Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 15 avril 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Cela fait désormais quatre semaines que des mesures de confinement drastiques sont en vigueur en France. Ces mesures, qui s'imposent pour contenir la catastrophe sanitaire et protéger nos concitoyens, vont se prolonger.

D'un point de vue économique, elles se traduisent par une chute brutale de l'activité, avec des secteurs entiers mis à l'arrêt. La Banque de France a ainsi estimé qu'un mois de confinement représentait une perte de produit intérieur brut (PIB) annuel de 3 %. Nous avons organisé hier un échange avec plusieurs économistes pour apprécier la portée du choc auquel nous faisons face et envisager les réponses adéquates. Si le Gouvernement évalue la chute du PIB à hauteur de 6 % en 2020, d'autres analyses tablent sur un recul de l'activité à deux chiffres.

Pour contenir les conséquences immédiates sur notre tissu économique et limiter les effets durables sur notre capacité de production, des mesures ont rapidement été mises en oeuvre, d'abord sur le plan monétaire avec les décisions de la Banque centrale européenne (BCE), ensuite sur le plan budgétaire, avec le recours au dispositif de chômage partiel et des mesures de soutien à la trésorerie de nos entreprises. Nous constatons cependant des difficultés dans leur mise en oeuvre, en particulier pour l'octroi des prêts garantis, que certaines entreprises se voient refuser par les banques.

Ce sont autant de points que nous pourrons aborder ce matin, puisque nous avons le plaisir d'entendre, par visioconférence, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, et Frédéric Visnovsky, au titre de ses fonctions de médiateur national du crédit.

Je vous rappelle par ailleurs que notre audition est enregistrée, ouverte à la presse, et fera l'objet d'une publication sur le site internet du Sénat.

Monsieur le gouverneur, je vous laisse la parole afin que vous nous fassiez part de votre sentiment sur les conséquences économiques et financières de cette crise sanitaire.

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Frédéric Visnovsky et moi-même vous remercions d'avoir organisé cette audition.

Nous voulons vous faire part de notre diagnostic économique. Cette bataille sanitaire est évidemment prioritaire et implique qu'une bataille économique soit menée pour faire face à ses conséquences.

La Banque de France a publié la semaine dernière une enquête, après avoir interrogé, dans toutes les régions, des milliers d'entreprises de toute taille, de tout secteur. Nous estimons que, au cours d'une quinzaine type de confinement, l'activité a baissé de 32 % dans l'ensemble de l'économie, avec des différences selon les secteurs sur lesquelles nous reviendrons. Le Grand Est et la Corse sont davantage touchés, si l'on s'attache à l'ampleur des fermetures, mais, globalement, les différences régionales sont beaucoup moins sensibles que les différences sectorielles.

Notre dernière enquête sur le commerce de détail, publiée ce matin, fait état d'une chute de 24 % des ventes dans le commerce de biens sur l'ensemble du mois de mars par rapport au mois de février, de 43 % pour les produits industriels et de seulement 0,9 % pour les produits alimentaires. Cela montre l'importance de rouvrir les commerces non alimentaires dès que possible.

L'économie française tourne depuis le 17 mars aux deux tiers de son rythme normal. Chaque quinzaine de confinement nous coûte 1,5 % de PIB annuel et presque autant en déficit public supplémentaire.

Le Fonds monétaire international (FMI) a publié hier, en cohérence avec les nôtres, ses prévisions à l'échelle mondiale. Même s'il faut les prendre avec prudence, j'en tire deux enseignements : premièrement, un tel choc n'a jamais été enregistré dans le passé - par rapport à ce qui était prévu en janvier dernier, le PIB mondial baisserait de 6 %, et même de 8 % dans les économies avancées -, les pays les moins touchés relativement par cette pandémie - Japon Canada, Allemagne - payant eux aussi un lourd tribut économique ; deuxièmement, le rebond significatif attendu pour 2021 - 4,7 % pour la zone euro et 4,5 % pour la France - n'effacerait pas les pertes de cette année.

Si nous gérons bien la sortie de crise, ce choc serait donc très sévère, mais temporaire. Cette sortie se joue en trois actes : l'acte 1, c'est cette phase actuelle de confinement général et ce bouclier de trésorerie mis en place au profit des entreprises ; l'acte 2, c'est la sortie progressive du confinement dès le 11 mai a priori ; l'acte 3, c'est l'après-crise - quelles réponses économiques apporter ?

Face à cette crise inédite, des réponses rapides, fortes et convergentes ont été apportées en quinze jours. Les leçons de la crise de 2008 ont été tirées et rarement le consensus a été aussi fort - y compris parmi les économistes ! - sur la nature et l'ampleur des mesures à prendre : un bouclier de trésorerie pour le maximum d'entreprises, un mélange de mesures monétaires et budgétaires sans précédent, volet budgétaire qu'il est prévu de renforcer à travers le prochain projet de loi de finances rectificative.

