser des stations de transfert d'énergie par pompage pour 1 à 2 gigawatts : c'est un mode de stockage ancien qui présente de l'intérêt.
Nous devrions lancer des appels d'offres de petite hydroélectricité à hauteur de 25 à 50 mégawatts par an. Par ailleurs, il est certainement possible d'améliorer des installations existantes pour augmenter la puissance produite.
Monsieur le Sénateur Fabien Gay, nous avons déjà eu un débat sur le projet Hercule, mais je le redis volontiers : d'abord, je dis clairement que tout projet devra maintenir une entreprise publique et intégrée.
Quel est le sens des réflexions qui ont été lancées ? Il est dans l'intérêt de tous de conserver une régulation du nucléaire. Il nous faut protéger à la fois les consommateurs et EDF : les consommateurs d'une flambée des prix liée à tel ou tel facteur - prix du carbone, situation dans le Golfe persique... - par un plafond; EDF d'une insuffisance de rémunération par un plancher, ce qui lui assurerait une garantie et permettrait de financer les nombreux projets comme la maintenance du parc nucléaire. C'est le sens du dispositif envisagé qui mettrait en place un plancher et un plafond - une forme de « bande passante ». Des consultations de tous les acteurs sont en cours à ce sujet ; en attendant, nous ne modifierons ni le plafond de 100 TWh ni le prix de l'Arenh. En effet, on ne peut pas engager des discussions avec la Commission européenne sur un système pérenne de régulation et en même temps lui demander d'accepter une modification des paramètres du dispositif actuel.
En tout cas, les débats vont se poursuivre et nous pourrions travailler ensemble, monsieur le Sénateur Fabien Gay, sur le mécanisme que vous avez en tête.
Je crois comprendre que vous proposez un double mouvement : augmenter le prix payé à EDF et baisser le prix payé par le consommateur. Cela me paraît relever d'une certaine magie...
Vous caricaturez mes propos !
Pouvez-vous vraiment affirmer que l'augmentation du tarif réglementé de 2,4 % - pour 28 millions de ménages - correspond à la progression du coût de l'énergie ? Ne correspond-elle pas plutôt à ce que les opérateurs alternatifs privés ont demandé à la CRE pour pouvoir gagner des clients ?
Non ! Ce ne sont pas les acteurs privés qui décident du prix de l'électricité. Cette augmentation correspond à l'évolution du bouquet moyen d'énergie consommé en France.
C'est l'évolution du coût de l'énergie qui a conduit à cette augmentation de 2,4 % au 1er février et de 6 % l'an dernier ?
Absolument ! Plusieurs facteurs comme le transport interviennent dans le coût de l'énergie.
Monsieur le Sénateur Henri Cabanel, je suis favorable au photovoltaïque flottant qui constitue une solution très intéressante que je souhaite encourager - d'ailleurs, j'ai récemment inauguré un tel parc dans le Vaucluse -, mais je ne peux pas vous répondre précisément sur l'étang de Thau. Pour autant, nous ne souhaitons pas développer le photovoltaïque flottant au détriment des terres agricoles, mais plutôt sur des friches ou des toitures. J'en profite pour répondre à Mme la Sénatrice Dominique Estrosi Sassone et Mme le Sénateur Noëlle Rauscent : nous allons relever le plafond au-delà duquel il est nécessaire de faire un appel d'offres - je pense que des annonces pourront être faites à ce sujet à l'occasion du prochain salon de l'agriculture.
Madame la Sénatrice Denise Saint-Pé, je suis également favorable au développement du biométhane, qui présente de nombreux avantages - il peut notamment constituer un revenu complémentaire pour les agriculteurs - et je peux vous assurer que multiplier la production par six n'est pas une petite ambition ! Nous pouvons avoir des projets en file d'attente, qui n'aboutissent pas automatiquement. Si nous allons au-delà, c'est une bonne nouvelle, même si je ne suis pas certaine que mes collègues de Bercy seront aussi contents que moi... L'objectif fixé est déjà ambitieux et je suis motivée pour aller au-delà le cas échéant.
