Avant de commencer, je tiens à saluer Hervé Gillé et Philippe Tabarot qui, au-delà de leurs appartenances partisanes, ont fait front commun en séance publique pour défendre la position de la commission et les amendements que nous avions adoptés. Notre commission a montré qu'il était possible de dépasser les clivages politiques pour défendre l'intérêt général. On ne peut que s'en féliciter.
Nous commençons par l'examen des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat.
Pour la troisième année consécutive, j'ai le plaisir de vous présenter le fruit de mes travaux en ma qualité de rapporteur pour avis des crédits « Transition énergétique et climat ».
Cet avis portera, comme à l'accoutumée, sur les crédits relatifs au développement des énergies renouvelables et ceux relatifs à la rénovation énergétique des bâtiments.
Concernant les énergies renouvelables, je serai rapide, car ce sujet nous a beaucoup mobilisés lors du récent examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
La France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint l'objectif fixé à l'horizon 2020. Le déploiement des énergies renouvelables est pourtant doublement nécessaire à notre pays : il contribue, d'une part, à l'atteinte de nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et d'autre part, à la préservation de notre sécurité d'approvisionnement.
Ce retard est également dommageable d'un point de vue financier : fait exceptionnel dans un contexte budgétaire tendu, le développement des énergies renouvelables constitue, en 2022 et 2023, une politique publique à un coût négatif pour les finances de l'État !
Cette situation inédite s'explique par la forte hausse des coûts de l'électricité. L'État empoche en effet la différence entre le prix de marché, d'une part, et les tarifs de référence du complément de rémunération ou le tarif de l'obligation d'achat, d'autre part. Dans le cas des compléments de rémunération, cette dynamique est renforcée par le déplafonnement des contrats, permis par la loi de finances rectificative d'août 2022.
Ce sont ainsi 39,4 milliards d'euros qui entreront dans les caisses de l'État pour l'exercice budgétaire à venir !
En raison des fortes hausses des prix du gaz naturel, un phénomène analogue de baisse des charges de service public s'observe pour le gaz renouvelable : les crédits relatifs à l'injection de biométhane seront deux fois moindres que dans le PLF 2022. Cette évolution baissière est d'autant plus remarquable que 2023 devrait marquer une croissance très rapide de la production de biométhane : la production pourrait être, dans le meilleur des cas, multipliée par deux entre fin 2022 et fin 2023.
La situation est bien différente pour la chaleur renouvelable, qui accuse un retard de développement particulièrement criant. Les crédits actuels du fonds Chaleur - 520 millions d'euros en 2022 - sont déjà pleinement engagés et seront donc insuffisants pour financer l'ensemble des projets d'ici la fin de l'année. Cette situation est à déplorer, compte tenu du retard accumulé par notre pays et des besoins des acteurs, pour qui la chaleur renouvelable constitue aujourd'hui un filet de garantie face à l'instabilité du prix des énergies fossiles.
Je vous proposerai donc un amendement tendant à porter les montants du fonds Chaleur de 520 à 700 millions d'euros, une augmentation nécessaire à l'atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, comme l'a d'ailleurs reconnu le ministère de la transition énergétique (DGEC), que j'ai auditionné.
J'en viens au deuxième thème de cet avis : la rénovation énergétique des bâtiments. Il sera essentiellement question du dispositif MaPrimeRénov', qui fait l'objet d'un indéniable plébiscite des Français : depuis ses débuts en 2020, près de 1,3 million de dossiers ont fait l'objet de financement par l'Agence nationale de l'habitat (l'Anah), pour un montant cumulé de plus de 5,6 milliards d'euros. La dernière enquête réalisée auprès des ménages ayant eu recours à MaPrimeRénov' atteste également d'un taux élevé de satisfaction.
On peut en outre saluer la réorientation opportune des aides du dispositif vers les ménages des premiers déciles de revenus, alors que le bénéfice fiscal du mécanisme antérieur, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), était essentiellement capté par les ménages les plus aisés : 83 % des montants ont ainsi bénéficié aux ménages très modestes ou modestes. La prolongation du dispositif en 2023 pour tous les ménages, sans condition de ressources, proposée par l'Assemblée nationale dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2022, n'en demeure pas moins bienvenue : elle permettra de poursuivre le soutien apporté par MaPrimeRénov' à des projets à fort potentiel énergétique, les aides aux revenus intermédiaires et élevés se limitant à des forfaits « rénovation globale » et à un soutien pour la rénovation de copropriétés.
Côté budgétaire, le PLF 2023 consacre une pérennisation bienvenue du dispositif, avec 2,45 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE), en augmentation par rapport aux crédits ouverts en 2022, où les autorisations d'engagement s'élevaient à 2,1 milliards d'euros.
Voilà pour les points positifs. Toutefois quand on se penche sur le bilan énergétique du dispositif, le tableau est bien plus sombre.
Rappelons qu'une rénovation énergétique performante des bâtiments implique, en principe, des travaux d'amélioration et de décarbonation du vecteur énergétique et des travaux d'amélioration de l'isolation de l'enveloppe. Or, MaPrimeRénov' finance pour l'essentiel des travaux de rénovation portant sur le chauffage et l'eau chaude sanitaire, là où l'isolation des murs, toitures ou combles ne représente que 14 % des économies d'énergie permises en 2021 ! Le dispositif est également très largement utilisé pour financer des gestes individuels : les travaux mono-gestes représentent environ 75 % des dossiers... Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante, compte tenu du caractère bien plus performant des rénovations globales ou pluri-gestes.
En 2021, les économies d'énergie associées à MaPrimeRénov' pour chaque logement aidé étaient en augmentation de 30 % par rapport au CITE en 2019. Nous avons toutefois pu calculer, en partant des données mises à notre disposition, que les économies d'énergie permises par MaPrimeRénov' ne représenteraient en 2021 que 0,45 % de la consommation totale du parc résidentiel. À ce rythme-là, nous y serons encore dans des décennies...
Par ailleurs, s'il n'existe pas de chiffres précis sur le nombre de rénovations performantes réalisées, en l'absence de contrôle systématique à l'issue des travaux, je constate que seuls 6 700 bonus pour l'atteinte du niveau « Bâtiment basse consommation » ont été accordés en 2021, soit 1 % de l'ensemble des dossiers : ce chiffre est assez révélateur...
Il me semble donc nécessaire de mieux évaluer et d'améliorer la performance environnementale du dispositif, en l'orientant plus massivement vers les rénovations globales ou multi-gestes : les aides délivrées pour ces rénovations devraient toujours être plus avantageuses que l'addition d'aides demandées individuellement. À moyens constants, les forfaits et bonus opportunément introduits depuis les débuts du dispositif devraient donc bénéficier d'un soutien accru, aux dépens des rénovations mono-gestes. Je pense notamment à « MaPrimeRénov' Sérénité », dispositif ciblé sur les rénovations performantes et orienté vers les ménages très modestes : « MaPrimeRénov' Sérénité », qui ne représentait en 2022 qu'environ 5 % des dossiers (pour 15 % des montants), permet des gains énergétiques de plus de 50 % !
Le déploiement du service France Rénov', et à partir de 2023 d'un réseau d'accompagnateurs agréés doit également soutenir l'ambition des travaux. La massification de la rénovation énergétique passera parallèlement par la structuration des filières de rénovation et la montée en compétence des professionnels.
Il me reste enfin à aborder le « fonds vert » pour les collectivités territoriales, qui était initialement doté de 1,5 milliard d'euros et a été porté par l'Assemblée nationale à 2 milliards d'euros. Malheureusement, aucune estimation officielle de la part du fonds qui sera dédiée aux rénovations des bâtiments publics n'a été fournie au Parlement. Je le regrette évidemment. Le chiffre de 600 millions d'euros est parfois évoqué dans la presse, mais n'a pas été confirmé dans mes travaux préparatoires. En tout état de cause, ces montants ne devraient pas suffire à passer ce que de nombreux élus décrivent comme un « mur d'investissements ».
Des solutions innovantes de financement devront sans doute être mobilisées pour répondre aux besoins. Le Haut Conseil pour le climat avait par exemple évoqué la piste d'une dérogation à la séparation entre sections de fonctionnement et d'investissement pour les dépenses afférentes aux bâtiments publics, car cette séparation constitue aujourd'hui un frein à la réalisation de programmes de rénovation ambitieux. Cette piste mérite sans doute d'être creusée.
Vous l'aurez compris, mes réserves portent plus sur l'exécution que sur les montants retenus par le PLF.
J'émettrai donc un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et climatique, inscrits au projet de loi de finances pour 2023, sous réserve de l'adoption de l'amendement n° II-305, qui vise à porter les crédits du fonds Chaleur de 520 à 700 millions. Cet abondement est indispensable si l'on veut atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, car les crédits actuels du fonds sont déjà pleinement engagés...
L'amendement n°II-305 est adopté.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Nous examinons à présent le rapport de Philippe Tabarot sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes inscrits au projet de loi de finances pour 2023
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le rapport pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.
Le volet transport du PLF pour 2023 s'inscrit dans le contexte particulier de la crise énergétique, liée au conflit russo-ukrainien, et de la pression inflationniste, deux facteurs qui pèsent actuellement sur les dépenses des secteurs ferroviaire, fluvial et maritime, alors qu'ils sont confrontés à des besoins importants en matière d'investissement.
Je vais sans plus attendre vous présenter les quatre volets autour desquels s'articule mon rapport.
Je commencerai par le financement des infrastructures de transport via l'Agence de financement des infrastructures de France (Afitf).
Le PLF pour 2023 prévoit une augmentation sensible des recettes, et donc des dépenses, de l'Agence de financement des infrastructures de France, avec une enveloppe de 3,8 milliards d'euros, un montant jusqu'à présent inégalé pour cet acteur. Cette enveloppe respecte et même dépasse la trajectoire définie par la loi d'orientation des mobilités (LOM), puisqu'elle inclut des projets dont le financement n'était pas prévu dans cette trajectoire, ainsi que 500 millions d'euros du plan de relance et 150 millions d'euros pour anticiper les besoins complémentaires qui seront identifiés par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI).