Ainsi, les mesures de chômage partiel sont les plus généreuses d'Europe, alors que les États-Unis ont enregistré 17 millions de chômeurs supplémentaires en quelques jours. Il est permis de demander le report les échéances fiscales et sociales. Un fonds de solidarité a été créé pour les très petites entreprises. Enfin, l'État garantit les prêts à hauteur de 300 milliards d'euros.

S'agissant de ce dernier volet, il nous semble que les banques se sont bien mobilisées pour assurer le financement des entreprises. Les demandes de prêts garantis par l'État (PGE) atteignent environ 3 milliards d'euros chaque jour, et, selon les derniers chiffres publiés hier, les banques ont reçu jusqu'ici 230 000 demandes de tels prêts, pour près de 45 milliards d'euros. Je rends hommage à l'action des salariés des banques. Frédéric Visnovsky et moi-même veillons à ce que les banques prennent de bonnes décisions.

Nous sommes également attentifs aux assureurs crédit, dont l'engagement nous paraît encore perceptible. À travers la médiation du crédit, nous avons un rôle de garde-fou.

Nous avons reçu la semaine dernière 645 dossiers éligibles. Nous en recevons chaque jour plus que nous n'en recevions en un mois l'an passé. Mais cela représente moins de 1 % des demandes de PGE formulées auprès des banques. Ce sont principalement des très petites entreprises (TPE) à la santé fragile qui sont concernées, une moitié d'entre elles étant confrontées à un refus de PGE. Vous pouvez compter sur notre mobilisation à leurs côtés.

Sur le plan monétaire, l'Europe agit plus qu'on ne le dit. La question des « coronabonds » divise, mais l'action monétaire exceptionnelle de la Banque centrale européenne (BCE) nous réunit. Deux chiffres significatifs : jusqu'à 3 000 milliards d'euros pourront être mobilisés au profit des petites et moyennes entreprises (PME) qui se financent grâce aux banques, et nous avons décidé 750 milliards d'euros supplémentaires d'achat de titres pour les acteurs qui se financent via les marchés, c'est-à-dire les grandes entreprises et les États.

Il faut donc relativiser : oui, il serait possible de faire plus au titre de la solidarité européenne, mais on fait déjà beaucoup. Ainsi, grâce à l'Union européenne, l'Italie a pu emprunter à un coût moindre.

Nous devons commencer à réfléchir à l'après-crise et là, beaucoup de questions restent ouvertes. La confiance des ménages et des entrepreneurs jouera un rôle essentiel : la confiance sanitaire, à travers une sortie sûre et indispensable du confinement - ce sera l'acte 2 - et la confiance économique dans notre capacité à repartir durablement - l'acte 3.

Notre après-crise ressemblera, en moins dramatique, à un après-guerre. Nous devrons probablement nous appuyer sur trois leviers : le retour à la croissance, le traitement des dettes, une bonne utilisation de la politique monétaire.

La demande des ménages devrait être portée par leur situation financière, dans l'ensemble relativement favorable même si certains d'entre eux souffrent. L'offre des entreprises pourra rester bridée en raison d'une dette élevée, de faillites ou de difficultés persistantes d'approvisionnement international. Des programmes d'investissement seront donc nécessaires pour soutenir la demande et améliorer les capacités de production. La capacité d'endettement à l'échelon européen demeure préservée, ce qui favorisera la réalisation de nos priorités structurelles comme la transition climatique. Le fonds de relance, ou recovery fund, poussé par la France au sein de l'Eurogroupe, prendra ici tout son sens.

Sur le plan national, le meilleur investissement, c'est l'investissement dans l'éducation et la formation. C'est grâce à lui que nous couvrirons le coût de ce choc.

Le traitement de la dette sera complexe, car celle-ci, celle des États comme celle des entreprises, aura significativement augmenté. Parallèlement, l'épargne liquide des ménages se sera accrue en raison d'une consommation moindre.

La dette publique sera d'autant plus élevée que certaines créances sociales et fiscales pourraient être abandonnées, impliquant un effort budgétaire rigoureux dans la durée et une dépense publique plus sélective. Cet effort ne portera ses fruits qu'à moyen terme puisque, dans l'immédiat, il faudra aider au redémarrage de l'économie.

L'histoire nous apprend qu'il existe d'autres solutions partielles pour la dette : le cantonnement, la mutualisation. Mais il n'y aura pas de miracle : nous devrons porter plus longtemps des dettes publiques plus élevées, même si les taux d'intérêt restent très bas.

Enfin, en matière de politique monétaire, l'inflation devrait rester faible avec une demande globale qui ne repartira que progressivement, tandis que le prix du pétrole restera à un niveau bas. Cette faible inflation va nous obliger à maintenir des taux d'intérêt bas et des liquidités très abondantes.