Madame le Sénateur Élisabeth Lamure, réduire le trafic de poids lourds est évidemment un objectif du Gouvernement, notamment dans la vallée du Rhône. Le Président de la République a évoqué ce sujet la semaine passée pour la vallée de l'Arve, avec des mesures pour réhausser les exigences environnementales sur les camions qui empruntent le tunnel du Mont Blanc.
Nous constatons un frémissement sur le transport fluvial, mais il n'est certainement pas à la hauteur des ambitions que je partage avec la directrice de la CNR. Pour la vallée du Rhône, les modalités de développement du port de Marseille constituent une difficulté, puisque le nombre de places pour les barges destinées au trafic fluvial diminue. Je compte sur la direction du port pour nous proposer des évolutions satisfaisantes à ce sujet. En tout cas, nous devons absolument encourager le trafic fluvial, qu'il soit sur le Rhône ou sur la Seine car nos grands ports en ont besoin. Des investissements sont prévus au Havre et à Marseille.
En ce qui concerne le fret ferroviaire, je suis évidemment perplexe : la répétition des grèves - M. le Sénateur Fabien Gay va encore m'interpeller... - n'aide pas vraiment.
Ces différentes grèves, dans les ports et à la SNCF, ont entraîné un recul de la confiance des industriels. La confiance se construit lentement, mais se perd très vite. Les opérateurs de fret ferroviaire sont aujourd'hui en grande difficulté et nous souhaitons relancer le secteur avec Jean-Baptiste Djebarri. C'est un enjeu très important en termes de pollution et de gaz à effet de serre.
Monsieur le Sénateur Laurent Duplomb, les agents des Dreal ont évidemment des convictions écologiques fortes, qui devraient les conduire à soutenir le développement des énergies renouvelables.
Je ne peux pas vous répondre sur le cas que vous citez. Il est vrai que certains territoires connaissent une saturation et, aujourd'hui, il y a une forme de rejet sur le développement de l'éolien terrestre, donc si un porteur de projet et volontaire, nous allons étudier sa demande.
Monsieur le Sénateur Bernard Buis, il ne faut pas brûler les étapes sur les décisions relatives au nucléaire. Nous arrêtons cette semaine le premier réacteur de Fessenheim et la centrale d'ici au mois de juin. Pour l'avenir, nous souhaitons fermer des réacteurs sur des sites qui en comportent au moins quatre. Les prochaines fermetures devraient intervenir en 2025. Ensuite, la production d'électricité reposera éventuellement sur de nouveaux réacteurs, des études sont en cours à ce sujet et des arbitrages devront être faits en temps voulu. Les sites existants sont certainement les mieux à même d'accueillir ces nouveaux réacteurs, si la décision d'en créer est prise. L'ensemble des éléments doivent être rassemblés pour la mi-2021 et les décisions interviendront après la mise en service de Flamanville.
Madame la Sénatrice Anne-Catherine Loisier, je partage vos propos sur le développement anarchique de l'éolien terrestre. C'est vraiment un énorme sujet et je l'ai dit aux acteurs de la filière. Malheureusement, nous avons laissé s'implanter certains projets de parcs éoliens qui sont en covisibilité de monuments historiques ou dispersés au sein de petits parcs, de taille et de forme variables, ce qui crée une saturation visuelle et un sentiment d'encerclement autour de certains bourgs parfois insupportable. Nous travaillons avec les élus concernés sur ces sujets, au premier rang desquels le président de la région des Hauts-de-France - cette région a un fort potentiel d'éolien - pour changer les règles : identifier les zones propices ou non, instituer un guichet unique par département. Je souhaite que les futurs mécanismes permettent une répartition plus équilibrée sur le territoire : par exemple, il est vrai, Monsieur le Sénateur Yves Bouloux, qu'il n'y a pas d'éolien dans l'ancienne région Aquitaine, alors que dans les Deux-Sèvres ou dans la Vienne il est développé.