Pour autant, rien n'assure que la totalité de ces 3,8 milliards d'euros sera effectivement consommée. Nos collègues rapporteurs de la commission des finances ont très justement souligné dans leur rapport que le budget voté initialement était régulièrement sous-exécuté. En 2022 par exemple, 210 des 830 millions d'euros prévus au titre du plan de relance n'ont pas été versés. En outre, certaines ressources sont particulièrement incertaines, à l'image des amendes radar, dont l'Afitf figure au dernier rang de priorité sur la liste des bénéficiaires. Ce contexte rend donc impératif de sécuriser le modèle de financement de l'agence. Les travaux du Conseil d'orientation des infrastructures et la révision à venir de la trajectoire de la LOM pourraient utilement nourrir des propositions sur ce point, sans pour autant que cela exonère le Gouvernement et le Parlement de leurs responsabilités.
Un besoin de visibilité et de pérennité de ses ressources pour l'agence s'applique d'ailleurs en matière de gouvernance et la nomination d'un nouveau président du conseil d'administration, qui, je l'espère, assurera l'ensemble de son mandat, est une urgence.
En ce qui concerne le transport ferroviaire, si la trajectoire est positive, elle reste très insuffisante pour atteindre nos objectifs.
Comme de nombreux autres secteurs cette année, celui du transport ferroviaire doit faire face à d'importantes difficultés que le PLF pour 2023, dans la version qui nous a été transmise par l'Assemblée nationale, ne permet pas de compenser, loin de là.
Je vous propose d'abord d'évoquer la question des moyens consacrés au réseau ferroviaire, à la fois à son entretien et à sa modernisation.
Le nouveau contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État, sur lequel nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises d'alerter le Gouvernement pour pointer ses insuffisances prévoit d'allouer environ 2,9 milliards d'euros à la régénération du réseau ferroviaire. Il est important de souligner que cette enveloppe n'est pas financée, comme dans d'autres pays, par des crédits budgétaires à strictement parler, mais par les fonds propres de SNCF Réseau, et en grande majorité par le produit des péages ferroviaires - péages dont le niveau, je me dois de vous le rappeler, est le plus élevé d'Europe.
Tous les acteurs s'accordent à dire que ces 2,9 milliards d'euros sont insuffisants, ne serait-ce que pour enrayer la spirale de dégradation de notre réseau ferroviaire. D'après l'Autorité de régulation des transports (ART) en effet, l'état du réseau, et notamment du réseau structurant, est particulièrement préoccupant. La moyenne, sur l'ensemble du réseau, de l'indice de consistance de la voie (ICV), qui traduit l'âge moyen du réseau, s'élève à 45, alors même que l'ICV « cible » défini par SNCF Réseau comme permettant d'assurer la pérennité du patrimoine s'établit à 55.
Dans ces conditions, la trajectoire d'investissements prévue par le contrat de performance devrait conduire d'ici à 2040, comme nous l'avions déjà relevé lorsque nous avions conduit un cycle d'auditions sur le sujet il y a quelques mois, à un vieillissement du réseau et à une augmentation significative des ralentissements sur le réseau structurant classique.
La situation est d'autant plus alarmante que le contexte actuel d'augmentation des coûts de l'énergie et des matières premières conduit SNCF Réseau à intégrer un surcoût en année pleine de l'ordre de 500 millions d'euros. Faute de moyens supplémentaires, cette situation laisse à penser que le périmètre des investissements en matière de régénération et d'entretien du réseau pourrait être revu à la baisse.
Le ministre chargé des transports a évoqué devant nous une enveloppe de 150 millions d'euros de crédits supplémentaires pour l'an prochain, qui, d'après ce que nous en avons compris, pourraient être en majorité alloués au transport ferroviaire. Pour autant, 850 millions d'euros supplémentaires seraient nécessaires pour atteindre le milliard d'euros identifié par de nombreux acteurs du secteur, comme étant nécessaire pour maintenir le réseau en état. C'est d'ailleurs le diagnostic d'Hervé Maurey et Stéphane Sautarel dans leur rapport Situation de la SNCF et ses perspectives.
Compte tenu des contraintes budgétaires que vous connaissez, je vous proposerai un amendement visant à allouer non pas 850 millions d'euros, même si ce n'est pas l'envie qui m'en manquait, mais 150 millions d'euros supplémentaires à la régénération du réseau. Cette somme est plus cohérente avec l'état de nos finances publiques. Elle s'ajouterait aux 150 millions supplémentaires débloqués par l'État. Ces montants sont considérables, j'en ai bien conscience, mais comme pour tous les investissements d'infrastructures, ce que nous n'injectons pas dans le réseau aujourd'hui nous coûtera bien plus cher dans cinq ou dix ans. Je préfère que l'on investisse dans le réseau plutôt que l'on prenne des mesurettes à court terme, notamment en faveur des énergies fossiles, qui ne permettront pas d'assurer une transition que nous appelons de nos voeux. Au-delà du seul investissement, c'est toute la trajectoire définie par le contrat de performance qu'il faut revoir.
Cela m'amène à mon deuxième point : le PLF pour 2023, au même titre que le contrat de performance d'ailleurs, ne fixe aucun cap en matière de modernisation du réseau.
Dans les faits, cela se traduit par l'énorme retard accumulé par la France dans le déploiement de deux principaux projets de modernisation du réseau ferroviaire, que sont le système européen de gestion de trafic des trains (ERTMS - European Rail Traffic Management System) et la Commande centralisée du réseau (CCR).
Concernant l'ERTMS, qui permet de réduire l'espacement entre deux trains, et donc d'augmenter la capacité des infrastructures, et d'améliorer l'interopérabilité du réseau à l'échelle européenne, il ne sera déployé qu'à un tiers de l'objectif fixé par le droit européen en 2030.
S'agissant de la CCR, qui consiste à regrouper l'essentiel des 2 200 postes d'aiguillage en une quinzaine de grands centres de gestion de la circulation ferroviaire, la situation est encore pire. D'après l'ART, l'achèvement du déploiement de la CCR en France dans les conditions actuelles n'apparaît pas possible avant 2070 ! Le retard pris par rapport aux autres États européens est considérable. À titre d'illustration, les réseaux suisse, allemand et italien sont aujourd'hui respectivement équipés à 100 %, 90 % et 70 %. Notre système ferroviaire pâtit de cette absence de vision stratégique pour notre réseau. Au-delà du seul réseau, c'est toute la filière industrielle ferroviaire française, pourtant l'une des meilleures au monde, qui s'en trouve menacée. Les retards pris dans le déploiement de la CCR et de l'ERTMS ne sont d'ailleurs pas les seuls « angles morts » du programme de modernisation. La Fédération des industries ferroviaires m'a alerté sur le besoin de soutenir les investissements pour assurer la cybersécurité du système ferroviaire, à la fois pour le transport de voyageurs et pour le transport de marchandises.
La situation des entreprises de transport ferroviaire mérite également toute notre attention. Le constat est, là encore, alarmant.
S'agissant du fret ferroviaire, le surcoût énergétique des entreprises ferroviaires est estimé à 193 millions, dont 172 millions d'euros liés à la seule augmentation des coûts de l'électricité et 21 millions liés à la hausse des coûts du carburant. Alors que le secteur du fret ferroviaire semblait enfin voir sa part modale augmenter, sous l'effet notamment, et il faut le saluer, du plan de relance - celui-ci a fonctionné, car les mesures ont émané du secteur et n'ont pas été dictées par le Gouvernement -, nous nous retrouvons dans une situation tout à fait invraisemblable dans laquelle une locomotive diesel devient presque plus compétitive qu'un train électrique.
S'agissant du transport de voyageurs, les opérateurs font là aussi face à d'importants surcoûts, les coûts de l'énergie représentant en moyenne 10 % des coûts d'exploitation. Pour ce qui concerne les transports organisés par la puissance publique, et compte tenu des mécanismes d'indexation sur les prix de l'énergie, ces surcoûts se répercutent sur les autorités organisatrices de la mobilité, qui se trouvent actuellement dans une situation catastrophique ; c'est ce que m'a confirmé la présidente d'Île-de-France Mobilités que j'ai entendue sur ce sujet. Les AOM doivent aujourd'hui faire un choix cornélien : diminuer l'offre de transport, en totale contradiction avec nos objectifs de report modal, ou augmenter le prix des billets, alors même que le pouvoir d'achat est déjà lourdement pénalisé. C'est ce qui nous a conduits la semaine dernière, avec mon collègue rapporteur Hervé Gillé, à vous présenter un amendement visant à réduire le taux de TVA, pour les deux années à venir, sur les transports du quotidien, routiers, guidés et ferroviaires. Je me réjouis donc que cet amendement ait été adopté avant-hier !
Enfin, avant d'évoquer le mode fluvial, je souhaiterais vous indiquer que je vous proposerai, encore en lien avec mon collègue Hervé Gillé, et comme l'an dernier, un amendement visant à permettre à l'ART de fonctionner dans de bonnes conditions, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, le régulateur a vu ses missions croître, les moyens humains ont suivi, mais pas le budget, l'obligeant à ponctionner son fonds de roulement. Il est important de donner à l'ART les moyens d'exercer en toute indépendance ses missions indispensables au bon déroulement de l'ouverture à la concurrence et de ne pas craindre d'aller au contentieux quand cela est nécessaire. Le transport fluvial est un secteur résilient, mais qui nécessite un soutien renforcé de la part de l'État dans le contexte actuel.
L'année 2022 semble marquer une reprise de fond pour l'activité du transport fluvial, malgré des résultats différenciés selon les secteurs.
S'agissant du fret, après un repli lié à la crise sanitaire en 2020, l'activité a renoué avec la croissance, malgré le recul de la production céréalière : le fret a augmenté de 12,5 % en tonnes-kilomètres en 2021, hors filière agricole. La reprise semble toutefois encore fragile, compte tenu de l'instabilité des marchés. Le fret a également souffert de la hausse du prix de l'énergie : selon Entreprises fluviales de France (E2F), depuis mars 2022, le surcoût lié au carburant pour les entreprises fluviales est de l'ordre de 100 millions d'euros soit 10 % du chiffre d'affaires du secteur. En dépit de ces difficultés, le transport fluvial a toutefois bénéficié de peu de soutien sectoriel...