Une annonce a frappé les esprits la semaine dernière, à savoir la facilité temporaire de découvert accordée par la Banque d'Angleterre au Trésor britannique, et qu'il devra rembourser dans l'année. Il ne s'agit ni d'une innovation ni d'un financement monétaire : cette facilité avait déjà été accordée en 2008 et en 2009, plafonnée alors à 20 milliards de livres, c'est-à-dire moins de 1 % du PIB britannique.

Pour finir, je veux vous assurer du complet engagement de la Banque de France grâce à cinq leviers : par notre réseau et la médiation auprès des TPE-PME et des ménages en difficulté ; par la couverture des besoins en monnaie fiduciaire ; par la politique monétaire ; par un suivi attentif des marchés ; par une surveillance de la solidité financière des banques et des assurances, via l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). C'est par notre unité et notre solidarité que nous surmonterons cette épreuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Merci, monsieur le gouverneur, de ces éclairages. Je vous confirme la convergence de vues des économistes.

Ma première question porte sur les conditions d'octroi des PGE. Il existe des différences avec l'Allemagne. Ainsi, la garantie ne porte que sur 90 % du montant du prêt. Qu'est-ce qui le justifie, alors qu'une garantie complète serait autorisée par les règles européennes ? De plus en sont exclues les entreprises en difficulté - question qui sera traitée dans le prochain projet de loi de finances rectificative -, de même que les sociétés civiles immobilières (SCI). Il n'est pas question, bien sûr de couvrir les prêts des SCI en général, mais certaines d'entre elles sont des sociétés professionnelles à vocation commerciale et qui sont dans l'incapacité de régler leurs échéances. Ne faudrait-il pas assouplir cette règle ? La même question se pose au sujet des entreprises en création.

S'agissant des pratiques des banques, vous avez dit qu'en règle générale elles jouaient le jeu. Il apparaît cependant que certaines d'entre elles exigent systématiquement une caution personnelle. Est-ce autorisé ? D'autres demandent des documents qu'il est très difficile de se procurer compte tenu du confinement, tandis que d'autres encore opposent des refus non justifiés.

Je vais être un peu provocateur, mais dans la mesure où le médiateur du crédit dépend de la Banque de France, qui est elle-même chargée de contrôler les banques et de noter les entreprises, celui-ci dispose-t-il de l'indépendance nécessaire, ou bien faut-il en revenir à une médiation qui ne relève pas essentiellement de la Banque de France, telle qu'elle était conçue initialement, à l'époque de René Ricol ?

Enfin, dans le prochain projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a prévu un report des échéances fiscales et sociales des indépendants, des commerçants, des professionnels du secteur de l'hôtellerie et du tourisme. Mais en l'absence de chiffre d'affaires, ces entreprises seront confrontées à de très grandes difficultés. Et quid des loyers ? Dans le cas des propriétaires institutionnels, il doit être possible d'obtenir un différé de paiement, mais c'est plus problématique dans le cas d'autres propriétaires. Le fonds de solidarité n'y suffira pas.

Comment interprétez-vous la légère remontée des taux d'intérêt dans l'immobilier, vous qui en appeliez à une certaine modération voici peu dans l'octroi de prêts immobiliers ? Il ne faudrait pas que le secteur de la construction s'en trouve sinistré.

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Les taux d'intérêt resteront très favorables, car les taux longs restent bas grâce à l'action de la BCE. Cette remontée n'est pas, selon moi, significative, car le volume des prêts s'est fortement contracté.

Concernant les PGE, il appartient plutôt au Gouvernement de vous répondre. Il me semble que les différences qui existent avec tel ou tel pays sont marginales. Je suis frappé par la rapidité avec laquelle les pays européens ont adopté ces mesures convergentes. Ce qui est exact, en revanche, c'est que les pays les plus touchés par la pandémie, l'Italie et l'Espagne, disposent de moins de moyens financiers pour déployer ce type de mesure. L'Allemagne assure une garantie à 100 %, tout en excluant les entreprises en difficulté, mais l'idée est bien que toutes les entreprises dont les difficultés sont liées à cette crise disposent d'une solution de trésorerie. Les entreprises qui étaient déjà en difficulté avant celle-ci auront besoin d'autres solutions.

Outre la médiation, le Gouvernement travaille à l'intervention d'autres mécanismes au niveau des départements.

Concernant les pratiques bancaires, le PGE ne doit pas s'accompagner d'une demande de caution, quelle qu'elle soit. En outre, je souhaite que les banques simplifient au maximum leurs demandes de documents. Mais un effort d'harmonisation a été fait. Dans le cas de refus injustifiés, il faut saisir la médiation, mais les salariés des banques, qui sont soumis aux mêmes contraintes que leurs concitoyens, font le maximum. Nous restons vigilants.

Enfin, un médiateur du crédit rattaché à la Banque de France est encore plus indépendant que s'il était placé auprès du Gouvernement. Quand il s'agit de corriger le comportement de certaines banques, nous y veillons.