Les porteurs de projets ne doivent pas aller systématiquement sur les mêmes territoires, là où il y a déjà beaucoup d'éoliennes
Le repowering fera l'objet de nouvelles autorisations ; améliorer la performance des installations sans implanter de nouveaux mats est dans certains cas pertinent mais tout cela doit s'effectuer avec une autorisation.
J'en viens à la question de Madame la Sénatrice Anne-Catherine Loisier sur les matériaux biosourcés. La réglementation environnementale des bâtiments neufs (RE 2020) prend en compte la phase de construction des bâtiments, pas seulement celle de leur utilisation, à travers notamment le chauffage, ce qui soutiendra le développement des matériaux biosourcés. Pour autant, je ne suis pas rassurée à 100 % sur les équilibres globaux : je ne voudrais pas que nous en arrivions de ce fait à importer du bois - c'est d'ailleurs le sens de la mission confiée à la députée Anne-Laure Cattelot. Aujourd'hui, nous sous-exploitons nos forêts et nous importons du bois. Pour que les forêts jouent bien leur rôle de puits de carbone, leur exploitation est nécessaire. Dans le même temps, lorsque l'on produit du bois énergie ou du bois construction, on se retrouve bien souvent à importer du bois. Je n'évoque même pas le fait que le bois coupé en France est transformé en Chine.
Madame la ministre, c'est exactement l'argument utilisé par les partisans du béton... Nous avons du bois dans notre pays, mais il faut utiliser et valoriser le feuillu, pas seulement le résineux.
Je suis bien d'accord avec vous et ce n'est pas parce qu'il existe une difficulté que nous devons en rester au béton. Nous allons continuer à avancer dans la RE 2020. La filière doit cependant être plus performante et nous devons faire des efforts en matière de recherche et de développement, car les procédés qui sont aujourd'hui utilisés ont été développés dans des pays où les conifères sont beaucoup plus importants que les feuillus. Vous pouvez en tout cas compter sur ma détermination.
C'est sûrement l'un des rares départements, où les choses fonctionnent bien.
Madame la Sénatrice Noëlle Rauscent, votre question renvoie à celle de l'acceptabilité qui est essentielle si nous voulons respecter nos objectifs qui sont ambitieux. Nous pouvons peut-être agir en développant davantage l'éolien en mer et moins sur terre. Je rappelle d'ailleurs que la production issue d'une éolienne en mer est huit fois supérieure à celle issue d'une éolienne terrestre.
Madame le Sénateur Sylviane Noël, nous menons des discussions globales avec la Commission européenne sur l'hydroélectricité. En tout état de cause, les règles de sécurité sont appliquées. L'exemple de CNR est intéressant, parce que c'est l'une des concessions dont le cahier des charges intègre le plus d'objectifs liés à l'aménagement du territoire.
Monsieur le Sénateur Franck Montaugé, je ne vois pas ce qui empêche de conjuguer des ressources issues du photovoltaïque et des aides de la politique agricole commune. La transition écologique est une chance pour l'agriculture, à condition de trouver un modèle respectueux de la biodiversité et prenant en compte les enjeux du dérèglement climatique. Il est évidemment intéressant de favoriser le développement de revenus complémentaires pour les agriculteurs : nous avons par exemple parlé du photovoltaïque sur les toitures pour lequel nous allons relever le seuil de la procédure d'appels d'offres ; il peut également exister des expériences très intéressantes d'ombrières qui permettent d'éviter, en période de forte chaleur, que les plantes n'en souffrent J'espère avoir un retour rapide de la Commission européenne sur les paiements pour services environnementaux. Lors du salon de l'agriculture, je présenterai les labels « bas carbone » qui correspondent à des pratiques permettant d'absorber davantage de carbone.