S'agissant du tourisme fluvial, si l'activité a été plus dynamique en 2022 qu'en 2021, la fréquentation demeure inférieure de 70 % à celle constatée en 2019, qui constitue une année de référence. Certains secteurs sont particulièrement touchés, comme les croisières avec hébergement.
Un mot également sur la situation de Voies navigables de France (VNF) : le budget de l'établissement ayant été affecté par la baisse de l'activité fluviale puis par le contexte inflationniste, sa trajectoire de recettes risque de connaître un décalage l'année prochaine par rapport aux prévisions du contrat d'objectifs et de performance (COP), qui s'établissaient à 442,5 millions d'euros. Il en est de même de la trajectoire d'investissement de l'établissement dans le réseau fluvial, qui serait inférieure de plus de 60 millions d'euros aux prévisions du COP pour l'année prochaine, selon le cadrage budgétaire provisoire pour 2023 qui nous a été transmis. Peut-être sera-t-il donc nécessaire, à l'occasion de la révision du COP prévue l'année prochaine, de réajuster la trajectoire financière de l'établissement.
Surtout, comme l'année précédente, je m'inquiète de la trajectoire d'emplois de VNF : après une baisse de 30 équivalents temps plein (ETP) en 2022, de 99 ETP en 2021 et de 90 ETP en 2020, l'établissement s'apprête à subir une nouvelle baisse de 60 ETP en 2023. La modernisation des méthodes de travail de VNF devrait permettre, à horizon 2028, d'absorber ces baisses d'effectifs. Toutefois, la courbe de la trajectoire ne me semble pas soutenable, dans la mesure où les équipements qui permettront de réaliser des gains de productivité ne seront mis en service qu'en 2025-2026. VNF est obligé de recourir à des intérimaires qui coûtent plus cher. En attendant ce cap, il importe de garantir à cet opérateur des moyens humains suffisants, si on veut lui permettre de respecter les objectifs ambitieux qui lui sont fixés par le COP, notamment en matière de qualité de service et de fiabilité du réseau fluvial. Dans cette optique, je vous proposerai un amendement pour maintenir un plafond d'emplois stable pour VNF en 2023 par rapport à 2022.
Par ailleurs, dans un souci de soutenir la compétitivité des entreprises fluviales et le verdissement de leur flotte, je rappelle que je vous ai proposé, mercredi dernier, deux amendements : d'une part, un amendement visant à doubler le plafond d'exonération des plus-values sur la cession de bateaux de la navigation intérieure, qui n'a malheureusement pas passé le cap de la séance publique, et, d'autre part, un amendement visant à étaler sur quinze ans l'intégration fiscale de la revalorisation des actifs financiers des entreprises fluviales, afin de renforcer leur solidité financière. Ce dernier amendement a été adopté en séance publique, ce dont je me réjouis.
J'en viens enfin au transport maritime.
Il faut renforcer les moyens pour accompagner le secteur dans la transition énergétique et écologique. Comme les autres secteurs, le transport maritime a été marqué en 2022 par des fluctuations internationales liées notamment à la guerre en Ukraine. La hausse des prix de l'énergie a également pesé sur le secteur : le prix des combustibles marins a crû de 65 % entre janvier et juin 2022, avant un retour à son niveau de début d'année. Les segments du trafic maritime ont été affectés de manière très différenciée : si le trafic des conteneurs affiche toujours une dynamique positive, comme en 2021, l'année 2022 a été plus difficile pour le vrac liquide ainsi que pour les activités de croisières et les ferries.
Globalement, le PLF pour 2023 s'inscrit dans la continuité de la loi de finances initiale pour 2022 s'agissant du transport maritime avec un maintien des efforts en faveur de la compétitivité du secteur avec en particulier deux dispositifs phares. D'une part, le net wage, qui permet aux entreprises d'armement maritime effectuant du transport de passagers à l'international de bénéficier d'exonérations de cotisations patronales. Ce dispositif est applicable pour trois ans (2022-2024) et permettra aux compagnies de ferries concernées de bénéficier de plus de 12 millions d'euros d'exonérations en 2023. Et d'autre part, les exonérations de cotisations patronales applicables aux armateurs de la flotte de commerce, qui s'élèveront à 67 millions d'euros en 2023.
Je souhaite achever ce propos en évoquant les enjeux de verdissement du transport maritime. Le transport maritime représente près de 3 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Face à la demande croissante en transport maritime, ce taux pourrait atteindre 90 à 130 % de son niveau de 2008 d'ici à 2050 en l'absence de nouvelles politiques de réduction des émissions. Dans ce contexte, l'Organisation maritime internationale a fixé un objectif de neutralité carbone pour le transport maritime d'ici 2050.
Or, face à cet enjeu croissant, les efforts pour soutenir les armateurs dans la transition écologique apparaissent encore notoirement insuffisants dans notre pays.
Premièrement, le plan de relance avait prévu 175 millions d'euros pour le verdissement des ports sur deux ans, soit un montant très inférieur aux recommandations de la mission d'information sénatoriale sur la gouvernance et la performance des ports maritimes de 2020, qui proposait une trajectoire d'investissement de 5 milliards d'euros sur 10 ans, rien que pour développer les infrastructures de report modal. En outre, 25 millions d'euros étaient prévus pour le verdissement des navires, mais ces crédits sont uniquement destinés à la flotte de contrôle et de balisage de l'État et ne profitent donc pas aux armateurs.
Deuxièmement, les crédits du plan de relance sont désormais presque intégralement consommés et les acteurs sont donc dans l'incertitude sur la suite. Le Gouvernement vient d'annoncer début novembre un plan France Mer 2030, avec notamment la mise en place d'un fonds d'investissement dédié à l'innovation en matière de transition écologique des navires d'ici la fin du quinquennat qui serait doté de 300 millions d'euros, mais celui-ci ne semble pas pris en compte dans le présent projet de loi de finances.
Enfin, et en définitive, à l'heure actuelle, le seul outil à disposition des armateurs pour verdir leur flotte est le suramortissement vert, qui leur permet de bénéficier d'une déduction fiscale sur l'acquisition d'équipements de propulsion décarbonés. Or, comme vous le savez, ce dispositif a été faiblement utilisé jusqu'à aujourd'hui. Nous en avons revu les paramètres l'année dernière, dans le cadre de l'examen du PLF pour 2022, afin de le rendre plus accessible et plus opérationnel. Les armateurs ont toutefois besoin de temps pour se l'approprier, car le renouvellement de leur flotte dépend de nombreuses contraintes, telles que la disponibilité des financements, le calendrier des chantiers navals ou encore le coût des combustibles... Or, le dispositif n'est pour l'heure applicable que jusqu'en 2024.
Afin de donner plus de visibilité aux armateurs, je vous ai donc proposé la semaine dernière un amendement visant à en prolonger l'application jusqu'en 2026.
En outre, le suramortissement vert comporte encore des angles morts : les navires neufs ne peuvent par exemple pas bénéficier de la déduction fiscale portant sur les équipements véliques destinés à compléter la propulsion principale d'un navire ni de la déduction fiscale concernant l'acquisition d'équipements permettant l'alimentation électrique des navires durant les escales. Je vous ai donc proposé un amendement la semaine dernière visant à remédier à cette anomalie.
Ces deux amendements ont été adoptés en séance publique, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Sous le bénéfice des observations que j'ai partagées avec vous et des amendements que je vous soumets, je vous propose d'émettre un avis de sagesse à l'adoption des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.
Il n'est pas si fréquent que les commissions s'accordent entre elles au moment du budget, mais, en l'occurrence, nous souscrivons tout à fait aux propos de M. Tabarot.
Nous avons été stupéfaits en constatant la sous-exécution des crédits de l'Afitf, alors même que ces derniers ne sont pas suffisants... J'espère que le prochain président de l'agence sera vigilant sur ce point. Quant au contrat d'objectifs et de performance - ou plutôt, devrait-on dire, de contre-performance ! -, il n'est absolument pas satisfaisant : les crédits en faveur de la régénération du réseau sont trop faibles, tandis que la modernisation est totalement oubliée. Le ministre des transports a indiqué que l'objectif était de maintenir au niveau actuel l'état du réseau. C'est inquiétant et grave, car notre réseau est dans un mauvais état, et la situation continue de se dégrader : si pour l'instant ce sont principalement des lignes secondaires qui sont touchées, des lignes plus importantes pourraient être bientôt concernées ! Il est presque miraculeux que l'on n'ait pas connu un autre accident similaire à celui de Brétigny-sur-Orge.
Comme vous, j'aurais aimé déposer un amendement plus ambitieux, mais nous déposerons un amendement identique au vôtre. Nous devons unir nos forces pour augmenter les crédits en faveur du ferroviaire : nous ne pouvons pas attendre 2070 pour que le réseau soit modernisé !
Nous aurions aimé émettre un avis négatif sur ces crédits mais notre rapport s'inscrit dans la mission « Écologie, développement et mobilités durables », pour lequel l'avis de la commission était globalement favorable. Nous avons toutefois indiqué que nous étions tout à fait défavorables aux crédits tels qu'ils étaient proposés ; s'ils peuvent paraître satisfaisants au premier regard, ils ne préparent pas l'avenir.
Nous partageons l'analyse de M. Tabarot. Au-delà des constats, il convient de trouver des solutions. Nous devrions ainsi réfléchir à des montages financiers innovants pour faire face au mur d'investissements de 100 milliards d'euros qui se dresse devant nous pour financer la régénération et la modernisation du réseau. Un autre axe de réflexion concerne les péages ferroviaires, dont le niveau pèse sur tout le système et sur le prix du billet facturé à l'usager.
L'ART a fait la preuve de son utilité. Nous devons préserver son indépendance financière. Nous soutenons vos propositions.