Debut de section - Permalien
Frédéric Visnovsky, secrétaire général adjoint à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et médiateur national du crédit

Nous travaillons sur la question des entreprises exclues du dispositif des PGE. Il est difficile de distinguer celles qui étaient déjà en difficulté de celles qui le sont du fait de la crise. Nous travaillons également sur la situation des entreprises en création et nous apporterons des précisions à ce sujet dans le cadre d'une foire aux questions.

Nous avons aussi identifié la question des sociétés civiles immobilières. Nous avons prévu de les prendre en charge.

Debut de section - Permalien
Frédéric Visnovsky, secrétaire général adjoint à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et médiateur national du crédit

Elles sont en effet exclues des PGE, mais cela n'empêche pas la médiation nationale du crédit de regarder les dossiers pour trouver des solutions. Certaines SCI correspondent à des activités commerciales et il est justifié que nous nous intéressions à leur situation.

En ce qui concerne l'indépendance du médiateur, il est vrai que René Ricol était placé auprès du ministère de l'économie et des finances, mais son travail reposait, comme c'est encore le cas aujourd'hui, sur l'action des médiateurs territoriaux qui sont, depuis l'origine, les directeurs départementaux de la Banque de France. En outre, ceux qui assurent la cotation et la supervision bancaire ne sont pas ceux qui travaillent sur la médiation. Il est évidemment essentiel de s'appuyer sur la rigueur, l'indépendance et l'expertise de ces agents ; c'est particulièrement important en période de crise, où il est nécessaire d'aller vite.

Enfin, il est vrai que le secteur de l'hôtellerie et du commerce en général est particulièrement touché par cette crise. Le Président de la République a annoncé que nombre de ces entreprises resteraient fermées plus longtemps et, vous le savez, le ministre de l'économie a lancé une réflexion spécifique sur ce secteur d'activité.

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Nous avons commencé à publier les chiffres de la médiation nationale du crédit et nous le ferons chaque semaine. La moitié des dossiers qu'elle reçoit concerne des refus de PGE. Naturellement, elle continue de travailler sur tous les types de dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Ma première question concerne la capacité de la France à se financer : la Banque centrale européenne pourra-t-elle maintenir ses taux bas durablement ? Existe-t-il un risque de perte de confiance dans l'euro ? Les injections monétaires massives auxquelles procède la BCE suscitent, on le sait, un large débat en Allemagne, en particulier sur le plan juridique. Existe-t-il un risque de ce point de vue ?

Ensuite, vous avez indiqué, monsieur le gouverneur, que la période est plutôt favorable pour les ménages d'un point de vue financier global, sauf naturellement pour les personnes précaires. Pour autant, ne risquons-nous pas de passer d'une crise de l'offre à une crise plus globale qui inclurait des tensions sur la demande et la consommation ? Comment soutenir la demande pour éviter ce problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Vous nous avez indiqué que la période la plus critique d'un point de vue économique serait le jour d'après. Or l'Eurogroupe ne réussit pas à formaliser l'outil de relance de 500 milliards d'euros qui est envisagé. Comment voyez-vous les choses ? Cet outil pourrait-il être mis en place par un cercle plus restreint d'États, si l'Union européenne ou la zone euro ne se mettait pas d'accord ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

J'ai tout d'abord une certaine inquiétude : depuis plusieurs jours, à entendre les économistes et les commentateurs, on pourrait avoir l'impression que nous avons passé le gros de la crise. Personne ne semble imaginer le scénario du pire, ce qui est préoccupant en termes d'anticipation et de préparation.

J'ai une autre inquiétude en ce qui concerne la relance, elle concerne l'épargne des Français. En effet, contrairement à 2008, cette crise nous touche tous directement et individuellement. On peut donc craindre que les Français aient davantage tendance à épargner qu'à consommer.

Enfin, on entend parler ces derniers jours du retour à un centralisme jacobin très prononcé, voire à des nationalisations. Quel peut être le rôle de l'État dans cette relance ?

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Il me semble que la confiance repose sur deux piliers : la stabilité des prix et l'indépendance des banques centrales. Comme je le disais en introduction, nous avons l'obligation de maintenir l'inflation proche de 2 % à moyen terme ; nous sommes aujourd'hui nettement en dessous, ce qui nous donne un espace, mais aussi une obligation, pour maintenir des taux très bas. Pour cela, les banques centrales ne visent pas une intervention à dominante budgétaire - une telle intervention créerait d'ailleurs les problèmes juridiques qui ont été évoqués -, mais nous intervenons sur les prix. La politique monétaire ne constitue aucunement une solution miracle, mais elle est un élément favorable de la sortie de crise.

En ce qui concerne les ménages, la situation est difficile pour tout le monde, mais notre modèle social est, dans une situation comme celle que nous connaissons, un atout. En outre, au contraire des États-Unis, nous avons privilégié le chômage partiel plutôt que les licenciements, ce qui est également favorable pour les ménages. Aujourd'hui, de manière générale, les revenus des ménages sont plus élevés que la consommation, ce qui génère une épargne supplémentaire. Pour autant, le facteur confiance est essentiel pour sortir de la crise, tant d'un point de vue sanitaire qu'économique. Nous devons construire des solutions dans ce cadre rempli d'incertitudes.