Monsieur le Sénateur Michel Raison, il me semble aujourd'hui préférable d'utiliser la technologie des batteries pour des véhicules légers. Les constructeurs français rencontrent en ce moment des difficultés, mais j'espère qu'ils seront tout de même stimulés par la concurrence internationale qui existe sur ces modèles. L'hydrogène est une réponse pour des transports plus lourds - cars, poids-lourds, tracteurs, trains...
Monsieur le Sénateur Yves Bouloux, pour ce qui concerne le délai de mise en service de l'EPR de Flamanville, EDF doit encore faire certifier par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) les procédés envisagés pour corriger les défauts constatés dans les soudures. Nous espérons que ce sera le cas. EDF pourra alors charger le combustible à la fin de 2022. Nous n'avons pas encore de validation de l'ASN.
Monsieur le Sénateur Jean-Pierre Moga, l'accompagnement des salariés des centrales à charbon comme de ceux des autres centrales doit absolument être à la hauteur. La loi Énergie-Climat a habilité le Gouvernement à instituer des dispositifs d'accompagnement performants en ce sens. La situation est évidemment plus simple dans les centrales qui dépendent d'EDF. À Saint-Avold, nous pouvons être confiants, des projets sont en vue. À Gardanne, c'est nettement plus compliqué : le site est arrêté depuis plusieurs mois et il faut d'abord retrouver les conditions du dialogue social entre l'opérateur et ses salariés.
J'ai évoqué le mécanisme envisagé qui repose sur un plafond afin de protéger les consommateurs et sur un plancher afin de protéger EDF. La Commission européenne pourrait alors nous demander de séparer la commercialisation et la production nucléaire qui serait considérée comme un service économique d'intérêt général. Nous devons aussi faire en sorte qu'EDF dispose, dans le cadre d'une société publique intégrée, de suffisamment de capacités d'investissement pour réaliser de front l'ensemble de ses chantiers, que ce soit le grand carénage, la modernisation des réseaux pour accompagner la transition énergétique ou le développement des énergies renouvelables. Le projet Hercule devra répondre à ces questions.
Je vous remercie, madame la ministre. Il est évidemment important pour notre commission de suivre la mise en place de la loi Énergie-climat.
Par ailleurs, je vous informe, mes chers collègues, que je vais demander une étude de législation comparée sur les opérateurs nationaux d'électricité dans les pays européens. Nous mènerons aussi un cycle d'auditions sur l'organisation du marché de l'électricité.
Enfin, madame la ministre, nous souhaitons être associés en amont aux travaux de réforme du code minier pour pouvoir préparer les débats parlementaires dans de bonnes conditions.
Très volontiers, je crois que nous sommes en train de stabiliser un texte dont nous pourrons parler avec votre commission !
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Le Gouvernement a déposé au Sénat le 12 février dernier un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Ce projet de loi, qui comporte 21 articles, dont plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance, vise à adapter le droit français à des directives ou des règlements européens. Son examen a été renvoyé au fond à la commission des finances. Pour autant, la commission des affaires économiques est concernée par plusieurs dispositions du texte - protection des consommateurs avec la transposition de la directive Omnibus, surveillance des marchés et conformité des produits, pratiques commerciales déloyales, génétique animale, modification de la définition du terme « stocks stratégiques » dans le code de l'énergie -, ce qui justifie la demande de saisine pour avis de notre commission, ainsi que la délégation au fond de dix articles du projet de loi : les articles 1er à 7, ainsi que les articles 18 à 20.
Je vous propose, si vous en êtes d'accord, de nommer notre collègue M. Laurent Duplomb rapporteur pour avis sur ce projet de loi.
La commission désigne M. Laurent Duplomb rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 314 (2019-2020) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.
Je vous indique d'ores et déjà que, sous réserve des conclusions de la Conférence des présidents qui se réunira mercredi de la semaine prochaine, ce texte sera examiné dans des délais à nouveau très contraints, le passage en commission étant prévu le mardi 24 mars. La séance publique devrait quant à elle intervenir la semaine du 6 avril.
La réunion est close à 19 h 30.