VNF doit assurer la modernisation des écluses tout en gérant efficacement ses effectifs. C'est ce qui explique le recours à des CDD pendant une période temporaire. L'organisme a besoin de 40 postes de plus dans l'immédiat.
Pour conclure, le principal sujet d'inquiétude est bien l'état du réseau ferroviaire. Le budget à cet égard est en trompe-l'oeil : si le projet de loi de finances semble s'inscrire dans la trajectoire de la LOM, il n'est pas du tout à la hauteur des enjeux.
Le niveau de nos péages ferroviaires est le plus élevé d'Europe ; cela pose des problèmes aux opérateurs et aux AOM.
L'Afitf n'est pas condamnée à voir ses crédits sous-consommés. Le passage de Jean Castex à la tête de l'agence pendant quelques semaines a montré que la situation pouvait évoluer. En quelques semaines, des situations se sont débloquées et de nombreuses conventions ont été signées. Était-ce lié au poids politique de Jean Castex, à sa connaissance des services de l'État, à ses liens avec les élus ? En tout cas, une agence qui gère autant de fonds ne peut fonctionner avec quelques ETP et quelques stagiaires et a besoin de plus de moyens. La question de sa gouvernance est cruciale si l'on veut que les crédits soient consommés.
La mission d'un rapporteur de crédits budgétaires n'est pas de lancer des alertes. Dénoncer les manques, c'est bien, mais il faut aussi faire des propositions pour agir. Pour cela, nous devons rassembler. J'aurais aimé déposer un amendement pour consacrer 850 millions supplémentaires à la régénération ferroviaire, mais je ne suis pas sûr que la commission des finances m'aurait suivi, non plus que le Gouvernement... Le rapport de la commission des finances de février courageux a dénoncé des problèmes réels. Mon but est désormais d'essayer de faire avancer les choses. Finalement, 150 millions, c'est mieux que rien, et cela permet d'aller de l'avant.
C'est effectivement en se fixant des objectifs atteignables que l'on peut avancer. Encore une fois, la collaboration entre Hervé Gillé et Philippe Tabarot a été exemplaire à cet égard.
VNF manque de moyens pour aider les collectivités qui investissent pour entretenir les canaux ou créer des ports de plaisance fluviale.
La sous-consommation des crédits de l'Afitf s'explique-t-elle par un renouvellement trop fréquent des présidents de l'agence ? Ou alors, faut-il pointer le retard des travaux de la SNCF ? Beaucoup de chantiers n'avancent pas. La SNCF ne fait pas assez appel à des sous-traitants. On souffre aussi d'une pénurie de main-d'oeuvre pour réaliser les travaux. La SNCF a une part de responsabilités. La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, communément appelée POLT, est en travaux depuis longtemps et ceux-ci, qui devaient être terminés en 2024, ne le seront qu'en 2026 ou 2027 ; c'est autant de crédits qui ne sont pas consommés.
Je n'ai pas compris pourquoi SNCF Réseau n'avait pas engagé davantage de travaux pendant la pandémie.
Si l'on doit saluer l'effort réalisé par le Gouvernement pour augmenter les crédits d'investissement de VNF, on peut s'inquiéter d'une réduction trop rapide de la trajectoire d'emplois de l'organisme. VNF est obligé soit de recruter des intérimaires qui coûtent 30 % plus cher, soit de se défausser sur les collectivités territoriales. C'est pourquoi je propose d'augmenter le plafond d'emplois pour lui permettre de recruter des effectifs via des CDD.
Vos remarques sur l'Afitf sont justes. Je ne crois pas à l'homme providentiel. Je ne sais pas si un maintien de Jean Castex à la présidence de l'Afitf aurait permis de résoudre tous les problèmes, mais s'agissant des difficultés que vous évoquez concernant la réalisation des travaux, je constate que, durant sa présidence, tous les services de l'État concernés participaient aux conseils d'administration de l'agence, ce qui n'était pas le cas auparavant, tandis qu'il veillait personnellement à l'avancée des chantiers.
Nous devrons aussi veiller à ce que SNCF Réseau dispose des ressources humaines suffisantes pour mener à bien tous ses chantiers, quitte peut-être à avoir recours à des prestataires privés.
On peut aussi se demander, comme nos rapporteurs spéciaux l'ont fait, s'il n'aurait pas mieux fallu donner une vraie indépendance à SNCF Réseau à l'occasion de la réforme de la SNCF. Mais c'est un autre sujet...
Le président de SNCF Réseau estimait, lors de son audition au Sénat, que l'entreprise avait la capacité de réaliser des travaux de régénération à hauteur de 300 millions d'euros par an. Cela correspond exactement aux 150 millions promis par le Gouvernement et aux montants supplémentaires qui seraient octroyés si l'amendement de notre rapporteur pour avis était adopté. Mais pour régénérer et moderniser notre réseau, il faudrait faire bien plus !
Vous avez évoqué l'embellie qu'a représentée pour l'Afitf la brève présidence de M. Castex. Soit, mais je ne rappellerai qui était son président précédemment, et pour une période bien plus longue...
Une loi de programmation ferroviaire serait nécessaire. Cela permettrait de casser la logique infernale de la hausse des péages ferroviaires. Je rappelle que la majeure partie des moyens d'investissement de SNCF Réseau provient des péages et le COP prévoit qu'ils vont continuer à augmenter fortement.
Nous avons reçu un pseudo-engagement du ministre de déposer un projet de loi de programmation du ferroviaire. J'espère que ce sera bien le cas. Mais avant d'envisager une telle loi, il faut résoudre la question de la sous-consommation des crédits, sinon un nouveau texte ne serait guère utile.
S'agissant des péages, la situation est complexe. La dynamique est catastrophique. On sait qu'une baisse des péages permet de relancer le secteur. On l'a constaté à l'étranger, ou encore avec le plan de relance du fret : celui-ci a fonctionné parce qu'il n'a pas été dicté par l'État et parce qu'il a procédé d'initiatives des acteurs de la filière ; les opérateurs ont proposé une baisse des péages et cela a fonctionné ! Les régions, en tant qu'AOM, investissent pour développer des dessertes nouvelles et maintenir des lignes existantes, mais s'il n'est pas possible de faire circuler davantage de trains parce que les péages sont trop élevés, ces efforts sont vains. Tout doit être coordonné. Il faut à la fois investir pour moderniser le réseau, permettre à SNCF Réseau de mener à bien les travaux nécessaires et régler la question de la hausse des péages, sinon on ne sortira pas de l'impasse.
Nous parvenons souvent à avoir des vues concordantes sur le ferroviaire. Je salue à mon tour le travail conjoint entre Hervé Gillé et Philippe Tabarot. Les rapporteurs spéciaux ont bien analysé la situation catastrophique du secteur dans leur rapport paru en février dernier. Notre rapporteur a dit qu'il n'était pas un lanceur d'alerte, mais quelle est la portée d'un amendement de 150 millions d'euros ? Sans doute ne pouvez-vous aller plus loin en raison de votre ligne politique... J'interpelle aussi les rapporteurs spéciaux : nous sommes tous d'accord sur le diagnostic, il est temps maintenant d'agir, faute de quoi des lignes continueront à être fermées. Je plaide pour une loi de programmation du ferroviaire. Peut-être devrions-nous nous appuyer sur un travail transpartisan et consensuel, afin de définir un nouveau modèle économique du ferroviaire en France. En attendant, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain déposera des amendements plus ambitieux et plus proches des recommandations de l'ART.
Ma position n'est pas dictée par les discussions au sein du groupe Les Républicains. Simplement, un amendement augmentant de 850 millions d'euros les crédits en faveur de la régénération du ferroviaire aurait certainement reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement, et n'aurait eu guère de chances d'être adopté. Ne vaut-il pas mieux parvenir à faire adopter un amendement de 150 millions ? Cette somme, ajoutée aux 150 millions du Gouvernement, permet d'atteindre le seuil de 300 millions, le montant de crédits qui peut être réellement consommé par SNCF Réseau dans l'immédiat. J'ai donc préféré faire preuve de pragmatisme. Mieux vaut 150 millions que rien. Ce n'est certes pas le grand-soir, mais cette proposition est réaliste, consensuelle et conforme à ce qui peut être fait.
L'amendement II-332 vise à allouer 2 millions d'euros supplémentaires à VNF pour 2023, afin de lui permettre de recruter 40 ETPT, sous la forme de contrats à durée déterminée. Il s'agit de privilégier des CDD plutôt que des CDI ou des intérimaires, afin d'accompagner l'organisme dans sa modernisation en attendant que des gains de productivité se fassent sentir et permettent à VNF d'absorber les baisses d'effectifs prévues.
L'amendement II-332 est adopté.
L'amendement II-333, que je propose avec Hervé Gillé, vise à allouer 4,6 millions d'euros supplémentaires à l'Autorité de régulation des transports. L'ART est aujourd'hui dans une situation critique ; son fonds de roulement ne lui permettant pas de faire face à un imprévu ou à un contentieux qu'elle perdrait. Cet amendement vise donc à lui donner les moyens d'exercer son rôle dans de bonnes conditions et de manière totalement indépendante.
L'amendement II-333 est adopté.
L'amendement II-334 vise à affecter 150 millions d'euros supplémentaires à la régénération du réseau ferroviaire. Il ne s'agit pas de financer de grandes opérations de modernisation du réseau, mais bien de réaliser des investissements dans les territoires pour les désenclaver ou conserver des petites lignes.
L'amendement II-334 est adopté.
Article 33
L'amendement II-331 est complémentaire de l'amendement II-332 : pour permettre à VNF de recruter les 40 ETPT, il convient de modifier le plafond d'emplois de cet opérateur tel que prévu par le présent projet de loi de finances.
L'amendement II-331 est adopté.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s'abstiendra sur la proposition du rapport sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.
La commission a émis un avis de sagesse sur l'adoption des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Nous passons maintenant à l'examen du rapport pour avis d'Hervé Gillé sur les crédits relatifs aux transports routiers prévus par le projet de loi de finances (PLF) pour 2023.