Jean Bizet a évoqué le rôle de l'Europe pour la reprise ou le rebond - je préfère d'ailleurs utiliser ces termes plutôt que celui de relance qui fait d'abord penser à un problème de demande, ce qui n'est pas le cas dans cette crise. Je dois dire que la solidarité est déjà présente de fait dans la phase actuelle, mais dans la phase de reprise disposer d'un « accélérateur » grâce à un programme européen sera très souhaitable. En ce qui concerne le champ géographique de cet instrument, il me semble préférable qu'il soit décidé à dix-neuf, car un cercle plus restreint risquerait de créer des divisions au sein de la zone euro. De telles discussions entre Européens sont très importantes, y compris pour les Pays-Bas et les autres pays du Nord. Cet accélérateur européen devra appuyer les plans nationaux de manière pleinement solidaire.

Par ailleurs, le rôle de l'État est aujourd'hui très important, personne ne le conteste, il existe même un consensus entre économistes et au sein du monde politique sur ce point. Cela constitue un atout par rapport au modèle américain, mais n'entraîne pas nécessairement le basculement à long terme vers un modèle dirigiste... Nous devons rester prudents sur la question de changements structurels dans l'après-crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Le groupement des cartes bancaires envisage de porter le plafond des paiements sans contact de 30 euros à 50 euros. Qu'en pensez-vous ? Cette crise va-t-elle tuer définitivement la circulation de monnaie fiduciaire ?

La Banque centrale européenne a invité les banques à ne pas verser de dividendes jusqu'en octobre prochain. Comment les choses se passent-elles en France ?

Par ailleurs, j'ai été saisi par différentes maisons familiales de champagne. Il semble que les banques locales ne jouent pas le jeu pour leur accorder le décalage des crédits de vieillissement. Qu'en est-il exactement ?

Enfin, comment le réseau territorial de la Banque de France s'engage-t-il dans la mise en oeuvre des mesures gouvernementales liées à cette crise ?

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Je ne crois pas que le développement du paiement sans contact tuera la monnaie fiduciaire. La liberté de choix des Français fait partie de la confiance dans la monnaie ; c'est un point très important pour nous. Par ailleurs, nous n'avons aucun indice sur la persistance du virus sur les billets de banque et il n'existe aucun risque de pénurie dans l'alimentation des distributeurs. Vous l'avez dit, le GIE Carte bancaire réfléchit au relèvement du plafond des paiements sans contact ; cette mesure peut aller vers une plus grande liberté d'utilisation, nous n'y voyons donc pas d'objection, si tant est que la sécurité des paiements soit préservée.

En ce qui concerne les dividendes, toutes les banques françaises appliquent la recommandation du superviseur européen. Je signale que la France a joué un grand rôle dans l'adoption de cette recommandation. La décision des banques françaises me paraît bienvenue pour des raisons tant de solidarité que de solidité. J'ajoute que, à la différence de 2008, la solidité des banques constitue un atout dans cette crise et, si aujourd'hui il n'existe pas de tensions, ce n'est pas le fruit du hasard, mais plutôt le résultat des travaux que nous avons menés et de l'application des nouvelles règles financières, en particulier celles dites de Bâle III.

Debut de section - Permalien
Frédéric Visnovsky, secrétaire général adjoint à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et médiateur national du crédit

Les reports d'échéances de prêts auxquels les banques se sont engagées s'appliquent aux maisons de champagne, qui sont aussi éligibles aux PGE. S'il y a la moindre difficulté, celles-ci doivent saisir le médiateur - la procédure a été simplifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous avez indiqué que la solidarité européenne avait joué, mais qu'elle aurait pu être plus forte. Qu'entendez-vous par là ? Qu'a-t-il manqué aux décisions prises ? Quelle forme pourrait prendre une solidarité plus forte ? Quels sont les freins qui s'y opposent ?

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

J'ai souligné l'action de la BCE, mais les chiffres montrent que le verre est plein aux trois quarts. On parle à l'Eurogroupe de centaines de milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable. Quant à la BCE, elle a promis 3 000 milliards d'euros de liquidités pour les entreprises, via les banques, et plus de 750 milliards d'euros pour les grandes entreprises et les États, via les marchés : elle a fait son devoir, conformément à son mandat, et la solidarité européenne s'est donc manifestée très rapidement.

Que faire de plus ? L'Eurogroupe discute moins du financement des actions pendant la crise, qui, dépenses de santé ou aides aux entreprises, relèvent d'abord des États, que de la reprise : l'insuffisance de la demande spontanée et les difficultés au niveau de l'offre rendront nécessaire un adjuvant, sous la forme de programmes d'investissements européens. L'idée d'un fonds de relance, proposée par le ministre de l'économie et des finances, me paraît excellente. Son principe a été acté. Reste à le financer, et à s'assurer qu'il sera mutualisé. Après tout, les après-guerres ont vu des formes de mutualisation. D'ailleurs, les priorités sont communes : qu'on pense par exemple à la lutte contre le changement climatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Vous l'avez dit, les dettes publiques, déjà élevées, vont encore s'accroître. L'endettement privé, lui, devrait se réduire puisque l'épargne privée va grossir. Il faut construire des solutions nouvelles. Quel scénario privilégiez-vous pour éviter que la France ne conjugue, en sortie de crise, dette publique importante et thésaurisation privée ? Pouvez-vous nous donner des éléments chiffrés sur les difficultés d'accès aux espèces pendant le confinement ? Il y en avait déjà avant la crise...

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je suis chargée du rapport spécial sur les engagements financiers de l'État, et donc sur la dette... L'accès au médiateur du crédit manque parfois de lisibilité. Envisagez-vous une action de communication dans les territoires ?

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Oui, nous sortirons de cette crise avec un endettement public accru d'au moins dix points de PIB, et peut-être de plusieurs dizaines de points de PIB - le Gouvernement table sur 115 % du PIB, contre 98 % actuellement. La dette des entreprises sera significative, aussi. Certains évoquent un phénomène de vases communicants entre les deux ensembles. Nous avons fait le choix d'offrir aux entreprises un bouclier de trésorerie pour amortir le choc : reports d'échéances, PGE, etc. Plus le choc va durer, plus ce qui est une contrainte de liquidité deviendra une contrainte de solvabilité, qui requerra des fonds propres pour amortir des pertes. Les reports de charges fiscales et sociales devront alors donner lieu à des abandons de créances fiscales et sociales, et l'État, jouant son rôle d'assureur en dernier ressort, pourrait même reprendre une partie de la dette des entreprises. Évidemment, cela n'arrangerait rien du point de vue de la soutenabilité de la dette publique... L'épargne des ménages, elle, pourrait s'accroître, puisque leurs revenus sont actuellement supérieurs à leur consommation. L'une des clés de la reprise sera la confiance des ménages dans la sécurité sanitaire, d'une part, et dans la trajectoire de reprise économique, d'autre part, car c'est la confiance qui relancera leur consommation. Cela requiert de la communication, des scenarii transparents, et des discussions au niveau de chaque entreprise. Le but est que les ménages se sentent en état d'utiliser leur épargne, et non de l'accroître. Pour autant, nous aurons à traiter une dette publique durablement plus élevée.

L'accès aux espèces, j'y suis très sensible, monsieur Bargeton. Il est garanti, et on ne nous a fait état d'aucune difficulté, malgré les craintes exprimées au début du confinement. Nous avons veillé au bon approvisionnement de tous les distributeurs. D'ailleurs, nous voyons que l'inquiétude reflue, puisque les retraits de billets diminuent sensiblement - de 40 % à 50 %. Il est vrai que les Français, confinés chez eux, utilisent beaucoup moins d'espèces.

Sommes-nous assez visibles ? Vous pouvez nous y aider. Le médiateur est présent dans chaque département, puisque la Banque de France a tenu à maintenir des succursales de proximité. N'hésitez pas à les solliciter sur vos territoires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Visnovsky, secrétaire général adjoint à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et médiateur national du crédit

Nos directeurs régionaux communiquent localement. Nous n'avons pas envisagé de communication nationale, mais nous pouvons y réfléchir. En tout cas, nous disposons de tous les chiffres nécessaires sur leur activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je voudrais revenir sur l'endettement public auquel nous ferons face au sortir de la crise, avec des niveaux d'intérêt que nous ne connaissons pas. L'Histoire enseigne qu'il existe plusieurs leviers. Le premier est la croissance. Le second, l'inflation. Un troisième est une politique monétaire accommodante. Vous dites que ce sera l'occasion de réexaminer chaque dépense publique. C'est ce qui a été fait après 2008, avec un effet plutôt négatif sur la croissance. La politique budgétaire devra donc être gérée dans le sens que vous indiquez, mais prudemment, pour ne pas peser sur un rebond de croissance. Quant à l'inflation, vous indiquez qu'elle restera faible à court terme, mais pourrait repartir avec le temps. Cela pourrait réduire la valeur de la dette, mais ferait remonter les taux... Comment maîtriserons-nous le couple formé par les taux et l'inflation ? En fait, ni la croissance ni l'inflation n'aideront vraiment et, sur le très long terme, la dette publique demeurera très lourde. La BCE pourrait rendre perpétuelle la dette issue de cette crise, par des reports réguliers d'échéance. Ne devrons-nous pas, en tout cas, l'isoler dans le calcul du ratio de dette rapportée au PIB ? À force de la reporter, elle finirait par s'annuler d'elle-même...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous n'avez pas évoqué la solidité du système bancaire dans votre propos liminaire, mais en répondant aux questions. Grâce aux mesures prises après la crise de 2008, la situation est bien différente de ce que nous avons connu alors. Mais tout dépendra de la profondeur de cette crise, et du nombre de défaillances d'entreprises. Sur ce point, les scenarii divergent. Allez-vous demander de nouvelles séries de crash tests pour mesurer la solidité du système bancaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Ne faudrait-il pas revoir l'épargne administrée, pour que les Français qui y ont recours aient intérêt à consommer ? Voilà deux ans que vous nous dites que l'endettement français, public comme privé, a beaucoup augmenté. Vous venez de lâcher le mot de solvabilité des entreprises - et de petites entreprises, qui n'avaient pas de dettes, commencent à en avoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Avant qu'on en arrive au médiateur, les entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) font souvent appel à plusieurs établissements bancaires. Parfois, l'une des banques met beaucoup de temps à réagir. Ce sont souvent les banques les plus importantes, et pour des montants modestes ! Ainsi, une demande de PGE pour un montant total de 4,5 millions d'euros a été soumise à un pool de cinq banques ; l'une, pour une demande de 300 000 euros, n'a pas encore accepté le dossier, qui n'a donc pu être transmis au médiateur. Que pouvez-vous faire pour accroître la réactivité du secteur bancaire ?