J'ai l'honneur de vous communiquer à mon tour les principaux axes de mon avis sur les crédits consacrés aux transports routiers dans le projet de loi de finances pour 2023. Je souhaiterais en détailler avec vous les cinq principaux volets.
Je commencerai par évoquer la question du financement de nos infrastructures de transport.
Comme vous l'a indiqué Philippe Tabarot, 3,8 milliards d'euros de recettes sont attendus pour 2023 par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Il s'agit, comme cela a été indiqué, d'une somme considérable, et en augmentation par rapport à l'année précédente.
Cela étant dit, et eu égard au dernier budget rectificatif adopté par l'agence en 2022, on peut penser que malgré cette tendance positive, les consommations de crédits sont en réalité moins importantes que la prévision initiale.
En outre, l'Afitf pâtit, depuis plusieurs années désormais, d'un modèle de financement qui fait reposer des dépenses pérennes et certaines sur des recettes incertaines, pour ne pas dire parfois imprévisibles. Je pense bien sûr aux amendes radar mais, également, pendant la crise sanitaire, à la contribution du secteur aérien. S'y ajoute, depuis deux ans, le refus de la part des sociétés concessionnaires d'autoroutes de s'acquitter du versement de la contribution volontaire exceptionnelle à la suite de l'augmentation du taux de la taxe d'aménagement du territoire, ce qui représente un manque à gagner d'environ 60 millions d'euros par an. L'année 2022 a également été marquée par une sous-exécution de plus de 210 millions d'euros du plan de relance. Cette situation est préoccupante, d'autant plus dans un contexte de hausse des prix qui pourrait conduire à un renchérissement du coût des projets financés par l'Afitf. D'ores et déjà, l'agence nous a indiqué que le dernier budget rectificatif prenait en compte une hausse de 10 millions d'euros des coûts de régénération routière.
Dans ce contexte, il est essentiel de sécuriser les ressources de l'Afitf. C'est dans cet esprit que je vous avais présenté, la semaine dernière, un amendement visant à ce que, si certaines recettes de l'agence venaient à manquer, une part supplémentaire d'accise sur les énergies (ex-taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou TICPE) lui serait affectée.
J'en viens à présent au deuxième axe de mon avis budgétaire, relatif au financement des transports collectifs.
Là encore, je partage le constat formulé par Philippe Tabarot : les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sont dans une situation intenable. D'une part, elles doivent à présent commencer à rembourser les avances qui leur avaient été accordées par l'État pendant la crise sanitaire. D'autre part, elles doivent faire face à d'importants surcoûts énergétiques du fait de la répercussion de la hausse des prix de l'énergie. Pour ne donner que quelques exemples, ce surcoût est estimé à Lyon à 14 millions d'euros pour 2022 et à 41 millions d'euros pour 2023 ; à Toulouse, il est de l'ordre de 5 à 6 millions d'euros pour 2022 et devrait atteindre 28 millions d'euros en 2023.
La situation est alarmante et les AOM n'ont d'autre choix que de réduire l'offre de transports, augmenter le tarif payé par l'usager ou encore renoncer - ou du moins reporter - certains de leurs investissements en matière de transports collectifs. Aucune de ces solutions n'est pleinement satisfaisante, d'autant plus compte tenu de nos objectifs de décarbonation du secteur des transports, qui supposent un report modal massif vers les transports collectifs.
C'est pourquoi, afin de donner davantage de marges de manoeuvre aux AOM, vous avez adopté la semaine dernière l'amendement que nous avons porté avec Philippe Tabarot, afin de diminuer le taux de TVA sur les mobilités du quotidien. Je me réjouis que cet amendement ait été adopté en séance publique.
En complément, je vous avais également proposé, la semaine dernière, d'adopter un amendement dans l'objectif de soutenir les communautés de communes s'étant récemment saisies de la compétence mobilité et n'ayant pas instauré de versement mobilité, par l'affectation d'une fraction d'accise sur les énergies à hauteur de 10 euros par habitant.
Enfin, avant d'en venir à l'état de nos routes, je souhaiterais partager avec vous l'un des constats importants de mon rapport : celui du manque de coordination entre les différentes parties prenantes concourant aux politiques de mobilité. Nous manquons de vrais schémas de mobilité partagés. Ce diagnostic m'a été rapporté par de nombreux acteurs que j'ai eu l'occasion d'auditionner. À titre d'exemple, Intercommunalités de France a soulevé la problématique des ruptures de continuité des itinéraires, notamment dans les espaces périurbains, qui résultent souvent d'un manque de communication et d'objectifs partagés. Un autre exemple concerne la faible association du tissu économique local à la définition des politiques de mobilité, alors même que les trajets domicile-travail représentent une part non négligeable des déplacements et que les entreprises concourent significativement au financement des transports collectifs.
Le troisième point de mon rapport porte sur l'entretien des infrastructures routières. Le PLF pour 2023 prévoit d'allouer, conformément à la trajectoire fixée par la loi d'orientation des mobilités, environ 930 millions d'euros de crédits de paiement à l'entretien du réseau routier national non concédé (RRNNC), soit une augmentation d'environ 60 millions d'euros par rapport à l'enveloppe prévue pour 2022.
Pour autant, tout laisse à croire que, compte tenu de l'augmentation des prix de l'énergie d'une part, et des prix des matières premières d'autre part, les objectifs de régénération du réseau national soient revus à la baisse. Pourtant, l'heure n'est pas à baisser la garde, à la veille des transferts de routes nationales aux métropoles, départements et régions volontaires en application de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
À cet égard, il faut rappeler que les demandes des collectivités représentent environ 4 000 kilomètres de linéaire, sur les 11 000 kilomètres de voies concernées. En outre, 16 départements ont assorti leur demande de transfert de conditions. Certaines d'entre elles portent notamment sur l'engagement de l'État sur des opérations d'investissements dans les prochains contrats de plan État-régions (CPER) - sur lesquels, comme vous le savez, on manque de visibilité.
Aussi, il est essentiel de maintenir un effort suffisant d'entretien des routes qui servent trop souvent, comme l'a très justement fait remarquer l'Assemblée des départements de France, de variable d'ajustement budgétaire. Dans ces conditions, je vous proposerai un amendement visant à abonder de 50 millions d'euros supplémentaires le budget consacré à l'entretien des routes de l'État.
Suivant la même logique, je vous proposerai un amendement visant à rattraper le retard en matière de financement des dépenses d'entretien des ouvrages d'art de l'État.
J'en viens à présent aux ouvrages d'art des collectivités territoriales. Créé plus d'un an après l'adoption, par notre commission, du rapport de 2019 Sécurité des ponts : éviter un drame de la mission présidée par Hervé Maurey, et dont les rapporteurs étaient Patrick Chaize et Michel Dagbert, le programme national Ponts a permis de déployer, dans le cadre du plan de relance, 40 millions d'euros sur trois ans en faveur du recensement et de l'évaluation des ouvrages d'art du bloc communal. Aux termes de cette première phase de diagnostic, il apparaît que le constat alarmant dressé en 2019 s'est confirmé, voire même aggravé. Ainsi, sur les 40 000 ponts des 11 540 communes bénéficiaires du programme, il apparaît que 23 % des ouvrages d'art du bloc communal présentent des défauts significatifs majeurs.
Le programme national Ponts a donc permis une première avancée nécessaire, mais l'effort doit être poursuivi. D'abord, compte tenu des crédits du programme restants, seuls 300 à 500 ouvrages devraient pouvoir bénéficier d'une évaluation approfondie de leur état. Je vous proposerai, avec mon collègue rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, un amendement visant à permettre à l'ensemble des ponts dégradés, de bénéficier de cette évaluation. En outre, après ce travail de recensement et d'évaluation approfondie, se posera évidemment la question du financement des travaux de réparation des ouvrages qui peuvent atteindre des niveaux considérables. Sur ce point-là, nous avons pris un retard significatif par rapport à la recommandation formulée en 2019 de consacrer 130 millions d'euros par an aux ouvrages d'art des collectivités territoriales. Aussi, afin de permettre la remise en état d'environ 500 ponts parmi les ouvrages les plus dégradés identifiés dans le cadre du programme national Ponts, je vous proposerai, également avec mon collègue rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, un amendement visant à créer un fonds d'aide à l'entretien et à la réparation des ouvrages d'art des collectivités territoriales.
Le quatrième volet de mon avis porte sur la décarbonation des véhicules, lourds comme légers, qui suppose de renforcer les dispositifs de soutien des ménages, mais aussi des collectivités territoriales.
Nous nous sommes fixé, à l'échelle nationale et à l'échelle européenne, des objectifs ambitieux de fin de vente des véhicules thermiques. Pour les atteindre, il est crucial d'anticiper les échéances et de soutenir les ménages et les professionnels dans le renouvellement de leurs véhicules pour les encourager à acquérir des véhicules moins polluants. C'est tout l'objectif des dispositifs de bonus automobile ou encore de prime à la conversion. Je profite d'évoquer ces deux dispositifs pour vous signaler que plusieurs des auditions que j'ai conduites ont mis en lumière le fait que certaines de ces aides ne sont pas suffisamment ciblées pour favoriser l'acquisition de véhicules moins lourds, qui sont aussi moins polluants. Nous sommes face à un paradoxe : nous confortons aujourd'hui les constructeurs automobiles qui produisent des véhicules de plus en plus lourds et ceux-ci déplorent la concurrence de la Chine, qui produit des véhicules de plus en plus légers. Autrement dit, les constructeurs chinois gagnent des parts de marché en France sur les véhicules plus légers, qui sont intéressants pour mener nos politiques de décarbonation du secteur automobile.
Cette année, le PLF pour 2023 prévoit la création d'un nouveau dispositif de leasing social, dont l'objectif est de permettre aux ménages les plus modestes de pouvoir louer des véhicules électriques à moins de 100 euros par mois, tout en favorisant la production de véhicules français. Pour autant, aucune des auditions que j'ai menées dans le cadre de cet avis budgétaire ne m'a permis de disposer d'informations plus détaillées sur les modalités de ce prêt : qui en bénéficiera ? Quels seront les véhicules concernés ? Quel sera le montant de l'aide ? Autant de questions qui restent en suspens. Au total, 1,3 milliard d'euros sont prévus pour le bonus automobile, la prime à la conversion et ce dispositif de leasing social. Je regrette fortement que le Gouvernement impose au Parlement de se prononcer sur une somme aussi substantielle pour un dispositif dont on ignore encore tout.