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Monsieur Raynal, pour répondre à votre première question, je vais distinguer trois horizons temporels. Aujourd'hui, il n'y a pas de doute qu'il faut que la dépense publique constitue un bouclier au service des entreprises -c'est ce que j'ai appelé l'acte 1 : en préservant ainsi notre appareil de production, nous préservons notre capacité à redémarrer. Pour l'après-crise, l'acte 2, il faudra être prudent avec les économies sur la dépense publique, parce qu'il faudra consolider la reprise. Avec le retour à la normale, l'acte 3, je ne crois pas que le niveau des dépenses publiques en France - 56 % du PIB -, beaucoup plus élevé que chez nos voisins - 45 % en moyenne dans la zone euro -, qui ont pourtant un modèle social proche du nôtre, sera un atout pour la croissance. J'ai parlé de dépenses publiques plus sélectives, et je mesure la difficulté de l'exercice politique et démocratique, mais je pense que c'est la méthode qui s'imposera pour réduire la dette publique.

Vous avez évoqué le fait que, dans les après-guerres, l'inflation avait joué. Cette fois-ci, il semble que nous serons plutôt dans la situation inverse. Le chiffre de l'inflation du mois de mars en France vient d'être confirmé à 0,7 % ; les prévisions du FMI sont à moins de 1 % pour notre pays l'année prochaine. Tout cela crée des marges de manoeuvre pour la politique monétaire, et même une obligation d'intervenir.

Vous vous interrogiez sur une contradiction éventuelle entre une inflation plus forte et des taux que l'on veut maintenir bas. La tâche de la Banque centrale européenne sera plus simple si l'inflation est plutôt faible, compte tenu d'une demande qui repart progressivement et d'un prix du pétrole bas. Notre marge de manoeuvre nous permettra de maintenir des taux très bas et des liquidités très abondantes pour soutenir la reprise.

Vous avez parlé d'isoler la part de la dette imputable à la crise. Cette solution du cantonnement a souvent été pratiquée dans le passé : la Caisse des dépôts et consignations, créée en 1816, a contribué à cantonner la dette issue des guerres napoléoniennes. Cela dit, le cantonnement ne résout pas le problème du remboursement de la dette, même s'il peut être un outil de pilotage budgétaire.

Enfin, la Banque centrale européenne doit être guidée par son mandat, à savoir le maintien de la stabilité des prix, non seulement parce que le traité l'exige, mais parce que c'est la condition de la confiance des Européens dans leur monnaie. Cette confiance est un actif clé et il n'est pas question de le perdre. Nos décisions seront donc guidées par l'objectif de stabilité des prix et non par la « dominance » budgétaire.

Monsieur Dallier, il reste évidemment beaucoup d'interrogations sur la profondeur de la crise. Aujourd'hui, la Banque de France ne fait pas de prévisions annuelles ; nous verrons si nous pouvons le faire en juin. Nous estimons seulement que chaque quinzaine de confinement coûte 1,5 % de PIB à l'économie française et presque autant en déficit.

Le suivi de la solidité des banques est notre devoir permanent - c'est aussi celui du superviseur européen pour les six principales banques françaises. Nous avons relâché un certain nombre de réserves qui existaient sur le capital, dont le fameux « coussin contracyclique ».