Cela étant dit, le renforcement du soutien à l'acquisition de véhicules propres est particulièrement prégnant dans le contexte du déploiement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). S'il faut saluer l'affectation de 200 millions d'euros du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires à l'accompagnement du déploiement des ZFE-m, je regrette le retard du déploiement de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, sans quoi l'efficacité des ZFE-m restera limitée. En outre, je vous avais proposé la semaine dernière un amendement visant à allonger la durée de l'expérimentation d'un prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un véhicule peu polluant dans et à proximité des ZFE-m. Je me réjouis que cet amendement ait été adopté en séance publique.
En parallèle de la décarbonation de la flotte automobile, la transition écologique du secteur du transport routier de marchandises représente un défi considérable ; 99 % du parc des 600 000 poids lourds fonctionnant au diesel et les alternatives étant particulièrement onéreuses.
Je salue l'adoption, en séance publique, des deux amendements que je vous avais proposés d'adopter sur le sujet, qui visaient respectivement à créer un prêt à taux zéro pour l'acquisition de poids lourds peu polluants et à élargir le bénéfice du suramortissement pour l'acquisition de poids lourds peu polluants aux véhicules rétrofités. Je vous proposerai, en complément, d'adopter un amendement visant à allouer davantage de moyens à l'appel à projets « Ecosystèmes des véhicules électriques », dont l'enveloppe a déjà été intégralement consommée.
Enfin, je souhaiterais évoquer la question du développement du vélo qui, ces dernières années, est loin d'être anecdotique. Le plan Vélo et mobilités actives, créé en 2018, a en effet permis de créer plusieurs milliers de kilomètres d'aménagements cyclables et le nouveau plan Vélo, annoncé en septembre dernier, poursuit cette dynamique positive. Pour autant, on observe aujourd'hui que le mouvement doit être encore amplifié, notamment pour faire face aux besoins en matière d'ingénierie territoriale. Je vous présenterai un amendement en ce sens.
Sous le bénéfice des observations que j'ai partagées avec vous et des amendements que je vous propose d'examiner, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers.
L'amendement II-345 vise à rattraper le retard pris par l'État dans l'entretien de ses ouvrages d'art au regard de la trajectoire de 120 millions d'euros par an préconisée par le rapport de notre commission de 2019 sur la sécurité des ponts, et d'y consacrer 105,1 millions d'euros supplémentaires dès 2023.
L'amendement II-345 est adopté.
L'amendement II-346 vise à consacrer 50 millions d'euros supplémentaires à l'entretien du réseau routier national non concédé, notamment dans la perspective des transferts de voirie aux collectivités territoriales volontaires en application de la loi « 3DS » relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
L'amendement II-346 est adopté.
L'amendement II-347 vise à allouer 15 millions d'euros supplémentaires à l'appel d'offres « Écosystème des véhicules lourds électriques », mis en place en mars 2022 et doté de 65 millions d'euros. D'après la Fédération nationale des transports routiers, l'Ademe ne reçoit plus de dossier sur cet appel à projets, l'enveloppe ayant été intégralement consommée. Compte tenu des besoins en matière de décarbonation des flottes de poids lourds, cet amendement vise donc à amplifier le soutien à la transition écologique du secteur.
L'amendement II-347 est adopté.
L'amendement II-348 vise à déployer 20 millions d'euros supplémentaires au bénéfice du développement de la part modale du vélo, et plus particulièrement pour faire face aux besoins en matière d'ingénierie territoriale.
L'amendement II-348 est adopté.
Avant de conclure, je voulais remercier tous les membres de la commission qui ont fait front en séance ces derniers jours pour défendre nos positions : grâce à vous, nous avons pu faire adopter nos amendements. En tant qu'élus, nous ne devons pas seulement dénoncer ce qui ne va pas, mais aussi faire des propositions concrètes pour régler les problèmes.
Je m'associe à ces remerciements. Je tiens aussi à remercier Olivier Jacquin à qui je succède en ma qualité de rapporteur. Nos propositions s'inscrivent dans la continuité de ses travaux lorsqu'il était rapporteur pour avis sur les transports routiers pendant deux années.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Notre collègue Évelyne Perrot, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs au transport aérien, souhaite nous soumettre une proposition qui concerne l'insonorisation des logements situés près des aéroports.
Vous avez approuvé, le 9 novembre dernier, à la fois les crédits de l'aérien pour 2023 et un amendement destiné à compenser les pertes de recettes de taxe qui financent les travaux pour améliorer la quiétude des riverains : notre amendement demandait 67 millions d'euros, ce qui correspond au chiffrage du Gouvernement.
Notre initiative s'est révélée opportune, car une semaine après, le 16 novembre, le Sénat a adopté une disposition similaire en projet de loi de finances rectificative : similaire, mais pas identique puisqu'il s'agit de 20 millions d'euros et pas de 67.
Un accord a été obtenu hier en CMP et les conclusions seront examinées en séance vendredi 25 novembre. Si le texte du Sénat est définitivement adopté, il serait logique de rectifier notre amendement en déduisant les 20 millions d'euros déjà votés de notre chiffre initial, qui, je le rappelle, résulte des calculs effectués par l'administration et figurent dans les réponses au questionnaire budgétaire.
Le plus simple serait de donner mandat à la rapporteure pour avis afin de procéder, en votre nom, à la rectification en cas de besoin. Approuvez-vous cette démarche de rectification graduée ?
Il en est ainsi décidé.
Nous passons à l'examen des crédits relatifs à la politique des territoires.
Comme chaque année, je vous présente mon rapport sur deux programmes de la mission « Cohésion des territoires », le 112 et le 162, et sur le compte d'affectation spéciale (CAS) consacré au « Financement des aides à l'électrification rurale » (Facé), ainsi que sur les programmes 119 et 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Ces programmes concourent, avec 23 autres programmes budgétaires, à la politique d'aménagement et de cohésion du territoire.
Je dirai d'abord un mot sur l'évolution générale des crédits budgétaires affectés à chacun de ces programmes, avant de vous faire part de plusieurs remarques thématiques et d'évoquer les trois propositions d'amendements que je ferai tout à l'heure.
Je commence par vous présenter les crédits.
D'emblée, je tiens à dire, comme je l'ai fait l'an dernier, que la dispersion des crédits concourant pourtant aux mêmes politiques dans des programmes budgétaires distincts ne facilite pas le travail du Parlement et relativise fortement la portée de l'autorisation que nous accordons au Gouvernement.
Ainsi, pour le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », si l'on retient uniquement le montant des crédits votés en loi de finances initiale pour 2022, on constate une hausse de 35 % en autorisations d'engagement (AE) et de 6,3 % en crédits de paiement (CP).
Toutefois, si l'on prend les crédits votés en 2022 augmentés de ceux inscrits dans la mission du plan de relance et qui ont été transférés en gestion au programme 112, on constate une baisse de 5,4 % en AE et une baisse de 19 % en CP.
Tout est donc affaire de présentation...
Au-delà de ces éléments de technique budgétaire, qui doivent être analysés précisément par nos collègues de la commission des finances, le programme 112 est principalement marqué par deux événements pour 2023.
D'abord, la montée en puissance du volet territorial des contrats de plan État-régions et interrégions (CPER-CPIER), dont les financements augmentent de 80 millions d'euros en AE pour soutenir le lancement de la génération 2021-2027 des CPER. Pour rappel, ce sont au total 28 milliards d'euros de « crédits État » qui ont été contractualisés dans les CPER et CPIER pour la période 2021-2027, dont un peu moins d'un milliard pour le volet territorial, qui est porté par le programme 112.
Ensuite, le budget 2023 consacre un renforcement des pactes de développement territorial, conçus pour soutenir des territoires particulièrement en difficulté, avec une hausse de 36 millions d'euros en AE et de 29 millions d'euros en CP, qui alimenteront les 12 contrats de développement territorial, dont le renouveau du bassin minier ou encore le nouveau plan « Avenir Lourdes », pour lequel on peut parler d'un petit miracle budgétaire.
Si je me réjouis que des crédits initialement fléchés « relance » et à la main du ministère de l'économie, aient été rapatriés, en gestion 2021 et 2022, dans les programmes de droit commun, l'exercice n'a pas été poussé jusqu'au bout.
Ainsi, il demeure encore des crédits de paiement pour 2023 dans la mission plan de relance, notamment une enveloppe de 113 millions d'euros pour le soutien aux actions de développement local, dont la ventilation est illisible, entre les CPER, le plan de transformation de la Corse ou encore les actions de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
En outre, à la complexité créée par la mission « Plan de relance » il y a deux ans, s'ajoute aujourd'hui un nouveau manque de lisibilité, avec la création d'un « fonds vert », qui constitue une bonne nouvelle en soi, mais au sujet duquel nous disposons de trop peu d'informations, sur son fonctionnement et les montants qui seront attribués à chaque action, alors que ce fonds a également vocation à soutenir des politiques de cohésion des territoires.
Je referme cette parenthèse.
L'an dernier, je vous avais indiqué qu'un niveau de 315 millions d'euros environ en AE et CP me paraissait devoir être le niveau « de croisière » du programme 112. Cette année, nous atteignons ce niveau pour les AE, mais il y a un retard de 50 millions pour les CP.
Pour les programmes 119 et 122, je note que les dotations d'investissement - dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) - sont stables à un niveau important d'environ 1,8 milliard d'euros et que les financements pour le traitement des conséquences de la tempête « Alex » sont bien inscrits.
En outre, je retiens deux éléments. D'une part, le montant de ces dotations n'inclut pas les effets de l'inflation, donc le même volume de financements mobilisés ne permettra pas à nos territoires de faire la même chose qu'un ou deux ans plus tôt. Cela me paraît à cet égard problématique. D'autre part, je note que les dépenses d'investissement des collectivités ont connu une très forte progression, de presque 10 %, entre 2017 et 2021, alors que le niveau des dotations est resté stable depuis 2016.
S'agissant du financement des aides à l'électrification rurale, porté par un compte d'affectation spéciale (CAS), les montants sont globalement stables, à 360 millions d'euros, mais 2 millions d'euros supplémentaires ont été alloués à la transition énergétique et aux appels à projets innovants dans les zones non-interconnectées.
Récemment, un rapport de la Cour des comptes a porté un jugement sévère sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (Facé) », relevant une gestion défaillante qui ne permet pas d'évaluer l'efficacité des crédits, tout en soulignant que, du fait de l'inflation, les crédits affectés sont insuffisants par rapport aux enjeux. Je partage ce dernier point, même si les 50 millions d'euros supplémentaires inscrits dans le plan de relance en 2021, qui seront engagés d'ici la fin de l'année, sont une première réponse.
Enfin, je termine ce tour d'horizon avec le programme 162, dont les CP sont en baisse de 40 % et les AE en hausse de 7,5 %, si l'on inclut les fonds de concours attribués au programme en cours de gestion.
Ces évolutions résultent principalement d'un redimensionnement du plan de transformation et d'investissement pour la Corse, d'une hausse du soutien à l'investissement en Guyane ainsi que de la création d'une nouvelle action pour lutter contre la prolifération des algues sargasses aux Antilles. Cette dernière action est dotée de 5 millions d'euros pour 2023 et devrait au total mobiliser 40 millions d'euros sur 5 ans, à la fois sur un volet préventif et curatif. En Guadeloupe, 14 communes sont concernées et 9 communes le sont en Martinique.
Au cours des précédents exercices budgétaires, j'ai concentré mon travail sur cinq sujets principaux : l'extinction programmée par le Gouvernement de la prime d'aménagement du territoire (PAT), la création de l'ANCT, le nouveau plan chlordécone dans les Antilles pour 2021-2027 et la reconquête de la qualité des cours d'eau dans la région Pays de la Loire et, bien sûr, les zones de revitalisation rurale (ZRR).
Cette année, je concentrerai mon propos sur quatre remarques.
D'abord, l'État doit veiller à ne pas fragiliser l'ANCT et à ce que ses opérateurs partenaires jouent le jeu de la coordination et de la rationalisation.
Les crédits inscrits dans le budget 2023 sont stables pour l'ANCT, alors même que l'agence assume un nombre croissant de missions, à l'image de la gestion du fonds « France très haut débit », doté de 3 milliards d'euros et qui est transféré sans renfort humain, mais aussi à l'image du plan Avenir montagnes, des programmes de revitalisation, etc.
De même, la hausse du plafond d'emplois est une mesure de pure cohérence, puisqu'il s'agit en réalité d'intégrer à l'agence des postes conçus pour exercer des missions nouvelles ou pour internaliser des missions exercées précédemment par des partenaires extérieures. En outre, elle est confrontée à de vraies difficultés d'attractivité pour le recrutement.
Depuis sa création, l'ANCT a été saisie de 1 080 projets, dont les deux tiers émanent de communes. La moitié des collectivités ayant eu recours à l'agence ont une population inférieure à 3 500 habitants. Au 30 septembre 2022, près de 15 millions d'euros ont été engagés au titre du budget ingénierie de l'année sur 20 millions d'euros, et pour 2023, il est prévu de reconduire cette somme de 20 millions d'euros. Or, d'après les informations qui m'ont été communiquées au cours des auditions, l'agence se trouve dans une situation financière critique, avec une incapacité structurelle à financer les missions qui lui sont confiées au fil de l'eau par l'État et pour intervenir à la demande de ses partenaires.
Si la faiblesse des dépenses réalisées en 2020 du fait de la pandémie a permis à l'agence d'étaler son action et le décaissement des crédits, l'ANCT risque en 2023 de ne pouvoir assumer que des paiements liés à des engagements antérieurs ou, pire, de piocher sur la ligne dédiée à l'ingénierie « sur mesure » pour financer du fonctionnement !
Toutefois, je ne vous proposerai pas d'amendement sur ce sujet, car je considère qu'il y a des marges de manoeuvre à moyens constants. À cet égard, je rappelle que l'ANCT est liée à des opérateurs partenaires que sont le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) par le biais de conventions dont l'existence a été inscrite dans la loi. Après une première phase de trois ans, ces conventions doivent être révisées. Aussi, je considère que cette révision doit être l'occasion de remettre sur la table le sujet de la coopération entre ces opérateurs et de la mise en cohérence de leurs actions avec l'ANCT, y compris dans une perspective plus large de réforme de la gouvernance de ces opérateurs et de rationalisation de leur périmètre d'intervention.
Il pourrait être intéressant que ces nouvelles conventions, qui seront finalisées fin 2023 ou début 2024 soient présentées officiellement aux commissions compétentes du Parlement, et que nous creusions ce sujet au Sénat.
L'ANCT ne peut pas durablement devenir une caisse alimentée au coup par coup par des financements dispersés et ne s'intégrant pas dans une stratégie construite avec les opérateurs que j'ai cités.
Deuxième sujet : le réseau des maisons France Services est en phase de stabilisation, mais il faudra amplifier ce mouvement, comme je le disais déjà l'an dernier.
Nous atteindrons prochainement le nombre de 2 600 structures labélisées, dont les deux tiers sont portés par les collectivités et permettent désormais à 100 % de la population d'être à moins de 30 minutes d'une maison France Services, ce qui reste toutefois important et nécessite un développement supplémentaire du réseau. On compte également 127 bus « France Services » déployés à ce jour.
En outre, le Président de la République a annoncé, le 10 octobre dernier, l'ouverture ou plutôt la réouverture de six sous-préfectures, et une soixantaine d'opérations de relocalisations de services publics ont été décidées ces dernières années, concernant 7 500 agents et 50 départements.
Par ailleurs, un premier plan de renforcement de l'administration territoriale de l'État se dessine, avec une annonce de 350 emplois supplémentaires d'ici 2027.
La prise de conscience sur l'importance du sujet de l'accès aux services publics en ruralité progresse.
Toutefois, cette annonce ne pourra pas compenser la réduction de 14 %, soit 11 000 postes supprimés, qui a été décidée et menée entre 2012 et 2020 pour l'administration territoriale de l'État.
À cet égard, je partage la plupart des 25 propositions récemment formulées par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) sur le réseau France Services, qui poussent à une augmentation du nombre de sites labélisés, et, surtout, au renforcement des liens avec les services des communes.
Je partage également les orientations définies par mon collègue Bernard Delcros, dans son rapport de juillet 2022 sur le financement du réseau France Services. Avec un coût de fonctionnement annuel moyen de 110 000 euros, le reste à charge moyen pour un porteur de projet, une fois décompté le forfait de 30 000 euros mis par l'État et les opérateurs, est de 80 000 euros et même davantage pour une structure portée par le service postal, soit 75 % du coût, ce qui reste important.
Notre collègue Bernard Delcros proposait ainsi de porter le financement forfaitaire à 50 000 euros, soit une hausse de 20 000 euros par maison pour un coût total de 25 millions d'euros pour l'État et 25 millions d'euros pour les opérateurs sur la base de 2 500 structures France Services. Un amendement procédant à la moitié de l'augmentation proposée a été adopté dans le deuxième PLFR pour 2022 il y a quelques jours, à l'initiative de Bernard Delcros ; je soutiendrai les initiatives de même nature.
Dans le contexte de la création de « France Travail », il me semble également nécessaire de renforcer les liens entre France Travail et France Services, pour mieux traiter les problématiques d'emploi, au plus près des territoires. C'est une nécessité pour enfin territorialiser notre politique de soutien à l'emploi et permettre la rencontre entre les besoins des employeurs et les recherches des demandeurs d'emplois.
Troisième sujet : comme l'an dernier, je regrette le faible dynamisme de l'action de l'État sur la reconquête de la qualité des cours d'eau dans les Pays de la Loire.
Cette action ne bénéficie que de 700 000 euros depuis trois ans alors qu'il faudrait massivement accompagner les agriculteurs dans leur transition et que seulement 11 % des masses d'eau régionales apparaissent en bon état. La région a besoin d'être soutenue de façon plus volontariste par l'État sur ce sujet difficile. Je vous proposerai un amendement sur ce sujet.
Enfin, un mot des 25 dépenses fiscales portées par le programme 112, ce qui me permettra d'aborder la question des zonages.
Ces dépenses fiscales représentent 700 millions d'euros et une grande partie est imputable à des exonérations en faveur de la Corse. Sur ce total, les zones de revitalisation rurale (ZRR) représentent environ 300 millions d'euros et bénéficient à un peu plus de 33 000 entreprises. Comme vous l'avez entendu lors des auditions du ministre Christophe Béchu et de la secrétaire d'État à la ruralité Dominique Faure, nous aurons l'occasion de travailler sur ce sujet prochainement.
Parmi ces dépenses fiscales, deux zonages créés par la loi de finances pour 2020, sur proposition du Gouvernement retiennent mon attention : les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (Zorcomir) et les zones de revitalisation des centres-villes (ZRV). Faute d'une compensation suffisante de la part de l'État - les exonérations portent sur les impôts fonciers compensées seulement à 30 % -, ces deux dispositifs pourtant intéressants n'ont eu que trois bénéficiaires... alors même que nous connaissons tous des chefs d'entreprises ou des artisans qui ont besoin de ce type de soutien.
Ces éléments montrent qu'il est grand temps de remettre à plat nos zonages de soutien à l'attractivité et au développement rural.
À ce sujet, je regrette encore une fois la disparition de la prime d'aménagement du territoire (PAT), qui constituait un dispositif complémentaire puissant, en s'adressant à des activités industrielles. Il faudra réfléchir à se doter d'un instrument spécifique au soutien à la relocalisation industrielle lors de la révision des zonages.
Je terminerai en évoquant les amendements que je propose à la commission d'adopter.