Monsieur Bascher, aujourd'hui, le taux du livret A a atteint un plancher, les taux de l'assurance vie ont eux-mêmes baissé. La rémunération de l'épargne liquide des Français a été mise en ligne avec l'environnement de taux bas. Aujourd'hui, la clé pour la mobilisation de cette épargne est le retour de la confiance, sanitaire d'abord, puis économique, plutôt que des décisions supplémentaires sur les taux administrés. Incontestablement, le choc très sévère que nous vivons ne va pas arranger les choses quant à la solvabilité des acteurs économiques. Pour autant, le choix d'augmenter la dette publique pour prêter aux entreprises me paraît le seul possible. Dans la bataille économique, on ne compte pas pour sauver des entreprises et des emplois. Il faudra trouver, pour certaines entreprises qui connaissent des problèmes de solvabilité, des solutions de bilan. Le Gouvernement a annoncé 20 milliards d'euros d'interventions en fonds propres, plutôt pour les grandes entreprises ; l'Allemagne a annoncé des interventions en fonds propres pour les PME - c'est une des petites différences -, mais cela nous paraît plutôt de l'ordre des intentions que des réalisations. Ce sujet devra être abordé de manière différenciée, selon les secteurs et selon la situation des entreprises.

Debut de section - Permalien
Frédéric Visnovsky, secrétaire général adjoint à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et médiateur national du crédit

Monsieur Carcenac, s'il y a des problèmes avec des banques, il ne faut pas hésiter à saisir la médiation, pour faire converger les pratiques le plus vite possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

J'aurai trois questions.

Premièrement, un différentiel risque d'apparaître entre l'euro et d'autres devises qui paraîtraient plus sûres, amenant des distorsions de taux de change importantes, qui pourraient peser sur les malheureux qui avaient souscrit des emprunts structurés en francs suisses.

Deuxièmement, l'or n'en finit pas de monter. Se pose aussi la question des cryptomonnaies.

Troisièmement, la création d'une monnaie numérique souveraine pourrait offrir un support permettant d'aider les plus démunis. Cette idée est-elle envisagée ?

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Alors que les marchés financiers ont été très turbulents, nous observons une assez grande stabilité sur les taux de change, notamment de l'euro par rapport à ses principaux partenaires, comme le franc suisse ou le dollar. Il n'y a aujourd'hui aucun signe de défiance à l'égard de l'euro.

Je ne dirai pas la même chose des cryptomonnaies, ce qui ne vous surprendra pas. Elles restent des actifs spéculatifs et, moins que jamais dans cette crise, elles ne peuvent être un refuge. Ceux qui y investissent le font à leurs risques et périls.

La réflexion sur la monnaie numérique souveraine a pu être avancée l'année dernière, en contrepoint d'une monnaie numérique privée comme le libra, elle est moins d'actualité avec la crise. Ces évolutions technologiques viendront en temps et en heure. Si nous devons aller vers des actifs numériques, ne peuvent être qualifiés de monnaie que ceux qui sont associés à une intervention publique, car il s'agit d'un bien de souveraineté - souveraineté européenne dans le cas de l'euro, souveraineté mondiale un jour peut-être dans le cas évoqué. Quoi qu'il en soit, cela supposerait une évolution politique considérable de la gouvernance monétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Hier, l'un des économistes que nous avons auditionnés s'est demandé si, à l'occasion de cette crise, il ne serait pas nécessaire de réintroduire de la souplesse dans la régulation du secteur bancaire. J'aurais aimé connaître votre avis.

Debut de section - Permalien
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Comme pour toute chose, il s'agit de trouver le juste dosage. Les banques sont aujourd'hui beaucoup plus solides qu'il y a dix ans grâce au renforcement de la réglementation. Je me souviens encore des débats sur Bâle III il y a quelques mois : aujourd'hui, tout le monde reconnaît que c'est un élément de force. Il existe des flexibilités et nous les avons utilisées - j'ai parlé du coussin contracyclique, mais il y a aussi le pilier 2, la possibilité de faire des reports d'échéance sans considérer qu'il s'agisse de prêts en défaut. L'ensemble des autorités, mondiales, européennes, françaises, se sont mobilisées très vite pour accorder ces flexibilités.

On nous a même adressé le reproche inverse d'avoir pris le risque d'affaiblir les banques, ou d'avoir accordé ces flexibilités parce qu'elles étaient en état de faiblesse. Non, nos banques sont en situation de force et peuvent utiliser ces réserves conjoncturelles. En revanche, nous n'irons pas jusqu'à des flexibilités structurelles qui fragiliseraient les banques ; ce serait comme priver un navire qui doit affronter le gros temps de sa quille ou de son gouvernail, si vous me permettez cette comparaison marine...

Pour conclure, je vous remercie de nous avoir auditionnés, Frédéric Visnovsky et moi-même. Nous sommes totalement mobilisés dans cette crise, à travers les missions que j'ai évoquées, mais aussi sur le terrain, avec le réseau des directeurs départementaux. Depuis début avril, nous avons lancé le site Covid-19 et économie, accessible depuis le site de la Banque de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous vous remercions pour vos interventions et vos réponses aux questions de la commission.

La téléconférence est close à 12 h 15.

La téléconférence est ouverte à 18 h 05.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La téléconférence est close à 20 h 20.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.