D'abord, dans le prolongement des travaux de notre commission menés en 2019, par Hervé Maurey, Patrick Chaize et Michel Dagbert, et en 2022, par Bruno Belin, sur le sujet des ponts et des ouvrages d'art, nous vous proposerons, avec mon collègue Hervé Gillé, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux transports routiers, trois amendements pour mettre des moyens à la hauteur des enjeux sur ce sujet essentiel. Ces amendements reprennent les conclusions du rapport de suivi de Bruno Belin de juin dernier, qui a identifié l'important retard accumulé à la fois sur le diagnostic des ouvrages en mauvais état et sur leur réparation.
Ensuite, je vous proposerai un amendement modeste, d'un montant de 1 million d'euros, pour faire en sorte que l'État s'investisse davantage dans la reconquête de la qualité des cours d'eau dans la région Pays de la Loire, compte tenu du fait que cette action est très peu dotée depuis sa création et ne présente pas encore de résultats satisfaisants, alors qu'il s'agit d'un sujet central pour la qualité de vie de nos concitoyens, pour la transition écologique et pour l'adaptation au changement climatique.
En conséquence, j'émets un avis d'abstention à l'adoption des crédits des programmes 112 et 162 de la mission « cohésion des territoires », 119 et122 de la mission « relations avec les collectivités territoriales » et du compte d'affectation spéciale « Facé » compte tenu des difficultés de fonctionnement de l'ANCT et du contexte d'inflation.
Toutefois, si le Gouvernement acceptait les amendements sur les ponts que nous proposerons collectivement, et je salue notre collègue Bruno Belin ici présent, je serais favorable à l'adoption des crédits de la mission « cohésion des territoires ».
Réduction à la source, recyclage et valorisation, je ne parle pas des déchets ménagers, mais bien des subventions de l'État aux collectivités territoriales.
Réduction à la source d'abord : l'inflation n'est pas prise en compte pour le calcul de la DETR et de la DSIL. Les élus sont inquiets des effets de l'explosion du coût de l'énergie sur la section de fonctionnement de leur budget. Certains envisagent de geler leurs programmes d'investissements en 2023. Cette tendance a déjà débuté, car le volume des travaux commandés dans les appels d'offres baisse. Finalement, si les communes n'investissent plus, l'enveloppe de la DETR et de la DSIL sera peut-être suffisante !
Recyclage de crédits ensuite : je siège à la commission d'élus de la DETR de la Saône-et-Loire et j'ai parfois l'impression que cette dotation peut servir un peu à tout... Il est ainsi question de mobiliser la DETR et la DSIL pour financer des travaux d'adduction d'eau et d'assainissement pour compenser la faiblesse des crédits des agences de l'eau ; évidemment, cela se ferait au détriment des autres programmes d'investissement...
Quant à la valorisation, il s'agit beaucoup de communication de la part du Gouvernement. Celui-ci annonce de grands projets, comme le programme Petites Villes de demain, mais là encore, pour le financement, il renvoie à la DETR et à la DSIL.
La proposition d'abstention de notre rapporteur reflète ses inquiétudes. Je partage sa position.
Nous manquons d'informations sur le fonds vert. À quoi est-il destiné ? Comment fonctionnera-t-il ? Pourriez-vous nous donner des précisions ?
L'ANCT est dans une situation financière critique. C'est préoccupant. Cette agence était conçue comme outil au service des petites communes dépourvues d'ingénierie.
Je voterai votre amendement visant à faire en sorte que l'État s'investisse davantage dans la reconquête de la qualité des cours d'eau dans la région Pays de la Loire, car la qualité de l'eau est inquiétante.
Vous préconisez une abstention sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires », mais votre position évoluera-t-elle si vos amendements sur les ponts sont adoptés ?
Je voterai aussi l'amendement sur la qualité de l'eau dans la région Pays de la Loire.
Comme cela a été justement pointé, les crédits alloués au Facé sont insuffisants par rapport aux enjeux. Je profite de ce débat pour relayer les inquiétudes des syndicats d'énergie. Ils ont vraiment besoin de continuité dans le soutien à la sécurisation et au renforcement des réseaux, à la transition énergétique et à l'investissement dans les énergies renouvelables, ainsi qu'à la réaffirmation des principes de péréquation entre l'urbain et le rural. Un lien doit s'établir entre le Facé et les aides à l'investissement et au fonctionnement.
Nous avons voté hier, à la quasi-unanimité, pour la douzième fois peut-être, la dotation « climat » pour les collectivités. Contrairement à ce qui est prévu avec le fonds vert, il s'agit une dotation systématique et de fonctionnement. On fait confiance aux collectivités pour trouver les meilleures solutions et définir leur plan climat-air-énergie territorial (PCAET) et leur stratégie climat. Le fonctionnement du fonds vert n'est pas très clair ; on annonce 200 millions d'euros pour l'ingénierie, mais ceux-ci seront distribués via de nombreux canaux différents.
Au-delà de notre vote unanime de posture, nous avons l'opportunité de négocier avec le Gouvernement afin de transférer une partie du fonds vert vers la dotation « climat ». Ce serait un message de soutien aux territoires et cela favoriserait la mise en place des PCAET. Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) pourraient servir de cadre à la contractualisation.
Je partage votre analyse sur la DSIL et la DETR. Les collectivités ont bénéficié du plan de relance, des crédits importants ont été alloués. Beaucoup de collectivités ayant prévu de lancer leur programme de travaux en 2023 risquent de devoir les reporter.
Le fonds vert va-t-il apporter des soutiens aux collectivités dans certains cas, notamment quand il s'agit de crédits dédiés à la transition énergétique, en complément de la DSIL et de la DETR ? Aujourd'hui, personne n'en sait rien. Au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, on sent bien que tous les secrétaires d'État vont se partager le fonds vert ; et l'ANCT va également en bénéficier pour certaines missions d'ingénierie. Il serait utile de demander au Gouvernement des précisions sur l'application de ce fonds vert. Son montant de 2 milliards d'euros va donner des espoirs. Il s'agit de veiller à ce que la distribution ne soit pas « atomisée » et qu'elle s'inscrive dans le cadre d'une véritable politique de transition énergétique. Ce fonds vert devrait être réservé à la ruralité.
Je remercie Joël Bigot pour son soutien à l'amendement sur l'eau. La Loire à Angers est extrêmement polluée et il convient de trouver une solution. Il est important d'envoyer un message fort, afin de montrer que la qualité de l'eau est aujourd'hui un enjeu primordial.
Je partage la remarque de Guillaume Chevrollier sur le Facé.
Mon inquiétude concernant l'ANCT est que les opérateurs partenaires lui demandent de financer leurs études. Or, le rôle de l'ANCT est d'aider les collectivités dans l'accès à l'ingénierie et dans leurs investissements, pas de financer les opérateurs. Nous ne pouvons pas accepter cette inversion des rôles, il conviendra de revoir le fonctionnement dans le cadre des conventions présentées en 2024 ; c'est aux opérateurs partenaires d'apporter leur soutien à l'ANCT - à travers du personnel ou des financements - pour lui permettre de répondre aux demandes des territoires.
Lorsque nous avions auditionné Caroline Cayeux, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, je l'avais interrogée sur la répartition des crédits du fonds vert ; elle ne m'avait pas répondu. Elle avait également assuré que ce fonds serait dédié à des projets venant des communes, sans appels à projets. Je m'inquiète de savoir comment va se diffuser l'information dans les territoires. Quand j'évoque l'ANCT devant des élus, certains ne savent déjà pas de quoi je parle. Y aura-t-il une répartition départementale ? Quels types de projets seront concernés ? La ministre avait évoqué la rénovation des bâtiments et la renaturation des cours d'école.
J'apporte mon soutien total à l'amendement sur la qualité de l'eau.
Il incombe aux préfets de faire la promotion de l'ANCT auprès des élus.
Concernant le fonds vert, je crains que les ministères se disputent les 2 milliards d'euros afin de financer leurs propres actions. Nous avons besoin de précisions pour savoir comment cela se passera dans les territoires.
Je vous propose d'interroger le Gouvernement lors de l'examen des crédits sur l'affectation des crédits du fonds vert. Il est important d'obtenir des clarifications sur ce fonds, son fonctionnement et ses modalités.
N'aurait-on pas intérêt à entendre Antoine Pellion, le secrétaire général à la planification écologique ? Nous pourrions évoquer avec lui le fonds vert et l'articulation des dispositifs, y compris ceux à venir dans le cadre de la loi sur les énergies renouvelables.
C'est une idée à laquelle nous allons réfléchir.
Je laisse notre rapporteur nous présenter ses trois amendements.
L'amendement II-360 vise à augmenter de 1 million d'euros pour 2023 le montant des financements mobilisés par l'État pour l'action 11 « Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire » du programme 162.
L'amendement II-360 est adopté.
Avec Hervé Gillé, nous vous proposons d'adopter l'amendement II-361, qui vise à créer un nouveau programme budgétaire au sein de la mission « Cohésion des territoires ». Il renforce à hauteur de 40 millions d'euros le programme national ponts (PNP) sur le volet de l'évaluation approfondie des ouvrages des collectivités territoriales présentant des problèmes de sécurité sur le seul périmètre couvert par le PNP, c'est-à-dire 40 000 ouvrages. En 2022, notre commission a estimé que 90 millions d'euros étaient nécessaires afin de procéder à ces diagnostics approfondis.
Il s'agit d'un très bon amendement. Les élus en seront satisfaits, car ils ont tous des ponts, mais pas tous de l'argent !
L'amendement II-361 est adopté.
L'amendement II-362, présenté également avec Hervé Gillé, crée un nouveau programme budgétaire au sein de la mission « Cohésion des territoires ». Doté de 60 millions d'euros, il vise à soutenir les collectivités territoriales dans l'entretien et la réparation de leurs ponts.
L'amendement II-362 est adopté.
La commission a émis un avis d'abstention concernant l'adoption des crédits des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État » de la mission « Cohésion des territoires », des programmes 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » et 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ainsi qu'à ceux du Compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
La réunion est close à 11 h 50.